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La Controverse de Valladolid Jean-Claude Carrière Biographie de l’auteur Jean-Claude Carrière est né le 17 septembre 1931 dans l’Hérault. Après une licence de lettres et un diplôme d’histoire, il se dirige pourtant rapidement vers le dessin et l'écriture. Il publie son premier roman intitulé Lézard en 1957, mais c’est par son œuvre scénaristique qu’il connaît sa grande renommée. Il collabore, en effet, pendant dix-neuf ans avec Buñuel et signe les scénarios de la plupart des films de sa période. Ainsi, Ecrivain, scénariste et à ses heures acteur et réalisateur, Jean-Claude Carrière est un artiste complet qui vogue entre cinéma et littérature . L'œuvre de Carrière est marquée par un humour acerbe, une attention aux absurdités de la vie et une défiance particulière envers les figures de l'autorité. Présentation du livre La Controverse de Valladolid est un roman historique de Jean-Claude Carrière paru en 1992 se basant sur des faits historiques situés vers 1550, soixante ans après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. L'auteur tient à préciser en note préliminaire que son livre ne retranscrit en aucun cas des faits réels, il est une interprétation romancée de faits historiques. Résumé : Après avoir évoqué les interrogations suscitées par la découverte des peuples nouveaux en Inde, l’auteur fait l’historique des événements liés à la conquête du nouveau monde : les Espagnols découvrent l’Inde et ses habitants à la culture bien différente de la leur. Rapidement, ils tirent grand profit de ces colonies et cela aboutit à l’esclavage et au massacre d’un grand nombre d'Indigènes. Il dresse par la suite le portrait des deux hommes, qui seront les deux protagonistes de l’œuvre : Le philosophe Juan Ginés de Sépulvéda et le prêtre dominicain Bartolomé de Las Casas. Ces deux hommes ont des idées radicalement opposées : pour Sepulvéda, la guerre faite aux peuples nouveaux est justifiée alors que Las casas défend vivement leurs droits et dénonce les pratiques des colons espagnols. La suite du roman rapporte directement leur débat. C’est en 1550, à la demande du roi espagnol Charles Quint, que la confrontation doit se tenir à Valladolid. Une question fondamentale va être débattue : les Indiens du Nouveau-Monde sont-ils nos semblables ? En conséquence, méritent-ils d’être traités comme des humains ou sont-ils nés pour être soumis ? La décision du légat du pape, le cardinal Roncieri venu spécialement de Rome, mettra fin au débat et sera irrévocable. La controverse se divise en plusieurs étapes. Tout d'abord, Las Casas dénonce les atrocités que font subir les colons espagnols aux indiens. S'en suit un discours de Sepùlveda où il soutient qu’il existe dans le monde des sous-catégories d’humains, faites pour être dominées : les Indiens sont nés pour être des esclaves. De même, il affirme que cette guerre est voulue par Dieu et qu'elle est donc juste et nécessaire. Ainsi les plaidoiries des deux antagonistes réfutent à chaque fois la thèse de l'autre. Puis, le cardinal Roncieri fait venir quatre indiens pour qu’ils puissent être examinés et que la décision soit plus facile à prendre : sont-ils ou non des êtres humains ? S’en suit ainsi une série d’expériences menées à cette fin : on les dévisage, les touche, les sent, pour tester leurs émotions, on détruit une de leurs idoles, menace leur enfant…etc. De même, le légat du pape décide de tester leur humour en s’appuyant sur la thèse suivante « le rire est le propre de l’homme ». Pour cela, il fait venir des bouffons et épie chacune de leurs réactions pendant le spectacle. Pour finir le légat du Pape donne raison à Bartolomé de Las Casas. Il reconnaît au nom du Pape

La Controverse de Valladolid

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La Controverse de Valladolid Jean-Claude Carrière

Biographie de l’auteur Jean-Claude Carrière est né le 17 septembre 1931 dans l’Hérault. Après une licence de lettres et un diplôme d’histoire, il se dirige pourtant rapidement vers le dessin et l'écriture. Il publie son premier roman intitulé Lézard en 1957, mais c’est par son œuvre scénaristique qu’il connaît sa grande renommée. Il collabore, en effet, pendant dix-neuf ans avec Buñuel et signe les scénarios de la plupart des films de sa période. Ainsi, Ecrivain, scénariste et à ses heures acteur et réalisateur, Jean-Claude Carrière est un artiste complet qui vogue entre cinéma et littérature. L'œuvre de Carrière est marquée par un humour acerbe, une attention aux absurdités de la vie et une défiance particulière envers les figures de l'autorité. Présentation du livre La Controverse de Valladolid est un roman historique de Jean-Claude Carrière paru en 1992 se basant sur des faits historiques situés vers 1550, soixante ans après la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. L'auteur tient à préciser en note préliminaire que son livre ne retranscrit en aucun cas des faits réels, il est une interprétation romancée de faits historiques. Résumé : Après avoir évoqué les interrogations suscitées par la découverte des peuples nouveaux en Inde, l’auteur fait l’historique des événements liés à la conquête du nouveau monde : les Espagnols découvrent l’Inde et ses habitants à la culture bien différente de la leur. Rapidement, ils tirent grand profit de ces colonies et cela aboutit à l’esclavage et au massacre d’un grand nombre d'Indigènes. Il dresse par la suite le portrait des deux hommes, qui seront les deux protagonistes de l’œuvre : Le philosophe Juan Ginés de Sépulvéda et le prêtre dominicain Bartolomé de Las Casas. Ces deux hommes ont des idées radicalement opposées : pour Sepulvéda, la guerre faite aux peuples nouveaux est justifiée alors que Las casas défend vivement leurs droits et dénonce les pratiques des colons espagnols. La suite du roman rapporte directement leur débat. C’est en 1550, à la demande du roi espagnol Charles Quint, que la confrontation doit se tenir à Valladolid. Une question fondamentale va être débattue : les Indiens du Nouveau-Monde sont-ils nos semblables ? En conséquence, méritent-ils d’être traités comme des humains ou sont-ils nés pour être soumis ? La décision du légat du pape, le cardinal Roncieri venu spécialement de Rome, mettra fin au débat et sera irrévocable. La controverse se divise en plusieurs étapes. Tout d'abord, Las Casas dénonce les atrocités que font subir les colons espagnols aux indiens. S'en suit un discours de Sepùlveda où il soutient qu’il existe dans le monde des sous-catégories d’humains, faites pour être dominées : les Indiens sont nés pour être des esclaves. De même, il affirme que cette guerre est voulue par Dieu et qu'elle est donc juste et nécessaire. Ainsi les plaidoiries des deux antagonistes réfutent à chaque fois la thèse de l'autre. Puis, le cardinal Roncieri fait venir quatre indiens pour qu’ils puissent être examinés et que la décision soit plus facile à prendre : sont-ils ou non des êtres humains ? S’en suit ainsi une série d’expériences menées à cette fin : on les dévisage, les touche, les sent, pour tester leurs émotions, on détruit une de leurs idoles, menace leur enfant…etc. De même, le légat du pape décide de tester leur humour en s’appuyant sur la thèse suivante « le rire est le propre de l’homme ». Pour cela, il fait venir des bouffons et épie chacune de leurs réactions pendant le spectacle. Pour finir le légat du Pape donne raison à Bartolomé de Las Casas. Il reconnaît au nom du Pape

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et de l'Eglise toute entière que les Indiens ont une âme. Néanmoins, conscient des répercussions économiques de cette décision (les colons sont privés de cette main d’œuvre gratuite) il leur propose comme nouveaux esclaves le peuple africain. Ainsi, bien que la question du statut des indiens soit désormais réglé, la controverse ne fait que déplacer le problème sur un autre peuple. Thème du rire abordé : Le rire : un phénomène culturel ? Le rire des Indiens a été testé par le légat du pape, en les mettant face à un sketch des bouffons du roi. Or, ces derniers n’ont pas ri, ce qui pourrait confirmer la thèse de Sepulvéda : le rire est le propre de l’Homme, or les Indiens n’ont pas ri. Les Indiens sont donc dépourvus d’une âme humaine. Cependant, on se rend bien compte qu’il est nécessaire de prendre en compte le facteur culturel. Tout d’abord, il s’agit d’une situation comique fondée sur des stéréotypes occidentaux : la femme trompeuse et infidèle, le mari cocu qui ne s’aperçoit de rien et le moine paillard. Si les Indiens ne rient pas à l’occasion du spectacle des bouffons, c’est parce que ce rire suppose la connaissance d’un code culturel qui leur échappe. Le sketch n’est pas joué dans leur langue et de nombreuses références sont trop éloignés de leur culture, ne partageant par ailleurs pas la même religion. Ici, Jean-Claude Carrière a la volonté de souligner l’absurdité de cette expérience. En effet, la communication et le rire suppose le partage de références et de codes communs. Il existe ainsi des particularismes culturels qui dans certains cas bloque l’éventualité d’un rire commun. Dans la scène suivant cette expérience, on assiste à une chute du cardinal qui provoque alors le rire des Indiens. Ici, l’auteur montre qu’il existe tout de même une forme d’universalité du rire qui transcende les cultures. En effet, lorsqu’il trébuche et se retrouve par terre, le légat du pape est immédiatement décrédibilisé. Il y a un renversement de situation, car le cardinal, qui jusqu’à présent menait le jeu et avait donc une position de supériorité, en trébuchant, perd la face. Ainsi, cette situation provoque le rire des Indiens, car elle est fondée sur un comique universel. Le rire par l’absurde. Il me semble que l’auteur, en traitant d’un fait historique datant de plusieurs siècles, a voulu mettre en évidence, aujourd’hui, l’absurdité de la question posée. Les expériences menées sur les Indiens, les arguments de Sepulvéda , le dénouement avec le report de l’esclavagisme sur le peuple noir… tant d’éléments qui paraissent tellement grossiers qu’ils provoquent le rire. C’est un rire du non-sens, rire de l’absurdité d’une situation mais également rire de déception et de dégoût car ces questionnements relatent de faits réels. Pire encore, ils font échos à des faits très actuels tels que le rapport de supériorité, de profit qu’entretient encore les pays industrialisés par rapport aux pays sous développés.