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1 LA DECOLONISATION ET LA NAISSANCE DU TIERS MONDE 31 juillet 2014 Chap. 7 L’ACCESSION A L’INDEPENDANCE DU MONDE ASIATIQUE : LE CAS DE L’INDE L’entre-deux-guerres a vu la montée des nationalismes, tant en Inde, en Indochine, que dans le Maghreb, avec la volonté d’accéder à l’indépendance par la voie négociée ou par la force. La Seconde Guerre mondiale ébranle la puissance des métropoles, vaincues par l’Allemagne (France, Belgique, Pays- Bas) ou dont l’autorité n’est plus incontestable (Royaume-Uni confronté au Japon en 1942). Au lendemain de la guerre, les nationalismes se réveillent, d’autant plus que les colonies ont participé elles aussi au conflit, souvent contre la promesse d’évolutions institutionnelles. Le contexte de la guerre froide, et l’opposition des Etats-Unis et de l’URSS à la colonisation, le nouveau rôle de l’ONU (« droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »), changent la donne et contraignent les puissances coloniales à envisager la décolonisation. Celle-ci ne s’est pas faite simplement, comme le montrent faussement les images introduisant le chapitre dans le manuel (p. 270-271) d’une manière douce et négociée pour les Britanniques et par une valeureuse guerre d’indépendance contre les méchants Français par les Algériens, mais par des négociations, des luttes, des violences et un contexte international défavorable qui ont rendu la décolonisation inéluctable, notamment en Inde, « perle de l’empire » britannique, et en Algérie, dont le statut n’avait jamais été véritablement défini. I- RAPPEL SUR LA COEXISTENCE DES COMMUNAUTES RELIGIEUSES ET L’ETABLISSEMENT DE LA DOMINATION BRITANNIQUE EN INDE A- Des influences culturelles croisées Durant le II e millénaire av. J.-C. , il est probable 1 que des tribus de pasteurs parlant une langue indo-européenne envahissent le sous-continent à partir du nord-ouest. En s'installant dans la vallée gangétique , elles assimileraient les cultures précédentes. Aux IV e et V e siècles, le nord de l'Inde a été unifié sous la dynastie des Gupta . Cette période

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LA DECOLONISATION ET LA NAISSANCE DU TIERS MONDE 31 juillet 2014

Chap. 7

L’ACCESSION A L’INDEPENDANCE DU MONDE ASIATIQUE : LE CAS DE L’INDE

L’entre-deux-guerres a vu la montée des nationalismes, tant en Inde, en Indochine, que dans le Maghreb, avec la volonté d’accéder à l’indépendance par la voie négociée ou par la force. La Seconde Guerre mondiale ébranle la puissance des métropoles, vaincues par l’Allemagne (France, Belgique, Pays-Bas) ou dont l’autorité n’est plus incontestable (Royaume-Uni confronté au Japon en 1942). Au lendemain de la guerre, les nationalismes se réveillent, d’autant plus que les colonies ont participé elles aussi au conflit, souvent contre la promesse d’évolutions institutionnelles. Le contexte de la guerre froide, et l’opposition des Etats-Unis et de l’URSS à la colonisation, le nouveau rôle de l’ONU (« droit des peuples à disposer d’eux-mêmes »), changent la donne et contraignent les puissances coloniales à envisager la décolonisation. Celle-ci ne s’est pas faite simplement, comme le montrent faussement les images introduisant le chapitre dans le manuel (p. 270-271) d’une manière douce et négociée pour les Britanniques et par une valeureuse guerre d’indépendance contre les méchants Français par les Algériens, mais par des négociations, des luttes, des violences et un contexte international défavorable qui ont rendu la décolonisation inéluctable, notamment en Inde, « perle de l’empire » britannique, et en Algérie, dont le statut n’avait jamais été véritablement défini.

I- RAPPEL SUR LA COEXISTENCE DES COMMUNAUTES RELIGIEUSES ET L’ETABLISSEMENT DE LA DOMINATION BRITANNIQUE EN INDE

A- Des influences culturelles croisées

Durant le II e   millénaire   av.   J.-C. , il est probable1 que des tribus de pasteurs parlant une langue indo-européenne envahissent le sous-continent à partir du nord-ouest. En s'installant dans la vallée gangétique, elles assimileraient les cultures précédentes. Aux IV e et V e  siècles, le nord de l'Inde a été unifié sous la dynastie des Gupta. Cette période est considérée en Inde comme un âge d'or, la civilisation hindoue ayant atteint un apogée inconnu jusqu'alors. La conquête musulmane débute en 712 avec la prise du Sind par Muhammad ibn al-Qasim qui l'établit comme sa base stratégique2. La poursuite de l'invasion dans le Nord de l'Inde échoue pendant trois siècles face aux troupes des rois hindous2.

Aux Xe et XIe siècles, des Turcs et des Afghans envahissent l'Inde et établissent des sultanats. Du XIe siècle au XVe siècle, l'Inde du Nord est dominée par les sultans turco-afghans (sultanat de Delhi), et l'Inde méridionale par les dynasties hindoues Chola et du Vijayanâgara. Durant cette période, les deux mondes - l'hindou dominant et le musulman conquérant - vont se mélanger et connaître des influences culturelles croisées.

L’empire Moghol est fondé en Inde par Bâbur, le descendant de Tamerlan, en 1526, lorsqu'il défait Ibrahim Lodi, le dernier sultan de Delhi à la bataille de Pânipat.

B- L’expansion européenne et la conquête britannique (1765-1858)

1- L’expansion européenne

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En mai 1498, trois caravelles commandées par Vasco de Gama arrivent à Calicut, au Malabar, qui est le principal port indien du commerce des épices. En 1510, GoaW devient la capitale de l’Empire portugais des Indes qui comprend l’ensemble des côtes occidentales et le Bengale (1536). Dans les années 1540, l’arrivée des Jésuites est suivie des premières destructions de temples hindous et des premières conversions imposées. Goa se couvre de grandes églises et devient le centre de l’action missionnaire chrétienne en Asie.

Les marchands des grandes puissances économiques de l’Europe sont attirés par l’Inde dès le début du XVIIe siècle, séduits par les profits réalisés par les Portugais. Des marchands anglais reçoivent en 1600 l’autorisation royale de fonder une compagnie à capitaux privés, ayant le monopole du commerce entre l’Angleterre et l’Asie : l’East India Company. Le premier avant-poste anglais en Asie du Sud a été établi en 1619 à Surat sur la côte du nord-ouest de l'Inde. Plus tard au cours du même siècle, la British East India Company ouvre des comptoirs de commerce permanents à Madras, Bombay et Calcutta, sous la protection des dirigeants indigènes. Les Britanniques sont imités sur cette voie en 1602 par les Hollandais, puis en 1664 par les Français avec la Compagnie française des Indes orientales.

La rivalité entre la France et l’Angleterre est de plus en plus exacerbée. Après la guerre franco-anglaise (1744-1763), il ne reste aux Français que cinq comptoirs : Chandernagor, Karikal, Mahé, Pondichéry et Yanaon.

2- La conquête britannique

A partir de 1765, la Compagnie anglaise reçoit de l’empereur moghol le pouvoir de lever l’impôt et de rendre la justice civile au Bengale1; le nawab du Bengale conservant les prérogatives de défense et la justice criminelle. Mais très vite, la réalité du pouvoir est aux mains des Anglais.  Avec l’arrivée en 1798 de Richard Wellesley comme gouverneur général de l’Inde, un plan de conquête est mis en œuvre et, à la fin du XIXe siècle, l’Inde et la Birmanie sont anglaises. La pénétration britannique, qui commence en 1765 au Bengale, est toutefois lente et progressive. En 1857, les Cipayes (troupes indigènes sous commandement britannique) se mutinent2 et l’insurrection gagne vite la vallée du Gange; elle est violemment écrasée avec une aide militaire de la métropole. Suite à cette rébellion, en Inde du Nord, le Parlement britannique transfère le pouvoir politique de la Compagnie des Indes orientales à la couronne. Dorénavant, le Royaume-Uni administre directement la majeure partie de l'Inde, tout en contrôlant le reste par des traités signés avec les dirigeants locaux. Le gouvernement colonial est supervisé depuis Londres par l’India Office (véritable ministère de l’Inde).

A partir de 1861, le gouverneur général porte le titre de vice-roi et réside à Calcutta jusqu’en 1911, puis ensuite Delhi. En 1877, la reine Victoria est proclamé impératrice des Indes. On 1 Très vite ils prennent le contrôle du Bengale dont ils pillent le trésor. Les Britanniques monopolisent le commerce. Les artisans bengalis sont obligatoirement rattachés aux manufactures de la Compagnie, et doivent remettre la production à des prix minimum.2 La révolte des cipayes qui sera déclenchée sur une rumeur concernant des cartouches lubrifiées à la graisse de vache et de porc que les cipayes devaient mordre avant de les glisser dans leurs fusils. Ce soulèvement devait durer un an et demi et être brutalement réprimé. Si beaucoup d'Indiens se soulevèrent, de nombreuses communautés et états restèrent neutres alors que d'autres se joignirent aux Britanniques.Cet échec eut comme conséquence une prise de conscience politique par les Indiens et le changement radical de gouvernance des Indes, le remplacement de la Compagnie des Indes par un vice-roi rattaché à La Couronne britannique en 1858. La nouvelle politique mise en place se résume à cette maxime : "diviser pour régner".

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désigne cet empire du terme anglo-indien de Raj (souveraineté). A côté des territoires administrés par Londres subsistent 562 États princiers (couvrant un tiers du territoire et abritant le quart de la population) sous surveillance politique étroite de l’administration britannique.

Vers 1900, sur une population totale de 300 millions, la population britannique représente 80.000 civils et les 65.000 militaires (plus de la moitié des troupes terrestres britanniques). L’Inde ne connait pas de développement économique entre 1800 et 1947.

II. LA CONTESTATION DE LA DOMINATION BRITANNIQUE

A- La dénonciation des inégalités conduit au nationalisme

L’Empire des Indes est le « joyau de la couronne britannique » et englobe un grand nombre de territoires. Le statut inégalitaire entre colons britanniques et Indiens, le poids des taxes, le peu de pouvoirs laissés par le système de l’Indirect Rule conduit au développement de mouvements nationalistes, comme le Parti du Congrès. Gandhi prend la tête de ce parti en 1915 et commence une campagne de désobéissance civile.

En effet, Les Indes représentent une zone de prospérité financière pour les 120 000 colons anglais qui développent l’exploitation des mines de charbon, de fer, la culture du thé, du café et du coton. Ils transforment également les villes et construisent un réseau de chemin de fer. Il ne faut pas cependant exagérer l’importance de la colonie dans le commerce anglais, puisque l’Inde ne représente qu’à peine 1% du PIB britannique entre les deux guerres mondiales.

Les indes britanniques constituent un vaste territoire aux ressources naturelles immenses. Ces dernières conjuguées à la taille démographique qui en fait un important marché de consommation font considérer l'Inde comme la « perle » de l'empire colonial britannique.Pour asseoir sa domination, l'Angleterre s'appuie sur la diversité linguistique et religieuse, sur l'organisation sociale en castes fermées et sur le nombre très important de principautés.En plus, le système colonial qui met en avant l'exploitation économique maximale de la colonie, entraîne, à partir de la fin du 19e siècle, la contestation du régime. Cette contestation est, au début, animée par des intellectuels indiens, frappés par le chômage et qui demandaient ainsi la protection de l'industrie locale et la participation des cadres indiens à l'administration territoriale de la colonie. Ces intellectuels fondent alors le Parti du Congrès National Indien (Indian National Congress Party) en 1885 pour mieux mener leur combat politique

B- Le développement de mouvements nationalistes

A partir des années 1870, des revendications politiques se développent parmi la petite élite d’Indiens anglicisés3, qui retournent contre les colonisateurs les principes libéraux,

3 On peut citer Mohandas Karamchand Ganghi (1869-1948)Issu d'une famille hindoue de la caste des commerçants, Gandhi fut marié à l'âge de treize ans à une fillette analphabète. En 1888, Gandhi est envoyé en Angleterre pour étudier afin de succéder à son père comme premier ministre d'une petite principauté au nord de Bombay. A Londres, Il devint avocat malgré sa timidité maladive et son malaise dans ce milieu sophistiqué du barreau londonien. Son retour en Inde fut un échec, incapable de plaider à cause de sa timidité. Aussi il partit en Afrique du Sud pour le procès d'un parent éloigné. Dans un train, confronté personnellement à la ségrégation raciale, il décida de mener la lutte contre l'injustice raciale. C'est durant cette lutte qu'il expérimenta la non-violence et la désobéissance civile qui lui valut de nombreux emprisonnements. Alors qu'il était prospère, il fit aussi voeux de renoncer à tous les biens matériels pour mener

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démocratiques et constitutionnels, que ces derniers leur avaient enseignés. Pour canaliser ces velléités4, un fonctionnaire britannique (A. O Hume) eut l'idée de créer une organisation politique indienne qui va jouer un rôle majeur par la suite : le "Congrès national indien". En effet, en 1885 est créée une organisation politique appelée le Congrès national indien, qui devient très vite un groupe de pression sur le gouvernement colonial et deviendra plus tard le Parti du Congrès. Ce mouvement d’émancipation est dirigé par TILAK, un brahman5 inspirateur du programme politique plus radical du parti et ANNIE BESANT, une indienne d'origine anglaise acquise à la culture et à la cause indiennes.

Déjà en 1905, le gouvernement britannique procède à la partition du Bengale en deux entités. Les Hindous sont frustrés par ce partage (mesure favorable aux musulmans) ; ce qui provoqua des troubles et le boycott des produits anglais par les Indiens, suivis d’une sévère répression. Un clivage entre élites hindoues et musulmanes apparait au début du XXe siècle : les musulmans fondent en 1906 la Ligue musulmane pour défendre les droits de la minorité de musulmans indiens et dont Jinnah devient le leader en 1916.

Pour freiner l'essor du nationalisme, le gouvernement britannique met en place des assemblées d'élus indiens aux pouvoirs limités6, cependant le mécontentement perdure7 face aux discriminations dont font l'objet les Indiens. Ainsi, les réformes MORLEY-MINTO de 1909 qui permettent une participation restreinte des indigènes à l'administration des provinces sont jugées insuffisantes.

En 1915, Mohandas Gandhi revient d'Afrique du Sud où il a expérimenté des formes de résistance non-violente face à la ségrégation raciale dont sont victimes ses compatriotes. Dans

une vie d'ascète. En 1915, après un séjour de 21 ans en Afrique du Sud, il retourna en Inde alors qu'il avait quarante-quatre ans pour mener la lutte pour l'indépendance de l'Inde. Menant une vie d'ascète, filant le coton, toujours au contact des plus démunis, il alterna persuasions, jeûnes, campagnes de désobéissance civile, actions non-violentes. Il fut l'un des interlocuteurs incontournables de l'indépendance. Rejetant la partition, il ne put s'y opposer, mais par sa présence à Calcutta il évita les massacres d'ampleur comme ceux qui ont eu lieu au Penjab. En 1948, il fut assassiné par une extrémiste hindou.Jawaharlal Nehru (1889-1964)Né dans une famille aristocratique de brahmanes du Cachemire, il partit faire ses études en Angleterre à l'âge de seize ans. Doté d'une aisance naturelle, il revint en Inde après sept années agréables, occidentalisé. Ayant eu sa candidature refusée dans un club britannique à cause de son origine indienne, il rejoignit le parti du Congrès et mena la lutte pour l'indépendance qui lui dut la prison à plusieurs reprises. Malgré sa grande admiration pour Gandhi, il était idéaliste, non-croyant et moderniste. Rejetant la partition comme Ghandi, il dut s'y résoudre devant l'intransigeance de Jinnah. Nehru fut le premier chef du gouvernement de l'Inde en 1947.Muhammad Jinnah (1876-1948)Né dans une famille musulmane, Jinnah partit faire ses études en Angleterre à l'âge de seize ans. Il revint en Inde avec son diplôme de droit en 1896, métamorphosé en gentleman britannique. Aimant le luxe, intègre, non pratiquant, ayant peu d'amis, il fit une brillante carrière d'avocat. Il adhéra au parti du Congrès dans un premier temps, prônant l'alliance entre hindous et musulmans. Il rejoignit la Ligue musulmane suite à un désaccord avec le parti du Congrès sur la représentation de la minorité musulmane après les élections de 1937. Il fut l'ardent et l'intransigeant défenseur de la partition avec la création du nouvel état le Pakistan. Il mourut de tuberculose en 1948.4 1. intention passagère qui ne se réalise pas [Remarque d'usage: parfois péjoratif] abandonner ses velléités de réforme 2. tentative timide Exemple : avoir des velléités de riposte5 Membre de la caste des prêtres, la plus élevée des quatre castes hindoues 6 Vers la fin du XIX e   siècle , des premières mesures d'autonomie sont prises concernant l'Inde britannique avec la nomination des conseillers indiens auprès du vice-roi britannique et l'établissement des conseils provinciaux comprenant des membres indiens ; les Britanniques élargiront ensuite la participation aux conseils législatifs.7 Continuer d'exister dans le temps (soutenu)

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un premier temps, il voyage dans l'Inde profonde pour se rendre compte des conditions de vie déplorables d'une majorité d'Indiens.

Au cours, de la grande guerre, on note une accalmie. D'ailleurs, l'Inde participe à l'effort humain et économique de guerre avec près de 1, 3 millions de soldats engagés au service des Britanniques. En contrepartie, l'Angleterre promet des réformes profondes au lendemain du conflit.A la fin de la guerre, le mouvement d'émancipation se radicalise de nouveau face à l'immobilisme de l'Angleterre et son refus de tenir ses promesses. C'est dans ce cadre qu'en mars/avril 19198, les manifestations pour l'abrogation des lois d'exception votées pendant la guerre tournent à la tragédie : c'est le massacre d'Amritsar qui fait 400 morts et plus de 1200 blessés.C'est pourquoi Mohandas Karam chand Gandhi, jusque-là grand défenseur de la coopération avec l'Angleterre, réussit en 19209 à faire adopter par le Congrès un programme de non-coopération qui prendra fin en 1922 suite à l’incendie d’un commissariat de police ayant provoqué la mort de 22 policiers10. L'efficacité de ces actions non violentes provoque le ralliement du Parti du Congrès et l'arrestation de Gandhi en mars 1922 par les Anglais. Mais, devant l'ampleur des manifestations, il est libéré en 1924. Il dirige désormais le mouvement de libération en revendiquant d'abord le « self-government » avant 1929 et l'indépendance ensuite. En 1925, c’est la création de l'organisation radicale hindou RSS (Râshtriya Swayamsevak Sangh), et celle du parti communiste d'Inde. Deux organisations qui vont faire parler d'elles par la suite.

III- LES ETAPES DECISIVES DE LA DECOLONISATION

De 1922 à 1929, il n’y a pas d’affrontements ouverts entre le Congrès et le pouvoir colonial.

A- L’India Act de 1935 et le début de l’autonomie de l’Inde

Ensuite, le 6 avril 1930, Gandhi dirige une spectaculaire marche le long de la mer sur plus de 350 km pour se révolter contre le monopole du sel détenu par les Britanniques11 : c'est la marche du sel qui a été sévèrement réprimée avec en plus une nouvelle arrestation de Gandhi.Ce bras de fer amène l'Angleterre à ouvrir une série de négociations dénommées conférences de la table ronde avec la première en janvier 1931, la seconde en septembre 1931 et la troisième en décembre 1932. Ces conférences débouchent sur l' « INDIA ACT » de 193512 qui transforme l'Inde en un Etat fédéral13 de 11 provinces. En effet, le Government of India Act apporte un début d’autonomie politique à la colonie : elle devient une fédération de onze

8 En 1919, GandhiW organise des campagnes d’agitation à l’échelle nationale pour protester contre des lois prolongeant certaines restrictions des libertés fondamentales instaurées pendant la guerre. En avril, le général Dyer fait ouvrir le feu sur une foule pacifiquement rassemblée à Amritsar (Pubjab) : 350 manifestants sont tués.9 Auparavant, Il s'impose ainsi comme principal leader du Parti du Congrès, à partir de 1920 suite à la mort de Tilak.10 Au grand dam de Jawaharlal Nehru et des dirigeants indiens de ce mouvement, Gandhi préfère stopper le mouvement suite à la mort de 22 policiers en représailles aux tirs de policiers sur des manifestants non armés.11 Après un parcours à pied de 300 km, il arrive le 6 avril au bord de l'océan Indien. Il s'avance dans l'eau et recueille dans ses mains un peu de sel. Par ce geste symbolique, Gandhi encourage ses compatriotes à violer le monopole d'État sur la distribution du sel. Ce monopole oblige tous les consommateurs indiens, y compris les plus pauvres, à payer un impôt sur le sel et leur interdit d'en récolter eux-mêmes.12 En 1935, nouvelle loi constitutionnelle (Government of India Act) avec mise en place d'une assemblée bicamérale centrale élue mais aux pouvoirs limités.13L’Inde dispose désormais d’un gouvernement et d’un parlement fédéral, les Britanniques conservant les affaires étrangères et la défense.

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provinces dotées de gouvernements autonomes et d’assemblées élues au suffrage censitaire. Malgré la nouvelle constitution qui entre en vigueur en 1937, les nationalistes exigent toujours la formation d'un gouvernement indien que refuse la puissance coloniale14. Après les élections provinciales de 1937, le Congrès refuse de faire une place à la Ligue musulmane dans les nouveaux gouvernements provinciaux, entraînant un raidissement de cette dernière alors dirigée par Muhammad Ali Jinnah. Ce riche avocat, entré tôt en politique comme nationaliste modéré dans le cadre du Congrès, puis de la Ligue musulmane, a essayé de lier les deux partis pour la défense des intérêts musulmans. La Ligue prétend être considérée par les Britanniques comme l’unique représentante de l’ensemble, pourtant très diversifié, de l’islam indien. Ni Gandhi, ni le parti du Congrès ne peuvent accepter cette exigence puisqu’ils ont toujours soutenu qu’eux seuls représentent le mouvement national et le peuple indien dans son entier, au-delà des particularismes religieux. Jinnah décide de faire de la Ligue musulmane un parti de masse pour défendre efficacement les intérêts des musulmans et en radicalise les positions. Pour Gandhi et le parti du Congrès, il n’est pas question dans un premier temps de faire une partition de l’Inde.

B- Le mouvement Quit India en 1942 et l’accélération de la cause de l’indépendance

La Seconde Guerre mondiale (1939-1945) permet aux nationalistes indiens de renforcer leur assise dans la population, tandis que le Royaume-Uni se consacre aux combats en Europe.

Dès 1939, le vice-roi des Indes, Victor Alexander John Hope, déclare la guerre à l’Allemagne, au nom de l’Inde. Cette décision, prise sans l’accord des dirigeants indiens, suscite la colère de Gandhi et du Congrès, qui mène alors campagne pour que la participation du pays à la guerre s’accompagne d’un engagement ferme d’indépendance complète. Le refus britannique incite le Congrès à reprendre sa campagne de désobéissance civile en 1940-1941, tandis que certains nationalistes ultras, comme Subhas Chandra Bose, rejoignent le camp de l’Axe. En parallèle, la Ligue musulmane et nombre des États princiers ainsi que plusieurs membres du Congrès soutiennent l’effort de guerre britannique. C'est dans ce contexte que le Bapu est mis en résidence surveillée.

Ainsi, Pendant la seconde guerre mondiale, l'Inde se range au côté des Britanniques tout en conservant comme point de mire l'indépendance. Très rapidement l’Inde joue un rôle essentiel dans le conflit : l’équivalent de 4 milliards de dollars est fourni à la métropole et à partir de 1942, l’Inde se retrouve en première ligne du front allié en Asie alors que 1,5 millions d’hommes sont engagés. Mais, Un leader nationaliste, Subhash Chandra Bose, en désaccord avec Gandhi et partisan de la lutte armée contre les britanniques, obtient le soutien de l'Allemagne nazie, puis de l'Empire du Japon. Il fonde à Singapour avec l'aide des Japonais le Gouvernement provisoire de l'Inde libre15.

Le danger japonais grandissant, le gouvernement britannique dépêche en mars 1942 le ministre sir Stafford Cripps en Inde ; outre la promesse d’accorder à l’Inde l’indépendance totale au terme de la guerre, celui-ci propose la mise en place d’un gouvernement indien de transition, qui prendrait en charge toutes les affaires du pays à l’exception de la défense nationale et des affaires étrangères. Cette mission est un échec face à l’intransigeance de la Ligue musulmane qui réclame en 1940 la

14 En 1937, dans les assemblées des provinces aux pouvoirs moins limités, le Congrès l'emporte sauf au Bengale et au Penjab.15 Ses troupes, l'Armée nationale indienne, participent en 1944 à l'Opération U-Go, offensive menée en Inde par les Japonais, qui se solde par un échec.

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reconnaissance d’un Pakistan musulman et celle du Congrès qui réclame un transfert immédiat de pouvoir à une Inde unitaire.Gandhi inspire au Congrès la Quit India Resolution, (« Renoncez à l’Inde »), adoptée le 8 août 1942. Les nationalistes y réclament la fin de la domination britannique. Outre la condamnation du colonialisme et de ses effets désastreux sur le pays, le Congrès rappelle les principes de liberté défendus par les Alliés et place le Royaume-Uni face à ses contradictions ; il affirme que la liberté de l’Inde sera le meilleur gage de sa contribution à la victoire alliée. Ils appellent à l’insurrection. Le mouvement de désobéissance civile est sévèrement réprimé ; Gandhi, Nehru et des milliers de leurs partisans sont arrêtés et emprisonnés, et le Congrès est déclaré hors-la-loi.

Les partisans du terrorisme mettent à profit les circonstances pour réapparaître, malgré les appels à la raison de Gandhi. Dans l’immédiat, Quit India paraît un échec. Mais cet épisode a accéléré la cause de l’indépendance, d’une part en contribuant à la popularité du parti du Congrès et d’autre part en révélant l’impossibilité pour le Royaume-Uni de maintenir durablement sa domination par la force.Gandhi, libéré en 1944, annonce la fin de la désobéissance civile, et entreprend des conversations avec le leader de la Ligue musulmane ; son combat est désormais d’empêcher la partition de l’Inde, contraire à sa vision d’une communauté multi-religieuse fondée sur la tolérance. Mais ces entretiens ne donnent aucun résultat, marquant le fossé qui s’est creusé entre le parti du Congrès et la Ligue musulmane. De son côté, à l’été 1945, Londres reprend le contact en vue de nouvelles négociations.

C- Vers les négociations et la partition

1.    1945 : un contexte favorable a la décolonisation

Outre le fait que les deux superpuissances sont hostiles à la colonisation (dont les Etats- Unis, alliés privilégies du Royaume-Uni), plusieurs facteurs expliquent la rapidité de l’indépendance des Indes britanniques. Comme les autres métropoles européennes, le Royaume-Uni sort affaibli du second conflit mondial et doit faire face à ses propres difficultés économiques, alors que les émeutes se multiplient en Inde après l’échec de pourparlers entre représentants du gouvernement britannique, du parti du Congrès et de la Ligue musulmane.

Les Britanniques sont également confrontés à une agitation nationaliste croissante dans leurs autres colonies ou les territoires sous mandat (Birmanie, Palestine, Indes britanniques, Palestine, etc.). Ils veulent avant tout éviter une guerre avec l’une de leurs colonies. D’autre part, le Royaume-Uni a fondé en 1931 le Commonwealth, une communauté d’Etats autonomes l’associant avec ses anciennes colonies, protectorats et dominions. Cette organisation permet au Royaume-Uni de préserver ses intérêts économiques sans supporter le coût de l’administration coloniale.

Enfin, en 1945, le parti travailliste remporte les élections en Grande-Bretagne. Winston Churchill, très attaché à la domination britannique sur l’Empire, cède la place à Clement Attlee, qui devient Premier ministre. Ce dernier n’est pas hostile à une indépendance des colonies à la condition que celles-ci demeurent liées au Royaume-Uni par des liens économiques.

2.    Les tensions de l’après-guerre

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Les Britanniques se rendent à l’évidence que l’indépendance indienne est inéluctable mais souhaitent obtenir certaines garanties (unité du pays, droits des minorités, accord de sécurité) et un calendrier qui ne précipiterait pas les événements vers le chaos. En particulier, ils souhaitent assurer à l’Inde des institutions stables, capables de maintenir la cohésion du pays avant l’indépendance.

Sur tous ces points, la politique britannique enregistre une succession d’échecs. Le projet présenté à la conférence de Simla en juin-juillet 1945 consiste en la création d’un conseil exécutif intérimaire formé d’Indiens, sur la base d’une égale représentation des hindous et des musulmans, auquel la plupart des compétences d’État devaient être transférées. La conférence échoue presque immédiatement à cause des exigences de Jinnah qui réclame le droit de nommer tous les représentants musulmans dans le nouveau gouvernement. Cet échec marque en fait celui d’une solution unitaire.

Les Britanniques envisagent alors une solution fédérale, mais elle est là encore mise en échec par les positions radicalement opposées du parti du Congrès, qui n’admet pas l’idée d’un Pakistan et de la Ligue musulmane, soulignant l’incompatibilité fondamentale des deux sociétés à cohabiter dans un même ensemble. Ce plan prévoit la création d’une Union indienne, ouverte aux États princiers et dotée d’un gouvernement fédéral, mais partageant ses prérogatives avec les provinces (y compris un Pakistan) et les groupes de provinces. Afin de réaliser ce projet, un gouvernement intérimaire devait être formé et l’élection d’une assemblée constituante organisée au plus tôt. La deuxième conférence de Simla, en juin-juillet 1946, ne permet pas de trouver un terrain d’entente. Dans une déclaration provocatrice, Nehru affirme alors que le Congrès n’accepte que la participation à une assemblée constituante souveraine, qui ne sera liée par aucun plan préalable ; autrement dit la future Constitution sera dictée par la majorité congressiste de l’assemblée, et sera donc défavorable aux minorités.

Les antagonismes religieux atteignent le point de rupture lorsqu’en réponse Jinnah appelle à un National Action Day qui dégénère à Calcutta16, la capitale administrative de l’empire, du 16 au 18 août 1946, faisant plusieurs milliers de victimes. Le vice-roi tente alors un dernier effort en suscitant au moins la formation du gouvernement intérimaire prévu, avec le Congrès seul. Nehru accepte d’en prendre la tête, mais les tensions ne cessent de s’aggraver. Des heurts sanglants entre communautés se multiplient à Bombay, Ahmedabad, au Bihar au Bengale et au Pendjab17. Lorsque l’assemblée constituante se réunit en décembre, les députés musulmans refusent d’y prendre part18. C’est cette situation de violences et d’impasse qui inspire la phrase d’Attlee : il semble désormais évident que la partition est inévitable.

IV- L'INDEPENDANCE EN 1947 DANS LA PARTITION16 L’agitation gagne plusieurs provinces, au Bengale et dans le nord-ouest de l’Inde. Elle se poursuit au cours de l’année suivante. Les gouvernements locaux, qu’ils soient hindous ou musulmans, annoncent clairement dans ces provinces qu’ils n’interviendraient pas contre leur communauté pour protéger la communauté minoritaire. Les massacres sont donc quasiment encouragés à des fins politiques.

17 L’agitation gagne plusieurs provinces, au Bengale et dans le nord-ouest de l’Inde. Elle se poursuit au cours de l’année suivante. Les gouvernements locaux, qu’ils soient hindous ou musulmans, annoncent clairement dans ces provinces qu’ils n’interviendraient pas contre leur communauté pour protéger la communauté minoritaire. Les massacres sont donc quasiment encouragés à des fins politiques.18 Dans le même temps, la ligue musulmane remporte une victoire lors des élections législatives précédant la mise en place d’une Assemblée constituante, en remportant tous les sièges réservés aux musulmans. Pour Jinnah, c’est la confirmation de la légitimité de son parti à revendiquer un État musulman indépendant.

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A- La décision des autorités britanniques de faire accéder l’Inde à l’indépendance

Dès la fin de 1946, le désir des Britanniques d’en finir au plus vite avec leur empire des Indes l’emporte. Le Royaume-Uni ne contrôle plus la situation. Les piliers du régime colonial, l’administration, l’armée et la police donnent des signes de faiblesse et d’insoumission de plus en plus nombreux ; les fonctionnaires britanniques souhaitent rentrer, tandis que l’opinion métropolitaine est lasse et que la majorité au Parlement, et même nombre de conservateurs, ainsi que le gouvernement, souhaitent se débarrasser au plus vite du fardeau indien. C’est dans ce contexte qu’Attlee déclare devant la Chambre des communes, à Londres, le 20 février 1947, que les Britanniques évacueront l’Inde au plus tard en juin 1948 et que le gouvernement de l’Inde sera transféré « à des autorités établies par une Constitution approuvée par toutes les parties de l’Inde ». Attlee, soucieux de ne pas réduire sa décision à un aveu d’impuissance, prend soin de la présenter comme un aboutissement de la politique britannique de self-government. Dans l’idéal, ce processus gradualiste doit pouvoir aboutir au transfert du pouvoir à des partenaires préparés, en diffusant le modèle britannique de la démocratie parlementaire. Dans cet extrait, il est fait ainsi allusion à l’August Offer, en 1940 et à la proposition faite par la mission menée par Sir Stafford Cripps en 1942 de créer une Union indienne, dotée d’autonomie, à laquelle chaque État ou province pourrait adhérer librement au lendemain de la guerre.Au début de 1947, devant cette situation extrême le premier ministre Clement Attlee nomme Lord Mounbatten nouveau vice-roi avec comme objectif mener l'Inde à l'Indépendance.

B- L’octroi de l’indépendance

Le nouveau vice-roi, Lord Mountbatten, qui bénéficie de ses récentes victoires en Asie du Sud-Est, arrive en mars 1947 dans une Inde au bord du chaos avec la difficile mission de mettre fin à la présence britannique. Il convoque les principaux leaders Gandhi, Nehru et Jinnah. Devant l'intransigeance de Jinnah, il doit se résoudre à la partition de l'empire des Indes en deux pays l'Inde et le Pakistan, au grand désespoir de Gandhi défenseur des hindous comme des musulmans. Il y aura deux États, l’Union indienne et le Pakistan. Elle est finalement décidée début juin et fixé à la mi-août. Le tracé des frontières entre les deux nouveaux Etats est établi à la hâte et ne fut annoncé que le 17 août…

Le jour de l'indépendance est fixé au 15 août 1947 à minuit alors que le tracé de la nouvelle frontière n'est pas défini. Tâche qui devait incomber à un juriste anglais Sir Cyril Radcliffe sans expérience des Indes, la frontière devant passer au milieu du Penjab à l'ouest et du Bengale à l'est.

Restait à convaincre les maharajas19 et les nawabs à perdre leurs prérogatives et à accepter d'intégrer leurs royaumes à l'Inde ou au Pakistan. Contraints et forcés, ils acceptèrent dans une grande majorité, les récalcitrants furent mis à la raison. Ce ne fut pas le cas du souverain hindou du Cachemire régnant sur une majorité de musulmans, tergiversant en espérant l'indépendance.

14 et 15 août, les indépendances sont effectives. Voient alors le jour deux dominions indépendants : l’Union indienne à majorité hindoue dont Nehru devient le Premier ministre et le Pakistan à majorité musulmane dont Jinnah devient le lieutenant général.

19 Titre porté par les princes en Inde

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Le Pakistan est lui-même divisé en deux zones séparées par 1700 km de territoire indien. Les frontières sont établies par une commission qui se trouve confrontée à une situation très délicate. Les nouvelles frontières coupent en effet, dans de nombreux cas, des districts, des villages, des familles voisines depuis des siècles. Le Pendjab et le Bengale sont divisés en deux : le Bengale oriental devient la partie est du Pakistan (il gagnera son indépendance et deviendra Bangladesh en 1971). Les Etats princiers se rallient à l’un ou à l’autre des deux nouveaux Etats, à l’exception provisoire de trois d’entre eux (Cachemire, Hyderabad et Junagadh), dans lesquels la population est divisée sur le plan religieux et où le souverain pratique une religion différente de celle de la majorité de ses sujets.

Les accords menant à l'Indépendance prévoyaient d'attribuer les provinces de l'Empire des Indes entre l'Inde et le Pakistan (seuls le Pendjab et le Bengale ont été divisés) et laissaient aux États princiers le choix de devenir indépendant ou de rejoindre l'un des deux dominions. Sous l'égide de Sardar Vallabhbhai Patel, le nouveau gouvernement indien s'emploie à convaincre les princes des États situés sur son territoire de rejoindre l'Union indienne. Ces négociations sont fructueuses, à l'exception de trois États:

le Junagadh, dont la population est majoritairement hindoue mais le prince musulman, décide de rejoindre le Pakistan alors que son territoire est entièrement enclavé dans celui de l'Union indienne. Après un plébiscite en décembre 1947, l'État rejoint finalement l'Inde.

l'État princier d'Hyderabad, situé en plein cœur de l'Inde, est intégré de force à l'Union indienne par l'intervention de l'armée en septembre 1948, Opération Polo.

l'État du Cachemire, dans le nord, devient la cause de la première guerre indo-pakistanaise entre 1947 et 1949. Celle-ci fait suite à l'invasion du Cachemire par des troupes tribales venues du Pakistan ayant poussé le maharaja hindou de cet État majoritairement musulman à solliciter l'aide militaire de l'Inde en échange de son intégration. Finalement, un cessez-le-feu proposé par les Nations unies est accepté, laissant à l'Inde le contrôle des deux-tiers du territoire de l'État. Cependant le référendum prévu par le cessez-le-feu n'a toujours pas eu lieu et le Cachemire reste aujourd'hui le principal sujet de discorde entre l'Inde et le Pakistan.

C- Les conséquences de la partition (massacres, déplacements et guerres indo-pakistanaises)

Ce 15 août 1947 fut fêté comme il se doit par les autorités britanniques en Inde, par les hindous et les sikhs d'Inde et les musulmans du Pakistan. Fut un jour d'angoisse et de deuil pour les hindous et les sikhs du Pakistan et les musulmans d'Inde. Que dire des habitants du Pendjab et du Bengale partagés par une frontière indéfinie. Dès le lendemain cependant, des régions entières sombrent à nouveau dans la guerre civile. Les partages territoriaux en sont la première raison. La folie meurtrière devait atteindre les communautés qui vivaient jusque-là en bonne entente. Au Pakistan, les sikhs et hindous étaient massacrés, en Inde les musulmans. Selon les estimations 500 000 personnes devaient mourir et près de 15 millions de personnes auraient fui les violences. Les musulmans vers le Pakistan, les sikhs et hindous vers l'Inde. Cet exode et ces massacres marqueront durablement les deux nations.

Le Bengale ayant été partiellement épargné par les massacres grâce aux efforts de Gandhi, en septembre ce dernier décida de rejoindre Delhi où le chaos menaçait avec la présence d'une multitude de réfugiés hindous et sikhs. C'est à Delhi, le 30 janvier 1948 que Gandhi fut assassiné par un extrémiste hindou issu du parti RSS (Râshtriya Swayamsevak Sangh) ce qui

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eut pour effet d'apaiser les tensions. Quant à Jinnah, il mourut d'une tuberculose à Karachi le 11 septembre 1948. Jawaharlal Nehru fut nommé Premier ministre de l'Inde.

Au nord-ouest de l’Inde, le Cachemire fait l’objet d’un désaccord entre Indiens et Pakistanais. Il est majoritairement peuplé de musulmans, mais sont prince est hindou. Une première guerre éclate entre les deux États, qui aboutit en 1949 au partage du Cachemire entre l’Inde et le Pakistan.

Le conflit indo-pakistanais se poursuit néanmoins au sujet de la province, puisque deux autres guerres opposent ces États nouvellement indépendants en 1965 et 1971. On constate donc que la précipitation dans laquelle s’est effectuée l’indépendance des Indes britanniques est à la source de conflits internes et internationaux.

D’autre part, dans le contexte de la guerre froide, et bien qu’ils participent tous deux au mouvement des non-alignés, l’Inde et le Pakistan deviennent un enjeu de l’affrontement Est-Ouest. Ainsi, le Pakistan devient l’un des piliers de l’endiguement américain dans la région, tandis que l’Inde se rapproche de l’Union soviétique.

D- Les premières années postindépendances

Dans les années qui suivent, l'Inde accueille plus d'un million de réfugiés fuyant les violences communautaires du Pakistan oriental. À la suite de cet épisode, Jawaharlal Nehru et Liaquat Ali Khan, les Premiers ministres de l'Inde et du Pakistan, signent un pacte par lequel les deux nations s'engagent à protéger leurs minorités respectives.

Le 26 novembre 1949, l'Assemblée constituante adopte le projet de Constitution rédigée sous l'égide de B. R. Ambedkar: l'Inde devient alors une république démocratique et fédérale. La Constitution entre en vigueur le 26 janvier 1950 et Rajendra Prasad est élu premier Président de la République d'Inde.

Les premières élections de la nouvelle république ont lieu en 1952. Le Congrès national indien, fer de lance du mouvement pour l'indépendance remporte une large victoire. Le pandit Jawaharlal Nehru est reconduit au poste de Premier ministre de l'Inde. Il sera réélu en 1957 et 1962.

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CONCLUSIONEn somme, la décolonisation de l'Inde est caractérisée par la précocité du mouvement, par la violence qui a accompagné tout son processus malgré l'absence d'une guerre d'indépendance et par l'originalité de la lutte non violente du père de la nation. Ces méthodes contrastent nettement avec celles des Indochinois.

SOURCES : - « Des débuts de la colonisation jusqu’à l’indépendance en 1947 » in http://www.edelo.net/inde/presentation/histoire/colonisation

- « La décolonisation en Asie : Inde / Indochine » in http://leuz2.skyrock.com/3160011932-LA-DECOLONISATION-EN-ASIE-INDE-INDOCHINE.html

- « La décolonisation : La fin de l’empire des Indes » in http://lewebpedagogique.com/bac-premiere/la-de%CC%81colonisation-la-fin-de-lempire-des-indes/

- « Décolonisation » in http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/d%C3%A9colonisation/40278

- « Histoire de l'Inde » in http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_de_l%27Inde