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FORMATION MÉDICALE CONTINUE 18 PSYCHIATRIE Les 10 points clés La dépression du sujet âgé La dépression chez le sujet âgé est dominée par la présence de tableaux atypiques rendant son diagnostic souvent difficile. O La dépression est une affection courante dans le monde, qui concerne 350 millions de personnes. Selon les études, entre 5 et 15 % de la population française serait touchée par un épisode dépressif au cours de l’année. Et selon une enquête réalisée en 2005, environ 19 % des Français de 15 à 75 ans (près de 9 mil- lions de personnes) ont vécu ou vivront un épisode dépressif au cours de leur vie. O La dépression est fréquente chez le sujet âgé. Mais il est diffi- cile d’avoir des chiffres de prévalence précis. Elle serait comprise entre 9,9 et 42 % des sujets de plus de 65 ans, selon les études. Et selon le CépiDc-Inserm, 28 % des suicides survenus en 2010 concerne- raient des sujets de 65 ans et plus. O Concernant les présentations cliniques, on observe plusieurs particularités. Seuls un tiers des dépressions chez les sujets âgés seraient considérées comme typiques. Ainsi, l’humeur dépressive laisse souvent la place à l’irritabilité ; les troubles cognitifs sont fréquents ; d’autres symptômes psychiques (délires, hallucinations) sont souvent rapportés ; et les symptômes peuvent être en rapport avec des comorbidités somatiques. O Plusieurs tableaux cliniques ont été identifiés : – la pseudodémence dépressive, caractérisée par la rapidité d’installation des troubles cognitifs ; – le syndrome de glissement, avec altération importante de l’état général ; – la dépression vasculaire, apparaissant dans les suites d’une maladie cérébrovasculaire ; – les formes anxieuses, fréquentes chez les sujets âgés ; – la dépression bipolaire, qui n’est pas à négliger, pouvant consti- tuer, selon les études, jusqu’à un tiers des épisodes dépressifs majeurs chez les sujets de plus de 60 ans, dont 80 % de type II (caractérisé par phases dépressives et hypomaniaques). O L’anamnèse permet généralement d’établir le diagnostic en iden- tifiant des antécédents de troubles de l’humeur, ou des facteurs de stress majeur (deuil, perte d’autonomie, du rôle social). On recherchera des indices de gravité : risque suicidaire (isolément, tempérament impulsif, situation de rupture…), comorbités psy- chiques ou physiques, conduites addictives, facteurs de résis- tance thérapeutique. O Des outils d’aide au diagnostic peuvent être utiles : échelle de dépression gériatrique de Brink et Yesavage, inventaire des plaintes psychiques et somatiques pour personnes âgées de Raskin et Rae ; inventaire clinique de Wells (pour distinguer une pseudodémence). Un scanner est indiqué en cas de signe d’appel neurologique. O Tout patient considéré comme déprimé doit bénéficier d’un examen clinique rigoureux. Celui-ci comprend en particulier le dépistage d’une dysthyroïdie (examen clinique et biologique avec dosage de la TSH-us). Une altération de l’état général, bien que faisant partie du syndrome dépressif, doit faire considérer la dépression comme un diagnostic d’élimination. On effectuera un bilan général en fonction du terrain ou des antécédents du patient : bilan biologique standard, radio de thorax, ECG, séro- logies VIH-hépatites… O La prise en charge doit être pluridiscipli- naire, associant médicaments, psychothérapie et prise en charge sociale. Le traitement repose sur la prescription d’un antidépresseur, qui a prouvé son efficacité vs placebo. Le délai d’action est généralement de trois à six semaines quel que soit l’anti- dépresseur. O En première intention, on utilisera une molé- cule de la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) ou des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (Irsna). Le choix est orienté, d’une part, par le respect des contre-indications et la notion d’une éventuelle efficacité antérieure, d’autre part, en fonction de la séméiologie de l’épisode actuel. Les tricycliques présentent de nombreux effets secondaires. Les inhibiteurs de monoamine oxydase non sélectifs sont à éviter. La paroxétine est à utiliser avec prudence. O En cas d’échec, certaines stratégies peuvent être employées : association IRS et antagoniste alpha-2, lithium à faibles doses, lévothyroxine à faible doses. D’autres traitements sont parfois nécessaires : psychothérapie, électroconvulsivothérapie. Référence Mouaffak F, Hozer F. Rev Prat Med Gen 2015;60(953):21-6. Dr Marielle Ammouche* Seuls un tiers des dépressions chez les sujets âgés seraient considérées comme typiques. 1824 JANVIER 2016 l FOTOLIA egora # 82 * Le Dr Marielle Ammouche déclare n’avoir aucun conflit d’intérêts concernant les données présentées dans cet article. Tous droits réservés - Egora Panorama du médecin

La dépression chez le sujet âgé est dominée par la ... · 18 FORMATION MÉDICALE CONTINUE PSYCHIATRIE Les 10 points clés La dépression du sujet âgé La dépression chez le

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FORMATION MÉDICALE CONTINUE18

PSYCHIATRIE Les 10 points clés

La dépression du sujet âgéLa dépression chez le sujet âgé est dominée par la présence de tableaux atypiques rendant son diagnostic souvent difficile.

OO La dépression est une affection courante dans le monde, qui concerne 350 millions de personnes. Selon les études, entre 5 et 15 % de la population française serait touchée par un épisode dépressif au cours de l’année. Et selon une enquête réalisée en 2005, environ 19 % des Français de 15 à 75 ans (près de 9 mil-lions de personnes) ont vécu ou vivront un épisode dépressif au cours de leur vie. OO La dépression est fréquente chez le sujet âgé. Mais il est diffi-cile d’avoir des chiffres de prévalence précis. Elle serait comprise entre 9,9 et 42 % des sujets de plus de 65 ans, selon les études. Et selon le CépiDc-Inserm, 28 % des suicides survenus en 2010 concerne-raient des sujets de 65 ans et plus.OO Concernant les présentations cliniques, on observe plusieurs particularités. Seuls un tiers des dépressions chez les sujets âgés seraient considérées comme typiques. Ainsi, l’humeur dépressive laisse souvent la place à l’irritabilité ; les troubles cognitifs sont fréquents ; d’autres symptômes psychiques (délires, hallucinations) sont souvent rapportés ; et les symptômes peuvent être en rapport avec des comorbidités somatiques.OO Plusieurs tableaux cliniques ont été identifiés :– la pseudodémence dépressive, caractériséepar la rapidité d’installation des troublescognitifs ;– le syndrome de glissement, avec altérationimportante de l’état général ;– la dépression vasculaire, apparaissant dans les suites d’unemaladie cérébrovasculaire ;– les formes anxieuses, fréquentes chez les sujets âgés ;– la dépression bipolaire, qui n’est pas à négliger, pouvant consti-tuer, selon les études, jusqu’à un tiers des épisodes dépressifsmajeurs chez les sujets de plus de 60 ans, dont 80 % de type II(caractérisé par phases dépressives et hypomaniaques).OO L’anamnèse permet généralement d’établir le diagnostic en iden-tifiant des antécédents de troubles de l’humeur, ou des facteurs de stress majeur (deuil, perte d’autonomie, du rôle social). On recherchera des indices de gravité : risque suicidaire (isolément, tempérament impulsif, situation de rupture…), comorbités psy-chiques ou physiques, conduites addictives, facteurs de résis-tance thérapeutique.OO Des outils d’aide au diagnostic peuvent être utiles : échelle de dépression gériatrique de Brink et Yesavage, inventaire des

plaintes psychiques et somatiques pour personnes âgées de Raskin et Rae ; inventaire clinique de Wells (pour distinguer une pseudodémence).Un scanner est indiqué en cas de signe d’appel neurologique.OO Tout patient considéré comme déprimé doit bénéficier d’un examen clinique rigoureux. Celui-ci comprend en particulier le dépistage d’une dysthyroïdie (examen clinique et biologique avec dosage de la TSH-us). Une altération de l’état général, bien que faisant partie du syndrome dépressif, doit faire considérer la

dépression comme un diagnostic d’élimination. On effectuera un bilan général en fonction du terrain ou des antécédents du patient : bilan biologique standard, radio de thorax, ECG, séro-logies VIH-hépatites…OO La prise en charge doit être pluridiscipli-

naire, associant médicaments, psychothérapie et prise en charge sociale. Le traitement repose sur la prescription d’un antidépresseur, qui a prouvé son efficacité vs placebo. Le délai d’action est généralement de trois à six semaines quel que soit l’anti- dépresseur. OO En première intention, on utilisera une molé-

cule de la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) ou des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (Irsna). Le choix est orienté, d’une part, par le respect des contre-indications et la notion d’une éventuelle efficacité antérieure, d’autre part, en

fonction de la séméiologie de l’épisode actuel. Les tricycliques présentent de nombreux effets secondaires. Les inhibiteurs de monoamine oxydase non sélectifs sont à éviter. La paroxétine est à utiliser avec prudence.OO En cas d’échec, certaines stratégies peuvent être employées : association IRS et antagoniste alpha-2, lithium à faibles doses, lévothyroxine à faible doses.D’autres traitements sont parfois nécessaires : psychothérapie, électroconvulsivothérapie.

RéférenceMouaffak F, Hozer F. Rev Prat Med Gen 2015;60(953):21-6.

Dr Marielle Ammouche*

Seuls un tiers des dépressions chez les sujets âgés seraient considérées comme typiques.

18›24 JANVIER 2016l

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* Le Dr Marielle Ammouche déclare n’avoir aucun conflit d’intérêtsconcernant les données présentées dans cet article.

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