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AVRIL 2018 • VOLUME 20 • N° 164 • 13 www.geriatries.fr la Revue didactique en médecine gériatrique REPÈRES EN DPC Développement Professionnel Continu REVUE INDEXÉE DANS LA BASE INTERNATIONALE LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ... Vue par les francophones !   Camille Candé  ZOOM SUR Le modèle de Montréal : d’une expérience de soin initiatique à la participation aux mutations d’un système de santé Dr Luigi Flora Un hématome qui pousse au suicide Quel est votre diagnostic ? Dr Aurélie Daumas et al. CAS CLINIQUE • Qu’est-ce que “vieillir en santé” ? • La gérontotechnologie a-t-elle sa place dans la prévention de la fragilité ? • Quel est le rôle de l’activité physique dans la prévention de la fragilité ? • La supplémentation en oméga-3 permet-elle d’améliorer les performances physiques chez le sujet âgé ? • Y a-t-il une relation entre le débit expiratoire de pointe et l’incidence de la fragilité ? • Des valeurs élevées de CRP sont-elles associées à la trajectoire de l’index de fragilité ? • Quels seraient les bénéfices de la réduction de la fragilité en termes de dépenses de santé ?

LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

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AVRIL 2018 • VOLUME 20 • N° 164 • 13 €

www.geriatries.fr

la Revue didactique en médecine gériatrique

REPÈRES EN

DPCDéveloppementProfessionnelContinu

REVUE INDEXÉE DANS LA BASE INTERNATIONALE

LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ... Vue par les francophones !  Camille Candé  

ZOOM SUR

Le modèle de Montréal : d’une expérience de soin initiatique à la participation aux mutations d’un système de santé

Dr Luigi Flora

Un hématome qui pousse au suicideQuel est votre diagnostic ?Dr Aurélie Daumas et al.

CAS CLINIQUE

• Qu’est-ce que “vieillir en santé” ?• La gérontotechnologie a-t-elle sa place

dans la prévention de la fragilité ?• Quel est le rôle de l’activité physique dans

la prévention de la fragilité ?• La supplémentation en oméga-3 permet-elle

d’améliorer les performances physiques chez le sujet âgé ?

• Y a-t-il une relation entre le débit expiratoire de pointe et l’incidence de la fragilité ?

• Des valeurs élevées de CRP sont-elles associées à la trajectoire de l’index de fragilité ?

• Quels seraient les bénéfices de la réduction de la fragilité en termes de dépenses de santé ?

Page 2: LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

Directeur de la publication  : Dr Antoine Lolivier • Rédactrice  : Clémentine Vignon • Secrétaire de rédaction : Valérie Bansillon • Directrice des opérations : Gracia Bejjani • Assistante de production : Cécile Jeannin • Maquette et illustrations : Élodie Lecomte • Chefs de publicité : Emmanuelle Annasse, Catherine Patary-Colsenet, Philippe Fuzellier • Service abonnements : Claire Voncken • Impression : Imprimerie de Compiègne - 2 av Berthelot - ZAC de Mercières - BP 60524 - 60205 Compiègne cedex

e RÉDACTEUR EN CHEF

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e COMITÉ SCIENTIFIQUE

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Repères en Gériatrieest une publication

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SOMMAIREavril 2018

Vol. 20N° 164

www.geriatries.fr

ÉCHOS DES CONGRÈS (P. 77)

Retour sur le 6e congrès Fragilité du sujet âgé

Les temps forts Camille Candé (Nîmes)

Point de vue de la Suisse francophone . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 781. Vieillir en santé - Pr Jean-Pierre Michel (Genève, Suisse)2. Une application mobile pour mesurer la capacité intrinsèque -

Pr Jean-Pierre Michel (Genève, Suisse)

Point de vue de nos voisins outre-Atlantique canadiens . . . . . . . . . . . . . . . . p. 823. Prévenir la fragilité post-urgence : l’initiative canadienne - Marie Josée Sirois

(Montréal, Québec)4. Activité physique adaptée et gérontotechnologie pour contrer la perte de

l’autonomie physique au sein des résidences pour aînés - Mylène Aubertin-Leheudre (Montréal, Québec)

5. Analyse coûts-bénéfices de la réduction de la fragilité chez les aînés québécois de la cohorte CETIe - Marie Josée Sirois (Montréal, Québec)

Point de vue de nos proches voisins les Belges . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 866. Relation entre le débit expiratoire de pointe, les capacités physiques et l’inci-

dence de la fragilité chez les personnes âgées résidant en maison de repos : résultats de la cohorte SENIOR - Alexia Charles et al. (Liège, Belgique)

Quelques petits points intéressants de chez nous à noter en plus . . . . . . . . . . . . . . . p. 887. L’activité physique comme outil de prise en charge au sein

des cliniques de jour - Marc Bonnefoy (Lyon, France)8. Des valeurs de CRP élevées sont associées à la trajectoire de l’index

de fragilité : une étude prospective - Mathieu Maltais et al. (Toulouse, France)9. Oméga-3 et performance motrice - Yves Rolland (Toulouse, France)

CAS CLINIQUE ............................................................P. 73• Un hématome qui pousse au suicide

Quel est votre diagnostic ? Dr Aurélie Daumas, Dr Pierre Leveque, Dr Barbara Mizzi, Dr Patrick Bensa, Pr Sébastien Salas, Dr Anne Amrani, Pr Patrick Villani (Marseille)

ZOOM SUR ...................................................................P. 93Le modèle de MontréalD’une expérience de soin initiatique à la participation aux mutations d’un système de santéDr Luigi Flora (Montréal, Canada)

BULLETIN D’ABONNEMENT ..................................... P. 76 AGENDA ....................................................................... P. 92

Assemblés à cette publication : 2 bulletins d’abonnement (2 pages chacun)Image de couverture : © jxfzsy - iStock.

Page 3: LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

CAS CLINIQUE

Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164 73

1Service de médecine interne, gériatrie et théra-peutique, hôpital de la Timone, AP-HM, Marseille2Service de gériatrie et de soins de suite et de réa-daptation gériatrique, hôpital Sainte-Marguerite, AP-HM, Marseille3Service d’oncologie médicale, hôpital de la Timone, AP-HM, Marseille

PRÉSENTATION DU CASNous rapportons le cas d’un patient de 90 ans hospitalisé en gériatrie pour des chutes à répéti-tion avec maintien à domicile ren-du difficile. Depuis l’une d’entre elles, il présentait un hématome au niveau de la fesse droite favo-risé par la prise d’acétylsalicylate de DL-lysine, avec une impotence fonctionnelle et des douleurs im-portantes au niveau du membre inférieur droit. Ces douleurs l’ont conduit à une tentative de suicide par arme à feu à l’origine d’une hospitalisation en psychiatrie. À son entrée dans notre service, le patient présentait une scia-talgie L5 droite avec un déficit des releveurs du pied respon-sable d’une boiterie d’esquive. La flexion de la hanche était limitée à 90°. L’examen ne retrouvait pas de syndrome rachidien, mais une tuméfaction indurée au niveau de la fesse droite sans adénopathie locorégionale. Par ailleurs, en dehors d’un ralentissement psy-chomoteur notable, le reste de l’examen clinique était sans par-

que de la gabapentine jusqu’à 100 mg matin et soir. Malgré des séances de kinésithérapie et les antalgiques, les capacités loco-motrices du patient déclinaient de jour en jour, avec une graba-tisation et des transferts au fau-teuil très douloureux. On notait également un amaigrissement et une confusion probablement en partie iatrogène. Devant cette évolution défavorable et l’aggrava-tion du syndrome inflammatoire, un scanner thoraco-abdomino-pelvien était réalisé ne montrant pas d’anomalie en faveur d’une néoplasie ou d’un processus in-fectieux. En revanche, l’imagerie mettait en évidence un hématome chronique de la fesse droite, avec un saignement récent sans fuite active. Le diagnostic d’hématome enkysté était posé. En l’absence d’aggrava-tion du déficit moteur et du fait de la confusion et de l’âge du patient, les chirurgiens ne retenaient pas d’indication de drainage. Une sup-plémentation par fer était débutée et une transfusion a finalement été nécessaire du fait de l’aggravation de l’anémie. Devant l’apparition de fièvre, la majoration du syn-drome inflammatoire sans point d’appel et l’aggravation du déficit des releveurs du pied, une nou-

Un hématome qui pousse au suicideQuel est votre diagnostic ?

Dr Aurélie Daumas1, Dr Pierre Leveque2, Dr Barbara Mizzi2, Dr Patrick Bensa2, Pr Sébastien Salas3, Dr Anne Amrani2, Pr Patrick Villani1, 2

ticularité. Les constantes étaient normales et l’IMC de 26. On notait comme comorbidités un diabète de type 2 équilibré grâce aux mesures hygiéno-diététiques instaurées et une hypertension artérielle non traitée. Son traitement comprenait de l’escitalopram 10 mg le matin, de l’oxazépam 10 mg au coucher, du paracétamol à posologie maxi-male et de l’acétylsalicylate de DL-lysine 75 mg par jour. Le bilan biologique mettait en évidence une anémie microcytaire arégéné-rative à 9,7 g/dl dans un contexte inflammatoire (CRP 90 mg/l). Les prélèvements à la recherche d’une infection étaient tous négatifs. Le bilan cardiologique et neurolo-gique ne trouvait pas d’explication aux chutes du patient. Une fracture était écartée et l’échographie des parties molles objectivait la pré-sence d’une volumineuse masse hétérogène fortement cloisonnée correspondant à un hématome, in-téressant tout le massif fessier du côté droit, mesurant 30×10×15 cm soit un volume d’environ 1 500 cm3. Un électromyogramme (EMG) confirmait l’atteinte radiculaire L5 subaiguë. L’acétylsalicylate de DL-lysine pris en prévention primaire était stoppé du fait de l’hématome compressif. Des antalgiques de palier 2 étaient introduits, ainsi

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CAS CLINIQUE

74 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

FIGURE 1 - Scanner du bassin objectivant la volumineuse collection tumorale hétérogène s’insinuant dans les muscles fessiers (coupes axiales A et B « fenêtre tissus mous ») avec au contact une érosion de la corticale externe de l’aile iliaque visible sur la coupe axiale C « fenêtre osseuse ».

velle échographie était deman-dée, complétée par un scanner du bassin retrouvant la volumineuse collection cloisonnée s’insinuant dans les muscles fessiers avec au contact une érosion de la corticale externe de l’aile iliaque (Fig. 1). Une prise en charge chirurgicale à vi-sée diagnostique a été alors déci-dée. L’aspect peropératoire était en faveur d’un sarcome avec une résection incomplète de la tumeur. L’examen anatomopathologique complété par de l’immunohisto-chimie confirmait le diagnostic de myxofibrosarcome de haut grade de malignité selon la Fédé-ration nationale des centres de lutte contre le cancer (FNCLCC). Il retrouvait une prolifération tumo-rale constituée d’éléments cellu-laires fusiformes ou pléomorphes agencés dans un fond myxoïde marqué avec de nombreux terri-toires de nécrose (score 3 pour la différenciation, score 3 pour les mitoses, score 2 pour la nécrose). L’évolution était défavorable avec un déclin cognitif et une extériori-sation de la tumeur au niveau de la cicatrice (Fig. 2). Une radiothé-rapie à visée antalgique a été envi-sagée après réunion de concerta-tion multidisciplinaire oncologique, mais rapidement stoppée devant l’état général du patient qui décè-dera quelques jours plus tard.

LE MYXOFIBROSARCOMELe terme de myxofibrosarcome est actuellement préféré à l’ancienne dénomination « histiocytofibrome malin myxoïde ». Les myxofibrosar-comes font partie des sarcomes les plus fréquemment retrouvés chez les patients âgés, avec un pic d’inci-dence compris entre 60 et 70 ans. Leur localisation se situe préféren-tiellement au niveau des membres inférieurs, mais aussi supérieurs. Le rétropéritoine est également fréquemment intéressé. Il s’agit de tumeurs conjonctives malignes intéressant les tissus cutanés et sous-cutanés dans deux tiers des

cas. Dans les autres cas, on re-trouve un envahissement des fas-cias et des muscles sous-jacents, voire une atteinte osseuse comme dans notre cas. La tumeur était très probablement à l’origine des chutes de notre patient du fait du déficit moteur lié à la compression nerveuse. En effet, en dehors de signes de compression, la clinique d’un myxofibrosarcome est sou-vent peu spécifique (tuméfaction, douleurs) et les examens complé-mentaires faussement rassurants retardant le diagnostic. L’échogra-phie est souvent l’examen réalisé en première intention, mais du fait de

FIGURE 2 - Photographie de la fesse droite du patient avec extériorisation de la tumeur au niveau de la cicatrice post-opératoire.

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Un hématome qui pousse au suicide

Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164 75

zones de nécrose et d’hémorragie, les sarcomes des tissus mous ont souvent un aspect échographique d’hématome. Rappelons qu’il n’y a pas d’hématome persistant. L’imagerie par résonance magné-tique (IRM) est l’examen de réfé-rence, mais ne permet pas de faire le diagnostic avec certitude. Dans le bilan local, le scanner ne doit être utilisé que si une IRM ne peut pas être réalisée. Parmi les présentations atypiques, un cas de myxofibrosarcome a été dia-gnostiqué devant un syndrome de Pancoast-Tobias habituellement révélateur d’un cancer de l’apex du poumon [1]. La croissance de ces tumeurs est habituellement lente. Elles me-surent en moyenne de 5 à 10 cm, mais peuvent être plus volumi-neuses, en particulier pour les tu-meurs rétropéritonéales. Le taux de récidive locale est d’envi-ron 50 %, principalement en raison d’une exérèse initiale insuffisante, avec une évolution du grade tumo-ral à chaque récidive et un pronostic qui s’altère du fait des risques de métastases. Lorsqu’il est entière-ment de bas grade, le myxofibro-sarcome ne métastase presque jamais. Quand il est de grade inter-médiaire ou de haut grade, son taux de métastase est d’environ 30 % [2, 3]. L’essaimage est hématogène et la recherche de métastases pul-monaires doit être systématique avant d’envisager toute prise en charge thérapeutique.Le pronostic des sarcomes des tissus mous dépend du risque de récidive locale d’une part, et de l’apparition de métastases à dis-tance d’autre part [3]. Concernant le risque de récidive locale, il est d’autant plus important que les marges de résection sont conta-minées. Dans l’étude de Riouallon

et al. [4] portant sur 21 cas, 57 % des patients ont présenté une réci-dive. Le nombre moyen de récidives était de 1,4 par patient (1 à 8). Les marges de résection étaient saines dans quatre cas, marginales dans deux cas et incomplètes pour les 15 autres patients, avec des taux de récidive respectifs de 25, 50 et 67 %. Dans l’étude d’Odei et al. [5] portant sur 52 cas de myxofibro-sarcomes (âge moyen des patients : 65 ans), dont 46 % étaient localisés aux membres inférieurs, l’âge éle-vé et les marges de résection non saines étaient significativement associés à la récidive locale de la tumeur. En ce qui concerne le risque métas-tatique et de mortalité, les princi-paux facteurs pronostiques sont le grade histologique, la taille de la tumeur et sa localisation (superfi-cielle ou profonde) [6, 7]. Plusieurs systèmes de grade histologique (grading) existent. En Europe, le système de grading le plus utilisé est celui de la FNCLCC qui prend en compte la différenciation cellulaire, la proportion de nécrose tumorale et l’index mitotique. Ce système apparaît actuellement comme le plus performant, bien que toujours imparfait [8]. Dans plus de 90 % des sarcomes des tissus mous de l’adulte, le grade histologique re-présente le meilleur facteur pré-dictif d’une évolution métastatique et de la survie globale. Il permet de séparer les tumeurs de bon pronos-tic (grade 1) de celles de mauvais pronostic (grade 3). La survie sans métastases à 5 ans est de 90 %, 71 % et 43 % pour les grades 1, 2 et 3, respectivement, tous types histo-logiques confondus [9].Le traitement standard du myxo-fibrosarcome est l’exérèse chirur-gicale radicale. Il n’y a pas d’indi-cation à un curage ganglionnaire

régional de principe. Ces tumeurs sont cependant difficiles à réséquer complètement d’emblée en raison de leur caractère infiltrant, souvent sous-estimé avant l’intervention. Le risque élevé de récidive impose de réaliser une exérèse la plus complète possible. Le traitement chirurgical nécessite des marges de résection beaucoup plus larges que ne le laissent prévoir l’évalua-tion clinique et l’imagerie. En effet, dans l’étude de Riouallon et al. [4], la taille évaluée à l’examen clinique préopératoire était sous-estimée en moyenne de 2,4 cm par rapport à la taille évaluée par l’examen macro-scopique anatomopathologique. La taille évaluée sur l’imagerie pré-opératoire était également sous-estimée de 1,3 cm en moyenne. En cas de résection incomplète, le standard est de faire une reprise d’exérèse élargie si possible. Un traitement néoadjuvant peut être discuté en réunion de concerta-tion pluridisciplinaire (RCP) en cas de tumeur de haut grade et/ou de chirurgie potentiellement mutilante (du fait du volume tumoral ou de la topographie) ou de tumeur dont l’exérèse ne peut être complète. Le choix du traitement néoadjuvant est fonction du grade, de la topo-graphie tumorale, de l’âge et des comorbidités. Selon les cas peuvent se discuter une radiothérapie, une chimiothérapie systémique ou une chimiothérapie locorégionale. n

✖ Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêt.

Mots-clés Myxofibrosarcome, Histiocytofibrome malin myxoïde, Hématome

Page 6: LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

CAS CLINIQUE

76 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

1. Jevremovic V, Yousuf A, Hussain Z et al. A rare presentation of myxofibrosarcoma as a Pancoast tumor: a case report. J Med Case Rep 2017 ; 11 : 61. 2. Mentzel T, Calonje E, Wadden C et al. Myxofibrosarcoma. Clinicopathologic analysis of 75 cases with emphasis on the low-grade variant. Am J Surg Pathol 1996 ; 20 : 391-405.3. Willems SM, Debiec-Rychter M, Szuhai K et al. Local recurrence of myxofibrosarcoma is associated with increase in tu-mour grade and cytogenetic aberrations, suggesting a multistep tumour progression model. Mod Pathol 2006 ; 19 : 407-16.4. Riouallon G, Larousserie F, Pluot E et al. Superficial myxofibrosarcoma: assessment of recurrence risk according to the surgical margin following resection. A series of 21 patients. Orthop Traumatol Surg Res 2013 ; 99 : 473-7. 5. Odei B, Rwigema JC, Eilber FR et al. Predictors of local recurrence in patients with myxofibrosarcoma. Am J Clin Oncol 2017 ; doi: 10.1097/COC.0000000000000382.

6. Guillou L, Coindre JM. Grade histopronostic des sarcomes des tissus mous de l’adulte. Méthode d’évaluation, intérêt et limites. Ann Pathol 1998 ; 18 : 473-80.7. Coindre JM. Grading of soft tissue sarcomas: review and update. Arch Pathol Lab Med 2006 ; 130 : 1448-53.8. Guillou L, Coindre JM, Bonichon F et al. Comparative study of the National Cancer Institute and French Federation of Cancer Centers Sarcoma Group grading systems in a population of 410 adult patients with soft tissue sarcoma. J Clin Oncol 1997 ; 15 : 350-62.9. Coindre JM, Terrier P, Guillou L et al. Predictive value of grade for metastasis development in the main histologic types of adult soft tissue sarcomas: a study of 1240 patients from the French Federation of Cancer Centers Sarcoma Group. Cancer 2001 ; 91 : 1914-26.

Bibliographie

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Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164 77

ÉCHOS DES CONGRÈS

*Interne en médecine gériatrique (DES de gériatrie), CHU de Nîmes

Retour sur le 6e congrès Fragilité du sujet âgéLes temps forts

Les données épidémiologiques européennes montrent qu’environ 30 % des sujets de plus de 65 ans sont pré-fragiles et 15 % d’entre eux sont fragiles. La fragilité et le déclin fonctionnel sont des sujets de santé publique mondiale, d’autant plus au vu du vieillissement de la population. En effet, les données de l’OMS montrent qu’entre 2000 et 2050, la proportion de la population mondiale de plus de 60 ans doublera pour passer d’environ 11 % à 22 %. Le nombre absolu de personnes âgées de 60 ans et

plus devrait augmenter pour passer de 605 millions à 2 milliards au cours de la même période. Il est donc important de dépister et de prendre en charge en temps et en heure la fragilité, pour permettre un vieillissement dans les meilleures conditions. Au cours de ce congrès, un certain nombre d’inter-venants de différents pays ont pu mettre en pers-pective différentes idées pour prévenir le déclin fonctionnel et parvenir à des soins plus adaptés au sujet âgé, dans l’espoir d’un avenir meilleur.

Camille Candé*

SOMMAIRE

Point de vue de la Suisse francophone ..................................................................................................... p. 781. Vieillir en santé - Pr Jean-Pierre Michel (Genève, Suisse)2. Une application mobile pour mesurer la capacité intrinsèque - Pr Jean-Pierre Michel (Genève, Suisse)

Point de vue de nos voisins outre-Atlantique canadiens ......................................................................... p. 823. Prévenir la fragilité post-urgence : l’initiative canadienne - Marie Josée Sirois (Montréal, Québec)4. Activité physique adaptée et gérontotechnologie pour contrer la perte de l’autonomie physique au sein

des résidences pour aînés - Mylène Aubertin-Leheudre (Montréal, Québec)5. Analyse coûts-bénéfices de la réduction de la fragilité chez les aînés québécois de la cohorte CETIe -

Marie Josée Sirois (Montréal, Québec)

Point de vue de nos proches voisins les Belges ....................................................................................... p. 866. Relation entre le débit expiratoire de pointe, les capacités physiques et l’incidence de la fragilité chez les personnes

âgées résidant en maison de repos : résultats de la cohorte SENIOR - Alexia Charles et al. (Liège, Belgique)

Quelques petits points intéressants de chez nous à noter en plus .......................................................... p. 887. L’activité physique comme outil de prise en charge au sein des cliniques de jour

- Marc Bonnefoy (Lyon, France)8. Des valeurs de CRP élevées sont associées à la trajectoire de l’index de fragilité : une étude prospective

- Mathieu Maltais et al. (Toulouse, France)9. Oméga-3 et performance motrice - Yves Rolland (Toulouse, France)

Page 8: LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

78 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

ÉCHOS DES CONGRÈS

POINT DE VUE DE LA SUISSE FRANCOPHONE

“Vieillir”, c’est accumuler des phénomènes aléatoires qui expliquent la dégradation progressive des différents or-ganes aboutissant, par la suite, au vieillissement lui-même.

LE VIEILLISSEMENT EST POLYGÉNIQUETandis que certaines personnes vivent jusqu’à 100 ans, voire plus, d’autres ont un mécanisme de vieillissement plus rapide (par exemple, les personnes atteintes de la maladie extrêmement rare, la progéria). On constate égale-ment une variabilité dans la rapi-dité du vieillissement chez les animaux d’une même espèce et vivant dans un même environne-ment. Le vieillissement est donc un pro-cessus dynamique et complexe, qui dépend du temps qui s’écoule, mais aussi, de nombreux autres déterminants. Tout d’abord, il faut savoir que 25 % de nos gènes sont fixes et déterminent certaines maladies génétiques. Les 75 % restant sont modulés au cours de la vie en fonction de certains déterminants de santé : l’édu-

1. VIEILLIR EN SANTÉ

Pr Jean-Pierre Michel (Genève, Suisse)

cation, le niveau socioculturel et économique, les habitudes de vie avec l’alcool et le tabac, l’exercice physique, et l’environnement (les violences, les guerres, etc.). “Vieillir en santé” commence dès la conception. Nous oublions très souvent l’âge moyen d’une vie en bonne santé, aux alentours de 40-50 ans, âge avant lequel nous ne pensons pas aux problèmes de la vieillesse. Cependant, c’est exactement sur cette période que notre futur repose : nous sommes donc les acteurs de notre propre vieillissement.

« VIEILLIR EN SANTÉ », UN PEU D’HISTOIRE

Les études et publications sur le vieillissement et la fragilité aug-mentent d’années en années et les définitions sont fréquemment

remises à jour. Les toutes pre-mières publications sont apparues au début du XXe siècle. Le vieillis-sement avait alors une conno-tation négative et était associé à la notion de “désengagement” : déclin des fonctions de l’orga-nisme, pertes multiples, attente de la mort... Cependant, du fait de l’hétérogénéité de la population et des modifications individuelles liées à de multiples facteurs, cette première définition a très vite été remise en cause. Le terme de “vieillissement réussi” est pour la première fois apparu dans les années 1960. Il fut exprimé par le Professeur Robert James Havighurst, cher-cheur dans le domaine de la sé-nescence. Le scientifique décrit ainsi le “vieillissement réussi” : « une condition de vie sociale et environnementale d’une personne qui peut vivre pleinement et d’une

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façon heureuse jusqu’à sa mort ». Cette définition a bouleversé le champ de la gérontologie : pour la première fois, le vieillissement était abordé sous un angle positif. Quelques décennies plus tard, en 1992, les chercheurs en géronto-logie Rowe et Kahn ont défini les trois composantes du “vieillisse-ment réussi” (Fig. 1):1. La santé, c’est-à-dire l’absence de maladies sévères.2. Le bon fonctionnement général, avec une haute capacité physique et cognitive.3. L’engagement social important.De ces études ont émané de nom-breuses réactions positives autour de la personne âgée. Face à cet enthousiasme, les gérontologues Paul et Margret Baltes ont proposé dans les années 1990 un modèle permettant de comprendre les clés d’un “vieillissement réussi”. Ils ont mis en évidence trois fonc-tions – sélection, optimisation, compensation au changement – en s’appuyant notamment sur l’exemple du pianiste Arthur Ru-binstein qui vécut longtemps et joua du piano jusqu’à la fin de sa vie. Il s’entraînait énormément et sélectionnait soigneusement les morceaux qu’il jouait. Par ailleurs,

comme il était moins habile avec l’âge, il ralentissait son rythme de base afin que les mouvements d’ac-célération apparaissent plus claire-ment. Cet exemple illustre les trois fonctions précédemment citées.Enfin, la notion de “vieillissement actif” énoncée par l’OMS en 2002 comporte 3 piliers centraux : san-té, participation, sécurité. Avec cette vision , la qualité de vie des personnes âgées devient une préoccupation de santé publique. Les personnes âgées doivent bé-néficier des mêmes soins que les autres, conserver leurs respon-sabilités personnelles, rester une ressource et un modèle pour leur famille et participer à la vie écono-mique de leur communauté. Malheureusement, ce modèle a été réutilisé par la Communauté européenne, qui a instauré une “pratique” du “vieillir actif”, avec un apprentissage tout au long de la vie, une durée de travail prolongée, une retraite retardée... Ces dernières notions n’ont pas manqué de susci-ter des controverses majeures, avec une rétrogradation de la justice so-ciale à l’égard des personnes âgées devant rester plus longtemps dans la vie active sous prétexte de leur bien-être. Par ailleurs, une deu-

xième controverse a été soulevée : être malade signifie-t-il que l’on ne peut plus “vieillir activement” ?Le terme de “vieillissement en santé” apparaît en 2006 à l’OMS et se rapporte au processus d’opti-misation des opportunités favori-sant la forme physique, mentale et sociale afin de conserver une vie indépendante, de bonne qualité, et de prendre part de manière active à la vie en communauté, sans dis-crimination. Pour faire suite à cette définition, une autre qualification de la Com-munauté européenne ressort  : c’est l’optimisation des opportu-nités de rester en bonne santé et d’augmenter la qualité de vie. Derrière cette notion, on retrouve le pari de l’OMS d’augmenter tous les Européens de 2 années de vie “en bonne santé” d’ici 2020. Cependant, cette définition du vieillissement actif et en bonne santé n’a jamais vraiment été pro-mue ni acceptée par l’ensemble des intervenants des centres de santé, car trop exigeante.En début d’année 2018, l’OMS a dé-voilé sa nouvelle définition, après avoir regroupé tous les concepts publiés ces dernières années : le “vieillir en santé”, c’est-à-dire le processus de développer ses ca-pacités fonctionnelles pendant la période de croissance, puis de les maintenir le plus longtemps pos-sible pour permettre le bien-être jusqu’au bout de la vie. On passe donc d’une médecine d’organe à une médecine de fonctionnalité.

Avoiding diseaseand disability

High cognitive andphysical functionEngagement with life

Successfulaging

FIGURE 1 - Les trois composantes du “vieillissement réussi” (Rowe et Kahn, 1992).

« Vieillir en santé est bien plus que l’absence de maladie » Dr Margaret Chan, WHO GD, 2015

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ÉCHOS DES CONGRÈS

LES CAPACITÉS INTRINSÈQUES (Fig. 2)Les capacités intrinsèques sont propres à chaque personne. D’une part, elles sont conditionnées par la génétique et les caracté-ristiques personnelles, et d’autre part par les caractéristiques de santé. Les capacités intrinsèques représentent notre potentiel sur les plans physiologique, physique, cognitif, locomoteur, et sur la vita-lité. Cependant, il faut aussi tenir compte de l’environnement. Dans la figure 3, on remarque une première période (jusqu’à 40 ou 50 ans) marquée par la crois-sance des capacités intrinsèques. Ensuite, on observe un déclin progressif tout au long de la vie, jusqu’à une perte significative chez les personnes âgées. En parallèle, les aptitudes fonction-nelles restent correctes au début, puis diminuent en suivant le tracé des capacités intrinsèques. Il fau-drait donc essayer de parvenir au plus haut niveau d’aptitudes fonc-tionnelles puis de le maintenir le plus longtemps possible. Nos capacités intrinsèques dé-pendent de l’éducation, de l’exer-cice physique et de l’environne-ment familial et sociétal, mais également de la capacité à obte-nir des soins de qualité à un prix raisonnable, c’est-à-dire d’avoir accès à l’Assurance maladie. Ceci, dans l’objectif de vivre indépendant le plus longtemps possible, jusqu’à une fin de vie dans la dignité.

LES INTERVENANTS ET INTERVENTIONS POSSIBLESQuels sont les intervenants/inter-ventions possibles pour mettre en place un projet comme celui-là ?

C’est le récent questionnement de l’OMS. La promotion de la santé, notamment via l’éducation, la nu-trition et l’hygiène de vie est pri-mordiale. La prévention des maladies chro-niques (diabète, etc.) est égale-ment importante et doit idéale-ment être débutée entre 45 et 55 ans. Les troubles cognitifs, la sarcopénie ou encore les troubles sensoriels doivent être inclus dans l’objectif. Ces préventions précoces sont donc nécessaires pour moduler et améliorer le pro-cessus de vieillissement.

En parallèle, l’OMS essaie de trouver un moyen de mesurer ce “vieillissement en santé” et de concevoir des instruments qui permettraient de coter et de qua-lifier le vieillissement.

Timeorientation Memory

Balance

LOCOMOTION

INTRINSICCAPACITY

VITALITY

SENSORY

PSYCHOLOGICAL

COGNITION

Gait speed

Gripstrength

Lowenergy/fatigue

Snellen test

Audiometry orwhisper test

Core symptomsof depression

Abdominalcircumference

High and stable capacity Declining capacity Significant loss of capacity

Functionalability

Intrinsiccapacity

FIGURE 2 - Les capacités intrinsèques : de quoi dépendent-elles ?

FIGURE 3 - Courbe de décroissance de nos capacités intrinsèques.

à retenir

> Plus nous augmentons nos aptitudes fonctionnelles, meil-leur sera l’affrontement contre le vieillissement.

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Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164 81

2. UNE APPLICATION MOBILE POUR MESURER LES CAPACITÉS INTRINSÈQUES

Pr Jean-Pierre Michel (Genève, Suisse)

Dans le cadre de la prévention pri-maire du “vieillissement en san-té”, du développement et du main-tien des aptitudes fonctionnelles et en ayant à l’esprit l’objectif de diminuer la dépendance chez la personne âgée, le Professeur Mi-chel développe actuellement une application pour évaluer et suivre les capacités intrinsèques des patients en se basant sur l’auto-évaluation (Fig. 1). L’application qui se nomme « Age-Advisor » comportera 3 parties. La première partie, un jeu appelé « La fleur de l’âge », permettra de mesurer ses capacités physiques, mentales et cognitives. Des recom-mandations sous la forme d’exer-cices quotidiens seront ensuite émises en fonction des résultats. L’application intégrera également des questions plus personnalisées et médicalisées, avec des mesures physiques de la performance. Pour cela, les critères de Fried seront repris et associés à d’autres ques-tions plus personnalisées.Différents tests comme le Timed Up and Go et le test de l’équilibre en appui unipodal seront intégrés dans l’algorithme pour évaluer les capacités motrices, ainsi que diffé-rentes mesures dont la mesure du mollet.Les capacités mentales et cogni-tives seront cotées en fonction de la thymie, dont le stress, et des plaintes mémoires rapportées par la personne elle-même ou par un tiers. Le test d’Isaac sera notam-ment utilisé pour évaluer la capa-cité cognitive.

L’application demandera aussi d’évaluer la qualité de vie du patient. Le résultat final apparaîtra sous la forme d’une fleur, où chaque pétale représentera une capacité. Plus la capacité sera évoluée, plus le pétale sera grand.L’application permettra également un suivi des recommandations, avec un renouvellement des mesures tous les 3 à 6 mois. Le suivi pourra éventuellement être discuté avec

les professionnels de santé. Grâce à la répétition trimestrielle du test, cette application permettra de détecter la fragilité et le déclin des différents domaines explorés. Les objectifs de cette application sont d’agir plus rapidement sur les capacités intrinsèques, de prévenir le déclin fonctionnel (surtout si elle est utilisée dès l’âge de 40-50 ans), et de promouvoir le vieillissement futur en bonne santé.

1. Tabagisme

2. État nutritionnel3. Sarcopénie4. Fragilité5. Équilibre

6. Vitesse de marche7. Réserve fonctionnelle

Les multiples ALGORITHMES tiennent comptede votre âge, sexe et des résultats

de vos réponses et tests

AgeAdvisor

8. Mémoire • sémantique • visuelle

9. Sensorialité • audition • vision

Auto-évaluation de la santé subjectiveAuto-évaluation de la qualité de vie

Les domaines explorés par l’APP

FIGURE 1 - Les domaines explorés par l’application AgeAdvisor.

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82 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

ÉCHOS DES CONGRÈS

POINT DE VUE DE NOS VOISINS OUTRE-ATLANTIQUE CANADIENS

3. PRÉVENIR LA FRAGILITÉ POST-URGENCE : L’INITIATIVE CANADIENNE

Marie Josée Sirois (Montréal, Québec)

Au Canada, près de 400 000 per-sonnes de plus de 65 ans sont victimes de blessures qui ne menacent pas leur vie, mais qui peuvent limiter leur mobilité et affecter leur statut fonctionnel. Dans les cohortes canadiennes CETI d’aînés encore autonomes (recrutés entre 2009 et 2015) consultant les urgences pour des blessures mineures, le taux de déclin fonctionnel 3 à 6 mois post-blessure est de 16 %. Les aînés pré-fragiles ou fragiles étant 10 fois plus à risque que les robustes de se retrouver limités dans leur mobilité et leur fonc-tionnement quotidien. Or, aucune directive de prise en charge adaptée post-urgences de ces aînées n’est actuellement mise en place. L’objectif de cette étude est de caractériser le déclin fonction-nel chez les aînés pré-fragiles encore autonomes consultant pour des blessures mineures, et d’évaluer les effets potentiels des exercices physiques sur la mobilité et les capacités fonc-tionnelles. Ainsi, 135 aînés (72,6 ± 6,2 ans, pré-fragiles : 45 %) vivant en communauté et consultant les urgences (2 services d’urgences du Québec) pour une blessure mineure et non-hospitalisés ont été randomisés dans un groupe intervention (n = 75 ; à domicile via une gérontotechnologie ou en

communauté) ou contrôle (n = 60). Les patients présentaient des blessures mineures telles que des contusions (44 %), des lacéra-tions (25 %), des fractures (25 %), etc. À 3 et 6 mois, des pertes fonctionnelles, c’est-à-dire des limitations dans les activités de la vie quotidienne (AVQ), ont pu être observées dans les sous groupes de personnes pré-fragiles et fra-giles. Les pertes fonctionnelles étaient surtout sur le plan de la mobilité (marche à domicile, transferts, mobilité dans la com-munauté). Les déterminants de ce déclin fonctionnel sont sans sur-prise : les personnes plus fragiles étaient 15 fois plus à risque de présenter des troubles de la mo-bilité que les personnes robustes (Fig. 1). De même, les personnes qui avaient initialement peur de

tomber étaient plus à risque de déclin fonctionnel en post-bles-sure (Fig. 2). Même constat pour le Timed up and go test (TUG) : plus le TUG était augmenté, plus le patient était à risque de déclin fonctionnel à 3 et 6 mois post-blessure (Fig. 3).Cette étude a notamment exa-miné le type de service auquel le patient avait recours en post-ur-gence. Ainsi, seulement 25 % de la cohorte a bénéficié de la kiné-sithérapie. Les personnes fra-giles qui ont eu recours à la ki-nésithérapie ont gagné 1,5 point au niveau du statut fonctionnel, alors que les personnes qui n’ont pas eu accès à ce service n’ont quant à elles rien gagné.Ainsi, la prise en charge post- urgence doit être optimisée au maximum.

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Robuste Pré-fragile Fragile

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FIGURE 1 - Incidence cumulée déclin fonctionnel 3-6 mois après la blessure.

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QUE FAIRE POUR OPTIMISER LA PRISE EN CHARGE POST-URGENCE ?Toutes les études de la littérature montrent que l’exercice physique est vraiment l’intervention de choix pour éviter le déclin fonction-nel. Forte de ce constat, l’équipe canadienne du Dr Sirois a mis en place une étude pilote utilisant un programme d’exercice physique dès la sortie des urgences permet-tant de travailler l’équilibre, le ren-forcement musculaire et la flexi-bilité. L’intervention consistait en deux séances d’une heure par se-maine durant 12 semaines. Il s’agit d’un essai clinique rando-misé pragmatique ayant recruté des patients assignés de façon aléatoire à des programmes pré-existants. Certains des patients ont eu recours à la Jintronix©, une mé-thode de kinésithérapie connectée, avec un avatar dont la personne âgée doit reproduire les mouve-ments.En termes de faisabilité, le délai médian d’intervention était de 23 jours après le passage aux ur-

gences et le taux de participation des patients était relativement éle-vé (> 60 %).

RÉSULTATSLe taux de perte fonctionnelle s’élève à 5 % dans le groupe inter-vention et à 15-17 % dans le groupe contrôle. À 3 mois, comparé au groupe contrôle, le groupe inter-vention avait amélioré significati-vement sa vitesse de marche (78 % de patients améliorés vs 70 % ; p  <  0,05), sa force aux membres inférieurs (71 % vs 55 % ; p < 0,05), son fonctionnement physique général (73 % vs 59 % ; p < 0,05), et maintenu ou amélioré son sta-tut fonctionnel (84 % vs 60 % ; p < 0,05). Une analyse de rendement a aussi été effectuée par âge et, dans le groupe intervention, les béné-fices de la kinésithérapie sont surtout observés chez les plus de 75 ans, notamment au niveau de la force musculaire.

CONCLUSIONLes programmes de kinésithérapie

réalisés en post-urgence suite à une blessure sont bénéfiques au niveau de la force musculaire des membres inférieurs, surtout chez les plus de 75 ans fragiles.La peur de tomber diminue de 45 % dans le groupe interven-tion. Toutefois, bien que le niveau d’exercice s’améliore à 3 mois dans le groupe intervention, il tend à diminuer par la suite, stagner à 6 mois, pour finalement revenir au niveau initial. Par ailleurs, un essai clinique ran-domisé incluant un programme adapté au domicile est en cours de réalisation ainsi qu’une analyse coût-bénéfice sur l’intervention de la kinésithérapie après un passage aux urgences.

Peur de tomber : scores moyens /10

Initial7

7,5

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3 mois 6 mois

Non-déclineursDéclineurs

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< 10 s 10-19 s

Fragilité

Déclin 3 mois

Déclin 6 mois

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RR : TUG - fragilisé vs déclin fonctionnel

p < 0,0001

20-29 s ≥ 30 s

TUGTUGTUGTUG

Incapable

3

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FIGURE 2 - Lien entre la peur de tomber initiale et le déclin fonctionnel à 3 et 6 mois post-blessure.

FIGURE 3 - Lien entre le score TUG (Timed up and go test) et le déclin fonctionnel à 3 et 6 mois post-blessure.

à retenir

> Cette étude montre que l’inter-vention d’exercices physiques via la gérontotechnologie ou des groupes d’entraide commu-nautaires semble efficace pour limiter les pertes fonctionnelles et de mobilité chez les aînés après une blessure mineure.

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84 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

ÉCHOS DES CONGRÈS

4. ACTIVITÉ PHYSIQUE ADAPTÉE ET GÉRONTOTECHNOLOGIE POUR CONTRER LA PERTE DE L’AUTONOMIE PHYSIQUE AU SEIN DES RÉSIDENCES POUR AÎNÉS

Mylène Aubertin-Leheudre (Montréal, Québec)

LES NOUVELLES TECHNOLOGIES POUR PRÉVENIR LA FRAGILITÉAu Canada, 30 % des personnes de 80 ans et plus vivent dans des résidences pour personnes âgées (RPA). Parmi eux, 21 % décident d’y vivre par eux-mêmes. Malheu-reusement, on constate une aug-mentation de la sédentarité dans ces résidences. En cause : les chutes, les limitations de sortie, le manque de service ou encore le fait que les horaires ne soient pas en adéquation avec les désirs indi-viduels.Des études de la littérature ont montré que la prévalence de la sarcopénie ainsi que l’évolution de nos performances physiques dépendent du milieu de vie.Les interventions en activité phy-sique sont efficaces pour mainte-nir les capacités fonctionnelles, mais seulement 10 % des per-sonnes vivant en RPA sont ac-tives. Or, un tel niveau de séden-tarité (90 %) pourrait contribuer à l’aggravation de leur état fonction-nel et physique déjà pré-fragile ou fragile. Bien qu’une prise en charge en kinésithérapie permette d’augmenter le taux de personnes âgées actives, les kinésiologues ne peuvent malheureusement être présents en permanence dans les RPA.La gérontechnologie s’est donc progressivement installée dans les programmes d’activité phy-sique adaptée (APA) :- La Wii : permet plutôt de travail-ler la dextérité que le mouvement en lui-même.

- Les plateformes de force : uti-lisent des senseurs pour travailler l’équilibre. - Les systèmes par caméra de type Kinect : permettent de créer un avatar et de réaliser le mou-vement demandé. Malheureuse-ment, ces jeux ne sont pas adap-tés aux patients gérontologiques.Une des principales limites de ces récentes technologies est que les soignants manquent de retour d’expérience et ne peuvent donc pas évaluer efficacement l’exer-cice réalisé et la progression du patient.

LA START-UP JINTRONIX©

À Montréal, la start-up Jintronix© a développé un système s’ap-puyant sur le capteur de la Kinect et a créé des séances virtuelles de kinésithérapie pour la personne âgée. En plus d’être innovants et ludiques, ces exercices physiques ont l’avantage de pouvoir être commentés en direct par les pro-fessionnels de santé. Par ailleurs, cette technologie est portable et donc transportable dans tout type de logement.

■■ MÉTHODE Cette étude a pour objectif d’éva-luer la faisabilité et l’acceptabilité de la mise en place d’un tel sys-tème dans une maison de repos et de vérifier les effets bénéfiques de la gérontotechnologie sur la santé musculaire des personnes âgées. Ainsi, 42 personnes ont été recru-tées et assignées aléatoirement

dans un groupe exercice (n = 28) ou contrôle (n = 14). L’intervention consistait à réaliser de manière autonome deux séances d’activité physique par semaine via la géron-totechnologie (Jintronix©) durant 12 semaines, soit six exercices de type aérobie via un avatar et six exercices de résistance et d’équi-libre via des jeux.Un journal de bord était fourni aux personnes âgées pour qu’ils rap-portent le plaisir ressenti et la dif-ficulté des exercices réalisés.

■■ CARACTÉRISTIQUES DE LA POPULATION La population avait 80 ans en moyenne, présentait entre trois et cinq comorbidités, n’avait pas ou peu de chute dans les 3 der-niers mois et un score de peur de chute relativement bas. Le niveau d’activité physique était faible. L’étude incluait les personnes âgées ayant un déclin modéré de cognition. L’IMC était autour de 27-28 kg/m² avec un taux de masse grasse d’environ 37 %. La vitesse de marche de ces patients était autour de 0,8 ou 0,74 m/s.

LES RÉSULTATS Le groupe exercice a complété 89  % des séances, atteignant un niveau de qualité des mouvements de 87 %, réalisés pour 67 % en totale autonomie. 93 % des per-sonnes âgées du groupe ont trou-vé les exercices faciles à réaliser alors que la difficulté était aug-mentée progressivement, sans qu’ils en aient conscience. Par ail-

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Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164 85

5. ANALYSE COÛTS-BÉNÉFICES DE LA RÉDUCTION DE LA FRAGILITÉ CHEZ LES AÎNÉS QUÉBÉCOIS DE LA COHORTE CETIE

Marie Josée Sirois (Montréal, Québec)

leurs, 94 % des patients ont même trouvé les exercices agréables à réaliser. Toujours dans le groupe exer-cice, une amélioration du score Short Physical Performance Bat-tery (SPPB) était observée, avec une augmentation de 1 point à la fin de l’intervention (+1,1 vs -0,4). Dans le groupe exercice, cette augmentation était toujours présente à 3 mois, tandis que le SPPB déclinait dans le groupe contrôle. Concernant la vitesse de marche, le groupe exercice est le seul à perdurer dans le temps et à augmenter sa vitesse en post-

LE CONTEXTELa progression de la fragilité chez les aînés s’accompagne d’une augmentation du recours aux res-sources médicales, ce qui engendre des coûts supplémentaires aux sys-tèmes de santé. À l’heure actuelle, il existe peu d’études portant sur l’efficacité économique des traite-ments ciblant la fragilité.

L’OBJECTIFL’objectif de cette étude est d’esti-mer les économies en coûts de soins médicaux en lien avec la réduction de la fragilité chez des aînés non-institutionnalisés.

LA MÉTHODEDevis et sources de données :

intervention. En effet, la vitesse de marche chez ces patients augmente significativement dès le départ, ainsi qu’à 3 et 6 mois après le début de l’étude. À l’in-verse, la vitesse de marche du groupe contrôle rediminue 6 mois après le début de l’intervention. On constate donc une efficacité de l’intervention pour prévenir l’alté-ration de la vitesse de marche.

EN CONCLUSION L’exercice via la technologie Jin-tronix© semble largement fai-sable, acceptable, sécuritaire

(aucun événement malencontreux au cours de l’étude) et béné-fique, avec une augmentation de la vitesse de marche et du score SPPB. Ainsi, cette technologie pourrait facilement être mise en place au sein des résidences pour aînés.

les analyses coûts-bénéfices s’appuient sur les données de cohorte CETIe appariées aux don-nées administratives de la Régie de l’Assurance maladie du Québec (RAMQ). Population : 1 390 aînés non-ins-titutionnalisés ayant consulté aux urgences pour un traumatisme mineur entre 2009 et 2015. Mesures : la fragilité a été mesu-rée par le Elderly Risk Assess-ment (ERA) index. Les coûts des services médicaux rémunérés à l’acte par la RAMQ ont été pris en compte. Analyses : deux approches dis-tinctes ont été développées, soit une approche de « coût total » en deux temps en mesures répé-tées et une approche « par acte » qui estime séparément les coûts

des actes médicaux associés à la fragilité à l’aide de modèles bino-miaux négatifs mutivariés en me-sures répétées. Résultats : à l’entrée dans la co-horte, l’âge moyen était de 75,6 ans. Les proportions d’hommes et de femmes étaient de 38 % et 62 %. Au départ, 26 % des personnes étaient robustes, 60 % pré-fra-giles et 14 % fragiles. D’après le modèle d’analyse « par acte » les économies se situeraient entre 1 500 et 2 000 $ par point de fra-gilité perdu par période de 3 mois pendant la période d’observation. Conclusion : cette étude suggère que des économies substantielles peuvent être générées lorsque le niveau de fragilité des aînés se stabilise ou diminue dans le temps.

à retenir

> L’intervention via une géronto-technologie chez des personnes âgées vivant en RPA entraîne une amélioration des principaux prédicteurs de la mortalité.

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86 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

ÉCHOS DES CONGRÈS

Les maisons de repos en Belgique sont les équivalents des Ehpad en France. Identifier les indicateurs de la fragilité est un enjeu majeur de la prise en charge thérapeu-tique de la personne âgée et de la prévention de la perte d’auto-nomie. De nombreuses études ont été publiées sur l’association entre la fragilité, les capacités physiques et la force musculaire. Cependant, l’association entre le débit expiratoire de pointe (DEP) et l’incidence de la fragilité n’a jamais été étudiée en profondeur. De plus, il y a peu de données en maison de repos sur le DEP.

PETIT RAPPEL SUR LE DEPLe DEP est le débit instantané maximal réalisé au cours d’une manœuvre d’expiration forcée exécutée à partir de la position ins-piration complète. Ce paramètre reflète le calibre des voies aé-riennes centrales et la force exer-cée par les muscles expiratoires. Dans certaines maladies comme l’asthme et la bronchopneumopa-thie chronique obstructive (BPCO), le DEP diminue et l’importance de cette diminution témoigne de la gravité de la maladie.La mesure du DEP révèle par-fois un asthme bien toléré ou une BPCO chez un fumeur.

6. RELATION ENTRE LE DÉBIT EXPIRATOIRE DE POINTE, LES CAPACITÉS PHYSIQUES ET L’INCIDENCE DE LA FRAGILITÉ CHEZ LES PERSONNES ÂGÉES RÉSIDANT EN MAISON DE REPOS : RÉSULTATS DE LA COHORTE SENIOR.

Alexia Charles et al. (Liège, Belgique)

POINT DE VUE DE NOS PROCHES VOISINS LES BELGES

OBJECTIF DE L’ÉTUDEL’objectif de l’étude est d’évaluer l’impact d’un DEP faible sur les capacités physiques et l’incidence de la fragilité en maison de repos. L’environnement de la maison de repos semble intéressant, car il y a un fort taux de patients fragiles.

MÉTHODELes données de l’étude pro-viennent de la cohorte SENIOR. Elles ont été évaluées au moment de l’inclusion et à 1 an. C’est une cohorte de 652 sujets résidant en maison de repos (Tab. 1).

Pour évaluer les valeurs théo-riques du DEP dans la population, un modèle de régression linéaire a été établi sur une partie de la cohorte SENIOR excluant les pa-tients fumeurs et ceux présentant une pathologie respiratoire chro-nique avec ou sans traitement. Ce modèle est calculé en fonction de l’âge, du sexe et de la taille.Grace à cette équation, une valeur théorique de référence est obte-nue pour chaque patient puis com-parée à leur propre valeur : le DEP est considéré comme faible s’il est inférieur à 80 % de la valeur théorique. Dans cette population référence, la moyenne du DEP chez les femmes est de 129 % et chez les hommes de 200 %.

RÉSULTATS Les caractéristiques des sujets ayant un DEP < 80 % de la va-leur théorique et ceux ayant un DEP > 80 % de la valeur théorique ont été comparées (Tab. 2).

L’âge, le sexe et l’IMC ne sont pas significatifs car le modèle est ajusté en fonction de ces variables. En revanche, on remarque que les sujets avec un DEP faible ont une force maximale de préhension plus réduite et des capacités phy-siques moins bonnes notamment au niveau du SPPB. Ces sujets avec un DEP faible ont donc ten-dance à être plus fragiles.Des analyses sur l’incidence de la fragilité ont ensuite été réali-sées sur 352 sujets et les résul-tats montrent que les sujets qui deviennent fragiles après 1 an ont tendance à avoir un DEP plus faible. Cependant, le DEP n’était plus associé à cette survenue de la fragilité lorsque le SPPB et la force maximale de préhension étaient ajoutés en tant que va-riables confondantes supplémen-taires dans le modèle statistique.Une autre étude belge a été réa-lisée récemment sur la prédiction des chutes après 1 an de suivi. Dans cette étude, différentes va-riables ont été analysées pour évaluer le risque de chute dont les valeurs brutes du DEP. Les résul- ©

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tats montrent que le DEP n’est pas en lien avec l’augmentation du risque de chute.

QUELLES SONT LES LIMITES DE CETTE ÉTUDE ?- Les valeurs avec un débitmètre de pointe sont moins précises qu’avec un spiromètre, mais le débitmètre a l’avantage d’être plus simple à utiliser.- Le débitmètre de pointe dépend de l’effort : il peut donc y avoir une variabilité de la mesure.- Les patients inclus dans l’étude ne présentent pas de troubles res-piratoires.

LES PERSPECTIVESIl serait intéressant de valider ces données à très long terme et de tester le DEP dans d’autres maisons de repos avec une plus grande population. De plus, il pourrait être intéressant de réa-liser cette étude chez les patients BPCO ou chez ceux ayant d’autres pathologies respiratoires chro-niques.

CONCLUSION Les valeurs de DEP diminuées sont corrélées avec l’apparition de la fragilité. Le DEP pourrait être un paramètre prédictif intéressant et pratique à mesurer en l’absence de tests physiques classiques. Cependant, d’autres études sont nécessaires pour comprendre si la mesure du DEP a une valeur pré-dictive de l’incidence de la fragilité qui pourrait être comparée à celle des tests physiques classiques.

TABLEAU 1 - DONNÉES ET MESURES DE L’ÉTUDE.

Données démographiques Âge, sexe, taille et circonférence du mollet.

DEP Débitmètre de pointe Mini Wright meterCapacités physiques et fonctionnelles Tests TUG* et SPPB*

Risque de chute Test de TinettiForces musculaires isométriques

8 groupes musculaires testés avec le dynamomètre MicroFET 2

Force de préhension Dynamomètre de type JamarFragilité Critères de Fried*TUG : timed up and go ; SPPB : short physical performance battery

TABLEAU 2 - CARACTÉRISTIQUES DES SUJETS AVEC DEP < 80 % OU DEP > 80 %.

Variables< 80 % de la

valeur théorique (N = 297)

> 80 % de la valeur théorique

(N = 349)Valeur de p

Âges (années) 83,12 ± 9,14 83,28 ± 8,85 0,83Sexe (femme) 213 253 0,83IMC (kg/m²) 25,86 ± 5,55 26,14 ± 5,51 0,52Circonférence mollet (cm) 32,78 ± 4,41 33,52 ± 4,06 0,03

Test du SPPB (/12) 4,92 ± 3,18 6,17 ± 3,14 < 0,001

Test de Tinetti (/26) 21,31 ± 6,80 23,35 ± 5,51 < 0,001

Test du TUG (sec) 27,43 ± 19,20 23,69 ± 18,84 0,01

Force maximale de préhension (kg)

16,29 ± 9,16 20,64 ± 11,99 < 0,001

*TUG : timed up and go ; SPPB : short physical performance battery

à retenir

> Le DEP n’a pas de valeur ajoutée par rapport au SPPB et à la force de préhension pour prédire la fragilité. Cependant, il reste un paramètre intéressant et facile à mesurer en l’absence de données.

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88 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

ÉCHOS DES CONGRÈS

Il existe une relation entre l’acti-vité physique rigoureuse et l’apti-tude à l’endurance (c’est-à-dire la puissance maximale, témoin de la forme physique), mais aussi avec l’énergie disponible. Il a aussi été montré que les personnes séden-taires ont une puissance aérody-namique diminuée.Plus la puissance aérodynamique diminue, plus l’endurance faiblit ce qui entraîne un déclin fonction-nel majorant la sédentarité : c’est donc un véritable cercle vicieux. Le principe de l’entraînement de la force est d’augmenter la résis-tance et donc la force musculaire. Les fibres musculaires sont re-crutées les premières semaines d’exercice, ce qui améliore la syn-chronisation des fibres entre elles et la contraction musculaire. Au bout de 6 semaines, la synthèse protéique et l’hypertrophie mus-culaire sont augmentées. Dans l’étude de D. Martinez-Gom-mez et al. publiée en 2017 dans le Journal of the American Geriatrics Society et s’intéressant à une popu-lation de personnes âgées de plus de 70 ans, le déclin de l’activité phy-sique s’accompagne d’une perte de mobilité avec une diminution de deux points du score SPPB.Les personnes âgées qui augmen-tent leur activité physique (envi-

QUELQUES PETITS POINTS INTÉRESSANTS DE CHEZ

NOUS À NOTER EN PLUS

7. L’ACTIVITÉ PHYSIQUE COMME OUTIL DE PRISE EN CHARGE AU SEIN DES CLINIQUES DE JOUR

Marc Bonnefoy (Lyon, France)

ron 10 % de la population) arrivent quant à elles à se maintenir. Par ailleurs, celles qui ne changent pas leurs habitudes en termes d’activité physique déclinent également, d’où l’intérêt d’une attitude proactive.L’objectif est donc d’intervenir de façon efficace en établissant un protocole de prévention systé-matique de la mobilité pour les personnes âgées consultant dans les cliniques de jour. Cela limitera notamment les besoins en res-sources de santé et donc les coûts et aura comme effet à long terme d’améliorer ou de maintenir la qualité de vie des sujets âgés.Le programme mis en place ici comprend un repérage dans la

communauté (Tab. 1) (réalisé par d’autres services que l’intra-hos-pitalier : CCAS, SSIAD, médecine générale, centres de prévention…), une évaluation et une prise en charge. Les patients qui répondent aux critères de repérage sont évalués en Hôpital de jour (HDJ). L’évaluation est multidisciplinaire incluant trois catégories de per-sonnels : diététicien/nutritionniste, professeur d’activité physique et personnel soignant médical. À l’is-sue de cette évaluation, les patients sont soit pris en charge au domi-cile, soit en communauté dans une structure professionnelle.Ce programme de renforcement musculaire s’effectue sur 10  se-

Évolution du SPPB global

Évolution du SPPB séances collectives

■ diminue ■ se maintient ■ augmente ■ diminue ■ se maintient ■ augmente

46 %27 %

27 %

50 %

17 %

33 %

FIGURE 1 - Évolution du SPPB à 3 mois (n = 35).

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2ee1

2 - i

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Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164 89

maines à raison de deux séances collectives ou individuelles par semaine, avec des mouvements spécifiques de répétition destinés à prévenir la perte de mobilité.En tout, 131 patients ont été pris en charge. À noter que l’état nutrition-nel de ces patients laisse à désirer. En effet, 25  % d’entre eux ont un MNA entre 17 et 23,5, et 13 % un IMC < à 21. Les besoins ne sont donc pas couverts uniformément chez tous les patients.

LES RÉSULTATS À 3 mois, sur les 35 patients suivis, 46 % présentent une amélioration du SPPB. Par ailleurs, on note une augmentation du SPPB chez 50 % des patients qui ont bénéficié de séances collectives (et 33 % ont un SPPB qui reste stable) (Fig. 1).Dans le sous-groupe de patients qui avaient un score SPPB initial inférieur à neuf, il y a une différence très nette entre l’avant et l’après : une augmentation de 1 point est à noter au bout de 3 mois. La vitesse de marche augmente de façon non significative dans le groupe. Cependant, dans le sous-

TABLEAU 1 - REPÉRAGE CLINIQUE SIMPLE.• Difficulté à se lever d’un siège ou d’un lit• Fatigue à l’effort• Difficulté à porter l’équivalent d’un panier de courses de 5 kg• Difficulté à monter les escaliers• Lenteur dans la marche ou l’exécution de mouvements de tous les jours• Difficulté à se déplacer dans l’appartement• Difficulté physique à faire les courses• Perte de poids involontaire• Peur de tomber ou plusieurs chutes dans l’annéeDeux critères doivent inciter à une prise en charge.

à retenir

On peut améliorer la mobilité de la personne âgée à condition :- d’un repérage adéquat,- d’une motivation de la part des patients, - de l’implication de tous les acteurs,- d’une prise en charge adaptée à la personne.

groupe ayant bénéficié d’une prise charge collective, la vitesse de marche augmente significative-ment.Les mêmes résultats sont retrou-vés pour le TUG dans le groupe prise en charge collective.Le score SF-36 n’est pas modifié. Cependant, en y regardant de plus près, il y a une nette amélioration de la vie sociale, de la vitalité, du bien-être émotionnel, ainsi que de l’évolution subjective des patients.

CONCLUSIONLes résultats préliminaires montrent clairement une ten-dance à l’amélioration du SPPB, de la vitesse de marche, de la

force musculaire et de la qualité de vie, ainsi qu’une augmentation de l’activité physique. Une telle prise en charge apparaît donc fai-sable et utile pour des patients âgés à risque de perte de mobilité.

8. DES VALEURS DE CRP ÉLEVÉES SONT ASSOCIÉES À LA TRAJECTOIRE DE L’INDEX DE FRAGILITÉ : UNE ÉTUDE PROSPECTIVE

Mathieu Maltais et al. (Toulouse, France)

Les changements pathophysiolo-giques de la fragilité ne sont pas encore bien connus. On sait que les marqueurs inflammatoires tels que les IL6, les leucocytes et la CRP sont associés à la fragi-lité. Déjà plusieurs études pros-pectives ont évalué l’impact d’une augmentation de la CRP sur la fra-gilité et la mortalité en concluant qu’une concentration élevée de

CRP augmente l’incidence de la fragilité et diminue l’espérance de vie chez les personnes âgées. Cependant, ces études ont seu-lement mesuré la CRP à l’inclu-sion et l’inflammation chronique n’a donc pas pu être évaluée. Par ailleurs, aucune des études n’a utilisé la fragilité comme variable dépendante, ce qui aurait pu aug-menter la sensibilité.

OBJECTIF DE L’ÉTUDE L’objectif de cette étude est d’évaluer si les valeurs de CRP sont associées à la trajectoire de l’index de fragilité chez des personnes âgées. Notre hypo-thèse est que des valeurs de CRP élevées influencent négati-vement les valeurs de l’index de fragilité.

Page 20: LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

90 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

ÉCHOS DES CONGRÈS

trajectoire de l’index de fragilité (p < 0,001). Dans le groupe CRP faible ou ”nor-male”, on voit que l’index de fragilité n’évolue pas significativement au cours des 3 années de suivi (Fig. 1). En revanche, dans le groupe CRP élevée de façon chronique, l’index de fragilité augmente progressive-ment au cours du temps.Cette étude montre que des va-leurs chroniquement élevées de CRP accélèrent l’accumulation des déficits (environ deux défi-cits en plus en 3 ans comparés à moins d’un déficit chez les sujets avec CRP faible, ce qui équivaut à l’incapacité à réaliser trois tâches : ex. vitesse de marche plus lente et épuisement subjectif).Ainsi, il pourrait être intéressant d’inclure les valeurs de CRP dans les tests de fragilité.

LIMITES ET PERSPECTIVES DE L’ÉTUDELes limites de cette étude sont que le lien entre cognition et concen-

tration en CRP n’a pas été évalué et que les participants étaient en bonne santé. Par ailleurs, on peut se poser plusieurs ques-tions : quel est l’impact clinique de cette étude ? La CRP chronique entraîne deux déficits versus un : est-ce significatif dans la pratique clinique ? Quels sont les déficits qu’accumulent les personnes plus fragiles ? Que faire en pratique cli-nique en cas de CRP augmentée sur le long terme ? Une CRP chro-niquement élevée augmente l’in-dex de fragilité, mais est-ce que ce n’est pas au contraire parce que les sujets sont fragiles qu’ils ont une CRP augmentée ?

CONCLUSION Cette étude montre que des va-leurs de CRP élevées peuvent accélérer l’apparition du nombre de déficits mesurés par l’index de fragilité. Est-ce qu’atténuer l’in-flammation permettrait de préve-nir l’apparition précoce de la fragi-lité chez nos aînés ? C’est en tout cas une piste intéressante.

Temps (mois)0

14

16

18

20

22

6

* *

*

*

12

CRP normale CRP chroniquement élevée

24 36

Inde

x de

frag

ilité

(30

item

s)

FIGURE 1 - Suivi de l’index de fragilité en fonction des groupes (CRP normale ou élevée) pendant 3 ans.

MÉTHODELa présente étude utilise les don-nées de l’étude MAPT. Il s’agit d’un essai randomisé contrôlé qui a voulu tester l’impact sur la cognition d’une intervention multi- domaine (exercices physiques, conseils nutritionnels, et exercices cognitifs) ou d’une supplémenta-tion en oméga-3 ou la combinaison des deux versus le groupe placebo.En tout, 1 679 sujets âgés de 75 ± 4,4 ans ont participé à cette étude d’une durée de 3 ans. La fragi-lité était définie par l’index de fragilité (31 déficits, incluant des variables physiques – vitesse de marche, équilibre, ADL, IADL – et cognitives) et a été mesurée à cinq moments différents (au début, puis à 6 mois, 1 an, 2 ans et 3 ans). Tous les participants ayant des va-leurs de CRP au-dessus de 10 mg/l ont été exclus des analyses, car ces valeurs élevées peuvent sous-en-tendre un état inflammatoire plutôt aigu. Par ailleurs, les sujets ayant des valeurs de CRP au-dessus de 3 mg/l en début d’étude étaient ca-tégorisés comme le groupe « CRP élevée ». Des analyses multi-ni-veaux ont été réalisées sur l’index de fragilité et les groupes de CRP (faible et élevée).

RÉSULTATSLes résultats indiquent que des valeurs élevées de CRP sont associées positivement et signi-ficativement à la trajectoire de l’index de fragilité (différence moyenne de 0,02 déficit, 95 % IC : 0,008-0,003, p < 0,001). D’autres analyses ont démontré que les individus ayant une inflammation chronique (1 an avec une CRP élevée) sont aussi associés posi-tivement et significativement à la

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Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164 91

Les deux piliers de la prise en charge et de la prévention de la sarcopénie sont le bilan nutri-tionnel et la pratique de l’activité physique. Les centres de santé de gérontologie ont de plus en plus recours à différentes sortes de supplémentation. Par exemple, la vitamine D a son intérêt dans la prévention des chutes. Qu’en est-il de la supplémentation en oméga-3 ?

LES BIENFAITS DES OMÉGA-3On pense particulièrement aux effets anti-inflammatoires des oméga-3 qui pourraient être in-téressants dans l’insuffisance rénale, ou encore l’ostéoporose. Dans la sarcopénie, une supplé-mentation en oméga-3 pourrait être envisagée devant une inflam-mation de bas grade. Plus spécifi-quement, les oméga-3 ont un effet anti-inflammatoire sur le muscle via le blocage des voies signalé-tiques spécifiques à ces acides gras et diminuent la synthèse des substances pro-inflammatoires. Des méta-analyses objectivent une réduction des marqueurs pro-inflammatoires dans certaines maladies chroniques inflamma-toires grâce aux oméga-3. Les oméga-3 ont également un rôle dans le métabolisme pro-tidique, et surtout dans la syn-thèse des protéines des fibres musculaires. Ils sont connus pour participer à la voie mTOR qui syn-thétise les protéines des fibres musculaires : c’est une des voies stimulées quand on pratique une activité physique. Enfin, ils au-

9. OMÉGA-3 ET PERFORMANCE MOTRICE

Yves Rolland (Toulouse, France)

raient un rôle dans la sensibilité à l’insuline et des effets sur la res-piration mitochondriale.

OMÉGA-3 ET PRÉVENTION DE LA SARCOPÉNIEDans la littérature, un certain nombre de données chez l’adulte montre que les patients sup-plémentés en oméga-3 ont une synthèse protidique plus impor-tante. On dispose aussi d’études qui montrent que les oméga-3 permettent de diminuer le déclin fonctionnel à 3 mois, surtout au niveau de la vitesse de marche. L’étude la plus parlante est celle de Gordon Smith et al. publiée en 2015 dans la revue américaine de nutrition [1]. C’est l’étude la plus mentionnée dans la littérature. Cependant, il faut rester prudent et modeste, car cette étude n’in-clut que 60 patients âgées rando-misés. Deux tiers des patients étaient supplémentés en oméga-3 et un tiers en fécule de maïs. Ils ont été suivis pendant 6 mois et leur ca-pacité physique évaluée de façon régulière (marche, exercice de force...). La composition corpo-relle était aussi évaluée pour voir si les patients gagnaient en masse musculaire. L’étude met en évidence une aug-mentation de 3 % de la masse musculaire et un gain de la force au bout de 6 mois de supplémen-tation avec 1,86 g d’EPA et 1,50 g de DHA. La difficulté est mainte-nant de savoir s’il est pertinent de gagner 3 % de masse musculaire, surtout quand on sait que 3 % est

le taux naturel du déclin fonction-nel d’une personne âgée en 3 ans. Il y a aussi des études négatives, dont une revue de la littérature ré-cemment publiée (janvier 2018) de Buoite Stella A et al. qui reprend toutes les études randomisées sur le sujet [2].

L’ÉTUDE D’YVES ROLLANDPour se faire une idée plus précise, l’équipe d’Yves Rolland a procédé à des analyses secondaires de l’étude MAPT, avec comme hypo-thèse qu’une supplémentation en oméga-3 permettrait de réduire la diminution des performances physiques et fonctionnelles chez les personnes âgées. Avec au pré-alable, l’idée que les patients avec des taux érythrocytaires bas sont ceux qui bénéficient le plus de la supplémentation, de même que les patients faisant de l’exercice physique (effet synergique de la supplémentation en oméga-3 et de l’activité physique ?). Une autre hypothèse était aussi l’augmenta-tion de la force musculaire et de la masse musculaire dans le groupe supplémenté en oméga-3.L’étude MAPT est une étude qui a été réalisée dans différents centres. Elle avait pour objectif d’évaluer l’intérêt sur le plan co-gnitif d’une supplémentation en oméga-3 chez les patients se plai-gnant de leur mémoire.Les participants étaient répartis en trois groupes : un groupe pla-cebo, un groupe oméga-3 seul et un groupe associant oméga-3 et intervention multidomaine. Les patients étaient suivis pendant

Page 22: LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

92 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

ÉCHOS DES CONGRÈS

1. Smith GI, Julliand S, Reeds DN et al. Fish oil-derived n-3 PUFA therapy increases muscle mass and function in healthy older adults. American J Clin Nutr 2015 ; 102 : 115-22. 2. Buoite Stella, A, Gortan Cappellari G, Barazzoni R, Zanetti, M. Update on the Impact of Omega 3 Fatty Acids on Inflammation, Insulin Resistance and Sarcopenia: A Review. Int J Mol Sci 2018 ; 19, doi: 10.3390/ijms19010218.

Bibliographie

3 ans, avec une évaluation essen-tiellement cognitive, mais aussi de leur performance physique (dont le SPPB). Un sous-groupe a éga-lement bénéficié d’une évaluation corporelle et de la masse mus-culaire des quatre membres. Des séances assez rapprochées étaient organisées et comportaient un en-traînement cognitif ainsi qu’un en-traînement physique et nutritionnel.

■■ RÉSULTATS DE L’ÉTUDE • Il n’a pas été retrouvée de dimi-nution moins importante du SPPB chez les patients supplémentés en oméga-3 (pas de différence signi-ficatif entre les différents groupes à l’issue de l’intervention).• Une des hypothèses était que les patients avec des taux érythrocy-taires bas allaient le plus bénéfi-cier de l’intervention. Cependant, dans cette étude il n’y a pas eu de différence significative entre les différents groupes.

• Une seconde hypothèse était la synergie bénéfique des oméga-3 et de la pratique d’une activité physique : là encore, pas de dif-férence significative en termes d’évolution du SPPB lorsqu’on isole les patients sédentaires. De plus, l’analyse de la sensibilité chez les patients les plus obser-vant ne montre pas de différences significatives entre les différents groupes sur l’évolution du SPPB.• Le SPPB est un test composite. Si on détaille ce test, il n’y a pas de différence entre les différents groupes pour chacune des évalua-tions. • Puis au niveau de la force mus-culaire, de nouveau, il n’y a pas de différence significative retrouvée : la force musculaire est diminuée dans les différents groupes. • Concernant la masse muscu-laire, c’est le même constat : il n’y pas de différence en termes de pertes musculaire dans les diffé-

rents groupes, et pas de bénéfice supplémentaire chez les patients supplémentés en oméga-3.

Pour conclure, il s’agit d’une étude assez intéressante et probable-ment la plus reproductible qui n’est pas en faveur d’un bénéfice de la supplémentation en oméga-3 sur les performances physiques.

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêt en rapport avec cet article.

Mots-clés Vieillir en santé, Gérontotechnologie, Fragilité, Débit expiratoire de pointe, Activité physique, Oméga-3

AGENDA

11E CONGRÈS INTERNATIONAL FRANCOPHONE DE GÉRONTOLOGIE ET GÉRIATRIE (CIFGG)13-15 juin 2018 - Montreux, Suisse

• THÈME : Bien vieillir au 21e siècle• INSCRIPTIONS ET RENSEIGNEMENTS : www.cifgg-montreux.org

Page 23: LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

ZOOM SUR

Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164 93

*PhD, Conseiller principal, centre d’excellence du partenariat avec les patients et le public (CEPPP) ; Direction collaboration partenariat patient (DCPP), Faculté de médecine, Université de Montréal, Canada ; chercheur associé, laboratoire interuni-versitaire EXPERICE, Paris 8-Paris Lumières

J e suis un malade chronique impliqué dans mes propres soins ainsi qu’à différents ni-

veaux du système de santé depuis des décennies. En effet, je suis pro-moteur d’innovations qui peuvent s’inscrire dans un mouvement qu’il est possible de caractériser d’en-tropique à l’international [1, 2].

UN PATIENT CHERCHEUR

■■ DU PATIENT AUTODIDACTELorsqu’en 1990, presque trente-naire et après quelques années de gestion autodidacte, au-delà des quelques heures par an de ren-dez-vous avec des professionnels de santé, j’entreprends de cher-cher un collectif de patients autour d’une de mes problématiques de santé pour tenter d’enrayer les maladies qui me minent, c’est vers les groupes d’entraide que je me tourne. J’ignorais alors qu’au fil

20 %R2 = 0,9937

*P_PEMPOWER

*P_PINVOLV

*P_PENGAGE

*P_PPARTICIP

Poly_ (*P_PEMPOWER)

Poly_ (*P_PINVOLV)

Poly_ (*P_PENGAGE)

Poly_ (*P_PPARTICIP)

18 %

16 %

14 %

12 %

10 %

8 %

6 %

4 %

2000 2005

2 %

0 %2010 2015 2020

R2 = 0,9602R2 = 0,9404

R2 = 0,6674

FIGURE 1 - Courbes d’augmentation des publications mentionnant « enga-gement patient » (triangles verts), « participation patient » (croix roses et carrés rouges, pour involvement, terme anglais pouvant s’approcher de par-ticipation) et « pouvoir d’agir » (losanges bleus, empowerment), comparées à celles mentionnant « pneumothorax » et « psoriasis » dans leurs titres et résumées selon les données PubMed [2].

Le modèle de MontréalD’une expérience de soin initiatique à la participation aux mutations d’un système de santé

Dans mon esprit de patient chercheur, j’ai défini ainsi la problématique et mon questionnement : « Un parcours singulier permet-il de décrire spéci-

fiquement une époque et d’illustrer le courant de l’implication des patients dans le(s) système(s) de santé? » C’est ce à quoi tente de répondre cet article.

Dr Luigi Flora*

des ans, j’apprendrais non seu-lement à me soigner autrement, mais que je deviendrais également un spécialiste des possibles, tant pour mes propres soins, que pour autrui. J’étais loin d’imaginer que j’irais jusqu’à co-concevoir une nouvelle relation de soin contri-buant à la transformation d’un système de santé. J’étais loin de penser que je serais sollicité au lancement de la première universi-té des patients dans une faculté de

médecine en France1, puis convié à l’aventure initiée par le premier bureau facultaire de l’expertise patient partenaire ouvert à la fa-culté de médecine de l’Université de Montréal au Québec. Je n’aurais

1. J’ai été, dès 2009, sollicité comme conseiller pédagogique au 1er cursus d’éducation thérapeutique du patient de la faculté de médecine de l’université Pierre et Marie Curie-Sorbonne-Universités (UPMC) avec Catherine Tourette-Turgis et la profes-seure PU-PH Corinne Isnard-Bagnis.

Page 24: LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

ZOOM SUR

94 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

pu envisager devenir, alors que je n’avais pas le baccalauréat avant l’intrusion de ces maladies dans ma vie, docteur en sciences de l’éducation, après avoir fait des apprentissages académiques me permettant d’acquérir : une maî-trise sur les réseaux numériques et technologies de communica-tion ; une maîtrise en droit de la santé, puis que je réaliserais un post-doctorat en santé publique au Canada.

■■ … À LA PERSONNE RESSOURCEC’est d’abord dans le cadre de réunions que j’ai appris à écou-ter, à mettre en mots les maux, puis rapidement les ressources disponibles. C’est à partir de l’ensemble de ces apprentissages expérientiels et académiques que j’ai développé une expertise, que je l’ai sociabilisée jusqu’à devenir reconnu, recherché et rémunéré pour ce savoir expérientiel [3] dé-veloppé à partir de la vie avec la maladie. C’est ainsi que progres-sivement je suis passé d’un statut de “victime” à acteur responsable, voire de coauteur de ma santé, puis une personne ressource, à la fois pour les autres malades, pour les professionnels de santé et pour certaines institutions. Un re-tournement qui, s’il est singulier, est loin d’être un cas isolé, une nouvelle posture que nombre de patients empruntent et qui révo-lutionne le monde de la médecine et plus largement de la santé tel

que décrit par certains auteurs [4] dans une revue médicale de réfé-rence, The British Medical Journal et au point d’être identifié comme le blockbuster du XXIe siècle [5].

UN CONTEXTE D’ÉMERGENCE DE NOUVELLES FIGURES DE PATIENTSDans un contexte sociétal de conclusion du XXe  siècle, l’émer-gence de la pandémie VIH-Sida met un coup d’arrêt momentané à une médecine forte de ses nom-breuses avancées avec soudain le constat d’une impuissance des médecins2. C’est à cette occasion que les malades et personnes concernées vont se réunir et révo-lutionner les modes de fonction-nement associatifs et se reposi-tionner sur la base des principes de Denver de 1983 [6], dont les patients annoncent que tout ce qui les concerne doit leur permettre de s’impliquer en tant que réels acteurs. Les malades sont même considérés comme des réforma-teurs sociaux [7]. Une idée reprise d’un constat de Serge Moscovici identifie les “déviants” comme moteurs d’innovation pour leurs usages souvent inhabituels, sus-ceptibles de dessiner les normes à venir (1976) [8]. Le déviant dans notre propos est ici à rapprocher de l’individu hors norme de Can-guilhem (1966) [9]. Ces concepts ont d’ailleurs été repris par un malade chronique philosophe avec la notion d’autonormativité [10]. C’est dans ce contexte que de nou-velles associations et de nouveaux usages émergent, invectivant les

2. Des médecins qui ne mettront pourtant que 3 ans à découvrir le virus (VIH) respon-sable de cette maladie.

pouvoirs politiques, tentant de de-venir force de propositions auprès des médecins, tout en mettant en place simultanément un accom-pagnement des malades. Des groupes de parole d’un nouveau genre voient le jour, ainsi que des services d’information [11]. Les malades sont alors bien loin des patients hésitants et manipulables du docteur Knock, qui n’osaient pas demander à leur médecin ce que signifiait son vocabulaire technique ou ses silences. Avec l’apparition d’internet, à la fin des années 1990, s’accélère la trans-mission des usages des malades du VIH dans d’autres contextes et le mouvement des malades trouve une nouvelle dimension. Pas une maladie qui ne génère ses sites de patients, ses blogs, ses informa-tions pratiques, y compris pour les proches. Ce qui se révèle alors le plus précieux, c’est « l’expérience des malades ».

CO-CONSTRUIREJe pense avoir senti et compris à un moment décisif pour mes propres soins, alors que j’étais engagé depuis 5 ans dans des associations et que je glissais pro-gressivement vers un statut de spécialiste. La maladie prit une autre forme plus agressive. Une nouvelle phase aiguë qui deman-da de multiples hospitalisations durant quelques années. C’est au cours de cette période que, pour m’administrer une chimiothé-rapie, il m’a été installé sous la peau une chambre implantable. Après 4 mois durant lesquels mon monde s’est restreint à une petite chambre rectangulaire, je repar-tis pour quelques jours chez moi, avant une nouvelle hospitalisation dans un centre de moyen séjour.

Passer d’un statut de “victime” à acteur responsable, coauteur de sa santé.

Page 25: LA FRAGILITÉ DU SUJET ÂGÉ Vue par les francophones

Le modèle de Montréal

Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164 95

Durant ce passage au domicile, la continuité des soins fut assurée par une équipe de soins à domicile que j’eus le temps d’apprendre à connaître. Une fois arrivé dans un centre de réadaptation pour récu-pérer la mobilité des membres inférieurs à la suite d’une atteinte des nerfs moteurs, j’ai réalisé qu’il existait pour des soins très tech-niques une hétérogénéité de l’offre de soins. Les autres malades du centre avaient tous leurs chambres implantables bouchées, générant des conséquences pouvant rapi-dement devenir fatales. Je réali-sais que je ne savais pas comment remédier seul à ce problème et que les professionnels sur place ne le savaient pas non plus. J’ai donc choisi d’être très attentif aux soins prodigués et de déployer mon éner-gie à écourter le séjour en cours par une rééducation express. Une fois de retour chez moi, je provo-quais une rencontre avec l’équipe de soins à domicile pour leur faire part de ma mésaventure, des en-jeux identifiés et de mes attentes. Après une discussion franche et de longs échanges avec ces profes-sionnels à l’écoute, ils décidèrent de tenter un accompagnement vers une autonomie de ce type de soins. C’est ainsi que, progressive-ment, l’équipe médicale m’initia à l’entretien de mon cathéter et à la dispensation des traitements dont dépendait alors ma vie. Une nou-velle forme de relation de partena-riat s’organisa.

UN NOUVEAU MODÈLE RELATIONNEL, UNE NOUVELLE VISION DU SOIN ET DES ORGANISATIONS DE SOINC’est ainsi que, progressivement, j’ai étudié, éprouvé, approfondi

une expérience qui a aujourd’hui largement contribué au modèle de partenariat de soin, le partenariat patient porté par l’Université de Montréal ou comment trouver les clés de cette expérience à des fins de reproductibilité du processus. Le partenariat met davantage l’accent sur le partage de pou-voir et de responsabilité entre patients et professionnels [12], un passage du « soigner pour » au « soigner avec » (Fig. 2).

Dans cette approche, le patient est considéré comme un soignant, comme un membre à part entière de l’équipe de soin [13]. Les pa-tients sont reconnus pour leurs savoirs expérientiels de vie avec la maladie [3] et les compétences qu’ils mobilisent [14-16]. À ce titre, ils sont considérés comme des personnes légitimes pour prendre les décisions les plus adaptées à leur projet de vie, en collaboration avec les professionnels de la santé (17, 18). Le patient est une per-sonne accompagnée progressive-ment au cours de son parcours de

soin pour faire des choix de santé libres et éclairés et prendre des décisions de soin puis agir en fonc-tion. Son expérience de vie avec la maladie et ses compétences sont reconnues comme contribuant aux soins qui le concernent [15-16]. Grâce aux compétences acquises par l’éducation thérapeutique et la réflexivité sur sa propre expé-rience, le patient peut renforcer ses capacités d’autodétermina-tion et d’autogestion [19]. L’auto-gestion des patients développée par l’équipe de Kate Lorig n’est pas intégrée comme telle par le modèle présenté, mais s’y réfère en cela qu’il nous apparaît impos-sible au XXIe  siècle d’occulter les travaux d’Angela Coulter de 2011 [20]. Cette chercheuse senior a identifié qu’un malade chronique passe, selon sa ou ses maladies chroniques, entre 5 et 10 heures dans le soin avec les profession-nels de santé alors que lui et ses proches s’affairent jusqu’à 6 250 h par an pour ses soins, soit plus de 98 % du temps de soin. Au plan théorique, l’essentiel repose sur

FIGURE 2 - Le partenariat de soin développé à Montréal.

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ZOOM SUR

96 Repères en Gériatrie • avril 2018 • vol. 20 • numéro 164

la reconnaissance des savoirs expérientiels des patients [3, 13, 14], des proches. Ces savoirs ex-périentiels - issus de la vie avec la maladie, de l’expérience des soins et services, ou de la vie dans la communauté - sont vus comme complémentaires aux savoirs des professionnels de santé (qu’ils soient cliniciens, administratifs ou décideurs publics). Ils s’ancrent dans une vision du partenariat au niveau de la rela-tion individuelle de soin (niveau micro) que nous souhaitons rendre accessible à chacun, s’il le souhaite. C’est sur cette même base que se structurent des in-terventions de partenariat au ni-veau des organisations de santé, d’enseignement et de recherche (niveau méso) et qu’au niveau des organismes gouvernemen-taux responsables s’élaborent des politiques publiques (niveau macro) [21]. Une dynamique qui s’organise au Canada dans le cadre d’une transformation sys-témique dans l’enseignement, les soins et la recherche. Ainsi, depuis 2012, l’ensemble des cur-sus en sciences de la santé est formé à ce modèle à l’Université

de Montréal, et depuis 2014, les étudiants apprennent progres-sivement quelles sont les com-pétences que développent les patients au cours de leur vie avec la maladie et ses manifestations observables les plus courantes. C’est sur ces bases que s’articule la co-construction par l’éducation thérapeutique intégrée dans les propres soins du patient.

CONCLUSIONTous les parcours individuels ne mènent pas à un modèle relation-nel conceptualisé avec, comme possible, la transformation sys-témique d’un système de santé, mais un parcours singulier per-met de décrire une époque en il-lustrant l’implication des patients dans le système de santé et ses avancées. Le partenariat s’inscrit dans un courant historique où le patient est progressivement re-connu comme soignant et copro-ducteur de la santé. L’approche présentée se caractérise par un modèle d’engagement réciproque entre les patients et les profes-sionnels caractérisé par le colea-dership, la co-construction et la

coresponsabilité. La reconnais-sance des savoirs expérientiels et le développement des compé-tences de soin et de collaboration sont au cœur de cette approche. L’implantation d’une vision des soins fondée sur le partenariat repose sur une action stratégique au niveau des organisations, com-binée à un soutien opérationnel orienté vers la relation de parte-nariat entre les individus. Ainsi, lorsqu’un cadre favorable est pro-posé aux acteurs dans le soin, une dynamique créative peut engen-drer une co-construction « avec » le patient, une rencontre qui, au-delà du soin généré avec attention et technicité, prolonge ce temps de rencontre par une autonomie du patient dont l’estime de soi bénéficie bien souvent à toutes les parties. ■

✖ L’auteur déclare ne pas avoir de lien d’intérêt avec l’industrie pharmaceutique, les compagnies d’assu-rance ni les entreprises numériques dans le domaine de la santé.

Mots-clés Patient, Parcours individuel, Modèle relationnel conceptualisé, Mutation du système de santé

1. Boote J, Telford R, Cooper C. (2002). Consumer involvement in health research: a review and research agenda. Health policy 2002 ; 61 ; 2 ; 213-36. 2. Las Vergnas O. Patients’ participation in health research: a classification of cooperation schemes. J Particiatory Med 2017 ; 9 : e16. 3. Jouet E, Flora L, Las Vergnas 0. Construction et reconnaissance des savoirs expérientiels des patients. Pratique de formation : analyses n°58/59, Saint Denis, Université Paris 8, 2010 : 13-94.4. Richards T, Montori VM, Godlee F et al. Let the patient revolution begin. BMJ 2013 ; 346 : f2614. 5. Dentzer S. Rx for the ‘blockbuster drug’ of patient engagement. Health Affairs 2013 ; 32 ; 202. 6. People with aids ‐ PWA, les principes de Denver. 1983. Accessible sur Internet à : http://lemegalodon.net/a6507-les-principes-de-denver.html, [Dernière lecture le 14/02/2018]. 7. Defert D. Le malade est une réformateur social. Cinquième conférence internationale sur le Sida, Montréal, 1989.8. Moscovici S. Psychologie des minorités actives. 1re édition, 1976, Londres : Academic press) ; Paris : PUF, 1979. 9. Canguilhem G. Le normal et le pathologique. Paris : PUF, 1966.10. Barrier P. La blessure et la force : la maladie et la relation de soin à l’épreuve de l’autonormativité. Paris : PUF, 2010.11. Barbot J. Les malades en mouvements. La médecine et la science à l’épreuve du Sida. Paris : Balland, 2002. 12. Ghadiri DPS, Flora L, Pomey MP. Le virage patient partenaire de soins au Québec. Reconfiguration de l’exercice du pou-voir médical et lutte pour de nouvelles subjectivités. Dans : La participation des patients. Collection Éthique biomédicale et normes juridiques. Paris : Editions Dalloz, 2017 : 25-36.

13. Karazivan P, Dumez V, Flora L et al. The patient as partner in care : conceptual grounds for a necessary transition. Acad Med 2015 ; 90 : 437-41.14. Flora L. Le patient formateur : élaboration théorique et pratique d’un nouveau métier de la santé. Thèse de doctorat de sciences sociales, Université Vincennes-Saint Denis Paris 8, 2012. 15. Flora L. Un référentiel de compétences de patient : Pour quoi faire ? Du savoir expérientiel des malades à un référentiel de compétence intégré, l’exemple du modèle de Montréal. Sarrebruck, Allemagne : Presses académiques francophones, 2015.16. DCPP. Référentiel de compétences des patients. Direction collaboration et partenariat patient, Faculté de médecine, Université de Montréal, 2015.17. Ibarra-Abana A. (2006). L’élaboration du projet de vie chez les jeunes adultes. Thèse de Sciences Sociales, Université de Fribourg, 2006.18. Légaré F, Ratté S, Gravel K et Graham ID. Barriers and facilitators to implementing shared decision-making in clinical practice: update of a systematic review of health professionals’ perceptions. Patient Educ Counseling 2008 ; 73 : 526-35. 19. Lorig KR, Laurent DD, Gonzalez VM. Chronic disease selfmanagement course leader’s manual. Palo Alto, CA: Stanford Patient Education Research Center, 1994. 20. Coulter A. Engaging patients in healthcare. United Kingdom, McGraw Hill, 2011.21. Pomey MP, Flora L, Karazivan P et al. Le « Montreal model » : enjeux du partenariat relationnel entre patients et professionnels de santé. Santé Publique HS 2015 ; S1 : 41-50.

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