LA FACULTÉ DE DROIT D'ALGER - Portail Universitaire du droit · PDF filede juif indigène algérien non seulement en 1940, avec ... nue et l'histoire du droit de Frédéric Peltz

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  • LA FACULT DE DROIT D'ALGER

    Avec Alger, nous revenons la France ... Mais avant tout, Mesda-mes et Messieurs, je tiens me prsenter vous sous mon vritable jour ; l'invitation que vous avez reue m'attribue des qualits que je n'ai jamais eues, ou que je n'ai plus.

    Je n'ai jamais t doyen de la Facult de droit d'Alger. Je le regrette, peut-tre, parce que la question s'est pose un moment ; certains voulaient avoir un doyen plus jeune - un doyen originaire d'Alger. Mais, pendant la guerre, j'avais appris qu'il faut viter d'avoir commander des femmes ou des amis - prcepte fonda-mental - et puis je savais parfaitement que je n'avais pas les qualits ncessaires pour occuper des fonctions si dlicates, un moment particulirement difficile que seul, avec sa sagesse, sa modration, son exprience, le doyen Breton pouvait utilement rem-plir et qu'il a parfaitement remplies. Je n'ai donc jamais t le doyen d'Alger ... et je ne suis plus professeur Nice. J'y ai pris ma retraite il y a quelque temps, et j'ai mme refus de demander l'mritat. J'ai refus de demander l'mritat pour me parer de la qualit de professeur honoraire de la Facult de droit d'Alger ... qualit que je n'ai pas davantage, car je n'ai jamais t nomm professeur honoraire la Facult de droit d'Alger.

    Pendant longtemps, ce flambeau de la Facult d'Alger avait t port par le doyen Breton qui signait tous ses travaux de la qualit de professeur honoraire de la Facult de droit de l'Univer-sit d'Alger. Lorsque le doyen Breton a d cesser d'crire, j'ai pens qu'il convenait de prendre la relve pour conserver le souve-nir de notre maison-mre ; j'ai donc incorpor ma signature cette qualit, que je savais parfaitement fausse, de professeur honoraire la Facult de droit d'Alger. Cependant, j'ai pris quel-ques prcautions. Je suis all voir le doyen Breton et je lui ai avou ma faute, je me suis confess. Et le doyen Breton m'a donn l'absolution en me conseillant de persvrer, ce qui explique que je signe encore mes travaux du titre de professeur honoraire la Facult de droit de l'Universit d'Alger.

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    Vous voil donc clairs sur ce que je ne suis pas et vous avez compris que je n'tais pas le plus qualifi - pas plus qualifi que beaucoup d'autres - pour parler de la Facult de droit d'Alger. Cet honneur revenait avant tout au doyen Breton, qui a t profes-seur Alger de 1927 1962 et qui a incarn, plus qu'aucun autre. cette Facult. Alors, pourquoi m'avoir choisi ? La causa proxima, c'est l'affection que me porte Jacques Robert : c'est lui qui a sug-gr mon nom .au doyen Portemer. Pourquoi ? Sans doute parce que sur le plan personnel, tout comme lui d'ailleurs, je suis un authentique pied-noir - je m'efforce d'en conserver l'accent, mais je le perds de plus en plus - dont les anctres ont prfr quitter l'Espagne de l'inquisition plutt que de renier leurs convictions religieuses ; ils se sont installs en Algrie, o ils ont bnfici du dcret Crmieux de 1870, sauf prciser que j'ai retrouv la qualit de juif indigne algrien non seulement en 1940, avec l'abrogation du dcret Crmieux, mais aussi - pisode peu connu - alors que je me trouvais militaire en Tunisie en mars 1943 : auatre mois aprs le dbarquement anglo-amricain en Algrie, le gnral Giraud, aprs avoir abrog la lgislation raciale de Vichy, a abrog son tour le dcret Crmieux et je me suis retrouv juif indigne algrien pour quelques mois encore ...

    Sur le terrain universitaire, je suis un ancien tudiant de la Facult de droit d'Alger, qui y a fait toutes ses tudes, licence, doctorat, qui y a soutenu sa thse srms la prsidence videmment du doyen Breton, puis qui y a enseign comme charg de cours, agrg, professeur. Un cursus universitaire totalement et uniquement algrois, jusqu'en 1962 bien sr.

    Et je me revois encore, peine g de dix-sept ans, entrant dans l'immense salle Stephan Gsell de la Facult des lettres o avaient lieu le matin les cours de premire anne pour une trentaine d'tudiants - les classes creuses, l'poque - 8 h 15 droit civil avec M. Breton, qui me paraissait bien svre, 9 h 30 arrivait, majestueux, Viard, qui nous enseignait le droit romain et 10 h 45 M. Sirol, charg du cours d'conomie politique. Les jeudis, vendre-dis, samedis, nous avions le cours de droit constitutionnel de Bienve-nue et l'histoire du droit de Frdric Peltz. Nous avions donc un enseignement non pas comparable, mais absolument identique celui qui tait dispens dans les Facults de droit mtropolitaines, parce que Alger, ce moment-l - bien qu'on l'ait dit plus tard -c'tait la France. Le dpartement d'Alger tait un dpartement fran-ais, il relevait du ministre de !'Intrieur, le corps professoral dpendait directement du ministre de !'Education nationale.

    La Facult de droit d'Alger assurait aussi des enseignements spcifiques, fonds sur les particularismes locaux, qui existaient non seulement en Algrie mais dans toute l'Afrique du Nord. C'est

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    prcisment pour assurer cette double tche qu'une loi du 20 dcembre 1879 relative l'enseignement suprieur en Algrie cra les Ecoles prparatoires au droit, aux sciences et aux lettres, !'Ecole de mdecine ayant t cre ds 1855. Ces Ecoles prparatoires prirent rapidement le nom d'Ecoles suprieures de droit et de lettres, mais elles ne pouvaient pas dcerner le grade de licenci. Les examens de troisime anne devaient tre passs devant une facult mtropolitaine et les tudiants se dplaaient, le plus sou-vent Aix-en-Provence o ils obtenaient, parat-il, de trs bons rsultats ! Ainsi en 1883 : 12 reus sur 12 prsents, ce qui fit dire au recteur de l'poque que de tels succs justifiaient la satisfaction que !'Ecole de droit d'Alger rclamait, satisfaction de dcerner elle-mme le grade de licenci en droit ; et cet honneur lui fut accord par une loi du 5 dcembre 1885.

    Autre russite de !'Ecole suprieure de droit: c'est l'organisation des cours par correspondance ; elle adressait des lves disperss dans toute l'Algrie des rsums de ses cours, les livres circulants de sa bibliothque; elle recevait d'eux les travaux qu'ils rdigeaient et ses enseignants corrigeaient et rexpdiaient ces travaux. Ce mode d'enseignement connaissait donc le plus grand succs et ses tudiants ne pouvaient pas avoir eu le regret de n'avoir pas connu plus tt l'cole universelle - tout le monde connat le slogan - puis-qu'ils avaient pratiqu cette formule par anticipation.

    Le gros problme de l'poque, ce fut celui de la cration de l'Universit d'Alger, contre laquelle se dressaient les Dlgations financires qui contrlaient les finances de l'Algrie et qui devraient videmment subvenir aux frais de cette universit. Le rapporteur de la commission estimait que le pays manquait d'argent pour ses besoins les plus urgents et qu'il n'avait pas le droit de jeter par les fentres des Ecoles suprieures de l'argent qui ne sert rien; et certains de voir dans tout professeur d'enseignement suprieur le dtenteur d'agrables sincures, tandis que d'autres soutenaient qu'il fallait porter la hache dans cette institution dispendieuse, sinon inutile - ce contre quoi le recteur s'est dress en invoquant tout spcialement les enseignements et les travaux de !'Ecole de droit en matire de lgislation algrienne et en matire de droit musulman, avec un projet de code civil algrien et, ds cette poque, la Revue algrienne publie par !'Ecole de droit. Le dbat dura une vingtaine d'annes, marques surtout par l'augmentation sensible du nombre d'tudiants, qui dpassait trs largement celui de certaines facults mtropolitaines.

    Finalement, considrant que l'enseignement suprieur est un instrument de prosprit et de progrs, une loi du 30 dcembre 1909 cra l'Universit d'Alger, ce qui explique que son cinquantenaire fut clbr en 1959, avec des manifestations particulirement chaleu-reuses (auxquelles le doyen Portemer participa), une poque o

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    la promesse officielle tait encore que l'Universit d'Alger restt franaise.

    L'Universit d'Alger tait donc creee, avec les quatre facults traditionnelles - droit, lettres, sciences, mdecine; mais ces facults connaissaient une capitis diminutio par rapport aux facults mtro-politaines : elles n'avaient pas la personnalit juridique, seule l'Uni-versit d'Alger tait une personne morale. Et c'est ce rgime qui servit de modle - les institutions coloniales ont souvent inspir certaines rgles mtropolitaines - la rforme d'Edgar Faure, lorsqu'il cra les units d'enseignement et de recherche, dpour-vues de personnalit morale.

    Et puis la Facult de droit d'Alger connut un dveloppement considrable et constant ; le nombre de ses tudiants ne cessa d'aug-menter, celui des tudiants de confession musulmane croissait cha-que anne. Son corps professoral se dveloppait, attirant des mtro-politains de plus en plus nombreux, et c'est sur le pourvoi d'un de ses professeurs agrgs que le Conseil d'Etat rendit un arrt clbre, permettant au gouvernement de nommer sur une chaire nouvellement cre un docteur en droit non agrg - c'est le fameux arrt Chauveau.

    Et puis, bien sr, la spcialisation de la Facult dans les ensei-gnements locaux se confirma ; le droit musulman fut successivement enseign par Morand, un historien, par Milliot, un privatiste, par Georges-Henri Bousquet, un conomiste. Des diplmes de doctorat y furent crs pour traiter de la sociologie nord-africaine, du droit musulman compar, de l'conomie nord-africaine, des institutions berbres ; des cours spciaux y furent dispenss sur la lgislation algrienne, tunisienne, marocaine; et ces enseignements furent coor-donns avec ceux qu'organisait la Facult de lettres dans son Institut d'Etudes orientales; et les professeurs de la Facult de droit d'Alger participaient aux enseignements et aux examens organiss Tunis et Rabat ; la Revue algrienne, tunisienne, marocaine de lgisla-tion et de jurisprudence fut largement diffuse. Bo