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Français A2 / Postérité de Machiavel / Y12-13 / G. Henchoz La lecture de Denis Diderot «Comment expliquer qu’un des plus ardents défenseurs de la monarchie soit devenu tout à coup un infâme apologiste de la tyrannie ? Le voici. Au reste, je n’expose ici mon sentiment que comme une idée qui n’est pas tout à fait destituée de vraisemblance. Lorsque Machiavel écrivit son traité du Prince, c’est comme s’il eût dit à ses concitoyens, lisez bien cet ouvrage. SI vous acceptez jamais un maître, il sera tel que je vous le peins : voilà la bête féroce à laquelle vous vous abandonnerez. Ainsi, ce fut la faute de ses contemporains s’ils méconnurent son but : ils prirent une satire pour un éloge. Bacon le chancelier ne s’y est pas trompé lorsqu’il a dit : cet homme n’apprend rien aux tyrans, ils ne savent que trop bien ce qu’ils ont à faire, mais il instruit les peuples de ce qu’ils ont à redouter». Denis Diderot, l’Encyclopédie, article «Machiavélisme». (Extrait) Commentaire : Diderot et Rousseau, philosophes des Lumières françaises soutiennent à peu près la même thèse : celle d’un Machiavel qui serait démocrate… et machiavélique, qui dévoilerait le dessous des cartes, dans le but de servir les intérêts du peuple contre les manœuvres des tyrans. Cette interprétation est assez morale et très discutable. Elle permet surtout de laver le secrétaire florentin de l’accusation traditionnelle de suppôt du despotisme. Rousseau et Diderot qui soutiennent l’avènement de nouvelles formes de gouvernement dans la France du XVIIIème siècle ont évidemment une lecture un peu orientée du Prince de Machiavel. GH

La lecture de Denis Diderot

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Français A2 / Postérité de Machiavel / Y12-13 / G. Henchoz

La lecture de Denis Diderot

«Comment expliquer qu’un des plus ardents défenseurs de la monarchie

soit devenu tout à coup un infâme apologiste de la tyrannie ? Le voici. Au

reste, je n’expose ici mon sentiment que comme une idée qui n’est pas tout

à fait destituée de vraisemblance. Lorsque Machiavel écrivit son traité du

Prince, c’est comme s’il eût dit à ses concitoyens, lisez bien cet ouvrage. SI

vous acceptez jamais un maître, il sera tel que je vous le peins : voilà la bête

féroce à laquelle vous vous abandonnerez. Ainsi, ce fut la faute de ses

contemporains s’ils méconnurent son but : ils prirent une satire pour un

éloge. Bacon le chancelier ne s’y est pas trompé lorsqu’il a dit : cet homme

n’apprend rien aux tyrans, ils ne savent que trop bien ce qu’ils ont à faire,

mais il instruit les peuples de ce qu’ils ont à redouter».

Denis Diderot, l’Encyclopédie, article «Machiavélisme». (Extrait)

Commentaire : Diderot et Rousseau, philosophes des Lumières françaises soutiennent à peu près la même thèse : celle d’un Machiavel qui serait démocrate… et machiavélique, qui dévoilerait le dessous des cartes, dans le but de servir les intérêts du peuple contre les manœuvres des tyrans. Cette interprétation est assez morale et très discutable. Elle permet surtout de laver le secrétaire florentin de l’accusation traditionnelle de suppôt du despotisme. Rousseau et Diderot qui soutiennent l’avènement de nouvelles formes de gouvernement dans la France du XVIIIème siècle ont évidemment une lecture un peu orientée du Prince de Machiavel. GH