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ARTICLE ORIGINAL La lipolyse chimique sous-cutanée par la phosphatidylcholine : une expérience de cinq années A five years experience of subcutaneous chemical lipolysis with phosphatidylcholine injections B. Môle 15, avenue de Tourville, 75007 Paris, France Rec¸u le 22 aou ˆt 2009 ; accepte´ le 3 aou ˆt 2010 MOTS CLÉS Lipolyse chimique ; Phosphatidylcholine ; Cellulite ; Excédents graisseux résiduels Résumé Bien que la lipolyse chimique par la phosphatidylcholine soit une réalité, ce procédé d’élimination des amas graisseux localisés reste encore très limité en France. L’inconstance des résultats, la nécessité de répéter les traitements et un statut légal incertain expliquent sans doute que cette méthode très simple ne rencontre guère de succès. Nous l’expérimentons depuis cinq ans sur un nombre très limité de cas et pensons qu’elle peut être utilement envisagée pour la réduction des bajoues et du double menton, la cellulite superficielle et les séquelles de lipofilling ou de liposuccion. La réduction des poches palpébrales est également une bonne indication mais non recommandée par prudence. En revanche, elle n’entre jamais en compétition avec une liposuccion. Nous n’avons rencontré aucun incident durant ces cinq années, ce qui confirme l’impression générale recueillie auprès du Lipolysis Network qui rassemble plus de 1000 prati- ciens dans le monde entier. # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. KEYWORDS Chemical lipolysis; Phosphatidylcholin; Cellulitis; Fat deposits Summary Instead the fact that chemical lipolysis through phosphatidylcholin injections really works, this procedure eliminating limited fat deposits remains confidential in France. Inconstant results, necessity to repeat injections, unclear legacy may explain that this very basic procedure remains unsuccessful. We have proceeded to lipolysis injections for five years on a very limited number of patients: in our hands, it may be efficient on puffy cheeks, double chin, superficial cellulitis, liposuction and lipofilling sequellaes. Eyelid bags may also be considered but not recommended. On the other hand, chemical lipolysis cannot compete with liposuction. We have not noticed any drawbacks or complications which confirm the lipolysis network practitioners’ opinion in more than 1000 users. # 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved. Annales de chirurgie plastique esthétique (2011) 56, 112119 Adresse e-mail : [email protected]. 0294-1260/$ see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.anplas.2010.08.005

La lipolyse chimique sous-cutanée par la phosphatidylcholine : une expérience de cinq années

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ARTICLE ORIGINAL

La lipolyse chimique sous-cutanée par laphosphatidylcholine : une expérience de cinq annéesA five years experience of subcutaneous chemical lipolysis withphosphatidylcholine injections

B. Môle

15, avenue de Tourville, 75007 Paris, France

Recu le 22 aout 2009 ; accepte le 3 aout 2010

MOTS CLÉSLipolyse chimique ;Phosphatidylcholine ;Cellulite ;Excédents graisseuxrésiduels

Résumé Bien que la lipolyse chimique par la phosphatidylcholine soit une réalité, ce procédéd’élimination des amas graisseux localisés reste encore très limité en France. L’inconstance desrésultats, la nécessité de répéter les traitements et un statut légal incertain expliquent sansdoute que cette méthode très simple ne rencontre guère de succès. Nous l’expérimentons depuiscinq ans sur un nombre très limité de cas et pensons qu’elle peut être utilement envisagée pour laréduction des bajoues et du double menton, la cellulite superficielle et les séquelles de lipofillingou de liposuccion. La réduction des poches palpébrales est également une bonne indication maisnon recommandée par prudence. En revanche, elle n’entre jamais en compétition avec uneliposuccion. Nous n’avons rencontré aucun incident durant ces cinq années, ce qui confirmel’impression générale recueillie auprès du Lipolysis Network qui rassemble plus de 1000 prati-ciens dans le monde entier.# 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

KEYWORDSChemical lipolysis;Phosphatidylcholin;Cellulitis;Fat deposits

Summary Instead the fact that chemical lipolysis through phosphatidylcholin injections reallyworks, this procedure eliminating limited fat deposits remains confidential in France. Inconstantresults, necessity to repeat injections, unclear legacy may explain that this very basic procedureremains unsuccessful. We have proceeded to lipolysis injections for five years on a very limitednumber of patients: in our hands, it may be efficient on puffy cheeks, double chin, superficialcellulitis, liposuction and lipofilling sequellaes. Eyelid bags may also be considered but notrecommended. On the other hand, chemical lipolysis cannot compete with liposuction. We havenot noticed any drawbacks or complications which confirm the lipolysis network practitioners’opinion in more than 1000 users.# 2010 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Annales de chirurgie plastique esthétique (2011) 56, 112—119

Adresse e-mail : [email protected].

0294-1260/$ — see front matter # 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.doi:10.1016/j.anplas.2010.08.005

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La lipolyse chimique sous-cutanée par la phosphatidylcholine 113

En 2004, mu par la curiosité, nous nous étions rendus àLondres pour assister au premier atelier européen consacréà la lipolyse par la phosphatidylcholine (PPC), organisé par leNetwork Lipolysis. Nous avions rapporté dans ces pages nospremières impressions après une année d’utilisation trèsmodeste de la méthode [1]. Bien que dérouté par l’incons-tance de nos premiers résultats, nous avons néanmoins pour-suivi dans cette voie, toujours de manière très mesurée etrapportons ici cette expérience de ces quatre années supplé-mentaires sur une série limitée à 38 patients.

Introduction

La PPC est un phospholipide normalement présent dansl’organisme : il s’agit de la forme soluble de la lécithinequi intervient dans le métabolisme lipidique (diminution dela synthèse des triglycérides, du cholestérol, augmentationdes HDL et diminution des LDL), il stimule la régénérescencedes cellules hépatiques et la réduction des plaquesd’athérosclérose par activation de la lécithine- choles-térol-acyl transférase ; c’est également un puissant surfac-tant pulmonaire présent dès la 35e semaine de grossesse quifavorise le développement des alvéoles alors collabées (ceteffet d’antiadhésion est également retrouvé au niveau del’intestin), un protecteur vasculaire et hépatique et un anti-inflammatoire puissant par stimulation de la synthèse desprostaglandines.

Cette molécule, isolée en 1959 en URSS, appartient à laSanofi-Aventis qui cependant ne l’a jamais exploitée enFrance contrairement à d’autres pays, comme l’Allemagne,l’Autriche et l’Italie où elle a été régulièrement utilisée dansle traitement des embolies graisseuses pulmonaires,l’athérosclérose, la détresse respiratoire du nouveau-néprématuré, certaines insuffisances hépatiques et troublesneurologiques majeurs [2]. L’agent actif de la PPC est lalécithine extraite du soja qui contient deux acides grasinsaturés (acides linoléique et alpha linoléique) ; la PPCest produite à l’état naturel par le corps humain, elle estprésente dans toutes les membranes cellulaires, en parti-culier dans le foie et les cellules graisseuses et elle enrobe lasphingomyéline. Pour la rendre soluble et donc injectable, ilest nécessaire de lui adjoindre un solvant, l’acidedéoxycholique ; une faible quantité d’alcool benzyliqueest ajoutée comme conservateur. Après injection, la PPCagit comme un agent détergent, dissolvant la double mem-brane cellulaire des adipocytes puis émulsifiant la graisse enmicroparticules et libérant des enzymes mitochondrialesqui scinderont les triglycérides en monoglycérides ; ceprocessus est long (huit semaines) et explique la nécessitéd’un certain intervalle entre les sessions. Les monoglycéri-des sont ensuite transportés jusqu’au foie avec les LDL etmétabolisés via le cycle de l’acide citrique (CO2 + H2O) ; unetrès faible partie (moins de 1 %) est directement éliminéepar voie rénale. En cas d’injection inappropriée (muscu-laire, par exemple), un phénomène inflammatoire se pro-duira en rapport avec le pH élevé de la solution (8,2) maissans autre conséquence. Du fait de son affinité avec lasphingomyéline, on pourrait craindre une action délétèresur le tissu nerveux mais des injections directes de PPC dansle nerf sciatique du rat n’ont entraîné strictement aucuneffet secondaire [3].

Bien que son utilisation ait été tentée de manière expéri-mentale et sporadique dans quelques troubles du métabo-lisme à manifestations superficielles (essai de traitement duxanthélasma en 1988), c’est à la suite des publications d’unedermatologue brésilienne, le Dr Patricia Rittes, sur le trai-tement des poches graisseuses palpébrales inférieuresqu’elle a acquis une certaine notoriété à partir de 1995[4,5]. Cependant, ces travaux n’ont guère été exploitésjusqu’à ce qu’un médecin autrichien, le docteur FrantzHasengschwandtner se serve de cette approche non chirur-gicale d’élimination des amas graisseux superficiels. En2003, il fonde un réseau international sur la lipolyse chi-mique par la PPC, le Network Lipolysis (www.network-lipolysis) ; ce réseau, fin 2008, rassemblait 1070 praticiensrépartis dans 59 pays et revendiquait plus de 55 000 traite-ments administrés par ses membres ; sa fonction est à la foisde servir de lien entre ces différents praticiens (forums dediscussion, recueil de données, bibliographie, etc.), en leurapportant des supports d’activité, en les mettant en rela-tion avec des fournisseurs qui puissent leur procurer de laPPC avec les meilleures garanties de fabrication (le réseaului-même ne commercialise aucun traitement) et enfinançant des études officielles sur la lipolyse chimique dansdes centres de recherche universitaires [6]. Depuis quelquesmois, la France n’est malheureusement plus officiellementreprésentée dans le réseau sous la pression du Conseil del’Ordre des médecins ému, semble-t-il, de l’administrationsous-cutanée par un médecin esthétique de PPC non des-tinée à cette voie (les flacons de PPC que nous utilisonspersonnellement portent clairement la mention « à usageinjectable »).

Les indications actuellement reconnues de la lipolyse parle réseau dans le domaine esthétique sont les amas graisseuxlocalisés chez les patients ne présentant pas de surpoidsimportant :

� à la face : bajoues, double menton sans ptose excessive ;� sur le corps : amas épigastrique, plis du dos, excès

localisés de la face interne et externe des cuisses, infil-tration des bras et des genoux.

En revanche, le réseau ne recommande pas, par pru-dence, le traitement des poches palpébrales inférieurespar cette méthode.

Il existe deux autres indications plus controversées :

� les lipomes : bien que logique, leur traitement par la PPCreste aléatoire [7] ; certaines séries rapportent 50 % desuccès mais le caractère incertain du résultat, le désagré-ment de la répétition des injections et la nécessité deparfois devoir évacuer un « huilome » résiduel découra-gent la majorité des patients à qui nous le proposons ;� la cellulite : même si les résultats ne sont pas spectacu-

laires, il est indéniable qu’une certaine amélioration del’aspect cellulitique des bras et des cuisses est possible(Fig. 1) ; le protocole d’administration est un peu dif-férent avec alternance d’injections à la profondeur habi-tuelle (10, 12 mm) et plus superficielles (6 mm) [8].

Dans tous les cas, une bonne indication de liposuccioncontre-indique le recours à la lipolyse chimique ; en revan-che, il s’agit d’une option intéressante dans les petites

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Figure 1 Cellulite de la face postérieure du bras chez une femme de 58 ans (a). Résultat après une séance (b).

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séquelles de liposuccion (Fig. 2) ; cependant, s’il ne s’agitpas d’amas résiduels graisseux purs mais de fibrose cicatri-cielle, la PPC sera évidemment sans effet.

Nous n’avons pas l’expérience du traitement des gynéco-masties et des lipodystrophies VIH (bosse de bison) pourlesquelles des études sont en cours.

Les contre-indications de la lipolyse sont classiques :

� grossesse et allaitement ;� patients sous traitement anticoagulant ;� infection en cours ;� allergie connue à l’un des composants ;� injections dans la région mammaire ;� diabète instable ;� obésité avérée (BMI > 30).

L’élimination doit être systématique des candidats sou-haitant substituer la lipolyse chimique à une indicationtraditionnelle de lipoaspiration (et ils étaient nombreux audébut. . .), même si dans certains cas où l’infiltration est trèslimitée et la peau de qualité parfaite la méthode puisseconcurrencer d’autres techniques (Fig. 3).

Matériel et méthode

La PPC se présente sous forme injectable en flacons de 5 mLcontenant 250 mg de PPC et 122 mg de déoxycholate desodium agissant essentiellement comme solvant. Nous l’uti-lisons pure, quelle que soit la localisation à l’instar de D.Duncan et Chubaty [9]. Le réseau réserve la PPC pure auniveau de la face seulement, sur toutes les autres zones, laPPC est recommandée en mélange compound (dilution à50 %, avec sérum physiologique et un cocktail polyvitami-nique B2 B3 B6, plus un dilatateur vasculaire, le buflomédil) ;nous avons abandonné ce type de mélange devant l’absence

d’amélioration apparente du résultat et le risque de multi-plier d’éventuelles réactions d’intolérance. Il a d’ailleurs étéprouvé que l’effet lipolytique diminue logiquement avec laconcentration de la PPC [8].

Il est recommandé de ne pas injecter plus de 2500 mg dePPC par séance, soit dix flacons. Pour mémoire, le traite-ment d’une embolie graisseuse requiert l’administration i.v.de 4,5 g de PPC pendant plusieurs jours ou semaines. À laface, les injections se pratiquent à l’aiguille de 27 G montéesur simple seringue à une profondeur de 6 à 8 mm (il estimportant de pincer la peau à chaque injection afin d’éviterune injection trop profonde), avec un espacement de 1 cm etun volume de 0,4 mL par injection (soit 20 mg). Sur le corps,il est plus pratique d’utiliser un multi-injecteur à cinq aiguil-les (toujours 27 G) qui permet de respecter un espace régu-lier de 1,5 cm entre les points d’injection qui reçoiventchacun 0,5 mL de PPC (soit 25 mg) à une profondeur de8 à 12 mm. La régularité du traitement étant un des pointsclés du succès, il est vivement recommandé de repérer nonseulement la zone à traiter mais de calculer approximative-ment le nombre de points à injecter dessinés individuelle-ment à la face ou à l’aide d’une grille ou d’un dessin croisésur le corps. Dans l’immédiat, l’injection est bien supportéemais après quelques minutes, une manifestation inflamma-toire locale souvent importante est éprouvée (sensibilité,œdème), parfois suivie d’ecchymoses dans les jours sui-vants. Cette manifestation parfois impressionnante dureune semaine en moyenne et le patient doit en être soigneu-sement prévenu, surtout au niveau du visage où elle estparticulièrement évidente et ne peut être socialementmasquée. Les zones traitées restent sensibles à la pressionjusqu’à la fin du processus métabolique, soit six à huitsemaines, période qu’il est indispensable de respecter avantla séance suivante. L’administration d’antalgiques ou d’anti-inflammatoires est systématiquement recommandée ; lacorticothérapie générale est sans intérêt, ni la compression,

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Figure 3 Petit affaissement du tiers inférieur du visage (facecarrée, 47 ans) (a) ; correction par combinaison lipolyse desbajoues (une séance) et comblement par acide hyaluronique dela dépression paramentale (b).

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Figure 2 Petit excès résiduel de la face interne de la cuissedroite après lipoaspiration, 26 ans (a) ; correction après troisséances de lipolyse (b).

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celle-ci ayant été accusée de favoriser une hypothétiquesouffrance cutanée que nous n’avons jamais observée. Nousappliquons cependant deux couches de Micropore* (3 M)pendant trois jours sur les paupières inférieures lorsque noustraitons des poches palpébrales, ce qui réduit remarquable-ment les suites. Cette première séance est exceptionnelle-ment suivie d’une réduction spectaculaire des amasgraisseux traités (Fig. 4) et cette information doit impéra-tivement faire partie du consentement éclairé signé par lepatient au risque de voir celui-ci se décourager devantl’absence apparente de résultats et ne pas poursuivre letraitement. Car il faut une à quatre séances pour observerun résultat qui peut aller du très modeste au très évident. . .En revanche, celui-ci peut être alors considéré comme acquisdéfinitivement.

Résultats

Depuis 2004, nous avons effectué un traitement de lipolysechimique par la PPC chez 38 patients, soit 30 femmes et huit

hommes d’âge moyen 48 ans (24—75) ; le nombre moyend’injection est de deux (1—4), le recul moyen est de 16 mois(1—47) sur 49 localisations : bajoues (11), lipomes (9),cuisses (8), menton (4), genoux (4), poches palpébralesinférieures (3), bras (3), abdomen (2), cernes et pochesmalaires (2), plis du dos (1), cheville (1).

Le résultat a été considéré par le patient comme positif21 fois et nul dix fois ; les autres cas, soit n’ont pas été revus,soit n’ont pas bénéficié d’un recul d’évaluation suffisant(deux mois minimum après la dernière injection). Nousvoudrions cependant souligner que l’efficacité du traitementreste modeste dans un certain nombre de cas ; à l’opposé,des résultats considérés comme nuls sont souvent le fait depatients qui n’ont pas dépassé le stade de la premièreinjection et se sont découragés malgré la mise en gardeécrite de la nécessité de la répétition du traitement. Enfin, ilest assez fréquent — comme avec beaucoup de techniquesmédicales — que des patients se disant plutôt déçus à l’issuedu traitement soient surpris par le résultat lorsqu’on leursoumet les photographies prises avant le traitement (Fig. 5).Le réseau rapporte un taux d’insatisfaction qui diffère selon

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Figure 4 Cellulite de la face interne de la cuisse, 46 ans (a) ;résultat après deux séances de lipolyse combinée à six séancesd’infiltration de gaz carbonique (b).[()TD$FIG]

Figure 5 Infiltration cervicale chez une patiente de 26 ans obèsequatre séances de lipolyse malgré la prise de 3 kg supplémentaires

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qu’il s’agit des praticiens (22,8 %) ou des patients (12,34 %).Quoiqu’il en soit, le taux de satisfaction globale du réseaunous paraît franchement surélevé.

Nous ne rapportons à ce jour aucune complication niincident, même le plus léger qui soit, sur un total de78 séances.

Nous considérons que les zones actuellement les plusfavorables à la lipolyse chimique sont les bajoues (Fig. 3),le menton (où l’on compte au moins autant sur l’effet derétraction provoquée par la PPC que sur l’élimination de lagraisse proprement dite) (Fig. 5) et les poches palpébrales(Fig. 6 et 7), soit des zones très limitées où la concentrationde la PPC peut être maximale (Fig. 8). En revanche, sur leszones très étendues et sur la cellulite, le résultat est moinsprobant sans doute du fait de la dilution de la lécithine et dumanque de motivation des patients pour poursuivre un trai-tement qui est jugé comme particulièrement inconfortablependant les huit premiers jours. Les mêmes raisons ont sansdoute conduit plusieurs patients porteurs de lipomatosesdiffuses à finalement préférer leur exérèse chirurgicaleplutôt que les injections.

Discussion

Deux décennies de pratique régulière du traitement desamas graisseux par soustraction ou addition ne nous inciteaucunement à faire l’apologie de la lipolyse chimique. Il noussemble cependant que cette technique fait l’objet en Franced’un débat davantage guidé par la passion que par la raison etreposant plus sur les bruits de couloir que sur une expériencepersonnelle réelle. . . Rappelons simplement que cette sub-stance est produite naturellement par l’organisme et qu’u-tiliser ces propriétés métaboliques n’a donc rien de plusaberrant au plan scientifique que la pratique d’injectionssous-cutanées répétées de dérivés cortisoniques ! Il restebien entendu qu’un certain nombre de questions sont

(contre-indication normale de la méthode) (a) ; résultat aprèsdepuis la première séance (b).

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Figure 6 Patient de 72 ans ayant bénéficié d’une blépharo-plastie plusieurs années auparavant (tendance à l’ectropion etprésentant une récidive des poches palpébrales inférieuresaprès poussée d’hyperthyroïdie (a) ; résultat après deux séancesde lipolyse sur six mois (b).

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Figure 7 Patiente de 32 ans se plaignant d’un air fatigué (a) ;combinaison de lipolyse de la poche palpébrale médiane et de lapoche malaire et de comblement par acide hyaluronique ducerne (b).

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soulevées par ce type de traitement sans que des réponsesclaires puissent être encore apportées :

� la plus importante (et la plus controversée) tient à l’inno-cuité de ce traitement : la lipolyse pourrait-elle doncentraîner des complications graves qui justifieraient sonexclusion définitive de l’arsenal thérapeutique destiné àéliminer les amas graisseux superficiels ? Il a été récem-ment démontré que l’injection directe intrafasciculairede PPC chez le rat n’entraînait aucun dommage particu-lier, tant macro que microscopique au 21e jour et quenotamment l’épaisseur de la myéline pourtant théorique-ment très sensible à cette molécule puisque constituée dephospholipides restait la même [3]. Aucune complicationsérieuse de type nécrose cutanée ou autre n’a été rap-portée dans le réseau jusque-là. Il semble que la mauvaiseréputation de la PPC au plan cutané soit due à des cas denécroses d’ailleurs très limitées survenus chez quelquespatients brésiliens non-médecins qui avaient choisi des’autoadministrer une substance (laquelle ?) procurée

via internet. . . À notre connaissance, aucun incidentsérieux n’a été jusque-là rapporté par les médecins uti-lisateurs sur plusieurs dizaines de milliers de traitements ;� quel est le mécanisme d’action exact des molécules en

présence ? Il s’agirait moins d’une « lipolyse » au senspropre du terme (enzymatique-like) que d’une destruc-tion membranaire par l’effet détergent additionné de laPPC et de son solubilisant, le déoxycholate de sodium[10,11] ;� comment expliquer l’extrême variation des résultats d’un

patient et d’une séance à l’autre ? Les hypothèses man-quent totalement et force est de constater qu’aucuneexplication ne peut être apportée et qu’il est impossiblede sélectionner par avance les meilleurs répondeurs. D’oùl’importance d’avoir pu convaincre les candidats de nepas juger de l’efficacité du traitement avant un minimumde trois séances. Il paraît d’ailleurs actuellement impos-sible d’étalonner un rapport constant entre les dosesutilisées et leur efficacité réelle. . . ;� quel est le statut légal de la lipolyse en France ?

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Figure 8 Patiente de 23 ans candidate très limite à uneliposuccion du bassin (a) ; résultat après deux séances de

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Bien que la première spécialité commercialisée de la PPC(Lipostabil1) appartienne à un laboratoire français (Sanofi-Aventis), il n’y a aucune AMM depuis 2001 en France et seulel’Allemagne bénéficie toujours de l’utilisation de cette molé-cule sous forme injectable dans le traitement de l’emboliepulmonaire. Dans son bulletin Vigilances numéro 35 (février2007), l’Afssaps s’est émue de l’emploi de la PPC par injec-tion sous-cutanée directe d’une substance primitivementdestinée à la voie intraveineuse. Il ne s’agit cependant pasd’une interdiction officielle à utiliser ce produit puisque lebulletin spécifie : « il est rappelé que l’importation d’unespécialité telle que le Lipostabil1 qui ne dispose pas d’uneautorisation de mise sur le marché en France est soumise àune autorisation préalable délivrée par l’Afssaps, conformé-ment à l’article L. 5124-13 du Code de la santé publique.Selon les dispositions de l’article R. 5121-108 du même code,cette autorisation peut être refusée si le médicamentprésente ou est susceptible de présenter un risque pour lasanté publique ». On se trouve donc dans une situation quirappelle quelque peu le statut de la toxine botulique, il y aune quinzaine d’années, à la différence que celle-ci avaitune existence officielle en France : nécessité d’utiliserune molécule dans une indication sans rapport avec sa

lipolyse (b).

destination primitive, obligation d’importer cette molécule,consentement éclairé impératif sur ces contraintes, néces-sité d’informer son assureur professionnel et d’obtenir sonautorisation. Il faut rappeler qu’aucun incident grave n’a étérapporté à ce jour sur plusieurs dizaines de milliers d’injec-tions, contrairement à d’autres substances très communé-ment et officiellement utilisées, comme les acideshyaluroniques (plusieurs cas de cécité et de nécroses cuta-nées [12]) ou la toxine botulique (plusieurs décès aux États-Unis). Ce n’est évidemment pas une raison ni pour lever toutevigilance dans l’utilisation de la PPC ni a contrario pourostraciser le produit, comme nous l’entendons trop souventdans des réunions scientifiques où certains n’hésitent pas àclamer que la molécule est « interdite en France », rappor-tant par oui dire des complications dramatiques sans lemoindre commencement de début de preuve. Cette attitudedéfensive nous paraît tout à fait déraisonnable, même dansle contexte sécuritaire actuel ; ce sont souvent les mêmestoujours prêts à condamner une technique qu’ils ne maîtri-sent encore pas qui s’en font les chantres quelques annéesplus tard après avoir courageusement laissé leurs collèguesessuyer les plâtres. . . Il faut également noter que grâce auxefforts de D. Duncan, consœur chirurgien plasticien deDenver et qui ne peut donc être soupçonnée de rechercherune technique de substitution à des actes chirurgicauxqu’elle ne maîtriserait pas, cette méthode est actuellementau stade de pre market approval par la FDA [8].

Conclusion : la lipolyse chimique a-t-elle unavenir ?

Une prudence certaine s’impose vis-à-vis d’un traitementnon validé officiellement en France, nécessitant une infor-mation longue, détaillée, corrigeant certains excès média-tiques et incitant finalement beaucoup de candidats àreculer d’eux-mêmes devant le statut légal incertain de laméthode. Cela explique pour une grande part la très modestesérie que nous présentons. . .

Néanmoins, nous vivons probablement un certain tour-nant dans le traitement des excédents graisseux pour les-quels la liposuccion représentait jusque-là l’unique optiondepuis bientôt 30 ans. Un certain nombre de techniques sedéveloppent qui voudraient toutes s’affranchir de l’intro-duction d’une canule dans le tissu sous-cutané, avec plus oumoins de bonheur et des résultats à la fois modestes etinconstants. Il en va ainsi de la radiofréquence [13] et desultrasons externes qui, après avoir suscité beaucoupd’espoirs entrent actuellement dans une nouvelle phasede développement avec l’association de multipolarités auto-risant une élimination contrôlée et étagée du tissu graisseux.La lipolyse chimique devrait elle aussi entrer dans une phasede maturation et participer à ces nouvelles alternatives.Toutes ces méthodes ont encore en commun une efficacitéaléatoire associée à des contraintes d’application trop lon-gues (plusieurs mois) qui ne les rendent pas encore assezcompétitives. Il serait, néanmoins, dommage de les ignorertant il paraît évident que leur intérêt va se développer dansun avenir sans doute plus proche qu’il ne paraît. Quelles quesoient leurs préventions souvent affichées vis-à-vis de lalipolyse chimique, il serait donc dommage que les chirurgiensplasticiens se désintéressent de son avenir, même si cette

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méthode appelle toujours davantage de questions que deréponses. . .

Conflit d’intérêt

Le Dr Môle n’a aucun lien commercial quel qu’il soit avec latechnique développée dans cet article.

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