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1.

Lecœurbattant,Emmapénétradansleluxueuxbureau.L’hommeassisàlatabledetravailnepritmêmepaslapeinedeleverlatêtedudossierqu’ilétudiait.

Lalumièreentraitàflotsparlalargebaievitréed’oùl’ondécouvraitl’undesplusjolisparcsdeLondres.C’étaitàcetemplacement,enbordureduparc,quel’hôtelGranchester,unétablissementhautdegamme, devait sa notoriété internationale. En cet instant pourtant, la vue du palace laissait Emmaindifférente:sesyeuxétaientrivéssurl’hommedontl’attentionn’avaitpasdéviéuninstantdudossierposédevantlui.

ZakConstantinides.Danslepâlesoleildenovembre,sescheveuxd’unnoirdejaisprenaientunéclatsingulier,etses

puissantesépaulesétaient impressionnantes.Toutàsaconcentration, il semblait tenducommeunfauveprêtàbondiretdégageaitunevirilitébrute,primitive,sipalpablequ’Emmasentitsoncœurs’accélérer.

Lanervosité,sansdoute.Quoid’étonnantàcela?LegrandpatronarrivaitàLondressanspréveniretlaconvoquaitdetouteurgencedanssonbureau.Quelqu’und’aussiimportantfaisaitengénéralpeudecasd’unesimpleemployéecommeelle.

Quandonl’avaitprévenue,elleaccrochaitlesrideauxdansunechambrequ’ellevenaitderénover.Ellen’avaitpaspusechanger,levestiairedupersonnelétantsituéausous-sol,etlebureaududirecteuraudernierétagedel’hôtel.Oronnefaisaitpasattendrelebigboss.C’estdoncaffubléed’unvieuxjeanet d’un grand T-shirt informe, sa tenue de travail préférée, qu’Emma était montée. Pour comble demalheur,unemèchedesescheveuxblondss’étaitéchappéedesaqueue-de-cheval faiteà lava-vite lematin. Les conditions n’étaient donc pas les meilleures pour une entrevue avec ce patronmultimillionnaire.Maisqu’yfaire?

Ilnepouvaitignorerqu’ellevenaitd’entrer.Pourtant,ilcontinuaitàlire.Unestratégiepourqu’ellecomprenned’embléequimenaitlejeu?Vulescirconstances,c’étaitinutile,maisNatavaitsouventditàEmma que son frère Zak aimait faire sentir aux autres son autorité et son pouvoir pour mieux lesmanipuler.

Rassemblantsoncourage,lajeunefemmes’éclaircitlagorgeavantdedireàmi-voix:—MonsieurConstantinides?IllevaenfinlatêteetEmmavitsonvisagetrèsbronzé,auxtraitsfermesetvirils.UnvraiGrec,mais

laressemblanceavecleclichés’arrêtaitlà,carZakConstantinidesavaitdesyeuxnonpasnoirsmaisgriscommeuncield’orage.Cesyeux fixaientEmmaàprésent,etelle sesentitcommehypnotiséepar leurétrangeéclat.

Quelque chose en elle se crispa, en même temps qu’un sombre pressentiment l’assaillait.L’intimidation sans doute, car les hommes ne la troublaient plus depuis longtemps, et unmilliardaire

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obsédéparlepouvoirn’avaitaucunechancedelafairechanger,surtoutqu’onledisaitgrandséducteur,entouréenpermanenced’unharemdejoliesfemmes.

Ilplissaàpeinesesétonnantsyeuxgris.—Ne?Tuthelis?Pourquoi s’exprimait-il en grec alors qu’il parlait un anglais parfait ? Pour mieux marquer la

distanceentreeux?Emmaaffichaunsourireincertain:—JesuisEmmaGeary.Vousdésiriezmevoir,m’a-t-ondit?Zaksecalacontreledossierdesonfauteuilsanscesserdelafixer.—Eneffet,admit-ilenluiindiquantlesiègefaceàlui.Asseyez-vous,jevousprie,Mademoiselle.—Merci.Sous le regard de son interlocuteur,Emma était de plus en plus consciente de sa tenue négligée.

Maispouvait-onêtreimpeccablequandonavaitpassélamatinéeàsuspendredesrideaux?Emmaétaitdécoratrice,maisne travaillaitpasen free-lancecommebeaucoupde sescollègues :

elleavaiteulachanced’êtreembauchéeàpleintempsparl’hôtelGranchester,dontelleassuraittouslestravauxderénovationetdedécoration.Orelleétaitenpleintravailquandsonassistantel’avaitprévenuequelebigbossl’attendait.Aulieudeseruerdansl’ascenseurpourgrimperenvitesseaudernierétage,elleauraitmieuxfaitdedescendreauvestiairemettresa tenuedevilleainsiqu’unpeudeblush :ZakConstantinidesl’auraitattenduequelquesminutes,maispeut-êtrenel’aurait-ilpasfixéeainsi…

Elleportasurluiunregardcontraint:—Désolée,jen’aipaseuletempsdemechanger,et…Illacoupa:—Aucuneimportance,nousnesommespasàundéfilédemode.Le jean délavé moulait les longues cuisses de cette jeune femme qui devait avoir des jambes

ravissantes… Quant à l’opulente rondeur de ses seins, elle restait bien visible sous l’ample T-shirt.EmmaGearypossédaitsansaucundouteuncorpsderêve,mêmesielleétaitnégligée…Sesmainsenrevancheétaientsoignées,commeZakaimaitlesmainsdefemmes:ongleslongsetimpeccables,vernisrougecoraildontlacouleurluiévoquasoudainlescouchersdesoleilsurlamer,danssalointaineGrècenatale.Avait-ellesentiqu’ilétaitsensibleàsesmains?Peut-être,carelleenportauneàsapoitrine,etdanssongestesonT-shirts’étira,soulignantlacourbed’unsein.Contretouteattente,Zaksentitledésirsurgir,cequilerenditfurieux.

—Cequej’aiàvousdireestplusimportantquelafaçondontvousêteshabillée,reprit-ild’untonsisévèrequ’Emmaneputs’empêcherdesouffler:

—Dieuduciel!Vousmefaitespeur!—Vraiment?Asseyez-vous,vousai-jedit.Emmaobéitenbaissantlesyeux,etquandellelesrelevacefutpourcroiserlesprunellescouleurde

cield’oragefixéessurelleavecuneexpressionindéfinissable.Alors,sanscomprendrecomment,ellefuttroublée.Etdéconcertéeaussi,carellesesentaitsoudainterriblementfemmesousceregardétrange.

Son indifférenceausexequi,depuisdesannées, la rassurait, semblaits’êtreévanouie, la laissantvulnérable,fragile,etcraintivesurtout,devantl’hommequiluifaisaitface.

Maispeut-êtreétait-cel’émotiondesetrouverseuleaveccegrandpatronquel’onconnaissaitpeu,auGranchester.ZakConstantinidesseplaisaiteneffetdavantageàNewYorketabandonnaitvolontierslagestiondesonhôtellondonienàsondirecteur,Xenon.

Emma l’avaitpourtantaperçuune fois : c’était à l’inaugurationdu salonClairdeLune,dontelleavaitassuréleréaménagementavecsuccès.Ils’étaitmontréplutôtaimableetl’avaitmêmefélicitéepourson travail. Emma avait mis ses compliments sur le compte de la politesse, et n’y avait rien vu depersonnel, connaissant la réputation de son patron : s’il avait en effet à son actif une réussiteprofessionnellefulgurante,enrevancheilétait,disait-on,uncélibataireendurcidoubléd’unredoutable

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séducteur,quiavaitbrisébiendescœurs.ZakConstantinidesreprésentait legenred’hommeàévitersil’onnevoulaitpasavoird’ennuis.Etquelqu’uncommeEmmadevaits’engarderplusquequiconque,ellequisemblaitavoirundonpourattirerleshommesàproblèmes.

Elleavaitcomprisvoilàlongtempsque,s’agissantdusexeopposé,ellen’avaitaucundiscernement.Unelacunegravequ’elleavaithélashéritéedesamère:commecelle-ci,elleavaitfaitdemauvaischoixpar le passé, et n’avait eu que ses yeux pour pleurer quand les conséquences s’étaient révéléesdramatiques.Depuis,ellemaintenaitleshommesàdistance,auplanphysiquecommeauplansentimental.Lavieétaitplusfacileainsi.

Elleprituneprofonde inspirationpour retrouver soncontrôle, et examina l’hommequi lui faisaitface.

Al’inaugurationdusalonClairdeLune,ilarboraitunsmokingcoupéàlaperfectionquiaccentuaitencoresesalluresdemagnatmultimilliardaire.Aujourd’hui,iln’étaitpluslemêmehomme.Lecoldesachemise en oxford beige était ouvert, et il en avait roulé lesmanches jusqu’aux coudes, dénudant desavant-bras musclés, couverts d’un duvet sombre et dru. Il avait de grandes mains puissantes, et desépaules larges.Laquintessencede lavirilité,voilàcequ’il était encet instant, songeaEmma,et il ensemblaitconscientettrèssatisfait.

Ilposasonstylo,secaladavantagecontresondossieretpritenfinlaparole:—Savez-vouspourquoijevousaiconvoquée,mademoiselle?Emmaesquissaunhaussementd’épaules,essayantdeseconvaincrequ’ellen’avaitrienàcraindre.—Pasdutout,non.Jemesuisposélaquestionenmontant,maisenvain.J’espèrequevousn’êtes

pasmécontentdemontravail,monsieurConstantinides?Elleavaitun teint àpeine rosé,notaZak, etde longscils trèsblondsourlaient sesyeuxverts en

amande.Curieuxqu’ellenesoitpasmaquillée…Ah!Siseulementsontravailnel’avaitpassatisfait,lasituationauraitétéplusfacile:Zakn’auraiteuqu’àlalicencierenluiordonnantdesortiràjamaisdelaviedesonfrère.Hélas,cen’étaitpassisimple.

Elleétaitdéjàenpostequandilavaitreprisl’hôtel,deuxansplustôt,etiln’avaitvuaucuneraisondenepaslagarder.ZakavaitrachetéleGranchesterparcequec’étaitsonultimeambition,paspourenchangerleconcepthôtelierquiavaitfaitsespreuvesdepuislongtemps.Lesrénovationscoûteusesjustepourleplaisir,cen’étaitpassonfort.L’argentsegagnaitetseperdaittoutaussivite,et,silui-mêmeétaitgénéreux,ilavaithorreurdugaspillage.EmmaGearyfaisaitdubontravailetavaitsurénovercertainespartiesdel’hôtelsansenmodifierl’âme,orZaksavaitreconnaîtreletalent.Ilnesesépareraitpasd’ellesaufcontraintetforcé.

Hélas,c’étaitpeut-êtrelecas,carilsemblaitquecettejeunepersonneauteintdeporcelaine,auxcheveuxblondpâleetauxonglescorail,avaitjetésondévolusursonjeunefrère.

Elle n’était pas du tout commeZak l’avait imaginée. Il l’avait pourtant rencontrée une fois,maisn’engardaitqu’unvaguesouvenir.Enoutre,lesphotosenvoyéesparledétectiveprivéqu’ilavaitmissursatracemontraientunejeunefemmevibrante,exubérantedanssafaçondes’habiller.Rienàvoiraveccellequ’ilavaitdevantlui.Malfagotée,aveccetaireffacé,ceteintdiaphane,ceslongscheveuxblondpâle, elle avait l’air fragile, vulnérable,même…En tout cas, elle n’était pas son style,même si Zaksavaitapprécierlesblondesauxseinsrondsetgénéreuxetauxlongues jambes…d’ailleurs,àmieuxyréfléchir,cetteEmmaGearyn’étaitpasnonpluslestyledefemmedeNat:sonjeunefrèreaussiaimaitlesbeautéspluséclatantes,plustypées.

Pourtant, on les voyait ensemble de plus en plus souvent. Zak ne s’en serait pas inquiété outremesuresiNatn’avaitpasétésurlepointd’entrerenpossessiond’unhéritageimportant.Zak,quidepuistoujoursprotégeaitsonjeunefrère,avaitalorsdécidédemenersapetiteenquêtesurcettejeunefemmeinconnue,etsespirescraintess’étaientvuesconfirmées.

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Ilcaressad’unemaindistraitelasurfacelissedesonbureauavantderépondreàlaquestionquiluiavaitétéposée.

—Non,votretravailn’estpasencause,mademoiselle.Aucontraire,toutlemondes’enfélicite.—Heureusement!soufflaEmma,soulagée,et,pourqu’ilsaisissecombienelleappréciaitsonposte

et son statutde salariéede l’hôtel, elle ajouta : nous avonseuuneassezbonnecouverturemédiatiquepourl’ouverturedunouveaubar.Avez-vousvulescoupuresdepressequej’aienvoyéesàvotrebureaudeNewYork?Jetravaillemaintenantàlarénovationdujardind’hiveretilm’estvenuquelquesidéesdepromotion:ainsi,nousavonscontactélesorganisateursdel’expositionfloraledeChelseapour…

D’unimpérieuxgestedelamain,ilcoupanetsonenthousiasme.—Jenevousaipasfaitmontericipourparlerdécoration,mademoiselle,déclara-t-ilavecfroideur.

Cedontjeveuxvousentretenirestpluspersonnel.Voyez-vous,j’aimontrévotrecontratdetravailàmesavocats.

Emmaleregardasanscomprendre.—Vosavocats?Zakeutungested’impatience.—Oui,etilsm’ontfaitvaloirqu’ilétaittrèsrarequ’unedécoratriceaituncontratdetravailàplein

temps.Engénéral,cemétiersepratiqueenprofessionlibérale.—Moncasestassezinhabituel,eneffet,admitEmma,jedoismonstatutàvotreprédécesseur.Zakfronçalessourcils.—VousparlezdeCirod’Angelo?—Oui.Emman’oublieraitjamaislebelItalienquis’étaitmontrésicompréhensifquandelle-mêmeétaitau

plusbas.C’étaitl’époquedesonretouràLondres,etilluisemblaitavoirtouchélefond.C’estalorsqueCirod’Angeloluiavaitproposécequiluiavaitparuuncadeauduciel:unjobàpleintempsluiassurantlasécuritématérielle,etdanslequelelles’étaitlancéecommeons’accrocheàunebouéedesauvetage.

—Cirod’Angeloaimaitmafaçondetravailler,c’estpourquoiilm’aembauchéecommesalariéeduGranchester.Celametranquilliserait,m’avait-ildit.Ils’estmontrétrès…trèsbon.

«Bon » n’était pas le qualificatif qui venait à l’esprit deZak lorsqu’il songeait à l’impitoyablehommed’affairesnapolitainàquiilavaitrachetéleGranchester.

—C’estaussiungrandamateurdejoliesfemmes,etilesttrèsriche,grinça-t-il.« Et vous donc ! » aurait aimé répondre Emma, au lieu de quoi elle ouvrit de grands yeux et

rétorqua:—Excusez-moi,maisquelquechosem’échappe,monsieurConstantinides:quelestlerapportentre

moncontratetlavieprivéedeM.d’Angelo?—Vousnevoyezpas?Feignait-ellecetairfragilesiféminin?Etait-cepourl’attendrir?Possible,maisdanscecas,elle

perdaitsontemps,etZakallaitleluifairecomprendresansplusattendre.Ilpoursuivitdonc,férocetoutàcoup:

—Ehbien,jevaisvouséclairer.Ilsetrouvequejemesuisrenseignésurvous.Acepoint,ilmarquaunepauseavantdereprendred’untondevenusévère:—Ilsembleraitquevousayezuneréputationdefemmefatale,mademoiselleGeary.Emmasoutintsonregard,maislapeurs’insinuaitenelleenmêmetempsqueseréveillaientcertains

échoslongtempsrefoulésdesonpassé.—Je…jenesaispasdequoivousparlez.—Vousenêtessûre?Ellementait,Zakl’entendaitàsavoix,etelleétaitdevenuelivide.Soussapeausitransparente,il

pouvaitvoirlafineveinebleutéequibattaitàsatempe.Pouruneobscureraison,ilsedemandasielle

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avaitlapeauaussidélicatepartout,etcettepenséelerenditfurieuxcontrelui-même.—Jetrouveétonnant,reprit-il,qu’unhommed’affairesaussiaviséqueCirod’Angeloaitconsentià

vous signer un contrat permanent. On peut se poser la question, avouez-le, et beaucoup de gens enviendraientviteàlaconclusionquis’impose.

Emmafrémitsousl’insulteetréagitavecforce:—Ehbien,ilssetromperaient.—Iln’yapourtantpasdefuméesansfeu,dit-on.—Onditbiendeschoses,monsieurConstantinides,maisellesnesontpastoujoursfondées.—Quoiqu’ilensoit,M.d’Angeloappartientaupassé,ilm’avendusonhôteletestrepartivivreà

Naples.Ordepuissondépart,vousêtesdevenuetrèsprochedemonjeunefrère,m’a-t-ondit.Enparlant,Zaks’étaitpenchépourmieuxguetterlaréactiond’Emma.Celle-cisetendit,troubléedelesentirsiprochequeleseffluvescitronnésdesoneaudetoilettelui

parvenaient.—VousvoulezparlerdeNathanaël?—Jen’aiqu’unfrère,mademoiselle.Lecœurdelajeunefemmebattaittrèsvite,maisellenepaniqueraitpas,non!Natneluiavait-ilpas

ditquesonfrèreétaitunvraidictateurquiobtenaittoutcequ’ilvoulaitsanssesoucierdes«dommagescollatéraux»,commeildisait?Maiselleluitiendraittête.

—Etsicequel’onvousaditétaitvrai?interrogea-t-elle,regardantZakbienenface.Fréquenterquelqu’unn’estpasuncrime,ilmesemble?

— En effet, mais quand une jeune femme connue pour ne s’intéresser qu’à des hommes richessembleavoirjetésondévolusurmonpetitfrère,çanemefaitpastrèsplaisir.

Emmeleregardasansciller:—Ce sont vos avocatsqui vousont conseillé deme traiter de croqueusedediamants,monsieur

Constantinides?demanda-t-elled’untonégal.Cettefaçonqu’elleavaitdeledéfierhérissaZak.Natavait-ilétéassezfoupourluidirelemontant

desonhéritage?—Vousperdezvotretemps,mademoiselle,assena-t-il,contrôlantsavoixdesonmieux.—Quevoulez-vousdire?—Inutiled’écarquillervosbeauxyeuxvertsoudesecouervoscheveuxblonds:sachezseulement

quemonfrèreNathanaëln’estpasàprendre.Vouspouvezd’oresetdéjàlelaisserenpaixetabandonnertoutespoir.

Si l’hommen’avait pas été aussi hautain et désagréable,Emma aurait éclaté de rire avant de luiexpliqueràquelpoint il se trompait.Caroui, ils sevoyaient trèssouventavecNat,mais leur relationétaitamicale,riendeplus.Oh!biensûr,unjourNatavaitfaitdesavancesàEmma,commeilenfaisaitsansdouteàtouteslesfemmes,maiselleluiavaitfaittoutdesuitecomprendrequec’étaitsansespoir,etilsétaientrestésbonsamis.

Emmatenaitàcetteamitié:audébut,elleyavaittrouvéduréconfortdansledésarroidesonretourà Londres. Maintenant qu’elle avait recouvré son équilibre, elle appréciait la compagnie de Nat, ets’amusaitbeaucoupaveclui.Alorsdequeldroitcetyranluiordonnait-ildenepluslevoir?

Elle seprit soudainà regretterden’avoirpuparleravecNatavantdemontervoirZak.Maisoùaurait-elletrouvéletemps?AmoinsqueZakn’aitfaitexprèsdelaconvoquerd’urgencepourqu’ellenepuissepascontactersonfrère?Possible.

—Nat est-il au courant devotredémarche ?demanda-t-elle, articulant bien chacunde sesmots.Sait-ilquevousprenezàsaplacedesdécisionsconcernantsavieprivée?Parcequ’ilmesemblequec’estàluidedéciderdesesfréquentations.

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—Vousperdezvotre tempsavec lui, répétaZak, ignorant sa réponse.Natn’estpasàprendre,etsurtoutpasparunefemmecommevous.

Emmaseraidit:denouveau,ceregardgrissidurl’effraya.Etpuis,toutàcoup,ellecomprit:elleétaitdémasquée!Sonpassélarattrapait!

—Quelqu’uncommemoi?répéta-t-elled’unevoixblanche.Envoyantlaculpabilitédansleregarddelajeunefemme,Zaképrouvaunsentimentdetriomphe.— Pourquoi ne travaillez-vous pas sous votre nom de femme mariée ? interrogea-t-il. Est-ce

délibéré?Etpourquoiya-t-ildansvotreCVunvidecorrespondantàuncertainnombred’années?Ilsetutpourconsulterunefeuilledepapierdevantluiavantdelancerencore:—CarvousvousappelezEmmaPatterson,n’est-cepas?Vousavezbienétél’épouseduchanteur

derockLouisPatterson?Emmacrutdéfaillir.Oui,c’était la tristevérité,etcepassésordidequ’elleavaitespéréenterréà

jamais revenait la poursuivre. Comment avoir été assez naïve pour croire que le présent l’effaceraitquandsesgriffessinistresn’avaientcessédeguetterdansl’ombrelemomentdeserefermersurelle?

—Jenemetrompepas,n’est-cepas?interrogeaitàprésentZakConstantinides.Lajeunefemmeavalasasalive.—Non.Ilportasurelleunregardtriomphant.— Et votre ex-mari est mort d’une overdose. Alors dites-moi, madame Patterson, vous êtes

toxicomane,vousaussi?

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2.

Emmatressaillit:overdose,drogue,toxico,autantdemotsassociésàd’horriblessouvenirsqu’elles’étaitefforcéed’occulterdepuisdixans,etquil’assaillaient,douloureux,destructeurs.

Impitoyable,sonpatroncontinuaitdemarteler:—Vousnem’avezpasrépondu,mademoiselleGeary,prenez-vousdeladrogue?—Non!Jen’yaijamaistouché!Jamais!Dequeldroitm’accusez-vousainsi?—J’aitouslesdroitsquandils’agitdeprotégermonjeunefrèredefemmesdangereuses.Emmaprituneprofondeinspiration,essayantdecontrôlersoncœurquibattaitàtouteallure.—J’aiépouséunhommequis’adonnaitàladrogueetbuvait,admit-elleàvoixbasse,jel’ignorais

quand nous nous sommes mariés. J’étais très jeune, et j’ai fait une erreur. Vous ne vous êtes jamaistrompé,monsieurConstantinides?

Zakeutunsouriregrinçant.Danssavieprofessionnelle,illuiétaitarrivédecommettredeserreurs,mais dans sa vie personnelle, non, il y avait veillé. Il avait une conception de la famille trèstraditionnelle,ilenétaitfier,etn’ydérogeaitjamais.Unefemmeaveclepasséd’EmmaGearyn’yavaitpassaplace.

Sans unmot, il sortit des photos d’une enveloppe sur son bureau et les fit glisser devantEmma.Celle-cipâlit.

—Ellesvousdisentquelquechose?interrogea-t-ilavecironie.Emma s’obligea à les regarder : c’était de vieux clichés. Le premier lamontrait le jour de son

mariage avec Louis. Les médias s’en étaient donné à cœur joie, à l’époque. L’histoire était siromantique : une rock star au faîte de sa célébrité qui épousait une inconnue de plus de trente ans sacadette.

Emmaeutunpincement aucœur : commeelle était jeunealors !Et sa tenuedemariée la faisaitparaîtreplusjeuneencore:robefluide,aérienne,enlégerpongédesoiefroisséblanc,etsurseslongscheveux blonds une simple couronne de fleurs des champs. On aurait dit une fée enfant, avait assuréLouis,quiavaitmêmeécritunechansonsurcethèmependantleurlunedemiel,cherchantsoninspirationdanslabouteilledewhiskytoujoursàportéedesamain.

— Bien sûr, souffla-t-elle, éparpillant les photos devant elle pour feindre de les regarder avecattention.

Il ne fallait surtout pas que Zak Constantinides se doute à quel point replonger dans le passél’épouvantait.

Tous lesclichés lamontraientavecLouis : certains journalistes lesavaient surprisà la sortiedeprestigieuxrestaurants,quandellesoutenaitsonmaridansl’espoirdedissimulerqu’iltitubait.D’autresphotosavaientétéprisesdanscesnight-clubs«incontournables»del’époque.Lajeunefemmeblonde,

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toujoursenminijupemoulante,dansantensecontorsionnantavecfrénésiesurunpodiumscintillant,oudansleclair-obscurd’unepisteencombrée,luiparaissaituneétrangèremaintenant.C’estque,dutempsdeleurmariage,Emmafaisait toutpourcontenterLouis,suivantainsi lesconseilsdesamère.«Ilfautêtre telles qu’ils veulent quenous soyons, ne jamais rien leur refuser », disait celle-ci en parlant deshommes.Aprèssondésastreuxmariage,Emmaavaitcomprisàquelpointsamèresetrompait.

—Vousavezdûvousdonnerbeaucoupdemalpourobtenircesphotos,finit-ellepardire,priantlecielquesavoixnetremblepas.Ellesremontentàplusdedixans.

—Letempsnefaitrienàl’affaire:quandonveutquelquechose,onletrouve.Avouezcependantquesijedevaischoisirunebelle-sœur,vousneseriezpaslapremièresurmaliste.

C’enétaittrop.Seredressant,Emmapointalementonenavant:— Chaque fois que votre frère fréquente une femme, vous pensez qu’il va l’épouser, monsieur

Constantinides?C’estuneréactiond’unautretemps,non?—Jenesuispasnédeladernièrepluie,mademoiselle,etjeconnaisassezlesfemmespoursavoir

l’attraitqu’unhommericheexercesurelles.AuseulnomdeConstantinides, toutessontprêtesà tenterleurschances.

—Mêmeavecvous?ripostaEmmadutacautac.—Mêmeavecmoi.Lesarcasmeétait clairdans lavoixdeZak, siclairque la jeune femmeéprouvasoudain l’envie

d’êtreblessanteetdesevengerdesoninsupportableassurance.Ehbien,quellequesoitl’issuedeleurentretien,ellene lui révéleraitpasquesa relationavecNatn’étaitqu’amicale. Ilcroyaitàune liaisonsérieuseetenétaitinquiet?Tantpispourlui!Qu’ils’agite,setracasse,seridiculiseavecsesméthodesd’intimidation,ilnesauraitpaslavéritétantqu’Emman’auraitpasrevuNat.

—Vouscomprendrezque,danslamesureoùvousêtesmonemployeur,ilmesoitdifficiledevousdire en toute franchise ceque jepensedevotredémarche et devos insinuations insultantes,monsieurConstantinides,déclara-t-elleavecaplomb.Vouspourriezenprofiterpourmelicencier.

Ileutunrirenarquois.—Hélasnon,vos loisanglaises sur le travail sontdraconienneset toujoursdans lemêmesens :

l’employéestprotégé,et lepatroncoupable.Pourquej’aieleplaisirdevousrenvoyer, ilfaudraitquevouscommettiezunefautegrave.

Luienvoyeràlafigurel’élégantpotàcrayonsquitrônaitsursonbureauentrait-ildanslacatégoriedesfautesgraves?Emmacaressacette idéeuninstant,maissegardabiende lamettreàexécution,etréponditaucontrairesuruntondoucereux:

—Danscecas,nousvoilàembarquéssurlemêmebateau.J’ensuisdésoléepourvous.Voyantlevisagedesonpatronsetendre,ellecompritqu’elleavaitmarquéunpoint.—Jelesuisaussi.Zaks’adossaàsonfauteuilavantdepoursuivre,détachantbiensesmots:—Saufbiensûrsinousnousentendonssurunarrangementoùchacuntrouveraitsoncompte.—Aquoipensez-vous?Ilhaussalesépaules:—Jepourraisvousoctroyeruneforteindemnité.Emma s’obligea à écarquiller de grands yeux candides, alors qu’elle était indignée. Il croyait

pouvoirs’offrirn’importequoiavecsonargent?— De sorte qu’il serait plus intéressant pour moi de renoncer à mon job que de continuer à

travailler?—Pourquoipas?Jesaismemontrer trèsgénéreuxquandil lefaut,répondit-ilavecunedouceur

inattendue.

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Sonassurancetranquilleétaitscandaleuse,biensûr,maiscequichoquaEmmaetlaprivaquelquesinstantsde toutepenséecohérente,ce fut sapropre réactionphysiqueet immédiateàcettevoixdouce,mélodieuse et…oui, sensuelle, si sensuelle qu’elle sentit s’éveiller au creux de ses reins une étrangechaleur.Etait-ce…l’émoidudésir?

Consternée, Emma semaudit. Elle qui, depuis si longtemps, restait insensible aux hommes, étaitsoudaintroubléeparunindividuodieux,macho,aussiméprisablequeméprisant.Uncomble!Enplusils’imaginaitl’achetercommeons’offreunarticledebazar!

Un instant, elle fut tentée de jouer son jeu et de mentionner une somme insensée pour voir saréaction.Elleledétromperaitensuite,disantqu’elles’étaitmoquéedelui.Maissoninstinctluidictaitlaprudence. Que Zak Constantinides n’ait que dédain pour elle n’était pas grave, s’en faire un ennemipouvaitserévélerdangereux.

Seredressantsursonsiège,elleleregardasansciller:unmilliardairequicherchaitàl’intimiderdans l’espoir absurdede contrôler la vie de son frère n’allait pas la démonter : elle avait vupire dutempsoùelleétaitmariée.

— Navrée de vous décevoir, monsieur, déclara-t-elle avec une fermeté qu’elle était loin deressentir,maismontravailmeconvient,ettantqu’ildonnerasatisfactionjeresteraiàmonposte.J’espèrequecelanevouscontrariepas.

Fixant les yeux verts, clairs comme de l’eau, Zak y lut une détermination farouche : cette jeunefemme possédait une obstination dont il serait difficile de venir à bout. Elle était une femme, sonemployée de surcroît, et osait lui tenir tête !Une confrontation sérieuse s’annonçait.Tantmieux !Zakadoraitlesaffrontementsparcequelaperspectivedegagnerl’excitaitplusquetout.C’étaitd’ailleurscequi nourrissait son ambition.MlleGeary semblait déterminée à rester à son poste, quand il lui avaitsignifiésondésirqu’elles’enaille?Onverraitquiauraitlederniermot!

L’espaced’uninstant,ilsongeaàlalicencier.Lecaséchéant,aurait-ellel’audacedelepoursuivreenjustice?Zakn’avaitjamaisperdudevantuntribunal.Maisencemomentiln’avaitniletempsniledésirdeselancerdansuneprocédure.Mieuxvalaitluisignifierqu’ildétenaitlesmoyensdel’éloignerdesonfrère.Avecousanssonaccord.

—Vousêtesunefemmetrèsobstinée,mademoiselle,déclara-t-il.—C’estuntraitdecaractèrequevouscomprenezsansaucundoute,monsieur,carvouslepartagez,

mesemble-t-il.Ilhochalatêteavantdereprendre:—Jenevous ai pas toutdit demonentretien avecmes avocats.Certainspointsquenous avons

évoquéspourraientvousintéresser.Emmaportasurluiunregardméfiant.—Vraiment?—Jelepense,oui,carvoyez-vous,riendansvotrecontratnestipulequevousdeveztravaillerdans

monhôteldeLondres.Al’expressiondesonvisage,Emmacompritqu’ellen’étaitpasauboutdesespeines.Zakaffichait

unsourirearrogant,àprésent.—J’aitoujourstravailléauGranchester,fit-ellevaloir.— Je le sais, c’est pourquoi j’ai pensé à vous offrir la possibilité d’exercer vos talents dans un

autre demes établissements.Vous savez que j’en possède partout dans lemonde.Que diriez-vous departiràl’étranger?Jesuissûrqueceseraitprofitablepourvotrecarrière.

Lasuitesedevinaitsansmal:ilallaitluiproposerunjobquelquepartdanslesCaraïbes,oupeut-être dans une capitale européenne, voire asiatique. En d’autres circonstances, Emma aurait sauté surl’occasion,mesurantsachance.Maisellesavaitpourquoiilluifaisaitpareilleproposition.

—Vousvoulezàtoutprixm’éloignerdeNat,n’est-cepas?

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—Bravopourvotreperspicacité,mademoiselle.—Xénonestaucourantdevotreoffre?—Pourquoi ? s’insurgea Zak.Vous avez fait en sorte que lui non plus ne puisse plus rien vous

refuser?—Votrequestionestinsultante,monsieurConstantinides.Jepréfèrenepasyrépondre.—Xénonassure lagestionquotidienneduGranchester,assenaZak.Quandils’agitdeproblèmes

plusstructurelsc’estmoiquidécide.Jefaiscequejeveuxdanstousmeshôtels,jen’aidepermissionàdemanderàpersonne.

—EtsijerefusedequitterLondres?—Jecrainsquecenesoitpaspossible,ils’agiraitalorsd’unerupturedecontrat,et jeseraisen

droitdevouslicencier.Zakcroisa lesbras,commeson regardétait attirépar la rondeurgénéreusedes seinsde la jeune

femme,bienvisiblessousl’ampleT-shirt.Uninstant,ilsepritàregretterquesonfrèreaitjetésondévolusurcetteEmmaGeary.Carpouruneobscureraison,sonsensdelarepartie,sesréponsespertinentes,samanière de lui tenir tête l’avaient piqué. Plus que cela, il avait maintenant une furieuse envie de ladompter…commeunhommedompteunefemme,c’est-à-direaulit.Etleseulfaitd’ypenserexcitaitsondésir.Siellen’avaitpasété lapetiteamiedeNat,pourunpeuil l’aurait invitéecesoiràdîner.Et lasoirée se serait déroulée comme toujours quand il le voulait. Ne disait-on pas que les femmesintelligentes,siellesnefaisaientpastoujourslesmeilleuresépouses,étaientlesmeilleuresmaîtresses?

Ellelefusillaitdesesyeuxverts,àprésent,etlefeudanssesirislarendaitplusdésirableencore.—Vousavezquelquechoseàobjecter?demanda-t-ild’unevoixdemiel.Emmaprituneinspiration:—Jemedemandeseulementpourquivousvousprenez!Dieulepèreenpersonne?—Pensezcequevousvoulez,c’estàprendreouàlaisser.Toutefois,sivouspréférezuneindemnité

delicenciement,mapropositiontienttoujours.—Ohnon!rétorquaEmma,jenecèdepasauchantage.Niàlamenace,d’ailleurs.Vousnevous

débarrasserezpasdemoiaussifacilement,monsieurConstantinides.—C’estcequenousverrons.Enattendant,jevousconseillederéfléchir.Vouspouvezdisposer.Ecumantderage,Emmaselevapourgagner laporteavectoute ladignitédontelleétaitcapable.

Maisaumomentdesortir,Zakl’interpella:—Oh!Emma,encoreunechose.C’étaitlapremièrefoisqu’ill’appelaitparsonprénom,etdanssabouche,avecsavoixgraveetson

accent à peine marqué, ces deux syllabes prenaient une consonance si sensuelle qu’Emma en fut denouveautroublée.Elles’immobilisa.

—Oui?Zakplissalesyeuxtoutenl’observant,etquelquechosedanssaposturedéclenchaencorecetélan

dedésirqu’ilavaitéprouvéunpeuplustôt.Elleavaitunedémarcheondulante,merveilleuse,songea-t-ilsoudain.Malgrésesvêtementsinformes,ellesemblaitglissersurleparquet,commeunmannequinàundéfilédemode.

—Vouspourriezconsidérervotreséjourà l’étrangercommeunemiseà l’épreuve, lança-t-il,unefaçondevoirsivossentimentspourNathanaëlsurviventàl’absence.Quisait,ilspourraientmêmes’entrouverrenforcés?

Elle crut d’abord qu’il pensait ce qu’il disait et s’intéressait vraiment à son frère, mais l’éclatamusédanssesyeuxgrisladétrompavite.Ilsemoquaitdecequ’éprouvaitNat.Seulluiimportaitcequeluivoulait.Ehbien,pourunefois,ilnel’obtiendraitpas!

—Sijepeuxl’éviter,jenepartiraipas,déclara-t-elle,contenantmalsavoix,jem’efforceraipartouslesmoyensderesteràLondres,quecelavousplaiseounon.

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Surcesmots,ellesortitlatêtehaute,etclaqualaportederrièreelle.

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3.

—C’estundespote!Unmaniaque!—Jet’avaisprévenue.—Jesais,mais…EmmalevalesyeuxsurNathanaël.Lesdeuxfrèresseressemblaientbeaucoup,etpourtantparleur

expression,leurregard,leursvisagesétaienttrèsdifférents.Commedeuxsculpturesd’unmêmemodèlequin’auraientpasété réaliséesavec lemêmematériau.Enoutre,Natn’avaitpas lesyeuxgrisdesonfrère.Lessiensétaientnoirs.

—Tunem’avaispasditque…Emmas’interrompit.—Quequoi?lapoussaNat.Ellesemorditlalèvreetbaissalesyeuxsursonassietteàlaquelleellen’avaitpastouché,ellequi

d’habitudeavaitbonappétit.Bienqu’ellenesoitliéeàNatqueparuneamitiésolide,luidirequesonfrère l’avait troublée et qu’elle l’avait trouvé sexy ne semblait pas très adroit. En vérité, si ZakConstantinidesavaiteusurellepareileffet,c’étaitsansdouteparcequ’elleavaitététendueetintimidéeensaprésence.

—Qu’ilétaitaussiautoritaire,dominateur.—Engénéral,c’estlepropredesdespotes,fitvaloirNatenriant.Emma secoua la tête. Zak l’avait fait sortir de ses gonds,mais pire, il l’avait perturbée au plus

profond d’elle-même. Elle s’était sentie rabaissée par son mépris et, surtout, il l’avait obligée à sereplongerdansunpasséqu’elleespéraitrévolu.Depuisleurentrevue,elleétaitnerveuse,déstabilisée.

—Sais-tucequ’ilm’aproposé?—Quoidonc?—D’allertravaillerdansunautredeseshôtels.—Lequel?—Ilnel’apasdit,maispeuluiimportepourvuquecesoitàl’étranger,j’imagine.Iltientànous

séparerparceque,croit-il,j’aijetémondévolusurtoiàcausedetafortune.—Ilnepeutpasvoirunefemmesanspenserqu’ellecourtaprèssonargent,observaNat,narquois,

c’estsonobsession.Ilestvraiquenousavonseuunemauvaiseexpérience,danslafamille.Queluias-turépondu?

Emma,secalantcontreledossierdesonsiège,promenasonregardautourd’elle.Cepetitrestaurantitalienluiplaisait.IlétaitprocheduGranchesteretonymangeaitpourunprixraisonnable,àconditiondeneprendrequ’unplat.Emmainsistaitpourlefaire,demêmequ’elletenaittoujoursàpartagerl’addition,cequiamusaitbeaucoupNat.

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Car ils y venaient souvent tous les deux, sauf quand Nat était amoureux, et de ce fait moinsdisponible.Maisdèsqu’ildécouvraitquesafemmedumomentn’étaitpascelledesavie,cequiétaitlecascestemps-ci,ilsdînaientoudéjeunaientensemblepresquetouslesjours.Leurrelationétaitsimple,confortable,etjusqu’àsonentrevueavecZak,cetaprès-midi,elleconvenaittoutàfaitàEmma.

—JeluiairéponduquejenequitteraiLondresquecontrainteetforcée,répondit-elle,etjeluiaiditd’alleraudiable!

Natladévisageaavecstupeur—Tuluiasditça?Emmasemitàrire:—Pasdanscestermes,maiscelarevenaitaumême.Natritàsontour.—J’auraisvouluvoirsatête!Emmabutunerapidegorgéedevin;lasimpleévocationduvisagedeZaklamettaitenémoi.Ces

yeuxgrisinsondables,cettebellebouche,volontaireetsisensuelle…lesoublierait-ellejamais?— Eh bien moi, j’espère ne jamais la revoir, dit-elle avec force. Ton frère peut garder sa

propositionde travail, etqu’iln’essaieplus jamaisdememanipuler !Ques’imagine-t-il ?Qu’ilpeutdéplacerlesgenscommelespiècesd’unéchiquier?

Natfronçalessourcils:—Tudevraisaumoinschercheràsavoiroùilveutt’envoyer.C’estpeut-êtreunebelleoccasion,

Emma.Imagine,s’ilteproposedetravailleràNewYork?Ilaunhôtelsensationnel,là-bas,surMadisonAvenue,prèsdeCentralPark.Ous’ilaentêtesonpalaceparisien,avenueGeorges-V?Ceseraittentant,non?

—Je saisque ton frèrepossèdedeshôtelsdans tous les lieuxprestigieuxdumonde,mais çanem’intéressepas!

Natmarquaunepauseavantdehasarder:—Sijetedemandaisd’acceptersaproposition?Emmaleregarda,éberluée.—Toi?TuvoudraisquejequitteLondres?Jenecomprendspas.Nathaussalesépaules.—Réfléchis,Emma.Zaksecroitresponsabledemoietmeharcèlesanscesse.—Pourquoi,grandsdieux?—L’idéequ’unefilleintéresséejettesondévolusurmoietcroquelafortunedesConstantinidesle

ronge.C’estdéjàarrivéunefoiset,depuis,ilestdevenuunaffreuxmisogyne.Devantleregardahurid’Emma,Natajouta:—Crois-leoupas,ildétestelesfemmes.Ilestvraiquesonhistoiren’estpassimple.—Laviedetonfrèrenem’intéresseenrien,rétorquaaussitôtEmmaquinevoulaitsurtoutpass’y

intéresser.N’était-cepassuffisantdesavoirqueZakConstantinidesétaitunabominablemanipulateur?—Detoutefaçonellen’apaspuêtretrèsdifférentedelatienne,ajouta-t-ellequandmême.—Ledivorcedenosparentsl’asansdouteplusaffectéquemoi,parcequ’ilétaitplusâgé.Nathaussalesépaulesavantdepoursuivreenriant:—Iln’imaginepasqu’onpuissem’apprécierpourautrechosequepourmonargent.Mesprouesses

aulit,moncharmepersonnelnecomptentpasàsesyeux,etiln’aqu’unobjectif:quejerentreaupaysépouseruneGrecquebelle,richeetdebonnefamille.

—Ettoi,Nat,situasledroitd’avoirunavis,qu’enpenses-tu?—En vérité, pour l’instant, je n’exclus aucune possibilité, répondit l’interpellé à la plus grande

surprised’Emma.Quandj’auraienviedemeranger,onverra,maispour l’instant jeveuxêtre librede

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vivremavieàmaguise.Etc’estlàquetuinterviens,Emma.Situesd’accord…—Jetecomprendsdemoinsenmoins.Natsepenchaentraversdelatableetposasamainsurlasienne.—Réfléchis,reprit-il,siZakpensequec’estsérieuxentrenousetqu’ilaréussiànouséloignerl’un

de l’autre, pour une fois il me surveillera un peu moins, certain que j’ai le cœur brisé. Or quellemeilleurefaçond’oublierunamourmalheureuxqued’entrouverunautre?Pendantuntemps,donc,ilmelaisserasortiretvoirquijeveuxsansquejemesenteespionnéenpermanence.Jeseraienfinlibre.

—Etmoi,qu’estcequejegagnedansl’affaire?fitvaloirEmmasanséleverleton.Nathaussalesépaules,affichantsonsourirelepluscharmant:—L’occasion de prendre ton envol, peut-être ?Ou une nouvelle expérience professionnelle qui

enrichiratonpress-book.Pourquoipas?Qu’est-cequit’empêchedepartir?Bonnequestion.PourquoirefuseraprioridequitterleGranchester?Parcequ’Emmaétaitfurieuse

qu’un despote essaie de la manipuler de manière aussi éhontée ? Ou y avait-il une raison plusessentielle… une sorte de peur fondamentale du changement ? Après la vie chaotique qu’elle avaitconnueavecLouis, sondésirdestabilitéétaitbien légitime,mais laquestiondeNat réveillait enellequelquechosededérangeantetqu’illuifallaitcomprendre.

LeGranchesteravaitsansdoutereprésentélerefugedontelleavaittantbesoinàl’époque,demêmequesontravaill’avaitaidéeàseremettredesonmariagedésastreuxenluipermettantdedéveloppersescapacitésprofessionnelles…Emmaavaitpuainsi s’organiser lapetiteexistence tranquilledont,d’unecertainemanière, elle avait toujours eu envie.Mais cettevien’était-ellepasdevenue trop facile, tropprévisible,maintenant?

Son besoin de paix avait été une réaction à l’insécurité de sa vie passé, elle le savait. Pourtantaujourd’hui,àl’évidence,elles’étaitenliséedansuneroutinedontilétaitpeut-êtretempsdesortir.Danscecas,pourquoinepassaisircetteformidableoccasion,mêmesielleluiétaitoffertepourdesraisonsqu’elleréprouvaitetparquelqu’und’insupportable?

Aupire,querisquait-elle?QueZaktriompheavecsonodieusearroganceparceque,desonpointdevue,ilauraiteulederniermot?Etait-cesigrave?Ilnereprésentaitrienpourelle,aprèstout.

Etaumieux,quesepasserait-il?Emmaétendraitsonexpérience,et,partant,sonCVprendraitunenouvelledimension.Elleavaitdutalent,lesavait,etcecoupdepouceluipermettraitdedonnersapleinemesure.Pourquoipas?

—Je téléphoneraipeut-êtreàZakpour luidirequ’aprèsréflexion j’acceptesaproposition, finit-ellepardéclarersansbeaucoupdeconviction.

— Tu n’auras même pas à l’appeler, répliqua alors Nat d’une voix qui la mit en alerte, tu vaspouvoirleluidiredevivevoix.

Emmasetenditcommeelleportaitunregardeffaréverslaportedurestaurant:ZakConstantinidesvenaitd’yentreraussisûrdeluiques’ilenétaitpropriétaire.D’ailleurs,ill’étaitpeut-être,quisait…

Lecœurd’Emmas’emballaenmêmetempsqu’elleremarquaitlespuissantesépaulesquemettaitenvaleurlecostumesombrecoupéàlaperfection.C’estalorsqu’ellevitqu’iln’étaitpasseul.Unefemmel’accompagnait.Comments’enétonner?Unhommecommeluin’avaitquel’embarrasduchoix.

Celle qui venait d’entrer avait une allure de mannequin, avec des cheveux très courts quiencadraientunvisageauxpommetteshautesetauxtraitsravissants.Elleétaitspectaculaireetsacoupedecheveux pourtant difficile à porter lui allait à ravir. Avec saminijupe rétro et ses cuissardes en cuirblanc,ellesemblaittoutdroitsortied’unerevuedemode.

Incapable de détourner les yeux, Emma sentit le souffle lui manquer quand Zak posa une mainpossessiveaucreuxdesreinsdesacompagne,etelle lessuivitduregardcommelemaîtred’hôtel lesconduisaitàunetableunpeuisolée.Lajeunefemmes’asseyaitquandZak,promenantsonregardautourde lui, découvrit Emma et Nat. Une étrange lueur scintilla alors dans les yeux gris sombre : de

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l’incrédulité,d’abord,etautrechoseaussi,qu’Emmafutbienincapabled’interpréter.Sesmainssemirentàtrembler,etlesbattementsdesoncœurredoublèrent.Qu’est-cequi,chezcethomme,provoquaitenellepareilleréactionphysique?

S’obligeantàdétournerlesyeux,elleregardaNat.—Tusavaisqu’ilviendraiticicesoir?chuchota-t-elle.—Biensûrquenon!—Siondemandaitl’additionetqu’onfilait?—Troptard,soupiraNat,ilvientversnous…Emmaéprouvaaussitôtunindiciblemalaise:sesjouess’étaientempourprées,etsoussonchandail

ses seins se tendaient.C’était très gênant !Grâce au ciel, elle était assise, car il lui semblait que sesjambesnelasupporteraientpas.

Zakavait rejoint leur table, etune forceobscureobligeaEmmaà lever lesyeux sur lui.Lebeauvisageauxtraitsdursluicausaunnouveauchoc,etellesentitsatêteluitourner.

—Ehbien,sijem’attendaisàretrouverMlleGeary,dit-ilavecunedouceurfeinte.Encompagniedemonfrère,desurcroît.Deuxvraistourtereaux.Quelcharmanttableau!

EmmanesauraitjamaispourquoielleportaalorssurNatunregardpleindetendreconnivencetoutenposantunemainpossessivesurlasienne.Etait-celecynismedansletondeZak,ouessayait-elledeseprotéger de l’émoi qu’il provoquait en elle ?Toujours est-il que, jouant àmerveille la comédie, elles’adressaàNatd’unevoixattendrie:

—Nousn’ypouvonsrien,n’est-cepas,Natchéri?Impossibledecachernotrebonheur.Elle nota l’éclair de surprise dans les yeux de son compagnon,mais tout de suite il comprit, et,

saisissantlaballeaubond,secouaàpeinelatêtepourroucouleràsontour:—C’estvrai,noussommessiheureuxensemble.Leursdeuxmainss’étaiententrecroisées,etvoyant lecontrasteentre lapeaumatedesonfrèreet

celle,trèsclaire,delajeunefemme,Zaképrouvaunesortedecrispationtoutàfaitintolérable.Plusquejamais,ilsouhaitaquesonfrèredisparaisseenGrèceetépouseunebeautélocale.

Reportantsonattentionsurcelui-ci,ilintima:—VadoncsaluerLéda.Tutesouviensd’elle,non?—Biensûr,tuessortiavecellependantsilongtemps!Ilestvraiquesanouvellecoupedecheveux

lachangebeaucoup,maiselleluivaàravir.Selevantpourobéiràl’injonctiondesonfrère,Natajoutaencore:—Direquenouspensionstousquetul’épouserais!Sansrépondre,Zakattenditqu’ilaitrejointsonamieavantdereportersonattentionsurEmma,etde

nouveaucetteinsupportablecrispationlenoua.Cen’étaitpluslamêmefemmequecellequ’ilavaitreçuedanssonbureau,cematin,etoncomprenaitmieuxque,dutempsdesonmariage,elleaitétéunevéritableidole:ellepossédaitunsex-appealindéniable!Etelleétaitd’unerarebeauté.

Pourtantriendevoyantdanssatenue:elleportaitunesimplerobedelingrispâlequimettaitenvaleursonteintclairetparfaitetlaissaitdevinersesformespleinessansmêmelessouligner.Quantàsessomptueuxcheveux,bienquemoinslongsqu’autrefois,ilstombaientsursapoitrineenvaguessoyeusesd’unblondsipâlequ’ilsfaisaientpenseràlaclartédelalune…

Brusquement, Zak éprouva la furieuse envie d’embrasser cette femme, d’écraser ses lèvresveloutéescommedespétalesderose,delesforceravecsalangueetd’envahirsabouche…

Effaréparsaréaction,maistrèsexcité,ilavalasasaliveet lui trouvaungoûtamer.Iln’étaitpasjalouxdesonpetitfrère,quandmême?Nifrustréaupointdefantasmersurunefemmequin’avaitrien—vraimentrien—pourluiplaire?

—Avez-vousréfléchiàmaproposition?demanda-t-ilsanspréambule.—Oui.

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—Etalors?Commel’instantdevéritéapprochait,Emmasentitsonespritfonctionneràtoutevitesse:d’accord,

Nat voulait qu’elle accepte le job à l’étranger, mais l’individu devant elle lui semblait une raisonsuffisantepourlerefuser.Quelplaisirdeluidirenon!Pourtant,l’enviedeluidonnerunebonneleçonlatenaillait aussi. Et quelle meilleure leçon que de suivre l’avis de Nat ? D’abord, tout le monde ygagnerait :Nat, la libertéqu’ildésirait,Emma,uneexpériencevalorisante.Et, auboutducompte, cetodieuxpersonnagedevantellesaurait—elleyveillerait—qu’elles’étaitmoquéedelui,etqu’ilavaitété,àsontour,manipulé.

Elleréussitàafficherunsourirepresqueaimable.—Ehbien,j’accepte.Zakfronçalessourcils.—Commeça?—Non,àunecondition.—Iln’enestpasquestion!Zaksecoualatêteavantd’ajouter:—C’estmoiquiposelesconditions,mademoiselle,pasvous.— Je veux être de retour à Londres pour Noël, poursuivit Emma comme si elle ne l’avait pas

entendu.Ils’attendaitàcequ’elleexigeunehaussedesalaire,ouundédommagementquelconque,aussifut-il

surpris.Lesdeuxmoisd’iciàNoëlsuffiraient-ilspourqueNatsedétachedecettejeunefemme?IljetaunregardàsonfrèreenconversationtrèsaniméeavecLédaetneputréprimerunsourire.Biensûrqueoui ! Il oublierait Emma Geary en bien moins de temps ! Ne disait-on pas « loin des yeux, loin ducœur»?

—Celanedevraitpasposerdeproblème,assura-t-il,etilajoutaavantdefaireminedes’éloigner:profitezbiendevotredernierdîneràLondres!

—J’espèreavoirunpeudetempsdevantmoiavantdepartir,réagitaussitôtEmma.—Vouspartirezceweek-endpourprendrevotrenouveaupostedèslundi.—C’estuneplaisanterie?Lesyeuxgris,sombrescommeuncielténébreux,seplantèrentdansceuxd’Emma.—Jen’aijamaisétéaussisérieux,Emma.Pourlasecondefois,lafaçondontilprononçasonnommitEmmaenémoi:ildonnaitàcesdeux

syllabesuneconsonancesensuelle,presquevoluptueuse…Elleréussitpourtantàdemanderd’unevoixàpeuprèsassurée:

—Pourquoitantdeprécipitation?Zakhaussalesépaules:—Perdredutempsnesertàrien.Cesadieuxquin’enfinissentpassontpénibles.Mieuxvautune

rupturenetteetrapide.PourNatautantquepourvous.—Etvouscomptezm’envoyeroù?EnMongolie,peut-être?—Nousn’avonspasencoreouvertd’hôteldanscepays,rétorquaZakavecaisance,maiscelase

feraunjour.Non,jevousmutedansunendroitbeaucouppluscosmopolite.—Suis-jeautoriséeàsavoiroù?Vousnecomptezpasmefaireprendrel’avionlesyeuxbandés,

toutdemême?Zakfituneffortpoursecontrôler: iln’aimaitpasqu’onluitiennetête,et l’impertinencedecette

femme avait le don de lemettre en fureur.Ah, comme il aurait aimé la soumettre de la façon la plussimple,laplusprimitivequisoit!

—Celavousplairaitd’alleràNewYork?demanda-t-ildesavoixlaplusdouce.

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Emmasefigea.Etait-ilsadiqueenplusdureste?Ilnepouvait ignorerqu’elleavaitvécuàNewYorksacourteviedefemmemariée,etque lavillen’évoquaitpourellequedessouvenirspénibles?Maiselleneluiendiraitrien:manipulateurcommeilétait,ilprofiteraitdesamoindrefaiblesse.Ellefeignitdoncunenthousiasmemodérépours’exclamer

—NewYork?Merveilleux!Lavillequinedortjamais.LeclichééculéarrachaunegrimaceàZakquirétorqua:—C’estcequ’ondit,eneffet.Votreplaceestretenuesurunvoldemainetunevoiturepasseravous

prendrepourvousconduireàl’aéroport.Detoutefaçon,masecrétairevousdonneratouslesdétails.Onserevoitdonclà-bas.

Sur ses mots, il tourna les talons, laissant Emma abasourdie. Comptait-il aller à New York luiaussi?Etsioui,pourquoi?Pourlasurveiller?S’assurerqu’ellenecontactaitpasNat?

Commentsavoir?Encetinstant,elles’enmoquait.Seulecomptaitpourellecetteétrangeexcitationquifaisaitbattresoncœuràtouteallureetqu’ellepréféraitnepasanalyser.

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4.

NewYork !Lesgenspressés, affairéscommedes fourmis, l’accent traînant etnasillard, le traficintense, la ligne des gratte-ciel balafrant le ciel selon ce tracé si caractéristique… Calée contre ledossier en cuir souple de la limousine, Emma, perdue dans ses pensées, regardait sans les voir lesimmensesbuildingssortirdelabrumeàmesurequ’onapprochaitdeManhattan.

Zak luiayantenvoyéunevoitureà l’aéroport,elleavaitunpeuregrettédenepasprendreundescélèbrestaxisjaunesnew-yorkais.Toutcommeelleauraitaimétirerelle-mêmesavalisedansleterminalsurpeuplé,plutôtquede l’abandonner auchauffeur.Elle se serait sentie indépendante,plus assurée, etDieusaitsielleétaitdéstabilisée…

Carparuneamèreironiedelavie,cesecondvoyageàNewYorkressemblaitàs’yméprendreaupremier, et son insécurité s’en trouvait décuplée. La première fois, Emma dépendait d’un homme trèsrichedontlesdésirs,àsesyeux,avaientforcedeloi.Aprésent,ellesetrouvaitdanslamêmeposition.AcettedifférenceprèsqueLouisétaitunfaible,cequ’ellen’avaitpasdétectéàl’époque,étanttropjeune.Zak,lui,étaittoutl’inverse.Paslamoindrefaiblesse,chezceGrecvolontaire.Emmaneleconnaissaitpas,maissonintuitionleluidisaitsansl’ombred’undoute.C’étaitunêtrefort,avecuneassurance,desconvictionsetunedéterminationinébranlables.

Qu’attendait-il d’elle ?La simple promesse qu’elle ne verrait plus son frère ?Ou autre chose ?Maisquoi?

La limousine entrait dans Manhattan, et derrière la vitre fumée Emma reconnaissait les grandsmagasinsscintillantsdelumière.Voilàqu’apparaissaitSaks,surlaVeAvenue,oùLouis,unjour,luiavaitachetéuncollierdeperleshorsdeprixetassezconventionnel.Ilavaittantriquandelleenavaitfaitdeuxtourspour leposercommeunecouronnesursescheveux.C’étaitundeses raresbonssouvenirsnew-yorkais…ilyenavaithélastantd’autres,sinistres,quiresurgissaientàsonesprit.

La limousine s’engagea sur Broadway illuminé par ses gigantesques panneaux publicitaires, etEmmapensaauYankeeStadiumoùlegroupePattersondevaitfairesongrandcome-back…toutétaitprêt,lesmédiasétaientsurplace,onn’attendaitplusquelesmusiciensetpuis…leconcertavaitétéannuléquandlesorganisateurss’étaientrenducomptequeLouis,lechanteurvedette,netenaitpasdebouttantilétaitivre!

Un peu plus haut, Emma reconnut la cathédrale St. Patrick : elle s’y était glissée un jour pourallumerunciergeetpleurersurl’échecdesonmariage.Quelquetempsplustard,elleyretournait,cettefoispourpleurerlamortdesonmari.

Secouantlatêtepourchassercespéniblesévocations,lajeunefemmes’aperçutquelavoitureavaitpresquedépasséCentralParketralentissaitpours’arrêterdevant l’hôtelPembroke, joyaudelachaînequepossédaitZak.

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L’immeubleétaitplusbeauencorequesur lesbrochurespublicitaires,avecsafaçadedestyleartdécoetsesdoublesportesàpanneauxdeverrebiseauté,encadrésd’épaismontantsdeboismassif.Departetd’autredecelles-ci,surletrottoir,deuxjoliescaissesdeboisverniscontenantchacuneunpetitarbre taillé à la perfection, comme un rappel que, dans cet environnement urbain, la nature avaitnéanmoinssaplace.

Leportierenlivréeouvrit laportièredelalimousineet, l’instantd’aprèsEmmapénétraitdanslehall de l’hôtel, un espace très vaste dallé de marbre qu’éclairait un gigantesque lustre à pampilles.Partout,demonumentalescompositionsflorales,etdumonde,beaucoupdemonde…

Sansdouteàcausedudécalagehoraire,etparcequ’ellesetrouvaitdansunevilleétrangère,Emmaétaitunpeudésorientée.Devait-elledemanderaucomptoirsiM.Constantinidesavaitlaisséunmessagepourelle?Oualors…

Elleeutsoudainconscienced’uneprésencemasculinequiladominait.Puisunemainbrunepritlapoignéedesavalisepourlasouleversanseffort.

—BienvenueàNewYork,ditunevoixsensuellequ’elleneconnaissaitquetrop.C’étaitZak,biensûr,et ilportaitsurelleunregardqu’ellenesut interpréter.Triomphait-ilparce

qu’ilavaitobtenucequ’ilvoulait?C’étaitpossible.Nevenait-ellepasde luiêtre livréeàNewYorkselonsesinstructions,commeunevulgairemarchandise?

Elleauraitvoulunemanifesterqu’indifférenceàsonégard,mais,pouruneobscureraison,cen’étaitpasfacile.Cethommeladésarçonnait,lamettaitmalàl’aise,etenmêmetemps,etcontretoutelogique,latroublaitprofondément.Aujourd’hui,enparticulier,oùilsemblaitsiaccessible,avecsonchandailencachemired’ungrisassortiàsesyeux,etsonjeanquimettaitenvaleurseshanchesétroitesetseslonguesjambespuissantes.

Elleeutdenouveauuneconscienceaiguëdesavirilitéetessayasereprendre:ellenevoulaitpasréagir ainsi !Pourtant sous saveste chaude—achetéepour affronterNewYork ennovembre—ellefrissonna.

—Vousavezfroid?demandaaussitôtZak.—Unpeu,dit-elleavecunefeintedésinvolture,terrifiéeàl’idéequ’ilsedoutedelavérité.Etelleajoutapourfairebonnemesure:—EnAmérique,laclimatisationmarchetoujourstropfortpourmongoût.Maisdites-moi,pourquoi

portez-vousmavalise?—Simplemarquedesavoir-vivre.Celavousdéplaît?Le savoir-vivre,Emman’yétaitguèrehabituéedans laviequ’elle avaitmenéedepuis l’enfance,

aussifut-elleuninstantprisedecourt.Maiselleserepritvite.—Vousaccueilleztousvosclientsainsi?demanda-t-elle,acide.Zaksourit:—Pastous,non,maisvousn’êtespasn’importequi,Emma.Lesmotsluiavaientéchappéavantmêmequ’ilnes’aperçoivequ’il lespensait.Maisilrefusade

s’en étonner. De même, un peu plus tôt, il n’avait cessé de consulter sa montre jusqu’à ce que sonchauffeur l’informe que le vol d’Emma avait bien atterri. Et en apprenant qu’elle était en route versManhattan,ilavaitsentisoncœurs’accélérerenmêmetempsqu’unepulsionbrûlantesurgissaitaucreuxdesesreins.

Envérité,malgrélui,iln’avaitpus’empêcherdepenseràelledepuisqu’ill’avaitrencontrée,et,pisencore,elles’étaitintroduitedanssesrêvescommeunepâleapparition,belle,irréelle,avecsesyeuxvertsetseslongscheveuxblonds.Et,danssesrêvesaumoins,ill’avaitdésiréeavecuneardeurpresquedouloureuse…

Lajeunefemmequ’ilvenaitderetrouvernecorrespondaitpourtantpasàsesfantasmesnocturnes:pasmaquillée,sescheveuxtirésenarrièreetretenusparunmauvaisélastique,elleportaitsoussagrosse

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vestedesvêtementstoutàfaitquelconques.Maisellepossédaitcequelquechosed’indéfinissablequilarendait belle, lumineuse, désirable. Comment réussissait-elle à paraître aussi fragile, tout en restantfemme et séduisante ? Avait-elle travaillé sa technique comme un joueur de tennis professionnels’entraîneaurevers?

—Vousdevezêtrefatiguée,dit-ilàmi-voix,commeilremarquaitlescernesmauvessouslesyeuxverts.Venez,jevaisvousmontreroùonvousainstallée,puisnousverronscequevousvoulezfairepourledîner.

Lespenséesd’Emmaétaientunpeuconfuses,aprèslevoyageetl’accueilinattendudeZak,maiscequ’ilvenaitdedéclarerlafitréagir:

—Vousvoulezdirequejevaishabiterici,auPembroke?s’exclama-t-elle,incrédule.—Evidemment.C’estde loin leplus simplepuisquevousn’êtesdétachéeàNewYorkquepour

quelquessemaines.Qu’imaginiez-vousd’autre?Emma avait envisagé un minuscule studio dans un quartier modeste, un de ces endroits où les

éboueursvousréveillentàl’aube,etoù,lesoir,lesbagarresd’ivrognesvoustiennentéveilléjusqu’àpasd’heure.Unquartieroùilauraitétédifficiledetrouveruntaxilesoir.UnendroitaussiloindeZakquepossible…

Ellepointalementonenavant,feignantunehauteurqu’elleétaitloinderessentir,etrépondit:—Jen’aipaseuletempsdebeaucoupréfléchir,jesuispartiedansunetelleprécipitation.—Ehbien,vousêtesarrivée,vouspouvezvousdétendre,maintenant.EntraversantlaréceptionendirectiondesascenseursàlasuitedeZak,elleeutconsciencequ’on

les regardait : desmembresdupersonnel, d’abord, sedemandant sansdoutepourquoi legrandpatronportait le bagage de cette jeune femme qui n’avait en apparence rien d’uneVIP. Et puis des clients :certainslevantlatêtedeleurordinateurleurjetaientuncoupd’œilappréciateur, tandisquedesjeunesfemmestrèséléganteslessuivaientduregardavecunejalousieàpeinedissimulée.

Zaknepritlaparolequelorsquelesportesdel’ascenseursefurentreferméessureux,lescoupantdumonde.Emma,ledostourné,gardaitlesyeuxfixéssurlaflèchelumineuserougeindiquantlesétages,tandisquelacabinemontait.Soncompagnondéclaraalors:

— C’est bien la première fois qu’une de mes employées montre aussi peu d’enthousiasme enapprenantqu’elleseralogéedansl’undesmeilleurshôtelsdumonde.

Emmasetournapourluifaireface.—Celavoussurprend?—Unpeu,oui.JepensaisquevousseriezcontentedeprofiterduluxelégendaireduPembroke.Emmaneput réprimer unpetit rire. Il se trompait du tout au tout !Voilà longtempsqu’elle avait

appris que l’argent et ce qu’il procurait n’étaient pas l’essentiel de la vie.Les choses simples étaientbeaucoup plus importantes que le bling-bling et le clinquant. Elle avait touché du doigt, à l’époque,combien la richesse corrompt et peut générer le vide et la solitude…Elle se souvint alors que, dansl’espritdesoncompagnon,ellen’étaitqu’unefemmeintéressée,etqu’elledevaitjouerlejeu.Ouvrantdegrandsyeuxavides,ellerétorqua:

—Jenesuispasmécontente,jel’avoue,maisdites-moi,vousm’avezréservéunesuitedeluxe?—Moinsluxueusequelamienne,murmuraZakàquisonregardn’avaitpaséchappé.Acetinstantfusaenluiledésirbrûlantdevoirlessomptueuxcheveuxcouleurdeluneéparpillés

surlesoreillersdesongrandlit,tandisquelajeunefemmeofferteleregarderait,sesyeuxvertséperdusdedésir…

Ilsemaudit intérieurementcardéjà il sentaitcettedouloureuseetexquise lourdeurdanssonbas-ventre.Aquoipensait-il?EmmaGearyreprésentaittoutcequ’ildétestaitchezlesfemmes,etenplusellesortaitavecsonfrère!

—Nousvoiciarrivés,annonça-t-ilavecbrusquerie.

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Ilsavaientatteintletrente-deuxièmeétage,etEmmasortitdelacabine,notanttoutdesuiteleluxequil’entourait:lesparquetsmassifssurlesquelsétaientjetésparendroitsdesomptueuxtapisdesoie;les tableaux originaux aux murs, les magnifiques bouquets de fleurs. Quel était le prix d’une nuit auPembroke?sedemanda-t-ellesoudain.Aulieudequoielles’enquit:

—Masuiteestàcetétage?—Oui,cetteportetoutdesuiteàdroite.Installez-vous,reprit-ilquandill’eutouverte,jeviendrai

vouschercherpourledîner.Emmas’obligeaàsourire.—Cesoir,jepréféreraisprendremonrepasdansmachambre,sicelavousestégal.—Iln’enestpasquestion!lacontra-t-iltoutdesuite:c’estlapirefaçonderattraperledécalage

horaire:vousalleztomberendormieetvousvousréveillerezaumilieudelanuit,incapablederetrouverlesommeil.Enoutrenousavonsàparler.

Emmaécarquillalesyeux.—Dequoidonc?—Deriendegrave,rassurez-vous,Maisvousêtesicipourtravailler,Emma,etjenevousaipas

encoreditcequej’attendsdevous.Nousdîneronsaurestaurantdel’hôtel,etjevousexpliquerai.Onseretrouvedansuneheure,d’accord?

—Uneheureetdemie?—Entendu.Iltournalestalonsetsortit.Emmacommençaparrefermersaporte,avantdes’approcherdel’immensebaievitrée.Lavueétaitspectaculaire:unamoncellementdegratte-cieltrouésdelumièredécoupéssurleciel

devenu sombre. C’était splendide, même si Emma sentait resurgir certains souvenirs qu’elle auraitpréféréoublier…Mêmesielleétaittropfatiguéepourappréciercettebeauté.

Elles’obligeaàdéfairesavalise,sachantquesielleattendaitlelendemainsesvêtementsseraientencoreplusfroissés.Celafait,ellepassaàlasalledebainsprendreunebonnedouche.Aprèsquoi,ayantpeignésescheveuxmouillés,ellepassaunmerveilleuxpeignoirenépongeblanche,doucecommedelamousse,etdécidadesepréparerunetassedecaféavantdes’habiller.

Unefoislamachineàcafébranchée,elleréglaleclimatiseurets’installasurlegigantesquelit.Lesoreillersétaientmoelleux,divins…Lamachineàcaféfitentendresonchuintement,Emmal’entenditaumomentoùellefermaitlesyeux…

Danssonrêve,elleperçutdessonsétrangesetsecrutencoredansl’avion,puisdesbruitssourdsetétouffés…Soudain,unemainseposasursonbras,dontellesentitlachaleuràtraversl’épongedesonpeignoir.Ouvrantlesyeux,elledécouvritZakdeboutàcôtéd’elle,sonbeauvisagemontrantuneétrangetension.

Toutd’abord,ilsdemeurèrentsilencieux,leursregardsrivésl’unàl’autrecommesiletempsétaitsuspendu.Le cœurd’Emmabattait très vite, et elle sentait avecune intensité folle la présencede soncompagnon si proche et son léger parfum citronné, entêtant, excitant…Elle avait aussi la conscienceaiguëd’êtrenuesoussonpeignoir,etsesseinssetendaient,durs,presquedouloureux.

—Qu’est-cequ’ilya?finit-elleparmarmonner,leslèvressèches.—Jen’arrivaispasàvousréveiller,ditZakd’untonaccusateur.Ilavaittoujourslamainsursonbras,etEmman’avaitpasenviequ’illaretire.Parcequ’ellen’était

pasencoretoutàfaitéveillée?Ouparcequ’elleaimaitqu’illatouche?Elleétouffaunbâillement.—Jelesuis,maintenant.Zakabandonnasonbras,etgagnaàpaslentslabaievitréepours’obligeràregarderlavue.Ilvoulut

se concentrer sur les lumièresqui semblaient percer les façadesdesgratte-ciel commeautant d’éclats

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phosphorescents. Surtout, ne pas penser à la vision qu’il venait d’avoir :Emma abandonnée dans sonsommeil,sibelle,sivulnérable,avecsapeaudiaphane…Etpuis,quandelles’étaitréveillée,sesyeuxvertpâleencorevaguesquis’étaientfixéssurluienunequestionmuette,commedanssesfantasmeslesplusfous…

Il semauditune fois encore : commentoubliait-il si souventdeuxchosesessentielles?D’abord,Emmareprésentaittoutcequ’ilméprisaitchezlesfemmes.Ensuite,sonfrèreétaitamoureuxd’elle.

—Jedescendsvousattendreaurestaurant,bougonna-t-il,lesdentsserrées.Rejoignez-moidansunquartd’heure.

Emmaseredressa,commeilsedirigeaitverslaporte.Ilneluiavaitpaslancéunregard,maisellesentait qu’il était furieux.Pourquoi ?Parcequ’unpeuplus tôt, quand elle s’était réveillée, il la fixaitcommeonregardeunefemmequel’ondésire?

Nevoulantpasypenserdavantage,Emmaselevaenhâte,pours’habiller,mais,enaccrochantsonpetit soutien-gorge endentelle noire, elle fut prise de culpabilité.Car oui, ses seins s’étaient dressés,commeélectriséssousregarddeZak,àsonréveil.Pire,elleavaitdésiréZakConstantinidesavecuneintensitéjamaiséprouvéeauparavant,mêmeavecsonmari!Quellehonte!

Ilétaittempsdesereprendreetdesavoircequ’ellevoulait.Zakétaitungrandséducteur,c’étaitdenotoriétépublique.Ellen’allaitpasselaisserséduire:ceseraituneautrefaçondesefairemanipuler.Oriln’enétaitpasquestion.Lesenjeuxétaienttropimportants.ElleavaittravaillédurauGranchesterpoursecréeruneréputationd’architected’intérieurtalentueuse.Celan’avaitpastoujoursétéfacile,maiselley était parvenue. Elle ne gâcherait pas tout parce qu’elle était incapable de contrôler ses réactionsphysiquesfaceàunhommequ’elleméprisait.

Nonetnon!Etpourmettretoutdesuiteleschosesaupoint,ellesecomporteraitdemanièreàluifairecomprendrequ’ilnel’intéressaitpas.

Emma possédait un physique que l’on pouvait rendre spectaculaire ou qui au contraire savait sefondredans ledécor.Elle choisit la seconde solution et optapourunpantalon enveloursnoir assortid’une ample chemise blanche très souple.Après quoi elle tira ses cheveux en arrière en une sorte dechignonfixésurlanuque.Pasuneoncedemaquillage,seulementunepairedelongspendantsd’oreilles.C’étaitsimple,pasvoyant,etdebongoût.

Mais en entrant dans le restaurant, un moment plus tard, elle comprit vite combien elle s’étaittrompée. Les clientes étaient très habillées — ou plutôt, déshabillées —, arborant des décolletésvertigineux et des bijoux somptueux, dévoilant jusqu’àmi-cuisse des jambes gainées de bas pailletés.Danssasimplicité,Emmaétaitridicule.

Cefutnéanmoinslatêtehautequ’elledonnalenomdeZakaumaîtred’hôtelquilaconduisitàlatabledecelui-ci.Entraversantlasalle,lesregardsquilasuivaientlamirentmalàl’aise:jadisaussi,onlaregardaitainsiquandelleretrouvaitLouisdansunrestaurant,etonlajugeaitsanslaconnaître,àl’aunedeceluiavecquielledînait.C’étaittrèsdéplaisant.

Elleavait lagorgenouéequandZaksedressapourl’accueillir,etvitaussitôtdanssesyeuxqu’iln’approuvait pas sa tenue : bienqu’elle l’ait choisie dans cebut précis, son amour-propre féminin serebiffasousleregardcritique.

—Ondiraitquevousvousrendezàunefêteparoissiale,fit-ilobserver,mordant.Elledétaillalecostumesombred’uneéléganceirréprochableavantderétorquer:—Etvous,ondiraitquevousallezannonceruneOPAhostileàvotreconseild’administration.Zak faillit sourire, et se rappela de justesse qu’il n’était pas là pour apprécier l’humour de

MlleGeary.Sansunmot,ilserassitcommeleserveurtendaitlemenuàEmma.—Commandons,voulez-vous,dit-ilalors, toutesonautorité retrouvée,celagagneradu temps.Je

vousrecommandelesteak,ilestexcellent.Emmaeutunsourirepoli.

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—Jen’endoutepas,maisjenemangepasdeviande.—Pasdeviande,dites-vous?Emmahaussaunsourcil.—Vousm’avezbienentendue,monsieurConstantinides.Denouveau,illaregardaavecréprobation.—Pasétonnantquevoussoyezsipâle.—Vousdevriezessayer,unjour:unrégimesansviandediminuel’agressivité,dit-on.Cettefoisilsemitàrire.—Leshommes,lesvrais,sontcarnivores,Emma.Cetteassertionplutôtprimairemitlajeunefemmemalàl’aise,etelleseplongeadanslalecturedu

menu.Quipensait-il convaincreavecsesproposmachos?Etpourtant…lagêned’Emmas’accrut : ilétaitsiviril,siintrinsèquementmâlequ’onétaittentédelecroire,mêmequandonsavaitqu’ilavaittort.

Emmasentitunfrissond’appréhensioncourirtoutlelongdesondos:ZakConstantinidespossédaità l’évidence le pouvoir de faire ce qu’il voulait avec les femmes, et il le savait. Or elle s’étaitdécouvertevulnérableensaprésence.Ilnefallaitsurtoutpasqu’ils’endoute,ilseraittropheureuxd’enprofiter.

Voilàqu’ildisait,d’unevoixdoucemaintenant:—Quandabandonnerez-vousle«monsieur»avecmoi?—Jepensaisquecerappeldevotresupérioritéhiérarchiqueconfortaitvotreego.—Monegon’aaucunbesoind’êtreconforté,riposta-t-il,toujourssanséleverlavoix,aussiessayez

dem’appelerZak,jevousprie.Emmarefermalemenud’ungestebrusqueavantdeleverlesyeux:—Pourmoi,ceseradeslasagnesd’aubergineavecunesalade,s’ilvousplaît…Zak.—Etmoi,jeprendraiuneentrecôte.Aprèsavoirrendulesmenusauserveur,ilportaunregardinterrogateursursacompagne:—Duvin?LasagessedictaitàEmmadenepasenboirecesoir.Maiselleétaitfatiguéeettendue,etunesoirée

entièreentêteàtêteavecZakConstantinidesluiparaissaitau-dessusdesesforces.—Unverreseraitparfait.Zakhochalatête,donnasesordresausommelierquirevintbientôtavecdeuxverresdevinrouge,si

riche,sicapiteuxqu’Emmalehumaavecdéliceavantd’ygoûter.—Ilestparfait,dit-elle.— Je n’aime que le très bon vin, rétorquaZak avec hauteur,mais nous ne sommes pas ici pour

parlerœnologie,Emma.—Jem’endoute,admitcelle-cietsoncœurfrémit,commeellesedoutaitdecequiallaitsuivre.—J’aimeraissavoirqueleffetvousfaitceretouràNewYork,interrogea-t-il,etsavoixsefitdure

commeilajoutait:carvousavezvécuicidutempsdevotremariage,n’est-cepas?Il le savait, donc, et n’avait pas pris en compte que peut-être revenir ici la bouleverserait.

D’ailleurs, il s’enmoquait.Qu’était-elleà sesyeux?Riend’autrequ’une femmedangereusepour sonfrère,qu’ilfallaitdoncneutraliser.

Elleauraitaiméleremettreenplace,luidirequesonpasséneregardaitqu’elle,maisàquoibon?Tôtoutard,cetteconversationviendrait:ilvoulaitensavoirdavantagesurelle,etellenepourraitpasrestermuetteéternellement.Endéfinitive,uneseulechosecomptait:avait-ellehontedesonpassé?Unpeu,oui,enrevanche,elleétaitfièred’avoirsureconstruiresavie.

—Quevoulez-vousquejevousdise?interrogea-t-elle.— Comment une fille, sortie d’une ville perdue d’Angleterre, a rencontré et épousé quelqu’un

commeLouisPatterson.Etsavoirsicettegloireéphémèrevalaitleprixqu’ilafallupayer.

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5.

EmmasetenditcommeellesoutenaitleregardaccusateurdeZak.—Pourquoim’interrogersurmonpassé?Jecroyaisquevoussaviezdéjàtoutgrâceàundétective

privé?Zakbutunegorgéedevin.—Jeconnaislesfaits,cesontvosmotivationsquim’intéressent.Soyonsréalistes,Emma,sivotre

relationavecmonfrèresurvitàlaséparation,etsivousdevezdevenirmabelle-sœur,j’ailedroitd’ensavoirunpeuplussurvous,non?

—Vousn’avezaucundroitsurmoi!—Danscecas,disonsleschosesautrement:pourquoifairetantdemystèredevotreviepassée?

Vousenavezhonte?Oubienvouscherchezàcachercertainsfaitsquinerelèveraientpasdelastrictelégalité?

—Absolumentpas,non!—Natestaucourantdelafaçondontvousavezvécu?—Biensûr.—Alorspourquoipasmoi?Emmabut une nouvelle gorgée de vin. Pourquoi, en effet ? Parce que, à l’inverse deNat qui ne

l’avaitjamaisjugée,Zaknemanqueraitpasdelefaire.Enoutre,ellen’avaitpasenviequecesyeuxgris,enfaced’elle,ladétaillent,ladissèquentcommeonlefaitd’unanimalenlaboratoire.C’étaithumiliant.

Néanmoins,pourquoiavoirhontedelafaçondontelleavaitétéélevéeoudumilieumodested’oùelleétaitissue?Elleavaitfaitaumieuxaveccequ’elleavait,etnes’enétaitpassimaltirée.Etait-cesafautesisamèren’étaitpastrèsintelligente,aimaitleshommes,etn’avaitjamaisconsidérésapetitefillecommesapriorité?Pire,elleneluiavaitenseignéquedemauvaisprincipes,ainsiqu’Emmaavaitmislongtempsàs’enrendrecompte.

—Voussavezquejesuisuneenfantnaturelle,j’imagine?demanda-t-elledebutenblanc.SafranchisepritZakaudépourvu.—Denosjours,cen’estplusunecausedemarginalisation.—Enthéorie,non.Danslesfaits,lavien’estpastoujoursfacilequandtoutlemondesaitquevous

n’avezjamaisvuvotrepèreetquevousnesavezmêmepasquiilest.Demême,leregarddesautresn’estpasaiséàsupporterquandilestdenotoriétépubliquequevotremèreadesamantstoujoursdifférents.

Zakpinçaleslèvres.—Votremèreétait…Emmasecoualatête:

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—Non,ellen’étaitpasuneprostituée,sic’estcequevousalliezdire,maiselleaimaitleshommesetnesavaitpasleschoisir.C’estunmalheureuxdéfautdontj’aihérité.

LeregarddeZaksedurcit.—Commentcela?—JeneparlaispasdeNat,serepritaussitôtEmma,serappelantdejustessequ’elleétaitcensée

êtreamoureusedecedernier.Natestlameilleurechosequimesoitjamaisarrivée.—Laissons le sujetdemon frèredecôté, rétorquaZakavecuneviolencecontenue. Jeveuxque

vousmeparliezdePatterson.Commentl’avez-vousrencontré?Emmaneréponditpastoutdesuite tant laseuleévocationdesonmari luiétaitdouloureuse.Elle

s’étaitmontréesinaïve—d’unecandeurpresquerisiblecomptetenudel’atmosphèredanslaquelleelleavaitgrandi.

— Comment j’ai rencontré Louis ? répéta-t-elle. Par hasard, je suppose. Personne n’aurait puprévoircequiestarrivé.

—Vraiment?Denouveau,Emmagardalesilencequelquesinstants.—Mamèredansaitàmerveille,finit-ellepardéclarer.Dansd’autresconditions,elleauraitpuen

fairesonmétier,maispourunemèrecélibataire,sansargentniressourcespropres,c’étaitimpossible.Ducoup,ellen’avaitpaslaviequ’ellevoulait,loindelà;elledétestaitlestâchesdomestiques,lamaison,lacuisineetellen’aimaitpasnonpluss’occuperdemoi.Lamaternitéluipesait.Néanmoins,elleavaitlesensduspectacle,savaitcréerundécoravectroisfoisrien,etdonnaitànotremaisondesalluresdefêteàlamoindreoccasion.Etpuis,elleadoraitdanser…

Zakhochalatête:ilcomprenaitsoudainlagrâcedelajeunefemmeenfacedelui,saposturedroiteetsouple,safaçondemarcheraérienne,commesielleflottaitau-dessusdusol,quandelleétaitsortiedesonbureau,lapremièrefoisqu’ill’avaitvue.

—Ellevousaapprisàdanser?—Biensûr,oui.Emmasecalacontreledossierdesonsiègetandisqueleserveurdéposaitdevantellesonassiette

delasagnes,élégantepréparationdepâtesetdelamellesd’aubergineentouréedesaucetomate.L’instantd’après,elledétournaitlesyeuxpournepasvoirlesteaksaignantquel’onservaitàZak.

—Cesmoments où nous dansions étaient lesmeilleurs que nous passions ensemble, reprit-elle.Mamanmettait lamusiqueàfond,si fortquesouvent lesvoisinsseplaignaient,et,affublées toutes lesdeuxdeparéos,nousdansionsjusqu’àépuisement.

—Pattersonvousavuedanser,c’estcela?—Oui.Jevenaisd’avoirdix-huitanset,commecadeaud’anniversaire,mamèrem’avaitemmenée

dansl’undesnight-clubsàlamodedeLondres.Mamanétaitsiheureusedem’offrircettesoirée!Elleavaitéconomisépendantdesmoispourpayernosentrées,parceque,disait-elle,peu importeque l’onsoitpauvre,detempsentemps,ilfautsavoirfaireunefolie.Moi,biensûr,j’aitoutdesuiteétééblouie.Jamaisjen’étaisalléedansunendroitpareil.

—C’estvrai?Emmahochalatêteavantdepoursuivre.—La salle obscure était cisaillée d’éclairs lumineux de toutes les couleurs, et lamusique était

assourdissante!Jetrouvaisçabeau,maispastrèsagréable,unpeufactice.Quandledisc-jockeyapassémondisquepréféré,jesuismontéesurlepodium,pousséeparmamère,etj’aidansécommeunefolle.Louisétaitdansl’assistanceetmeregardait.Après,ilm’aditque…

—Non,jevousenprie,nemeditespasqu’ilaprétenduêtretombéamoureuxaupremierregard,lacoupaZakavecuncynismemêlédedérision.

Emmahaussalesépaules:

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—Pourtantc’estcequ’ilaaffirmé.Elleétaitsurladéfensive,celas’entendaitdanssavoixetZak,quin’avaitpastouchéaucontenude

sonassiettetantill’écoutaitavecattention,essayadel’imaginer,cesoir-là.Elledevaitêtreirrésistible:si irréelle avec son teint diaphane, et ses longs cheveux blonds, si innocente aussi, et mue par cettemerveilleuseénergiedelajeunesse…

—Çaluiadonnédesidéesdechansons?demanda-t-il.— Je crois que oui. Il a écritDanseuse et fée la nuit-même. La chanson est devenue un tube

mondial,alorsiladécidéquej’étaissamuseetqu’ilnepouvaitpasvivresansmoi.Quandonesttrèsjeune,cegenredepropospeutvousmonteràlatête.

Surtoutquesamèren’avaitcessédeluirépéterquec’étaitlachancedesavie,qu’ilauraitfalluêtrefolle pour ne pas la saisir. Il est vrai que Louis la couvrait de cadeaux, se montrait attentionné etprévenant, et, plus important encore, il ne l’avait pas brusquée. Il respectait sa virginité, lui avait-ilassuré,etilattendraitqu’ilssoientmariéspourluifairel’amour.Emman’yavaitrientrouvéd’anormal,elle était sur un petit nuage, toute à son rêve devenu presque réalité. Ses premiers doutes l’avaientassaillie la veille du mariage, mais il était trop tard. Sa mère lui avait intimé d’être raisonnable, etd’acceptersonfabuleuxdestin.

Detoutcela,elleneditrienàZak,secontentantdeconclure:—Jel’aidoncépousé…Lasuite,toutlemondelaconnaît:jel’aidécouvertmortunanaprèsnotre

mariage.Ilavaitsuccombéàunmélanged’alcooletdedrogue.Jen’aipasenvied’enparler.Vousavezd’autresquestions,monsieurConstantinides?

—Jecroyaisvousavoirdemandédem’appelerZak.Elle le fixa, sans riendire.L’évocationdesonmariageetdudécèsdeLouis l’avaitbouleversée,

ébranlant son système de défense, et appeler Zak par son prénom lui paraissait soudain gênant, tropintime.Elleauraitvoululeluidire,luiavouerqu’elledevaitgardersesdistancesparceque…parceque,pouruneobscure raison, il lui inspirait unémoiqui lui faisait peur…Car samère avait gâché saviechaquefoisqu’unémoisemblableétaitdevenuchezelleunbesoin:celuid’êtredésirée,aimée,caressée,celuidesecroireaiméed’amourfût-cel’espaced’unenuit,etàn’importequelprix.MaisparlerainsiàZak,c’étaitsemettreànudevantlui,etluimontrersavulnérabilité,orilnemanqueraitpasd’enprofiter.

—Jesuisfatiguée,Zak,secontenta-t-elledesoupirer.Celavousconvient?—C’estmieux,oui.—Jevoudraisallermecoucher.—Vousn’avezrienmangé!—Vousnonplus.—C’estvrai.Zakabaissalesyeuxsursonassiette:jamaissteakneluiavaitparuaussipeuappétissant.Ilestvrai

qu’ilnesavaitquepenser:l’histoired’Emmaletouchait,etiléprouvaitàsoncorpsdéfendantuneréelleempathiepourelle.Cela,hélas,nechangeait rienauproblème.Certes,elles’étaithisséeau-dessusdeson milieu d’origine, mais comment ? Pour l’essentiel, en suscitant la passion d’hommes riches.Conclusion,ellen’étaitpasunefemmepourNat,etneleseraitjamais.

—Jevousraccompagnejusqu’àvotrechambre,déclara-t-ilsansinsister.—Inutile.—Si,j’ytiens.Parfois,avecledécalagehoraire,onestunpeudésorienté.Ellel’étaitcertes,etpasseulementàcausedudécalagehoraire.Zaklatroublait,etelles’envoulait

denepasmieuxsecontrôler.Lafatiguel’accablait,maintenant:ellemanquaitdesommeil,n’avaitàpeuprèsrienmangé,etce

vindontelleavaitbuquelquesgorgéesluibrouillaitencoredavantagelesidées.Sesjambeslaportaientàpeinelorsqu’ilsgagnèrentl’ascenseur,qu’ilsprirentheureusementavecd’autresclients,évitantainsiun

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tête-à-tête qu’Emma aurait eu du mal à supporter. Au trente-deuxième étage, les portes de la cabines’ouvrirentetellesortit,Zaksurlestalons.Maisenarrivantdevantsaporte,commeellefouillaitsonsacàlarecherchedesaclé,elletrébucha.Aussitôt,ellesentitlamaindesoncompagnonsursonbras.Ellesetendit.

Atraverslafineétoffedesachemise,lesdoigtsdeZaklabrûlaientetsoncœurs’accéléra,tandisquesarespirationdevenaithaletante,commesielleavaitcouru.

L’espace de quelques instants, leurs yeux se croisèrent et se soutinrent, et le temps et l’espacecessèrentd’exister.Emmanevoyaitplusquelespupillesgrisintensequiladévoraient.Etelleeutalorslarévélationqu’elledésiraitcethomme:elleavaitenviedeluiavecuneviolence,uneexigencequ’ellen’avaitjamaisconnues.

—Zak,chuchota-t-ellesansmêmes’enrendrecompte.Ilperçut l’émoidanssavoix,etunevaguededésir lesubmergea.Lâchesonbras! s’intima-t-il,

tandisqu’uneforceobscurel’enretenait.Ilétaitcommehypnotiséparlesyeuxvertsdevenusvagues,parleslèvresentrouvertes…offertes,etilsavaitqu’eninclinantàpeinelevisageilpourraitprendrecettebouche, l’embrasser avec frénésie. Alors, il attirerait cette femme dans ses bras, presserait son sexedressécontre ladouceurdesonventre,et l’entraîneraitpour lafairesienne.Ilavait tantenvied’elle!Elle s’abandonnerait, il le savait, le sentait, et il serait en elle, goûterait sa tiédeur humide, s’yenfonceraitloin,toujoursplusloin…

Acetinstant,uneforceobscurel’obligeaàimaginerlessordidesconséquencesd’unactepareil:levisage lasmais triomphant d’Emma aumatin, son propre sentiment de culpabilité vis-à-vis deNat, etsurtoutlemomentoùilfaudraittoutluiavouer…

Atterréparsafaiblesse,honteuxd’avoirfaillicéderàsoninvitemuette,illâchalebrasd’Emma.Etait-ceainsiqu’elleavaitséduitPattersond’abord,puisCiroD’Angelo,etenfinNat,cettefemme

auxyeuxpâlesetensorcelants?Zakreculad’unpas.—Vous êtes fatiguée,m’avez-vousdit, déclara-t-il d’un ton âpre, et dans ce cas il vaut toujours

mieuxdormirseule.Et il tourna les talons, laissant Emma confondue, incapable de comprendre le mépris qui était

apparusoudaindanssonregard.

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6.

Lelendemainmatinàsonréveil,Emmadécouvrituneenveloppeglisséesoussaporte.Avantmêmedel’ouvrir,ellesavaitdequiellevenait,etneputréprimerunfrissond’anticipation.

«Nousn’avonspasabordélesujetdevotretravailhiersoir,lut-ellequelquessecondesaprès.Jevousattendsà10heuresdanslesalondel’hôtel.Zak.»

Riendeplus,pasdecirconlocutions,pasdeformulesdepolitesse.Justeunordre.Enpartieàcausedeslonguesheuresdevoyageetdudécalagehoraire,Emmaavaittrèsmaldormi,

et s’était réveillée à 4 heures du matin. Dès lors, impossible de retrouver le sommeil, et pendantlongtempssonespritavaitbattu lacampagne.Commentoublierces instants intensesdans lecouloir, laveilleausoir?ElleavaiteulacertitudequeZakallaitl’embrasser.Elleavaiteutellementenviequ’illefasse!Etpasseulement!Ellerêvaitencorequ’illacaresse,l’excite,luifassel’amour…Ellequiavaitbanni les hommesde sa vie depuis sonmalheureuxmariage, et qui s’était interdit à jamais de tomberamoureuse!

Avait-elleperdulatête,ouétait-celafatiguequiavaitraisondesavolonté?Mieuxvalaitnepass’interroger,etsurtoutcesserdepenseràZakConstantinides.

Emmaallareleverlestoredelagrandebaievitréepourdécouvrirdevantl’hôtel,l’oasisdeverduredeCentralPark.LePembrokejouissaitd’unemplacementaussiexclusifqueleGranchesteràLondres.Zaksavaitcequ’ilfaisaitquandilachetaitunhôtel!

Après avoir pris sa douche, Emma s’habilla avant de se fairemonter son petit déjeuner dans sachambre.Ellen’avaitpasfaimets’obligeaàmangerdeuxtoastsavecdelaconfiture.Illefallait,sinonsafatigueprendraitledessus.Heureusementlecaféétaitdélicieux,fortetrevigorant.Aprèsdeuxtassesellesesentitbeaucoupmieux.

Ellen’enmenaitpourtantpaslargeendescendantdanslesalondel’hôtel,etsanervosités’accrutenvoyantZak.Debout, ledos tourné à laporte, il parlait avec animationdans son téléphoneportable. Ilarboraitunélégant costumegrisd’unecoupeparfaite, etEmmase félicitad’avoir choisi cematinunetenueassezchic.Ilsemblaitqu’àNewYork,pourêtreprisausérieuxquandontravaillait,ilfallaitêtrebienhabillé.

Toujoursengrandeconversation,Zakse tournaet ladécouvrit.Dès lors, ileutdeuxmotsbrefsàl’adressedesoninterlocuteuravantderaccrocher,sesyeuxgrisladétaillantavecuneexpressionqu’ellen’auraitsuinterpréter.

Peut-êtrenelatrouvait-ilpasassezélégante?Sontopenlainagetoutneufetsonjeanstretchd’unbeigetrèspâleconstituaientsansdouteàsesyeuxunetenuetropdécontractéepourlaclientèlehuppéedesonhôtel.Comment savoir ? Il venait à sa rencontre, à présent, sonvisage aux traits demarbre aussiimpénétrablequesonregard.

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Emmasentitsesjouess’empourprer:c’estquesonémoi,hiersoirdanslecouloir,n’étaitpasdûàlafatigueniauvin:Zaklatroublaittoutautantcematin,ilétaitsibeau,siimposant…

Il fallait pourtant qu’elle se comporte avec naturel, comme n’importe quelle employée avec sonemployeur,etpourcela,avanttout,elledevaitoublierqu’elleavaiteulafaiblessedeluiracontersavie,laveille,àtable.C’étaientcesaveuxquiavaientcrééunesorted’intimitétrompeuseentreeux…

—Bonjour,lança-t-elle,affichantsonsourireleplusenjoué.Zakfutétonnédudynamismedesavoix,quedémentaientpourtantlescernesmauves,soussesyeux.—Voussemblezfatiguée,fit-ilobserver.—Jelesuis,eneffet.— Parce que, au lieu de dormir, vous avez téléphoné à mon frère toute la nuit ? demanda-t-il,

caustique.Siseulement ilsavaitcombien ilse trompait !Emman’avaitpresquepaspenséàNatdepuisson

arrivée.—Non,nousnenoussommespasparlé.D’ailleurs que diable lui aurait-elle dit ? « Pardon, Nat, mais même si ton frère est un odieux

despote,hiersoir,jerêvaisdefairel’amouraveclui,etjemeseraisabandonnéecorpsetâmeàluis’ilm’avaitembrassée.»

—Jemesuiscontentéedecompterlesmoutonsdansl’espoirdetrouverlesommeil,déclara-t-elle,mais sans beaucoup de succès, hélas. Si je ne suis pas très vive aujourd’hui, il ne faudra pas m’envouloir.

—Vousavezmangé,cematin?—Oui,jemesuisfaitmontermonpetitdéjeunerdansmachambre.Emmasouritdenouveauetajoutasuruntonmondain:—Quel beau temps d’automne ! J’ai de la chance pourmon premier jour àNewYork.Vous ne

m’aveztoujourspasditcequevousattendiezdemoi.S’agit-ilderéaménagercertainesdeschambres?Lesouriredecettejeunefemmeétaituneinviteàl’amour!Zaksentaitdéjàcettelourdeurexquiseet

douloureuseaucreuxdesesreins.Cettenuit,ilétaitrestélongtempslesyeuxgrandsouvertsdanslenoir,réfléchissantaurécitqu’elleluiavaitfaitdesonenfance.Samèrevolage,lemodestelogementoùtoutesdeuxdansaientausond’unemusiquesiassourdissantequelesvoisinsvitupéraient…Non,lavien’avaitpasgâtéEmma:petitefille,elleavaitéténégligée,pire,elleavaitététémoindelaviedissoluedesamère.Alalumièredecequ’elleavaitdit,oncomprenaitmieuxsonmariageaveccechanteurcélèbreetdroguébeaucoupplusâgéqu’elle.

MaisZakavaitfiniparretrouversonbonsens.Emman’étaitpasunevictimedelavie:c’étaitunemanipulatrice,aucontraire.Ellesavaittrèsbiencequ’ellefaisait,etsonmariageavecPattersonluiavaitpermisde tester sonemprise sur leshommes.Avec sapâlebeauté, soncorpsparfait, elle inspiraitunirrésistibledésirdeprotectionetenavaitprofité.Avait-elleracontésonhistoireàCiroentermesaussipathétiquesqu’hiersoir?C’étaitpossible,etcelaexpliquaitsansdoutequ’illuiaitsignéuncontratdetravailaussimirifique.QuantàNat,elleavait,nuldoute,trouvélesmotspouréveillerenluicetinstinctprotecteurmasculinqu’il avait confonduavec le sentiment amoureux, aupointd’abandonner saviedecoureurdejuponspourseconsacreràelle.

Zakserralesmâchoires.Ehbien,qu’ellelaisseNatenpaix,etfassesessimagréesavecunautre!Iln’était pas question qu’une femme comme elle, veuve d’un chanteur drogué de surcroît, entre dans lafamilleConstantinides.

—Venez,dit-ilàbrûle-pourpoint,sedirigeantverslaréception,jevaisvousmontrer.Commeilstraversaientlesdifférentssalonsderéceptiondel’hôtel,Emmaessayades’imprégnerde

l’atmosphèredeslieux.Dansl’avion,elleavaitétudiéavecattentiontouteslesbrochuresetprospectuspublicitairessurlePembroke,maiscequ’elledécouvraitétaitencoreplusluxueuxetplusraffiné.

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LeGranchesterdeLondresétaitunpalacedetaillemodeste.Ici,ils’agissaitd’unhôtelimportantetparfait dans tous les sens du terme. L’élégance sobre qui le caractérisait avait dû coûter une fortune,Emman’étaitpasdupe,etellesedemandasiZakavaithéritédesonpèrel’argentdépensépourfaireduPembroke l’hôtel le plus prestigieux de Manhattan. Nat pourtant avait évoqué un jour une histoirecompliquée sur la fortune familiale, mais elle ne l’avait écoutée que d’une oreille. L’argent desConstantinidesnel’intéressaitpas,Natl’avaittoujourssu.Enrevanche,Zaknelecroiraitjamais.

Cederniervenaitd’ouvrirunedoubleportedestyleartdécosuperbe:—Voilàlesalonquevousdevrezréaménager,annonça-t-il.Emmapénétradansunesallepresquevide,maissplendide.L’espaceparlui-mêmeétaitsomptueux

avec ses murs recouverts de boiseries de bois massif, son plafond orné d’une mosaïque argent quiréfléchissaitlalumièreetévoquaitl’eaumouvante,etsurtoutcettemerveilleuseterrassequiprolongeaitlapièceetdonnaitdirectementsurCentralPark.

—Oh!Zak,c’estsublime!soufflaEmmaaprèsavoirpromenéunregardéblouiautourd’elle.Elleserepritvite:—Pardonnez-moicetteremarquebanale.Biensûrquecetespaceestmagnifique…—Certes,maisc’esttoujoursagréabled’entendreuneprofessionnellel’apprécier.Zakmarquaunepauseavantd’annoncer:—Jeveuxquevoustransformiezcesalon.—Seuleouavecuneéquipe?—Vousaurezuneassistanteetunbureaupourtravailler.Onvousdonneraaussiunecartedecrédit

pourengagerlesdépensesnécessaires.—Aquidevrai-jerendredescomptesquandj’auraiétablimonbudget?—Apersonne.EmmaregardaZaksanscomprendre.Celui-cihaussalesépaulesavantd’expliquer:—J’aivulesdépensesquevousengagiezauGranchester.Vousn’êtespasdispendieuse,Emma,au

contraire.Jevouslaissedonccarteblanche.Emmaneputs’empêcherdesourire.Cettemarquedeconfianceluifaisaitunplaisirimmense,mais

ellen’enditrien,etdemanda:—Commentutiliserez-vouscettesalle?Vousluivoyezunedestinationprécise?Laréponsedesoncompagnonlasidéra:—Jeveuxenfaireunsalonnuptial:lesgrandsdeNewYorketd’ailleurs,quandilssemarieront,

leferonticietyrecevrontleurfamilleetleursamis.Jeveuxquecesoitsomptueux.Puis,commeEmmaleregardait,éberluée,ilajouta:—Ondiraitquecelavousétonne?—Eneffet.—Pourquoi?Emmaréfléchit.Querisquait-elleàluidirelavérité?S’iln’étaitpascontent,illeluisignifieraitet,

aupire, larenverraitàLondres?Labelleaffaire!Haussant lesépaules,elleexpliquasurunpetit tontranquille:

—Parceque,mesemble-t-il,vousn’êtespaslegenred’hommefollementintéresséparlemariage.—Vous connaissez des hommes qui le sont ? rétorqua-t-il d’un ton acerbe. Il n’empêche que le

marchéexiste,surtoutici.Lesclientsdel’hôtelquandilssemarientretiennentsouventl’undenossalonspour y donner leur réception. A cause de la vue, bien sûr, du luxe, du service, bref, tout ce qui faitl’excellenceuniqueduPembroke.Jusqu’àprésent,j’aifaitlasourdeoreille,parcequelapublicitéquiaccompagnelelancementd’unespacepareilm’ennuie.Enoutrelemariagesembleencouragerchezlesfemmesunetendanceàl’hystériedontjemepassevolontiers.

Sonsourirecyniquen’avaitpaséchappéàEmmaquidemanda,perfide:

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—Quelquechosevousadoncfaitchangerd’avis?—Quelqu’un,pourêtreprécis.Lecœurd’Emmasemitàbattreavecviolence,commeellerépétaitcommeunécho:—Quelqu’un?—Oui,unefemme.Elles’appelleLéda.Emmaavaitentenducenom,maisilluifallutquelquessecondespourréaliserqu’ils’agissaitdela

très belle jeune femme qui accompagnait Zak, ce fameux soir, dans le restaurant italien où elle-mêmedînaitavecNat.Unefemmebruneavecunecoupedecheveux trèsoriginale,qui rehaussaitencoreseshautespommettes.

—C’estlajeunefemmeavecquivousétiezàLondresl’autresoir?Cellequiportaituneminijupe,etdescuissardesencuirblanc?

—C’estelle,eneffet.—Et…et elle semarie ? interrogeadenouveauEmmaavec ladouloureuse impressionque son

cœurexplosait.Zakallait-il épouser labelleLéda?Pourquoicette éventualité éveillait-elle enelleun sentiment

brûlantquiressemblaitàs’yméprendreàdelajalousie?Emmaauraitdûêtreheureuse,aucontraire,etsedireque,sisonpatronsemariait,ilauraitmoinsdetempspoursurveillersonfrère.

—Quiépouse-t-elle?réussit-elleàdemanderd’unevoixmalassurée.—Unbanquiersuisse.Zakhaussalesépaules:—Unbravetypepastrèsexcitant,maisillarendraheureuse,jecrois.Emmapensaalorsàunephrasequ’avaitditeNat,cemêmesoir,parlantdeLéda.Quelsétaientses

termesexacts?Oui,s’adressantàZak,ilavaitlancé:«Toutlemondepensaitquetul’épouserais».Zakregrettait-ilLéda?Eprouvait-ildel’amertumeàl’idéequ’elleépouseun«bravetype»?

Lajeunefemmesetournaàdemipourluifaireface.—Quelmerveilleuxcadeauvousluioffrez!dit-elle.—C’estunedécisioncommerciale,lessentimentsn’ontrienàyvoir,rétorqua-t-ild’untondur.Sansinsister,Emmas’efforçadereportersonattentionsurleprojet.— Savez-vous ce que vous voulez pour ce salon ? demanda-t-elle. Préférez-vous un style

traditionnelouaucontrairecontemporain?Soncompagnonsecoualatête.—Cen’estpasmondomaine.Iljetaunrapideregardàsamontreavantd’ajouter:—D’unepart, jen’yconnaispasgrand-chose,etd’autrepart,celanem’intéressepas.J’imagine

quevousavezuneidéedudécorquiplaîtauxfuturesmariées,etjevouslaissedécider.Emmafronçalessourcils.—Avez-voussongéque,ayantétéobligéedeveniricisansavoirmonmotàdire,jepourraisfaire

exprèsdegâchervotresalonnuptialenledécorantenrosebonbon,parexemple?Vousimaginezcombienl’imageduPembrokeenpâtirait?Lesgourousdubongoûtnew-yorkaiss’endonneraientàcœurjoie.

Zaksepenchaet,percevantleseffluvescitronnésdesoneaudetoilette,Emmaéprouvacommeunlégervertige.

—Ilsnesegêneraientpas,eneffet,dit-ilavecdanslavoixunedangereusedouceur,maisceseraitunetrèsmauvaiseidéedevotrepart.Lesgensquicherchentàm’ennuyerleregrettenttoujours.

—Oujemetrompe,ouc’estunemenace,fitvaloirEmma.Ilsouritàpeine.—Non,justeunavertissementpourquevoussachiezquetoutn’estpaspossibleavecmoi.

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—Il faudraitque jesoisbornéepournepas l’avoirdéjàcompris, rétorqua la jeune femmeavecaigreur,maisdites-moi,vousutilisezsouventcesméthodesd’intimidationavecvosemployés?

—Seulementavecceuxquiveulentmedonnerdufilà retordre,et ils sontpeunombreux,carengénéraljenelessupportepaslongtemps.

—Etsijevousdisaisquevousêtesodieuxetquejeneveuxpastravaillerpourvous?— Je serais le plus heureux des hommes, riposta Zak dont les yeux gris s’étaient animés d’un

étrangeéclat.Jeseraismêmetentédevousoffrirunandesalaireenguisedepréavis.Car il aurait gagné, Emma venait de le comprendre. Il aurait obtenu ce qu’il cherchait depuis le

début:sedébarrasserd’ellesansavoiràlalicencier.—Vousêtesodieux,cettefois,jevousledistoutnet!—C’estpossible,maislesfemmessemblentapprécierlafaçondontjelestraite.—Vousenêtessûr?—Disonsquejamaisaucunenes’estplainte.Leursregardssecroisèrent,etEmmavit lesyeuxdesoncompagnons’assombrir,enmêmetemps

quesabouchesefaisaitdure.Ilregrettaitcequ’ilvenaitdedire,etsurtoutletonsurlequelilavaitparlé.Car il s’était livré à une sorte de petit flirt tout à fait déplacé entre un patron et son employée.Maisc’étaitfait,ettantpis.

Soudain,Emmaenvisageadebaisser lemasque.Ellen’enpouvaitplus,voulaitqu’il cessede latourmenterainsi.Aquoijouait-il?Auchatetàlasouris?Etait-cesafaçondeluifaireducharme?Pluselle subissait son jeu, plus la tension croissait en elle, jusqu’à en devenir intolérable. Lui aussi étaittendu,ellelevoyait,lesentait,alorspourquoi…

C’estàcetinstantqu’unejoliejeunefemmebrunelesrejoignit.—Bonjour,Zak, lança-t-elle,etelles’immobilisa, lesvoyant figés l’unet l’autre,commesoudés

parleursregards.—Oh!Excusez-moi,reprit-elleaussitôt,jevousdérange,sansdoute?Zakreculad’unpas.Soncœurbattaitavecforce,etcommentnierqu’ilavaitbienfailliattirerEmma

danssesbras?L’aurait-ilembrasséealorsqu’elleétaitlamaîtressedesonfrère?Etait-ilcapabled’unetellebassesse?

Ilavalasasalive,s’efforçantd’oubliercehonteuxsentimentdeculpabilitémêlédefrustrationquilesubmergeait,etréussitàsourireàlanouvellevenue.

—Pasdu tout,Cindy,aucontraire. JevousprésenteEmmaGeary, ladécoratriceduGranchesterdontjevousaiparlé.Emmaetmoimettionsaupointcertainsdétailsessentielspournotrecollaboration,n’est-cepas,Emma?

LeméprisétaitclairdanslavoixdeZak,etpourtantcommeilétaitinjuste!Emmaenétaitdépitée.Ilavaitledondelarabaisseràsespropresyeux,commesielleétaitcoupable.Pourtant,latensionquiavaitjaillientreeuxavaitétéprovoquéeparceflirtdontilavaitétél’initiateur.C’estluiquiavaitparlédesonsuccèsaveclesfemmes,ellenel’avaitpasprovoqué,alorspourquoicetonméprisantmaintenant,commesielleluiavaitfaitdesavances?

Voilàqu’ilannonçait:—Cindyseravotreassistantepourleprojetdusalonnuptial.Commelanouvellevenueluitendaitlamain,Emmalaserraavecchaleur.— Pardonnez-nous, Cindy, vous êtes arrivée comme nous constations combien il est difficile et

contraignantdetravaillerpourmonsieurConstantinides,déclara-t-ellesurletondelaplaisanterie,maisj’apprendraisûrementàm’accommoderdesesexigencesetrecevraiavecplaisirtouslesconseilsquimefaciliteraientlatache.

Ellesouritpourajouter:

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—Quoiqu’ilensoit,jesuisraviedevousconnaître,Cindy.Nousallonsfairedesmerveillesdanscettesallequideviendralesalonleplusdemandépourlesréceptionsdemariage.Etpuisjecomptesurvous pourme faire connaître tous les fournisseurs et tous les secrets desmeilleurs décorateurs new-yorkais!

—Ceseraavecplaisir,assuraCindy—Jevouslaissetouteslesdeux,déclaraalorsZakd’unevoixfroideetdétachée,bienqu’ilsoitfou

derage.Car non seulement Emma s’étaitmoquée de lui,mais comment ignorer lemépris dans le regard

qu’elleportaitsurlui?Cettefemmeallaittroploin!—Jepasseraidetempsentempsconstaterl’avancementdestravaux,reprit-il.Sivousavezbesoin

dequoiquecesoit,voyezl’unedemesassistantes.Emmaauraitdûêtresoulagéequ’il tourne les talons,maisunvidedouloureuxs’étaitcreusédans

soncœur,toutàcoup.CommeCindylaregardaitsanscomprendre,ellelançaàsontourimitantletondistantdeZak:—Entendu.Aundecesjours!—Leplustardseralemieux,murmura-t-il.IlavaitparlésibasqueCindyheureusementn’entenditpas.

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7.

—Tuasfaittonchoix,Emma?L’interpelléeécarquillalesyeuxet,devantl’airétonnédeCindy,compritquecelle-ciluiavaitposé

unequestion.OrEmmaétaitàcepointdistraitequ’ellenel’avaitpasentendue.—Excuse-moi,balbutia-t-elle,semaudissantpoursonmanqued’attentiondeplusenplusfréquent,

cestemps-ci,j’avaislatêteailleurs.Quevoulais-tusavoir?Indiquantlesportesfenêtresouvrantsurlaterrasse,l’assistanteexpliqua:—Jemedemandaissituoptaispourdesrideauxdesoieouenvoile.Emmas’obligeaàseconcentrersurleséchantillonsétalésdevantelle.—Nil’unnil’autre,lemieux,jecrois,seracelinnaturel.Illaisserapasserassezdelumièretouten

créantuneatmosphère…EllesouritàCindyavantdepréciser:—Disons…uneatmosphèrenuptiale.Sur cesmots, elle reprit sa longue liste des points restant à régler, essayant d’y porter toute son

attention.D’habitude, quandelle travaillait, rienne comptait que sonprojet en cours, dans lequel elles’immergeaitenoublianttoutlereste.C’estcequiluiplaisaitdanslemétier.Concevoirl’aménagementd’unlieuobligeaitàsortirdesoi-mêmepourcréerunenvironnementdifférent,fruitdel’imagination.Orpourcaptercelle-cidanstoutesafertilité,ilnefallaitpenseràriend’autre.

Emmaavaitvusamèrelefairechaquefoisqu’ellesdéménageaient :parsongoûtetsacréativitépersonnelle,avectroisfoisrien,elletransformaitunnouvelappartement,aussiminablequeleprécédent,en un endroit gai, plein de vie et où on avait envie de faire la fête. C’était l’un des traits qu’Emmaadmiraitchezelle:lerefusdeselaisserabattreparlapauvreté.Elleavaitainsimontréàsafillequ’iln’était pas besoin de beaucoup d’argent pour améliorer son cadre de vie, l’imagination et le sens dumerveilleuxétaientbeaucoupplusimportants.Emmanel’avaitjamaisoublié,etpourretrouvercetalentdesamère,elleseplongeaitdanssonprojetencoursjusqu’àoublierlesmenusproblèmesdel’existencequotidienne.

Maiscettefois,ellen’yarrivaitpas.Ellesesentaitcommequelqu’unquiaétépiquéparuneguêpeetsouffred’uneréactionallergique

impossibleàcalmer.LapenséedeZaklatourmentaitsanscesse.Elleneparvenaitpasàoubliercedésirphysiquequ’iléveillaitenellerienqu’enl’effleurant,ouparunregarddesesyeuxténébreux.Manquait-elle à cepointde jugement et d’expériencepour éprouverun troublepareil face àunhommequi, parailleurs,neluiinspiraitqu’antipathie,sinonmépris?

Elle lui avait parlé de Louis, et en avait révélé plus qu’elle ne le faisait d’habitude quand onl’interrogeait.Pourquoi?Parcequ’ilavaitposélesbonnesquestions,ouparceque,commeilétaitson

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patron,ilétaitenpositiondeforce?Danslesdeuxcas,cesaveuxavaientfragiliséEmma.Grâce au ciel,Cindy était vive et pleine d’énergie de sorte qu’elle ne s’offusquait pas quand la

jeune femmeavait la têteailleursou s’isolaitdans le silence.C’était engénéral après l’unedes raresvisitesdeZak,lorsqu’ilvenaitconstaterl’avancementdestravaux.

Carlesalonnuptialprenaittournure.Amesurequelestravauxavançaient,Emmaserendaitcomptecombien New York était la ville de l’efficacité. Elle découvrait d’ailleurs bien des aspects de cettemétropole,qu’ellen’avaitpassoupçonnéslorsdesonpremierséjourquelquedixansplutôt.Ilestvraiqu’alorsellen’avaitguèreconnuquedeschambresd’hôtelsombresdontonnerelevaitlesstoresqu’àlanuit, quandLouis émergeait d’un sommeil lourdoù l’avaient plongé l’alcool et la drogue…Autant desouvenirsqu’ellepréféraitoublier.

AvecCindy,aucontraire,ellesarpentaientManhattand’unpasvifdèslematin,chaudementvêtuespourseprotégerdupetitventd’automnesouventpénétrant.EnsembleellescouraientlesantiquairesdeBroadwayetdes10eet11eRues,ous’aventuraientdansSohoetChelseaàlarecherchedepiècespluscontemporaines.Aufildesjours,Emmaavaitapprisàaimerl’activitétrépidantedelaville,seslargesavenuespropresavecleursgrandstrottoirsoùilétaitsiagréabledemarcher.

Surprenant,EmmaavaitreçutrèspeudenouvellesdeNat:seulementdeuxSMSaprèssonarrivée.Elle-mêmeavaitessayédeluitéléphoner,maisn’avaitjointquesonrépondeur,etilavaitlaissésese-mailssansréponse.Avait-ilrencontréquelqu’un?

Unmatin, installée sur la terrasse, elle consultait des catalogues de linge de table pour le salonquandunbruitdepasluifitleverlatête:Zaksetenaitsurleseuildelaporte-fenêtre.

S’adjurant de rester professionnelle alors que son cœur s’emballait, Emma réussit à afficher unsourirepoli.

—Quellesurprise!s’exclama-t-elle.—Unesurpriseagréable,j’espère?renchéritZakavecironie.Lajeunefemmehaussalesépaules.Devait-ellefairesemblantd’ignorerqu’il l’évitaitdepuisson

arrivée,ouaucontrairesecomporterenadulteresponsable,etluidemanderpourquoi?— C’est à vous d’en décider, feignit-elle de plaisanter : ou vous continuez à jouer les grands

patronsquine supportentpasde restercinqminutesdans lamêmepiècequemoi,ouvousessayezdemieuxvousentendreavecmoi.

Il sortit sur la terrasse pour s’approcher. Elle était assise, bien emmitouflée dans une veste enlainage,sescheveuxblondsretenusparunélastiqueausommetdelatête.Pasuneoncedemaquillagesursonvisage,enrevancheZakremarqua toutdesuitequ’elleportaitduvernisàongles jaunepâle,de lacouleurexactedufoularddesoienouéautourdesoncou.C’étaitlapremièrefoisqu’ilvoyaitunefemmeavecduvernisjaune.

Iltiraunechaisepours’asseoiràcôtéd’elle.—Vousavezpeut-êtreraison,fit-ilobserversansbeaucoupd’amabilité.Un rapide regard avait suffi à Emma pour noter l’élégante chemise—de soie sans doute—, et

commesoufflaitunpetitventfroid,ellesuggéra:—Vousallezprendrefroid,enmanchesdechemise.Ilhaussaunsourcilnarquois.—Au risque de vous décevoir, j’ai réussi à survivre trente-six ans sans vos conseils et je n’ai

jamaisattrapédepneumonie.Emmaposasurlatablelecataloguequ’ellevenaitdeconsulter.—Etes-voustoujoursautantsurladéfensiveaveclesfemmes?Zakportasonregardsurleparc,devantlui.Non,ilnel’étaitpastoujours,maissesrelationsavec

les femmesétaient engénéral trèscodifiées : ily avait cellesavec lesquelles il faisaitdesaffairesetcellesquitravaillaientpourlui.Ilyavaitcelles—rares—avecquiilentretenaitdesrapportsaffectifs,

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et celles qui partageaient son lit.Celles-là étaient nombreuses : chaque fois qu’il avait voulu coucheravecunefemme,iln’yavaitpaseudeproblème.

Jusqu’àmaintenant.Derrièresonsouriredistant,ilsesentaittendu,frustré.Envérité,ildésiraitEmmaGearyavecune

aviditéférocequiletenaitéveillélanuit,etquandilluiarrivaitdes’endormirc’étaitpourrêverd’elledansdessituationsérotiques.Ilseréveillaitalorsennageetn’avaitd’autresolutionquedeprendreunelonguedouchepour secalmer.Quesaviepasséesoit scandaleusepour leGrec fieret traditionnalistequ’ilétait,qu’elleaitunerelationavecsonfrère, rienneparvenaità tiédirsonardeurquipourtant luirenvoyaitunepiètreimagedelui-même.

—Jelesuissansdouteavecvousparcequevoussuscitezchezmoidesréactionsquejeréprouve,finit-ilparadmettre.

—Pourquoidonc?Parcequejenesuispasassezsoumise,etquejen’acceptepassansbronchertoutcequevousmedites?

Il tourna la tête pour regarder Emma, en même temps qu’il esquissait un haussement d’épaulesfataliste.

—Ilyaduvraidansvotreremarque.Votrefaçondemedéfieretvotreinsolencemesurprennent.Jen’ysuispashabitué.

—End’autrestermes,quoiquevousdisiezauxfemmes,ellessontd’accord?—Ellesn’éprouventpaslebesoindediscutermesordres.—Parcequevousaveztoujours«raison»?—C’estunpetitpluscomplexe,jelecrains.LeregarddeZakscintillasoudain,commeilajoutait:—Savez-vousquetouteslesfemmesadorentêtredominéesparunhomme?Emma secoua la tête, heureuse que le petit vent froid rafraîchisse ses joues qui menaçaient de

s’empourprer.QuandZaklaregardaitcommeencet instant, iln’étaitpasfacilede lui tenir tête,mêmequandilénonçaitdefaçonpéremptoiredeslieuxcommunsaussistupides.

—Vousdevez fréquenterdesgensbienparticuliers sivouspensezcequevousdites, rétorqua-t-elle.

—C’estpossible.Secalantcontreledossierdesonfauteuil,ZakpromenadenouveausonregardsurCentralPark.Les

arbresavaientperdutoutesleursfeuilles.Bientôtl’hiverseraitlà,etlesvacancesnetarderaientpas.SurleparvisduRockefellerCentersedresserait,commetouslesans,unimmensesapindeNoël,etlesgenspatineraient le soir sous ses guirlandes lumineuses. Le salon nuptial serait achevé, Emma rentrerait àLondres…auprèsdeNat.

Zakserralesdentscommeils’imaginaitlajeunefemmeavecsonfrère.Etsimalgrétout,quandilsseretrouveraientàNoël,ilsétaientamoureuxcommeaupremierjour?

Il avait toujours veillé sur Nat. Il s’était occupé de lui quand la famille avait explosé après ladéfectiondeleurpère,etl’avaitenversetcontretoutmaintenudanscequelui-mêmeestimaitêtreledroitchemin.Maisonnecontrôlepas toutdans lavie.Certainessituationsvouséchappent.Zakn’avaitpasoubliésamèreeffondréedanslesalon,sanglotantàfendrel’âme,tandisquesonpèreclaquaitlaportepourpartirversd’autreshorizonsenabandonnant sa famille.Qui auraitpu l’enempêcher?NiZaknipersonne!

Toutàcoup,uneimages’imposaàlui:EmmaenrobedemariéeaubrasdeNat,seslongscheveuxblonds flottant au vent. La vision se précisa au point qu’il voyait dans le détail sa robe blanche sedétachant sur le bleu intense de la Méditerranée… Peut-être donnerait-elle à Nat une ribambelled’enfants,qui,commeelle,appartiendraientalorsauclanConstantinides,etseraient liésàZakpour la

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vie.Danscecas,ilseraitcontraintdelacôtoyeretdelatraitercommesabelle-sœuretnoncommelafemmequ’ildésiraitplusquetoutaumonde.

Alorscommenttuercedésirquileravageait,etpeuàpeuempoisonnaitsavieentière?Peut-êtreenlafréquentantdavantagedèsmaintenant,mêmes’illuiencoûtait…Pourl’instant,elle

avaitl’attraitirrésistibledufruitdéfendu,etilnel’endésiraitqueplus.S’ilpassaitunesoiréeavecelleàl’écouterbavarderdetoutetderiencommefontsouventlesfemmes,ilsedétendraitàmesurequ’elleluiparaîtraitbanalesinonennuyeuse.

Contretouteattenteils’entenditsoudainluidemander:—VousavezeuletempsdevisiterNewYork?LaquestionsurpritEmmaquihochalatête.—Oui.Elleavaiteneffetdécidédeconsacrersontempslibreàexplorercettevilledontellen’avaitrienvu

lors de son premier séjour. Elle avait commencé par un circuit touristique en bus, s’amusant dessuperlatifstoujoursplusenthousiastesduguide,chaquefoisquelevéhiculeralentissaitdevantl’undescélèbresgratte-cieldeManhattan.Cindyl’avaitaussiaidéeàdénicherlesmeilleuresgaleriesd’artdelaville,etl’avaitunjouraccompagnéeenferryàStatenIsland.Là,toutesdeuxs’étaientrégaléesdehotdoglongscommelebras.

—J’ai vu cequ’il y adeplus connudans laville, précisa-t-elle.Et tous les jours, je trouveunmomentpourmepromenerdansCentralPark.

Zaklaregardadroitdanslesyeux.— Ce soir, je suis invité à l’autre bout de Manhattan. Inutile que j’insiste pour que vous

m’accompagniezsivousavezdéjàparcourulavilledelongenlarge?Emmasetendit.—Pourquoim’inviteriez-vous?SaquestionétaitsidirectequeZaksourit.—Etsic’étaitpourfaireunpeumieuxconnaissanceavecvous?Aprèstout,danslecasoùmon

plandiaboliqueéchouerait,vousdeviendriezmabelle-sœur,non?Emmademeura silencieuse.C’était lemoment de lui avouer que cette prétendue idylle avecNat

étaituneplaisanterie,qu’iln’yavaitjamaisrieneudesentimentalentreeux.Maisuneobscureraisonl’enempêchaitencore:lacraintedesaréaction?Peut-être.Surtout,nefallait-ilpasd’abordprévenirNat?Celasemblaitlégitime.

Néanmoins,silapetitecomédieseprolongeait,quelleexcuseinvoquerpourrefusercetteinvitationquiressemblaitfortàunetentativederéconciliation?

—Dequelgenredesoirées’agit-il?demanda-t-elle,prudente.—Inutiledeprendrecetairméfiant, jenesuggèrepasun tête-à-têteauxchandelleschezmoi,au

coindufeu.Zaksemitàrire,puisserembrunitavantd’expliquer:—Parlonsclair:c’estunesoiréequejenepeuxpasrefuser.Vouspouvezveniravecmoisivous

voulez.Que répondre ?Qu’elle avait peur parce que, avecZak, elle se sentait trop… trop vulnérable ?

Emmahaussalesépaules.—D’accord,murmura-t-elleduboutdeslèvres.Soncompagnonplissalesyeuxavantdes’exclamer,ironique:—Quelenthousiasme!Jen’enattendaispastant!—Jefaiscequejepeux,admitEmma,dontlemauditcœurbattaitdeplusenplusvite.Dites-moi,

c’estunesoiréehabillée?

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— Oui. Costumes sombres et robes longues. Je commanderai une voiture. Retrouvez-moi à20heuresàlaréception.

—Entendu.Le pouls d’Emma battait toujours à toute allure quand ,plus tard, elle fouilla sa penderie à la

recherched’unerobequiconviendraitàlasoirée.Maisriendecequ’elleavaitapportédeLondresneluiplaisait. Au bout d’une demi-heure de tergiversations, sa décision fut prise, et elle sortit : elles’achèteraitunetenueneuve,etquepersonnenevienneluidemanderpourquoi,cesoir,ilétaitimpératifqu’ellesesenteéléganteetbiendanssapeau…

Ellen’avaitpasfaitdeshoppingdepuislongtemps,etc’estavecunecertaineexcitationqu’elleserenditsurMadisonAvenue,oùs’alignentlesplusbellesboutiquesdemodedeNewYork.Certaineseneffetrecelaientdesmerveilles,maisparunphénomènequ’ellen’auraitsuexpliquer,Emman’avaitpasenvied’unerobenoireclassique,illuifallaitunetenueplusoriginale,sinonspectaculaire.Etc’estainsiqu’elle eut le coup de cœur pour une robe du soir blanche dont le drapé flattait ses formes sans lesmouler,ettombaitjusqu’ausolavecuneéléganceinouïe.Lavendeusen’eutpasàlaconvaincrequ’elleluiallaitàravir:Emmalesavaitd’instinct.Maisquelquesheuresplustard,alorsqu’elles’habillaitdanssasuite,l’angoisselasaisit:danssonenthousiasme,s’était-elletrompée?Larobeétaittropdécolletée,peut-être?Zakallait-illaprendrepourcequ’ellen’étaitpas?

LeregarddeZakquandelletraversalaréceptionpourlerejoindreaccrutsanervosité.—Matenuen’estpasappropriée?interrogea-t-elled’unevoixmalassurée.Appropriée?Zakavaitlabouchesèchecommeildétaillaitlajeunefemme.Larobesansmanches

avait un décolleté profond, et son étoffe soyeuse moulait ses seins pleins et fermes, soulignait lasomptueusecourbedeseshanches,puisseslonguescuisses.Sescheveuxsiclairstombaient,souplesetvaporeux,sursesépaules…Emmaévoquait…oui,elleévoquaitunedéessegrecque:unestatueparfaitequiseseraitsoudainanimée.Zakavaitétéfoudel’invitercesoir!

—Elleesttoutàfaitappropriée,n’ayezcrainte,répliqua-t-ild’unevoixunpeurauque,toutenlaconduisantvers la limousinequi attendait, je redoute seulementdedevoirpasser la soirée à jouer lesgardesducorps.

Emmafronçalessourcils.—D’aprèscequel’onditsurvotresuccèsauprèsdesfemmes,c’estpeut-êtremoiquivaisdevoir

jouercerôle.—Parcequevouspensezêtrecapabledetenirtêteàtouteslesfemmesquivontseprécipiterdans

mesbras?plaisanta-t-il.Ellecroisasonregardet,yvoyantunéclairdedéfi,elleripostasurlemêmetonbadin:—Jepourraitoujoursessayer.Maislecœurd’Emman’étaitpasàlaplaisanterie.Ilfallaitquesoncompagnoncessedeflirterainsi

avecelle,souspeinedeluifaireperdrelecontrôled’elle-même.Commentsupporterait-ellecettesoirées’ilavaitcepouvoirdesusciterenellepareilémoi?Pourchangerdesujet,elledemanda:

—Quinousreçoit,cesoir?—Unvieilamidemonpère.Sapetite-fille,Sofia,fêtesesvingtetunans,etildonneunesoirée

poursonanniversaire.EmmahochalatêtecommeluirevenaitquelquechosequeluiavaitditNat.—Votrefrèrem’aapprisquevotrepèreétaitmortl’andernier.Je…euh…jesuisnavrée,Zak.Ilneréponditpastoutdesuite,désarçonnéens’apercevantqueNatavaitdûluidirebiendeschoses

sursafamille,etqu’Emmadevaitensavoirdavantagesurluiquebeaucoupdegens.Sansdouteplusqu’iln’étaitnécessaire,etcelaneluiplaisaitpas.

—Merci,finit-ilpardireassezsèchement.

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Emma n’insista pas, et, tournant la tête, regarda par la vitre la ville scintillante de lumière quidéfilait àmesureque lavoiture roulait.Celle-ci finitpar s’arrêterdevantunhôteldont la façadeétaitdécoréedeguirlandesdefleursrosesetblanches.

Sortantdelalimousine,Emmavittoutdesuitedesphotographesdepressepostésprèsdelaported’entrée, et entendit l’exclamation de dépit de Zak. Mais elle-même avait l’habitude d’échapper auxjournalistestropcurieux:ellebaissalatêtedetellesortequesescheveuxluitombèrentdevantlevisagecommeunrideau,etellefutàl’intérieurdel’hôtelavantmêmequ’unflashimportunnel’aitimmortaliséeàcôtédeZak.Celui-ci,quiluiavaitemboîtélepas,semitàrire.

—C’estlapremièrefoisqu’unefemmeévitedesefairephotographierenmacompagnie,expliqua-t-il,commeEmmaleregardaitsanscomprendre.

—Vouspensiezquejevoulaisqu’onnousvoieensemble?—Adirevrai,jen’yavaispaspensé.Entoutcas,ladiscrétiondecettejeunefemmeetsafaçonderefusertoutepublicitéplurentàZak,et

ilsepromitderévisersespréjugésàsonégard.Serait-elleunsimauvaischoixpoursonfrère,siellelerendaitheureux?Quantàlui,quandillaconnaîtraitunpeumieux,cedésirphysiqueabsurdequ’elleluiinspiraitdisparaîtraitsansl’ombred’undoute…

Lasoiréeavait lieudans lagrandesalledebalde l’hôtel, toutentièredécoréedesmêmes fleursroses et blanches que la façade. Tous les accessoires aussi avaient été choisis dans ces deux tons, ycompris les nappes, les assiettes, et même les dragées disposées dans de ravissants présentoirs deporcelaine rose.L’effetétaitunpeufacile, songeaEmma,maisconvenaitbienpourunanniversairedejeunefille.

Bientôtl’héroïnedelasoiréesurgitdevanteux,joliebrunelongueetsouplecommeuneliane,danssarobedetullerose,etellesautaaucoupdeZak.

—ThiosZakharias!s’écria-t-elleavecenthousiasme,commejesuiscontentedetevoircesoir.Etmerci,ohmercipourmesbouclesd’oreilles!

L’interpellésourit.—Ellesteplaisent?—Ellessontsublimes.Regarde,jelesaimisescesoir.La jeune femme repoussa ses beaux cheveux noirs pour découvrir deux clips ornés d’une grosse

perlefine.—Venezboireunverredechampagne,reprit-elle,grand-pèreetMamfontletourdesinvités,vous

netarderezpasàlesvoir.Ah,voiciLoukas,ilfautquej’aillel’embrasser!Emmaéprouvaunsoudainaccèsdetimidité,sesentantétrangèreparmicesinvitésquisemblaient

tousseconnaître.Beaucoups’exprimaientengrecettouteslesconversationsétaienttrèsanimées.—Lesgensontl’airdebiens’amuser,fit-elleobserveràl’adressedeZak.—LesGrecsadorentseretrouverpourfairelafête.La remarque eut le don de détendre Emma qui dès lors profita de la soirée. Zak l’y aida en se

révélantuncompagnonattentifettrèsagréable.Pendantl’apéritif,illuiprésentabeaucoupdegensdontelle essaya de se rappeler les noms, et qui tous la dévisagèrent avec une curiosité non dissimulée.Pendant lerepas, il luiexpliqual’histoiredechacundesplatsqui leurétaientservis,et l’amusaenluiracontantlesexploitsdugrand-pèredeSofia,qui,toutjeune,avaitquittésonîlenataleavecl’intentiondefairefortune,etyétaitrevenumilliardaire.

Lerepasachevé,l’orchestrecommençaàjouer,etcommelesgenssemettaientàdanserEmmasentitsatimiditérevenir.Bientôttoutlemondedansait,etZaketelleétaientlesseulsdemeurésàleurtable.Lemalaised’Emmas’accrut:ellesesentaitcommeuneétrangèreparmitoussesgens.

Zakplissalesyeux.—Pourquoicetairtriste?Avousvoir,onpenseraitquelafindumondeapproche.

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Emmahaussalesépaules,luttantdetoutescesforcescontrecetteimpressiond’êtreseuleetperduedanscemilieuinconnu.

—Jetrouvequelamusiqueesttrèsforte,dit-ellepourdonnerlechange.—Onpeutpartir,sivousvoulez.Nousavonsfaitnotredevoir,plusriennenousretient.Cettesoiréen’étaitdoncqu’unpensumpour lui,et ilnes’encachaitpas.Emma,pourune raison

absurde,enfutpeinée,caraprèstoutill’avaitpasséeavecelle.Ellelevalesyeuxsursonbeauvisage,etunetentationirrésistiblelasubmergea.Etsielledansaitaveclui?Justeunefois.

N’écoutant pas la petite sonnette d’alarme qui pourtant rugissait dans sa tête, elle sourit, ets’entenditdéclarercommesic’étaituneautrequiparlaitàsaplace:

—Lasecondesolution,c’estquenousdansions.Zaksetendit.Toutelasoirée,ilavaitluttépournepastroplaregarder,tantelleétaitbelledanssa

robedelourdesoieblanchequimoulaitsesseinssomptueux,etsoulignait lacourbemagnifiquedeseshanches…Danseravecelleseraitdelafolie.Etpourtant…Oui,pourtant, ledésirdelatenirdanssesbrasétaitplusfortquetout.Unedanse,uneseule?Oùétaitlemal?

—Sivousvoulez,murmura-t-ilenselevant.Ellepritlamainqu’illuioffraitpourlesuivresurlapiste,etcenefutqu’aumomentoùill’enlaça

qu’ellepritconsciencedesesentirsipetite,simenue,entresesbras.Sonvisageatteignaitàpeinesonépaule,etsonodeurcitronnéecaressaitsesnarines,luifaisanttournerlatête.

Dansl’orchestre,uninstrumentdominaitlesautres,lancinant,hypnotique.—J’adoreceson,murmura-t-ellecontrel’épauledeZak.—Lebouzouki?Moiaussi,jel’aime.Certainsletrouventunpeutroppopulaire,maispourmoi,

c’esttoutelaGrèce.Zak,toutendansant,sentait leshanchesdelajeunefemmeondulertandisquesescheveuxblonds

caressaientsajoue.Elledansaitcommedansunrêve…Ilfermauninstantlesyeux:comments’étonnerqu’ellesoitsilégère,sisoupleentresesbrasquandsamèreluiavaitapprisàdanser?Iln’yavaitpluspenséquandilavaitacceptédel’entraînersurlapiste.Etmaintenantilcomprenaitqu’elleaitpurendreunhommefoudedésirrienqu’endansant.C’étaitcequiétaitarrivéàcechanteurderockvieillissant:ellel’avaitenvoûté.

Ilsentaitsesseinscontresapoitrine,sentaitmêmeleurspointesdressées,dures—oùétait-ceuneillusiondesessensenfiévrés?

Ilnetiendraitpaslongtempssanssetrahir,tantcettejeunefemmel’excitait,ilsecontenaitaupointquec’enétaitdouloureux.Ettoutàcoup,ileuthontedelui.IlsedégoûtaitdedésirerEmmaàcepoint!Quelgenred’hommeétait-ilpourselaisserexciterparlafemmequ’aimaitsonfrère?Ilfallaitarrêtercette comédie, l’arrêter tout de suite. Comment avoir imaginé qu’il pourrait danser avec elle et secontrôler?

Sans que rien ne le laisse prévoir, il lâcha la taille d’Emma et se pencha pour lui murmurer àl’oreille:

—Allons-nous-en!Lavoixétaitbasse,maisletonintraitable.Emmalevasonvisageverslui.—Pourquoi?Nousvenonsjustedecommenceràdanser!Alors,encetinstant,touteslesdéfensesqueZakavaittentéd’édifier,et toutledésir intensequ’il

avaitvoulurefoulersemuèrentenunerageindicible.— Je ne sais pas si vous êtes naïve ou si vous faites semblant de l’être, Emma, mais nous ne

pouvonspascontinuerainsi,siffla-t-ilentresesdents.Nousflirtons,dansons,sansvouloiradmettrecequenousdésironsl’unetl’autre.C’estmal,etnouslesavons,vousautantquemoi.Parceque,tôtoutard,nousnepourronsplusnousarrêter.Celavousparaîtpeut-êtrenormaldesortiravecdeuxhommesà la

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fois,maismoi,çanemeplaîtpas.Certes,j’aienviedevous,maiscen’estpaspossible.Sivousvouleztoutsavoir,unepartiedemoiméprisevotrecharmeenvoûtantdesirène,mêmes’ilmeséduit.Etquevousayezensorcelémonpauvrefrèremerendmalade.

Letonétaitsidur,l’accusation,siviolentequ’Emmasutqu’elledevaitluidirelavéritémaintenant.D’ailleurs,n’aurait-ellepasdûlaluirévélerplustôt?

—Vousvoustrompezdutoutautout,murmura-t-elle,relevantlatêtepourregardersoncompagnondanslesyeux.Iln’yarienentreNatetmoi,etilnes’estjamaisrienpassé.

Zaksefigea.—Jenecomprendsrienàcequevousmedites!—Natetmoisommesbonsamis,c’esttout,expliquaEmma,et,cettefois,danssahâteàrétablirla

vérité, les mots semblaient lui échapper. Je vous ai laissé croire que nous étions amoureux sur lademandedeNatquiespéraitque,noussachantséparés,vous lesurveilleriezunpeumoins. Ilenavaitassezquevoussoyezsursondostoutletemps.Enoutreiltrouvaitquepourmacarrière,c’étaitunplusdepartirquelquetempsàNewYork.C’esttout.

—C’esttout,dites-vous?UneveinesemitàbattreàlatempedeZakenmêmetempsqu’ilintégraitcequ’ilvenaitd’entendre.

Voilà des jours que sa culpabilité le torturait, sans compter les longues nuits sans sommeil où il étaitrongéparlafrustration,etcettefemme,sijolie,siattirantequ’ellesoit,effaçaittoutenquelquesmots?C’enétaittrop…

—Ons’enva !gronda-t-il en lui saisissant lepoignetpour la raccompagnerà leur tableoùelleavaitlaissésonsac.

Celui-cirécupéré,illaguidaverslasortie.—Zak…—Taisez-vous!Dehors,cettefois, lesflashsdesphotographesdepressecrépitèrent, le tempsqu’ilss’engouffrent

danslevéhicule.

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8.

Emma,enproieàunsentimentd’injusticeetd’incompréhension,pritplacesurlabanquettearrière.Murédansunsilencedemarbre,soncompagnons’installaàcôtéd’elleetlalimousinedémarra.

Quel autre choixavait-ellequed’obéir àZak?Etque fairemaintenant ?Profiterd’un feu rougepour bondir hors de la voiture, et courir héler un taxi ? Ce serait un peu théâtral. N’empêche que, àmesure qu’ils approchaient du Pembroke, Emma s’en voulait de s’être mise dans une situationimpossible.

ElleauraitdûparlerdeNatplus tôt,beaucoupplus tôt, surtoutquand,depuis ledébut,elleavaitsentiqu’ilsepassaitquelquechoseentreeux.Tousdeuxavaientluttécontrecetteattirancephysiquequilespoussaitl’unversl’autre,ellen’avaitjamaisétédupe,alorspourquoiavoirniél’évidencejusqu’àcequ’elleéclate,brûlante,gênante,aucoursd’unedanse,cesoir?MaintenantZak luienvoulait, il étaitivrederage,etEmman’avaitdereprocheàadresserqu’àelle-même!

EnarrivantauPembroke,elles’attendaitàlevoirsortirdevoiturecommeunfoupourdisparaîtresans l’attendre.Mais il l’escorta jusqu’à l’ascenseuretappuyad’ungeste furieuxsur leboutondesonétage.Danslacabineoùilsétaientseuls,l’atmosphèreétaitirrespirable.Soudain,Zakexplosa:

—Pourquoi?Peux-tumedirepourquoitum’asmentisurtarelationavecmonfrère?Il la tutoyait, maintenant : était-ce la colère ? Ou bien sa manière de ravaler Emma à un rang

inférieur?—Tusavaisbien,reprit-il,contenantmalsavoix,tusavaisquenousétionsattirésl’unparl’autre,

etquecedésirentrenousnefaisaitquecroitreàmesurequenousnousvoyions?Cegenredesituationt’excite?Dis-moi,tut’amusaisàmevoirluttercontreledésirquetum’inspirais?

—Non,biensûr.—Alorspourquoinepasm’avoirditlavérité?Emma ne répondit pas tout de suite. Comment lui avouer qu’elle s’était sentie trop vulnérable,

qu’elles’étaitprotégéederrièrecettemiseenscène,carelleavaitpeurdel’emprisequ’ilexerçaitsurelle. Samère avait été si souvent flouée, ridiculisée, par des hommes dont elle avait envie et qui luipromettaientmontsetmerveillespourl’abandonnersitôtqu’ilsavaientobtenucequ’ilsvoulaient.Quantàelle-même,sonmariagedésastreuxluiavaitbienmontréqu’elleétaitcommesamère:dépourvuedetoutjugement,s’agissantdusexemasculin.

—Cen’était jamais lebonmoment, finit-ellepardire,etaussi j’avaispromisàNatquevous lelaisserieztranquille.

—Sijel’ennuyais,iln’avaitqu’àtrouverlecouragedemeledireenface!assenaZakquisecoualatête,ahurisoudainden’avoirpasvul’évidence.

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Car si Nat avait été sérieusement amoureux d’Emma, il n’aurait jamais supporté d’être séparéd’elle,ill’auraitrejointeoùqu’ellesoit,àNewYorkouailleurs!Pourquois’êtrelaisséaveugler?

Parceque,commetoujours,ilétaitmuparsonbesoindetoutcontrôler.Ilmanipulaitlesgenspourqu’ils agissent pour ce que lui-même considérait comme leur bien. Il était ainsi, et n’y pouvait rienchanger.D’ailleurs,cetraitdecaractèreavaitaussisesbonscôtés:c’étaitenmaîtrisantlasituationqu’ilavaitsauvésafamille.Quandlacréaturequ’avaitépouséesonpèreensecondesnocesavaitdilapidélafortunefamiliale,c’étaitlui,Zak,quiavaitassurélasurviedetousetlesavaitprotégés.

IljetaunregardàEmma,plusravissantequejamaisavecsesyeuxvertsenamandeetsacascadedecheveuxblonds.Il la laisseraità laportedesachambreavantderemonterdanslasienneoùilboiraitsansdoutejusqu’àplussoifpournepluspenseràsapropreimbécillité.

Mais comme il fixait la somptueuse robeblanche,moulée sur cecorpsqui l’avait excité toute lasoirée,unepenséeluivint:aprèstout,pourquoipas?Querisquait-il,maintenant?

Lesportesdelacabines’ouvrirentàl’étagedelajeunefemme.Commeellesortait,Zakluisaisitlepoignetpourlaretenir.Elleperditl’équilibreet,pourl’empêcherdetomber,ill’attiracontrelui.

—Nemetouchezpas!dit-elleavecuneviolencecontenue.—Abandonnecetairdeviergeeffarouchée,veux-tu,marmonna-t-il.Cesoir,nousallonsenfinfaire

cedontnousrêvonsdepuisquenousnoussommesvuspourlapremièrefois.Jevaist’embrasser,Emma,t’embrasseràt’enfaireperdrelaraison,puisjeteferail’amourencoreetencore.Amoins,biensûr,quetun’enaiespasenvie?

Les yeux verts s’étaient embués, Zak le vit, tout comme il vit les lèvres entrouvertes quifrémissaient,offertes.

—Oui,tuenasenvie,ironisa-t-ilencore.Pourtouttedire,jem’endoutaisunpeu.D’ungestedécidé,ilappuyasurleboutondutrente-quatrièmeétage,oùsetrouvaitsasuite.—Nousavonsassezattendu, tunetrouvespas?reprit-ilcommel’ascenseur redémarrait.Lanuit

nousappartient.Etdemain,nousauronspeut-êtreenfinlesidéesclaires.Emmafrémitquandilpritsabouche,etseslèvress’ouvrirentd’elles-mêmes,tantellesavaientfaim

de l’hommequi lesembrassait.Sentantsamainpossessivesur lapeaunuedesondos,elle fut toutdesuiteenfeu.Ah!commeelleavaitenvied’êtredévêtuecontre lui !Ledésir la ravageaitavec tantdeforcequesesjambesvacillaient.

Malgrélaviolencedesonémoi,dansunepartierestéelucidedesonesprit,Emmaavaitdumalàcroireque cela lui arrivait enfin.Parceque jamais auparavant, elle n’avait rien ressenti depareil.NiavecLouisniavecpersonne.Non, jamaisellen’avaitétéemportéeparun tourbillonqui ladépassait.C’estpourquoielles’étaitcruefrigide,aidéeencelaparcequedisaientleshommesdesfemmesqu’ilsneparvenaientpasà…àexciter…

Zakfouillaittoujourssabouchelorsquelesportesdel’ascenseurs’ouvrirent,révélantsurlepalieruncoupleentenuedesoiréequiécarquilladesyeuxincrédules.

—Bonsoir,lançaZak,trèsaimablementpuis,prenantlamaind’Emma,ill’entraînadanslecouloir.Emmaentenditalorslavoixchoquéedelafemme:—Tuasvucequ’ilsfaisaient,Earl?—Oui,réponditl’interpelléavecunsoupçond’envie.La jeune femme avait les joues rouges quand ils arrivèrent devant la suite de Zak, et, quelques

instantsplustard,elleétaitbientropbouleverséeparcequiluiarrivaitpours’intéresserausomptueuxdécordelapièce.

—Jeneteproposepasdeprendreunverre,luiditalorsZak,nousavonsassezattendu,etnousnesommespasicipourça.Etpuisilyaeutropd’imposture,entrenous:cesoir,jeveuxquenoussoyonshonnêtesl’unenversl’autre.Tucomprends?

Emmahochalatête.

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—Tuvasmedirecequetuveuxdemoi,reprit-il,etjeleferai.SesmotsexcitèrentEmmaencoredavantage,maiselleeutpeuraussi,carcommentsavoircequ’elle

voulait?Uninstant,ellecrutquesesnerfsallaientlatrahir,maisZakvenaitdel’attirerdanssesbras,eteffleuraitsabouchedelasienne.Alorsunfrémissementl’agitatoutentièretantelleavaitenviedelui.

—Oh!Zak,souffla-t-elle,tandisqu’ilécartaitseslèvresduboutdesalangueexigeante,mêlantsonsouffleausien.

—Dis-moi,Emma,dis-moicequiteferaitplaisir.—Je…Lesmotsrestèrentbloquésdanssagorge:commentarticulercequ’ellen’avaitjamaisentrevuque

danssesfantasmeslesplusfous?—Ceci,peut-être,murmura-t-ilenempaumantsesseinspourencaresserlespointesdressées.Emmagémit,toutsoncorpstenduàl’extrême.—Oh!oui!gémit-elle.—Jelepensaisbien.Etceci,çateplaîtaussi?Enparlant,Zakavait faitglissersamain le longduventrede la jeunefemme,sesdoigts jouantà

peinesurl’étoffeblanchedelarobe,etsapaumes’immobilisa,possessive,lourde,sursonpubis.Puis,doucement,sesdoigtsexplorèrentlerenflementsisensible,etZak,ignorantlespetitscrisdeprotestationdelajeunefemme,laissasesdoigtscourirplusbas…

—Oh!Zak,articula-elle,lavoixbrisée,lesyeuxclos,terrifiéeàl’idéedetrahiràquelpointelleétaitignorantedeschosesdel’amour.

Il ladévoraitdu regard touten lacaressant,et sentaitmonteren luiuneexcitationcommeiln’enavaitplusconnuedepuis très longtemps.Elleaussi était excitéeet il aurait trèsbienpu laprendre là,debout,sansautreformedeprocès.Iléprouvaitencore,malgrésondésir,assezderagecontreellepourenavoirenvie.Laprendrevite,sanscaresse,delafaçonlaplusprimitive,etpuislarenvoyer…

Maisledésirqu’elleluiinspiraitétaittroppuissant,tropexceptionnelpourqu’ill’assouvissesansen profiter longuement, pleinement. S’ils devaient être ensemble une fois, pas davantage, leur plaisirdureraittoutelanuit,etcettenuitseraitinoubliablepourellecommepourlui.

Il la souleva sans effort, elle ouvrit les yeux, et il y lut un abandon qui l’emplit d’une indiciblesatisfaction.Ellequiavaitprotestéquandill’avaitaffirmédécouvraitmaintenantqu’eneffetlesfemmesaimaientêtredominéespar leshommes…Caril ladominait,ohoui!Zakpouvaitfaired’ellecequ’ilvoulait,latraitercommesonesclave,s’ilenavaitenvie,ellen’étaitplusenétatdeluirésister…

Danslachambre,illadéposadeboutdevantlelit.Toujoursjuchéesurseshautstalons,elleprituneprofondeinspirationtoutens’accrochantàsesépaulespournepasvaciller.

—Enlèvetesescarpins,ordonna-t-il.Emmanotaletonautoritaire,maiselleétaittropemportéeparsessensenfiévréspours’yarrêter,et,

avecdesgestesmaladroits,ellesedébarrassad’unechaussure,puisdel’autre.Privéealorsdesesseptcentimètresdetalon,ellesesentitminusculeetvulnérable,etcesentiments’accrutencorequandZakluidemandad’untondur:

—Tarobeestneuve?Ellesecontentadehocherlatête,etilbougonnaavecuneragemalcontenue:—Tantpis!En gestes nerveux, pressés, il lui arracha la belle robe blanche qu’il envoya valser sur le sol.

Ensuite,aveclamêmefébrilité,ilsedébarrassadesavestedecostumequiatterritàsontourparterre,àcôtédelarobe—noircontreblanc, lemêmecontrastequ’entre leursdeuxpeaux: foncéepour lui,etblanchepourEmma…

—Maintenant,c’esttoiquivasdéfairemonpantalon,intima-t-ilencore.

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Le ton érotique de sa voix remplit Emma d’un sentiment d’urgence jusqu’alors inconnu, et uneévidencelafrappa:cequ’elleéprouvait,cequ’ellefaisaitétaitnormal,beau,etrienaumonden’étaitplusprécieuxquecequiétaitentraindesejouerentrel’hommeetlafemmequ’ilsétaient.Desesdoigtstremblants,elleessayadefaireglisserlafermetureEclairdupantalon,tendueàl’extrêmeparl’érectiondesoncompagnon.Ilémitunsoupirdecequidevaitêtredusoulagementquandsonsexelibérésurgit,dur,imposantsouslecaleçondesoienoire.Maisilsaisit lamaind’Emmaquandcelle-cicherchaàlarefermersurluipourlecaresser.

—Non,pascettefois!Occupe-toidemachemise…Ilôtaseschaussures,puisenvoyapromenersonpantaloncommeEmmas’affairaitsurlesboutonsde

lachemise.Quandellel’eutenlevée,ilsfurenttouslesdeuxfaceàface,nusoupresque:elleavecsonpetitsoutien-gorgeetunminusculestring,etluidanssonboxer-short.

Alors la peur s’empara de nouveau d’Emma. Lemoment de vérité approchait, et la catastrophepouvaitencorearriver.Emmaconnaîtrait-ellelamêmedéceptiondoubléed’unehumiliationcuisante?EtZaksedétournerait-ild’elle,ivrederageetdefrustration?Ellesentitsesjouess’empourprer.

—Tu rougis ? interrogea Zak d’une voix presque douce, caressant de son pouce la ligne de samâchoire.

—C’est…c’estquetoutvasivite,sedéfendit-elle.—Jenesuispassûrdepouvoirattendretrèslongtemps.Zakplissalesyeuxavantdereprendre:—Dis-moicequitefaitplaisir,Emma?Querépondre?Illuiavaitdemandéd’êtrefranche,maisilauraitétéfoudeleprévenirquepeut-

être,elleneseraitpas…Non,ellenedevaitpasleluidire…quedeviendrait-elles’ildécidaitdenepasallerplusloin?Alors,Emmaarticulalesmotsqueluidictaitsoncœur,ceuxqueluiinspiraitsondésirpourlui.

—Jeveuxquetusoiscequetues,souffla-t-elle.C’étaient bien les femmes, songea Zak avec ironie. Ne saisissait-elle pas l’absurdité de ses

paroles?Ellel’avaitabusépendantunmois,etmaintenantelleluidemandaitd’êtrelui-même!Mais son désir était le plus fort, tant pis pour la rouerie des femmes, il ne tenait plus tant il la

voulaitnue,àlui,pourlui!C’étaitsafemmepourcettenuit!Theos,ill’avaitattendueassezlongtemps!Une fois dégrafé leminuscule soutien-gorge, il ne put retenir une exclamation en découvrant les

magnifiquesseinsfermesetronds.Pressémaintenant,ilfitglisserlestringlelongdeslonguescuisses,puissedébarrassatrèsvitedesonboxer-short.Ilsétaientenfinnus!L’espaced’uninstantlesouffleluimanquaparcequecetéphémèrebonheur,qu’iln’avaitenvisagéquedanssesrêveslesplustorturés,étaitenfinlà,àsaportée!

Lesyeuxd’Emmaétaient embués, et il crut y percevoir une lueur d’appréhension.Avait-elle desdoutes?Desregrets?Ilnelefallaitpas,carplusriennelesarrêteraitmaintenant.

—Tuveuxfairel’amour,n’est-cepas?demanda-t-ild’unevoixrauque.—Oui.Avecunesortedegrondementsauvage,illapritdanssesbrasettousdeuxbasculèrentsurlelit.—Oh !Emma,marmonna-t-il, la voix étranglée,Emma, j’ai tant rêvéde cet instant !Toutes les

nuits,jem’interdisaisdepenseràtoi,maistum’apparaissaisenrêve,etmonrêvedevientréalité…Ilembrassaseslèvres,puissoncou,sesoreilles,etsesépaulesjusqu’àcequ’ellepoussedespetits

crisdeplaisirsurgisduplusprofondd’elle-même.Alorssabouches’emparadelapointed’unsein,qu’iltaquina du bout de sa langue tandis que samain descendait toujours plus bas, le long de son ventre,jusqu’aucœurdesaféminité.

—Zak!gémit-ellequandundesesdoigtss’insinuaenelle.

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Mais,bientôt, sesappréhensionsdisparaissaient,comme il lacaressait, explorantdesondoigt sachaleurhumide.

Le plaisir assaillitEmma commeune vague brûlante que rien n’aurait pu arrêter.Elle sentait lesbattements puissants du cœur de Zak, et respirait l’odeur de sa propre excitation, comme son corpss’épanouissaitsouscettecaresseintime.Etbientôtelleéprouvalebesoinurgent,irrésistible,d’enavoirplus,d’avoirZakenelleaussiloinqu’ilétaitpossible.

—Jet’enprie,souffla-t-elle.Ill’abandonnaletempsdetrouverdansletiroirdelatabledenuitdequoiseprotéger,etcomme

Emmagémissaitdoucementilseretournapourl’attirerdenouveaudanssesbras.Letempsdescaressesétaitpassé,pourluicommepourelle.N’ytenantplus,Zaklapénétra,glissant

loindansladouceurdesonsexe.Emma eut un petit cri étranglé et Zak crut y déceler une note… de surprise, peut-être ? Il

s’immobilisa,lasentantseraidir.Maiscelaneduraquel’espaced’unsouffle.—Emma?murmura-t-il,laregardantsanscomprendre.Elleavaitlesyeuxfermésetsonvisageétaitàpeinesoulevé,commeunefleurcherchantlesoleil.—Emma?—Fais-moil’amour,jet’enprie,Zak…Ilcommençaàremuerenelle,toujoursplusloindanssachaleurhumide,sapeausombre,presque

noire,contrelasiennesiblanche.Ilavaitcouvertsabouchedeseslèvres,etlatenaitétroitementcommeleursdeuxcorpssecabraientensembleaurythmetoujoursplusrapidedeceva-et-vientvieuxcommelemonde.

Zakvoulaitjouir:ilseretenaitdepuisl’instantoùill’avaitpénétrée,etjamaisdesavieiln’avaiteu autant de mal à se contrôler. Il se faisait l’impression d’un adolescent à sa première fois. Il luisemblaitqu’iln’yavaitjamaiseudefemmeavantcelle-ci,etilladésiraitcommejamaisauparavant.

Ilattenditpourtantd’entendresonsoufflesefairepluscourtetdesentirlelongfrémissementdesoncorps,commesiellesecrispaitautourdelui.Alors,seulement,illibérasasemenceavecuneviolencequilepropulsadansununiverstourbillonnantdesensationsinouïes…

CommeEmmafrémissaitencore,ils’accrochaàellepourenfouirsabouchedanslasoiepâledesescheveux,etdelongsinstantsdurantlesilencedelapiècenefuttroubléqueparleursdeuxrespirationshaletantes.

Zakauraitaiméretenircemomentpour l’éternité,mais il fallaitd’abordqu’ilsache lavérité.Sesoulevantsuruncoude,ilobservaEmma,sonvisageencoreempourpré,sesyeuxlasetcommeétonnés.

—Emma?Savoixétaitmalassurée,maisilenauraitlecœurnet.—Dis-moilavérité,Emma,tuétaisvierge?Est-cepossible?

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9.

—Ausensstrict,jecrainsqueoui,admitEmma,quifermaaussitôtlesyeuxpourmasquersagêne.—Strict?Dequoiparles-tu?interrogeaZakavecimpatience.Tul’étaisoupas?La question ressemblait fort à une accusation.Emma, qui voguait encore sur les ailes du plaisir,

redescendit sur terre.Elle aurait tant aimé rester dans cet état de béatitude irréelle, quand elle venaitseulementdedécouvriràquelpointleplaisirpouvaitêtreexaltant!Hélas,Zakl’interrogeait,voulaitdesréponses,etiln’étaitpashommeàlesattendrelongtemps.

Elleseredressaàdemipourdemanderaveclassitude:—Faut-ilquenousparlionsdecelamaintenant?—Oui!Tupréfèresattendred’êtreoccupéeàaccrocherlesrideauxdanslesalonnuptial,pendant

queCindyécouteranotreconversation?—Non.—Alorsjeveuxtesexplications.—Iln’yapasgrand-choseàdire,soupiraEmma,sinonqueLouisetmoin’avonsjamaisconsommé

notremariageausenslittéralduterme.—LouisPattersonétaitpourtantcélèbrepoursesprouessessexuelles!—Ilétaitaussigrosconsommateurdedrogueetd’alcool!CroisantleregarddeZak,Emmafuttoutàcoupprochedeslarmes.Maiselleneluimontreraitpas

combienelleétaitvulnérable.—Faut-ilquejet’expliquetoutdansledétail,Zak?Tudoiscomprendrecequejeveuxdire,non?—Ilétaitimpuissant?interrogeal’interpelléaprèsunsilencepesant.Emma hocha la tête, tandis qu’un douloureux sentiment qu’elle connaissait bien l’étreignait de

nouveau.Carelles’étaitsentieresponsable,àl’époque.Pourtant,aprèsavoircherchédansleslivresetsur internet, elle avait appris que l’impuissance était l’un des effets secondaires les plus fréquents del’abus de drogues et d’alcool. Néanmoins elle s’était culpabilisée : tout était sa faute, elle était tropignorantedeschosesdel’amour,ettropfaibleaussi,puisqu’elleneparvenaitpasàempêchersonmaridesedroguer.Et si elle avait étéplus jolie, et plus attirante, plus expérimentée, peut-êtreLouis aurait-ilpu…

Louisbiensûr,aulieudelarassurer,l’avaitaucontraireconfortéedanssaculpabilité,affirmantquenon,luin’yétaitpourrien,d’ailleursiln’avaitjamaiseudeproblèmesexuelavantdelaconnaître.

—Oui,admit-elled’unetoutepetitevoix,ill’était.Zakdemeuramuetunmoment,secontentantdesecouerlatêted’unairincrédule.—J’aidumalàlecroire,finit-ilparmurmurer.—Cen’esttoutdemêmepasuncrimed’êtrevierge!tentadeprotesterEmma.

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—Laquestionn’estpaslà,ettulesais!Jamaisjen’auraispul’imaginer,ettudevaist’endouter.Maissoittun’aspaspenséàmeledire,soittuasdécidédenepaslefaire.Orj’auraisvoululesavoir,Emma,etdécidersiouiounon jevoulaisêtre lepremierpour toi.Etpuis,pourquoimoi,etpourquoimaintenant?

Emmafrissonna,etremontasurelleleduvetfroissé.Avait-elleeutortdesetaire?Peut-être,maissurtoutn’avait-ellepasredouté,àuncertainniveaudeconscience,que,lesachant,unsensdel’honneurmalplacéretienneZakd’allerjusqu’aubout?

—Pourquoitoi?soupira-t-elle.Ai-jebesoindetedirecombientuesséduisant,Zak?J’avaisenviedetoi,c’étaitplusfortquemoi,situveuxlavérité.

Aprèsquelquesinstantsderéflexion,Zakdemanda:—Iln’yajamaiseupersonned’autre?Denouveau,Emmaperçutl’incrédulitédanssavoix.—Non.SonexpérienceavecLouisavait renforcésaméfianceà l’égarddeshommes,méfiancequis’était

formée à son insu en observant le comportement de sa mère. Louis l’avait complexée, lui affirmantqu’ellen’étaitpasnormaleau lit,etelle l’avaitcru,éprouvantmalgréelleunesortedesoulagementàl’idéed’êtrefrigide.Ainsi,ellen’auraitjamaisplusrienàfaireavecleshommesquin’apportaientquetourmentsetennuis.Rayerlesexemasculindesavieneluiavaitposéaucunproblème,dumoinsjusqu’aujouroùelleétaitentréedanslebureaudeZak.

—Jepensaisquej’étaisfrigide,avoua-t-elled’unetoutepetitevoix.Zakeutunrirebref.—Ehbien,jepeuxt’assurerquetunel’espas!Ilsemoquaitd’elleàprésent.Emmasentitsesjouess’empourprer,etbalbutia:— Nous avons eu tort, nous n’aurions jamais dû. Je vais filer, regagner ma chambrée, et nous

oublieronstouslesdeuxcequivientdesepasser.Joignantlegesteàlaparole,elleseredressad’unmouvementsouplepoursortirdulit.Zakréagitaussitôt:—Pasquestionquetut’enailles!s’exclama-t-ilavecunesortedesauvagerie.Nousavonstoutela

nuitdevantnous.Enparlant,ilportaitmaintenantsurelleunregardbrûlantdeconvoitise,etàsagrandehonte,Emma

sutqu’ellenerésisteraitpas.Quandill’attiradanssesbras,etelleselaissaaller,docile,heureuse.—Je suis seulementunpeuahuridedécouvrirque j’étais lepremier, souffla-t-il tout contre son

oreille,etj’espèreque…Iln’allapasplusloinetpritsabouche.Quand, de longs instants plus tard, leurs lèvres se séparèrent, Emma demanda d’une voix mal

assurée.—Qu’espères-tu?—Quetun’aspasattendusilongtempspourrien:quej’aisutedonnerduplaisir.Emma se redressa.Avait-il pitié d’elle ? La pitié !Un sentiment qu’elle redoutait entre tous, et

qu’elleavaittoujoursévitéd’inspirer!Estimait-ilqu’elleétaitàplaindrepourêtrerestéeviergejusqu’àl’âgedevingt-neufans?

—Tume demandes de noter ta performance sur une échelle de un à dix ? demanda-t-elle avechauteur.

Zakéclataderiretoutenlaserrantcontrelui.—Nonbiensûr,jen’aijamaiseubesoinqu’onmerassuredanscedomaine.Sansdoute les femmesavecqui ilavaitcouché luiavaient toujoursditquelamantmerveilleux il

était,songeaEmma,vitetroubléeparZak,quitaquinaitàprésentsesseinsduboutdelalangue.Bientôt,

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ellefrémitdelatêteauxpieds,enmêmetempsqu’unfeuintenses’éveillaitaucreuxdesesreins.Rejetantlatêteenarrière,ellemurmurad’unevoixétranglée:—Oh!Zak…Ilsoulevaàpeinelatête.—Chut,articula-t-il,laisse-moifaire,lasecondefoisestsouventmeilleure.—M…meilleure?—Oui,pluslente…plusexquise…Mmh…—Zak?Que…quefais-tu?Ilavaitnichésonvisagetoutenbasdesonventre,ettournantuninstantlatête,regardaEmmaavec

unelueurquilafittremblerd’anticipation.—Jevaist’embrasserpartoutoùtuesdouceetfemme,tuvasvoircommec’estbon.Elleauraitvouluprotester,maisquandelleouvritlabouche,Zakavaitdéjàenfouisonvisageentre

sescuisses,etsalangues’aventuraitenelle…Oh!ill’embrassaitlà…ellesentaitleboutdesalanguequicherchait,taquinait,excitait…C’étaitsibon!

Emmagémit,inconscientedetoutsaufdubonheurineffablequ’illuidonnait.Sescuissess’étaientécartéesd’elles-mêmes,commepourmieuxluioffrirsonsexeépanouid’oùcoulaitlesucduplaisir.

Son secondorgasme laprit par surprise, plus fort encoreque lepremier, et elle sut alorsque leplaisir sexuel était une réalité, qu’il suffisait d’être avec l’homme que l’on désirait pour le connaîtreencoreetencore.

—Oh,Zak!gémit-elledenouveau.Sansrépondre,ilattenditlesderniersspasmesduplaisirpourseredresserd’unmouvementsouple,

et plonger en elle, long, dur, profond. Puis le rythme de son corps changea, elle le sentit se tendre,entenditsonsoupirétouffé,puiss’abandonner,lourdetbrûlantdanssonventre…

Sansunmot,ellenoualesbrasautourdesoncou.Ilnefallaitpasromprelecharme.Peut-êtrenereferaient-ilsplusjamaisl’amour?Entreeux,c’étaitl’affaired’unenuit,riend’autre.Quepouvait-elleespérerd’unhommecommeZakConstantinides?

Larespirationcalmeetrégulièredesoncompagnonlatirabrusquementdesespensées.Ildormait!Remuantlemoinspossible,elletournalatêtepourregardersabelleboucheàpeineentrouverte,etsescheveuxdejais,sisombrescontrelablancheurdel’oreiller.Détendu,ilétaitsibeau!Emmaauraitpulecontemplerdesheuresdurant!Etpourtantelleseressaisit:oùétaitpasséesalucidité?

Ellen’étaitpourZakqu’unefemmeparmi tantd’autres, inutiledese leurrer.Mieuxvalaitvoir laréalitéenface,sidouloureusesoit-elle.EnGrecorgueilleuxetmachoqu’ilétait,ilétaithorrifiéparsonpassé, il le lui avait dit lui-même, et qu’il lui ait fait l’amour ce soir n’y changeait rien. Alors quepouvait-elleespérerdelui?Qu’illaconduisedemainchezleplusgrandbijoutierdeNewYorkpourluiacheterunebaguedefiançailles?Retombesurterre,Emma,quelschoixas-tu,etquelleestlasolutionlamoinsmauvaise?

Ellepouvaitpasser lanuit iciavecZak,s’enivrerdesadoucechaleur, lecontempleravecdélicejusqu’à l’aube… Comme c’était tentant ! Mais au petit jour, il se réveillerait, et que se diraient-ils,alors?

Selontoutevraisemblance,Zakregretteraitcequis’étaitpassé.Alors,quitterlasuiteavecsarobetoutefroisséedansladurelumièredupetitmatinseraitinsupportable.Emmafrissonna.

Sic’étaituneaventured’unenuit,ehbienellegarderaitsonamour-propreintact!Enpartantsansattendrel’aube,iln’yauraitpasd’adieuxgênés,stupides,humiliants…

Prenantgardedenepasfairedebruit,Emmaseglissahorsdulit.Grâceauciel,Zaknebronchapas, et elle put récupérer ses vêtements qu’elle porta dans le salon pour se rhabiller. Ses mainstremblaientcommeelleajustaitsarobe,etl’idéequeZakseréveillelaterrifiait.Commentl’affronterait-elle sans qu’il lise en elle ? Car il risquerait de comprendre, alors, que cette nuit ne lui avait pas

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seulementrévéléqu’elleétaitunefemmenormale.Emmasesentaitdésormaisplusfragileencore,commesi la barrière qu’elle avait érigée autour d’elle s’était effondrée, et qu’elle était désormais nue, sansprotection.Toutaufondd’elle-même,unequestioncommençaiteneffetàlatarauder:n’était-ellepasentraindetomberamoureusedeZakConstantinides?

Al’instantoùelleouvraitlaportesansbruit,elleaperçutsonrefletdanslegrandmiroir,au-dessusdelacheminée,etenfuteffarée.Avecsescheveuxendésordre,sarobetoutefroissée,etsurtout,surtout,l’expressionégaréedesonvisage,elleétaitl’imagemêmedelafemmedontlaseulefonctiondanslavieestdedonnerduplaisirauxhommes!Ellesemitàtrembler.

Parcequesonrefletdanslaglaceluirappelaitsamère,quandellevenaitdequitterlesbrasd’unhommequ’elleauraitvouluretenir.C’estainsiquelapetitefillequ’Emmaétaitalorslavoyaitlematin,quandelleprenaitsonpetitdéjeuneravantdepartiràl’école!Orcettepetitefilles’étaitjuréqu’elleneseraitjamaisainsi!

Aprèsavoirrécupérésonsac,Emmafilasansbruit,refermantlaportesurelle.

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10.

— Si je n’étais pas bien placé pour savoir ce que je sais, je te demanderais s’il est dans teshabitudesdeprofiterdusommeild’unhommepourdisparaîtresansmêmeluidireaurevoir!

EmmaessayadepercerleregarddeZak.Quelsentimentluidictaitsesparolesénoncéessuruntontrèsdur?Lacolère?Oujusteuneviolentefrustrationparcequec’étaitellequiavaitdécidédepartir,lanuitdernière,etquepourunefoisiln’avaitpasdictésaloi?

Elleétaithabilléechaudement,etpourtantelleavaitfroid.L’hiverétaitsansdoutetropavancépourqu’elletravailleencoresurlaterrasse,maiscematin,aprèssanuitd’amour,bouleversée,enproieàunenervosité insupportable, elle avait ressenti le besoinde s’échapper, ouplutôt de lui échapper, sachantpourtantqu’illarejoindraitquandilenauraitenvie

—Jenevoulaispasteréveiller,protesta-t-ellesansconviction.—Pourquoi?—Parceque…Ellehésitaetsoudainsadécisionfutprise:pourquoijouerauchatetàlasouris?Nes’était-elle

pasmiseànuquandilsavaientfaitl’amour?Zaklaconnaissaitmaintenantmieuxquequiconque:mieuxqueLouis,etmieuxmêmequesapropremère…

—Parcequej’avaispeurquetuteréveillescematinenregrettantcequenousavionsfait.Ilyeutunsilencejusqu’àcequ’Emma,n’ytenantplus,demande:—Jenemetrompaispas,n’est-cepas?Zak avait noté son visage très pâle, et le trouble dans ses yeux verts. Elle avait rassemblé ses

cheveux enun chignonperché au sommetdu crâne, et dans sonvieux jean et sa veste en lainage, ellen’avait plus rien à voir avec la déesse grecque qui avait dansé dans ses bras, la veille. La questionqu’ellevenaitdeluiposerprouvait,s’ilenétaitbesoin,combienelleétait inexpérimentée.Unefemmeavertien’auraitjamaisétéaussidirecteaprèsuneseulenuitavecunamant:elleauraittropredoutéqu’ilneprennepeur…

Parassociationd’idées,ilpensaalorsauphotographequiavaitsurprisleurrapidesortieaprèslaréception,laveille,etilserralesdents.Cematin,touteslesrédactionsdétenaientsansdouteunclichéqu’elles publieraient un jour ou l’autre, quand l’actualité ne serait pas assez riche pour remplir leurscolonnes.Alors, à coup sûr, suivraient les spéculations habituelles sur la «mystérieuse blonde » quil’accompagnaitcesoir-là.

—Cen’étaitpeut-êtrepasunetrèsbonneidée,secontenta-t-ilderépondre.Emmasentitsoncœurvaciller.—Cen’étaitpasbonpourtoi?

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Denouveau,ilserralesdents.Aquiconqueluiauraitposélaquestion,ilauraitrépondudenepasjouerlesnaïves,maisEmmaleregardaitavectantd’inquiétude!Comptetenudesonhistoire,Zakavaitledevoirdelarassurersansluidonnerdefauxespoirs.

—J’aieubeaucoupdeplaisir,aucontraire,déclara-t-ilenpesantsesmots,commetoi,jecrois?—Oui,admit-elledansunsouffle.—PrionslecielqueNatnevoiepaslesphotosqu’ontprisesdenouslesreportershiersoir.Emmaleregardaavecétonnement:—Jet’aiditqu’iln’yavaitjamaisrieneuentreluietmoi.—Ilvautmieuxquandmêmequetuneluiendisesrien,saufs’ilt’interroge,biensûr.—Iln’estpasquestionquejeparleàquiquecesoit,s’exclamaEmma,tupeuxmefaireconfiance.Etellereprituninstantplustard,malgrécequ’illuiencoûtait:—D’ailleurs,sic’estplussimplepourtoi,jepeuxrentrertoutdesuiteàLondres.Jelaisseraides

instructionsàCindy,ellesedébrouilleratrèsbien.Toutlematérielestcommandéetdevraitarriverdanslasemaine,ilneresteraplusqu’àassurerlamiseenplace.Ceseral’affairedequelquesjours.Etjenesuispasindispensablepourlasoiréed’inauguration.

Zakplissalesyeux:—D’habitude,quandjefaisl’amouràunefemme,ellen’apasenviededisparaîtreàl’autreboutdu

mondedèslelendemain,déclara-t-ilavecironie.—Jen’aipasditquej’enavaisenvie,murmuraEmma,baissantlesyeux,maisceseraitpeut-êtrele

plussage.—Tuneparsnullepart,déclaraZakd’untonquin’admettaitpaslaréplique.Aujourd’hui,tuvas

travaillercommed’habitude,etcesoir,à20heures,tuviendrasmerejoindrepourdîner.—Dîner?Commentcela?—Qu’ya-t-ildesiextravagant,comptetenudescirconstances?Saufévidemmentsituasd’autres

projets.Emmaluttacontrelesourirequimenaçaitd’illuminersonvisage.Ilnefallaitpastrahirsonbonheur,

etcefutsuruntonàpeuprèsdétachéqu’ellerépliqua:—Non,jepeuxtrèsbiendîneravectoi.—Parfait, j’aides réunionsà l’autreboutde laville, j’enverraiunevoiture te chercher, et nous

nousretrouveronsaurestaurant.Celateva?—Toutàfait.Ilseleva.Allait-ill’embrasseravantdepartir,laserrerdanssesbras,avoirungestedetendresse

rappelantqu’ilsavaientpassélanuitensembleets’étaientaimésàlafolie?Non.Ilsecontentad’unbrefsourireavantdetournerlestalons.

Ilneluiavaitmêmepasdits’ilregrettaitcequiétaitarrivé!Emmadécidadecesserd’ypenserenseconsacrantàsontravail.AvecCindy,ilrestaitencorecertainschoixàfaire:lacouleurdesbougiesqui éclaireraient les tables, par exemple, et la décision ne fut pas facile à prendre. Ensuite, il fallutaccrocheruntableauaumur,etlesdeuxjeunesfemmess’yattelèrentjusqu’àcequ’Emmafûttoutàfaitsatisfaite.

—Tuesunevraieperfectionniste!lataquinaCindyquandlatoilefutenplace.Emmaluirenditsonsourire.—Disonsquejefaisattentionauxdétails.C’estimportantdansmonmétier.

***

La journée fut trèsoccupée,mais, le soirvenu,Emmasentit renaître sanervositéen regagnant sachambreavantdesortirdîner.Pournerienarranger,quandelleouvritlejournalquiavaitétéglissésous

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saportecommetouslesjoursetvoulutjeteruncoupd’œilàlarubriquepeople,elledécouvritunephotod’elle,sortantdelafêtedeSofia,escortéedeZak.

Voilà des années qu’elle ne s’était plus vue dans la presse, et elle éprouva lemême dégoût quejadis:cetteimpressionodieused’êtrelivréeenpâtureaumondeentiersansenavoirétéinformée.

C’estdanscetétatd’espritqu’elleprit sadoucheavantdes’habiller,etcontrairementà laveilleelle choisit une petite robe noire toute simple, qu’elle agrémenta d’un long sautoir en perles.Rien devoyant,cesoir:aprèscequiétaitarrivéaprèslafête,ellepréféraitpasserinaperçue.

S’étantmunie d’uneveste chaude, elle descendit à la réceptionoù le portier l’escorta jusqu’à lavoiturequil’attendait.

Un longmomentaprès,car il avait fallu traverserManhattandans ladensecirculationdusoir, lechauffeur ralentissait devant un restaurant discrètement éclairé. Cette sobriété était, Emma le savait,l’apanageduvraichic,àNewYorkcommeailleurs.

Unefoisentrée,lajeunefemmedonnalenomdeZak,etilluifutréponduqu’iln’étaitpasencorearrivé.Voulait-ellel’attendreaubar,ous’installertoutdesuiteàlatablequileurétaitréservée?

Emmaoptapourlatableet,entraversantlatrèsbellesalleàmanger,elles’efforçadegarderlatêtehautepourmieuxdissimulersanervosité.Quefaisait-elledansunendroitpareil?sedemandait-ellepourlaénièmefois.Pourquoiavoiracceptél’invitationd’unhommequin’étaitmêmepascapabled’arriveràl’heure?

Elle commanda de l’eau minérale et, comme elle en buvait une gorgée, s’aperçut qu’elle étaitl’uniquefemmeseuledel’assistance.Sonmalaises’accrut.

ZakfinitpararriveraprèsuneattentequiluiparutinterminableetEmmasentitsoncœurs’emballertantilétaitbeau.Danslalumièretamiséedurestaurant,sonteintsombreprenaitdesrefletsdorés,etellesepritàfrissonner,commeluirevenaientavecuneprécisionconfondantelessouvenirsdelanuit.

—Pardond’êtreenretard,dit-ilens’asseyant.—Cen’estpasgrave.Jemesuisamuséeàdétaillerladécorationetj’yaitrouvépasmald’idées

quinemeseraientpasvenuesàl’esprit.Zakregardaitlajeunefemmeavecattention,et,àsongranddam,ilsentitledésirsurgiraufondde

lui.—Tuestrèsbelle,cesoir.—Oh!tutrouves?Cetteroben’estque…Illacoupaenriant:—Danscecas,onrépond:«Merci,Zak.»—Merci,Zak,répéta-t-ellecommeunécho.Ilpritalorslemenupourleluitendre,disant:—Lacuisinevégétarienneestexcellenteici.Emmaleregardaavecétonnement:—Tut’ensouviens?—J’aiunebonnemémoiredesdétails.Et, toutenparlant, ilserenditcomptequ’Emmaétait touchéepar lespetitesattentions.Cen’était

pas la femmedure, intrigante, qu’il avait imaginée audébut, et cela signifiait peut-être qu’il devait laménager.Avait-ileuraisondel’inviteràdîner?Etsielles’imaginaitqueleurrelationallaitdurer?

Pourlui,évidemment,pasquestiondeselancerdansuneaffairesérieuse,maistoutdemêmeilavaitétélepremierpourelle,illuiavaitmontréqu’onpouvaitavoirduplaisirenfaisantl’amour.Ilresteraitavecelleletempsdeparacheversonéducationdanscedomaine,elleleméritaitbien.

—Tu…euh…tuasvulaphotodanslejournal?demanda-t-elle,hésitante.—Oui,etjel’aifaitretirerdetoutesleséditionsenligne.—Ilsontaccepté?

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—Ilsn’ontrienàmerefusersijeleurprometsuneinterviewexclusiveet,net’inquiètepas,jeferaicequ’ilfautpourqu’onnet’importunepas.

Emmafuttouchéeparletonprotecteur:il luisemblaittoutàcoupqueriendemalnepouvaitluiarriversielleétaitsoussonaile.

Zak,quiladétaillaittoutàloisir,notasesonglesrougesang:uncontrastemarquantaveclapetiterobenoire, et il seprit à imaginer cesongles incarnat sur sapeauéchauffée…Soudain, il regrettaden’avoirpaseu recoursau roomservice, ce soir.Maisnon,Emmaenméritaitdavantage,mêmesi leurhistoireneduraitquejusqu’àsonretouràLondres,cequiétaitprobable.

—Tesonglesm’étonneronttoujours,murmura-t-il.Ilssonttoujoursimpeccables,ettoujoursd’unecouleurdifférente.C’estcurieuxpourquelqu’unquisemaquillesipeu.

Luiaussiavaitunœilpourlesdétails!Emman’enrevenaitpas.—Dansmonmétier, lesclientsadmettentvolontiersqu’onsoitvêtud’unmauvais jeanetd’unT-

shirt,expliqua-t-elle:c’estenquelquesortel’uniformedetravail.Enrevanche,nosmainsdoiventêtretrèssoignéesparcequenouslesmontronsbeaucoup:soitenexaminantaveclesclientsdeséchantillons,soitenleurprésentantdesplans,desobjetsouautres.Desmainsnégligéespeuventenvoyerunsignaltrèsnégatif.

—Pourquoiavoirchoisicerougeécarlate,cesoir?Emmasemitàrire.—Toutbêtementparcequelerougeetlenoirvonttrèsbienensemble.Zakritàsontour.— Au temps pour moi qui imaginais déjà que tu voulais m’envoyer toutes sortes de messages

subliminauxàcaractèreérotique!Ilsetutcommelesommelierarrivaitavecunebouteilledechampagneetremplissaitleurscoupes.

Aprèsquoi,lemaîtred’hôtelpritleurcommande,pendantqu’Emmas’interrogeaitsurlecomportementàadopteravecsoncompagnon.

Cequ’ilavaitditsursesonglesl’avait troublée,maiscen’étaitqu’unflirt.Fallait-ilmaintenir laconversation sur ce ton personnel, ou au contraire profiter de ce tête-à-tête pour essayer demieux leconnaître ? Flirter n’était pas dans la nature d’Emma. Pire, elle réprouvait ce petit jeu, ayant vu tropsouventsamères’ylivreravecsesamants.EnrevancheensavoirplussurZak,connaîtresesmotivationsprofondes,cequ’ilaimaitoupasetpourquoi,telétaitsonpluscherdésir.Etcomptetenudecequis’étaitpasséentreeux,Emman’avait-ellepasledroitdeluiposerquelquesquestions,sansparaîtreindiscrète?

—Tusaispasmaldechosessurmoi,déclara-t-elleàbrûle-pourpoint.—Tum’enveuxd’avoirengagéundétectiveprivé?Emmahaussalesépaules:elleavaitoubliéledétail.—Adirevrai,çam’estégal.Cequejeveuxdirec’estquetuensaisplussurmoiquemoisurtoi.

C’estinégal,ajouta-t-ellesurletondelaplaisanterie.Zakfronçalessourcils.—Natt’apourtantparlédemoi,j’imagine?—Pasbeaucoup,non.Ilnem’adonnéquelesgrandeslignesdevotrehistoirefamiliale.—Quoi,parexemple?Emmaprit sa lourde fourchetteenargentpourdéguster la saladecomposéequivenaitde luiêtre

servie.—Ilm’aditquevousaviezeuuneenfanceetuneadolescenceprivilégiées.—Privilégiées,a-t-ildit?Zakfitentendreunrirepleind’amertume.— C’est une façon de voir. Il t’a parlé de la jeune femme de chambre que ma mère avait

embauchée?

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Emmaentenditperçutaussitôtl’âpretédanssavoixethochalatête.—Ilamentionnéeneffetledivorcedetesparentsetleremariagedetonpèreavecelle.Comme il était facilede résumer l’histoireenquelquesmots !Toutpouvaitparaître si simple, si

anodin,avecdesmotsbienchoisis!Zakenétaitoutré,etmarmonna,maîtrisantmalsavoix:—T’a-t-ilpréciséquelafemmedechambreenquestionn’avaitquevingtans,alorsquemonpère

enavaitcinquante-trois,qu’elleétaitbelle,avecuncorpsderêvequ’elleexhibaitvolontiers,etdelongscheveuxblonds?

—Non,ilnem’enariendit.—Cettefilleafaitàmonpèreuncharmeinsensé,etlui,biensûr,aétéflatté.Zaksetut,réfléchitavantdereprendrelaparole:— J’aurais sans doute compris qu’il couche avec elle : elle était si jolie que peu d’hommes lui

auraientrésistéenlavoyantsepromenerenBikiniautourdelapiscine.Jepeuxtedireque,cetteannée-là,tousmesamisvenaientsebaignercheznous!

Il avait prononcé cette dernière phrase avec amertume comme lui revenait ce sentiment de hontequ’ilavaitéprouvéenvoyantsonpèreparaderaveccettecréature.

—Etqu’est-ilarrivéaprès?interrogeaEmma,conscientequelesujetravageaitsoncompagnon,etqu’ildevaitselibérer.

—Cequi seproduit souventdenos joursmaisquiétaitassez rareenGrèceà l’époque,dans lemilieuoùnousvivions.Monpèreadéclaréqu’ilétaitamoureuxetvoulaitdivorcerpourépousercettefille.Mamèrenes’enestjamaisremise.

Zak, parcequ’il ne l’avait jamais acceptée, ne raconterait pas la lente descente aux enfers de samère,quiavaitsombrédansuneprofondedépressiondontelleavaitfiniparmourir.

Sonmari,biensûr,neluiétaitpasrevenu,tropabsorbéparsanouvelleviepours’inquiéterd’elle.Sanouvelleépouselerendaitfou,etilnevoyaitmêmepasqu’elleétaitentraindeleruiner.

Auboutd’unlongsilencequ’Emmasegardabienderompre,Zakreprit:—Lepire,vois-tu,c’estquepersonnen’atrouvésoncomptedanscetterupture.Monpèreafinipar

comprendre—mais il lui a fallu du temps— qu’il avait commis la plus grosse erreur de sa vie. Ilcroyaitaimer,envérité,sarelationavecsanouvellefemmen’étaitquephysique.Tousdeuxneparlaientpaslemêmelangage,n’avaientpaslamêmeculturenilesmêmesvaleurs.Jen’aipasvumonpèredesannéesdurant,maisj’aiassisté, impuissant,aulongcalvairedemamère.Notrefortuneaétédilapidéeparma…

Commeilhésitait,Emmalepressa:—Partabelle-mère?—Non!Nedispascemotenparlantd’elle!s’exclama-t-ilavecunefureurmalcontenue, jene

peuxpasassociercettefemmeaumotde«mère».Elles’estcomportéeavectropd’indignité.—Ques’est-ilpasséensuite?demandaencoreEmma,sonintuitionluisoufflantqu’iln’enavaitpas

fini.—JemesuisoccupédeNatpendantlamaladiedenotremère,etaprèssamort,puisdemonpère

quandcettegarcel’aabandonné,unefoisqu’iln’apluseuunsou.Enfin,pasàpas,sil’onpeutdire,j’aireconstituélafortunedesConstantinides.

Ilhaussaalorslesépaulescommes’ils’agissaitdepeudechose,etEmmaneditrien,commençantàcomprendrebiendestraitsdecaractèrequ’elleavaittrouvésirudes,chezcethommequilatroublaitauplus haut point. Comme il avait dû se sentir démuni en voyant s’effondrer sous ces yeux un universprivilégiéqu’ilavaitcruacquis,immuable!Ledivorcedesesparents,puislamortdesamère,etenfinla ruine et la perte du statut social avaient dû être des expériences intolérables pour un homme fiercommeZak.

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Cesépreuvesexpliquaientsansdouteaussi sonbesoinde toutcontrôler.Demême, ilavaitété leseul enmesure de prendre soin de son petit frère, et on comprenaitmieuxqu’il se sente le devoir decontinuer à veiller sur lui. Enfin, Emma commençait à entrevoir pourquoi Zak avait un tel désir deréussite : jusqu’à ce soir, elle croyait qu’il avait héritéde la fortunedesConstantinides.En réalité, ill’avaitreconstituéeenrepartantdezéro.

Ensilence,elleplongealesyeuxdansceux,d’unbeaugrisprofond,desoncompagnon.L’évocationde son passé avait été douloureuse, elle le voyait à son visage tendu, à son regard torturé, et elle sedemandatoutàcouppourquoiils’étaittantconfié.C’estalorsqu’ilreprit.

—Jepensequetucomprendsmaintenantpourquoijenemesuispasmarié.Ilyeutunsilence,puis:—Jenemerappellepast’avoirjamaisposélaquestion,sedéfenditEmma.—Non,mais,àunmomentouàunautre,tuasbiendûypenser.Elleauraitpuprendreunairoutragépourluidirequ’ilprenaitsesdésirspourdesréalités.Mais,

après ce qu’il venait de lui raconter, elle n’avait pas envie de lui rendre coup pour coup. Zak avaitsouffert, elle le savaitmaintenant, lavie l’avaitblessé, alorspourquoinepas lui témoignerunpeudebontésansrienattendreenretour?Ilsuffisaitdeluirépondreavechonnêteté.

—C’estvrai,admit-elle,jemesuisposélaquestion,etjenesuissansdoutepaslaseuleàm’êtreétonnéequ’unhommecommetoi,quiatoutpourlui,restesilongtempscélibataire.

Sa franchisepritZakdecourt. Ilbutd’abordunegorgéedechampagneavantdedire,pesant sesmots:

—C’esttoiquiasparléd’inégalité,toutàl’heure,s’agissantdecequenoussavionsl’undel’autre.Ehbien,monexpériencem’aenseignéquel’égalitén’existepasdanslesrelationsentrehommeetfemme.Enamour,ilyenatoujoursunquiaimetrop,etl’autrepasassez.

—C’estcequiestarrivéavecLéda?osademanderEmma,commeluirevenaitlesouvenirdecettefemme très spectaculaire qu’elle avait vue en compagnie de Zak, à Londres. Celle aussi qui l’avaitconvaincudetransformerunesalledefêteduPembrokeensalonnuptial.EtEmman’avaitpasoubliénonpluslesmotsqueNatavaitadressésàsonfrèreausujetdecettefemme.

—Lédaareprésentépendantquelquetempsl’idéequejemefaisaisd’unefemmequel’onépouse,admit-il d’un ton agacé,mais j’avais trop d’affection pour elle pour risquer de lui faire dumal, et jen’étaispassûrdepouvoirl’éviter.

Zakpoussaunsoupiravantdereprendre:—Quoiqu’ilensoit,elleatrouvéquelqu’und’autre,ettoutestpourlemieuxdanslemeilleurdes

mondes!Emma imaginait-elle lanuancede regretdans savoix ?C’était possible.En tout cas, elledevait

prendrecequ’ilvenaitdediresurLédacommeunemiseengarde.C’étaitsansdoutesamanièredelaprévenirqu’ilnefallaitrienattendredelui.

Etvoilàqu’ilajoutait:— Certaines personnes sont faites pour des relations stables sur le long terme, d’autres pas.

J’appartiensà la secondecatégorie,Emma.Beaucoupde femmesontessayédemechanger,mais sanssuccès.Alorsmaintenantquetusaislavérité,as-tuencoreenviedepasserlanuitavecmoi?

La jeune femmecroisa le regardgris et le soutint :Zaknepromettait rien, il avait été clair, leurrelationnelamèneraitnullepart.Maissel’entendredirenechangeaitriencaravait-ellelechoix?Non,biensûr!

Elle avait attendu trop longtemps de connaître le plaisir. Zak l’y avait initiée avec un art et unegénérosité sans pareils. Allait-elle tourner le dos au bonheur parce qu’elle savait qu’il ne serait paséternel?

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—Oui,j’enaienvie,dit-elled’untonaussinaturelqu’elleleput.Et,cettefois,jenepartiraipasaumilieudelanuit.

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11.

Pourlapremièrefoisdesavie,Emmaavaitl’impressiondemenerl’existencenormaled’unejeunefemmedesonâge:ellesortaitavecunhomme,ilsdormaientensembleetapprenaientàseconnaîtreenpartageantleurtempslibre.C’étaituneexpériencenouvelle.

AvecLouis, il avait fallucacher leur relation,audébut : son impresario redoutait eneffetque lanouvelled’unénièmemariagenuiseàl’imagequ’ilvoulaitredonnerdelastardurock:unsex-symboltoujoursàl’affûtdesjoliesfilles.Unefoismarié,sonpointdevueavaitchangé,etlajeunessed’Emmaavait aucontraire servidecautionà lavirilitéprétenduede sonmari. Il avaitdonc falluqu’Emmasemontrepartoutavec lui.Maisoùétait l’intimité,dansuneviepareille?Surtoutque, lorsqu’ils étaientenfinseuls,Louisenprofitaitpourboireetsedroguer…

AvecZak,Emmacomprenaitenfincequ’étaitunevraierelationentreunhommeetunefemme.Elleavaitpenséqu’ilselasseraitd’elleauboutdequelquessoirées.Ouqu’ilessaieraitdelavoirlemoinspossible,saufpourpasserlanuitavecelle.Ehbien,ill’avaitsurprise!

Nonseulement,touslessoirsoupresque,ilsdînaientensembledanslesplusgrandsrestaurantsdeManhattan,maisill’emmenaitaussivoirdesexpositions,etunefoisilsétaientallésécouterunconcertauCarnegieHall.Mieux,ilavaitréussiàseprocurerdesplacespourunecomédiemusicaledeBroadwayquifaisaitsallecombledepuisdesmois.Lapièceétaitsidrôlequ’EmmaavaitriauxlarmesetZak,quil’observait,avaitsortidesapocheunimmensemouchoirimmaculépourleluitendreavecunesolennitécomiquequiavaitdenouveauprovoquél’hilaritédelajeunefemme.

IlnecherchaitdoncpasàcachersarelationavecEmma,moinsencoreàs’endéfendre,carentoutescirconstances, dans le travail comme en société, il se montrait prévenant et attentionné, manifestanttoujoursàquelpointilappréciaitsacompagnie.

Hélas,commentarrêterlacoursedutemps?L’inaugurationdusalonnuptialapprochait,etEmmasesentait comme Cendrillon, peu avant minuit, quand elle savait que son carrosse se transformerait encitrouille.SonbilletderetourpourLondresétaitpris,ellepartiraitetZakresteraitàNewYork.

Laveilledel’inauguration,celui-cil’emmenadînerdansunsomptueuxrestaurant,audernierétaged’ungratte-ciel.Autantdireenpleinciel.Unmincecroissantdelunedessinéàlaperfectionsedétachaitcommequelquemystérieuxcaractèrechinoisaumilieud’unemyriaded’étoiles.Maismalgrélasplendeurdudécor,Emmaavaitlecœurlourd:sondépartétaitsiproche,àprésent.

—Jen’auraispasdû sortir, soupira-t-elle, caressant lebordde sa coupede champagne. Il resteencoretantàfairepourl’inauguration.

—Tuastravaillétoutelajournée!—Jesais,mais…

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—Tout se passera très bien, la coupaZak, je neme fais aucun souci.Mais, dis-moi, Emma, tudevraismangerdavantage,ajouta-t-ilaprèsunregardàl’assiettedelajeunefemme.

—Tunemangespasbeaucoupnonplus,rétorqua-t-elleavecunsourirenostalgique.—C’estvrai,jen’aipastrèsfaim.D’ailleursjecommenceàmedemanderpourquoinouspassons

notredernièresoiréeici,alorsquenousserionstellementmieuxdansmasuite,àl’hôtel.—Tuviensdecommanderunebouteilledechampagne!fitminedeprotesterEmma.—Quelleimportance!Jevaisdemanderl’addition.Ilsquittèrentlerestaurantpeuaprès,etprirentuntaxiparcequeZakn’avaitcommandésalimousine

quepour23heures.A l’arrièreduvéhicule, ils s’embrassèrent commedeuxadolescents, et, quand ilsfurentenfinseulsàl’hôtel,ilsprirentàpeineletempsdesedévêtiravantdefairel’amouravecpassion,deboutdans le salon, tant lamêmeurgence lesdévorait tous lesdeux.Aprèsquoi ils secouchèrentetrecommencèrent.Et recommencèrentencore.PuisEmmas’endormit sansmêmes’en rendrecompte,et,quandelle repritconscience,elleavaitencoresommeil,mais laplaceàcôtéd’elleétaitvide.Elle seredressa, lecœurbattant :dans lapâleclartéde l’aube,sedécoupait lahautesilhouettedeZakquisedéplaçaitsansbruit.

—Quelleheureest-il?demanda-t-elle,toutensommeillée.—6h10.Emmaétouffaunbâillementavantd’éclairerlalampedechevet.—C’esttôt!Tuasdesréunions,cematin?Zakl’observadanslalumièreàpeineocréedelalampe:soncorpssplendideprenaitdesreflets

d’or.Commeelleétaitbelle!Cesoirseraitleurultimenuit,ilfallaitserendreàl’évidence,demainellerepartiraitpourLondres,etceseraitlafindeleurliaison.

—Hélasoui,ettoutelajournéeaussi.—Oh!queldommage!—Inutiledefairecettejoliemoue,Emma.Zakgagna le litetsepenchapourdéposerunbaisersur lescheveuxblonds.Commeilssentaient

bon!—Tumeprovoquessansmêmelefaireexprès,plaisanta-t-il.Maistuastropàfaireaujourd’hui,toi

aussi,pourquenousnouséternisionsaulit.Cesoirestimportantpourtoi.Emmalesavait:l’inaugurationpouvaitêtreuntriomphe,maisrienn’étaitgagné.Elleavaitfaitde

sonmieux,maintenant,aupublicdejuger.L’enjeupourelleétaitdetaille,c’étaitclair,etpourZakaussi,quicomptaitsurl’événementpourmédiatisersonnouvelinvestissement.

Danslajournée,ilfaudraitmettrelamainauxderniersdétails:lesfleurs,lesbuffets,lamusique…Puisarriveraient lespersonnalités importantes, leséventuelsclients,etbiensûr toutcequeNewYorkcomptaitdecélébrités,sansparlerdesjournalistes.

Etaprès?Quandlesinvitésseraientrepartis,etquelesalonseraitauxmainsdesemployéschargésderangeretnettoyer,qu’adviendrait-ild’Emma?

Soncœurseserraetelledutfermerlesyeux,sentantpoindreleslarmes.EllerentreraitàLondres…sansZak.

Maisellenemontreraitpassafaiblesse.EnsortantavecZak,elleavaitfeintd’ignorercombienlejeuétaitdangereux.Pourtantaufondd’elle-même,elleenavaittoujourseuconscience.Aussisefaisait-ellel’effetd’unpapillonquiavolétropprèsdelalumièreets’estbrûlélesailes.

—Jelemesure,répondit-elleavecunentrainforcé.Cesoir,maréputationprofessionnelleestenjeu.

Zakpromenaseslèvressursonépaulenue.—Tun’aimeraispasquejet’épuisedèslematin,n’est-cepas?fit-ilvaloirenriant.Emmaenfouitlesdoigtsdanssescheveuxdrus.

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—Tu en es sûr ? interrogea-t-elle, effleurant de ses lèvres la ligne de lamâchoire fraîchementrasée.

C’étaitàpeineunecaresse,maisZaksentitundésirfulgurantexploserdanssonventre,etd’ungestequ’ilnecontrôlaitpasilpritdanssapaumel’undesseinsdelajeunefemme.Commeleursdeuxcorpsréagissaientàl’unisson!Ils’enémerveillaitchaquefoisqu’ilsétaientensemble.Jamaisiln’avaitconnupareilaccordphysique,mêmeavecdes femmesmille foisplusexpérimentéesqu’Emma.Parfois, il luisemblaitqu’elle leconnaissaitmieuxquequiconque,qu’elleavaitpercé l’armuredont il seprotégeaitdepuistoujours…Et…celaluifaisaitunpeupeur.

Aprésent,elleleregardaitdesesimmensesyeuxverts,soncorpslascifoffert,sescuissesàpeineécartéescommeuneinviteinconsciente…Zakhésita:pourquoinepassedéshabillerenhâte,etentrerenelle,s’yperdre,s’ynoyer?Elleétaitsidouce…Ilfermauninstantlesyeux,emportéparledésir,maissa raison prit le dessus : d’abord, il n’avait pas le temps, et ensuite, il ne voulait pas lui donnerl’impressionqu’ilétaitincapabledeluirésister.Carlaruptureétaitproche,ilsdevaients’ypréparertouslesdeux.

Ilseredressad’unmouvementbrusque,repoussantsescheveuxd’unemainnerveuse.Ellerepartaitdemain,ilétaittempsdel’intégrer!

—Toutàfaitsûr,oui,marmonna-t-il,etceneseraitpasnonplusunebonneidéequejerencontreledirecteurd’unedesplus importantesbanquesaméricainesenayantencore tongoûtet tonodeursurmapeau.Rendors-toi,ajouta-t-il,etonseretrouveàl’inauguration.

Quandlaporteserefermasurlui,Emmaseleva.Ellenepourraitplusdormir,ellelesavait,aussiprit-ellesadoucheets’habilla-t-elleavantdepeindresesonglesd’unjoliblancàpeinenacré,biendansl’espritdusalonnuptial.Maiselleavaitbeaus’appliquer,sonespritvagabondaitpourrevenirtoujoursaumêmepoint.Ouplutôt,àlamêmepersonne.

Zak…L’heuredelaséparationapprochait.Emmaavaittoujourssuqu’elleétaitinéluctable.Zakluiavait

expliquéentoutefranchisecequ’ilpensaitdel’amouretdesrelations.Mais,toutaufonddesoncœur,n’avait-elle pas espéré qu’il ferait une exception pour elle ? Quelle idiote elle était ! Quelquesmerveilleuxmoments de tendresse après l’amour ne signifiaient pas qu’il voudrait un jour vivre avecelle!

Dansunsursautd’amour-propre,Emmasereprit:ens’accrochantàquelquechosequin’étaitpasréaliste, elle se comportait comme sa mère chaque fois qu’un de ses amants prenait ses distances !Allons,ducourage!SaliaisonavecZakn’étaitpasunegrandehistoired’amour,justeuneaventure,etdansl’immédiatelleavaitd’autrespréoccupations,àcommencerparl’inaugurationdecesoir.

Mueparsaconscienceprofessionnellealliéeàsondésirdesuccès,Emmapassa la journéeavecCindyàréglerlesdernierspréparatifsdelaréception.Ellesnes’arrêtèrentqu’à17heures,s’accordantune petite heure pour se préparer avant de se retrouver dans le salon afin d’y accueillir les premiersinvités.

Emmaavaitchoisideporterlabellerobedesoieblanchequ’elleavaitachetéepourl’anniversairedeSofia,etquiparaissaitneuveaprèssonpassageaupressing.QuantàCindy,elleétaitravissantedansunensembledesoiebleu,assortiàsesyeux.

Promenant leurs regards sur le salon enfin achevé, toutes deux demeurèrent silencieuses, commeimpressionnées,puisCindys’exclamaàmi-voix:

—Oh!Emma,c’estbeaucommeundécordecontedefées!L’interpelléehochalatêteet,gagnéeparl’enthousiasmedesajeuneassistante,renchérit:—C’estvrai.J’espèrequelesfuturesmariéesapprécierontaussi.Desrideauxenlinblancnaturelencadraientlesimmensesfenêtres,etlalumièresereflétaitdansde

trèsgrandsmiroirscontemporainsquidonnaient l’impressionque lasalleseprolongeaità l’infini.Sur

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les tableshabilléesdenappesassortiesaux rideauxscintillaientdescouvertsenargentetde superbesverresencristal.Enfin,surélevéedansunanglede lasalle, trônaitunemagnifiquestatued’Aphrodite,ultimetoucheinattendueaudécor.Emmal’avaittrouvéeparhasardchezunantiquairedela60eRue,etavaitjugétrèsàproposlaprésencedecettedéessegrecquedel’amourdansunsalondestinéàfêterdesmariages.

Bien sûr, l’ironie de son choixne lui avait pas échappé : cette statue grecquen’était-elle pas unhommagemuet à sondieugrec à elle, cethommedont la conceptionde l’amour était si déroutante, sifrustrante ?N’avait-il pasdit un jour : «Enamour, il y en a toujoursunqui aime trop, et l’autrepasassez.»

LavoixdeCindyramenaEmmaauprésent.—Jefilevérifierquetoutestenplaceencuisine.Demeurée seule, Emma en profita pour faire une dernière inspection tandis que son esprit

recommençaitàvagabonder.Lédaserait-ellelapremièreàdonnersaréceptiondemariageici?Zak,lecaséchéant,serait-ilprésent,etregretterait-ildenepassetrouveràlaplacedumarié?

19heuressonnaientquandarrivèrentlespremiersinvités.Zakapparuttoutdesuiteaprès.Commetoujours,ilfutd’abordhappéparceuxquiétaientdéjàlà,maisillesabandonnavitepourse

dirigerversEmma.Ellebuvaitunverred’eauminérale,et,sansdireunmot,illaregardaavecuneintensitéquimitson

cœurenémoi:onauraitditqu’ilvoulaitimprimersonimageenlui.—Tudoisêtreheureuse,fit-ilobserveràmi-voixEmmaeutunsouriresansjoie.Commentaurait-ellepuêtreheureusealorsque,lelendemain,elle

seraitau-dessusdel’Atlantiquedansl’avionquil’emporteraitloindelui?—Jesuissatisfaite,oui,admit-ellesanslemoindreenthousiasme,carjepensequetutrouverasdes

clientssansdifficulté.Lecadredevraitplaireàtouteslesfuturesmariées.Oh!Regarde…Emman’achevapas saphrase, commevenaitd’entrerune jeune femme trèsbrune, à la coupede

cheveuxspectaculaire,vêtued’unerobedesoierougesang.Sonapparitionétaitsithéâtralequetouslesregardsconvergèrentsurelle.

—C’estLéda,mesemble-t-il?repritEmma.Zaktournalatête.—C’estelle,eneffet.— Zakharias, s’exclama Léda tout sourires, quelques instants après en se jetant au cou de

l’interpellé.Cesalonestmerveilleux!Quelleréussite!—C’estEmmaGearyqu’ilfautféliciter,elleétaitchargéeduprojet.LédaportasesyeuxtrèsnoirssurEmmaetcelle-civits’yéclairerunelueurdereconnaissance.—Maisoui, repritLéda, jepensaisbienvousavoirdéjàvue.Vousétiezdanscepetit restaurant

italiendeLondresavecNat,n’est-cepas?Commentva-t-il?QuediraitLédasiellesavaitlavérité?Emmasentitlerougeluimonteraufront,maiss’efforçade

fairefaceavectoutlenaturelpossible.— Il allait très bien la dernière fois que nous nous sommes vus,mais cela remonte à un certain

temps,déclara-t-elle.—Iltravaillesansdoutebeaucoup,renchéritZak,fixantdesesyeuxgrisinsondableslesirisverts

d’Emma.Maisenparlantdetravail,sivousvoulezbienm’excuser,touteslesdeux,jevoisM.lemairequivientd’arriver…

Emmal’auraitvolontiersétranglépourlalaisserainsientêteàtêteavecsonexàquiellen’avaitstrictementrienàdire!

Maiscelle-ci,aucontraire,semblaitd’humeurbavarde.—VousconnaissezZakdepuislongtemps?interrogea-t-elle.

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Emmahaussalesépaules.—Quelquesmoisseulement,maisj’ail’impressiondel’avoirtoujoursconnu.—J’aiéprouvélemêmesentiment.Lédamarquaunepauseavantdedemanderdebutenblanc:—Vousêtesamoureusedelui?Emma,désarçonnée,levalesyeuxpourcroiserceuxdelajoliebrune.—C’estunequestiontrèspersonnelle,fit-elleobserversanséleverlavoix.—Jesais,etjevouslaposeparcequemoi,jel’aiété.Ettouteunekyrielled’autresfemmesaussi,

j’imagine.Maisjecroisavoirétélaseulequ’ilaitenvisagéd’épouser.Lédaeutunrirebrefavantdepoursuivre:—Quandilestsortidemavie,j’aicruenmourir.Etpuisquelquetempsaprès,j’airencontréScott,

etmaintenantnousallonsnousmarieretjesuislaplusheureusedesfemmes.Levisagedelajeunefemmes’adoucit,commeelleénonçaitencore:—Cequejevoulaisvousdire,Emma,c’estqu’ilyaunevieaprèsZakConstantinides.Un serveur venait de surgir avec un plateau de petits canapés. Profitant de la diversion, Léda

s’éclipsa,abandonnantEmmaaucombledudésarroi.Lédane luiavaitpourtantditquecequeZak luiavaitfaitclairementcomprendre,maisentendrecesvéritésdelabouched’unefemmeavaituntoutautreimpact.OrEmmanevoulaitpaspassersadernièrenuitàNewYorkennepensantqu’àsondépart.Pasplusqu’ellen’avaitenviedesavoirqu’ilyavaitunevieaprèsZak,quandellerêvaitdepassertoutesonexistenceaveclui.Pourcettedernièresoirée,ellevoulaitcroireàsonrêve,mêmes’ilétaitsansespoir…

—Tuesbienmélancolique,chrisimou?LavoixdeZaklaramenaauprésent,etellelevalesyeuxsurlui.—Non!s’exclama-t-elleavecunfauxentrain,toutvabien.—Quet’aracontéLéda?—Rienquejenesavaisdéjà.—Tuluiasditquenousétionsamants?—Biensûrquenon!Jet’aidéjàditquejen’ensoufflerairienàpersonne.Maintenant,qu’elles’en

doute,c’estpossible:lesanciennesmaîtressesontunflairparticulierpourcegenredechose,j’imagine.—Dis-moi,Emma…Ellelecoupa,redoutantcequiallaitsuivre:—Entoutcas,enchaîna-t-elle,lesalonluiplaît.Quantàmoi,j’aurailasatisfactiondequitterNew

Yorkavecl’assuranced’avoirfaitdubontravail.En la regardant avec attention pendant qu’elle parlait, Zak songea tout à coup qu’il aurait pu lui

demanderderemettresondépartdequelquesjours.Iln’yavaitpaspensé.Pourtant,s’ilavaitprisunlongweek-endavecelle,ilauraitpuluifairesesadieuxavecunpeudepanache,plutôtquedelalaisserpartiràlapremièreheuresansmêmeprendreletempsdeluidireaurevoir…

Danslasalle,lebrouhahacroissait,entrecoupéd’éclatsderirequifusaientunpeupartout:detouteévidence,lasoiréeétaitunsuccès.MaisZakn’enavaitpasconscience,soudainailleurs,assailliparundésagréablesentimentd’inachevé.Sansréfléchir,ilcaressalebrasd’Emmaetvitsesyeuxsetroubleràcesimplecontact.Quelquechosedanslaréactiondelajeunefemmedéchaînaalorssondésir,etilsentitsonsangfuser,brûlant,danssesveines.Commentparvenait-elleàlerendrefouàcepoint?Avecelle,parmoments,ilnepouvaitpluspenseràrien,obsédéparsondésirdelaposséderlà,toutdesuite,avectoutelaviolence,toutel’ardeurqu’elleluiinspirait.

Le désir qui le ravageait en cet instant était intolérable, douloureux, et son corps tout entier secrispait.

—J’aimeraistediredeuxmotsenprivé,chuchota-t-il.—Biensûr.Quand?

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—Toutdesuite.—Maislaréception…—Lesgenssepasserontdenous.J’aibesoindeteparler,Emma.Lecœurd’Emmabattaitàtoutromprequandilssortirentdusalonnuptial.Uneabsurdepetitelueur

d’espoirpalpitait enelle, et faillit s’éteindrequandelle compritqu’il l’emmenaitdans sonbureau, aupremierétagedel’hôtel.

—Zak?s’étonna-t-elle,commeilclaquaitlaportesureuxetl’attiraitdanssesbras.Alorslapetitelueurd’espoirgranditpourdevenirunegrandeetbelleflamme.Ill’avaitsansdoute

attiréeiciparcequ’ilnepouvaitpasattendred’êtreseulavecelle?Peut-êtreregrettait-ilqu’ellepartelelendemain?

—Emma,articula-t-il,avantd’inclinersonvisagepourprendresabouche.Ce fut un baiser passionné, mais pas seulement : Emma eut obscurément l’impression qu’il

l’embrassaitavecunesortederage.Etcetteragelamitenfeu.Toutàcoup,ellen’enpouvaitplusd’avoirenviedecethomme,illeluifallait,maintenantettoutdesuite.Elleglissaavecfureurlesmainssoussachemisepours’agripperàsapeau,tandisqu’ildénouaitsonchignon,libérantsescheveux.

—Jeteveux,gronda-t-il,tuescommeunedroguequimedévore,meconsume,metue,mefaitdubien…

Enmarmonnant,ill’avaitsoulevéepourlapressercontresonsexedur.—Zak,soufflaEmma,oh,Zak,jeteveuxaussi!Toujours.Toujours!Lemot,telqu’ellel’avaitarticulé,aveclaforced’unecertitudeimmuable,futcommeunedouche

froidepourZak.D’unseulcoup, ilabandonnala jeunefemmeet,cherchantsonsouffleavecdifficulté,gagnalagrandebaievitrée.

Devantsonexpressiondureetfermée,Emmasentitsoncœurchavirer.Quesepassait-il?Qu’avait-elleditdemal?

—Çanevapas?Zakneréponditpas,luttantcontreledésirquicontinuaitàledévaster.Ilavaittantenvied’elle…

Toujours,avait-elledit.Lemotrésonnaitenluicommeungongquimenaçaitdeluifaireexploserlatête.Emmaétait-ellesisûredesonemprisequ’ellepensaitréussirlàoùlesautresavaientéchoué?Croyait-elleletenirpourlavie?L’idiote!Elleétaitpareilleauxautres.Iln’éprouvaitpourellequ’unviolentdésirphysiquequipasseraitavecletemps.

—Déshabille-toi,ordonna-t-iltoutàcoup.QuelquechosedanssavoixglaçaEmma.—Commentcela?—Tum’astrèsbienentendu.Enlèvetarobe!Ettonsoutien-gorge!Ettonslip!—Pourquoi?chuchota-t-elle,incrédule.—Allons,Emma,tunepeuxplusjouerlesviergeseffarouchées,surtoutavecmoi,grinça-t-ild’un

tondur.Maintenant,tuesdevenuelapluscoquinedespartenaires,etjeveuxtevoirnuedansmonbureau.C’est un fantasme que je caresse depuis quelque temps. Quand je passerai des coups de téléphoneennuyeux,jefermerailesyeuxpourmieuxmeremémorertonimage.

CommeEmmademeuraitinterdite,ilpassaunemaincomplaisantesurledevantdesonpantalonoùsonérectionétaitbienvisible.Lajeunefemmeentrouvritleslèvresenleregardant,etilreprit:

—Qu’est-cequiteretient?D’habitude,tuestoujoursprêteàmefaireplaisir.—Tefaireplaisir?répéta-t-elle,hébétée.Carillatraitaitcommesesamantsavaienttraitésamère:commeunefemmefacile,unsimpleobjet

deplaisir.— Tu te moques de qui ? interrogea-t-elle, trop effarée encore pour être en colère. Tume fais

montericiquandlafêtebatsonplein,etpourquoi?Pourquejetefasseunstrip-tease,suivijeprésume,

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d’unerapidepartiedejambesenl’air?—Jenet’aijamaisentendueparlerainsi,soufflaZak.—Peuimporte,tuvoistrèsbienoùjeveuxenvenir.Tusaisquoi,Zak?Tumedonnesl’impression

d’êtreunevulgairefilledejoie.Tulefaisexprès?—Tut’esdéjàdéshabilléedevantmoi,non?—C’étaitdanstachambre.—Tuesbienconventionnelle!Maissituveux,nouspouvonsmonterdansmasuite.Aprésent,Emmaéprouvaitunetellefureurqu’ellesecontenaitdifficilement.—Pourquoitecomportes-tuainsi,Zak?dit-elleàvoixbasse,craignantdetrahirsacolère.Illadévisageasansrépondre.Pourquoi,oui?Parcequ’ilétaitmoinsdangereuxdelafairefuirenla

traitantmalqued’admettrelavraienaturedessentimentsqu’elleluiinspirait?Parcequ’ilfallaitqu’ellesachesansambiguïtéoùelleenétaitaveclui?Oubienparcequeluicherchaitàignoreroùilenétaitavecelle?

—Parcequejesuisainsi,répondit-il,laconique,etvoyantleslèvresd’Emmasemettreàtrembler,ilajoutaàvoixbasse:excuse-moi…

Emma le regardaun longmoment.Direqu’elleavait rêvé,espéréqu’un jourZak tiendraitàelle.Pauvreidiote!Unefoisdepluselledevaitregarder lavéritéenfaceetentirer les leçons.Maiscettefois,ellen’étaitpluslafillettesansdéfensequidépendaitd’unemèreinstable.Pasplusqu’ellen’étaitlatoutejeunefillesansexpériencequis’étaitlaisségriserparlanotoriétéd’unhommeetquesamèreavaitpousséeàfaireun«beau»mariage…

Maintenant,elleétaitEmma,unejeunefemmeadulte,quines’obstineraitpasdanscequ’ellesavaitêtreuneerreur.Nourrirlevainespoird’unaveniravecZakétaitunleurre,ellelesavaitdepuisledébutde leur relation,mais ladécouverteduplaisirphysiqueavaitétéun telbouleversementqu’ellen’avaitpasvoulus’yarrêter.

Emmadevaitsemontrerforte,àprésent,etregarderlaréalitéenface,sansaigreurniamertume.Ilétaittempsd’accepterZaktelqu’ilétait,etnoncommel’hommequ’elleauraitvouluqu’ilsoit.

—Net’excusepas,dit-elled’untoncalme,tun’asrienfaitdemal.—Ahbon?s’étonna-t-il,jecroyaisquetuallaismereprochertouslespéchésd’Israël.—Pasdutout,non,commetul’asdittoi-même,tuesainsi.—Mais,toi,tuledissuruntonquimedonnelesentimentd’êtreméprisable.—Cen’estpourtantpasmonintention,jetelejure.Ilhochalatêteetréfléchitquelquesinstants.Emmaeneffetétaittoujoursdirecte,etquandelleavait

quelquechoseàdire,elleledisait.Maisjamaisellen’avaitessayédelemanipulercommetantd’autres.Ainsipasunefoisellenes’étaitarrangéepoursefaireoffrirquoiquecesoit.Non,elleétaitsansmalicenidétour…

—Ecoute,dit-ilauboutd’unlongsilence,oubliecequivientdesepasser,etretournonsavecnosinvités.Après,nousdîneronsensembleaurestaurantdel’hôtel.Celateconvient?

Dixminutesplustôt,Emmaauraitétélaplusheureusedesfemmes.Maintenant,lapropositionvalaitcequ’ellevalait:unrameaud’olivierpourcalmersacolèreets’assurerqu’ellecoucheraitbienavecluicesoir.

—Merci,maisnon.Zakplissalesyeux.—Commentcela,non?L’incrédulitédanssavoixlevalesderniersdoutesd’Emma:Zakétaitbienlepersonnagearrogantet

égocentriquequ’ellesoupçonnaitdepuisledébutetilnechangeraitjamais.—Nonc’estnon,répéta-t-elle,contenantmalsavoix.Jeneredescendraipasavectoi,etnousne

dîneronspasensemblecesoir.J’aiachevémontravailici,etjevaisremonterdansmachambrefairemes

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bagagespourpartirdemain.Va rejoindre tes invitésetqui sait, tu trouverasbienune jeune femmequiacceptedetefaireunstrip-teasedanstonbureauouailleurs!

—At’entendre,jesuisunêtrevil!s’exclama-t-ild’untondur.—Aumoins,c’estunsentimentquetuconnaîtras!Ilssefirentfaceunmoment,sedéfiantduregard,etcefutZakquirompitlesilence:—Soyonsclairs,Emma,siturompsainsidansl’espoirquejetecourreaprès,tufaisfausseroute.

Jenemarchepasauchantageaffectif.Emmaauraitvolontiershurlésafrustration,maisellesecontint.—Tuveuxsavoir,Zak?finit-ellepardéclarer,tumefaispitié.Ilyatantdebelleschosesdansla

vie,mais tu ne vois rien. Tu as trop peur de ton affect et de tes émotions. Partout tu soupçonnes desintrigues,desfemmesquiveulentt’obligeràt’engager,àtemarier.Moi,jenesuispascommeça.Jenepeuxpasimaginerchercheràobtenird’unhommecequ’ilneveutpasmedonnerlibrement.Alors,situveux bienm’excuser, je vais te dire adieu et regagnerma chambre. J’aurai quitté l’hôtel demain à lapremièreheure,etleplusviteseralemieux.

Surcesmots,etsansmêmeremarquerl’expressionsidéréedeZak,ellesortit,latêtehaute.

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12.

Emma monta en hâte dans sa chambre faire ses bagages, puis redescendit à la réception pourinformerlepréposéqu’ellequittaitlePembroke.L’orgueilbiensûrlapoussaitàagirvite,maiselleavaitpeur,aussi.PeurqueZaklarejoigneetréussisseàlapersuaderdepassercettedernièrenuitaveclui.Orilne le fallaitpas.Faire l’amouravecunhommecapabledevous traiter comme ilvenaitde le faire,c’étaitnepasserespectersoi-même.Emmaavaitdoncdécidédemettretouteladistancepossibleentreeuxjusqu’audépartdesonavionpourLondres,lelendemain.

En sortant du Pembroke, elle se rendit en taxi à un hôtel proche de l’aéroport Kennedy. Unétablissementplusquemodeste,maiselleéprouvaitlebesoinderetombersurterreaprèsleluxedélirantde l’hôtel. Les murs crème de la chambre lui procurèrent un étrange réconfort, tout comme l’affreuxcouvre-litentissubleuvif.

Aprèsavoirdéposésesbagages,elledescenditàlacafétériaetbutunmauvaiscafésurunetableenFormica.Parunphénomèneétrange,cequ’elleéprouvaalorsfutdelanostalgie!Carcethôtelétaitconçupour des gens très simples. Or jadis, elle avait connu la pauvreté, avant que les circonstances ne lacatapultentdansunmondederiches.

L’argentn’étaitpasgagedebonheur,ellelesavait!AinsiLouis,quidépensaittoutcequ’ilgagnait—etilgagnaitbeaucoup—dansl’alcooletladrogue.OuZak,qui,bienquetrèsriche,n’avait,semblait-il,jamaistrouvélasérénitéintérieure.

MaispourquoipenseràZak?Ilfallaitl’effacerdesonespritetessayerd’oubliercetépisodedesaviequis’achevaitcesoir!

Cen’étaitpasfacile,hélas!Zak l’appela dans la soirée, alors qu’elle regardait un jeu stupide sur le gigantesque écran de

télévisionoccupanttoutunmur.Quandsonnoms’affichasursonportable,ellesentitsoncœurseserrer:elle aurait tout donné pour répondre, entendre sa voix, son rire…Mais elle tint bon et augmenta levolumesonoredelatélévision,avantdemettrelasonnerieduportablesursilencieux.

Il appela de nouveau le lendemain alors qu’elle attendait le départ de son vol dans la salled’embarquement.Denouveau,elleréussitànepasrépondre.Et,delonguesheuresplustard,commesonavionatterrissaitavecbeaucoupderetardàl’aéroportdeLondres,ellevitqu’ilavaitencoreappelédeuxfois.

Ellenevoulaitpas luiparler!D’ailleurs,nes’étaient-ilspas toutdit?Etpuis,entendresavoix,risquaitdelafairecraquer.Ellesouffraittantd’êtreséparéedelui!

A Londres, il faisait un temps épouvantable. Un vent déchaîné malmenait les arbres dont lesdernièresfeuillesgisaient,colléessurlachausséeparunepluieglacée.Etlecielétaitnoir,triste,bienenaccordavecl’humeurd’Emma.

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Danslebusquilaramenaitchezelle,lapenséeluivintqu’ellen’avaitaucuneenviedereprendreson travail auGranchester.D’ailleurs, la garderait-on ?Après ce qui s’était passé àNewYork, rienn’étaitmoinssûr.Sionlacongédiait,ceneseraitpasplusmal:ainsisetrouveraitclosàtoutjamaiscelamentableépisodedesavie.

Maisnullelettredelicenciementnel’attendaitchezelle,etquand,lelendemaindesonarrivée,elleappelaXénon,ledirecteurduGranchester,etleplusanciencollaborateurdeZak,cefutpours’entendredirederevenirvite,carilyavaitbeaucoupdetravailpourelle.Emmaauraitdûenêtrecontente:soncœurseserra,aucontraire,carellen’avaitenviequed’unechose:secloîtrerchezelleetattendrequelablessurebéantequiluifaisaitsimalserefermepeuàpeu.

Danssachambresilencieuse,elledéfitsesbagages,etdécidadesortiracheterdequoimanger.Celalui parut bizarre, elle qui depuis son arrivée àNewYorkn’avait eu à sepréoccuperd’aucunede cespetiteschosesduquotidien.

Deretourchezelle,elleenvoyauntextoàNatpourl’informerdesonretouretluidirequ’elleleverraitvolontierspourboireunverreouuncafé.Laréponseluiparvintuneheureplustard.

Dommage,jenesuispasàLondres.Rentrelasemaineprochaine.Jecroisquejesuisamoureux!

Avait-il trouvé le grand amour, cette fois ? s’interrogea la jeune femme en se regardant dans laglace.C’estalorsqu’elles’aperçutqu’ellen’étaitpluslamême!Etpasseulementparcequesonvisageétaittiré.Ellesesentaitdifférente.Pourquoi?Comment?Parcequ’elleavaiteulaforcedetournerledosàquelquechosequi,àlalongue,auraitrisquédeluinuire.Certes,elleensouffraitmillemorts,maiselleavaitgagnéunplusgrandéquilibreintérieur.Unbénéficeréel,mêmesiellepayaitleprixfort.

Uneautreévidences’imposaalors : impossiblepourellederevenirà laviequ’elleavaitmenéeavant.Pendanttoutescesannées,elles’étaitservidesonamitiéavecNatpourseprotégerdetoutcontactaveclerestedumonde.Quecedernieraitounontrouvél’amourdesavie,ilfallaitmaintenantqu’elleaille de l’avant, si elle voulait vivre aussi pleinement que possible. Ce serait sans Zak, et elle netrouveraitpeut-êtrejamaisunhommeavecquiconstruiresonavenir,maiselledevraitessayeretsurtoutouvrirlesyeuxsurlemonde.LesparolesdeLédaluirevinrent,surgiesdetrèsloin.Oui,ildevaityavoirunevieaprèsZak.

Le lundi matin, elle se rendit au Granchester, et alla tout droit dans le bureau de Xénon quil’accueillitavecunsourireenchanté.

—J’aientendudirequevousaviezfaituntabac,auPembroke?Emmas’assitsurlesiègequ’illuiindiquaitet,portantsurluiunregardcirconspect,demanda:—Dequoivousa-t-onparlé,aujuste?—Ehbien,dusalonnuptial.C’estunsuccèsphénoménal : ilest retenu jusqu’à la finmai !Vous

vousrendezcompte?—Tantmieux,admitEmmaquisemauditcarelleneputs’empêcherd’interroger:—Quivousacommuniquécesbonnesnouvelles?—D’abord,touslesmédiasontparlédunouveausalonentermesdithyrambiques,etVogueveutà

toutprixfaireunreportage.Maisc’estZakquim’aracontévotresuccèsàl’inauguration.Lui-mêmeesttellementconquisparvotretravailqu’ilréfléchitàaménagerunespaceidentiqueici,auGranchester.

—Ici!soufflaEmma,sidérée.—Pourquoipas?Lesgenssemarientaussi,àLondres.Lemarchéestporteur.Etpourlasecondefois,l’évidences’imposaàlajeunefemme.Non,ellenepouvaitpasreveniren

arrière, en tout cas pas auGranchester. Comment réussirait-elle à travailler ici quand tout, depuis lemoindre meuble jusqu’au papier à lettres, lui rappellerait Zak ? Et où trouverait-elle l’énergie pouraménagerunautresalonnuptialalorsquel’idéemêmedumariageluidonnaitenviedepleurer?

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Secouantlatête,elledittrèsvite:—Cen’estpasmoiquim’enchargerai,Xénon.—Mais…—J’aifaitdemonmieuxàNewYork,maisjeseraisincapablederecommencer.Enfait,jeneveux

plustravaillerauGranchester,je…Emmaprituneprofondeinspirationcommepourbienintégrerlecaractèreirrévocabledecequ’elle

allaitdire,maissadécisionétaitprise:—Jeveuxvousremettremadémission,conclut-elle.Xénonfronçalessourcils.—Etes-vousdevenuefolle,Emma?C’estlachancedevotrevie!Vousvousretrouverezpropulsée

auzénith,j’ensuissûr!MaisEmmasecoualatête:—Non,Xénon,ilfautquejepartetravaillerailleurs.Voustrouverezàmeremplacersansdifficulté,

lesdécorateursnemanquentpasàLondres.Etj’aimerais…Emmahésitauninstant,puispoursuivit:—J’aimeraisquevouscommuniquiezmadécisionàZak.Xénonregardalajeunefemmed’unairincrédule.—Ilvautmieuxlefairevous-même.Sielleavaitsuivisoninstinct,elleauraitprissesjambesàsoncou.Pourtant,malgrécequis’était

passéentreeux,elletrouveraitlecouragedeparleràZak.—D’accord,jeluitéléphoneraicesoiràNewYork.—Vousn’aurezpasàvousdonnercettepeine.Xénondécrochasontéléphonepourappelersasecrétaire.—Pouvez-vousdireàM.Constantinidesqu’Emmaestdansmonbureau?Emmabondit sur sespieds, enproie àun tourbillond’émotions contradictoiresmais siviolentes

qu’ellesluicoupèrentlesouffle.—Ilestici?—Commetupeuxlevoir,répliquaZak,enpénétrantdanslebureau.Emmaregrettade s’être levée ; ses jambes toutàcoupsedérobaient souselle.Avait-elleoublié

combiensaseuleprésencelabouleversait?Maiselleétaitforte,maintenant,etsauraitluitenirtêtemêmesielleavaitdumalàsecontrôler.

—Quefais-tuici?demanda-t-elled’untonfroid.Xénonouvraitdesyeuxsidérés,àprésent,l’entendanttutoyerlebigboss,ets’adresseràluisurun

tonquin’étaitenrienceluid’uneemployée.—Turefusaisdemeparlerautéléphone,rétorquaZak.—Tut’enesétonné?—Cheztoi,tantdechosesmesurprennent.—Ehbien,sijen’aipaspristesappels,c’estquejenevoulaispasteparler,déclaraEmmad’une

voixdéterminée.Etjen’ytienstoujourspas,doncjem’envais.—Tuvasd’abordm’écouter,ripostasoncompagnond’untonferme.Xénon,reprit-il,s’adressantà

sondirecteur,pourrais-tunouslaisserseulsquelquesinstants?—Restez,jevousenprie!imploraEmma.—Enaucuncas,assuraXénon,quidisparut,aussiahuriqu’embarrassé.Entendantlaportedubureauclaquersurlui,Emmas’adjurapourlasecondefoisdetrouverlaforce

qu’illuifallait.—Jeviensdedonnermadémission,annonça-t-elled’emblée.Inutiled’essayerdemefairerevenir

surmadécision.

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Zakhocha la tête, conscient que le comportement de la jeune femmeexprimait unedéterminationnouvelle.Etpourtantelleétaitsipâle,semblaitsifatiguée…

—Jem’en rendscompte,eneffet,admit-il.Maissais-tu? J’aicomprisbeaucoupdechoses,cestemps-ci,Emma.

Savoixétaitâpre,àprésent,etilparlaitcommes’illuiencoûtait.—Laplusimportante,jecrois,continua-t-il,estquetum’asvraimentmanqué.Nelelaissepastetournerlatêteavecdesmotsqu’ilnepensemêmepas,songeaEmma,quifit

valoir:—Paslongtemps,entoutcas,cariln’yaquetroisjoursquenoussommesséparés.—Etsijetedisaisquecestroisjoursm’ontparulespluslongsdemavie?—Jeteprieraisdetrouveruneautreformule,rétorqualajeunefemmedutacautac:celle-làest

éculéeetindignedetoi.Zakfaillitperdrepatience,ets’irriterqu’ellesemoqueainside lui.Maisc’était la façon laplus

sûredelaperdre,sicen’étaitdéjàfait.—Jevoudraistedirejemesuisconduitcommeunidiot.—Jesuisassezdisposéeàtecroire.—Eh bien, oui, j’ai été un imbécile, dit-il à voix basse, un crétin qui n’a pas su profiter de sa

chance.—Laprochainefois,tuferasplusattention,répliquaEmma,impitoyable.Zakplissalesyeux.Jamaisiln’auraitimaginéqu’ellepuisseluirésisterainsi.— Il n’y aura pas de prochaine fois,Emma !Tune comprends donc pas ce que c’est toi que je

veux?Toi,tum’entends?Lajeunefemmeleregardaavecfroideur.—Etjedoism’enréjouir,c’estça?Pourquoias-tuchangéd’avis?Lesintermittencesducœur?

Oubientun’astrouvépersonneàl’inaugurationpourtefairelestrip-teasequejet’airefusé?—Tuesinjuste!—Pasdutout!Zakserralespoings.Ilauraittantvoulul’attirerdanssesbrasetl’embrasseravecpassion!Après,

nuldoute,elle l’auraitécouté.Maispour lapremièrefoisdesavie, iln’osaitpasavancer,fût-ced’unpas,danssadirection.

—Jeterépètequetum’asmanqué,dit-ilalors,cettefoisd’untondepetitgarçonprisenfaute.—Etmoijeterépètequecenesontquedesmots.Tucroisteniràmoiparcequej’aieul’audacede

romprenotrerelation,etsansdoutesuis-jelapremièreàlefaire.C’estcequitemotive,Zak,iltefautcequitesembleinaccessible.Voilàpourquoituasréussiàreconstituerlafortunedetafamille.Etpourquoiaussitachaîned’hôtelsestunsuccès.Maistuoubliesunechose:jesuisunêtrehumain,j’aimaliberté,etonnefaitpasdemoicequel’onveut.

Zaksentitunéclatdeglaceluitranspercerlecœur.Ilavaitsipeurdelaperdre!Ellevoyaitclairenlui, et s’il voulait la conserver, il n’y avait qu’unmoyen, qu’il redoutait plus que tout aumonde : luiouvrirsoncœur.Maisalorsilneseraitplusmaîtredesavie,puisquesonbonheurdépendraitd’elle!Lesouvenirdesamèresuppliantsonpèredenepaslaquitterlehantaitencoresouvent.Ilavaittantsouffertdelavoiràcepointanéantie.Alorss’ilsemettaitànudevantEmma,deviendrait-ilcommeelle?Emmaaurait-ellelepouvoirdelefairesouffrircommesonpèreavaitfaitsouffrirsamère?

Biensûr,ilpouvaitjouerlaprudenceetquitterEmmadansl’espoirqu’ilfiniraitparl’oublierdanslesbrasd’uneautre…

Réussirait-ilà l’oublier?Rienn’étaitmoinssûr.Dèsqu’il l’avaitvuepourlapremièrefoisdanssonbureau,ilavaitluttécontrel’attiranceinsenséequ’elleluiinspirait,et,quandillacroyaitavecsonfrère,ilavaitsouffertàendevenirfou.

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Certes,ill’avaittraitéedefaçonindigne,luiavaitditdeschosesimpardonnables,mais…Lespenséesdéfilaientà toutealluredans la têtedeZak,maisunecertitudedemeurait : ilvoulait

Emma,nesupportaitpasl’idéedeneplusêtreavecelle.Alors,quellesolution?Ildevaitprendredesrisques,enparticulierceluideluimontrercombieniltenaitàelle.

—Sijetedisaisquejeregrettedet’avoirblessée,Emma?Quejeleregretteprofondément?Elleleregarda,s’efforçantd’ignorersoncœurquibattaitàtouteallure.— Cela change quoi ? demanda-t-elle toujours froide et distante. Tu crois que, parce que tu

t’excuses,j’accepteraidecontinueràtravaillerdansteshôtels?—Audiablemeshôtels!explosaZak,jeteparledenous!Denotrerelation!Ah,siseulementilluiavaitparléainsiquelquesjoursplustôt!Emmaseseraitjetéedanssesbras,

heureuseàenmourir.Curieux,toutdemême,commeletimingétaitimportantdanslavie.CarEmmatenaitàZak,ytenaitmêmetantquecequ’elleéprouvaitétaitdel’amour,ellen’endoutait

plus.Etsonintuitionluidisaitqu’ellecomptaitpourZak,qu’iléprouvaitdessentimentspourelle.Sinon,ilnel’auraitpassuiviesiviteenAngleterre.Néanmoinssoninstinctluidictaitaussilaprudence:tousdeux devaient être sûrs de ce qu’ils ressentaient l’un pour l’autre, et ne pas se contenter de quelquesparolespassionnéesdictéesparledésirderéparerlesdégâtsaprèsuneviolentedispute.Ilsavaienttropàperdre.

Leregardantdroitdanslesyeux,Emmasecoualatête,déclarantendétachantbiensesmots:—Navrée,Zak,tesexcusesnesuffisentpas.

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13.

—Dis-moicequetuattendsdemoi,alors!suppliaZakpourlatroisièmefoisaumoins.IlsétaientdansunbusquiremontaituneartèretrèsencombréedeLondres.Assiscôteàcôte,ilsne

se touchaient pas, Emma y veillait, bien qu’elle trouve très difficile de le tenir ainsi à distance alorsqu’elle rêvaitdeseblottircontre lui.Néanmoins, sadéterminationétait inébranlable, sinonellene luiaurait pas proposé de la raccompagner chez elle, après leur explosive discussion dans le bureau deXénon.

—Jenelesaispasencore,admit-elle.Plutôt que de s’insurger, Zak ne la poussa pas. Elle lui donnait une seconde chance, il en avait

conscienceetneprendraitpasderisque.Lebuslesconduisaitchezelle,c’étaitsonidéeàelle,etZak,toutenregardantsanslevoirlepaysageurbaindéfilerderrièrelavitre,sedisaitavecétonnementque,pourunefois,cen’étaitpasluiquiprenaitlesinitiatives.

—Sais-tuquejen’avaisjamaismislespiedsdansunbusavant?révéla-t-il.—Ehbien,c’estuneexpérience,non?Zaksecontentadesourire.Ilnel’avaittoujourspasembrassée,nel’avaitmêmepastouchée…Ilest

vraiqu’elleneluiavaitpasencorepardonné.D’ailleurs,leferait-elle?—Pourquoimeconduireàtonappartement?demanda-t-ilencore,commel’autobuspassaitdevant

lesmagnifiquesgrillesdeHydePark.—Parcequejemesuisrenducomptequetunesavaismêmepasoùj’habitais.Tun’esjamaisvenu

chezmoi!Nousavonsvécudansunesortedebulle,Zak,sanscontactoupresqueaveclemonderéel,etsansbeaucoupdecontactaveclaviedetouslesjoursnonplus.

Zaks’aperçutalorsqu’ilenviaitEmma.Elleaumoinsétaitchezellequelquepart.Lui,non.Certes,ilavaitunesuiteluxueusedanschacundeseshôtels,etpuisilyavaitcetteîlequ’ilpossédaitdanslamerEgée,avecsasplendidemaisonsurlaplage.Maisiln’yétaitpasallédepuissilongtemps…

—J’imaginetugardescheztoiuntasdesouvenirsdetonmari?Emmaleregarda,étonnée.—Maisnon,voyons.ToutcequepossédaitLouisaétévenduàsamortpourpayersesdettesdejeu.Cesmots,ditsaveclaplusgrandesimplicité,provoquèrentchezZaklebesoinintensedeprotéger

Emma:ilvoulaitluidireque,désormais,ilétaitlà,qu’ellenerisquaitrien,qu’illatiendraitàl’abridetouteslesduretésdelavie.Maisilsavaitqueluiparlerainsiseraitd’unecertainemanièrel’insulter:n’avait-ellepassuseprotégertouteseule,pendanttoutescesannées?Etsonexistencen’avaitpasdûêtrefacile!

L’autobusralentissaitàprésent.Emmaseleva.—Onarrive.

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Zak la suivit commeelledescendait l’étroitmarchepieddubus, et tousdeux se firent face sur letrottoirluisantdepluie.

—Oùsommes-nous?Emmasemitàrire.—PassurMars,rassure-toi?AHammersmith.C’estunquartiermodesteetassezéloignéducentre

deLondres.J’imaginequetun’yasjamaismislespiedsnonplus?Zakritàsontour.—Tuessaiesdemedirequemeshorizonssontlimités?Sansrépondre,elleleconduisitjusqu’àunegrossebâtissedebriquerouge,plutôtvilained’aspect.

Lesgenss’étonnaientquandilsvenaientchezellepourlapremièrefois:toussemblaients’attendreàcequel’ex-femmed’unerockstarvivedansunemaisonluxueused’unquartierultrarésidentiel.Envérité,quandelleavaitquittéLouis,elleneluiavaitdemandéqueleminimumet,àsamort,ellen’avaitplusrieneu.Néanmoinselleavaitréussiàsecréeruncadredeviequiluiplaisait.Grâceauxplafondstrèshauts, les pièces de son appartement avaient de beaux volumes, et elle avait conservé la plupart desélémentsdelaconstructiond’origine,enparticulierlescheminéesetlesmoulures.Quantauxmurspeintsd’unecouleurmastictrèsneutre,ilspermettaientauxmeublesetobjetschoisisavecsoindeprendretouteleurplace.

Zak promena son regard autour de lui, conscient de l’impression de paix qui se dégageait de cedécor.

—C’esttrèsbeau,dit-ilàmi-voix.Emmasouritdesoulagement.Elleavaitattendusonverdictavecplusd’angoissequ’ellenevoulait

l’admettre.—Tuessérieuxoutudiscelapourmefaireplaisir?—Tu sais très bien que tu as beaucoup de goût, Emma.C’est un de tes atouts, et il explique ta

réussiteprofessionnelle.Emmaleregarda.—J’enaid’autres,tupenses?Ilhaussalesépaules,prenantunairmalicieux.— Oui : par exemple l’audace avec laquelle tu es capable de tenir tête à un patron obtus et

intraitable.—Tun’esjamaisobtus,Zak,protestalajeunefemmequisentaitsacolèred’unpeuplustôtfondre

commeneigeausoleil.—Oh si ! En tout cas, je l’ai été.Mais c’est fini, Emma, tume rends au contraire si lucide, si

clairvoyant!Uneétrangelueurdansaitaufonddesyeuxgris,etEmmaeutenviedesejeterdanslesbrasdecet

hommesi fier,quipourtantn’hésitaitpasàfairesonautocritique.Maisnon, ilétaitencore troptôt.Ledésir physique, si incontrôlable entre eux, avait toujours primé, les empêchant de partager lesmenusdétailsdelaviequotidienne.S’ilsneparvenaientpasàvivreensemblelessituationslesplussimples,alorsiln’yavaitpasd’avenirpoureux.

—Veux-tuducafé?demanda-t-ellecommeilss’installaientdanslesalon.Zakn’enavaitpastrèsenvie,ilauraittantpréférél’embrasser!Puisill’auraitentraînéesurcejoli

canapédevelourspourfairel’amourencoreetencore…MaisilfallaitlaisserEmmacontinueràmenerlejeu,quoiqu’ilencoûteàsoninstinctdominateur.Ilhochadonclatête:

—Volontiers.Ellequittalapièce,etilentenditdesbruitsdeportedeplacardqu’onouvraitetrefermait,puisl’eau

qui coulait. En temps normal, il aurait regardé les livres dans la bibliothèque, mais aujourd’hui,impossibledeseconcentrer.Ilétaittroppréoccupé.

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Emmareparutpeuaprèsavecunplateau.Elleremplitdeuxtassesdecafébienfort,maisnil’unnil’autren’ygoûtèrent.Ilsétaientdebout,faceàface,etseregardaientavecuneintensitépalpable.Zakfinitparromprelesilence.

—Sais-tuqueNatestamoureux?demanda-t-il,guettantavecattentionlaréactiond’Emma.—Ilm’aenvoyéuntextopourmel’annoncer,eneffet.Emmaplissalesyeuxpourdemander:—Qu’as-tuàendire?Tuvastoutmettreenœuvrepourlesséparer?Zaksourit,comprenantqu’elleneluiavaittoujourspaspardonné.—Tumecherches,n’est-cepas?demanda-t-ilavecbeaucoupdedouceur.Ehbien,jevaistedirela

vérité:jeneconnaispascettefille,jesaisjustequ’elleestgrecqueetqu’ilssontenGrèceencemoment.Maissituveuxtoutsavoir,jeconsidèrequecen’estpasmonaffaire.Qu’ill’épouses’illeveut,c’estsavie!

Ilsetutetsoutintleregardd’Emma,priantlecielpourqu’ellecroiecequ’ilallaitluidireencore.Puisilselança:

— J’en ai assez de vouloir contrôler la vie des autres. J’ai été un imbécile dem’imaginer quec’étaitpossible.

Danslapièceparfaitementsilencieuse,Emmasentitsoncœurs’accélérer,tandisqu’ellegardaitlesyeuxfixéssurlesirisgrisdesoncompagnon.

—Tun’aspasétéunimbécile,Zak,murmura-t-elle,loindelà.Tuvoulaisseulementprotégertonfrèrecommetul’avaisfaitparlepassé.MaisNatestadulte,ildoitvolerdesespropresailes,ettudoislelaissers’affranchirdetoi.

Zakbaissalesyeuxetréfléchitdelongsinstantsavantdeposerlaquestionquiluifaisaitsipeur:—Ettoi,Emma,toiaussi,tudoist’envoler,mequitter?Est-iltroptardpourquetumepardonnes

manaturedominatriceettoutcequejet’aifaitsubirdansl’espoirinavouéquetumequitterais?Crois-tuqu’iln’yaitplusd’avenirpournousdeux?

L’émotion noua la gorge d’Emma, l’empêchant de répondre. Zak dut s’en rendre compte car ilavançad’unpasdans sadirection,mais il ne l’attirapasdans sesbras. Il se contentadeprendre sonvisageentresesmainsavecunetendresseinfinie.

—Dis-moiqu’iln’estpastroptard,chuchota-t-ilavectoutel’humilitédontilétaitcapable.—Non,Zak,réussitalorsàarticulerEmma,lagorgenouéeparl’émotion,non,iln’estpastroptard,

et nous resterons ensemble aussi longtemps que nous vivrons. Plus jamais nous ne nous quitterons.Aconditionquetuledésires.

—Quepourrais-jedésirerd’autrequandjet’aimetant,Emma,mafemme!—Oh, Zak, entendre cemot dans ta bouche est le plus grand bonheur dont je puisse rêver ! Je

voudraistant…—Chut,lacoupa-t-ilavecunsouriretrèsdoux.Ilpritenfinseslèvrespourlepluspassionnédesbaisers.

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Epilogue.

IlssemarièrentdanslesalonnuptialduPembroke.C’étaitlamoindredeschoses,mêmes’ilfallutconvaincreEmmaqui,audébut,nevoulaitpasenentendreparler.

—Pourquoi?s’étonnaZak,quandelleexprimasesréticences.—Parcequec’estcommesi,dansmonsubconscient,j’avaisconçucesalonpournous.Ellesouritalorspourajouter:—C’estpeut-êtrevrai,d’ailleurs.Illeurfallutcependantattendreplusieursmoiscarlesalon,quiconnaissaitunsuccèsphénoménal,

étaitretenujusqu’àlafindel’été.Emmaeutdoncletempsdes’habitueràl’idée.Cefutunefêtegrecque,avecbeaucoupdemondeetbeaucoupdebruit,maisaussiunechaleureuse

atmosphèrefamiliale.NatétaitprésentavecsafiancéeChara.Ilavaitbeaucoupchangédepuisledépartd’EmmapourNewYork.EnapprenantqueZakétaittombéamoureuxd’elle,ilavaitprévenusongrandfrèresansdétour:s’iltouchaitàuncheveud’Emma,ils’enmordraitlesdoigts!

EtZaks’étaitlaissésermonner.Lédaaussivintaumariage,accompagnéedeScott.Elleétaittoutsourires,et,quandelleembrassa

Emma,elleluiglissaàl’oreille:—J’aidumalàcroirecequejevois!Maisjesuissiheureusepourvousdeux.Ensuitelesjeunesmariéspartirentenvoyagedenocessurl’îlequepossédaitZak,danslamerEgée.

Emmaavaitapprisquel’îleavaitappartenuunjouràlafamilleConstantinides,puisavaitétévendueaumomentdelafaillitedupèredeZak.C’estcedernierquil’avaitrachetée,unefoislafortunefamilialereconstituée.Lematindeleurmariage,ill’avaitd’ailleursofferteàEmma,expliquant:

—Jeveuxquetupossèdesunpeudemapatrie,c’est-à-direunpeudemoi-même.Emmaavaitétéémueauxlarmes.

***

Ce fut tout à fait à la finde l’année, aumomentdumariagedeNat etCharaenGrèce,qu’Emmadécouvritqu’elleétaitenceinte.Maiselleattenditd’êtrerentréeàLondrespourannoncerlanouvelleàZak.Ellelefitàl’issued’ungranddînerorganiséparXénonpourfêterl’entréeduGranchesterdansl’undesguideshôtelierslesplusprisésdumonde.

Ensortantdel’hôtel,elles’arrêtaetposalamainsurlebrasdesonmari.—J’aiquelquechoseàtedire,Zak.Illaregarda,etnotal’émotiondanssesbeauxyeuxverts.—Cedoitêtreimportant.Dis-moivite,chérie.

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Emmasourit.— Important, certes, et surtout c’estmoiqui vais devenir très importante.Enfin…physiquement,

ajoutalajeunefemmeenriant.Zakécarquilladesyeuxémerveillés:—Tuvasavoirunbébé?—Oui,admitEmma,radieuse,etpasunbébé,tonbébé!Zakneputréprimersajoieet,prenantsafemmedanssesbras,ill’embrassaavecfougue.Ellelui

renditsonbaiser,passionnéecommeaupremierjour,ettousdeuxoublièrentqu’ilssetrouvaientsurletrottoir,auvuetausudetoutlemonde.

C’estlavoixd’ungamind’unequinzained’annéesquilesfitretombersurterre:—Eh,lesdeuxamoureux,prenezdoncunechambreàl’hôtel,ceseraplusconfortable!ZaksouritetlevantlesyeuxsurlafaçadeilluminéeduGranchester,murmura:—Celanedevraitpasposerdeproblème…

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TITREORIGINAL:PLAYINGTHEGREEK’SGAME

Traductionfrançaise:

HARLEQUIN®

estunemarquedéposéeparleGroupeHarlequin

Azur®estunemarquedéposéeparHarlequinS.A.

Photodecouverture

Femme:©VINCENTBESNAULT/CORBIS

©2012,SharonKendrick.©2013,Traductionfrançaise:HarlequinS.A.

ISBN978-2-2802-9306-8

Cetteœuvreestprotégéeparledroitd'auteuretstrictementréservéeàl'usageprivéduclient.Toutereproductionoudiffusionauprofitdetiers,àtitregratuitouonéreux, de tout ou partie de cetteœuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants duCode de laPropriétéIntellectuelle.L'éditeurseréserveledroitdepoursuivretouteatteinteàsesdroitsdepropriétéintellectuelledevantlesjuridictionscivilesoupénales.

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