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MINISTERE DE LA JUSTICE Ecole nationale de la Protection judiciaire de la Jeunesse Formation préparatoire à la prise de fonction de Responsable D’Unité Educative 2017-2018 ETCHEGORRY Isabelle Promotion RUE 10 La mise en œuvre des principes de laïcité et de neutralité des agents du service public au sein d’une Unité Educative de Milieu ouvert Dossier d’expertise Mars 2018. Sous la guidance d’Hamady CAMARA

La mise en œuvre des principes de laïcité et de neutralité ... · famille et qui impactent la pratique de certains professionnels, et ainsi parfois, limitent, ... ou de sorcellerie

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  • MINISTERE DE LA JUSTICE

    Ecole nationale de la Protection judiciaire de la Jeunesse

    Formation préparatoire à la prise de fonction de

    Responsable D’Unité Educative

    2017-2018

    ETCHEGORRY Isabelle

    Promotion RUE 10

    La mise en œuvre des principes de laïcité et de neutralité des

    agents du service public au sein d’une Unité Educative de

    Milieu ouvert

    Dossier d’expertise

    Mars 2018.

    Sous la guidance d’Hamady CAMARA

  • SOMMAIRE

    Introduction………………………………………………………………………………………..1

    I : De la difficulté à mettre en œuvre la laïcité, la neutralité… ?................................................... 2

    A : Un contexte territorial particulier…………………………………………………………..2

    1. La construction de la religion à travers la colonisation et l’esclavage………………...2

    2. La nécessaire compréhension de la place spécifique de la religion dans la sphère

    publique………………………………………………………………………………..2

    3. Choc croyances religieuses, magico religieux/loi, cadre……………………………….3

    B : Neutralité, laïcité au sein du service… ?............................................................................. 3

    1. Le respect des obligations légales……………………………………………………...3

    2. Une équipe plurielle…………………………………………………………………....4

    3. Déclinaison de la laïcité par l’équipe………………………………………………….5

    II : L’accompagnement au changement des pratiques ……………………………………………7

    A : Mise en œuvre d’un management participatif……………………………………………7

    1. Une stratégie de direction, réunion de travail DS-RUE……………………………...7

    2. Mise en œuvre des capacités de l’agent à porter le service public, élaboration

    d’une éthique de la laïcité commune, intra et extra-muros…………………………..7

    B : Evaluation des nouvelles pratiques et perspectives……………………………………..9

    1. Critères d’évaluation…………………………………..............................................9

    2. Perspectives………………………………………………………………………...10

    Conclusion……………………………………………………………………………………….11

    Bibliographie

    Liste des sigles

    Annexe

  • INTRODUCTION

    La laïcité est un principe fondamental inscrit dans l’article premier de la constitution

    française de 1958 : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ».

    Depuis les attentats de 2O15 à Paris, la question de la laïcité a pris une place

    prépondérante dans le discours politique et législatif. Pour autant, si le mot fait consensus, il

    n’en est pas de même pour sa signification, tant chacun y voit ce qu’il veut y voir, l’interprète

    comme il le souhaite.1

    La DPJJ dans sa note du 25 février 2015, nous donne sa définition de la laïcité :

    « La laïcité n’est pas une opinion parmi d’autres mais la liberté d’en avoir une. Elle n’est pas

    une conviction mais le principe qui les autorise toutes, sous réserve du respect des principes de

    liberté de conscience et d’égalité des droits. C’est pourquoi, elle n’est ni pro, ni antireligieuse.

    L’adhésion à une foi ou à une conviction philosophique relève ainsi de la seule liberté de

    conscience de chaque femme et de chaque homme. La laïcité permet donc l’affirmation de la

    liberté de religion. Les textes, internes et internationaux, qui garantissent la liberté de religion

    en font, d’ailleurs, un élément de la liberté de pensée ou de conscience de chaque individu.

    Toutefois, la liberté religieuse ne se borne pas à la liberté de croire ou de ne pas croire. Elle

    implique une certaine extériorisation qu’il s’agisse de l’exercice du culte ou tout simplement de

    l’expression, individuelle ou collective, d’une croyance religieuse. Il convient dès lors pour

    l’Etat de garantir la conciliation entre l’intérêt général et l’ordre public, d’une part, la liberté

    de religion et son expression, d’autre part. »

    Au sein d’un STEMO situé sur un territoire ultra-marin, la question de la prise en compte

    des valeurs de laïcité, de citoyenneté se pose de façon récurrente. D’une part du fait de

    l’isolement géographique par rapport à la métropole, d’autre part du fait des traditions, des

    croyances et des coutumes qui viennent traverser les prises en charge des mineurs et de leur

    famille et qui impactent la pratique de certains professionnels, et ainsi parfois, limitent,

    contraignent ou pervertissent l’intervention. Cette société est très fortement marquée par la

    religion et le magico-religieux. Ces croyances tendent à fragiliser la place du professionnel, en

    tant qu’agent de l’état, agent du ministère de la Justice, éducateur dont la première mission est de

    faire entendre, comprendre et respecter la loi. Il y a donc une obligation pour le fonctionnaire de

    réinterroger sa pratique face à chaque situation en restant vigilant à ne pas, par ses propres

    croyances, et donc en risque de préjugés, tenir une posture soit défensive, soit de complaisance.

    Le rapport de chacun face à la question de la laïcité renvoie à un seuil de tolérance possible ou

    non. Le RUE doit donc veiller à ce que le cadre de la loi, prime sur le rapport intime du

    professionnel à ses propres croyances, afin de mettre en œuvre une prise en charge en adéquation

    avec les valeurs de la République.

    Dans un tel contexte, j’apporterai dans un premier temps des éléments de compréhension

    du religieux, des courants catholiques ou magico-religieux véhiculés par les usagers et leurs

    répercussions dans la prise en charge éducative. Croyances divines qui induisent parfois la

    confusion et/ou la négation de la loi par le jeune et ses parents, niant alors toute ou partie de la

    responsabilité pénale. Dans le même temps, il est nécessaire d’évaluer le degré de connaissance,

    et d’impact, de ses croyances au sein de l’équipe éducative, de vérifier si les notions de laïcité et

    de neutralité des agents du service public revêtent le même sens pour tous.

    Dans un deuxième temps, j’effectuerai un état des lieux de l’existant au sein de l’UEMO

    sur ces questions et leurs répercussions tant sur les prises en charge des mineurs que sur l’équipe.

    En tant que RUE, manager intermédiaire et de proximité, je veillerai ensuite, à mettre en place

    des actions afin d’accompagner au changement des pratiques, en impulsant une appropriation

    des principes communs de citoyenneté, laïcité et de neutralité des agents du service public mais

    1Georges BRINGUIER « La laïcité dans tous ses états », 2016, introduction.

    1

  • également par les jeunes et leur famille à travers des modalités de prise en charge intégrant ces

    fondements.

    I. De la difficulté à mettre en oeuvre la laïcité, la neutralité…. ?

    A : Un contexte territorial particulier :

    Mon département d’exercice est situé dans la mer des caraïbes à près de sept mille

    kilomètres de la métropole, sa population s’élève à 383910 habitants au 1er

    janvier 2014 (source

    INSEE).

    1. La construction de la religion à travers la colonisation et l’esclavage. L’histoire du peuplement de la Martinique est largement marquée par celle de la

    colonisation, de l’esclavage, des guerres d’influence entre les anciens empires coloniaux

    européens. La population est mixte, de provenances diverses. Composée majoritairement de

    noirs d’origines africaines et de métis, elle comprend aussi des individus d’origine européenne,

    indienne et moyenne-orientale.

    Dès l’abolition de l’esclavage en 1848, la pratique catholique connait un essor

    considérable. Les entraves liées à l’ordre esclavagiste, comme l’incapacité de se rendre à l’église

    en semaine ou l’autorisation nécessaire des maitres pour accéder aux sacrements s’évanouissent

    et le clergé enregistre presque immédiatement des avancées notables. Dans les années 1860 de

    nombreux témoignages mettent en avant l’idée d’une christianisation en voie d’achèvement.

    Si cet engouement pour la religion semble évoquer un processus d’assimilation qui

    déboucherait sur la constitution de chrétientés proches du modèle européen ce serait faire bien

    peu de cas des racines africaines d’une grande partie de la population antillaise, indienne dans

    une moindre part, de l’influence des croyances de l’arc antillais et de la créolisation de la société.

    Selon Lafcadio Hearn2, « l’avancée de la pratique catholique offre aux populations

    antillaises de nouvelles assurances, au sein même d’une vision du monde créole, qui puise à

    diverses influences, mais est notamment marquée par la peur des « revenants » ».

    Certains anthropologues comme Catherine Benoit3 ou Christiane Bougerol

    4 parleront

    respectivement de « christianisme païen », ou de sorcellerie antillaise, dont il est difficile de

    démêler les racines européennes ou africaines qui s’expriment formellement à travers des

    éléments issus de la religion catholique.

    Ainsi, il est impossible en Martinique de faire l’impasse sur la convergence des origines,

    les liens avec l’Afrique, l’Inde et l’arc antillais, des cultures différentes qui fondent le concept de

    créolisation. La population est imprégnée de croyances, religieuses et magico-religieuses qui

    s’imbriquent selon les attentes de chacun et qui fondent leur rapport au monde, au réel.

    2. La nécessaire compréhension de la place spécifique de la religion dans la sphère publique.

    La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905 ne sera étendue à la Martinique

    qu’en 1911. Mais dans les faits, nous constatons au quotidien un entrelacement du religieux et du

    public. Ainsi afin d’assurer son autorité et de rassurer la population, il n’est pas rare que l’évêque

    de Martinique soit convié aux différentes manifestations organisées par le préfet. De la même

    façon un représentant de l’Eglise sera souvent présent aux inaugurations des bâtiments de service

    public ou invité lors de journées portes ouvertes, la PJJ ne faisant pas exception à cette règle

    tacite.

    Le magico-religieux reste plus discret dans la sphère publique, il relève de la sphère du

    secret, des non-dits et pourtant il est toujours très présent et a des conséquences dans le rapport

    des individus entre eux.

    2 Journaliste : « Esquisses martiniquaises », traduction en français. Pages 96-97. 1924.

    3 « Corps, jardins, mémoires . Anthropologie du corps et de l’espace aux Antilles ». Page 184-214. 2000.

    4 « Une ethnographie des conflits aux Antilles. Jalousie, commérages, sorcellerie ». Page 108-112. 1997.

    2

  • De fait les usagers et leurs familles, quasiment tous croyants évoluent dans cet

    environnement du sacré depuis toujours.

    La religion est devenue tradition, les manifestations religieuses, des coutumes. Le

    langage courant français et davantage encore créole rappelle au quotidien cette prégnance de

    Dieu, avec pour exemple l’expression la plus usuelle aux Antilles « Si Dieu Veut » employée

    quel que soit les lieux ou les cadres d’intervention. Ainsi même non croyant, chacun dans son

    quotidien se décrit comme tel de par son langage et utilise comme un reflexe de pensée le « si

    Dieu veut » pour préciser qu’il n’est pas seul à décider de ses choix pour l’avenir.

    3. Choc croyances religieuses, magico religieux/loi, cadre. Selon la définition de la Loi dans la France contemporaine : « Règle écrite de caractère

    permanent ayant une portée générale et un caractère impératif, élaborée et votée par un

    parlement élu, promulguée par le président de la République et publiée au Journal officiel »,

    celle-ci s’impose à tous.

    Pourtant ce dogme ne semble pas acquis par tous, nous constatons au fil des prises en

    charge, la résistance pour certaines familles d’entendre, de comprendre. Il n’est pas rare en effet

    que nous soit renvoyé la loi de Dieu, la punition divine, le mauvais sort, la prière ou le

    désenvoutement comme seule réponse et solution à l’acte délictuel venant ainsi faire rempart au

    travail éducatif. Ainsi pour beaucoup la notion de responsabilité pénale sera mise à distance, du

    fait même de la non reconnaissance de la Loi de l’homme. Ainsi, l’individu auteur ne devrait

    rendre de compte qu’à Dieu.

    De plus, il n’est pas rare d’entendre un parent expliquer que son enfant a subi le mauvais

    sort d’une voisine ou parente qui l’a entrainé dans la délinquance. Comment alors travailler la

    notion de culpabilité avec le jeune et ses parents ?

    Dans ce contexte, l’éducateur est confronté à un dilemme, soit faire fi de toutes croyances

    et imposer le cadre légal sans qu’un sens lui soit donné, soit s’engager sur un versant

    interculturel qui prendra en compte la spécificité des croyances de la famille et ainsi permettre à

    l’usager et ses proches la nécessaire juxtaposition entre Loi sacrée et Droit régalien.

    B : Neutralité, laïcité, au sein du service… ? Le STEMO est composé de deux UEMO, il compte trente personnels. L’équipe de

    direction regroupe une directrice et deux RUE.

    L’équipe pluridisciplinaire de l’UEMO ouest dans lequel j’exerce mes fonctions

    comprend onze éducateurs, une assistante sociale, une psychologue, un agent administratif. La

    mission PEAT est rattachée à cette unité.

    Educatrice sur ce département depuis plusieurs années, j’ai une certaine connaissance des

    croyances, us et coutumes qui impactent, traversent, orientent les prises en charge éducative. En

    tant que RUE, je m’emploie à faire un état des lieux de la question de la laïcité, de la neutralité

    des agents, au sein de mon unité.

    1. Le respect des obligations légales : 1.1 Charte de la laïcité dans les services publics (13 avril 2007)

    La charte de la laïcité dans les services publics est affichée dans la salle d’attente de

    l’UEMO. Si cet affichage est visible par l’ensemble des usagers, nous pouvons très légitimement

    nous poser la question de sa lecture et de sa compréhension.

    1.2: Outils de la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-

    sociale :

    Si les outils de la loi 2002 sont effectifs au sein de l’unité, la question de la laïcité est peu

    présente dans l’ensemble de ceux-ci.

    3

  • Projet de service (PS) et Projet pédagogique d’unité(PPU): Les seules références trouvées dans le PS, réactualisé en 2016, se trouvent dans son

    paragraphe « éthiques et valeurs ». Le respect y est inscrit comme une valeur centrale qui

    permet l’acceptation des options philosophiques, culturelles, religieuses, politiques des usagers,

    dans le cadre des lois de la république et du respect de l’intégrité de l’autre. Il est également

    précisé que la dignité de la personne doit être respectée quels que soient ses handicaps, ses

    difficultés, sa nationalité, sa religion, son sexe ou son âge, sa couleur….Ainsi, la question

    religieuse appartient au domaine du respect et de la dignité, aucun lien n’est établi avec la laïcité.

    Le PPU faisait mention de la Laïcité, des religions, de la citoyenneté, de l’identité dans le

    cadre du Dispositif Accueil Accompagnement, par le biais de la création d’un module

    « ouverture au monde ». Si des interventions ont pu être menées auprès des jeunes, nous

    constatons toutefois, que l’existence de ce module n’a pas questionné l’ensemble de l’équipe

    éducative sur ces sujets, à l’exception des trois personnels en charge du DDA.

    Livret d’accueil : Dans cet outil, le service et ses missions, l’ensemble du personnel sont présentés aux

    usagers. Il est également inscrit le règlement de fonctionnement de l’unité dont l’article 1

    énonce : « Toute personne présente au sein du service a droit au respect qui lui est dû. Il ne sera

    toléré aucune insulte ni atteinte discriminatoire en raison de ses origines, de son appartenance

    religieuse, de son apparence, de son handicap et de ses convictions. » La charte des droits et

    libertés de la personne accueillie est reprise avec dans son article 1 le principe de non-

    discrimination, son article 10, le droit à l’exercice des droits civiques attribués à la personne

    accueillie et son article 11, le droit à la pratique religieuse.

    DIPC : Le format du DIPC a été retravaillé par l’équipe afin qu’il soit davantage adapté aux

    problématique personnelles, familiales et territoriales. Toutefois, aucun chapitre ne mentionne la

    question religieuse, des croyances, de la citoyenneté. De fait à la lecture de plusieurs d’entre

    eux, je constate l’absence de toute information sur ce sujet.

    1.3 : Circulaire 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la

    fonction publique, obligation de neutralité.

    Si la circulaire a été énoncée en réunion de service par le RUE précédent, quand est-il de

    sa compréhension et de son efficience réelle pour les agents ? Force est de constater que les

    principes déontologiques applicables aux agents n’ont pas été précisés ni adaptés aux missions

    du service.

    2. Une équipe plurielle : 2.1 : Origine des agents

    L’UEMO au sein duquel j’exerce, est très homogène en ce qui concerne les origines des

    différents agents, ainsi sept personnels sont d’origine antillaise, tous ont grandis en Martinique

    avant de poursuivre leurs études et le début de leur carrière professionnelle en métropole et

    revenir par le biais des mutations sur leur département de naissance. Sept personnels sont

    originaires de métropole, un est originaire d’Inde. La moyenne d’âge est de 42 ans.

    2.2 : Formation des agents

    Sur les onze éducateurs de l’équipe, un agent est issu de l’éducation surveillée, deux de

    promotion exceptionnelle, deux étaient cuisinières et ont bénéficié de promotion interne, sept de

    promotion classique. L’ensemble de l’équipe est en mouvement, en demande de formation

    continue, souvent « frustré » par la difficulté d’accéder à des formations de qualité au niveau

    national, de par les coûts financiers engendrés par la distance.

    4

  • 2.3 : Ancienneté de l’équipe sur le territoire

    Le dernier personnel métropolitain arrivé sur le département est présent depuis deux ans

    et avait déjà une connaissance de l’exercice de ses fonctions en territoire ultra-marin, étant déjà

    en poste en Guyane depuis quatre ans. L’équipe est remarquablement stable, les agents

    métropolitains sont présents depuis de nombreuses années sur le territoire, ils ont une curiosité et

    une réelle connaissance de l’histoire, des traditions, de la langue créole, des pratiques religieuses.

    De fait, si nous constatons une différence possible de perception liée aux origines des agents de

    la part des usagers, l’évolution dans le rapport de confiance au cours de la prise en charge est

    quasi systématique.

    2.4 : Résistance idéologique, malaise face à la question religieuse

    Si j’ai pu percevoir le mouvement constant de l’équipe, la volonté d’un questionnement

    quant à nos pratiques, l’adaptation de celles-ci aux textes en vigueur, je constate toutefois que la

    question de la laïcité n’a jamais fait débat. Ainsi il semble tacitement entendu par tous que ce

    sujet ne soit pas abordé ou ne pose pas de difficulté. L’ensemble des personnels se replie derrière

    le principe de la neutralité des agents du service public sans qu’un véritable sens ne soit donné à

    cette notion, si ce n’est l’évitement de la question religieuse au niveau individuel et /ou collectif.

    Dans un territoire ou la religion et les croyances sont si prégnantes, il est étonnant que cette

    question soit à ce point mise sous silence, alors que de fait elle est quasi constante dans la

    majorité des prises en charge éducative.

    3. Déclinaison de la laïcité par l’équipe : 3.1 :Connaissance et appropriation des textes

    Un questionnaire rapide à l’attention des agents lors d’une réunion de service me

    permettra de constater que si le principe de laïcité et de neutralité sont connus, peu ont lu les

    textes de référence5 et encore moins ne se les sont appropriés. Chacun fonctionne selon sa propre

    conception de la laïcité au regard de ses obligations de fonctionnaire et de ses propres croyances.

    Ainsi, la question religieuse au sein des prises en charge éducative est selon les cas, soit niée,

    soit entendue, soit légitimée, entravant de fait la question du traitement de l’acte délictuel.

    3.2 :Les écrits professionnels, rapport à la loi/religion, rendu compte,

    position commune.

    Si certains éducateurs font apparaitre, au détour d’une phrase, la question du religieux

    dans les rapports éducatifs, essentiellement quand cette problématique entrave toute adhésion au

    cadre légal de par une seule référence familiale à la justice divine, il n’existe pas pour autant de

    trame ou de position commune du service.

    3.3 : Consignes laïcité

    Il n’existe pas de déclinaison adapté à nos missions des principes de neutralité et de

    laïcité, ainsi chacun est libre d’aborder cette question selon ses propres convictions lors des

    entretiens avec le jeune et sa famille.

    3.4 : Organisation des dossiers : chemise laïcité citoyenneté, réseaux

    sociaux

    Si la DPJJ, préconise depuis les tragiques attentats ayant touchés la France, une vigilance

    particulière quant à une éventuelle dérive religieuse de nos usagers, par l’instauration

    administrative d’une pochette dédiée à ces sujets dans le dossier du jeune, elle n’est toujours pas

    mise en place au sein de mon unité, et ce malgré les préconisations de l’audit effectué sur le

    5 - Loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires du 20 avril 2016.

    - Note de la DPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action en matière de respect du

    principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge et du principe de neutralité des agents

    prenant en charge ces mineurs.

    - Circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique.

    5

  • service en octobre 2015. L’éloignement géographique, le faux sentiment d’être en grande partie

    protéger de ces questions liées à l’endoctrinement religieux ne nous ont pas permis d’aborder

    cette question sous un angle plus général de l’impact du religieux dans son ensemble sur nos

    publics.

    3.5: Actions laïques, citoyennes au sein du service.

    Si des actions citoyennes ont été mise en place au sein de l’unité comme la participation à

    des journées spécifiques, tel le téléthon, la journée de la femme, les violences, action contre le

    sida, cancer du sein…avec une réelle implication de l’équipe éducative auprès de nos jeunes

    pour une prise de conscience de ceux-ci sur le sens et l’intérêt de leur actions, là encore nous

    constatons qu’aucune journée ou intervention dans le cadre de mesure de réparation collective

    par exemple n’aborde le sujet de la laïcité et de la question religieuse.

    3.6 : Place et rôle du Référent Laïcité Citoyenneté.

    La nouvelle RLC du territoire a pris ses fonctions en septembre 2017, nous n’avons pas

    pu mettre en place d’interventions communes pour le moment. Auparavant l’action du RLC était

    essentiellement tournée vers la participation aux réunions de politiques publiques. Les rares

    actions menées au bénéfice des mineurs pris en charge traitaient de la citoyenneté, des valeurs de

    la république mais peu de laïcité. Là encore, les croyances de l’agent, son rapport très ancré à la

    religion, ont sans doute permis que la question soit éludée dans le cadre de ses missions.

    Plus généralement, le questionnement initial de la DPJJ quant à la prise de poste sur

    chaque territoire ultra-marin d’un référent laïcité ou d’un seul référent pour tous les territoires,

    est significatif de la pensée de l’inconscient collectif sur la laïcité : Celle-ci ne trouverait son

    essence qu’en réaction à une radicalisation islamiste, dont l’éloignement de l’hexagone nous

    protégerait.

    De fait, lors de son installation par le Directeur Territorial et sa présentation en réunion

    de service, il a été clairement signifié à l’équipe, que la question de la laïcité ne concernait pas

    directement notre département et que les actions menées traiteraient de la citoyenneté.

    3.7 :Formation individuelle, collective.

    Aucune formation interne à l’UEMO ou externe n’a jusqu’alors été proposée aux agents à

    l’exception de la formation de trois jours en PTF dans le cadre du Plan de lutte anti- terroriste

    (PLAT 1).

    Le management de l’UEMO, l’impulsion de changement, le diagnostic et la

    compréhension d’une plus-value pour l’équipe ne peut se mettre en place sans une prise en

    compte de la très forte activité (1367 mesures en 2017, dont 789 pour l’UEMO et 270 mesures

    au 9 février pour 2018), de la négligence des difficultés inhérentes au territoire en termes de

    continuité de parcours, d’orientation éducative, d’insertion scolaire et professionnelle. Tous ces

    paramètres impactent le travail des personnels tant en terme de temps, que d’investissement ou

    de fatigabilité.

    Depuis trois ans, cette équipe a travaillé sur la base d’un management participatif à la

    rédaction du Projet Pédagogique d’Unité en déclinaison du Projet de Service, à la production du

    livret d’accueil, au questionnaire de satisfaction, à la mise en place effective des permanences

    éducatives et à la mise en œuvre de l’accueil à cinq jours (art 12.3). Dès lors, comment mobiliser

    l’équipe sur le sujet de la laïcité, de la neutralité ? Il m’importera donc de veiller aux risques

    éventuels d’épuisement de l’équipe et de sécuriser la pensée de chacun sur cette question qui

    n’est pas sans induire beaucoup de réticences collectives et/ou individuelles.

    Forte des constats effectués au sein de mon Unité quant à une réelle effectivité tant dans

    la pédagogie du principe de laïcité que dans la prise en compte du fait religieux et la signification

    de la neutralité pour chaque agent, je souhaite impulser une dynamique de projet au sein de mon

    équipe. Le changement, l’accompagnement et la conduite de celui-ci font partie intégrante du

    6

  • management de RUE. « L’art de mobiliser des énergies en vue d’atteindre un objectif commun,

    un ensemble de savoir-faire au service d’une œuvre » 6

    .

    II : L’accompagnement au changement des pratiques :

    L’accompagnement au changement demeure la pierre angulaire du management. Le

    changement ne s’impose pas, il découle d’un diagnostic, de la problématisation d’un constat, de

    la formulation et la mise en œuvre d’objectifs communs et ne pourra être effectif qu’à travers

    ma capacité à mobiliser l’équipe, une temporalité, des outils d’évaluations prédéfinis, une

    réflexion sur les valeurs communes qui nous animent, et mon propre rapport à la question

    religieuse.

    A : Mise en œuvre d’un management participatif :

    1. Une stratégie de direction, Réunion de travail DS-RUE Selon le Règlement d’emploi des RUE, le binôme DS/RUE est au cœur du pilotage de la

    prise en charge. Leur complémentarité se traduit dans les activités par l’articulation

    « garantie/organisation ».

    Je sollicite donc que ce sujet soit rajouté à l’ordre du jour d’une réunion de direction afin

    de vérifier que nous avons la même vision de l’application des principes de laïcité et de

    neutralité des agents au sein du service. L’objectif premier étant que nous puissions élaborer une

    stratégie de management commune en intégrant la prévention d’un épuisement éventuel de

    l’équipe. Manager de proximité, Le RUE est le mieux à même de rendre compte à son supérieur

    hiérarchique des ressources, réticences, malaises collectifs et individuels. Si il appartient au RUE

    d’alerter le DS de situations individuelles à traiter dans le cadre de la prévention des risques

    psycho-sociaux, (règlement d’emploi des RUE) cette précaution favorisera également comme le

    stipule l’ANACT « l’amélioration des performances de santé et de sécurité et aura un impact sur

    les conditions de travail et les relations sociales dans le service ».

    J’exposerai ensuite l’état des lieux effectué au sein de l’UEMO et le plan d’actions

    envisagé afin que chacun au sein du service puisse appréhender la laïcité et la neutralité des

    agents publics selon un postulat collectif et adapté à notre public. La validation par le DS de ce

    plan d’action, la concertation est un incontournable à la réussite du projet. En effet, l’équipe

    éducative sera plus à même d’être rassurée face au changement si elle est dirigée par un binôme

    cohérent qui fonctionne dans la confiance, la transparence et la loyauté.

    2. Mise en œuvre des capacités de l’agent à porter le service public, élaboration

    d’une éthique de la laïcité commune, intra et extra muros. 2.1 : Point Mesure.

    Cet espace de rencontre individuel permet à travers les différentes prises en charge de

    l’agent, de valoriser ses pratiques professionnelles, ses compétences propres au-delà de celles du

    groupe. Si le contrôle fait partie de ce temps institutionnel, celui-ci ne doit pas être perçu comme

    une barrière à un échange privilégié, durant lequel l’agent doit pouvoir s’exprimer en confiance

    sur ses capacités, sa relation aux familles, à l’équipe, à la hiérarchie, aux évolutions légales de

    ses missions, ses éventuelles difficultés.

    Cette discussion sera pour moi l’occasion d’un échange autour de la perception de l’agent

    sur les thèmes de la laïcité et de la neutralité. Je serai ainsi mieux à même de comprendre et

    désamorcer d’éventuelles résistances individuelles avant que ces sujets soient abordés en équipe

    et préparer mon plan d’action collectif en connaissance. Cet échange sera également une

    opportunité de vérifier les motivations individuelles de chacun et de valoriser ses capacités dans

    le sens de l’action à venir, comme le précise Jean-Marie Miramon : « on mobilise collectivement

    et on motive individuellement »7

    6 Jean-René LOUBAT « Penser le management en action sociale et médico-sociale ». 2006. Edition Dunod.

    7 Jean Marie MIRAMON : « Manager le changement dans les établissements et services sociaux et médico-

    sociaux ». 2008.

    7

  • 2.2 : Mise en place d’une réunion de fonctionnement.

    Suite aux entretiens réalisés avec chaque agent lors des points mesure, je mets en place

    une réunion de fonctionnement. Ce temps institutionnel sera exclusivement dédié au sujet fixé.

    Je choisis la date la plus adaptée en fonction des prévisions de congés et de formation des agents

    afin qu’un maximum de personnes puissent être présentes. Dans un souci de cohérence, de

    compréhension et afin que chacun réfléchisse en amont à ce qu’il souhaite partager sur sa

    conception de la laïcité et de la neutralité, j’informe par une note de service de la date et l’ordre

    du jour, trois semaines avant la réunion.

    Le sujet de la question religieuse étant de l’ordre du privé voir de l’intime, l’idée est de

    créer un espace de négociation pour les professionnels qui les aidera à sortir de leurs positions

    idéologiques et/ou personnelles en instaurant un cadre qui permette un débat démocratique

    respectueux de chacun, sans jugement de valeur. Différents positionnements pouvant engendrer

    des malentendus au sein de l’équipe il est essentiel de discuter de ces questions dans les

    instances qui le permettent et notamment les instances pluridisciplinaires, en s’efforçant

    d’occulter toute dimension passionnelle sur la question.

    En introduction, il s’agira pour moi de présenter les préconisations et objectifs des notes

    et circulaires qui régissent nos missions dans le cadre de la laïcité et de la neutralité des agents.

    En tant que RUE, il m’incombe de maîtriser l’information, de la diffuser et d’effectuer un travail

    pédagogique de transmission. Replacer le cadre des notes et circulaires permettra de faire le lien

    entre théorie et pratique, de donner du sens au changement à construire.

    Je ferai ensuite un exposé de mes observations quant aux différentes pratiques des

    agents, je les valoriserai dans l’exercice de leurs fonctions mais leur signifierai ma constatation

    d’un entrechoc entre la prise en compte du religieux et ou du magico –religieux et les principes

    de neutralité et de laïcité. Quid par exemple, des préceptes religieux qui ont pu être affichés dans

    le bureau d’un professionnel, quid de la présence de l’éducateur aux veillées mortuaires dans les

    familles, quid des chants religieux entonnés en assemblée générale, quid des interprétations de

    chacun face au mauvais sort énoncé…. Si le religieux peut constituer un outil pour entrer en

    relation avec la famille, la construction d’une réponse commune face à ces sujets reposera sur la

    possibilité de parler, d’échanger, de porter ensemble une réponse aux jeunes et à leur famille qui

    eux sont souvent dans la confusion des espaces publics/privés et mènent parfois les

    professionnels vers des comportements d’identification ou de rejet.

    L’enjeu de cette réunion est de sensibiliser les agents sur la nécessité pour les

    professionnels de s’approprier ou se réapproprier la loi, de faire de la laïcité et de la neutralité

    des valeurs partagées et d’introduire ces notions au niveau des familles sans perdre pour autant la

    perception de celles-ci.

    Cette réunion sera basée sur un mode de management participatif. « On n’entre pas seul

    dans un processus de changement. Même si il s’opère à l’instigation d’un seul ou d’un cercle

    restreint de responsables, le changement passe par le travail de toute une équipe »8. En effet, il

    est essentiel que chacun puisse s’exprimer non sur un mode de récriminations mais sur un mode

    de questionnements constructifs quand aux moyens de mettre en œuvre ce changement de

    positionnement commun.

    Je proposerai à l’équipe de constituer plusieurs groupes mixtes, tant au niveau de la

    pluridisciplinarité, que de l’origine des agents, afin de favoriser un dialogue et une réflexion qui

    allient les capacités et une conception éducative de la laïcité. J’aurai par avance déterminé les

    thèmes de travail. Toutefois, un RUE dans ses qualités de management, se doit d’être souple sur

    la forme et ferme sur le fond et pour reprendre les propos du sociologue Philippe Bernoux, « La

    souplesse est nécessaire à l’innovation » et « Il n’y a acceptation du changement que lorsque les

    acteurs sont convaincus de la nécessité de ce changement et qu’ils peuvent donner leur avis sur

    le type de changement qui doit avoir lieu »9, les thèmes pourront donc, éventuellement, évoluer

    en fonction des propositions des agents.

    8 Jean-Marie MIRAMON : « Manager le changement dans les établissements et services sociaux et médico-

    sociaux ». 2008. 9 Philippe BERNOUX : « La sociologie des organisations » page 231 et 274.

    8

  • 2.3 : Mise en place d’une analyse des pratiques :

    A l’issue de cette réunion de fonctionnement, nous fixerons un calendrier et la date d’une

    réunion d’analyse des pratiques à laquelle sera convié le référent laïcité afin d’échanger autour

    du travail effectué par chaque groupe, écrire et valider la formalisation de pratiques autour de

    nos valeurs communes et nos relations aux familles. Elles porteront sur :

    La mise en place de formations internes autour de la laïcité, la neutralité, les croyances et les traditions en lien avec le PTF.

    L’articulation UEMO/RLC L’élaboration d’action de citoyenneté avec et pour le public, avec la

    possibilité de rédaction de fiche action projet pour un éventuel

    financement par le budget PLAT.

    Les modalités de présentation de la charte de la laïcité aux usagers, en réaffirmant le principe de la neutralité des agents, la prise en compte

    des croyances et la situation pénale. Présentation orale lors du premier

    entretien avec le jeune et sa famille et inscription dans le livret

    d’accueil. En effet si la charte de la laïcité indique dans sa généralité

    des objectifs à réaliser pour respecter le principe de laïcité, elle ne

    donne aucune solution concrète de mise en œuvre. Celles-ci devront

    être élaborées en tenant compte des particularités du service, du public,

    du territoire.

    En concertation avec l’adjoint administratif, la mise en place dans le dossier du jeune d’une chemise spécifique concernant la citoyenneté, la

    laïcité, les réseaux sociaux.

    Faire apparaitre et retranscrire l’évolution du jeune face à ses sujets dans le cadre du DIPC.

    Rajouter dans la trame des rapports éducatifs un paragraphe pour un rendu-compte aux magistrats.

    2.4 :Une action en direction des magistrats :

    J’irai à la rencontre des magistrats de la juridiction afin de les informer de la mise en

    travail de l’équipe sur la question de la laïcité, de la citoyenneté, de la prise en compte de la

    pratique religieuse et des croyances des usagers, de leur éventuelle incompréhension ou/et

    négation de la loi humaine face à la loi divine. Je vérifierai si le traitement de cette question et

    son rendu-compte dans les rapports éducatifs sont susceptibles d’apporter une plus-value à la

    compréhension de la situation du jeune, son rapport à la loi.

    B : Evaluation des nouvelles pratiques, perspectives :

    Afin d’évaluer la pertinence de l’action engagée, il est essentiel que des critères

    d’évaluation soit prédéfinis en amont, critères validés par le DS dès la mise en œuvre du projet et

    transmis à l’équipe éducative.

    Ce travail d’évaluation s’effectuera à moyen (6 mois) et plus long terme (1 an).

    1. Critères d’évaluation : Un des premiers critères d’évaluation concernera l’ambiance au sein du

    service. Si le sujet de la laïcité était jusqu’alors « tabou », car non parlé,

    non questionné de par les croyances de chacun et la peur d’un jugement de

    valeur, il conviendra d’être vigilant au nouveau positionnement de

    l’équipe. Le sujet fait-il discussion entre les professionnels, concernant les

    prises en charge ou leurs convictions personnelles ? Est-il abordé de

    manière apaisée, suscite t’il encore des tensions ?

    9

  • Je proposerai un questionnaire à l’attention de l’équipe sur l’effectivité des préconisations. Questionnaire qui abordera tant la posture

    professionnelle, neutralité de l’agent public, que la prise en compte du

    religieux dans les prises en charge, principe de laïcité.

    Je vérifierai si la nouvelle pochette citoyenneté, laïcité est effective et investie par les agents.

    Les CREPS seront aussi un outil dans lequel je pourrai constater la volonté, la satisfaction ou l’insatisfaction, les motivations de l’agent à

    faire vivre le projet, les valeurs communes, par la réalisation d’objectifs

    ciblés et favoriser la montée en compétence par le biais de la formation.

    Une nouvelle réunion fonctionnelle en présence du DS et du réfèrent laïcité sera consacrée, à un premier bilan collectif, à entériner les nouvelles

    pratiques qui s’avèrent efficientes, à apporter les modifications nécessaires

    à celles qui n’ont pas été suffisamment pertinentes. Cette réunion sera

    également l’occasion pour moi de constater dans le collectif l’interactivité

    des agents, l’évolution dans le contenu et la qualité des échanges.

    J’évaluerai par le retour des éducateurs après les audiences, mais également directement auprès du magistrat coordinateur, la pertinence de

    l’ajout du paragraphe, consacré à la conception religieuse ou/et magico-

    religieuse du jeune dans les rapports éducatifs. Je vérifierai si le magistrat

    se saisit de ces questions et si cette approche de la problématique du jeune,

    favorise une aide à la prise de décision et à l’explication de la

    condamnation.

    Cette phase d’évaluation est primordiale car elle permet de réajuster ou de réadapter les

    préconisations en fonction de leur effectivité et des nouveaux questionnements que la pratique a

    pu faire apparaitre. Cette prise de recul est essentielle en tant que RUE. Elle permet de mesurer

    les effets de la stratégie adoptée, la portée des décisions prises, la réalisation des objectifs.

    2. Perspectives La finalisation de tout projet, de toute stratégie de direction est de pouvoir inscrire les

    nouvelles pratiques dans une lisibilité qui permettent à chaque agent de se retrouver dans un

    espace commun de valeurs partagées, un cadre cohérent et contenant quant à la déclinaison des

    missions éducatives au sein d’un service prenant en compte les spécificités territoriales.

    Il conviendra donc dans cette perspective :

    D’inscrire les déclinaisons des principes de laïcité, de citoyenneté et de neutralité des agents dans le Projet pédagogique d’Unité.

    Puis, dans un deuxième temps dans le Projet de Service. Le collège

    de Direction permettra des instances de travail favorisant la

    mutualisation des moyens et dispositifs mis en place au sein des

    deux UEMO qui font Service et doivent se reconnaitre sur des

    valeurs et pratiques communes.

    De formaliser l’articulation et les actions citoyennes avec le RCL. D’obtenir la validation de la réactualisation du PPU et du PS par la

    DT qui aura une vision plus globale des objectifs territoriaux,

    interrégionaux et nationaux et du respect de ceux-ci à travers les

    positionnements et pratiques du Service.

    L’inscription et donc la pérennisation, de l’éthique, des pratiques des UEMO, du Service,

    dans les projets permettra la transmission sur le long terme à tous les nouveaux personnels

    mutés sur le territoire.

    10

  • CONCLUSION

    Arrivée au terme de ce dossier d’expertise, cette réflexion m’a permis de réaliser la

    nécessité pour un RUE, d’inscrire les pratiques dans un cadre légal, tout en favorisant une

    éthique de service mais également à me questionner quant ma capacité à choisir le mode de

    management le plus adapté aux situations et plus particulièrement dans le cas de résistances

    importantes de l’équipe au changement.

    Le RUE ne peut faire l’impasse de la question religieuse à travers les prises en charge

    éducatives au sein de son service. Pour autant, il ne lui appartient pas de traiter la question

    religieuse mais celle de la laïcité en ne stigmatisant pas les croyances des usagers et des

    professionnels. Ma responsabilité est d’interroger la question de l’éthique, de la posture et de

    permettre son élaboration par l’ensemble des agents afin que cette question ne soit plus perçue et

    traitée comme un problème individuel et laissée à l’appréciation de chacun. Cette démarche du

    RUE vise à l’émergence de nouvelles pratiques professionnelles au sein de son Unité.

    La question de l’éthique se posera quel que soit le changement envisagé au sein de

    l’unité. Le phénomène de résistance au changement présent dans toute organisation, doit être pris

    en compte par le RUE, tant il peut générer de conséquences négatives au point de vue humain

    (stress, absentéisme, risques psycho-sociaux…), et organisationnel. En ce sens il me parait

    bénéfique pour tous d’être dans une forme d’accompagnement qui relève de la démarche

    participative, quant il s’agira de l’élaboration de nouvelles pratiques. « Le rôle de l’animateur est

    déterminant pour la mise en œuvre du projet et la vie des équipes en place. Il s’agit de

    convaincre, de se montrer persuasif et pédagogue. Les personnels ne s’opposent pas au

    changement, à quelques conditions réalistes près : ne rien perdre, savoir où l’on va et avoir

    l’assurance que les nouveaux objectifs amèneront une dynamique nouvelle, valorisante. Leur

    offrir l’opportunité d’être acteurs du changement c’est leur permettre de décider eux même de

    l’évolution et de l’assumer »10

    .

    Toutefois, un management directif peut aussi dans certains cas être nécessaire et/ou

    attendu par une équipe, apporter une certaine forme de sécurité. C’est donc dans l’adaptation aux

    situations que le RUE pourra trouver le bon équilibre.

    « De même que le Vésuve vomit des pierres brulantes, de même l’homme lance au dessus

    de lui ses projets, il les élève et les engloutit tour à tour, jusqu’à ce qu’enfin une direction plus

    heureuse les pousse hors du cratère. »11

    10

    Jean-Marie Miramon : « Manager le changement dans les établissements et services sociaux et médicaux

    sociaux », EHESP 2008. 11

    Jean-Paul Richter : « Pensées »1829.

    11

  • BIBLIOGRAPHIE

    Loi, circulaire, note :

    Loi relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires du 20 avril 2016.

    Note de la DPJJ du 25 février 2015 relative à la mise en œuvre d’un plan d’action en matière de

    respect du principe de laïcité et des pratiques religieuses des mineurs pris en charge et du

    principe de neutralité des agents prenant en charge ces mineurs.

    Circulaire du 15 mars 2017 relative au respect du principe de laïcité dans la fonction publique.

    Ouvrages:

    Georges BRINGUIER « La laïcité dans tous ses états », 2016.

    Lafcadio HEARN : « Esquisses martiniquaises », traduction en français. 1924.

    Catherine BENOIT « Corps, jardins, mémoires . Anthropologie du corps et de l’espace aux

    Antilles ». 2000.

    Christiane BOUGEROL « Une ethnographie des conflits aux Antilles. Jalousie, commérages,

    sorcellerie ». 1997.

    Jean-René LOUBAT « Penser le management en action sociale et médico-sociale ». Edition

    Dunod.2006.

    Jean-Marie MIRAMON : « Manager le changement dans les établissements et services sociaux

    et médico-sociaux ». EHESP 2008.

    Philippe BERNOUX : « La sociologie des organisations ».1985.

    Jean-Paul RITCHER : « Pensées ».1829.

  • LISTE DES SIGLES

    DPJJ : Direction de la protection judiciaire de la jeunesse

    STEMO : Service territorial éducatif de milieu ouvert

    RUE : Responsable d’unité éducative

    UEMO : Unité éducative de milieu ouvert

    INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques

    PJJ : Protection judiciaire de la jeunesse

    PEAT : Permanence éducative auprès du tribunal

    PS : Projet de service

    PPU : Projet pédagogique d’unité

    DDA : Dispositif d’accueil et d’accompagnement

    DIPC : Dispositif individuel de prise en charge

    PTF : Pole territorial de formation

    PLAT : Plan de lutte anti-terroriste

    DS : Directeur de service

    ANACT : Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail

    RLC : Référent laïcité citoyenneté

    DT : Direction territoriale

  • ANNEXE

    1. Questionnaire à l’attention des agents.

    Questionnaire Analyse des Pratiques, Principes de laïcité et de neutralité

    Application

    Au niveau du Service :

    Le dialogue est-il plus ouvert avec vos collègues, concernant vos croyances, us et traditions ?

    Craignez-vous toujours un jugement de valeur négatif ?

    Vous enrichissez vous de l’apport de l’autre, de vos différences ?

    Etes-vous plus aguerris sur les obligations du fonctionnaire, concernant les principes de laïcité, neutralité ?

    Si oui, en quoi avez-vous progressé sur ce sujet ?

    La nouvelle articulation UEMO/RLC vous permet-elle un accès plus facile aux informations ?

    Avez-vous l’intention de vous inscrire en formation sur la laïcité, citoyenneté, neutralité?

    Au niveau des prises en charge éducatives :

    Vous êtes-vous saisis des outils formalisés lors de l’analyse des pratiques ?

    La présentation de la charte laïcité au jeune et sa famille leur permet-elle une meilleure compréhension des principes de laïcité et neutralité, induit-elle un discours et un

    positionnement différent sur leurs croyances et pratiques ?

    La juxtaposition loi divine/loi humaine vous semble t’elle moins prégnante ?

    La notion de responsabilité pénale émerge t’elle davantage ?

    Intégrez-vous cette question des croyances dans la trame de vos rapports ?

    Si oui, en quoi le magistrat se saisit il de cette question lors des audiences ?

    Projections :

    Avez-vous des propositions de nouveaux axes de travail sur la laïcité, la neutralité… ?

    Quelles modifications éventuelles solliciteriez-vous suite à l’expérimentation des nouvelles pratiques dans les prises en charge éducative ?

  • Résumé : En Martinique, la question de la laïcité et de la neutralité des agents du service

    public se pose de manière spécifique. Si la question de la radicalisation islamiste semble

    lointaine de par l’isolement géographique du territoire hexagonal, il est essentiel de

    prendre en compte les spécificités, traditions, coutumes et croyances locales.

    L’appartenance religieuse, ou/et magico religieuse qui s’incarne dans une créolisation de la

    société, la collision de la sphère publique/privée/religieuse impactent au quotidien les

    professionnels et la conduite des prises en charge. Cela reste pourtant un sujet « tabou »

    pour les agents. Dans ce contexte de résistances individuelles et collectives, il convient

    d’analyser le positionnement et le fonctionnement de l’équipe et de chaque professionnel

    face à ses propres croyances. L’accompagnement dans une dynamique de changement

    instauré par le RUE, visera à permettre à chacun d’inscrire ses pratiques dans le cadre de

    nos missions et nos obligations de fonctionnaire, quant à l’application des principes de

    laïcité et de neutralité. Il tendra à valider une éthique commune, au sein même de l’unité

    éducative, du service et au bénéfice de la prise en charge éducative.

    Mots-clés : Laïcité - Neutralité – Ethique - Religion - Croyance - Magico-Religieux.