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ROLLIN Mathilde Dossier n° : 0400717M Mémoire dirigé par Mr Dubois IUFM de Mâcon Concours de professeur des écoles Année 2006 LA PEDAGOGIE DIFFERENCIEE AU SERVICE DES ELEVES EN DIFFICULTE

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ROLLIN MathildeDossier n° : 0400717M

Mémoire dirigé par Mr Dubois

IUFM de Mâcon

Concours de professeur des écolesAnnée 2006

LA PEDAGOGIE

DIFFERENCIEE

AU SERVICE DES

ELEVES EN

DIFFICULTE

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Introduction p.3

I- Pourquoi faut-il différencier et à partir de quel moment ?

1) L'intérêt de la différenciation. p.4

a) qu'est-ce que différencier ?

b) pourquoi différencier ?

c) les recommandations ministérielles.

2) La nécessité de l'évaluation diagnostique. p.7

a) cerner les capacités des élèves.

b) l'aide des évaluations CE2.

c) l'évaluation informelle.

II- Mise en place de la pédagogie différenciée.

1) Différencier les objectifs. p.10

2) Les temps spécifiques. p.11

a) Les ateliers lecture.

b) Les groupes de soutien.

3) Différencier au sein du groupe-classe. p.15

a) Une élève de niveau CP parmi les CE2.

b) Chacun ses objectifs à atteindre.

c) Les groupes de niveaux en Angleterre.

1

SOMMAIRE

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III- Autres dispositifs non testés.

1) Le tutorat. p.25

a) La demande d'aide.

b) Le tutorat des grand envers les plus petits.

2) Le décloisonnement. p.27

3) Une situation observée en Angleterre : les groupes de couleurs enlecture. p.27

Conclusion p.29

Bibliographie p.30

Annexes

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Dès les premiers jours de cours à l'IUFM, nous avons été envoyés dans une classe pour observer les

élèves, afin de nous rendre compte de leur évolution lorsque nous y retournerions un mois plus tard.

J'ai été dans une classe de CP. C'était leur quatrième jour de classe. L'apprentissage de la lecture,

point fort de cette année, commençait tout juste. Mais pourtant, les élèves étaient déjà tous très

hétérogènes sur ce point. En observant la séance de lecture et les difficultés, mais aussi les facilités

de certains élèves, je me suis alarmée devant tant d'hétérogénéité : comment faire avancer tous les

élèves alors que tant de différences de connaissances et de compétences les séparent déjà ? Je savais

que la pratique de la pédagogie différenciée permettait de résoudre ce genre de problème. Mais je

me suis rendue compte que sa mise en pratique était floue pour moi.

C'est ainsi que j'ai saisi l'opportunité que représentait le mémoire, pour approfondir ce domaine.

Mais l'hétérogénéité des élèves est un sujet très large. J'ai alors choisi de restreindre mon sujet à la

pédagogie différenciée au service des élèves en difficulté. C'est ce qu'il me semblait prioritaire à

traiter, étant donné que dans une classe, quel que soit l'âge des élèves, il y en a toujours qui ont plus

de problèmes d'apprentissage que les autres. J'ai orienté ma recherche d'après la problématique

suivante : comment différencier les situations d'apprentissage pour prendre en compte les difficultés

des élèves ? J'ai commencé en émettant l'hypothèse que la différenciation peut se faire à tout

moment, si les objectifs à atteindre sont clairement définis.

Tout d'abord, je démontrerai l'intérêt de la différenciation, en spécifant à partir de quel moment le

faire. Puis, je ferai part des différentes situations de pédagogie différenciée que j'ai mises en place

lors de mes stages. Enfin, je compléterai par d'autres dispositifs que je n'ai pas testés, mais observés

ou lus.

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INTRODUCTION

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I – Pourquoi faut-il différencier et à partir de quel moment ?

1- L'intérêt de la différenciation pédagogique.

a) Qu'est-ce que différencier ?

Tous les élèves sont différents : sur le plan familial, culturel, cognitif, psychologique, sur celui des

apprentissages. Ils n'apprennent pas tous de la même manière, au même rythme. Ils ne partent pas

du même niveau et ne disposent pas des mêmes ressources pour avancer. Ils sont inégaux. L'école

doit faire face à un public hétérogène. Une pratique pour y remédier est la différenciation

pédagogique : « La pédagogie différenciée, prenant en compte les différences entre les élèves d'une

même classe, se propose de reconnaître ces différences, de les estimer légitimes, de se fonder sur

elles pour assurer l'ordre de l'apprentissage dans la classe. » 1

b) Pourquoi différencier ?

Certains élèves ont plus de difficultés que d'autres : ils sont moins mûrs, ou ont besoin de plus de

temps pour acquérir des connaissances, ils peuvent être issus d'un milieu qui ne les encourage pas.

Ce sont ces enfants que l'on qualifie « d'élèves en difficulté ». Ce sont des élèves qui ne suivent

plus le groupe-classe et dont le niveau scolaire est inférieur au niveau moyen. C'est avec ces élèves-

là que j'ai choisi de différencier mes pratiques pédagogiques. En effet, je considère que le reste de la

classe peut continuer d'avancer normalement mais que, si ces élèves ne sont pas plus fortement pris

en main, je vais les perdre au cours de l'année et ils ne pourront rattraper seuls leur retard. Ils ont

besoin davantage d'aide. « Si l'on propose à chacun une aide standard, on retrouvera à l'arrivée les

inégalités initiales : les mieux préparés arriveront les premiers alors que les plus faibles

n'atteindront même pas l'objectif. » 2

C'est ce but que je donne à ma recherche : la pédagogie différenciée au service des élèves en

difficulté. Philippe Perrenoud va dans ce sens en expliquant : « Différencier, c'est par définition ne

pas accorder à chacun la même attention, le même temps, la même énergie. N'est-ce pas injuste ?

(...) Il faut oser expliquer. (...) Que ne pouvant tout faire, [le maître] choisit d'accorder la priorité

aux élèves qui ont le plus besoin de lui. » 3 Cette façon de conduire sa classe me semble inévitable

1 Houssaye, J., 1999, 14. 2 Perrenoud, P., 1995, 24.3 Perrenoud, P., 1995, 44

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et aller de soi : dispenser un enseignement frontal sans tenir compte des différences signifie, pour

moi, avoir le rôle de « savant », oublier que l'on est face à un public jeune, en développement, qui

n'a pas les mêmes capacités intellectuelles que nous, adultes. Or, ce n'est pas le rôle de l'enseignant.

Il doit permettre à l'élève d'apprendre, et non se contenter de dispenser un savoir en laissant les

élèves se débrouiller avec.

Pour pratiquer la pédagogie différenciée, il faut donc déjà admettre que tous les enfants ne sont pas

égaux. « Différencier l'enseignement, c'est faire le deuil des représentations déterministes à la fois

désespérantes et confortables (exemple : il y a des enfants doués et d'autres pas, et "on n'y peut

rien"). » 1 Il faut faire le deuil du fatalisme de l'échec. Il faut croire que l'on peut aider tous les

élèves et oser dépasser la facilité que représente le travail avec ceux qui suivent. J'aime beaucoup

cette citation de Philippe Perrenoud, qui correspond bien à ma pensée : « Tous les enfants

n'apprennent pas au même rythme, de la même façon, avec les mêmes ressources. Il est donc

absurde de les placer constamment devant des tâches et des exigences identiques, sous prétexte

qu'ils ont le même âge ou appartiennent au même groupe-classe. » 2 Voilà comment se justifie la

différenciation des pratiques pédagogiques.

Après la volonté de vouloir différencier, vient la mise en place. Or, un de ses obstacles est « [qu']

elle apparaît particulièrement complexe et a tendance à décourager tout nouvel adepte par le

nombre de facteurs à prendre en compte. » 3 Il est certain que l'on se sent démuni et submergé

devant l'hétérogénéité des élèves. De plus, « Nul n'est aujourd'hui en mesure de proposer un

modèle de pédagogie différenciée à livrer « clés en main » » 4 En effet, cela semble impossible du

fait que chaque élève a ses propres difficultés ; donc l'enseignant ne va pas proposer la même chose

à quiconque étant en difficulté. Devant ces remarques, on peut vite être découragé. Mais il faut se

rappeler que notre mission est d'aider tous les élèves. Je pense qu'il faut commencer par définir

pourquoi la différenciation s'impose pour tel élève ; puis, quels objectifs sont à atteindre pour

remédier à ses difficultés ; et enfin, comment les mettre en place. Avec une bonne organisation,

précise et rigoureuse, des objectifs clairement définis, la différenciation est possible. Comme le dit

Philippe Meirieu, « (...) la différenciation n'exige guère de facilités institutionnelles ; chacun peut

la mettre en place à partir du moment où il a le souci de construire ses cours autour d'un objectif

auquel il ordonne différents outils et différentes situations. » 5 On peut être optimiste quant à son

utilisation en classe lorsque l'on sait que « Plus de trois-quarts des enseignants (77%) du premier

1 Perrenoud, P., 1995, 1212 Perrenoud, P., 1995, 1593 Houssaye, J., 1999, 144 Perrenoud, P., 1995, 1695 Meirieu, P., 1985, 135

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degré déclarent, non seulement pouvoir répondre à une politique pédagogique différenciée

permettant de mieux s'adapter à la diversité des élèves et à leurs difficultés, mais également la

pratiquer en classe. » 1 (enquête du Ministère de l'Education Nationale datant de 1995).

c) Les recommandations ministérielles

Le nom « pédagogie différenciée » est apparu en 1971 avec Louis Legrand. Ce n'est pas une idée

récente. C'est en 1979 que les directives officielles mentionnent pour la première fois le mot de

différenciation : « Aux heures de « soutien » conduit en petit effectif (il s'agit du collège), le

législateur oppose les heures de classe ordinaire où il est conseillé de « diversifier » les méthodes,

c'est-à-dire que lors de ces séquences, la « pédagogie doit être différenciée ». » 2

A l'école primaire, c'est la loi d'orientation de 1989 qui marquera le tournant. En effet, avec cette loi

sont créés les cycles : « la scolarité est organisée en cycles pour lesquels sont définis des objectifs

et des programmes nationaux de formation comportant une progression annuelle ainsi que des

critères d'évaluation ... » 3 L'hétérogénéité des élèves est officiellement reconnue et la volonté d'y

faire face admise. Elle se retrouve dans l'objectif premier de la loi : « mettre l'élève au centre du

système éducatif », sous-entendu, et non plus la classe. Dans le livret Les Cycles à l'école primaire,

la volonté de différenciation pédagogique est lisible : « Mettre l'enfant au centre du système

éducatif, c'est d'abord le prendre tel qu'il est, avec ses acquis et ses faiblesses, c'est donc construire

les apprentissages sur les compétences acquises précédemment : cela suppose de ne pas reprendre,

fût-ce pour un groupe d'élèves, des apprentissages déjà maîtrisés. Cela implique aussi que, quelle

que soit la classe, les lacunes éventuelles de certains élèves soient comblées avant qu'ils n'abordent

les apprentissages ultérieurs. » 4 Cette dernière phrase me semble assez explicite : proposer aux

élèves qui en ont besoin, de combler leurs lacunes signifie qu'ils ne vont pas faire les mêmes

apprentissages que le reste des élèves qui suit la progression « normale ». Il faut donc prendre en

compte les acquis des élèves, et permettre à ceux qui en ont besoin, d'acquérir les apprentissages

qu'il leur manque.

Les Instructions Officielles de 2002 évoquent à nouveau la nécessité de différencier la pédagogie :

« Il n'y a pas, en effet, de traitement global des obstacles à la réussite scolaire : chaque cas est

1 Gillig, J-M., 2001, 712 Perraudeau, M., 1994, 133 Ministère de l'Education Nationale, 1991, 44 Ministère de l'Education Nationale, 1991, 4

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particulier et relève d'une analyse, d'un traitement spécifique sur la longue durée, (...). C'est

l'occasion de rappeler la nécessaire différenciation de tout enseignement. » 1

Aux vues des recommandations ministérielles et des arguments en faveur de la différenciation, je

pense avoir montré qu'il est indispensable de différencier sa pédagogie aujourd'hui. Si l'on veut

donner une chance de réussite à tous les élèves, cela apparaît obligatoire.

Cependant, avant sa mise en place, il est nécessaire, comme le disent les Instructions Officielles, de

faire le point sur les acquis des élèves.

2- La nécessité de l'évaluation diagnostique.

a) Cerner les capacités des élèves.

Les élèves n'arrivent pas tous égaux dans une classe. Les différences sont issues de sources

multiples : le travail effectué au cycle ou au niveau précédent, l'environnement familial ( si l'enfant

cotoie régulièrement des livres, lit avec un adulte ), les capacités intellectuelles, la maturité, le

rythme d'apprentissage. C'est tout un ensemble d'éléments qui se combinent pour donner vingt-

quatre comportements différents dans une classe de vingt-quatre élèves. Ceux qui ne suivent pas

sont facilement repérables. Cependant, afin de mener une différenciation pertinente, il convient de

déceler au préalable les capacités réelles des élèves.

Je me suis retrouvée en stage de pratique accompagnée dans une classe de CP. Dès les premiers

jours, au travers des premiers exercices de lecture, les différences de niveaux apparaissent.

Cependant, je ne pense pas qu'il faille pour autant immédiatement différencier. Le CP est un cap à

passer pour l'élève, un temps d'adaptation est nécessaire, l'élève ne révèle pas immédiatement ses

capacités. Il me semble que ce principe est à généraliser à tous les niveaux. Laisser le temps aux

élèves de s'adapter et de se remettre au travail est préférable à une différenciation trop brutale.

Après un mois de classe, l'EMF a décidé de tester un noyau de bons lecteurs qu'elle avait remarqué.

Le niveau de la classe était très moyen ; seuls quelques élèves suivaient correctement. Cette

évaluation diagnostique avait pour but de cerner leur avancée afin, si des élèves se révélaient en

avance, d'adapter le travail par la suite. Ce type d'évaluation a pour objectif de cerner les capacités

réelles des élèves afin de leur proposer un apprentissage adapté à leurs besoins.

Elle avait repéré cinq élèves. Elle les a pris en groupe. Après leur avoir expliqué la raison de ce

1 Ministère de l'Education Nationale, 2003, préambule

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groupe, elle a donné à chacun un passage à lire dans différents albums. Puis, elle leur a posé des

questions de compréhension sur la correspondance grapho-phonologique. Enfin, elle a gardé

seulement un élève à qui elle a posé des questions sur le sens de sa lecture.

Cette évaluation a révélé qu'un seul élève était bien en avance en lecture (alors que l'EMF pensait

qu'ils étaient plusieurs), un autre au stade du début CP et que trois autres lisaient par déduction. Ils

allaient donc apprendre vite mais la différenciation n'était pas à prévoir pour le moment. Elle n'allait

concerner que l'élève en avance. On peut remarquer la pertinence d'une telle évaluation. Je pense

que c'est la première étape d'un travail de différenciation.

b) L'aide des évaluations CE2.

Lors de mon premier stage en responsabilité, je me suis retrouvée en CE2. A la suite des

évaluations nationales (obligatoires en début d'année pour ce niveau), des Programmes

Personnalisés de Réussite Educative (PPRE) ont été établis pour quatre élèves en maîtrise de la

langue. Un contrat est écrit avec les points à travailler durant l'année (annexe 1). Ces programmes

m'ont servi d'évaluation diagnostique. Je n'ai pas eu à en mener moi-même, car c'est précisément le

but de ce type d'évaluation. De plus, dans l'emploi du temps, des plages horaires étaient prévues

pour travailler en maîtrise de la langue avec ces élèves (les ateliers lecture). Dès les premiers

ateliers, j'ai pu différencier le travail que je leur proposais en m'appuyant sur le contrat.

En revanche, j'ai mené une évaluation diagnostique avec deux élèves que la titulaire m'avait

signalés pour leurs difficultés en orthographe. Je m'en était également rendue compte ; l'un d'eux

écrivait phonétiquement. Lors du premier atelier lecture, j'ai proposé à ces élèves un travail sur le

phonème [e] (annexe 2). Cette tâche s'est montrée pertinente car un des deux élèves concernés ne

révélait pas de difficultés particulières. Il savait très bien reconnaître un phonème ainsi que ses

différentes correspondances graphiques. Je n'ai donc pas continué à lui donner ce travail au cours

des ateliers suivants. En revanche, le second élève a rencontré des difficultés. Il a alors poursuivi le

travail de reconnaissance d'un phonème.

L'intérêt de l'évaluation diagnostique est ainsi pleinement démontré. A partir de ce travail

d'observation, ici en maîtrise de la langue, il est possible d'ajuster les situations d'apprentissage

suivant les besoins des élèves. Je suis du même avis que Philippe Perrenoud lorsqu'il dit que « pour

individualiser les parcours de formation, il importe d'abord de saisir le cheminement de chacun, de

repérer sa position, mais aussi sa trajectoire, son rythme, sa façon d'avancer ou les raisons d'un

blocage dans les apprentissages. Puis il convient de réorienter l'apprenant vers d'autres activités,

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d'autres projets, d'autres niveaux, un autre contrat didactique. »1 L'observation et la régulation

sont les outils de base de toute action éducative selon lui.

c) L'évaluation informelle.

Une autre forme d'évaluation peut également se faire. Indirectement, j'analysais constamment les

élèves, simplement en les observant, c'est à dire sans passer par un outil précis. En effet, les

évaluations CE2 ont été mes seules références matérielles. Mais mon analyse m'a permis de donner

du sens à ces résultats, de me rendre compte par moi-même des difficultés des élèves et des autres

besoins qui ne sont pas évaluables sur un papier. Je parle en ce sens de l'accompagnement que l'on

peut apporter à un élève. Je vais prendre un exemple concret pour m'expliquer. J'ai remarqué qu'un

élève de CE2 qui avait un PPRE avait du mal à se mettre dans une activité, et était tout de suite

défaitiste devant un obstacle. J'ai alors renforcé le soutien que je pouvais apporter à cet élève en

étant plus présente vers lui, en l'encourageant, en lui affirmant qu'il était capable de le faire ; par

exemple, en production d'écrit, il n'osait pas écrire, car il avait peur de faire beaucoup d'erreurs

d'orthographiques, ce qu'il faisait à l'accoutume. Je sais que, dans une production d'écrit,

l'orthographe n'est pas le premier souci, mais pour cet élève, c'était vraiment un obstacle qui

l'empêchait d'écrire. Il se bloquait et n'osait pas commencer. Je lui ai alors demandé de me raconter

ce qu'il pensait écrire. Puis, je l'ai rassuré sur la tournure de son histoire, et je lui ai dit d'essayer

d'écrire en réfléchissant bien à l'orthographe de chaque mot sur lequel il doutait, puis de me

demander s'il ne s'en sortait pas. Je le guidais, sans lui donner aucune réponse, mais en le faisant

réfléchir. Finalement, il n'a écrit que trois phrases, mais son orthographe s'était nettement améliorée.

Quelle n'a pas été sa surprise lorsqu'il a découvert qu'il n'avait que quelques erreurs ! Pour cet élève,

seulement des paroles et un plus grand soutien ont permis de le rassurer et ont porté leurs fruits. Je

pense donc que le soutien envers les élèves est une forme de différenciation pédagogique. Certains

en ont plus besoin que d'autres, notamment les élèves en difficulté puisqu'ils ont rarement confiance

en eux.

1 Philippe Perrenoud, La pédagogie à l'école des différences (p.161)

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II – Mise en place de la pédagogie différenciée.

1- Différencier les objectifs

Lors de mon stage de pratique accompagnée en CP, j'ai mené une séance de réinvestissement en

lecture. Au cours des phases de découverte et d'entraînement, il est apparu que les élèves

n'avançaient pas à la même vitesse en lecture. Une majeure partie avait de grosses difficultés.

J'ai alors émis les hypothèses suivantes : commencer ma séance par une phase collective de

réactivation du vocabulaire, avec, pour objectif, que les élèves les plus à l'aise aident les plus

faibles. Puis diviser la classe en deux : passer du temps avec le groupe 1 (les plus en difficulté) sur

la lecture de phrases, puisqu'ils mettaient plus de temps à déchiffrer, et pour revoir avec eux

certaines étapes du déchiffrage. En effet, j'ai considéré qu'ils n'y parviendraient pas seuls et qu'ils

avaient besoin d'aide et d'entraînement supplémentaires; pendant ce temps, mettre le deuxième

groupe en autonomie sur des exercices de lecture puis inverser les groupes.

Après une phase collective, j'ai donc divisé la classe en deux. Après avoir donné au groupe 1 une

lecture silencieuse de phrases sur le livre, j'ai distribué au groupe 2 une feuille d'exercices et nous

avons expliqué les consignes ensemble. Pendant que ce groupe travaillait, le groupe 1 devait lire

oralement les phrases avec moi. Je les avais récrites au tableau pour donner un support visuel aux

élèves. Je les laissais de temps en temps réfléchir sur certaines phrases pour aller voir le groupe 2.

Puis j'ai inversé les groupes : le groupe 1 travaillait à présent sur la feuille d'exercices et le groupe 2

lisait les phrases avec moi.

Or, là est mon erreur. J'aurais dû différencier les exercices car certains n'étaient pas réalisables pour

les élèves du groupe 1. De plus, les élèves du groupe 2 ont rapidement lu les phrases et ceux du

groupe 1 me sollicitaient sans arrêt puisqu'ils ne comprenaient pas les exercices. Je me suis

retrouvée avec des élèves incapables de réaliser les exercices que je leur proposais, donc qui avaient

besoin de moi, et d'autres inoccuppés.

J'aurais dû prévoir des exercices supplémentaires et évolutifs pour le deuxième groupe afin d'être

disponible pour le premier ; de même, je n'ai pas tenu compte de la difficulté des exercices et n'ai

pas anticipé les obstacles pour les élèves en difficulté.

Ma séance s'est terminée là. J'ai repris un des exercices deux jours plus tard. Nous avons procédé à

une correction collective. C'était un texte à trous à compléter par des mots proposés dans une liste.

J'avais récrit le texte au tableau et nous l'avons fait ensemble. Bien que les élèves les plus forts

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aient été présents pour entraîner les autres, les plus en difficulté ont eu énormément de mal et je me

suis vraiment rendue compte de la difficulté de ce travail et de mon incohérence à leur avoir

proposé.

Dans cette séance, j'ai différencié les groupes sans différencier le travail proposé ainsi que mes

objectifs. Seuls mon organisation et mon soutien étaient différents. C'est pour cela que j'aboutis à

cette première conclusion : dans un premier temps et avant de se lancer dans une organisation

différenciée, se demander pourquoi on veut différencier et définir précisément les objectifs à

atteindre suivant les groupes.

2- Les temps spécifiques

a) Les ateliers lecture

Comme je l'ai dit en première partie, lors de mon stage en CE2, des plages horaires étaient

aménagées dans l'emploi du temps pour consacrer du temps aux élèves en PPRE maîtrise de la

langue. Je me suis basée sur le contrat établi pour définir sur quel point j'allais travailler. J'ai choisi

l'objectif « Trouver et comprendre des informations dans un texte » (annexe 1). J'ai généralisé cet

objectif à l'ensemble de la classe en proposant à tous les élèves de travailler en compréhension

écrite ou orale (annexe 2).

En ce qui concerne les élèves en PPRE, j'ai décidé de commencer par une compréhension orale puis

de leur poser des questions sur le texte. J'ai utilisé le conte L'oiseau d'or des frères Grimm.

J'ai lancé ma séance en expliquant que l'on allait travailler par ateliers. J'ai expliqué aux quatre

élèves en PPRE qu'on allait travailler ensemble et aux autres qu'ils allaient être en autonomie. Deux

élèves ont fait un travail de discrimination visuelle et auditive sur le phonème [e]. Cette

différenciation dans la classe n'a posé problème à aucun moment. D'une part, ils étaient habitués à

travailler en ateliers ce jour-là ; et d'autre part, un bon climat de classe régnait et je n'ai jamais eu

affaire à un quelconque étonnement.

Après avoir expliqué les consignes aux autres élèves, j'ai rejoint le groupe de quatre sur une table

au fond de la classe. Je leur ai expliqué leur travail : « Je vais vous lire deux fois les trois premiers

chapitres d'un conte, puis vous répondrez par écrit aux questions que je vous poserai. » Nous avons

discuté ensemble du titre et de la couverture, puis j'ai lu l'histoire. A la suite de quoi je leur ai

demandé ce qu'ils avaient compris, sans entrer dans les détails. C'est une façon de décortiquer leur

compréhension globale du texte ; c'est une étape intermédiaire avant le passage à l'écrit, où les

questions requièrent une compréhension plus fine du texte. Puis, je leur ai posé les questions,

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auxquelles ils ont répondu par écrit. Nous n'avons pas eu le temps de les corriger ensemble ; alors,

je les ai regardées et annotées et, lors du second atelier lecture, ils avaient pour première consigne

de corriger les réponses fausses (je leur avais distribué le texte auparavant). Je voudrais préciser que

j'ai seulement corrigé le sens de la réponse et non l'orthographe. En effet, notamment pour un élève,

il y avait tellement d'erreurs orthographiques que toutes les phrases auraient été barrées (annexe 3).

Or, je me suis cantonnée à l'objectif de ma séance, c'est-à-dire comprendre un texte, car je pense

que cela aurait davantage découragé l'élève s'il avait vu toutes ses phrases barrées ; d'autant plus

qu'il n'avait aucun repère visuel lorsqu'il a écrit ses réponses. En revanche, lors du second atelier, je

lui ai demandé de vérifier l'écriture des mots en s'aidant du texte. Il a ainsi corrigé une partie de ses

erreurs.

J'ai procédé autrement pour le second atelier. J'ai demandé aux élèves de lire la suite du conte, puis

de répondre à des questions par écrit. Il s'agissait de fiches de compréhension correspondant au

conte, que j'ai remaniées. En effet, certaines questions concernaient l'ORL ; or, d'une part ce n'était

pas ce qui m'intéressait dans le cas présent et, d'autre part, je ne pensais pas que les élèves les

comprendraient ; je ne voulais pas ajouter d'obstacles supplémentaires. J'ai donc laissé les élèves

travailler en autonomie. Mon objectif était d'évaluer leur compréhension écrite en autonomie, pour

que je me rende compte si la présence du texte faciliterait leur réflexion ou non. Pendant ce temps,

je faisais un travail de compréhension orale avec l'autre groupe. Le résultat de cette séance n'a pas

été très positif. En effet, les élèves n'ont pratiquement pas su répondre aux questions. Ils n'arrivaient

pas à faire le tri dans toutes les informations fournies par le texte. Ils se sont retrouvés seuls devant

ces obstacles. Je me suis rendue compte que je devais être présente pour les aider dans ce travail. Ils

ne maîtrisaient pas la démarche à faire pour trouver une information dans un texte. J'ai alors décidé

de leur consacrer le temps des ateliers prochains au lieu de les laisser en autonomie.

Voilà comment je procédais pour les ateliers suivants. ( Le groupe des bons lecteurs était en

autonomie en compréhension écrite. ) Les élèves lisaient chacun leur tour un morceau du texte. Puis

je leur demandais de me dire ce qu'ils en avaient retenu. Comme je l'ai dit lors de la description de

ma première séance, cette première étape permet de faire le point sur la compréhension générale du

texte. Ensuite, chaque élève traitait une question. Il la lisait, y répondait s'il savait, puis devait

trouver la phrase justifiant sa réponse ; s'il ne la savait pas directement, je lui demandais de me dire

où se situait cette information dans le texte : au début, à la fin, etc. Puis il lisait la phrase quand il

l'avait trouvée et tous les élèves devaient la souligner, ce qui forçait les autres à chercher eux-aussi

l'indice dans le texte. Ainsi, tous les élèves devaient trouver l'information qui répondait à la

question. J'ai trouvé que le fait de souligner la phrase du texte donnait du sens à la recherche de

l'élève : la réponse à la question se trouvait bien dedans, elle n'était pas à inventer. A chaque séance,

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nous répétions les mêmes étapes. Les élèves commençaient à acquérir ce réflexe de se référer au

texte et j'étais de moins en moins présente dans leur réflexion. Ils savaient quelle démarche adopter

pour trouver la réponse. Malheureusement, ce travail s'est fait à court terme. J'aurais aimé le

poursuivre pour, par la suite, les laisser en autonomie et voir s'ils s'étaient améliorés. C'est ce que

j'aurais fait dans une classe à l'année. D'ailleurs, je pense que j'aurais adopté cette démarche de

travail pour traiter les autres items du contrat des PPRE.

Je voudrais ajouter que tous les élèves avaient les mêmes items dans ce contrat. Si un seul élève

avait été concerné par ce projet, j'aurais également fait un atelier lecture pour lui, ce qui serait

revenu à un travail individualisé. Ce que je veux dire, c'est que le nombre d'élèves importe peu dans

ce type d'organisation, l'objectif premier devant être d'accorder du temps à ceux qui en ont

davantage besoin que les autres.

b) Les groupes de soutien.

Après des séances d'entraînement et de réinvestissement, certains élèves ont toujours des difficultés

à intégrer une notion, alors que les autres la manient aisément. Ce sont souvent les élèves en

difficulté qui sont les plus lents à acquérir une notion ; mais je ne veux pas être trop catégorique ;

tous les élèves sont plus ou moins à l'aise suivant l'objet d'étude à un moment donné. Il faut

cependant prendre du temps pour combler les lacunes de ces élèves. Selon Philippe Meirieu, c'est la

phase de remédiation : elle consiste à proposer des exercices complémentaires, reprendre des

notions antérieures, élucider des représentations qui sous-tendent l'erreur et aussi proposer des

réajustements vers un nouvel itinéraire. 1 Mais le faire en collectif serait ennuyeux pour les autres .

C'est alors qu'est créé un groupe de soutien pour les élèves qui en ont besoin ; l'objectif étant de

résoudre des difficultés communes. C'est ce qu'explique Philippe Perrenoud dans cet extrait : « Il

faut trouver un système de travail individualisé qui permette à certains élèves de longs moments

d'activité autonome et utile pendant que le maître travaille plus intensivement avec un sous-groupe

ou un seul élève. Ce qui suppose une forme de plan de travail, (...), des règles de fonctionnement

négociées avec les élèves, un minimum de discipline bien comprise. » 2

J'ai organisé un groupe de soutien en mathématiques. Je pense que cette forme de travail doit être

envisagée lorsque c'est nécessaire, et non systématiquement. Comme le dit Philippe Meirieu : « La

pédagogie différenciée, c'est cela, non une systématique, mais une dynamique jamais achevée. » 3

Nous avons travaillé sur la multiplication d'un nombre par un multiple de 10. Après plusieurs

1 Perraudeau, M., 1994, 1012 Perrenoud, P., 1995, 463 Meirieu, P., 1985, 127

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séances d'entraînement, certains élèves avaient toujours des difficultés, alors que d'autres avaient

fini leurs exercices très rapidement. Je ne pouvais donc pas prendre un temps collectif pour

réexpliquer la technique, car la majorité des élèves n'allaient pas être concernés. « En mettant les

élèves d'une même classe par petits groupes, selon leur rythme, leur besoin, leur questionnement, le

maître, pédagogue actif, est plus à même d'apporter une réponse appropriée à chaque groupe,

donc d'une manière, à chaque élève. » 1 Lors d'une séance spécifique, j'ai expliqué aux élèves que

j'allais prendre avec moi certains d'entre eux pour leur réexpliquer la technique de multiplication et

que je ne voulais pas le faire avec tout le monde, car c'était inutile pour ceux qui l'avaient déjà

comprise. J'ai donc donné qui allaient être en autonomie un travail de réinvestissement autocorrectif

sur la multiplication (message codé à déchiffrer : annexe 4). Je pense que cette forme de travail doit

être prévue dans l'organisation de la journée, et non improvisée (annexe 5). La constitution du

groupe doit être bénéfique pour les élèves qui en ont besoin, mais cele ne doit pas se faire au

désavantage du reste de la classe. Il faut prévoir quelque chose d'utile pour eux. De plus, il est

pratique de prévoir un travail autocorrectif, car cela évite de prendre du temps pour corriger en

collectif un travail que tous les élèves n'auront pas fait.

Les élèves concernés par le groupe de soutien ont été regroupés sur une table commune au fond de

la classe. J'ai réexpliqué une fois la technique puis leur ai demandé de l'utiliser pour corriger leurs

erreurs dans un exercice fait ultérieurement. Mon rôle consistait à passer vers chaque élève pour lui

apporter l'élément qui manquait à sa réussite. Ils travaillaient sur le même thème mais chacun avait

son propre obstacle à surmonter ; c'est pourquoi j'ai individualisé mon aide. Lorsqu'un élève avait

corrigé ses erreurs, je lui donnais des opérations supplémentaires pour m'assurer de sa

compréhension ; puis, il rejoignait le groupe en autonomie et faisait le même travail, qui était du

réinvestissement de ce qu'il venait de faire. Chaque élève évoluait à son rythme dans le groupe. J'ai

été satisfaite de cette forme de travail, car j'ai trouvé que c'est une manière utile et bénéfique de

différencier la pédagogie au service de tous les élèves, mais en particulier, des élèves en difficulté ;

ils ont pu rattraper leur retard. J'ai cependant conscience qu'il faut veiller à ne pas enfermer les

élèves concernés dans ces groupes ; car une des dérives serait de créer une représentation duale avec

les « bons » et les « mauvais ». Ma pensée va dans le sens de celle de Michel Perraudeau : « Le

groupe de niveau ne prend son efficience de différenciation que s'il est mis en place avec beaucoup

de souplesse tant dans son organisation que dans la gestion du temps. Dans tous les cas, sa

constitution ne doit pas être ossifiée mais totalement ouverte et remodelée en fonction des besoins

réels des apprenants : la composition peut donc varier selon les domaines d'apprentissage. » 2

1 Perraudeau, M., 1994, 242 Perraudeau, M., 1994, 24

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Dans cette partie, je n'ai évoqué la différenciation que lors de temps spécifiques, la classe étant

divisée en groupes. Cependant, je souhaiterais montrer qu'elle peut également être pratiquée dans

des moments collectifs.

3- Différencier au sein du groupe-classe.

a) Une élève de niveau CP parmi les CE2.

Parmi mes élèves de CE2, lorsque j'étais en stage responsabilité, se trouvait une enfant du voyage.

Shony venait chaque année dans l'école mais n'y restait que le mois de Septembre. Cette année, elle

était toujours là quand je suis arrivée dans l'école en Décembre. Scolairement, elle avait le niveau

d'un élève de CP en lecture, et fin CP en mathématiques. Elle s'est cependant retrouvée en classe de

CE2. Impossible donc pour elle de suivre le reste de la classe. La différenciation était indispensable;

Tout du moins, c'est ce que je croyais au début. Je lui proposais quelque chose de différent pour

toutes les disciplines, sauf pour les sciences, l'éducation artistique, l'éducation physique et sportive

et les débats.

Certes, le travail devait être différent en lecture et en mathématiques. Mais mon équipe de suivi m'a

fait comprendre le statut particulier de cette enfant. Elle fait partie d'une population qui est

constamment mise à l'écart, et ce que je faisais en classe avec elle ne faisait que perpétuer cet

éloignement. L'école est une occasion pour elle de s'intégrer aux autres. Ce qui ne posait d'ailleurs

aucun problème dans la classe. J'avais envisagé sa présence différemment. Elle avait de telles

difficultés en lecture que je pensais que c'était le plus urgent à traiter pour l'aider dans la vie. Mais

en trois semaines, j'ai été un peu trop optimiste ! Par la suite, je l'ai intégrée dans toutes les activités

sauf en français et en mathématiques. Elle était très enthousiaste à l'idée de pouvoir « faire comme

les autres ». Et le reste de la classe n'a manifesté aucune opposition. Je vais citer une situation en

exemple. Je l'ai incluse dans un groupe lors d'un travail de recherche documentaire en Histoire.

J'appréhendais un peu car, comme elle ne savait ni lire, ni écrire des phrases en entier, j'avais peur

qu'elle soit isolée dans le groupe de travail. Or, ce fut le contraire. Les élèves l'ont très vite intégrée

et ils l'ont aidée à écrire. Shony recopiait leurs phrases. L'expérience a été enrichissante pour tous.

Pour Shony, c'était une occasion de s'entraîner à écrire ; cela lui montre l'utilité de la lecture et de

l'écriture. De plus, elle était très contente que l'on s'intéresse à elle et est devenue par la suite très

demandeuse. Ce fut également un très bon exemple de socialisation pour les autres élèves ; cela

développe l'entraide et la coopération. Je pense donc que son intégration au reste de la classe est

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tout à fait possible et qu'elle serait même à exploiter (par exemple en mettant en place du tutorat).

Seule une différenciation en mathématiques et en français semblent indispensables.

Je vais maintenant expliquer comment je mettais en oeuvre cette différenciation.

Je préparais mes journées en visant deux organisations : le travail avec le groupe-classe et celui

avec Shony. Pour chaque séance qui demandait une différenciation, j'anticipais à quels moments je

serais avec le groupe-classe et à quels moments je serais avec Shony. Je le marquais précisément

sur mon cahier journal (annexe 6 : le symbole ☺ indique ma place). Généralement, je prévoyais

toujours une phase de travail individuel ou en groupe dans mes séances pour me libérer et aller vers

Shony. Ce qui n'était pas toujours si simple car les élèves me questionnaient souvent pendant que

j'étais avec Shony. Pour éviter cela, j'ai veillé par la suite à toujours bien préciser et faire reformuler

les consignes par le groupe-classe afin qu'ils puissent travailler en autonomie sans m'interpeller. De

plus, un jour je leur ai expliqué que j'allais travailler avec Shony et qu'ils devaient travailler seuls

pour que je puisse l'aider pleinement. Je pense que cette explication aurait dû intervenir dès le

début; en effet, la titulaire ne procédait pas ainsi. J'aurais donc dû leur dire dès le début qu'à certains

moments, j'irais travailler seulement avec Shony et établir les règles qui s'imposaient lors de ces

temps spécifiques.

Shony apprenait à lire avec le manuel Dame Coca et les cahiers d'activité correspondant. Pour les

mathématiques, elle travaillait sur le fichier J'apprends les maths .

En mathématiques, la titulaire m'avait dit qu'elle avait un niveau fin CP, début CE1, ce qui n'était

pas très parlant pour moi. Dès le premier jour de mon stage, alors que le reste de la classe faisait une

évaluation que la titulaire m'avait demandée de faire, j'ai fait une évaluation diagnostique avec

Shony. Je me suis basée sur les fiches qu'elle avait faites précédemment. Le contenu était le suivant

: additionner des chiffres inférieurs à 10, ranger des nombres dans l'ordre croissant et décroissant,

résoudre des problèmes additifs simples dont les termes sont inférieurs à 10. Puis, je lui ai fait écrire

des nombres plusieurs fois car j'ai remarqué pendant l'évaluation qu'elle ne les faisait pas

correctement.

Les résultats de cette évaluation ont été satisfaisants. L'addition des nombres inférieurs à 10 ne lui

posait pas de difficultés. J'ai donc envisagé de poursuivre les séances en mathématiques sur

l'addition du type 10 + un nombre à un chiffre. Ce qui m'a posé problème lorsqu'elle travaillait en

autonomie en mathématiques, ce fut la lecture des consignes. Souvent, même avec un exemple, elle

ne comprenait pas ce qu'il fallait faire. J'étais alors obligée de lui demander d'attendre ou de passer à

un autre exercice, le temps que je finisse ce que j'étais en train de faire avec le groupe-classe, pour

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pouvoir ensuite prendre quelques minutes pour aller la voir (je voulais éviter de m'arrêter au milieu

de mon explication) ; ou bien je prenais quelques secondes pour lui lire la consigne; mais c'était le

reste de la classe qui attendait. Je n'ai pas vraiment trouvé d'organisation efficace pour résoudre cet

obstacle des consignes. Par la suite, je lui expliquais les consignes au moment où je lui distribuais la

fiche de travail. Mais souvent elle me sollicitait quand même, car elle ne se souvenait plus de ce

qu'il fallait faire ; de même pour la résolution de problèmes, je lui faisais faire lorsque j'avais prévu

de mettre le reste de la classe en autonomie, afin d'être libre pour lui lire l'énoncé.

En lecture, chaque nouveau texte du manuel faisait découvrir un nouveau phonème. Je la laissais

découvrir seule le texte et les images, elle essayait de repérer les mots qu'elle connaissait ; puis nous

lisions ensemble le texte. Elle travaillait souvent sur les fiches correspondantes. Au cours de ma

première semaine de stage, je lui ai fait faire une évaluation diagnostique. Je lui ai demandé de

relire seule tous les textes qu'elle avait étudiés depuis le début de l'année, puis elle me les a lus.

Je me suis aperçue qu'elle avait acquis des mauvais réflexes pour déchiffrer ; elle prononçait le

graphème et non le phonème correspondant. Elle connaissait certains mots par coeur mais était

incapable de déchiffrer des mots inconnus. En revanche, cette difficulté s'atténuait à l'écrit. Par la

suite, je lui ai dicté des mots qu'elle avait déjà lus dans le manuel. Lorsqu'elle peinait à écrire le

mot, je le prononçais en séparant les syllabes et en accentuant chaque phonème. J'ai remarqué qu'il

était plus facile pour elle de retrouver le graphème d'un phonème que l'inverse. Il est difficile

d'essayer de lui apprendre à lire de la même manière qu'un élève de CP, car elle a fait beaucoup

d'écoles différentes, ce qui implique des façons de procéder diverses et des acquis déjà installés.

C'est également une des raisons qui m'ont poussée à faire une évaluation diagnostique. Je me suis

un peu retrouvée dépourvue devant cette élève, car je voyais bien que suivre le manuel page à page

n'était pas ce qu'il y avait de plus efficace, mais je ne savais pas par quel moyen m'y prendre pour

pallier à ses difficultés. J'ai alors demandé conseil à mon EMF qui m'a dit que, étant donné ses

difficultés et le fait qu'elle puisse quitter l'école soudainement, le plus utile était de cibler l'étude des

phonèmes : chaque jour, choisir un phonème qui lui posait problème et lui faire des exercices de

discriminations visuelle et auditive sur son cahier du jour.

C'est donc de cette manière que j'ai procédé par la suite. J'ai choisi des phonèmes qui lui avaient

posé problème lors des lectures précédentes (des phonèmes complexes) : [u], [ã], /on/, [wa]. Je lui

lisais une liste de mots dans laquelle elle devait retrouver le son commun. Ensuite, elle faisait les

exercices que j'avais préparés sur son cahier du jour : entendre puis voir le son dans un mot

(entourer les mots qui contiennent tel son et le souligner dans le mot) ; graphisme et dictée de mots

sur ce phonème, à laquelle je rajoutais de séance en séance les phonèmes étudiés précédemment ;

construire une phrase (remettre les mots dans le bon ordre) ; compléter des mots à trous par le bon

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phonème (annexe 7) . Je variais le type d'exercices au fur et à mesure des séances.

Malheureusement, le travail avec Shony s'est fait à court terme, ce qui m'a vraiment frustrée.

J'aurais aimé voir à long terme si cette forme de travail l'aiderait à mieux déchiffrer, si les résultats

auraient été là ; et aussi comment ses relations avec les autres élèves auraient évolué au fur et à

mesure de l'année. Cette citation de Philippe Perrenoud explique bien pourquoi j'étais frustrée au

bout des trois semaines de stage : « Individualiser les parcours de formation n'est pas une

entreprise simple et la mise en place d'un dispositif n'est qu'un début ; l'essentiel se jouera dans la

durée, dans la capacité de réévaluer et de remanier les structures mises en place. » 1

En revanche, après avoir pris du recul sur cette expérience, je pense qu'elle m'a montré une des

limites de la différenciation : le risque de ne voir l'élève qu'à travers ses difficultés et de l'enfermer

dans ce statut. Or, l'intégration est une des clefs de la réussite de la différenciation : c'est une façon

de se sentir exister. Je crois que, lorsque l'on pratique la pédagogie différenciée, il est important de

prendre du recul pour se demander comment inverser le système et combler « l'exclusion » à

certains moments ; en somme, comment utiliser les difficultés des élèves pour un projet commun.

b) Chacun ses objectifs à atteindre.

La pédagogie différenciée ne signifie pas toujours faire autre chose : les élèves peuvent avoir le

même travail à faire, mais avec des objectifs différents à atteindre. Je vais illustrer cette idée par une

situation que j'ai mise en place avec des CE2.

En maîtrise de la langue, nous avons travaillé sur l'album Un Noël noir et blanc d'Hélène Kérillis.

Lors d'une séance, je leur ai lu les huit premières pages. Mon objectif était de leur faire imaginer la

suite de l'histoire en production d 'écrit.

Ensemble, nous avons oralisé ce que l'on apprenait à la lecture des premières pages : qui sont les

personnages, que font-ils, quand cela se passe-t-il, où ? Nous avons listé ces éléments au tableau.

Puis, je leur ai donné la consigne suivante : « A partir de toutes ces informations, vous devez

imaginer la suite de l'histoire ; votre récit devra commencer par la dernière phrase de l'histoire,

c'est-à-dire, Au début, elle marche vite sur le chemin qu'elle connaît. » Certains ne comprenaient

pas ce qu'il fallait faire de tous les éléments mis en avant précédemment. Je leur ai expliqué que

pour être cohérent, leur texte devait se passer à la même période, que l'on devait retrouver certains

personnages mais que d'autres pouvaient être ajoutés. Ils se sont tous mis à écrire. Un élève a

1 Perrenoud, P., 1995, 155

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rencontré des difficultés avec l'orthographe ; c'est ce que j'explique dans le paragraphe intitulé

« L'évaluation informelle » de la première partie. Je ne vais donc pas reprendre mon explication.

Cependant, j'aimerais ajouter qu'avec du recul, je pense que j'aurais dû, dans ma consigne, préciser

que le nombre de lignes m'importait peu ; mais que c'était le contenu qui primait. L'objectif du

premier jet d'une production d'écrit est la création du récit. Le respect des contraintes

orthographiques, syntaxiques et lexicales est l'objectif du second jet. Je pense que j'aurais pu

dédramatiser l'écriture pour certains élèves, qu'ils aient des difficultés ou non ; car écrire est un

processus complexe pour des élèves de cet âge, et certains peuvent être apeurés par la longueur de

leur production. Je n'ai pas rencontré ce problème avec ces élèves, mais je pense qu'une simple

phrase peut avoir de la valeur aux yeux de ceux qui sont concernés. Je le préciserais dans mes

consignes si j'avais à le refaire.

Pour la correction, en même temps que je lisais leur production, je soulignais les erreurs

orthographiques dans les mots. Je n'ai pas différencié mon mode de correction, car je m'étais rendue

compte qu'ils n'étaient pas encore capables de s'autocorriger. En revanche, vers le milieu de l'année

scolaire, ou avec des CM, j'adopterais un autre système de correction : indiquer seulement dans la

marge qu'il y a une erreur dans la ligne, et les souligner dans les mots seulement pour les élèves en

difficulté : s'ils ont déjà des problèmes pour corriger le mot, c'est inutile d'ajouter des obstacles en

leur faisant chercher l'erreur, ce qui, pour eux, est souvent encore trop complexe (s'ils ne savent pas

corriger leurs erreurs, ils ne vont pas non plus les voir).

Lors de la séance suivante, l'objectif premier était d'améliorer la forme du récit. Chaque élève devait

lire son texte aux autres, qui faisaient leurs remarques sur la syntaxe. Le fait d'oraliser son texte

permet déjà à l'élève d'entendre les maladresses syntaxiques (répétitions, absence de ponctuation,

etc.) ; mais c'est également enrichissant pour les autres élèves, car cela leur permet de réfléchir sur

différentes tournures. Ce qui est également intéressant dans ce procédé, c'est que tous les élèves

sont au même niveau, car ils ont tous écrit quelque chose ; donc chacun lit quelque chose et les

difficultés pour écrire ou les erreurs orthographiques n'apparaissent pas à l'oral. L'erreur est

acceptée et relativisée pour et par tout le monde ; en effet, auparavant, je leur avais expliqué que le

rôle des élèves qui écoutent était de trouver comment améliorer le texte qu'ils allaient entendre.

Cet exercice terminé, chacun devait ensuite améliorer son texte grâce aux remarques de ses

camarades, et se concentrer ensuite sur les erreurs orthographiques, lexicales et de présentation. Ils

avaient à leur disposition les dictionnaires (nous avions vu dans une séance précédente comment les

utiliser) et les tableaux de terminaisons des verbes. (le travail de lecture puis d'autocorrection s'est

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fait sur plusieurs séances)

J'ai laissé les quatre élèves en PPRE en quasi-autonomie, comme le reste de la classe. Leur

production était simple et ils avaient des erreurs qu'ils pouvaient corriger seuls. Cependant, je suis

passée vers chacun pour, d'une part, commenter leur production, et d'autre part, leur donner un

objectif de correction : par exemple, un élève dont la production était très courte, avait commis des

erreurs de transcription phonétique ; nous avons mis en avant son problème et corrigé ensemble une

erreur, et je lui ai dit de faire de la même manière avec les autres mots erronés. Mon objectif était

qu'il apprenne à réfléchir seul sur ses erreurs ; de même pour les autres élèves, ils avaient chacun un

petit objectif à atteindre dans leur correction. Une autre élève, par exemple, devait rechercher en

autonomie l'orthographe de quelques mots dans le dictionnaire et je l'aidais pour les erreurs de

terminaisons. En fait, je leur donnais des tâches dont j'étais sûre qu'ils pouvaient la résoudre seuls

(par exemple, la recherche dans le dictionnaire). Je les aidais pour celles qui leur posaient problème

(par exemple, les terminaisons).

Cependant, il y a un élève que je n'ai pu laisser seul. Sa production comportait trop d'erreurs,

qu'elles soient lexicales ou orthographiques, et le laisser seul face à cela aurait été inefficace. C'est

un élève qui écrit la plupart des mots phonétiquement, et qui ne sait pas dire où il s'est trompé.

Pourtant, il n'avait pas manqué d'imagination et n'a jamais été bloqué pour écrire. Nous avons donc

partagé la correction : je lui ai donné une liste de mots à chercher dans le dictionnaire et lui ai dit

que l'on ferait le reste ensemble ; ce qui m'a permis d'être disponible pour les autres et de lui faire

acquérir une démarche de correction. De plus, je savais que la recherche dans le dictionnaire ne lui

posait pas de problèmes. Mais cela ne s'est pas fait sans difficultés ; il réussissait à corriger les mots

dont l'erreur n'était pas en début de mot (toujoure par exemple), mais avait du mal avec ceux dont

l'erreur se trouvait dans la première syllabe : par exemple, pour baucou, il cherchait uniquement

dans la page des mots commençant par « bau » ; il ne pensait pas systématiquement que le phonème

[o] avait plusieurs graphèmes. C'est moi qui lui faisais remarquer. La correction était très difficile.

J'ai finalement pris la décision de corriger avec lui. La plupart des élèves avaient amélioré leur texte

au cours du second jet, ils en étaient tous au jet final. J'ai profité de ce moment où ils travaillaient en

autonomie pour m'asseoir vers l'élève concerné et continuer la correction. Je corrigeais les erreurs

de conjugaison et je voulais qu'il se concentre sur les erreurs lexicales : nés au lieu de n'est, ou

encore comaim au lieu de quand même, c'est au lieu de ses (annexe 8). Je lui posais des questions

sur le sens, la prononciation, pour qu'il trouve lui-même la solution. Mais ce fut long.

Je ne suis pas très satisfaite de cette façon de faire. C'est une situation délicate car cet élève aime

écrire un récit, mais ne sait pas respecter les contraintes orthographiques et lexicales. Donc la

correction est une phase difficile pour lui.

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Si c'était à refaire, sachant que désormais je connais le façon de faire de cet élève, je ne m'y

prendrais pas de la même manière. J'établirais des objectifs spécifiques pour lui.

D'abord, je lui imposerais un nombre maximum de lignes (dix). Comme le premier jet ne représente

pas un obstacle pour lui, il faut le laisser écrire sans aucune contrainte. Puis, je soulignerais les mots

dont je sais qu'il est en mesure de corriger l'orthographe (à l'aide du dictionnaire par exemple) ou la

terminaison (à l'aide d'affichages dans la classe). Je corrigerais les autres erreurs. Je créerais un

répertoire dans lequel il inscrirait, au fur et à mesure des productions, les mots dans lesquels il a

commis des erreurs lexicales, en veillant à ce que les mots les plus courants soient prioritairement

inscrits. Ainsi, il pourrait s'y référer pendant la correction ; de plus, cela lui servirait de référence à

tout moment, quelle que soit la discipline. Ce répertoire pourrait même être généralisé à tous les

élèves en difficulté. Ce serait une référence supplémentaire en cas de doute, puisqu'ils ont souvent

des difficultés de mémorisation. D'autre part, à force de côtoyer les mots de ce répertoire, ils seront

amenés à les mémoriser inconsciemment. Dans ce cas, la différenciation revient à donner un outil

supplémentaire aux élèves concernés.

J'ai fait mon deuxième stage en responsabilité en Angleterre. Dans la classe avec laquellle je

travaillais, les élèves avaient tous à leur disposition un répertoire de mots. Les plus courants avaient

été inscrits en début d'année. Celui des élèves en difficulté ne contenait pas les mêmes mots que

celui du reste de la classe, mais des mots plus simples et plus courts. Les élèves l'utilisaient

librement lorsqu'un problème d'écriture se posait à eux. Si le mot cherché n'était pas dans le

répertoire, l'enseignante le rajoutait. En fait, le répertoire était un genre de petit dictionnaire.

Je suis pluôt d'accord sur la façon d'utiliser ce répertoire à tout moment ; en revanche, la liste de

mots qu'il contient ne me satisfait pas vraiment. Je préfèrerais laisser les élèves inscrire eux-mêmes

les mots qui leur posent problème, plutôt que de leur imposer. En effet, je trouve cela plus utile s'ils

notent eux-mêmes les mots qu'ils ne connaissent pas ; ils ne font pas tous les mêmes erreurs sur les

mêmes mots. Donc, chacun marque ce dont il a besoin. C'est un outil individuel. De plus, je ne vois

pas pourquoi seuls les élèves en difficulté auraient une liste différente. Je suis plutôt d'avis que

chaque élève ait sa liste. A moi ensuite de veiller à la bonne copie des mots. Je leur demanderais

d'avoir ma validation après chaque nouveau mot inscrit. Ce qui ne m'empêcherait pas de travailler

en parallèle l'orthographe de certains mots précis, lors d'une séance distincte. Le répertoire doit

rester un outil d'aide.

Une autre situation illustrant la différenciation des objectifs à atteindre est la dictée : les élèves en

difficulté s'arrêtent avant la fin. Ainsi, ils ont moins de mots surlesquels se concentrer. Cela évite

une surchage cognitive. En fait, il s'agit de réduire la difficulté.

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De même, dans la phase d'entraînement, quelle que soit la discipline, il est possible de donner des

exercices avec des degrés de difficulté hiérarchisés. Ainsi, on va demander à l'élève qui rencontre

des obstacles sur la notion étudiée, de faire en priorité les premiers exercices. Cela permet aussi à

l'enseignant de se rendre compte de ce qui est acquis.

c) Les groupes de niveaux en Angleterre.

Dans ma classe, la différenciation était très présente. Il y avait quatre tables : une par niveau. Les

groupes ne changeaient pas, ils restaient tout le temps les mêmes. Une table regroupait les élèves en

difficulté, une autre pour les « meilleurs » (d'après leurs termes), et deux pour les élèves

« moyens ». Cette situation peut apparaître pratique pour l'enseignante lorqu'elle veut différencier le

travail avec les élèves en difficulté. Mais ce qui m'a déplue, c'est le fait que les élèves ne sont

pratiquement jamais mélangés. C'est surtout flagrant pour ceux qui ont des problèmes, ils sont

toujours tous ensemble dans le même groupe. J'en suis arrivée à la conclusion que ce système

creuse encore plus les écarts entre les élèves. Dans ma classe, j'essaierais de mélanger les élèves

suivant leurs niveaux, et non de les séparer. En effet, ce système est bénéfique pour tous : pour

l'élève en difficulté, son voisin peut l'aider quand il en a besoin, et le motiver ; pour ce-dernier, cela

lui permet d'apprendre à aider. Mais surtout, les élèves doivent être solidaires dans la classe, et je

pense que le fait de ne pas créer de groupes favorise un bon climat. Dans cette classe, j'ai trouvé

qu'il n'y avait aucun soutien entre les élèves, mais que c'était plutôt chacun pour soi. Je pense que là,

l'objectif de socialisation de l'école a échoué.

De même, pendant les temps de regroupement, j'ai remarqué que les élèves qui ne suivaient pas

étaient laissés de côté.

En effet, l'enseignante sait que ces élèves ne savent pas, et ça se voit (ils ne participent pas, ils ne

répondent pas correctement), mais rien n'est fait pour les aider. Par exemple, elle faisait souvent des

quizz de calcul mental sur l'ardoise. Systématiquement, les élèves en difficulté ne répondaient plus,

ou se trompaient, dès lors que les questions se compliquaient. Mais rien n'a été fait pour leur

expliquer la bonne réponse. Cette façon de laisser des enfants de côté m'a personnellement déplue.

Je pense que, soit on propose quelque chose que tous les élèves sont en mesure de faire, soit on

prend du temps pour expliquer à ceux qui ne suivent pas. Lorsque j'ai mené des séances où j'avais

une phase de calcul mental, j'expliquais la réponse chaque fois qu'un élève s'était trompé. Soit je

demandais à un autre d'expliquer, soit on reprenait le calcul ensemble. Je ne comprends pas l'intérêt

de continuer si on perd des élèves en chemin. Ceux qui y arrivent réussiront les autres opérations ;

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mais ceux qui, dès le début, sont perdus, ne pourront pas progresser si personne ne leur explique

leur erreur.

Dans cette classe, la différenciation pour les élèves en difficulté se traduisait soit par plus de

supports, soit par un travail différent. Par exemple, lors d'un travail sur les volumes (compter le

nombre d'arêtes, de sommets et de faces), ils avaient à leur disposition les différents volumes, alors

que le reste de la classe avait pour consigne de les imaginer. J'ai trouvé cette façon de faire très

utile. Si l'enseignante avait laissé les élèves imaginer les volumes, cela leur aurait ajouté une

difficulté supplémentaire. Ils ne savaient pas encore bien les reconnaître et utiliser le vocabulaire à

bon escient, donc il était impossible de leur demander en plus de les imaginer. Cette forme de

différenciation revient donc à apporter aux élèves une aide supplémentaire. C'est le même objectif

que l'utilisation des répertoires (cf. b)) : proposer le même travail qu'au groupe-classe mais donner

un outil supplémentaire.

Sinon, l'enseignante proposait un travail différent : - soit sur le même thème mais simplifié : par

exemple, lors d'un travail sur le repère dans l'espace (gauche/droite), l'exercice des élèves en

difficulté consistait à se repérer sur des chemins simples (je prends la première à gauche pour aller à

tel endroit ; et pour aller à tel autre endroit ? Etc.), alors que le reste de la classe devait, en plus du

même exercice, se repérer sur un quadrillage ou créer un code dans une grille.

- soit sur un thème différent : par exemple, lors

d'une séance d'anglais, l'enseignante a commencé par un temps collectif où tous devaient trouver

des mots contenant le son [ear]. S'en sont suivis des exercices de réinvestissement, sauf pour deux

élèves qui étaient plus faibles en anglais (mais qui ne font pas partie du groupe des élèves en

difficulté ; pour cette séance, ces-derniers travaillaient avec un enseignant équivalent à un membre

du RASED chez nous). J'ai travaillé avec ces deux élèves : ils disposaient d'une première lettre et de

la fin de mots, et devaient construire des mots, les employer dans une phrase, puis les écrire. Mais le

travail ne concernait pas forcément le son étudié en collectif.

Honnêtement, je n'ai pas vraiment compris pourquoi ces élèves n'ont pas fait le même travail que le

reste de la classe. Il y a trop de différenciation dans cette classe, je ne sais pas comment

l'enseignante fait pour s'y retrouver ! Si ces deux élèves n'étaient pas capables de faire l'exercie

demandé, je leur aurais proposé quelque chose de plus simple, mais sur le même thème. Ils ont aussi

besoin d'étudier ce son. Leur faire faire autre chose alors qu'ils ont assisté à la même phase

collective, revient à leur faire prendre encore plus de retard. C'est en remédiation qu'il faudrait leur

proposer un travail supplémentaire, ou différent ; mais pas pendant une nouvelle séance.

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Le sentiment que j'ai eu à la fin de ce stage en Angleterre, est que de différencier systématiquement

ne rend pas service aux élèves en difficulté. Mon objectif, en pédagogie différenciée, est d'apporter

davantage d'aide à ces élèves, afin de les ramener au « niveau moyen » pour qu'ils soient capables

de suivre seuls par la suite. Or, ce que j'ai vu est une différenciation qui creuse les écarts entre les

élèves. Je ne prétends pas juger le travail de l'enseignante, c'est simplement mon ressenti lorsque j'ai

pris du recul par rapport à cette façon de faire. C'est notamment le comportement d'une élève de ce

groupe qui m'a fait réagir : chaque fois que l'enseignante expliquait que ce groupe allait faire un

travail différent, elle était mécontente, se comportait mal au sein du groupe, et se plaignait que

c'était trop facile. De plus, elle était toujours intéressée par le travail du reste de la classe. Et elle l'a

dit elle-même : elle voulait faire comme les autres, elle n'avait plus envie de rester tout le temps

avec le même groupe, elle voulait du travail plus dur. Je pense que ce comportement démontre que

l'hétérogénéité doit l'emporter sur les groupes de niveaux. Je pense que c'est tomber dans l'excès que

de toujours proposer de la différenciation. Il faut savoir faire du travail en commun avec toute la

classe, où tous participent. Je crois que c'est le meilleur moyen pour donner aux élèves en difficulté

l'envie de travailler, les motiver, plutôt que de les exclure.

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III – Autres dispositifs non testés.

1) Le tutorat

a) La demande d'aide

Lors d'un stage filé, je suis allée dans une classe de CM2 où l'enseignant avait mis en place un

système de tutorat qui m'a particulièrement intéressée.

Dans la classe était affiché le tableau suivant :

Demande d'aideSemaine du ... au ... .

Prénom Matière Aide élève Aide maître ☺ ☻

Les élèves qui rencontrent une difficulté dans la semaine s'inscrivent dans le tableau. Ils peuvent

demander, soit l'aide d'un élève, soit l'aide du maître. Le vendredi, une heure est libérée pour être

consacrée à ce tutorat. L'élève inscrit ensuite s'il a été satisfait (☺) ou non (☻) de l'aide apportée.

J'ai trouvé que ce tutorat présente plusieurs avantages.

Tout d'abord, tous les élèves peuvent s'inscrire. Ceux en difficulté ne sont pas les seuls. Ce qui leur

montre que tout le monde rencontre des difficultés ; que l'on peut être bon dans une discipline, et

rencontrer des problèmes dans une autre. De plus, l'erreur est dédramatisée et reconnue par les

élèves. On a le droit d'en faire, cela montre que je n'ai pas compris telle notion, je vais demander de

l'aide. En outre, les deux élèves concernés sont responsabilisés : l'élève qui demande l'aide doit faire

des efforts pour comprendre ; celui qui la donne doit réfléchir à la façon dont il va s'y prendre pour

mener à bien son explication.

D'autre part, ce système permet de relativiser la place de chacun au sein de la classe. Un élève très

bon en mathématiques peut aller demander de l'aide en histoire par exemple ; cela montre que

chacun a ses points forts et ses faiblesses. De même, le maître n'est pas le seul acteur de la classe.

Je trouve que c'est un bon moyen pour instaurer un bon climat de classe. Les élèves s'entraident et

surtout, la difficulté est reconnue. C'est également un moyen de socialisation.

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Ce dispositif serait intéressant à mettre en place. Je le ferais à partir du CM car je pense qu'il faut

une certaine maturité pour accepter d'être aidé et être capable d'aider. Je pense également qu'il faut

qu'un bon climat de classe règne et que les élèves soient associés à ce projet (et non leur imposer,

sinon, il a peu de chance de fonctionner) : discussion, dédramatisation de la difficulté, proposition

pour l'améliorer, comment s'y prendre pour aider quelqu'un.

b) Le tutorat des grands envers les plus petits.

J'ai lu le dispositif suivant dans l'ouvrage intitulé Les Cycles et la différenciation pédagogique de

Michel Perraudeau (page 100). Il concerne les élèves du cycle 3.

Il s'agit d'une collaboration avec l'école maternelle. Chaque élève d'une classe est reponsable d'un

élève de Grande Section. Ils se rencontrent deux fois par semaine. Pendant une demi-heure, ils

lisent, écrivent, dessinent, imaginent, créent.

Ce qui est intéressant dans ce cas, c'est que le statut de l'élève en difficulté change. Le fait de placer

de la confiance en lui le valorise ; l'échec est dédramatisé. Par la tâche qui leur est confiée, et par la

confiance qui est placée en eux, tous les élèves sont réellement responsabilisés. L'expérience montre

que les élèves ayant de grandes difficultés tirent grand profit de cette situation de responsabilisation.

Le comportement vis-à-vis de la connaissance varie ; le projet motive l'élève.

J'aimerais beaucoup mettre en place un dispositif comme celui-ci dans ma classe. Je trouve que c'est

un bon moyen pour motiver les élèves dans un projet dont ce sont eux-mêmes les acteurs. Ce qui est

intéressant, c'est que tous peuvent y être associés ; peu importe les difficultés de chacun.

Par exemple, il serait possible de proposer aux élèves de créer un défi-lecture avec les élèves de

Grande Section. Des binômes seraient créés : un élève de cycle 3 deviendrait le « tuteur » d'un petit.

Ils devraient leur lire un album : auparavant, en classe, je prendrais un temps pour que chacun

prépare sa lecture (entraînement, intonation, etc.). J'interviendrais alors auprès des élèves en

difficulté en lecture, si besoin. De ce fait, chacun se prépare, et non seulement ceux qui ont des

difficultés. Puis, les grands inventeraient des questions sur le jeu, auxquelles chaque élève de

maternelle, aidé par son « tuteur », devrait répondre. Ils pourraient aussi construire ensemble un

plateau de jeu. Ainsi, les grands et les petits sont associés dans un même projet, et ce sont les grands

qui sont responsables de ce que font les petits.

Je pense que ce genre de tutorat pourrait être repris pour de multiples projets. Les objectifs de

départ devant rester les mêmes : développer l'entraide et la coopération entre les élèves, valoriser

les élèves en difficulté dans un rôle responsabilisant.

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2) Le décloisonnement.

Le décloisonnement est une organisation qui se décide au sein de l'équipe éducative. Il faut que les

enseignants concernés aient la volonté commune d'organiser les apprentissages selon les besoins

des élèves.

Ce type d'organisation est recommandé par le Ministère de l'Education Nationale : « Afin de mieux

tenir compte du rythme et du niveau des élèves, il est possible d'organiser des groupes pour

certaines disciplines, sur la base d'échanges de service et de compétence entre les maîtres. Cette

organisation permet à l'élève, d'une part de conserver un instituteur et un groupe-classe comme

référents pendant une partie du temps scolaire, d'autre part, de bénéficier d'enseignements adaptés

à son rythme d'apprentissage. » 1

Il serait possible d'organiser des décloisonnements dans le but d'en faire bénéficier en priorité les

élèves en difficulté. Deux enseignants peuvent procéder à un échange de service. Le simple fait

d'avoir un interlocuteur différent peut être bénéfique pour les élèves en difficulté. Le rapport n'est

pas le même avec tous les enseignants. D'autres mots, d'autres comportements peuvent avoir un

effet positif sur eux. Il est dificile de décrire comment ce dispositif peut être mis en place dans une

école, car il dépend des enseignants, de leur personnalité, de leur pratique, et aussi du projet d'école.

C'est un type d'organisation qui se crée à plusieurs. Mais je pense que c'est un moyen utile pour

maximiser l'aide que l'on est en mesure d'apporter aux élèves.

3) Une situation observée en Angleterre : les groupes de couleurs en

lecture.

L'école dispose de nombreux livres que les enseignants ont classés en différents niveaux de

difficulté. A chaque niveau, ils ont attribué une couleur. Dans la classe, les élèves appartiennent

tous à un groupe de couleur. Lors de moments de lecture dirigée, ou lors de l'emprunt de livres, ils

utilisent ceux correspondant à leur couleur ; ce qui signifie qu'ils ont tel niveau en lecture. Les

groupes sont faits en début d'année suivant le niveau de lecture de l'élève : reconnaissance des mots

courants, fluidité, compréhension. L'objectif pour l'élève est de monter de trois groupes au cours de

l'année. Quand l'enseignante juge que la lecture est correcte pour un niveau, ou que l'élève est à

présent apte à lire des livres plus complexes, celui-ci passe dans un niveau supérieur, donc dans un

1 Ministère de l'Education Nationale, 1991, 16

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autre groupe de couleur.

C'est un système judicieux mais difficile à réaliser : il faut le matériel adéquat ! Je n'avais jamais vu

autant de livres dans une école ; ils sont vraiment bien équipés. Ils peuvent donc se permettre

d'adapter le livre à la lecture de l'élève.

Ce que je retiendrai pour ma pratique personnelle, c'est, surtout en cycle 2, de faire évoluer les

lectures des élèves en individualisant les besoins. Si dans ma classe, j'ai des élèves d'un niveau très

hétérogène en lecture, j'aimerais organiser des temps de lecture libre : tous les élèves ont un livre à

lire. Je donne à ceux qui ont des difficultés des livres adaptés à leur niveau (moins de texte, écriture

plus simple), et je profite de ces moments pour les faire lire. Les autres élèves auront pour tâche,

avec leur lecture personnelle, d'écrire une fiche de renseignements sur leur livre : de quoi parle-t-il,

ce qu'ils ont aimé, s'ils le conseillent. L'objectif serait de renseigner un autre élève qui voudrait lire

ce livre. Ce qui permet de donner un but à la lecture libre de tous les élèves ; mais également, de

créer un temps où je peux faire lire les élèves en difficulté en lecture, avec des livres adaptés. Pour

ces élèves, c'est une nouvelle occasion pour lire quelque chose d'adapté à leur niveau.

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Ce mémoire m'a permis de donner un sens plus précis et plus clair à ma future pratique. Je suis plus

apte à pratiquer la pédagogie différenciée, et grâce à ce que j'ai mis en place, je sais maintenant

comment l'organiser et quels procédés fonctionnent. Je me sens maintenant plus armée pour gérer

ma classe en faisant avancer tous les élèves. Je valide mon hypothèse selon laquelle, la

différenciation peut se faire à tout moment, à condition que les objectifs à atteindre soient

clairement définis. Dans toutes les situations que j'ai présentées, je les ai déterminés pour chaque

groupe d'élèves. Mes erreurs m'ont permis d'avancer et de comprendre. L'opportunité qui m'a été

offerte d'observer comment le problème est traité dans un pays étranger, m'a fait prendre du recul

sur les pratiques françaises ; cela m'a éclairé sur ma façon de faire future.

J'ai compris que l'objectif à atteindre pour l'enseignant, est que chacun fasse des progrès à partir de

son niveau de départ, avance dans l'acquisition des connaissances et des compétences. Les élèves ne

partent pas tous avec les mêmes acquis, et j'ai conscience qu'ils ne finissent pas tous avec les mêmes

également ; mais ce qui compte, c'est que moi, en tant qu'enseignante, je puisse aider ceux qui en

ont le plus besoin à rattrapper les autres sur le chemin.

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CONCLUSION

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• Meirieu, Philippe. L'école mode d'emploi. Des « méthodes actives » à la pédagogie

différenciée. Paris : ESF, 1985. 167p.

• Perrenoud, Philippe. La pédagogie à l'école des différences. Paris : ESF, 1995.

• Perraudeau, Michel. Les cycles et la différenciation pédagogique. Paris : Colin, 1994. 151p.

• Gillig, Jean-Marie. Les pédagogies différenciées. Origine, actualité, perspectives. Paris : De

Boeck Université, 2001. 235p.

• Ministère de l'Education Nationale de la Jeunesse et des Sports, Direction des Ecoles. Les

cycles à l'école primaire. Paris : Hachette, 1991. 128p.

• Houssaye, Jean. Le soutien va-t-il tuer la pédagogie différenciée ?. In : Cahiers

pédagogiques, 1999, n° 376/377. p.14-15.

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BIBLIOGRAPHIE

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ANNEXES

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RESUME :

Tout enseignant est confronté dans sa classe à la gestion des élèves en difficulté.

Comment faire avec ces élèves qui ne suivent plus le niveau moyen de la classe ?

La pédagogie différenciée prend en compte ces différences entre les élèves et est un

moyen d'apporter plus d'aide à ceux qui en ont besoin. Ce mémoire se veut pratique :

il présente différentes situations mettant en place la pédagogie différenciée, ainsi que

d'autres dispositifs.

MOTS CLES :

pédagogie différenciée ; élèves en difficulté ; évaluation diagnostique ; groupes de

soutien ; différencier au sein du groupe-classe ; tutorat.

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LA PEDAGOGIE DIFFERENCIEEAU SERVICE

DES ELEVES EN DIFFICULTE