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S o u t h A fr ic a n I n s tit u t e o f I n t e r n a ti o n a l A f f a i r s A fric a n p e rs p e cti v e s . G lo b a l in si g h ts . South African Foreign Policy and African Drivers Programme OCCASIONAL PAPER NO 140 La Politique Etrangere du Sénégal Depuis 2000 April 2013 Alioune Sall

La Politique Etrangere du Sénégal Depuis 2000leS tendAnceS lourdeS dAnS lA polItIQue etrAngere du SÉnÉgAl La question qui est posée, à ce stade, est de savoir si l’étude de

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South African Instit

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African perspectives. Global insights.

South African Foreign Policy and African Drivers Programme

O C C A S I O N A L P A P E R N O 1 4 0

La Politique Etrangere du Sénégal Depuis 2000

A p r i l 2 0 1 3

A l i o u n e S a l l

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A b o u t S A I I A

The South African Institute of International Affairs (SAIIA) has a long and proud record

as South Africa’s premier research institute on international issues. It is an independent,

non-government think-tank whose key strategic objectives are to make effective input into

public policy, and to encourage wider and more informed debate on international affairs

with particular emphasis on African issues and concerns. It is both a centre for research

excellence and a home for stimulating public engagement. SAIIA’s occasional papers

present topical, incisive analyses, offering a variety of perspectives on key policy issues in

Africa and beyond. Core public policy research themes covered by SAIIA include good

governance and democracy; economic policymaking; international security and peace;

and new global challenges such as food security, global governance reform and the

environment. Please consult our website www.saiia.org.za for further information about

SAIIA’s work.

A b o u t t h e S o u t h A f r I c A n f o r e I g n p o l I c y A n d A f r I c A n d r I v e r S p r o g r A m m e

Since the fall of Apartheid in 1994, South Africa’s foreign policy has prioritised the

development of Africa. To achieve its ‘African Agenda’ objectives, South Africa needs to

intensify its strategic relations with key African countries. SAIIA’s South African Foreign Policy

and African Drivers (SAFPAD) Programme has a two-pronged focus. First, it unpacks South

Africa’s post-1994 Africa policy in two areas: South Africa as a norm setter in the region and

South Africa’s potential to foster regional co-operation with key African states and other

external partners, in support of the continent’s stabilisation and development. Second, it

focuses on key African driver countries’ foreign policy objectives that have the ability to

influence, positively or negatively, the pace of regional co-operation and integration.

SAFPAD assumes a holistic examination of the internal and external pressures that inform

each driver country’s foreign policy decisions by exploring contemporary domestic factors;

the scope of their bilateral relations; their role in the regional economic communities; and

lastly their relations with South Africa.

SAIIA gratefully acknowledges the Danish International Development Agency and

the Swedish International Development Agency which generously support the SAFPAD

Programme.

Programme head: Tjiurimo Hengari, [email protected]

© SAIIA April 2013

All rights are reserved. No part of this publication may be reproduced or utilised in any form by any

means, electronic or mechanical, including photocopying and recording, or by any information or

storage and retrieval system, without permission in writing from the publisher. Opinions expressed are

the responsibility of the individual authors and not of SAIIA.

Please note that all currencies are in US$ unless otherwise indicated.

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r É S u m É

On a pu observer, suite à l’élection, en 2000, du Président Abdoulaye Wade, au Sénégal,

quelques changements manifestes dans la politique étrangère du pays. Cet article examine

l’ampleur des changements de cette politique sous l’administration du nouveau président.

On y étudie les tendances significatives de la politique étrangère du Sénégal, le rôle

qu’ont tenu les institutions nationales, ainsi que le climat politique international et national.

La question majeure est de savoir dans quelle mesure le ministère des Affaires

étrangères et la diplomatie dite « classique » ont été écartés de la mise en place et de la

formulation de la politique étrangère, au bénéfice d’éléments spécialistes du gouvernement

et d’organisations non étatiques dont l’engagement a ainsi été renforcé. Ceci est survenu

essentiellement suite à une mise en avant plus appuyée des questions économiques,

entrainant également un certain réalignement des relations internationales du Sénégal,

loin des partenaires traditionnels au profit de puissances économiques émergentes. On a

également observé un regain d’intérêt pour le mode de pensée panafricaniste avec un

accent concomitant sur les questions africaines continentales, régionales et subrégionales.

Cet article examine les effets d’une personnalisation accrue de la fonction des affaires

étrangères, en particulier les niveaux bien plus élevés d’intervention de la part de l’exécutif

au détriment des organes législatif et judiciaire. De telles interventions ont beau ne pas être

déplacées au regard des dispositions constitutionnelles et autres dispositions statutaires,

ces dernières n’en demeurent pas moins l’expression d’un manque d’intérêt soutenu à

l’égard de la politique étrangère de la part des législateurs, mais également une dérive

fondamentale des paramètres de contrôle de la politique étrangère, dans un but de plus

grande efficacité en matière de transactions internationales. L’article tire cependant la

conclusion que, à l’instar de beaucoup d’autres pays, la politique étrangère du Sénégal

révèle un degré de continuité institutionnelle tendant à transcender les intérêts et les

dynamiques politiques provisoires, intérieurs et extérieurs.

Pour terminer, en 2012, l’élection du nouveau président a, dans une certaine mesure,

marqué le retour d’une position plus établie et plus ‘classique’ de la politique étrangère.

À p r o p o S d e l ’A u t e u r

Alioune Sall est professeur de droit public à l'Université Cheikh Anta Diop, Dakar (Sénégal).

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A b b r e v I A t I o n S e t A c r o n y m e S

CEDEAO CommunautééconomiquedesÉtatsdel’Afriquedel’Ouest

G-8 GroupedesHuit

MIA Ministèredel’Intégrationafricaine

MAE MinistèredesAffairesétrangères

NEpAD Nouveaupartenariatpourledéveloppementdel’Afrique

OUA Organisationdel’Unitéafricaine

SAIIA InstitutSud-AfricaindesAffairesInternationales

UA UnionAfricaine

WARC CentredeRechercheOuestAfricain

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LeSénégalestsituédanslapartieoccidentaleducontinentafricain.Ils’étendsurune

superficiede 196.000kilomètrescarrésetcompte prèsde10millionsd’habitants.

Surleplaninstitutionneletpolitique,lepaysestsurtoutconnupouravoir,demanière

relativementprécoceenAfrique,connuunmultipartisme(limitédanslesannées70,

illimitédepuisledébutdesannées80).Surleplaninternational,leSénégals’estégalement

illustréparunediplomatietrèsactivequiamisunsoinparticulieràresterrelativement

« équilibrée »etnotammentàconserver,avecl’anciennepuissancecolonialequeconstitue

laFrance,desrapportsétroits.D’autrepart,la‘visibilitéinternationale’duSénégalest

restéeperceptiblegrâceaunombredesesressortissantsprésentsdansdesinstitutions

intergouvernementales,auseindesNationsUniesoud’organisationsrégionales.

L’année 2000 a vu le Sénégal réaliser, pour la première fois de son histoire, une

alternancepolitiquepacifique,autermed’électionssaluéescommetransparentes.Ledésir

dechangementaffichéjusquedansleslogandupartivictorieuxl’aemporté.Laquestion

estdesavoir,ici,dansquellemesurelapolitiqueétrangèredupaysaétéaffectéeparcette

volontéderupture,etd’éventuellementévaluerlesinflexionsquecettepolitiqueasubies.

L’idéedesepenchersur les transformationséventuellesde ladiplomatiesénégalaise

estintéressanteàdoubletitre.D’unepart,onlesait, lapolitiqueextérieuredesEtats

constitueundeleurssecteursd’activitéquichangelemoins,les« intérêts »del’Etat

survivantlaplupartdutempsauxvicissitudesdelapolitiqueintérieure ;d’autrepart,la

diplomatiemêmedesEtatsestsouventmenéeparunpersonnelassezparticulier,quinelie

passystématiquementsavisiondeschosesauxtransformationsdelapolitiquenationale.

Faceàcesfacteurs« conservateurs »,ilseraitsouhaitabled’observerdequellemanière

l’alternancede2000ainfluésurladiplomatiesénégalaise ;end’autrestermes,d’évaluerla

partdelacontinuitéetduchangementdanscettepolitiqueextérieure.

Laprésenteétudeseramenéeautourdestroisaxessuivants :

• LestendanceslourdesdanslapolitiqueétrangèreduSénégal;

• Lerôledesinstitutions;

• Laréalitépolitique.

Chacundecespointsdoitêtreétudiéséparément.Lesinformationsetlesappréciations

auxquellescetteétuderenvoiesontd’abordlefruitd’uncolloqueorganiséaumoisdejuin

2011parl’InstitutSud-AfricaindesAffairesInternationales(SAIIA),quiaréunidifférentes

personnesayantparticipéouréfléchiàlapolitiqueextérieureduSénégal.D’autrepart,

l’études’appuiesurdesenquêtesetrecherchesdocumentaireseffectuéesnotammentdans

lecadreduministèredesAffairesétrangèresduSénégal.Onespère,parcettediversité

d’approches, cerner les dimensions de la politique étrangère  : les aspects juridico-

institutionnels,lesaspectspratiquesetempiriques,lesenjeuxpolitiques,etl’arrière-plan

quelquefoissubjectifoupersonnel,sansoublierladimensionéconomiqueetfinancière,

elle-mêmeobjetdeluttesâpres,avouéesoucachées.

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l e S t e n d A n c e S l o u r d e S d A n S l A p o l I t I Q u e e t r A n g e r e d u S É n É g A l

Laquestionquiestposée,àcestade,estdesavoirsil’étudedelapolitiqueétrangère

duSénégaldepuis2000révèledesruptures–ouaucontraireunecontinuité–dansla

déterminationdesacteursdecettepolitique.plusprécisément,ils’agitdesavoirsi,à

partirdel’année2000,dateàlaquelleestnéelapremièrealternancepolitiquepacifique

auSénégal,lapolitiqueétrangèreapeuouproucesséd’êtrel’apanagedu« ministèredes

Affairesétrangères »etdesdiplomatesdecarrière,pourêtredéterminéeouco-déterminée

pard’autresacteurs.

Laréponseàcettequestiondoitêtrenuancée.D’unepart,onassistecertainementà

uneconcurrenceentreleministèredesAffairesétrangèresetdesacteurs,extérieursmais

d’autrepart,onnepeutpasdirequecephénomèneexisteseulement depuis2000,mêmesi

depuisquelquesannéesetsouslaprésidenceWADE,celui-cis’estaccentué.

QueleministèredesAffairesétrangèresetlesdiplomatesdecarrièrenesoientplusles

détenteursdumonopoledelapolitiqueextérieureduSénégalestuneévidence.Lorsde

notrerencontreauCentredeRechercheOuestAfricain(WARC),deuxinterventionsont

notammentmisl’accentsurcefait :cellesdesambassadeursKébaBiraneCisse1etSeydou

NourouBa2.Eneffet,forceestdereconnaîtrequelapolitiqueextérieureduSénégalest

aujourd’huimenée,dansuncertainnombrededomaines« techniques »,pard’autres

ministèresqueceluidesAffairesétrangères.

Lapreuve lapluséclatantedecette   ‘technicisation’de lapolitiqueextérieureest

d’abordlareconnaissanced’unpouvoirdereprésentationdiplomatiqueàdesministères

autresqueceluidesAffairesétrangères.Ainsi,auSénégal,undécret2000–296du2mai

2000indiquetrèsclairementquelescompétencesduministredesAffairesétrangères

existent« sousréserved’attributionsinternationalesdévoluesàd’autresministresparleur

décretd’attribution,notammentauministredel’EconomieetdesFinancesetauministre

del’Intégrationafricain»(article1erdudécretdu9mai2000).parlasuite,desdécrets

datésdu7septembre2007sontvenuspréciserlescompétencesinternationalesd’autres

membresdugouvernement.Telestlepremiersigne,etsansdoutelepluséclatant,d’une

« dépossession»duministèredesAffairesétrangèresetdesdiplomatesdecarrière.

Ilfaut,àcestade,signaleruneautredonnéedeladiplomatiesénégalaise :l’existence

d’unministèrechargédel’Intégrationafricaine,c’est-à-dired’unesortede« ministredes

RelationsextérieuresafricainesduSénégal».Quatreremarquespeuventêtrefaitesausujet

d’unetelleinstitution.

Toutd’abord,cettedernière« récupère»unepartnonnégligeabledusecteurd’activité

duministredesAffairesétrangères,unebonnepartiedeladiplomatiesénégalaiseétant

orientéeverslesorganisationsd’intégrationsousrégionale,quisontles« partenaires»du

ministredel’Intégration.Ilfautajouterquesouvent,ceministèren’estpas« délégué »

auprèsdeceluidesAffairesétrangères,cequia tendanceàaccroîtresonautonomie.

Endeuxièmelieu,ilfautnoterqueceministèredel’Intégrationpossèdeuneexistence

intermittente:tantôtilestprévu,tantôtildisparaîtdugouvernement;auquelcasilexiste

une« Directiondel’Intégration»rattachéeauministèredesAffairesétrangères.Telen

estlecasàl’heureactuelle.Enoutre,ceministèreafaitsonapparitiondanslesschémas

gouvernementauxbienavantl’alternancede2000:onnotesonexistencepeuavantles

années90;ilyadonccontinuitésurceplan.Enfin,l’existencedeceministèren’estpas

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unespécificitésénégalaise danslasous-région:untelministèreexiste,defaçonautonome

enCôted’IvoireouauBurkinaFaso.

Unautresignedecette« technicisation »delapolitiqueétrangèrerésidedansla

pratique,adoptéedepuisquelquesannées,d’une« spécialisation »desdiplomatesformés

à l’EcoleNationalede l’AdministrationduSénégal.Audépart, cette formation était

« générale »,etlesaffairesétrangèrestouchaientexclusivementlesgrandesquestions

desouverainetédel’Etat,quisontdesquestionsessentiellement« politiques ».Dèslors

quedesproblèmess’internationalisent,que leurcadrederésolutionestdemoinsen

moinsnational,l’Etatestamenéàintégrercesproblèmesdanssapolitiqueétrangère,

etlaformationdesdiplomatesseressentdecettenouvellespécialisationdelapolitique

étrangère.Ainsi,lesélèvesdiplomatessénégalaispeuventaujourd’huis’initieràuneforme

despécialisationdansledomainedel’environnement,desnégociationséconomiques

multilatéralesoudel’intégrationsousrégionale.C’estlà,également,unaspectquiaétémis

enexerguedansl’interventiondel’ambassadeurCisse,etquitémoigneincontestablement

d’unchangementdansleprocessusdeformulationdelapolitiqueétrangèreduSénégal.

D’unpointdevuepratique,lesenquêtesmenéesauprèsdelaDirectiondesAffaires

juridiquesetconsulairesduministèredesAffairesétrangères laissentapparaîtreque

les agents des ministères «  techniques  » sont associés au processus de négociation

internationaledanslesconditionssuivantes :

• LeministèredesAffairesétrangères,informédenégociationsquisepréparent,écritau

ministèredeTutelledusecteurconcernépourluidemanderdedésignerdespersonnes

devantfairepartiedeladélégationsénégalaise,personnesqu’illuisuggère ;

• Leministère« technique »répond,etentérinelapropositionfaiteparleministèredes

Affairesétrangères,lequeldisposeainsid’unebasejuridiquepourétablirunelistedes

membresdeladélégation ;

• Dansunmêmetemps,ceministère,parlebiaisdesaDirectiondesAffairesjuridiques

etconsulaires,prépareles« pleinspouvoirs »matièredenégociation ; 

• Lalistedeladélégationsénégalaise(quicomprendtoujoursaumoinsunmembredu

ministèredesAffairesétrangères)ainsiquelesdocumentsde« pleinspouvoirs »sont

transmisaupremierministre,quilessigne.

Onn’oublierapasdereleverundernierfacteurquivadanslemêmesens.Ils’agitde

l’intrusion,danslechampdeladiplomatiesénégalaise,d’organismesd’untypenouveau,

chargésdelapromotionéconomiquedupays.Deuxexemplespeuventàcetégardêtre

relevés :lecasdes« chambresdecommerce »,quiexistentsurl’ensembleduterritoire

national et qui n’hésitent pas à définir le cadre d’un partenariat économique avec

l’étranger,etlecas,encoreplusparlant,d’unorganismecommel’Agencedepromotion

desInvestissementsauSénégal,directementrattaché,audemeurant,àlaprésidencede

laRépubliqueduSénégal.Ilestclairquedetellesstructuresmènent,àuntelniveaude

spécialisation,unevéritablepolitiquede« relationspubliques »àl’égarddesinvestisseurs

étrangers,attributionquirelèveàl’originedu« ministèredesAffairesétrangères »et

desreprésentationsdiplomatiquesduSénégalà l’étranger.Onpeutégalementciterà

cetégardlesecteurdutourismequi,parlebiaisd’« agences »etautres« sociétés »,

développedesrelationsavecdespartenairesétrangers.Laplusconnuedecesstructures

estla« SpACO-SÉNÉGAL »,la« Sociétédepromotionetd’AménagementdesCôteset

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zonestouristiques »duSénégal.LescompétencesdelaSApCOontétéconsidérablement

accruesgrâceaudécretn°2004–1185de2004et,danslecadredu « salondutourisme »

de l’année2011,cetorganismeasignéavecunesociétéaméricaine,uneconvention

portantsurunevaleurde142millionsdedollars.Cetexemplemontreàquelpointla

politiqueétrangèredupaysdoitintégrerl’actiond’acteursnonétatiques,sourcedegains

substantiels.

Touscesfaitstémoignentd’unesortede« dépossession »duministèredesAffaires

étrangèresou,sil’onpréfère,d’une« déconcentration »delaformulationetdelaconduite

delapolitiqueétrangèreduSénégal.pourcequiestdela« dérivetechnicienne »decette

politique,leschosessontdoncclaires :lephénomèneestavéréauSénégal,ilestmême

accentuéparunautrephénomènequiseraévoquéplusloin,autitredes« faitsmarquants

delamiseenœuvredelapolitiqueduSénégaldepuis2000 »,etquiestledéveloppement

d’unediplomatiedeplusenplus« économique »,avecdenouveauxpartenairesdupays

(III,infra).

Laquestionestcependantdesavoirsila« technicisation »mentionnéeplushaut

dériveduchangementpolitiquede2000.Laréponseestassurémentnégative.C’estàce

stadequ’ilfautréintroduireleconceptdecontinuité danslapolitiqueétrangère.Lesfaits

quiontétédécritstraduisentmoinsunphénomènespécifiquementsénégalaisqu’une

tendancegénérale,quiaffectequasimentlapolitiqueétrangèredetouslespaysdumonde,

etàlaquelleleSénégaln’échappepas.Biendesélémentsrelevantdela« technicisation »

existaientdéjàavantlechangementpolitiquede2000,etcechangementn’afaitqueles

confirmer,voiremêmelesamplifierparfois,maisl’alternancepolitiquen’enapasétéla

causedéterminante.Ilfautdonc,dansl’analysedes« tendanceslourdes »delapolitique

étrangère du Sénégal, faire la distinction entre ce qui relève d’évolutions générales,

partagéespartouslesétats,etcequirelèvespécifiquementdupays.Nousavonsicides

élémentsdecontinuité,mêmesi,encoreunefois,l’inflexionéconomiquedelapolitique

extérieuresénégalaiseobservéedepuis2000accuse,amplifieunetendanceobservable

ailleursetavant2000.AucoursduséminaireorganiséparSAIIAetWARC,plusieurs

participantsontmisl’accentsurcesélémentsdecontinuité,notammentlesambassadeurs

Camara3etKaba4.plusgénéralement,l’intégrationdeladonnéeéconomiqueestpartagée

partouslesétats.Dansuneétudesurlesaspectsnouveauxdelapolitiqueétrangèredes

états,GuyCarrondelaCarrière,anciendirecteurgénéralduCentrefrançaisducommerce

extérieurécritque« l’impressiondomined’unabaissementdesétatsdevantlesmarchés

dontleslois,voirela« dictature »s’imposentauxautoritésdémocratiques(…).Dansla

mêmeligne,lanotionde« guerreéconomique »faitbellecarrière »5.

Au-delàdestextesetdel’impressiondestabilitédesoptionsdiplomatiques, ilest

cependantpossiblededéceler,danslaconduitedesrelationsinternationalessénégalaises,

desenjeuxmoinsavouables,danstouslescaspluscontroversés.Lapolitiqueétrangère

devient alors le lieu d’expression de luttes d’influence, qui ont pour arrière-plan

d’importantsenjeuxfinanciers.L’exempleauquelonsongeestceluidurenversement

d’allianceobservéausujetde laChine,etdeceque l’onaappelé les« milliardsde

Taïwan ».Ilsembleque,pournouerdesrelationsdiplomatiquesavecTaïwan,leSénégal

aitsollicitédecetétatunappuifinancierd’unmontantestiméàseptmilliards.Lecircuit

empruntéparcettemanneestdesplustortueux,etcettesommed’argentaétéprésentée,

parlechefdel’Etatlui-même,commeun« donpersonnel »d’amis,réinvestidansles

« secteurssociaux ».Or,commebiendesjournauxl’ontaffirmé,iln’existeaucunetrace

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decetargentdanslescomptesdutrésorpublic.Al’heureactuelle,etquelquessemaines

avantledébutdelacampagneélectoralepourlesprésidentiellesde2012,cetélément

depolitiqueextérieureestsujetàpolémique,entrenotammentdeuxancienspremiers

ministresduprésidentWade,candidatsàl’élection6.

l e r o l e d e S I n S t I t u t I o n S A t r A v e r S l e S t e X t e S

Ils’agitlàdelaquestiondesacteursmêmedelapolitiqueétrangèreduSénégal.Acet

égard, leSénégalconfirmeencoreunesortede«  loi »desétatsmodernes : la toute

puissancedupouvoirexécutifdansladéterminationetdanslaconduitedecettepolitique

étrangère.Maisilexiste,làencore,desélémentsd’unespécificitésénégalaisepropresà

accentuercephénomèned’accaparementdelapolitiqueextérieureparl’Exécutifetplus

précisémentparleprésidentdelaRépublique.

LeprésidentdelaRépubliqueestaucœurdudispositifdelapolitiqueétrangère,avant

commeaprès2000.Sesattributionsenlamatièresontnombreusesetvariées.

Demanièresymboliqueetgénérale,toutd’abord,lechefdel’Etatestlepersonnagequi

estchargédeveilleràl’intégritéduterritoireetàl’indépendancenationale,prérogatives

qui ont vocation à jouer pour l’essentiel dans le domaine des relations extérieures.

L’importancedecettedimensiondelafonctionprésidentielleapparaîtdeuxfoisdans

laconstitution.D’unepart,danslesermentqu’ilprête,unefoisélu.Ils’engagealorsà

« consacrertoutes(ses)forcesàdéfendre…l’intégritéduterritoireetl’indépendance

nationale » et«  àneménager aucuneffortpour la réalisationde l’unité africaine »

(article37alinéa2de laConstitution).D’autrepart, lorsque laconstitutionévoque

lesfonctionsgénéralesduprésidentdelaRépublique,ellerevientsursafonctionde

« garantdufonctionnementrégulierdesinstitutions,del’indépendancenationaleetde

l’intégritéduterritoire »(article42).Auxtermesdecettemêmedisposition,leprésident

delaRépubliqueestceluiqui« déterminelapolitiquedelanation ».Or,lapolitique

extérieureestbienunecomposantedecette« politiquedelanation » ;leprésidentest

doncbienl’organeconstitutionnelquidéfinitlesaxesdelapolitiqueduSénégalvis-à-vis

del’extérieur.

« L’indépendancenationaleetl’intégritéduterritoire »sontenfiligranedansuneautre

attributionduprésident :celledeprendrelesmesuresqu’ilestimenécessairesencasde

brutalesurvenanced’une« crise ».Lesélémentsconstitutifsd’unetellecrisenesont

certespasvraimentspécifiésparletexteconstitutionnel(article52),maisilestcertain

quelesaspectsinternationauxd’unteltroublerésultentdelaconstitutionetilyade

forteschancesquelesévénementsauxquelsrenvoieletexteprocèdentourenvoientà

desélémentsdepolitiqueétrangère.Eneffet,l’hypothèseestcelledanslaquelle« les

institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité du territoire

nationaloul’exécutiondesengagementsinternationauxsontmenacéesdemanièregrave

etimmédiate… ».Toutporteàcroirequedesfacteursliésàl’« étranger »peuventnourrir

l’avènementd’unetellecrise.Làencore,c’estleprésidentdelaRépubliquequiestcensé

réagir.Dotéde« pouvoirsexceptionnels »,ditletexte,ilesthabilitéà« prendretoute

mesuretendantàrétablirlefonctionnementrégulierdespouvoirspublics… ».

LeprésidentdelaRépubliqueestégalementl’organeautourduquels’exercelepouvoir

delégationdel’EtatduSénégal,c’est-à-direlesactesparlesquelsdesambassadeurssont

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accréditésauprèsdupaysetceuxparlesquelsilreçoitlesambassadeursd’autrespays.Ila

ainsi« unœil »surlesrelationsdiplomatiquesdupays,etrien,danscedomaine,nepeut

seconcevoirformellementsanssonautorisationexpresse.

Ilexistedanslaconstitutionsénégalaiseuneautredispositionquis’inscritdansle

sillagedecepouvoir« total »duchefdel’Etat.Ils’agitdeladispositionquiouvrele

Titrerelatifauxtraitésinternationaux,etauxtermesdelalaquellec’estleprésidentqui

« négocielesengagementsinternationaux »(article95alinéa1er).Certes,danslapratique,

cen’estpasleprésidentduSénégalqui« négocie »effectivementlesengagementsdupays.

Enfait,ilestseulementtenuinformédelanégociation,ilnefautdoncpascomprendre

cettedispositiondemanièrelittérale.Celadit,l’énoncédecepouvoirdenégocieroud’être

informédesnégociationsn’estnianodinninégligeable.Ilmontrebienqueleprésidentde

laRépubliqueduSénégalaune« vued’aigle »surladiplomatiedupays.

Il faut,àcetitre,signaleruneautrespécificitésénégalaise,dontonnetrouvepas

nécessairementl’équivalentdansd’autresconstitutionsdepayscomparables,c’est-à-dire

depaysafricains  : ils’agitdel’usagedel’expression« engagements internationaux »

etnon,commedansd’autrespays,de« traitésinternationaux ».Eneffet,lanotiond’

« engagementinternational »esttrèslarge.Ellenecouvrepasseulementlesactesque

leSénégalconclutavecd’autresEtatsouorganisationsinternationales,maispeutêtre

étendue,parexemple,auxactesprispardesorganisationsdontleSénégalestmembre,ces

actespouvantêtredesactesobligatoirespourcesEtatsmembres.Ainsi,unactecomme

unerésolutionobligatoiredesNationsUnies,ouun« règlement »delaCommunauté

économiquedesÉtatsdel’Afriquedel’Ouest(CEDEAO)constituebienun« engagement

international »duSénégaletdevraitlogiquementêtreportéàlaconnaissanceduprésident

delaRépublique.Ils’agitlàd’unfaitquicontribuecertainementàaccroîtrel’emprisedu

chefdel’Etatsurlaconduitedesrelationsextérieuresdupays.

Danslamêmeveine,ilconvientderappelerqueleprésidentdelaRépubliquedu

Sénégalestl’autoritéqui« ratifie »et« approuve »les« traitésetaccords »conclus

parlepays.Onn’entrerapasdanslesdétailsici,maisilfautsimplementrappelerque

ladistinctionentre«  traités »et« accords »esthéritéede laFrance,quiacrubon

d’insérercettedispositiondanssaconstitutionactuelle,etquidatede1958.Ils’agissait

alors,pourlenouveaugouvernementfrançais,dedonneraugouvernementunpouvoir

dereprésentationdiplomatiquedelaFrance,pouvoirquiétaitjusque-làentrelesmains

duseulprésident.parconséquent,lechefdel’Etatdevait« ratifier »les« traités »etle

gouvernement,représentéparlepremierministreouleministredesAffairesétrangères,

devait« approuver »les« accords ».

Cettedistinctionadoncétérepriseparlaconstitutionadoptéeaprèsl’indépendance

duSénégalen1960,àladifférenceprèsquel’onn’enapastirélesmêmesconséquences

pratiques.Ilexistebiendes« traités »etdes« accords »,devantêtre« ratifiés »ou

« approuvés »maistoujoursparlemêmepersonnage :leprésidentdelaRépublique.La

distinctionainsireprise(article98delaConstitutionduSénégal)n’adoncaucuneportée

pratique.Cetteinconséquenceestunélémentdeplusqu’ilfautverserdansleconstatde

l’hyperpuissanceprésidentielleenmatièredepolitiqueétrangère.

Il s’agit là de données spécifiquement sénégalaises, tirées des dispositions de la

constitutionrelativesàlapolitiqueextérieure.Ilfaut,auSénégal,yajouterdeuxautres

pratiques,deuxautrestendancesextérieuresquirenforcentlamainmiseduprésidentde

laRépubliquedanslapolitiqueétrangère.

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Lapremièretendanceestlapratiqued’une« diplomatieausommet »,consistanten

rencontresentrechefsd’Etat,éventuellementaccompagnésdeleursministresdesAffaires

étrangèresrespectifs,cesderniersdépourvusderôleimportantlorsdetels« sommets ».Ces

rencontresnetiennentpasquedel’apparat,ellesnesontpasseulement« protocolaires »,

ellessontdeplusenpluslelieuoùdesdécisionsessentiellessontprises.Orenprincipe,

rienn’empêcheleschefsd’Etatdesesaisirdequestionsdonnées,« court-circuitant »ainsi

lesréseauxdiplomatiquesplustraditionnelscommelesministèresdesAffairesétrangères

oulesreprésentationsdiplomatiquesàl’étranger.Ils’agitlàd’unevéritablenouvelleère

deladiplomatie,pasnécessairementpropreauSénégal,maisquiestdenature,onle

devineaisément,àrenforcerl’emprisedupouvoirexécutifengénéral,etduprésidentde

leRépubliqueenparticulier,dansladéterminationdelapolitiqueinternationaledel’Etat

duSénégal.Cette« diplomatieausommet »s’accompagned’autresmutationscommele

recoursaux« envoyésspéciaux »etautres« émissaires »,quiperturbentainsilescanaux

traditionnelsdelapolitiquedesEtats.Enmainteoccasionetiln’yapassilongtemps,le

Sénégalaainsiparticipéàcejeudiplomatiqued’ungenrenouveau :envoid’« émissaires »

danslacriseivoirienneen2002,« médiation »assezpersonnaliséedansleconflitpolitique

interneenMauritanieaprèslederniercoupd’Etatetc.

Lasecondetendanceestliéeàlapratiquemêmedesorganisationsinternationales

africaines, et à leur tendance à faire de la «  Conférence des chefs d’Etat et de

gouvernement »,structurequ’onretrouvesystématiquementdanscesorganisations,un

« organesuprême ».Ilestàvraidiredifficiled’expliquerenquoiconsistevraimentcette

« suprématie »,maisl’inscriptiond’untelattributapoureffetd’assurerunepuissance

supplémentaireàl’instancequiréunitleschefsd’Etat,etàenvelopperlesactesetles

décisionsqu’elleprendd’uneaura,demanièreàpouvoirlestransformerenimmunitéde

juridictioncommelemontrelapratiquedecertainesorganisationsafricaines.

Tels sont, pour l’essentiel, les pouvoirs du président de la République dans le

domainedelapolitiqueextérieureauSénégal.Onvoitbienqu’ils’agitdepouvoirstrès

importants.Onvoitégalementquel’institutiongouvernementale,dirigéeparlepremier

ministreestinexistanteenmatièredepolitiqueétrangère.Onavuquel’introductionde

ladistinction« traités-accords »auraitpuêtrel’occasiond’enfaire,àtraverslechefdu

GouvernementouleministredesAffairesétrangères,unvéritableorganediplomatique.

MaisladéconcentrationdupouvoirdereprésentationdiplomatiqueduSénégaln’apaseu

lieuetlemonopoleprésidentielauseindel’Exécutifperdure,sousréserve,cependant,

des attributions reconnues auxdifférentsministres, et quenous avons évoquées en

introductionàcetteétude.

L’étudedelasituationdesautres« pouvoirs »quesontleLégislatifetleJudiciairene

faitqueconfirmer,paruneffetdecontrastesaisissant,cetteforceduprésident.

EnpremierlieuetconcernantlepouvoirLégislatif, forceestdeconstaterqu’enmatière

depolitiqueétrangèreégalement,cedernierestdépossédéd’unepartieimportantedeson

droitderegardsurlapolitiqueétrangère.

Commençonsd’abordparreleverqu’ilexisteunebonnepartd’accordsconcluspar

leSénégal,quiéchappeàtoutcontrôleparlementaire.Cesontles« accordsenforme

simplifiée »,dontl’entréeenvigueurestsoumisenonàunactede« ratification »ou

autre,maisàunesimplesignatureparlereprésentantdel’Etat.Ils’agitlàd’unereprise

delapratique,néeauxEtats-Unis,des« executiveagreements ».Detelsaccords,aux

Etats-Unismême,onttoujoursétéprésentéscommeentrantdanslavolontéd’évitertout

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blocageparleparlement.C’estlamêmepréoccupation–àlaquelleilfautajouterlesouci

delacélérité,c’est-à-direlavolontéd’allervite–quiexistedanslesautrespays,etle

Sénégalnefaitpasexception.pourpreuve,laconstitutiondupaysreconnaîtelle-mêmela

possibilitédeconcluredesaccordssansleconsentementduparlement.L’article95dispose

bienqueleprésidentdelaRépubliqueratifieouapprouvelesengagementsinternationaux

« éventuellement »surautorisationdesparlementaires.L’adverbe«éventuellement »

montrequecetteautorisationpeutnepasêtresollicitée.Or,àl’instardebiend’autrespays,

leSénégalrecourtdeplusenplusaux« accordsenformesimplifiée »,quisontsouvent

signéspardesmembresdupouvoirexécutif(ministresnotamment),maisquinesont

jamaissoumisauxdéputésetsénateurs.C’estlàunepremièremanifestationdelafaiblesse

ducontrôleduparlementduSénégalsurlapolitiqueextérieuredupays.Acetégard,il

fautreleverqu’endépitdeschangementsconstitutionnelsenregistrésàdifférentespériodes

(1963,1970,1991,1998,etsurtout2001),lesdispositionsapplicablesàlaconduitedes

relationsextérieuresn’ontjamaisvarié.Ilfautdoncreleverunecontinuitésurleplan

strictementjuridiqueetformel.Lesautoritésquionteuàgouvernerlepaysont« travaillé »

surlabasedesmêmesdispositionsorganisantlesrelationsinternationalessénégalaises.

Enfait,etcommebiend’autresparlementsdanslemonde,lepouvoirlégislatifau

Sénégalnetrouveàs’exprimer,enmatièredepolitiqueétrangère,qu’àl’occasionduvote

delaloiautorisantleprésidentdelaRépubliqueà« ratifier »ouà«approuver»les

« traitésetaccords ». Concrètement,laprocéduresedéroulecommesuit :

• Lesautorités,souslaconduiteduministèredesAffairesétrangères,concluent–enle

signant–untraitéinternational;lepouvoirlégislatifn’étantabsolumentpasassociéà

laprocéduredenégociation;

• Legouvernement–enfaitleministèredesAffairesétrangèrestoujours–prépareun

avant-projetdeloid’autorisationderatificationoud’approbationdelaconvention

internationaledéjàsignée;

• LeConseildesministresadopteletexte,quidevientainsiun« projetdeloi » ;

• Leparlementadopteletexte,quidevientune« loid’autorisationderatification »etqui

necomportesouventqu’unseularticle,ainsilibellé:« LeprésidentdelaRépublique

estautoritéàratifierletraitédu...concluparleSénégal ».

Sileparlementrefusededélivrercetteloi,leprésidentnepeutrienfaire,ilestobligéde

s’incliner.Enrevanche,silaloid’autorisationestadoptée(elleestengénéralextrêmement

brèveetnereprésente,commeonl’avu,qu’unseularticle),leprésidentpeut« ratifier »,

c’est-à-dire exprimer solennellement l’engagement du Sénégal et signer au bas du

documentappellé« lettresderatification ».

Onpeuttoutdemêmetempérercetteappréciationenrappelantqu’ilexistetoutde

mêmedescatégoriesdetraitéspourlesquelsriennepeutsefairesansl’interventiondu

parlement.Ils’agitdes« traitésdepaix,traitésdecommerce,traitésouaccordsrelatifsà

l’organisationinternationale,ceuxquiengagentlesfinancesdel’Etat,ceuxquimodifient

lesdispositionsdenaturelégislative,ceuxquisontrelatifsàl’étatdespersonnes,ceuxqui

comportentcession,échangeouadjonctiondeterritoire »(article96delaConstitution).

Malgrétout,lepouvoirdecontrôledesparlementairessénégalaisesttrèsréduit.

Unepremièreexplicationdecephénomèneestquelapolitiqueétrangèren’intéressepas

toujourslesparlementaires.Ceux-ci,partournured’espritouparculturepourrait-ondire,

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s’intéressentdavantageauxquestionspurementnationales,volontiersreliés,dureste,à

desconsidérations« locales ».Acejour,onnerelèveaucunetendanceforteindiquantque

lesparlementairessénégalaiss’intéressentauxquestionsdiplomatiques.LeGouvernement

peutcertesêtreamenéàseprononcersurteloutelaspectdelapolitiqueétrangère,mais

ilnes’agitalorsquederequêtesvenantd’individualitésmembresduparlement.Iln’existe

pasdecadreinstitutionnalisédediscussiondesoptionsdiplomatiques,toutaumoins

celui-cin’est-ilpasutilisé.Nil’existenced’une« diaspora »assezimportante,nil’érection

d’unministèredesSénégalaisdel’extérieurn’estarrivéeàrenversercettetendance.Ilfaut

espérerqu’avecl’intensificationdesrelationsinternationales,lesreprésentantsdupeuple

commencerontàs’intéresserauxquestionsinternationalesetpasseulement« locales »

ouélectorales.pourl’heure,lapolitiqueétrangèreestperçuecomme« horsdeportée »

d’uneinstitutionparlementairedontlaqualitédesressourceshumainespeut,ilestvrai,

êtreaméliorée.Onobserveégalementquesurdesquestionsquiauraientpulesintéresser

aupremierchef,lesparlementairesnesontpasinformés :ainsi,lesdeuxaccordssurles

fluxmigratoires,questionsocialementimportante,quiontétéconclusaveclaFrance

etl’Espagne,l’ontétéparlavoied’« accordsenformesimplifiée »,soustraitsàtoute

discussionparlementaire.

Undeuxièmeproblème,plusinstitutionnel,résidedanslefaitquelesparlementaires

n’ontaucunpouvoirdemodificationdestextes internationauxqui leursontsoumis.

Asupposerqu’ilsveuillentqu’unengagementduSénégalsoitmodifiéouprécisé, ils

sontobligésdeledemanderaupouvoirexécutif,quianégociél’accord,lequel,alors,

doitànouveauouvrirdespourparlersavec l’Etatou l’organismepartenaire.Anotre

connaissance,etaprèsconsultationdes« Journauxofficiels »desdébats,aucuncasd’une

tellerequêten’ajamaisexisté.

Enfin, rien, dans le dispositif juridique du Sénégal, ne permet au parlement de

« suivre »l’applicationdesaccordsdontilaautorisélaratification.Danscertainspays,

ilestprévuquetoutemodificationd’untelaccord,ousadénonciation–c’est-à-direla

volontédel’Etatdeneplusfairepartiedel’accord–estelle-mêmesoumiseàunenouvelle

délibérationdesparlementaires.Riendeteln’existeauSénégal,cequiaccroîtencore

l’impressionqueleparlementn’estpasunacteurimportantdelapolitiqueextérieure.

Quantaupouvoirjudiciaire,ilestamenéàintervenirdanslapolitiqueétrangèrede

manièretrèsmarginaleettrèsindirecte. LesCoursetTribunauxn’entrenteneffetpasen

actiondansladéterminationmêmedelapolitiqueétrangère,teln’estpasleurrôleetonle

comprendaisément.Enrevanche,dansleurmissiondedireledroit,ilspeuventexaminer

unaccordinternational.Cetexamenintervientdansdeuxcas.

Lepremier, lorsducontrôledeconformitéde l’engagement internationalavec la

constitutionduSénégal.Ilesteneffetprévu,auSénégalcommedansbiend’autrespays,

qu’avantdes’engagersurleplaninternational,lesautoritésnationalespeuvents’assurer

delaconformitédel’accordaveclaconstitutiondupays.Cetteprécautions’explique

aisément.Apartirdumomentoùl’accordinternationalestcensépénétrerdansl’ordre

juridiquedel’Etat–car« ledroitinternationalestunepartdudroitnational »–,ilest

normaldeveilleràlaconformitédecedocumentauregarddetouteslesautresnormes

nationales,notammentaveclaconstitution.Ils’agitd’uncontrôlepréventifcarilalieu

avantquel’Etatn’exprime,surleplaninternational,sonengagementàêtrelié.AuSénégal,

cecontrôleestexercéparlejugedelaconstitution,quiestle« Conseilconstitutionnel ».

Ondoitcependantremarquerqu’untelcontrôlejuridictionnelsurlapolitiqueétrangère

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estextrêmementrare.Acejour,etdepuisqu’ilexisteunejuridictionconstitutionnelle

spéciale–c’est-à-diredepuis1992–,onn’aobservéqu’unseulcasdecontrôledirect

de conformité  : c’est la décision du 16 décembre 1993 relative à la conformité à la

constitutiondutraitémettantenplacel’OhadaOrganisationpourl’harmonisationen

Afriquedudroitdesaffaires.Onpeutregrettercettefaiblessedelaparticipationdujuge

constitutionnelàlamiseenplacedesélémentsjuridiquesd’unepolitiqueétrangère.Une

desmanièresd’améliorercetteparticipationpourrait,parexemple,consisteràdonner

auxparlementairesledroitdesaisirlejuge,surlaconformitéd’uneconventionavecla

constitution,commeilsenontledroitaujourd’huipourleslois.Laseuledécisionquia

étérenduel’aétésurdemandeduprésidentdelaRépublique ;onpourraitadmettrele

principed’unesaisineparlementaireenmatièredetraités,etespérerqu’avecletemps,

cetteinnovationnesetransformepasenlettremorte.Faceau« faitmajoritaire »au

parlement,lesdéputésminoritairespourraientainsitrouverdanslejugeconstitutionnel

unesorted’« allié ».

Le deuxième cas pendant lequel le pouvoir judiciaire apprécie un instrument

international est ce qu’il est aujourd’hui convenu d’appeler le «  contrôle de

conventionnalité ».C’estlaprocédureparlaquelletoutjugedécide,àlademanded’une

partieaulitige,d’écarterunenormenationalecontraireàunengagementinternational

de l’Etat. On doit également déplorer la faiblesse de ce contentieux du contrôle de

conventionnalité.Celatientcertainementàuneinsuffisanteconnaissancedesengagements

duSénégalchezlesacteursjudiciaires(avocats,magistrats).DevantlaCoursuprême

duSénégal (1960–1992, restauréedepuis2009), seules5décisionsontété rendues,

relativementauxtraitésinternationaux(en32annéesdonc).

Ilexisteuncontrastesaisissantentrelenombredetextesinternationauxsusceptibles

des’appliquerauSénégal–danslamesureoùleSénégalestpartieàcestextes–etla

pauvreté du contentieux afférent à ces instruments. peu de plaideurs ont le réflexe

d’allerchercher,surleplaninternational,desargumentspropresàleurfairegagnerles

procèsfaceauxjuridictionssénégalaises.Or,ilnefaitaucundouteque,parexemple,

des instruments juridiquesrelatifsà la libertédecirculationetadoptésdanslecadre

d’organisationssousrégionalescommelaCEDEAOoul’Unionéconomiqueetmonétaire

ouest-africaine pourraient utilement être invoqués dans des procès qui concernent

desressortissantsd’Etatsmembresdecesorganisations.Anotreconnaissance,aucune

décision judiciairenes’estprononcéesurdesactescommeles troisprotocolesde la

CEDEAOrelatifsàlalibrecirculationdespersonnes(prisen1979,1986et1990),alors

quequotidiennement,onrelèvedestracasseriesdontsontvictimesdesmigrantsdansles

zonesfrontalières.Demême,alorsqu’uneConventioninternationalecommecellede1979

surl’éliminationdetouteslesformesdediscriminationàl’égarddesfemmeslieleSénégal

depuis1985,ilexisteencoredansleCodedelafamilledupaysdesdispositionsquelque

peudiscriminatoires,netirantpaslesconséquencesdecetengagementinternational.

A notre connaissance, aucune jurisprudence importante sur tous ces points n’a été

observée.Ilfautrappelerquelasupérioritédudroitinternationalsurledroitnationalest

pourtantinscritedanslaconstitutionsénégalaise(article98).

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A u - d e l A d e S t e X t e S : l A r e A l I t e p o l I t I Q u e

L’approchedelapolitiqueétrangèreduSénégalparlestextes–cellequenousvenonsde

faire–n’estévidemmentpaslaseulepossible.Ilestconcevablequ’aprèsavoirobservéle

dispositiflégaletformeldecettepolitiqueextérieure,l’onsepenchesurlaréalité,c’est-à-

direlevécudecelle-ci.Laquestionestalorsdesavoirquellessontlesgrandesévolutions

oulestraitsmarquantsdeladiplomatieduSénégaldepuis2000.

Decepointdevue,trois tendancespeuventêtredégagées.Lapremièretendanceest

celledel’importancedesconsidérationséconomiquesetcommercialesdanslaconduite

deladiplomatieduSénégal.

Ils’agitlàd’unetendancequ’expliquesansdoutelebesoinplusquejamaispressant

dedéveloppement,ainsiquel’émergencedenouveauxpartenairesdiplomatiques,qui

sontprécisémentdes« paysémergents ».paruncertainretourdeschoses,ladiplomatie

sénégalaisedesannées2000rendhommageàunsloganforgédanslesannées70,au

momentoùl’onparlaitde« nouvelordreéconomiqueinternational » : le« dialogue

Sud–Sud ».

Acetitre,leSénégals’estfortementimpliquédansle« Nouveaupartenariatpourle

Développement »ducontinentafricain(NEpAD),auxcôtésdepayscommel’Afriquedu

Sud,l’AlgérieouleNigéria.Onn’entrerapasdanslesdétailsdel’organisationduNEpAD,

maisons’arrêteraseulementàsaphilosophie.Cenouveauplanchercheàréhabiliter

l’idéed’unpartenariatfondésurdeséchangeséconomiques.Ilpartduprincipequeles

approchesd’« assistance »oud’« aide »ontmontré leurs limites,que lecontinent

africainn’estpasintrinsèquementpauvremaisriche,etqu’ilatoutàgagnerd’échanges

économiques fondéssuruncertainéquilibre.LeNEpADreposeégalementsur l’idée

d’entraînement,surl’idéequel’implicationdestroisouquatrepuissanceséconomiques

ducontinentpeutinfluersurlasituationdesautrespays.Ilestbienentendupermisde

s’interrogersurlesrésultatsconcretsduNEpAD,prèsdedixansaprèssaconception

etsonélaboration.Manifestement,cesrésultatsn’ontpasétéàlahauteurdesespoirs

quesaconceptionavaitsuscités.Leprojetsouffrecertainementdelimitesindéniables,

parmilesquelles,sansdoute,satropfortepersonnalisation,sonrattachementàquelques

individualitésseulement,soninsuffisantancrageinstitutionnelouconsensuel.Iln’enreste

pasmoinsqu’ilconstitueunprojetcaractéristiquedecettemobilisationdesressources

diplomatiquessénégalaisesàdesfinscommercialesouéconomiques.

Letempsdeladiplomatiecommercialeestégalementmarquépardesalliancesavecde

‘ nouveaux’Etats,alliancesdontleressortesttrèscertainementéconomique.LeSénégal

aintensifiésesrelationsavecdespayscommelaChine,l’Iran,leMarocouDubaï,au

point,semble-t-il,queceredéploiementapususciterdesinquiétudeschezdespartenaires

traditionnelsdupayscommelaFrance.Unprojetaussiimportantquelaplate-forme

deDiamniadio,aux implicationséconomiquesmajeures,apuainsiêtreconfiéàdes

entreprisesoriginairesdeDubaï,(plusprécisémentdugroupe« DubaïportsWorld »,qui

asignéunmémorandumavecleGouvernementendécembre2006),augranddamde

compagniesissuesdepayseuropéens.Cetambitieuxprojetéconomiqueetcommercial

tend,d’unepart,àréduirelapauvretéencréantdesmilliersd’emploisdanslecadrede

l’aménagementd’unsiteindustrieldeplusde2500hectares,etd’autrepart,àdésengorger

larégiondeDakar.Acourtterme,c’est-à-diredans5ans,ilestprévuquecesite,situé

àprèsdequarantekilomètresdelacapitaleaccueille600entreprises.Danslecadredu

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MilleniumChallengeCorporation(donsdugouvernementaméricain),ilestprévuquele

projetrecueilleunfinancementd’unmilliarddedollars7.

Dubaïaégalementdepuissantsintérêtsdansdessecteurscommel’hôtellerie.Selon

laChambredecommercedel’Emirat, leséchangescommerciauxentrelesdeuxpays

sontpassésd’unmontantde14,2millionsdedollarsen2003à184millionsdedollars

en20098. Lesrelationsquelefilsduprésident,parailleurspuissantministredansle

Gouvernement – il cumule des portefeuilles comme celui des Infrastructures, des

Transports,del’Energie,delaCoopérationinternationale–entretientavecdesmilieux

issus de cet Emirat ne sont un mystère pour personne. Les alliances diplomatiques

sontainsilefruitd’uneconjonctiondefacteursobjectifsetsubjectifs,économiqueset

personnels,ellessontauconfluentdelogiquesd’intérêtséconomiquesetderelations

individuelles.L’ambassadeurOusmaneCamaraaparlé,aucoursdenotrerencontre,du

renouveaudelacoopérationduSénégalaveclespaysduGolfearabo-persiqueainsique

dugroupedes« BRICS »(Brésil,Inde,Russie,Chineetl’AfriqueduSud)9.

D’autresélémentspeuventêtre relevésdans lemêmesens  : leMarocaétéchoisi

commepartenairestratégiquede l’anciennecompagnienationalede transportaérien

« AirSénégalInternational »,uneentrepriseindienneaétéchoisiepourlagestiondu

fretauportautonomedeDakar–audétriment,a-t-ondit,dugroupefrançais« Bolloré »,

puissammentinstalléenAfrique–,l’allianceaveclaChineestd’autantplusimportante

qu’elleproduitdeseffetsimmédiatementperceptibles,notammentsurleplandel’accès

auxbiensdeconsommationpourlesparticuliers–pourfinir,précisonsqu’ilestarrivé,

plus d’une fois depuis 2000, que le Sénégal figure parmi les invités de rencontres

diplomatiquesàforteteneuréconomique,commelessommetsduG-7,GroupedesHuit

(G-8),G-20etc.pourneciterquedeuxexemplesrécents,onrelèveraqueleSénégala

étéinvitéenjuin2010ausommetduG-8àToronto,auCanada.Ilyétaitaumêmetitre

qued’autresétatsafricains :l’Algérie,l’AfriqueduSud,l’Egypte,l’Ethiopie,leMalawi,et

leNigéria10.En2011,leSénégalétaitégalementconviéau« G-8 »deDeauville,sousla

présidencefrançaise.LaDéclarationfinaleadoptéeàl’issuedecetterencontrearésulté

d’unenégociationaveclespaysafricainsprésents11.

Cettediplomatie économiquen’estpas, il faut encore lepréciser,une spécificité

sénégalaise.Elletientaussiàdesévolutionsplusgénérales,quisontsusceptiblesd’affecter

d’autrespaysdumonde.Danssacommunication,MAliouneFallabienmontréque,de

manièregénérale,letempsoùladiplomatiedesEtatss’épuisaitdanslesseulesquestions

desouverainetéetde« hautepolitique »estterminé12.LeSénégaln’échappepasàce

conditionnement planétaire. Il n’en demeure pas moins que la nouvelle orientation

économiquedesadiplomatieconstitueunedonnéeremarquabledesonhistoirerécente.

Impératifdudéveloppement,avons-nousditplushautpourexpliquercetteinflexion.Mais

ilseraitjusted’ajouterquelefaitqueleprésidentsénégalaissesoitlui-mêmeintéressé,

danslepassé,àdesquestionsd’économieetàquelquesproblèmesdel’Afrique13,n’estpas

étrangeràcechangement.

Ladeuxièmetendanceobservableestcelleduregaind’intérêtpourlepanafricanisme

etpourl’intégrationéconomiqueetpolitique.

Laquestiondupanafricanismen’estpas,ons’endoutebien,unenouveautédansles

orientationsdiplomatiquesduSénégal.Aussitôtaprèsl’indépendance,aumomentmême

oùl’oncréaitOrganisationdel’UnitéAfricaine(OUA),cedébatasuscitédiversesprises

depositionauniveauleplusélevédesEtats.

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La nouveauté de la deuxième tendance, observée dans la diplomatie sénégalaise

depuis2000,tientcependantaufaitqu’aprèsquelquesdécenniesd’undébatquelque

peu« oublié »,lethèmedupanafricanismeestsubitementrevenusurledevantdela

scène.Bienentendu,cephénomènes’explique.Iltientàdesfacteurs« généraux »qui

concernentlecontinentafricaindanssonensemble,etàdesfacteursspéciauxquine

concernentqueleSénégal.

Au titre des facteurs généraux, il faut noter l’évolution même des organisations

internationalesafricaines,etcelledel’OUAenparticulier.Eneffet,depuis2000–mais

cela étaitobservabledès ledébutdes années90–, cesorganisationsont connudes

mutationssubstantielles,allantdanslesensd’uneplusgrandeintégrationdesEtats,c’est-

à-dired’unrenforcementdesorganisations.LesEtatsontdoncsentilanécessitédefaire

desconcessionsdesouveraineté,etontdotélesstructuresdontilssontmembres,de

pouvoirsetdecompétencesplusgrands.Celaestvrai,aussibienpourlesorganisations

sous-régionalesquepourl’organisationayantvocationàréunirtouslesEtatsafricains,

l’OUA.Celle-ciestprécisémentdevenue,en2000,l’« UnionAfricaine »(UA).Au-delà

duchangementdenom,ilfautvoirunchangementdephilosophie.LesEtatsontaffirmé

lanécessitéderenforcercetteorganisation,etlaruptureentrel’OUAetl’UAestfrappante

surplusieurspoints.Dansunmêmetemps,uneréflexions’estengagéeauseinmêmede

l’UA,pourlamiseenplacedespremiersélémentsd’un« Gouvernementdel’Afrique ».Ce

nouveaucontextenepouvaitpasnepasinfluersurladiplomatiedesEtats.Eneffet,ces

dernierssesontquasimenttrouvésdansl’obligationdeseprononcersurlesévolutionsen

cours.Laquestiondupanafricanismeétaitdoncredevenueunsujetdediscussiondans

lesEtats.

D’autre part, le Sénégal lui-même a désiré s’impliquer très fortement dans cette

nouvelleconfiguration,ensefaisantlechantred’uneunitépolitiqueimmédiate,auxcôtés

d’étatscommelaLibye.Onnoterad’ailleursàcesujetunchangementdelaposition

sénégalaiseentrelesannées60etlesannées2000.Aumomentdelacréationdel’OUA,

le pays préconisait une démarche graduelle, progressive, vers l’unité, comme l’avait

indiquéleprésidentSenghorlorsdusommetd’AddisAbéba.Maisdanslesannées2000,

lapositionduSénégals’estradicaliséeetlepaysfiguredésormaisparmilespartisansd’une

miseneplaceimmédiatedestructurespolitiquesdedécisionauniveauglobal.Ilvadesoi

quecepositionnement,ajoutéàdesfacteurscommeceluidelaconceptionduNEpAD,

estdenatureàdicteràladiplomatieduSénégaldespositionsasseztéméraires,assez

« avant-gardistes »,auservicedel’unitéafricaine.LeproposdeMAbdouLôamisen

évidencecetaspectdeschoses14,alorsqueletémoignagedel’ancienministredesAffaires

étrangèresduSénégal–entre2000et2010précisément–,MCheikhTidianeGadio15,

nousarenseignésurlesenjeuxdecetteorientationpanafricanistedeladiplomatiedu

Sénégal,ainsiquesonarrière-planplussubjectif,faitdequerellesplusoumoinslarvées

deleadershipnationaloupersonnel.

Bienentendu, laquestiondupanafricanismedans lapolitiqueextérieure récente

duSénégaldoitfairel’objetd’uneévaluationnuancée.plusprécisément,ilestpermis

des’interrogersur laréalitémêmed’untelpanafricanisme.Unprojetpolitiquedoit,

pouravoirquelquechanced’êtreréalisérapidement,reposersuruneréalitématérielle

correspondantàuneréalitééconomiqueentreEtats,unesolidaritédefaitentreeux.Or,

iln’estpassûrqu’aumomentoùlethèmedupanafricanismerefaitsurface,cedernier

correspondeàdesréalitésnouvelles ;iln’estpassûrquel’institutiond’unesolidarité

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politiquesenourrissed’unesolidaritédefait,solidaritééconomique.C’estsansdoutelà

qu’ilfautaussichercherlesraisonspourlesquellescethèmeestassezviteretombédans

unesorted’oubli,leprojetpolitiquen’étantmanifestementpasmûrpourfairel’objetd’un

débutderéalisation.Unecommunicationcommecelledel’ambassadeurI.Kabaaeupour

méritedemettreledoigtsurlescarencesdelacoopérationentrelesdiversespartiesde

l’Afrique,carencesquisontalorsdenatureàhypothéquerleprojetglobalpanafricaniste.

L’ambassadeuramisenévidencelatropgrandefaiblessedelacoopérationentreleSénégal

etlesEtatsd’Afriquecentraleparexemple16.

Latroisièmetendanceobservableestcelled’uneassezfortepersonnalisationdela

diplomatiesénégalaise.

Cettepersonnalisation se fait autourduprésidentde laRépublique.Nousavons

certesdéjàvuquel’environnementjuridiqueetinstitutionnelauSénégalestdenature

àassurerune forteprésenceduchefde l’Etat sur la scènediplomatique, à telpoint

quelesautrespouvoirsdansl’Etatsont,àceregard,réduitsàtrèspeu.Ils’agit làde

facteursinstitutionnels,quinonseulementonttoujoursexistéauSénégal,maisquisont

susceptiblesdejouerdemainpourn’importequeltenantdupouvoir.Cequiestencause

iciestdifférent.Ilestplutôtquestiondelapratiquepersonnelleduchefdel’Etat,deson

« style »diplomatiqueàlui.Cefacteur« subjectif »vientdoncs’ajouterauxéléments

objectifsquenousavonsrepérésplushaut,etquiassurentunetrèsnetteprééminence

duchefdel’Etatsurlaconduitedesrelationsinternationales.Lapersonnalisationdela

diplomatiesénégalaisesouslaprésidenceWaderésultedoncd’uneconjonctiond’éléments

juridiques,textuels,etdeconsidérationspersonnellesousubjectives.Destroischefsd’Etat

queleSénégalaconnusàcejour,leprésidentWadeestsanscontesteceluidontlamanière

deconduirelapolitiqueétrangèreestlaplus« personnelle ».

La« personnalisation »peutsansdouteavoirdesavantages,notammentdansdes

contextesdemédiationouderèglementpacifiquededifférends,oùlaconfianceinspirée

parlemédiateurpeutêtred’unpoidscertaindanslarésolutiondesconflits.Maiselle

comporteaussides inconvénients,dans lamesureoù l’affirmationdes individualités

signifiesouventunemiseensommeildesmécanismesetprocédures légaux,etdans

la mesure également où ces individualités peuvent, tout autant qu’elles provoquent

la confiance, susciter la prévention. Il est clair que cette donnée est de nature à

accroîtrelepotentieldetensionaveclesautresEtats,àcristalliserdesinimitiésoudes

incompréhensions,commeonvalevoir.

Depuis2000,leprésidentdelaRépubliqueapu,grâceàcertainesdéclarations,orienter

lapolitiqueétrangèredupaysdansunsensdontcertainssesontinquiétés.Ondonnera

lesexemplessuivants :

• DanslacriseIvoirienne,leprésidentadéclaréque«les Burkinabèviventencemoment

enCôted’Ivoirecequ’aucunafricainnevitenEurope».(Déclarationfaitelorsde

l’ouverture,le22janvier2001,àDakar,d’unforumsurleracisme,laxénophobieet

l’intolérance)17.CettedéclarationafaillimettrelefeuauxrelationsentreleSénégalet

laCôted’Ivoire18 ;

• Dansl’affaire« HissèneHabré »(dunomdel’ancienprésidentduTchadréfugiéau

Sénégal,dontlaBelgiqueréclamel’extraditionetquiaétéàl’origined’unvéritable

feuilletondiplomatico-judiciaire),leSénégalasuccessivementaffichédespositions

contradictoires,notammentparlavoixdesonprésident,quiadéclaré :« Franchement,

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jeregretted’avoiracceptécedossierparceque jen’aipasobtenuleminimumde

soutienquejecherchais.Auprochainsommetdel’UA,jedirai« prenezvotredossier »,

sinonHabré,jevaislerenvoyerquelquepart…Jevousledisclairement,jevaism’en

débarrasser »19.

• AprèsletremblementdeterreenHaïti,c’estparunedécisionpurementpersonnelle

queleprésidentadécidéquelepaysaccueilleraitplusieursdizainesd’étudiantsissus

decepaysdanslesdifférentesuniversités. Danssondiscoursdu13octobre2010,tenu

aupieddu« MonumentdelaRenaissanceafricaine »,dontilaimeàrappelerqu’il

enainspirélaconception,leprésidentWadedéclarait :« …Nousavonsestiméqu’il

fallaitouvrir,ànosfrèresetsœursd’Haïtiquiledésirent,ledroitdesesoustrairede

cescalamitésrécurrentesetdevenirs’installerchezeux,enAfrique…enattendant,

j’aivoulupourmapartjoindrel’acteàlaparoleaunomdelarelationhumaine…qui

unitl’Afriqueàsadiaspora ».

Cettepersonnalisationdelapolitiqueétrangèreapu,ilfautbienl’avouer,susciterun

malaiseauprèsd’uncertainnombredepersonnes.Aucoursdelarencontreorganisée

parSAIIA,certainsanciensdiplomatesontmêmeregretté,tantôtcequ’onaappelé« la

relégationdel’Administration »,tantôtunjeud’alliancespouvantprendrel’observateur

audépourvu.

Cesfaitstraduisent-ilsune« politisationdelafonctionpublique »dansledomaine

delapolitiqueétrangère ?Laréponseàlaquestionestassezaisée :sileprésidentdela

Républiqueaeffectivementpumarquerd’uneempreintetrèspersonnelleladiplomatie

sénégalaise,s’ilapufaireentrerquelques individualitésdansuncorpsdiplomatique

habituéàemprunterun« cursus »classique,onnepeutpasdirequelagangrènedela

politiqueacomplètementaffectélafonctiondiplomatiqueauSénégal.pourl’essentiel,

lesdiplomatesdupayscontinuentàêtreleproduitdeconcoursouvertsdanslafonction

publique,etleurpromotionsefaitselondescritèresasseztransparents.Lacôted’alertede

lapolitisationdescarrièresn’apas,oupasencore,étéatteinte.

C’estsansdoutecetteformationquiexpliquequelesdiplomates,mêmes’ilssont

susceptiblesdes’inquiéterdecertainesorientationsdelapolitiqueétrangère,neréagissent

pasdemanièrehostileetorganisée,entantquecorps.Ilexisteuneculturedelahaute

fonctionpublique,marquéedurespectdel’autoritéetd’unsensdudevoir,quinefavorise

pasunerévoltecontrel’autorité.Lesdiplomatesnesontpasconstituésen« syndicat »

plusoumoinsavoué, ilsnes’exprimentpassur leschoixdiplomatiquesdupays, ils

nesontpasportésàcontesterlamanièredontlesautorités,etnotammentleprésident

delaRépublique,représententlepaysàl’étranger.Sansdoutecerespectdel’autorité

tient-ilaussiaufaitque,commeonl’aindiquéplushaut,lemoded’accèsàlacarrière

diplomatiqueresterelativementstabilisé.

Celaneveutcertainementpasdirequel’organisationlégaledelaconduitedesrelations

internationalesnedoitpasêtrerepenséeauSénégal.L’étudeetlestémoignagessurlesquels

ils’appuiemontrequeleprésidentdelaRépublique,dontlatâcheestdeformerunorgane

diplomatiquemajeur,cumuletropdepouvoirsenlamatière.C’estlàuneconséquence

d’un faitplusgénéral,qui lecaractèreoutrancièrementprésidentialistedessystèmes

politiques,auSénégalcommedansd’autrespayscomparables.

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c o n c l u S I o n

S’intéresseràlapolitiqueétrangèreduSénégaldepuis2000,dateàlaquelleunealternance

historiqueestintervenuedanslepays,pourraitfairecroirequecetévénementaégalement

bouleversélapolitiqueétrangèredupays.Notreétudeamontréquecettevisionquelque

peusimplistedoitêtreécartéed’unreversdelamain.

Ilexisteeneffet,dansl’explicationdecettepolitiqueétrangère,desélémentsquine

sontquelerefletd’évolutionsplusgénérales,valablespourladiplomatiedetouslesétats

duglobeoudetouslesétatsducontinentafricain,etdesélémentsplusspécifiquement

sénégalais.Au titredespremiers, onpeut citer la«  technicisation »de lapolitique

extérieure,c’est-à-direlaremiseencausedumonopoledesdiplomatesdecarrièresur

ce secteurde l’activité étatique, ou encore l’inflexion économiquede ladiplomatie,

désormaismoinstournéesurdesquestionsdepuresouverainetédesEtats.Autitredes

secondséléments,ilestpossibled’évoquerladimensionpluspanafricanistedelapolitique

étrangèredepuis2000–encorequecettedonnéepuisseêtrepartagéeavecd’autresEtats

africains–et,plussûrement,la« personnalisation »deladiplomatiedupays.

A d d e n d u m

Depuismars2012,leSénégalaconnuladeuxièmealternancepolitiquedesonhistoire.

LeprésidentWadeaétébattuauxélectionsparundesesancienspremiersministres,

MackySall.Dupointdevuedelapolitiqueétrangère,quelqueschangements,quinesont

pasnécessairementspectaculairesourévolutionnaires,peuventêtreobservésdepuisle

changementpolitique :

• LepremierestcaractériséparlefaitqueleSénégalrenoueavecunediplomatieplus

« traditionnelle »,àtraverstroisoptionsquipeuventêtresoulignées.

• LeretourauxrelationsprivilégiéesaveclaFrance.Eneffet, lepremiervoyagedu

nouveauchefdel’Etat,horsducontinentafricain,aeulieuenFrance.Au-delàdu

simplesymbole,cevoyageduprintemps2012aétél’occasiond’unappuifinanciertrès

importantfourniparlaFrance,aprèsqueleprésidentMackySalleutdéclaréqueles

financespubliquessénégalaisessetrouvaientdansunétatpréoccupant.Cettepremière

visiteaeulieuàquelquesjoursdelafindelaprésidenceSarkozy,unautrevoyagea

suivialorsqueleprésidentHollandevenaitdes’installer,etdesaccordsontétéconclus

entre lesdeuxpays.Certainsontmêmecritiqué les facilitésquecesconventions

ouvrentàlaFranceauSénégal.

• Ilfautsansdoutemettrecesfaitsenrapportaveclesoutienclairementaffichépar

leSénégal au francophone (Gabonais) Jeanping, candidat au renouvellementde

sonmandatdeprésidentde laCommissionde l’UnionAfricaine (on saitque ce

dernierserabattuparsarivalesud-africaine).LeSénégalaalorsclairementaffichésa

« francophonie »lorsdesonappuiaucandidatd’unautrepaysfrancophone,leGabon

(interviewdumagazine« JeuneAfrique »,juin2012).

• Lesoucid’être« mieuxvu »des institutions internationalesestassurémentplus

marquéqu’avant.Lenouveaupouvoirveutmontreràl’étrangerqu’ilestpréoccupé

parla« bonnegouvernance »,cequiexpliquela« vague »des« audits »etautres

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enquêtes tendant à réprimer l’enrichissement illicite des dirigeants précédents

(réactivationdelajuridictioncompétenteencettematière,crééeen1981maisqui

nefonctionnaitplusvraiment)etàobtenirlerapatriementdes « biensmalacquis ».

Le soutien international n’a pas tardé  : la France et les USA ont affirmé leur

disponibilitéàaiderleSénégaldanscettelutte.

• Leretourauxbonnesrelationsdevoisinage.Dansuneinterviewdumagazine« Jeune

Afrique »(juin212),lenouveauprésidentaclairementindiquéqu’unedesruptures

avecleprécédentgouvernementsetrouvaitdanslanouvellegestiondecesrelations,

cesdernièresn’étantpastrèsbonnesavecdespayscommelaGambieoulaMauritanie.

Defait,latoutepremièrevisiteeffectuéeparleprésidentSallaeulieuenGambie,pays

enclavéàl’intérieurduSénégal,unevisiteenMauritanieasuivi.

Bien entendu, cela ne signifie pas que certains aspects traditionnels de la politique

étrangèrenesubsistentpas.Ainsi,lesrelationsavecunétatcommeleKoweïtontété

magnifiéeslorsdelarécentecérémonieparlaquelleleFondskoweitienaaccordéune

sommede8milliardsauSénégal(juillet2012).

n o t e S

1 AmbassadeurKBCisse,dontl’interventionportaitsur« Lesinstitutionsetlesstructuresqui

définissentlapolitiqueextérieureduSénégal ».

2 AmbassadeurSNBa,dontl’interventionavaitpourtitre« LapolitiqueétrangèreduSénégalen

Afriquedel’Ouestetenparticulieravecsesvoisinsimmédiats ».

3 Thèmede l’interventionde l’AmbassadeurOCamara : « LeSénégal au seinde l’OCI et

ses relations avec les BRICS  : le Sénégal entre puissances traditionnelles et puissances

émergentes ».

4 L’interventiondel’AmbassadeurIKabaportaitsur« LesrelationsentreleSénégaletlespays

delaCommunautéEconomiquedesEtatsdel’AfriqueCentrale ».

5 CarronDeLaCarriereG,in CharillonF(dir.),Politique étrangère. Nouveaux regards. paris,

pressesdeSciencespo,2002,pp.244–245.

6 L’argentreçudeTaïwanauraitainsitransitédanslescomptesdufilsdel’envoyéduchefde

l’Etat,l’hommed’affairesfrançaispierreAïm.LecommuniquédelaprésidencedelaRépublique

avouantlaréceptiondesfondsdatedu5février2006,àl’issueduConseildesministres.pour

connaîtrelestenantsetlesaboutissantsdecetteaffaire,v.len°837del’hebdomadaire« Le

Témoin »,du12au18décembre2006.Ilfautsignalerquelesrévélationsdelapressesurce

dossiern’ontjamaisdonnélieu,delapartdesautorités,niàundémenti,niàunprocèsen

justice.pourlesdéveloppementsrécents,verslejournalLe Quotidien du7décembre2011.

7 Plate – forme du Millénaire de Diamniadio. Analyse préalable de son impact sur la pauvreté,

Rapport final,Tome1,16mai2007,établiparlaCelluledeSuividesprogrammesdeLutte

contrelapauvreté(CSpLp),etl’Agencedemiseenœuvredelaplate-formeduMillénairede

Diamniadio,p.4.

8 « LaGazette »(Dakar),22septembre2010.

9 CarronDeLaCarrierG,op. cit.

10 Voirhttp://www.rfi.fr/afriq/20100625,25juin2010.

11 Voirhttp://www.news.alibo.com/spip.php.

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12 CommunicationdeMAliouneFall,« Lesfacteurspolitiquesetéconomiquesintérieursqui

influentsurlapolitiqueétrangèreduSénégal :Rôledelasociétécivileetdel’aideétrangère

dansladéfinitiondelapolitiqueétrangèreduSénégal,lapolitiqueétrangèreduSénégaletles

médias ».

13 LeprésidentWadeanotammentécritunlivreintituléUn destin pour l’Afrique, paruàparis,éd.

Karthalaen1989.

14 LoAK,« LapolitiqueétrangèreduSénégalauseindel’UnionAfricaineetpourleprojetdes

EtatsUnisd’Afrique ».

15 GadioCT,« CoopérationdiplomatiqueSénégal/AfriqueduSudsurlesquestionstouchant

l’Afriquedel’Ouest,l’AfriqueAustraleetlecontinentafricain ».

16 Ambassadeur I Kaba, «  Les relations entre le Sénégal et les pays de la Communauté

EconomiquedesEtatsdel’AfriqueCentrale(CEEAC) ».

17 « L’Afriquedel’Ouestdanslazonedestempêtes »,dans Le Monde Diplomatique, mars2001,

pp.10–11.

18 Ainsipendantlacriseivoirienne,leconseillerdiplomatiqueduprésidentGbagbo,Alphonse

Djédié, réagissantauvoyageducandidatAOuattaraàDakar, entre lesdeux toursde la

présidentielle,déclarait :« Onaledroitdesouteniruncandidat,maisonn’apasledroitde

conspirerenvued’unedéstabilisation ». poursapart,l’AmbassadedeCôted’IvoireàDakar

publiaituncommuniquédénonçant« unacteinamical »,http//french.peopledaily.com,10

novembre2010.

19 Voirhttp://ww.afriqueavenir.org,11décembre2010.

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