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© DR 4 actualités Actualités pharmaceutiques n° 477 Septembre 2008 L’Association nationale des étudiants en pharmacie de France fête, ce mois-ci, ses 40 ans d’existence. Une occasion pour rencontrer son président, Benoît Séguy, étudiant en 6 e année filière officine à la Faculté de pharmacie de Limoges. Actualités pharmaceutiques : Pourriez-vous tout d’abord nous rappeler quel est l’ob- jet de l’association que vous présidez ? Benoît Séguy : L’Anepf (Asso- ciation nationale des étudiants en pharmacie de France) est la seule organisation représen- tative des 33 000 étudiants en pharmacie. Nous sommes élus pour défendre leurs intérêts, en tant qu’étudiants mais aussi futurs professionnels de santé, auprès des instances admi- nistratives et professionnelles. Nous formons un réseau soudé en favorisant des rencontres régulières entre les étudiants français, ainsi qu’avec les étu- diants du monde entier. A.P. : L’Anepf a 40 ans cette année. Allez-vous fêter cela ? B.S. : Nous ne pouvions laisser passer une telle occasion de commémorer 40 ans d’histoire de “pôtarderie”. En effet, nous avons voulu marquer cette date par une grande campagne de communi- cation auprès des étudiants : nous nous déplaçons dans les 24 facultés afin de présenter les buts et rôles de notre associa- tion, mais aussi d’échanger sur le futur de nos études et de notre exercice professionnel. Ainsi, nous nous mettons à disposition de chaque étudiant. Nous clôtu- rerons cette belle année par une soirée prestigieuse avec les per- sonnes qui ont fait l’Anepf depuis 40 ans : les anciens bureaux, les associations membres, les partenaires... A.P. : Quel regard portez-vous sur votre formation et les étu- des de pharmacie en France ? B.S. : Nous avons une formation de qualité nous amenant à être les spécialistes du médicament. Au fur et à mesure des réformes, nous avons su la faire évoluer vers une professionnalisation plus importante. Toutefois, nous espérons pouvoir encore faire progresser de nombreuses cho- ses : des stages de 5 e année plus intéressants, une formation en meilleure adéquation avec l’exercice professionnel, un développement de l’apprentis- sage transversal par le biais des enseignements coordonnées... L’AHU (5 e année hospitalo-univer- sitaire) mériterait ainsi d’être revue dans de nombreuses facultés : une plus grande responsabilisa- tion des étudiants favoriserait leur implication. De plus, il est anor- mal de cantonner, durant 12 mois, des étudiants à des tâches de secrétariat et/ou à la réalisation de piluliers au sein d’un stage initialement conçu pour les ame- ner au chevet du patient ! Une exploitation optimale de ce stage permettrait, par exemple, au futur pharmacien d’être mieux sensibi- lisé au rôle qu’il devra jouer dans le maintien à domicile. Grâce à nos nombreux contacts avec les étudiants étrangers, nous pouvons aussi affirmer que notre formation fait partie des plus fournies. A.P. : Qu’en est-il de l’harmoni- sation des études de pharma- cie au niveau européen ? B.S. : Le processus est en cours mais, de ce point de vue, nous ne faisons pas partie des bons élè- ves ! En effet, le concours de fin de première année est une des parti- cularités françaises qui ralentissent la mise en place du LMD (licence master doctorat) dans notre pays. Quoiqu’il en soit, nous sommes acteurs dans cette évolution avec pour objectif d’aboutir au plus tôt à l’uniformisation des diplômes et de favoriser ainsi les échanges internationaux. En revanche, je suis septique quant au respect des délais impartis à la France pour finaliser ce dossier (2010). Entretien La première année commune de santé dans la ligne de mire des étudiants en pharmacie L e Dossier pharmaceutique (DP), qui a pour vocation de permettre aux pharmaciens de connaître l’ensem- ble des médicaments qui ont été délivrés au patient au cours des quatre derniers mois dans n’importe quelle officine de France équipée, aide le pharmacien à sécuriser et invidualiser au maximum son conseil. La Commission nationale information et liberté (Cnil) a autorisé la poursuite de l’ex- périmentation du dispositif, engagée depuis mars 2007, jusqu’au 15 novembre 2008. Le DP est aujourd’hui déployé dans huit départements (Doubs, Nièvre, Meurthe- et-Moselle, Pas-de-Calais, Rhône, Seine Maritime, Yvelines et Hauts-de-Seine), ainsi que dans un nombre limité d’officines dans chacun des autres départements de métropole et d’outremer. Le bilan semble positif puisqu’à ce jour, 94,5 % des patients acceptent la proposition de créer leur DP et 771 067 dossiers ont déjà été créés. Le DP, auquel seuls les pharmaciens d’of- ficine et les professionnels habilités par la loi pour les secon- der ont accès, com- porte uniquement l’identification du patient et de ses médicaments, ce qui répond notamment aux exigences de la Cnil. À terme, il permettra d’alimenter le volet médicaments du futur Dossier médical personnel (DMP). E.D. Source : Direction du Dossier pharmaceutique. Profession L’expérimentation du Dossier pharmaceutique peut se poursuivre

La première année commune de santé dans la ligne de mire des étudiants en pharmacie

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Actualités pharmaceutiques n° 477 Septembre 2008

L’Association

nationale

des étudiants

en pharmacie

de France fête,

ce mois-ci, ses 40 ans

d’existence.

Une occasion

pour rencontrer

son président,

Benoît Séguy,

étudiant en 6e année

filière officine à la

Faculté de pharmacie

de Limoges.

Actualités pharmaceutiques : Pourriez-vous tout d’abord nous rappeler quel est l’ob-jet de l’association que vous présidez ?Benoît Séguy : L’Anepf (Asso-ciation nationale des étudiants en pharmacie de France) est la seule organisation représen-tative des 33 000 étudiants en pharmacie. Nous sommes élus pour défendre leurs intérêts, en

tant qu’étudiants mais aussi futurs professionnels de santé, auprès des instances admi-nistratives et professionnelles. Nous formons un réseau soudé en favorisant des rencontres régulières entre les étudiants français, ainsi qu’avec les étu-diants du monde entier.

A.P. : L’Anepf a 40 ans cette année. Allez-vous fêter cela ?B.S. : Nous ne pouvions laisser passer une telle occasion de commémorer 40 ans d’histoire de “pôtarderie”. En effet, nous avons voulu marquer cette date par une grande campagne de communi-cation auprès des étudiants : nous nous déplaçons dans les 24 facultés afin de présenter les buts et rôles de notre associa-tion, mais aussi d’échanger sur le futur de nos études et de notre exercice professionnel. Ainsi, nous nous mettons à disposition de chaque étudiant. Nous clôtu-rerons cette belle année par une soirée prestigieuse avec les per-sonnes qui ont fait l’Anepf depuis 40 ans : les anciens bureaux, les associations membres, les partenaires...

A.P. : Quel regard portez-vous sur votre formation et les étu-des de pharmacie en France ?B.S. : Nous avons une formation de qualité nous amenant à être les spécialistes du médicament. Au fur et à mesure des réformes, nous avons su la faire évoluer vers une professionnalisation plus importante. Toutefois, nous espérons pouvoir encore faire progresser de nombreuses cho-ses : des stages de 5e année plus intéressants, une formation en meilleure adéquation avec l’exercice professionnel, un développement de l’apprentis-sage transversal par le biais des enseignements coordonnées...L’AHU (5e année hospitalo-univer-sitaire) mériterait ainsi d’être revue dans de nombreuses facultés : une plus grande responsabilisa-tion des étudiants favoriserait leur implication. De plus, il est anor-mal de cantonner, durant 12 mois, des étudiants à des tâches de secrétariat et/ou à la réalisation de piluliers au sein d’un stage initialement conçu pour les ame-ner au chevet du patient ! Une exploitation optimale de ce stage permettrait, par exemple, au futur

pharmacien d’être mieux sensibi-lisé au rôle qu’il devra jouer dans le maintien à domicile.Grâce à nos nombreux contacts avec les étudiants étrangers, nous pouvons aussi affirmer que notre formation fait partie des plus fournies.

A.P. : Qu’en est-il de l’harmoni-sation des études de pharma-cie au niveau européen ?B.S. : Le processus est en cours mais, de ce point de vue, nous ne faisons pas partie des bons élè-ves ! En effet, le concours de fin de première année est une des parti-cularités françaises qui ralentissent la mise en place du LMD (licence master doctorat) dans notre pays. Quoiqu’il en soit, nous sommes acteurs dans cette évolution avec pour objectif d’aboutir au plus tôt à l’uniformisation des diplômes et de favoriser ainsi les échanges internationaux. En revanche, je suis septique quant au respect des délais impartis à la France pour finaliser ce dossier (2010).

Entretien

La première année commune de santé dans la ligne de mire des étudiants en pharmacie

L e Dossier pharmaceutique (DP), qui a pour vocation de permettre aux pharmaciens de connaître l’ensem-

ble des médicaments qui ont été délivrés au patient au cours des quatre derniers mois dans n’importe quelle officine de France équipée, aide le pharmacien à sécuriser et invidualiser au maximum son conseil.La Commission nationale information et liberté (Cnil) a autorisé la poursuite de l’ex-périmentation du dispositif, engagée depuis mars 2007, jusqu’au 15 novembre 2008.

Le DP est aujourd’hui déployé dans huit départements (Doubs, Nièvre, Meurthe-et-Moselle, Pas-de-Calais, Rhône, Seine Maritime, Yvelines et Hauts-de-Seine), ainsi que dans un nombre limité d’officines dans chacun des autres départements de métropole et d’outremer. Le bilan semble positif puisqu’à ce jour, 94,5 % des patients acceptent la proposition de créer leur DP et 771 067 dossiers ont déjà été créés.Le DP, auquel seuls les pharmaciens d’of-ficine et les professionnels habilités par la

loi pour les secon-der ont accès, com-porte uniquement l’identification du patient et de ses médicaments, ce qui répond notamment aux exigences de la Cnil.À terme, il permettra d’alimenter le volet médicaments du futur Dossier médical personnel (DMP). E.D.

Source : Direction du Dossier pharmaceutique.

Profession

L’expérimentation du Dossier pharmaceutique peut se poursuivre

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Actualités pharmaceutiques n° 477 Septembre 2008

Concernant les études pharma-ceutiques, cette réforme nous permet de refondre les program-mes – datant de 1987 – à partir de “référentiels métiers” définis-sant les objectifs professionnels à atteindre. Cette méthodologie descendante est intéressante car elle permet de tendre vers une meilleure adéquation entre les études et le futur exercice. Il est également envisagé d’arrêter le choix entre les diverses orienta-tions pharmaceutiques (industrie, officine, recherche, internat) 6 mois plus tôt qu’auparavant, c’est-à-dire à la fin du premier semestre de la 4e année, ceci afin de per-mettre aux étudiants de construire au mieux leur profil professionnel.

A.P. : Les étudiants ont-t-ils conscience de l’importance de la formation continue postuniversitaire ?B.S. : J’en doute fort. C’est pour cela que nous participons à notre niveau à sa promotion : nous développons des actions et par-tenariats pour faire connaître la formation continue pharmaceuti-que afin que les nouveaux phar-maciens sachent directement où trouver les offres de formation.

A.P. : Il est question, depuis longtemps, d’un regroupement de la première année des études de pharmacie avec, notamment, celle de médecine et de sage-femme. Où en est ce projet ?B.S. : Cette réforme est devenue une véritable volonté politique. Le but officiel du gouvernement est de réduire le “gâchis humain” auquel nous assistons en pre-mière année de médecine. Pour le ministère, une telle évolution permettrait d’offrir aux étudiants un plus grand choix parmi les carrières de santé. Une circulaire est arrivée entre les mains des dirigeants locaux leur donnant le cadre de la réforme : une année

commune comportant un tronc commun et des unités d’ensei-gnements spécifiques à chaque filière, donnant droit à passer quatre concours distincts, en médecine, odontologie, maïeu-tique et pharmacie.

A.P. : Quelle est la position de l’Anepf face à ce projet ?B.S. : Nous luttons depuis de nombreuses années contre ce projet faute de propositions concrètes. Malgré l’avancée des réflexions, il est totalement ina-chevé et occulte totalement la pédagogie (les enseignements dirigés se verraient relayés sur des créneaux de tutorat). Nous sommes donc plus que jamais opposés à cette réforme qui ne fera que détériorer les conditions générales des études.Alors que ce projet est né du souci de trouver des solutions à la problématique de sureffectif en première année de médecine, il n’a rien été trouvé de mieux que d’accroître les effectifs...De plus, cette réforme se base uniquement sur des statistiques intéressant la PCEM1 (première année du premier cycle des études médicales), et ne tient compte en rien de nos particularités. Nous ris-quons d’aboutir à ce qu’un grand nombre de choix s’effectuent par défaut, en fonction du classement obtenu par l’étudiant.

A.P. : Pensez-vous être suffi-samment entendus par vos différents interlocuteurs ?B.S. : Là est notre plus grande difficulté. Les autres filières ne comprennent pas notre réticence à intégrer cette année commune. Chacun y trouve un intérêt : un rapprochement de l’odontologie à la médecine, une porte d’en-trée à l’université pour les sages-femmes, une possibilité de décharger les amphithéâtres de médecine sur ceux de pharma-

cie... Nous sommes les seuls à n’y voir que des inconvénients.

A.P. : Comment envisagez-vous de faire entendre votre voix ?B.S. : Nous tentons de sensi-biliser l’ensemble des grands responsables de la profession, en leur expliquant que ce projet peut avoir un retentissement sur l’ensemble du cursus, donc du diplôme en lui-même. Certains s’imaginent déjà développer, par la suite, une licence santé, qui finirait de “tuer” toutes les spécificités pharmaceutiques et ferait ainsi de la pharmacie une spécialité médicale. Nous nous évertuons à démontrer aux acteurs de cette réforme toutes ses incohérences.Nous avons jusqu’au 22 sep-tembre pour faire évoluer la situation : nous devons être “sortis” de cette première année commune, et envisager un pro-gramme commun, où les étu-diants ayant fait le choix de la pharmacie ne passeraient que le concours ad hoc. Ainsi, l’étu-diant garderait le bénéfice d’un programme proche de celui des autres filières, lui facilitant des réorientations en cas d’échec et/ou de mauvais choix.Si les négociations n’aboutissent pas d’ici cette date, nous nous verrons dans l’obligation de faire entendre nos 33 000 voix !

A.P. : Quel est actuellement l’état d’esprit des étudiants face aux diverses et récentes attaques de l’officine ?B.S. : Nombreux sont ceux qui se posent des questions et chan-gent alors d’orientation. Certains pressentent déjà que l’officine prendra place au supermarché et que la biologie terminera aux mains de fonds de pension américains. La bonne nouvelle, dans ce contexte obscur, est la préoccupation grandissante des

étudiants pour leur avenir pro-fessionnel : ils se renseignent et prennent part aux débats.Nous essayons bien évidem-ment de porter leur voix et de mener des actions à hauteur de nos moyens, mais nous leur expliquons aussi qu’il ne faut pas céder à la panique : nos professions (officine et biologie essentiellement) traversent une période de transition et nos exer-cices évoluent ; il faut donc en redessiner les contours tout en respectant leurs fondements.Ce n’est pas en agissant de la même façon que nos détracteurs que nous pourrons les contrer. Je pense notamment aux pharma-ciens qui se concentrent sur une guerre des prix et la rentabilité de leur officine, en oubliant de mettre en avant leur vraie valeur ajoutée : connaissances scienti-fiques, disponibilité, éthique et déontologie. Les étudiants sont scandalisés que l’achat d’une boîte d’ibuprofène n’aboutisse qu’à un échange de type : « Bon-jour, le prix, au revoir » !

A.P. : Que peut-on vous sou-haiter pour cette rentrée ?B.S. : De convaincre les politi-ques de renoncer au projet actuel de première année commune de santé, en leur faisant comprendre que l’optimisation de la coordina-tion des soins ne passera que par une mutualisation des enseigne-ments dans la suite du cursus, et non en première année. J’espère que la soirée commémorative des 40 ans de l’association, qui se déroulera le 19 septembre, sera une totale réussite. Enfin, nous pouvons souhaiter à l’Anepf qu’elle soit d’avantage reconnue tant par la communauté des étu-diants qu’au sein des instances officielles. �

Propos recueillis par Sébastien Faure

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