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    Jean Schuster

    La psychanalyse dans le surralisme

    Un centre de documentation sur le surralisme verra prochainement le jour Paris, l'initiative del'Association ACTUAL, subventionne par le ministre de la culture.

    Jean Schuster, dsign par Andr Breton comme son excuteur testamentaire pour les archivessurralistes, en est le directeur.

    Alors que les surralistes exaltent ce qui va contre-courant, Freud considre que lesavant n'a que faire des bouleversements qu'il induit.

    On sait combien les prise de position des surralistes furent ressenties comme radicales par la conscience europenne de l'entre-deux-guerres qui les aveint suscites: "J'insiste, disait AndrBreton en 1942, sur le fait que le surralisme ne peut tre historiquement compris qu'en fonction dela guerre de 1919 1938 -, en fonction la fois de celle dont il part et de celle laquelle ilretournent." Le surralisme fut aussi dans l'aventure prive d'tres cherchant s'prouver traversles expriences majeures de l'existence: la cration et l'amour, la solitude et le rve, la rvolte etl'action...

    Quelle rupture a t celle du surralisme? Aventure esthtique, thique, politique? La qutesurraliste a-t-elle crois dans ses interrogations la dcouverte freudienne?

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    L'inconscient, entre autres

    Il n'est pas sans intrt de remarquer que les fondateurs du surralisme, Breton et Aragon,

    sont, lorsqu'ils se rencontrent, tudiants en mdecine et connaissent les travaux de Charcot sur l'hystrie (Breton a t l'lve de Babinski, ancien assistant de Charcot, devenu son rival). Ils fontconnaissance l'hpital du Val-de-Grce, fin 1917, je crois; ils sont affects au 5me fivreux(maladies mentales). Cette rencontre est une sorte de prcipit: ils changent leurs connaissances psychiatriques et leurs exaltations potiques. C'est le moment o ils dcouvrent Lautramont dontils font des lectures haute voix et, un peu plus tard, Raymond Roussel qu'ils seront les premiers dfendre. Avec Philippe Soupault, les deux amis rendent visite Apollinaire le plus souvent possible; "l'avoir connu passera pour un rare bienfait", dit Breton, qui n'en reste pas moins sous lecharme de Valry.

    Quant l'observation des maladies mentales, Breton et Aragon sont fascins par certains"discours" dlirants aussi bien que par les crises hystriques provoques par Charcot laSalptrire. En dpit (ou cause) du discrdit dans lequel Charcot est depuis longtemps tomb,notamment grce aux efforts de Babinski et de Janet, les deux potes ne se dpartiront jamais deleur admiration pour celui qui inventa les signifiants d'une maladie incertaine: en 1928, ilsclbreront avec lyrismele Cinquantenaire de l'hystrie . La guerre termine, Aragon et Bretonabandonnent la mdecine, mais ils suivront, avec un dilettantisme assidu, l'volution de la psychiatrie. Le surralisme, aprs tout, n'aurait t qu'un cnacle producteurs d'oeuvres d'art (voir lacritique de Bataille) si, dans son champ, ne s'taient dveloppes les proccupations que l'on sait pour la psychanalyse (Breton, Dali, Crevel, Legrand), la sociologie (Naville, Leiris, Monnerot),l'anthropologie (Breton, Leiris, Legrand, Bounoure), les mathmatiques (Queneau), la linguistique(Queneau, Leiris), la physique (Dali, Paalen), la mythographie (Legrand), l'conomie (Thirion),l'histoire de l'art (Jos Pierre), etc.

    Sur les rapports du surralisme avec la dcouverte de l'inconscient freudien et la thorie dela conscience subliminale du philosophe anglais Myers, que Breton a probablement lu grce Flournoy, il faut consulter l'essai capital de Jean Starobinski qui date de la fin des annes soixante:

    Freud, Breton, Myers. Il tait ncessaire que Starobinski prcist que la psychanalyse n'avait pas tle seul support thorique de la pratique surraliste (criture automatique, "sommeils", rcits derve...). Peut-tre s'aventure-t-il lorsqu'il pense que Breton aurait "prfr" Myers parce qu'ilvalorise l'inconscient (le subliminal), alors que Freud le tient pour une instance psychique ni plus nimoins importante que les deux autres. Dans le surralisme il y a toujours une enchre tactique; sil'on met l'accent sur l'inconscient, l'art sauvage ou la voix fminine, ce n'est pas selon un systme devaleurs: c'est au contraire pour abolir un tel systme. Peut-tre aussi, l'autre thse de Starobinski

    d'une concurrence dans le surralisme entre la psychanalyse, d'une part et la parapsychologie,l'sotrisme et l'alchimie, d'autre part, serait-elle reprendre de faon moins statique, plushglienne. Mais je ne saurais passer sous silence le tmoignage contradictoire de Soupault qui n'a jamais eu la moindre sympathie pour Freud: il affirmait, vers 1973, que c'tait la lecture du livre deJanet, l'Automatisme psychologique , qui dcida de la rdaction desChamps magntiques .

    Rencontres manques

    Il est un fait qu'il y a eu, entre Freud et Breton, une sorte de malentendu. Qu'attendait Bretonde sa visite Vienne en 1921? Il en fait un compte rendu d' peine deux pages, parfaitementinsolent, qu'il publie dans Littrature . Trente ans plus tard, il regrettera d'avoir sacrifi l'epsrit

    dada. Prcisment, Vienne, je crois que Breton tait all chercher une sorte de caution thoriquequi lui aurait permis d'en finir au plus vite avec le ngativisme dada. Naturellement, Freud ne pouvait, de quelques manires que ce fut, lui donner semblable caution. Il serait videmment

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    drisoire de prendre la rencontre de 1921 comme un exemple d'insubordination envers le pre.Freud, quant lui, ne s'est jamais intress au surralisme. En 1938, il crit Stefan Zweig que, jusqu'au moment de rencontrer Dali, il considrait les surralistes commes des fous intgraux:"J'tais tent de ternir les surralistes, qui apparemment m'ont choisi comme saint patron, pour desfous intgraux (disons 95%, comme pour l'alcool absolu)." Dali a d le charmer, faire de la prestidigitation, au point que Freud dit Zweig qu'il serait intressant d'analyser ses tableaux: "Le

    jeune espagnol, avec ses candides yeux de fanatique et son indniable matrise technique, m'a incit reconsidrer mon opinion. Il serait en effet trs intressant d'tudier analytiquement la gense d'untableau de ce genre. Du point de vue critique, on pourrait cependant dire que la notion d'art serefuse toute extension lorsque le rapport quantitatif, entre le matriel inconscient et l'laboration prconsciente, ne se maintient pas dans les limites dtermines. Il s'agit l, en tout cas, de srieux problmes psychologiques." (Certes, l'analyse des tableaux de Dali n'a jamais eu lieu.)

    Sur les rapports de la psychanalyse au surralisme, il me parat important d'invoquer unesorte d'arbitrage, celui de Benveniste qui, en 1956, crit: "C'est dans le surralisme potique, queFreud, au dire de Breton, ne comprenait pas, qu'il aurait pu trouver quelque chose qu'il cherchait tort dans le langage organis." Il est un fait qu'en 1932, dansles Vases communicants , Bretoncherche une assez mauvaise querelle Freud (il est ce moment-l proccup par le livre deHervey Saint-Denis, de mme que sa rfrence Myers et Flournoy au mme moment (le

    Message automatique , 1931) sont l comme dfenses contre un homme qu'il admire. On saitd'ailleurs que, d'une faon trs caractristique, Breton considre le succs comme une sanctionmortelle: "Toute ide qui triomphe, dit-il, court sa perte."

    Certains surralistes se sont fait psychanalyser, Michel Leiris par exemple. Il parle de sarpugnance l'gard de la psychologie, mais admire la Psychopathologie de la vie quotidienne (quia t comme un livre de chevet pour Benjamin Pret). Queneau, lui aussi, s'est fait analyser; il en atir un recueil de pome sarcastiques,Chne et chien . Durant son court passage dans le surralisme,vers 1933, Caillois sera assez ouvert, mais deviendra violemment anti-freudien.

    Freud not

    Pour terminer ce tour d'horizon ncessairement incomplet, citons un documents publi dansle numro 18 de la revue Littrature (1re srie, mars 1921), dirige alors par Aragon, Breton etSoupault. Breton avait la passion du jeu des notations scolaires; tout au long de l'assez longuehistoire du surralisme, on s'est runi et on a tout not, absolument tout, de -25 +20: les crivains,les livres, les passions, les types de femmes, les monuments de Paris, les parties du corps... Lesrevues surralistes sont pleines de ces tableaux manichens, sans compter les archives qui regorgentde rsultats non publis. Soupault, dans ses Mmoires , se moque avec humour et sans mchancetde cette manie. Dans ce numro de Littrature , on note un lot de 200 auteurs environ, de toutes lespoques et de toutes les langues; il y a, cette fois, 11 participants. Prcisons que la note 0 exprime

    l'indiffrence la plus complte. Un seul nom parmi les auteurs "nots" relevant de la psychiatrie:Freud: Voici les apprciations chiffres de ces "examinateurs":

    Louis Aragon 15Andr Breton 16Gabrielle Buffet (compagne de Picabia) 10Drieu La Rochelle 1Paul Eluard 8G. Ribemont-Dessaignes 0Jacques Rigaut 14Dr Th. Fraenkel 16

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    Ph. Soupault 1Tristan Tzara 0

    En 1920, il s'agit, pour les futurs surralistes, de faire flche de tout bois, d'accaparer tout cequi tend vers la subversion violente ou souterraine, tout ce qui fait scandale et dchane la fureur

    d'une bourgeoisie rendue plus arrogante par "sa" victoire sur l'Allemagne. Dada, dont il faudra biensortir un jour ou l'autre, est, pour l'instant, superbement ravageur. Les "grands", Tzara, Ernst, Arp,ont laiss leurs jeux sans risque, ou leur carrire de propagandistes politiques, les comploteurs purils de Berlin ou de Zrich. Il sont venus Paris, en partie par ce vieux rflexe qui peroit cetteville comme capitale de l'art vivant, mais surtout pour y rencontrer des jeunes gens qui mnent alorsgrand tapage: Aragon, Breton, Desnos, Eluard, Pret, Soupault... Picabia aussi est l, plus g maistrs "activiste". Les lgendes de Jacques Vach ("nous n'aimons ni l'art ni les artistes"), de Cravan,de Duchamp (depuis New York, il tire pas mal de ficelles) se substituen, dans un temps purementstratgique, aux "convenances" potiques, fussent-elles aussimodernes que celles d'Apollinaire, deReverdy ou de Max Jacob.

    En politique, on trouve alors beaucoup plus "drangeant" les anarchistes que les bolcheviks.

    Les exploits de la bande Bonnot (1911) continuent d'chauffer les ttes; Landru, dont l'humour estvidemment d'une autre nature que l'esprit franais de l'poque: Courteline, Jules Renard, TristantBernard, etc., Landru est davantage exalt que le proltariat du rayon de Vyborg.

    De mme, l'intrt pout l'hermtisme est comprendre comme une recherche d'apprhensionet de comprhension du monde par des voies "interdites", voire maudites, la fois par la philosophie classique et par les religions tablies. Ds 1923, une double page publie dans Littrature donne les auteurs prfrs des futurs surralistes: on y lit les noms de HermsTrimgiste, de Raymond Lulle, de Nicolas Flamel, de Corneille Aggripa, de Claude de St Martin etde Pladan. La Rvolution surralistes recommande la lecture de Ren Gunon, Aragon cite Flamelque Breton exalte, Leiris publie un texte important sur la Monade hiroglyphique de John Dee.L'hermtisme, c'est, pour les surralistes, la pense analogique, le sang de la posie, une voie privilgie pour surmonter les dualismes que la pense logique maintient artificiellement, commencer par celui du sujet et de l'objet.

    Analogies

    Lorsque j'ai lu les Minutes de la Socit psychanalytique de Vienne , je n'ai pu m'empcher d'tablir un double parallle, psychologique entre Freud et Breton, sociologique entre le "groupe" psychanalytique et le "groupe" surraliste. Il y a chez les deux hommes quelque chose de plus subtilque le got du pouvoir, c'est la volont de faire partager les ides. Notez que, bien entendu, ni lesurralisme ni, un moindre degr probablement, la psychanalyse n'ont de vocation proslytique;Breton n'a aucun dsir de transformer tous les crivains et tous les artistes en surralistes (il dira,vers 1963, que "nous avons toujours t entre 12 et 20 autour d'une table de caf, et que c'est bienainsi"); je ne crois pas que Freud ait eu l'ambition d'investir entirement le champ de la pathologiementale et de sa thrapie. Avec Freud comme avec Breton le charisme, vident il ne s'agit pas icide le nier ni d'infrer qu'ils n'ont pas jou est au seul service de la propagation d'ides que l'on saitsubversives, mme si, pour Freud, le caractre subversif n'entre pas en ligne de compte, et si, pour Breton, au contraire, il est primordial.

    L'analogie sociologique est plus probante encore. Quel dommage que Jules Monnerot,lorsqu'il craivait le seul ouvrage qui, ce jour encore, rendre compte de la nature pratiquementinclassable sociologiquement parlant du groupe surraliste ( La Posie moderner et le sacr ,1945) n'ait eu sa disposition les Minutes de Vienne ! Les raisons des exclusions,chez les premiers

    psychanalystes (Jung, Adler, Steckel), ne sont, pas plus que chez les surralistes, des questions de personne; tout le moins, si de telles questions entrent en jeu, c'est de faon contingente. Dans lesdeux cas, il s'agit de dfendre et de faire passer une ide. Dans des groupes minoritaires non

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    institutionnaliss comme la Socit psychanalytique de Vienne et le surralisme, les ruptures sontindispensables. Pour la survie de la psychanalyse, dans les annes 1910-1915, il fallait couper courtaussi bien au doute actif de Jung sur le rle majeur de la sexualit qu' l'dulcoration socialisanted'Adler. Pour le surralisme, quinze ans plus tard, il fallait tenir une positionintenable , la foiscontre la littrature rvolutionnaire officielle, type Barbusse, et contre le retour une critureindividuelle sans autre projet que d' "exprimer le moi" de l'auteur et de divertir le lecteur.

    Ce qui, enfin, me parat caractriser les deux groupes (Vienne, 1902/1920, Paris 1924/1969),c'est qu'ils sont l'un et l'autre des socits fermes , par opposition, la fois, aux socits ouvertestelles qu'glises, partis, syndicats, etc. et aux socits secrtes , telles que franc-maonnerie, sectes,etc.

    Reste que ces analogies ne sauraient dissimuler une diffrence fondamentale: Freud est unrvolutionnaire involontaire; de son point de vue, il est dans la rigueur de la dmarche scientifiquesqui est d'observer les phnomnes, d'valuer leur degr de ralit et de les intgrer dans un systmethorique cohrent. Si, au passage, Ce systme perturbe une structure tablie (idologie, religion,institution...), le savant n'en a que faire. On pourrait dire, cet gard, que Freud et la psychanalyseont t en quelque sorte "rcuprs" par le surralisme, qui a voulu reprer et exalter ce qui sedressait contre l'tat des choses, ce qui allait contre le courant.

    Aujourd'hui, je pense que l'essentiel du surralisme aura t dans la recherche de cefonctionnement de l'esprit qui permet de produire un langage en rupture complte avec le langageissu de la mentalit logique. cet effet, sont convoqus aussi bien les objets sauvages, les dessinsd'alins, que des psychiatres clairs et sensibles (Morgenthaler, Prinzhorn) ont rvls au toutdbut des annes vingt, les textes et les dessins mdianimiques (Hugo, Victorien Sardou, HlneSmith), les textes crits sous l'effet de drogues (Thomas de Quincey, et peut-tre Poe, Baudelaire,Rimbaud), la transcription "automatique" de certains tats crpusculaires (Fussli, Lautramont,Corbire, de Chirico), l'architecture dlirante (Gaudi, Cheval), la "navet" (Jean-Pierre Brisset,Henri Rousseau), les constructions labores dans l'imaginaire par le jeu exclusif des signifiants(Roussel, et, dans une certaine mesure, partir duGrand verre , Marcel Duchamp), sans compter ceque nous avons dj vu relevant directement de la pathologie mentale et de son traitement (hypnose,techniques associatives). Que dire del'Immacule Conception , publi en 1930 par Eluard et Breton,et des essais de simulation de dlires qui en constituent la partie centrale? Breton n'aimait pas celivre, il me l'a dit. J'aurais d lui demander pourquoi. Faute de l'avoir fait, on en est rduit auxconjectures. Peut-tre la "simulation", en ce qu'elle peut avoir de comparable la paranoa-critiqueque Dali venait tout juste d'inventer, ne lui donnait pas satisfaction sur le plan, si j'ose dire, de lamorale potique. Dans les Entertiens (1952), il parle de la convergence de la paranoa-critique, maisil ajoute que l'ambition tait de rduire l'antinomie entre la raison et la draison. Ce serait l une desnombreuses tentatives des surralistes pour valider la thorie. Vous voudrez bien remarquer, par ailleurs, que la rfrence de l' Immacule conception n'est pas psychanalytique. Les cinq dliressimuls appartiennent la nosographie de la psychiatrie du XIX e sicle.

    Il faut noter que, depuisl'Immacule Conception , Breton avait pris connaisance detmoignages de l'intrieur , alors assez rares: En bas , rcit bouleversant o Leonora Carringtondcrit son internement en espagne, en 1940; et le Journal d'une schizophrne , texte tout aussi bouleversant, publi par M.-A Schehaye vers 1950 (je ne parle pas d'Artaud et des Lettres de Rodez , c'est, me semble-t-il, un tout autre problme).

    Par ailleurs, il y a une sorte de malentendu autour de l'automatisme. Breton lui-mme, etc'est l un trait non ngligeable de son gnie, a dclar qu'une fois le filon dcouvert il tait sansintrt de l'exploiter outrance: on ne devrait pas oublier qu'au tout dbut, lorsque Breton etSoupault "rdigent"les Champs magntiques , Eluard, par exemple, compose trs sagement des pomes. La peinture de Dali est le contraire de l'automatisme; celle de Magritte aussi. Notons au passage que les surralistes belges les seuls ne pas avoir t des pigone des surralistes de Paris

    s'opposaient l'automatisme tant potique que graphique.

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    Profonde dfrence

    Si l'on peut constater une sorte de distance prise par le surralisme l'gard de la pensefreudienne partir de 1930, il y a, je crois, parmi bien d'autres, une raison purement matrielle: la barrire de la langue. On le sait, Breton a toujours eu une vritable rpulsion pour les languestrangres et sa connaissance de la pense allemande est de seconde main. Les traductions

    franaises se font un rythme dsesprant, l'cho rpercut par les adeptes franais de Freud estloin d'tre convaincant... En dpit de tous ces obstacles, la psychanalyse et la pense de Freud necesseront d'intresser le surralisme. D'abord, il y aura le respect, la "profonde dfrence", dira-t-illui-mme, qu'il ne cessera de tmoigner Freud.

    Jacques Lacan publie, dans le n1 de Minotaure , le 1er juin 1933: "Le problme du style etla conception psychiatrique des formes paranoaques de l'exprience". Au sommaire de ce premier numro, avec le nom de Lacan, on trouve ceux d'Eluard, Breton, Crevel, Marcel Jean, MauriceHeine et Dali qui, en 1933, sont les membres les plus actifs du groupe, et qui, petit petit, prendrontle "pouvoir" Minotaure .

    En 1938, paratTrajectoire du rve , recueil de rcits oniriques et d'illustrations "assembles" par Andr Breton". Breton avait demand Freud sa participation. De Vienne arrive une lettre derefus assez dsagrable; le motif en est qu'on ne peut parler d'un rve sans avoir parl avec lerveur. Le fac-simil de cette lettre (8 dcembre 1937) est en fin de volume, sans traduction nicommentaire: en fin de sommaire, on lit: "Lettre de Freud". Mais cette faon discutable de "marquer le coup" est largement compense, selon moi, par le texte en deux parties qui ouvrent le livre, toutesdeux signes A.B.; la premire fait tat de l'arrestation de Freud par les nazis; elle espre, "sur le plan universel, un rveil de conscience (qui) entranera un sursaut d'indignation". La seconde rendcompte d'une dpche de Vienne: Freud n'est pas arrt mais "gard vue". Conclusion: "Quel'esprit, alert toutes les latitudes, se concentre pour veiller sur sa demeure inviolable, ques'organise symboliquement la garde d'honneur qui impose sa libration intgrale, immdiate etassure, o bon lui semble, l'achvement paisible et glorieux d'une existence spirituelle laquellenous tenons comme la ntre."

    Le a

    C'est ce moment que Breton prparel'Anthologie de l'humour noir , qui paratra en 1940 etqui sera immdiatement saisie par Vichy. A cette date, il avait srement pris connaissance de laseconde topique. Le Moi et le a avait t traduit par Janklvitch (qui vait rendues par soi, lasuite de Marie Bonaparte). Ds 1933, le docteur Frois-Wittmann, psychanalyste et dfenseur passionn du surralisme, prcise dans Minotaure que le consensus s'est fait, chez les psychanalystes franais, pour traduiredas Es par le a (qui vient, dit-il avec la rigueur quicaractrise toutes ses communications dans les publications surralistes, de Nietzsche, via

    Groddeck). Il faut croire que Breton n'a pas lu cet article puisque, sept ans plus tard, il construira sa prface ("Paratonnerre") l' Anthologie de l'humour noir et les notices sur la triple instance de laseconde topique, en privilgiant judicieusement le rle du surmoi, mais en usant d'un vocabulaireconfusionnel.

    On pouvait reprocher aux surralistes, l'exception de Legrand, aprs la seconde Guerremondiale, d'avoir tenu la psychanalyse pour un systme ferm par la mort de Freud.

    C'est une des raisons parmi beaucoup d'autres et certainement pas la plus importante pour lesquelles le surralisme a chou, ce qui le rend, aujourd'hui, possible .

    Propos recueillis par Colette Garrigues. In l'Ane, magazine freudien, n17 (1984).

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