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This article was downloaded by: [University of Sheffield] On: 15 November 2014, At: 03:55 Publisher: Routledge Informa Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41 Mortimer Street, London W1T 3JH, UK Word & Image: A Journal of Verbal/Visual Enquiry Publication details, including instructions for authors and subscription information: http://www.tandfonline.com/loi/twim20 La représentation picturale: relais de l'écriture chez Arrabal Danièle De Ruyter-Tognotti Published online: 01 Jun 2012. To cite this article: Danièle De Ruyter-Tognotti (1988) La représentation picturale: relais de l'écriture chez Arrabal, Word & Image: A Journal of Verbal/Visual Enquiry, 4:1, 283-291, DOI: 10.1080/02666286.1988.10436245 To link to this article: http://dx.doi.org/10.1080/02666286.1988.10436245 PLEASE SCROLL DOWN FOR ARTICLE Taylor & Francis makes every effort to ensure the accuracy of all the information (the “Content”) contained in the publications on our platform. However, Taylor & Francis, our agents, and our licensors make no representations or warranties whatsoever as to the accuracy, completeness, or suitability for any purpose of the Content. Any opinions and views expressed in this publication are the opinions and views of the authors, and are not the views of or endorsed by Taylor & Francis. The accuracy of the Content should not be relied upon and should be independently verified with primary sources of information. Taylor and Francis shall not be liable for any losses, actions, claims, proceedings, demands, costs, expenses, damages, and other liabilities whatsoever or howsoever caused arising directly or indirectly in connection with, in relation to or arising out of the use of the Content. This article may be used for research, teaching, and private study purposes. Any substantial or systematic reproduction, redistribution, reselling, loan, sub-licensing, systematic supply, or distribution in any form to anyone is expressly forbidden. Terms & Conditions of access and use can be found at http://www.tandfonline.com/page/terms- and-conditions

La représentation picturale: relais de l'écriture chez Arrabal

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This article was downloaded by: [University of Sheffield]On: 15 November 2014, At: 03:55Publisher: RoutledgeInforma Ltd Registered in England and Wales Registered Number: 1072954 Registered office: Mortimer House, 37-41Mortimer Street, London W1T 3JH, UK

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La représentation picturale: relais de l'écriture chez ArrabalDanièle De Ruyter-TognottiPublished online: 01 Jun 2012.

To cite this article: Danièle De Ruyter-Tognotti (1988) La représentation picturale: relais de l'écriture chez Arrabal, Word & Image: AJournal of Verbal/Visual Enquiry, 4:1, 283-291, DOI: 10.1080/02666286.1988.10436245

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La representation picturale: relais de I' ecriture chez Arrabal

DANIELE DE RUYTER-TOGNOTTI

11 est interessant d'examiner chez Arrabal le rapport entre la peinture et l'ecriture. Dramaturge, connu d'ailleurs pour l'aspect visuel de son theatre, roman­cier et poete, Arrabal a ete tente de di­verses manieres par la representation pic­turale. Dans le cadre de cet article je me bornerai a lila premiere maniere", qui pre­sente deja un certain nombre de particula­rites significatives. En effet, dans les annees soixante, Arrabal fit executer des tableaux par des peintres figuratifs; il leur fournissait pour cela des maquettes et des directives qui devaient etre suivies scrupuleusement. Ces tableaux sont des re­presentations oniriques dont la figure d'Arrabal est le centre; le materiau pictu­ral empruntant a l'iconographie de l'ecri­vain, mais aussi a celle de ses peintres favoris, et s'inspirant, entre autres, des techniques de l'affiche publicitaire et de l'illustration d'encyclopedie.

De par leur charge narrative, plusieurs de ces oeuvres pourraient faire penser a des recits de reves. Arrabal, sans doute, est souvent qualifie de surrealiste, mais, si lIon se base sur les criteres du groupe de Breton, il est clair que la demarche arrabalienne ne leur est guere fidele. Meme si lIon admet qu'un recit de reve puisse traduire l'automatisme psychique - ce que Breton mettait en doute, et encore plus dans le cas de peintures - , Arrabal n'en serait pas moins passible de condamnation, car tout indique que sa composition est consciente. Outre que les memes elements ont donne lieu a des elaborations diffe­rentes (a cote des tableaux, des recits), ici, la precision des techniques et surtout la reconstitution par personne interposee rendent la deviation evidente.

Or, c'est precisement l'aspect "recon­stitution" qu'Arrabal semble vouloir reactiver par cette pratique artistique. La construction a relais est en quelque

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sorte le signe materiel de la problematique sur laquelle Arrabal s'interroge, a savoir l'ecart quetuute oeuvre pose vis-a-vis de son origine, posant par contrecoup la ques­tion de l'origine et du sens premier. Dans ces tableaux une telle interrogation se manifeste par la mise en cause de la figure centrale d'Arrabal qui est presente, par divers moyens, comme le point de depart des fantaisies oniriques. En fait, la recurrence de la figure arrabalienne est si manifeste dans cette categorie de peintures qu'elle ne peut qu'etre representative d'un desir de derision, voire de mystification. 11 suffit de jeter un coup d'oeil sur des titres tels que "Naissance d'Arrabal", "Arrabal nain montre a Arrabal geant l'arbre Arrabal observe par Arrabal roc" ou encore "Arrabal mystique essayant d'appri-voiser sa libido" ... (voir leurs reproduc­tions ci-dessous). Voila donc declenchee toute une machine de guerre. Ainsi, "Nais­sance d'Arrabal",qui presente a premiere vue un programme de lecture plus neutre que les autres, nous ancre pourtant directement dans la problematique qui nous interesse: celle de la recherche de l'origine. L'exa­men du tableau revele assez facilement le court-circuitage de cet acte, qui n'arrive pas a terme: naissance de l'ecrivain ou naissance de sa parole, on est rapidement confronte a un blocage dans l'un comme dans l'autre cas et il ne reste que l'interroga­tion sur les possibilites de circonscrire le sens, qui (s')echappe toujours.

Sans doute, la thematique de l'ecrivain et de sa parole est-elle rendue par les techniques de l'image; plus particuliere­ment par celles de l'insolite, des liaisons inattendues, du dedoublement, qui rappro­chent de bien pres Arrabal, non des theori­ciens,mais des peintres surrealistes: Arrabal est un grand admirateur de Magritte. Mais si ses (ces) peintures doivent provo­quer, c'est par la dialectique qu'elles

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imposent entre leur figuration et leurs orientations narratives (qui sont ici, peut-on dire en schematisant, les traces du peintre vis-a-vis des traces de l'ecrivain). En somme, Arrabal profite de la situation particuliere de l'art pictural qui, con­trairement au theatre qui peut les etaler dans l'espace et dans Ie temps, semble faire fusionner Ie visible et Ie lisible dans la perception immediate, mais pour en montrer Ie perpetuel balancement. Dans ce qui suit, je tenterai de montrer comment tout parcours de lecture initial est conti­nuellement devie dans la representation picturale, laquelle, jouant pour cela sur Ie code perceptif, reoriente Ie sens et fonctionne ainsi comme un relais.

Pour ce faire, un tableau va etre plus specialement interroge: "Arrabal decapitant Narcisse", execute par Ie peintre ArnaIz en 1964. Cette oeuvre est, comme toutes celles de cette serie, d'une grande precision fi­gurative; ce qui est, on Ie sait, souvent Ie cas chez les peintres surrealistes ega­lement, dans leur reconstitution de paysa­ges mentaux. Sa composition, en outre, s'organise fortement autour du motif cen­tral, la figure d'Arrabal dont la ressem­blance, pour qui connait tant so it peu l'ecrivain, est indeniable. Mais, la encore, on a tot fait d'en decouvrir Ie traitement subversif a travers les ecarts existant entre le programme de lecture offert par Ie titre et la representation, l'insolite et l'humour de la figuration, tout cela entrainant une proliferation de sens qui se court-circuitent. Or, ce qui rend ce tableau particulierement interes­sant pour mon propos, c'est que Ie sens (signification autant qu'orientation) s'y presente sous forme d'un deplacement con­tinuel.

Nous entrons ici d'emblee dans l'ordre du discontinu. En effet, s'il existe bien un motif central dominant, que j'appelle­rai Ie groupe du miroir, d'autres elements, a premiere vue disparates, viennent compli­quer la composition. Aussi peut-on s'atten­dre a un conflit entre les orientations de la perception et celles de la lecture: ce qui est central dans la perception, l'est­il dans la lecture? Et, jusqu'ou faut-il aller dans la recherche d'un sens d'ensem­ble coherent? En fait, c'est ce qui a egalement motive son choix, ce tableau

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emprunte ostensiblement a la structure du reve: outre la composition discontinue, Ie motif du miroir, lie a celui du Narcisse propose par Ie titre, autorise la thematique de l'inconscient; et qui dit inconscient, dit transfert. C'est ce transfert dont il faut suivre la trace en examinant les non­coIncidences entre 1. Ie titre et la repre­sentation picturale, 2. entre les deux figures des personnages de part et d'autre du miroir, 3. entre le motif central et les elements du plan superieur.

Qu'il existe des ecarts entre Ie titre et la figuration, voila une situation a la­quelle la peinture contemporaine, et cer­tainement la peinture surrealiste, nous a habitues. Les nombreuses etudes surcette question en montrent d'ailleurs l'interet. Le titre, s'il oriente la perception, intro­duit dans les oeuvres modernes "an instable zone of meaning", ainsi que Ie remarque dans un article assez recent Stephan Bann, lequel ajoute avec raison que "its value as an indexical legisign can be either com­pletely null or absolutely essential" (1). On passe, en effet, du "sans titre" a la phrase-soi-disant-descriptive, mais dans l'un comme dans l'autre cas, c'est toujours l'efficacite de la nomination qui est mise en cause.

Les titres d'Arrabal se placent dans la seconde categorie, dans la mesure ou ils proposent un programme de lecture. Mais, premier ecart, les situations qu'ils annon­cent, donnent lieu a des transpositions metaphoriques: la decapitation de Narcisse, pas plus que la naissance dans Ie tableau signale plus haut, ne sont rendues concre­tement. Cette reinterpretation n'a sans doute pas de quoi surprendre, car les ter­mes "Narcisse" et "naissance" eveillent deja toute une serie de connotations diver­ses. D'ailleurs, c'est Ie propre de la me­taphore d'etablir des tensions entre ses deux poles, Ie "sujet" et Ie "modificateur", selon la terminologie de Paul Ricoeur, qui insiste sur les nombreux deplacements de sens entraines par ce modificateur: en cela la metaphore exhiberait une des fonctions du langage, car "c'est un trait significa­tif du langage vivant de pouvoir reporter toujours plus loin la frontiere du non-sens" (2). Seulement, les choses se compliquent lorsqu'on essaie de proceder au reperage des deux poles metaphoriques dans la repre­sentation picturale ou le rapport, par

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nature antinomique, entre deux langages (le visuel et le verbal) brouillent encore plus les pistes.

Dans "Arrabal decapitant Narcisse", la non-coIncidence entre le titre et la repre­sentation est d'autant plus flagrante que le parcours narratif annonce par le titre - la decapitation de Narcisse -, n'est pas reproduit visuellement. Par la, on saisit tout de suite l'ecart entre la nomination et la figuration: ce qui est designe comme deux personnages differents, Arrabal et Narcisse, est montre comme le meme. On se rend compte que, les signes distinctifs du sujet etant escamotes, celui-ci va faire probleme.

Sans doute, comme je l'ai dit, le terme "Narcisse" nous oriente d'emblee vers l'in­terpretation metaphorique: il s'agirait alors d'une mise en image du narcissisme d'Arrabal, le miroir en etant un symbole connu. Dans cette perspective, Arrabal et Narcisse ne peuvent donc qu'etre un meme personnage; d'ailleurs, celui qui est pla­ce devant le miroir presente bien les signes ostentatoires du narcissisme dans son manteau d'apparat style Renaissance. Miroir, Narcisse, les theories de l'incons­cient affleurent ici. Elles nous apprennent, on le sait, que le stage du miroir permet de decouvrir la dualite et meme la desagre­gat ion du sujet: on aurait dans ce cas une traduction litterale de ce que Lacan appel­le "le corps morcele". L'infidelite de l'image serait ainsi une fa~on de rendre, par la litteralite humoristique, une situa­tion imaginaire.

Cependant, tout ne va pas entierement de soi, puisque le programme annonce par le titre, une action menee precisement c~ntre le narcissisme, n'est pas accomplie pour autant. Faut-il voir dans le tableau le resultat de l'action? C'est fort pos­sible. Mais le fait de montrer le resultat implique un precedent narratif, dont la representation devrait porter des traces. On pourrait s'attendre a trouver, suivant la formule classique, des marques signale­tiques d'emotion, violence ou douleur, chez les personnages. Remarquons qu'en supprimant les affects, Arrabal est fort proche des procedes surrealistes; ce ta­bleau fait d'ailleurs penser par plusieurs de ses caracteristiques a Magritte dont j'ai deja signale l'importance pour Arrabal. Mais, pour m'en tenir a mon analyse, ce

statut particulier de la figuration amene a conclure qu'il n'y a plus d'executant ni d'execute. Ou ne vaudrait-il pas mieux dire qu'il n'y a plus que des executes? On aura sans doute compris ou je veux en venir: ces personnages sans rapport avec leur acte ap­paraissent comme des formes executees,des executions, autrement dit, des images; et le miroir est la, non seulement comme in­strument, mais aussi comme signal de la presence de l'image. Quant a l'executant, il a ete expulse du tableau. Des lors, qui est-il? qui est cet Arrabal executant?

Ici, il faut peut-etre faire machine arriere pour prendre en compte une ecriture qui risque en premiere instance de passer inaperc;:ue, a savoir l'inscription "Arrabal" inseree dans la partie superieure du cadre du miroir, et flanquee sur ses deux cotes de l'inscription "Pan". 11 est connu que l'ecriture introduite dans un tableau a un fonctionnement complexe: participant de plusieurs espaces a la fois, elle met en jeu ses conditions d'enonciation (voir aussi l'article de Omar Calabrese).

Dans l'association immediate que l'on etablit, "Arrabal" designe d'abord la tete dans le miroir. Or, cela entraine un ren­versement du sens normal de la lecture, et un premier flottement du sens. Si la figure du miroir represente Arrabal, l'autre fi­gure est Narcisse! 11 faut donc lire a l'envers, mais ce parcours est tout de suite bloque, puisque les deux personnages se confondent. Par la, l'inscription de­vient en quelque sorte une confirmation - voila Arrabal - infirmee. Sur cette lan­cee, il serait tentant de poursuivre les deplacements du sens a la maniere de Fou­caul t analysant le "Ceci n' est pas une pipe" de Magritte. La place me manque pour le faire; je me contenterai de souligner deux fonctionnements importants de cette inscrip­tion: son fonctionnement par rapport au portrait du miroir et celui par rapport au titre exterieur.

La tete encadree, en effet, se presente bien comme un portrait dont l'inscription serait le titre (je reviendrai sur les im­plications de ce portrait et celles du miroir qui l'encadre). Mais, si portrait il y a, l'antinomie, specifique a ce genre, entre Ie nom propre du titre et la figura­tion est ici reactivee. Comme l'explique bien Louis Marin, la figure, qui est une representation ressemblante mais non sem-

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blable a son objet, s'oppose en partie au nom qui designe son objet sans rien en dire (3). Opacite de la representation qui ne peut dire qu'un manque, "art du cenotaphe", dit poetiquement Derrida (4): ici, les ten­sions sont d'autant plus fortes que Ie por­trait, par son dedoublement, est place dans une situation qui Ie met en cause.

Cependant, on pourrait egalement cons i­derer cette inscription comme une signature, a moitie cachee d'ailleurs, comme dans les peintures de la Renaissance; a moitie ca­chee, et pourtant offerte dans la partie centrale du tableau ... En effet, elle re­prend et met en evidence l'''Arrabal'' du titre exterieur, mais en l'exhibant, elle Ie detache aussi de sa reference. Car, de nouveau, qui est cet Arrabal? Ce que fait l'inscription, c'est repeter un signifiant, en reproduire sa formei pas tout a fait pourtant, et ce "pas tout a fait" est sig­nificatif. Inseree, enfouie dans la decora­tion du cadre, cette ecriture n'en devient -elle pas un element, n'est-elle pas aussi peinture? En fait, il semble que Ie sens de l'inscription se deplace vers ses marges, vers Ie mot "Pan", qui chez Arrabal ne peut qu'etre emblematique. Pour lui, Ie dieu Pan symbolise l'universalite de la confusion propre a la vie, et a tout veritable art de vivre (5). Ici, "Arrabal" re<;:oit pour ainsi dire l'investiture de ce dieu - qui, diail­leurs, fonctionne lui aussi comme une fi­gure decorative du cadre. Par contrecoup, Ie titre exterieur, si d'une part il est avec elle dans une relation speculaire, de l'autre se degage de l'ecriture picturale, dans la mesure ou l'executant nomme ren­voie a des referents encore plus diversi­fies. L'''Arrabal'' du titre est constitue de paroles successives:- celIe du peintre rap­portant celIe de l'ecrivain; Ie peintre di­sant son execution d'une experience inte­rieure del'ecrivain. Vision d'une vision, certes; mais est-ce vraiment Ie dire de l'ecrivain qui est rapporte? N'est-ce pas plut6t ce qu'ilimagine que les autres imaginent de son narcissisme? .. (La plu­part des oeuvres de cette serie joue sur cette ambigulte: que l'on pense a un titre tel que "Arrabal mystique essayant d'appri-voiser sa libido". Mais meme ceux qui ne sont pas directement revelateurs de la pa­role multiple en temoignent: dans "Nais­sance d'Arrabal", par exemple, qui parle de cette naissance?). Seulement, si l'expe-

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rience interieure reste obligatoirement dans l'en-de<;:a insaisissable, la represen­tation picturale, pour sa part, nien livre pas non plus tout Ie secret; la figuration impassible, vaguement illustration d'ency­clopedie, montre, mais sans devoiler l'in­timite. C'est bien a un ecart, entre la nomination et l'origine, la nomination et la figuration, qu'on est confronte.

Mais revenons encore au groupe du miroir pour tacher d'y decouvrir comment la re= flexion speculaire organise d'autres rap­ports entre Ie visible et Ie lisible. Si Ie motif central, les deux figures des person­nages, ne fixe pas Ie sens, un detail semble pouvoir Ie faire. Deplacement du sens vers la peripherie? II s'agit de la boite-cer­cueil qui de par son insolite meme - elle ne se reflete pas dans Ie miroir - attire l'attention. Cette boite contient trois objets, un trousseau de clefs, une main ca­denassee, un chateau en ruine, dont la suc­cession parait bien etre celIe d'un ordre narratif: on pourrait lire, en effet, que les clefs pour ouvrir la main cadenassee sont hors de portee, et que celle-ci ne peut plus atteindre {ouvrir?) Ie chateau. Le chateau, element important dans l'icono­graphie arrabalienne - de meme que Ie cer­ceuil sur lequel ja vais revenir - est d'un symbolisme, sinon evident, du moins connui pour Arrabal il represente souvent l'homme interieur (6). Ainsi, cette phrase sous forme d'enigme nous dirait qu'il est impos­sible d'avoir acces au monde interieur. Qu'est-ce a dire? sinon que nous en revenons de nouveau a la problematique du manque. Le support narratif, qui est ici concentre et mis en abyme. se designe comme une impossi­bilite a dire.

Cette signification est d'ailleurs ren­forcee par la presence de la main. 8'il est vrai que l'ordre des signes figuratifs e­voque la phrase, c'est l'ecriture et tout Ie verbal anterieur qui sont d'abord de­signes. Cependant, cette main n'a pas livre pour autant tout son mystere. Plus genera­lement,ne represente-t-elle pas la main du createur? oui, mais lequel? .. Nous voila de nouveau entraines dans les deplacements speculaires, car d'autres possibilites in­terpretatives viennent inevitablement se greffer sur les premieres. Cette main rap­pelle en effet un motif de Magritte; par contamination pourrait-on dire, Ie chateau

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nous invite a entrer dans le domaine d'un autre peintre, celui de Dali. Quant aux clefs, elles ouvrent peut-etre un autre royaume! Autrement dit, ce qui apparait ici, c'est la mimesis sous-jacente des associa­tions culturelles; mimesis double, qui pre­side aussi bien a la creation qu'a la lec­ture du tableau.

Or, la boite-cercueil est bien faite pour exhiber le fonctionnement antinomique d'effacement, en meme temps que de conser­vation du sens: le cercueil possede toujours ce symbolisme a deux poles chez Arrabal. Par sa transparence, et sa luminosite, cet objet donne a voir les signes enfermes en lui, il les montre comme point de depart d'un parcours perceptif, cette fois-ci. En fait, par sa configuration, comme par sa disposition dans le tableau, il fait res­sortir une direction significative. On l'aura remarque,la boite n'est pas refle­tee dans le miroir, qui a sa place nous offre l'image de la tete; par contre, elle est orientee de telle fa90n que, faisant pour cela presque irruption dans l'espace du miroir, elle aboutit a la tete. De ce fait, tous les elements qu'elle contient apparaissent comme un parcours dont le point d'arrivee est la tete. Ici, la liai­son entre ces deux motifs, boite-tete, presente un cas interessant de relais entre le visible et le lisible. Au-dela d'un nar­ratif bloque, c'est la presence compacte, incontournable de la figure du miroir qui est mise en relief. On peut difficilement en parler, et pourtant, elle est lao Face a toutes les denegations dont elle a ete l'objet, la representation picturale la restitue dans sa force ostentatoire. D'ail­leurs, cette ostentation, et ostention, est renforcee par la solennite de sa presenta­tion qui, sur le mode du renversement hu­moristique, evoque l'attitude d'une Vierge de Raphael portant l'Enfant Jesus: ce qui est d'ailleurs une maniere de retrouver Narcisse, mais, cette fois, dans sa con­notation religieuse d'idealisation du moi et d'homme interieur.

On voit des lors facilement comment tous ces aspects corroborent les caracteristiques du portrait, dont j'ai parle plus haut. Par voie de consequence, le miroir ne peut que devenir la replique du tableau: miroir ba­roque d'ailleurs, il se presente comme un topique connu. Mais, c'est surtout sa non-reflexivite qui souligne le fonction-

nement pictural. Car le tableau montre un reflet, mais generalement pas l'objet qui se reflete, le modele exterieur. Et, du fait meme du rapport metonymique, ce qui vaut pour la figure du miroir, vaut egalement pour l'autre, elle aussi reflet, mais dif­ferent: tout depend, n'est-ce pas?, de la position du modele. Faut-il ajouter que ce n'est jamais tout a fait la position du spectateur du tableau! ..

11 reste a examiner l'arriere-plan ou partie superieure du tableau. On peut hesi­ter sur la position de cette partie, et l'hesitation meme est significative: faut -il la considerer comme un prolongement du lieu central ou une superposition dont les motifs domineraient, en quelque sorte, le centre? En fait, les deux possibilites de lecture coexistent.

Le centre est bien relie au fond par une mise en perspective qui marque le rapport entre les deux. Le mur en particulier, qui delimite le cote droit, le relie aussi a l'arriere. Ce faisant, il instaure un es­pace interieur. Toutefois, ce caractere d'interiorite est moins confere par la pre­sence du mur, celui-ci n'etant guere pro­tecteur, que par sa forme, qui rappelle le chateau de la boite-cercueil. Du coup, la forme que l'on aper90it a travers la paroi transparente devient l'image de base de l'ensemble. D'ou un parcours de lecture qui partirait du reflet central et se develop­perait par ricochets pour instituer le sens d'''image interieure": ce parcours partirait de la boite pour, par l'intermedaire de la tete du miroir, deboucher sur tout l'espace du tableau. Le dedoublement specula ire creuse ici en profondeur la surface pictu­rale. Certes, trait specifique de la maniere arrabalienne, il se retrouve dans d'autres tableaux de la serie; ainsi, dans celui-ci qui a ete mentionne plusieurs fois: "Nais­sance d'Arrabal". Mais dans ce dernier tableau, le processus, s'il est montre d'une maniere dynamique, car il est visualise dans la composition des figures, ne met pas au­tant en cause le statut de la representa­tion. Dans le cas present, on pourrait sans doute penser a un enchainement semblable a celui de la metaphore filee, ce qui nous rapproche des assertions des theoriciens considerant un tableau comme "un ensemble articule" de lectures: ainsi que le propose Louis Marin, reprenant en cela les demon-

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strations de Jean-Louis Schefer, "le sens du tableau n'est-il pas ce deplacement regle du discours a travers ses lectures?" (7). Cependant, dans la representation dis­continue qui nous occupe ici, le deplace­ment ne se per~oit pas directement comme regle. Ce qui est donne a voir, ce sont des points d'ancrage perceptifs, noyaux de sens d'ou partent les lectures, mais vers les­quels elles reviennent pour se reorienter. Ici, la tete du miroir fonctionne evidemment de cette maniere. Elle participe sans doute du paragdime du chateau dans le jeu des substitutions, mais elle le brise egalement a cause de sa position-clef dans l'ordre du perceptif, liberant d'autres lignes de force; lignes qui ne sont pas forcement opposees aux premieres, mais qui etablis­sent d'autres relations.

Ainsi, ce qui nous ramene a la question de l'arriere-plan, la relation avec la fi­gure du boeuf. L'animal semble appartenir, en premiere instance, a l'espace interieur, auquel il apporte une tonalite religieuse. Son symbolisme sacre est d'ailleurs sou­ligne par Ie decor aux voutes monacales qui l'entoure. Boeuf de la Nativite, il est en quelque sorte le gardien du personnage du miroir, dont il renforce la valeur chris­tique. Gardien certes, mais de la figure ou de son sens? 11 y a indubitablement un lien entre la figure de l'animal et celle du miroir, un lien visualise par la position similaire des deux tetes. Mais, en rappe­lant le portrait, le boeuf permet avant tout de le signifier. Par la, il redouble l'inscription "Arrabal" du cadre, placee dans son prolongement; il devient une re­plique de ce titre-signature, dont il met les incertitudes en evidence (le "qui est cet Arrabal?"). Seulement, cela signifie egalement qu'il faut le considerer comme echappant a l'espace interieur.

En effet, si l'on y regarde de pres, on se rend compte que sa place dans le tableau est ambigue. Par rapport au miroir, il ne se trouve pas tout a fait en perspective, mais plutot dans une position dominante. C'est pourquoi, on peut le percevoir comme appartenant a un espace different: a la partie superieure a laquelle cette figure emblematique confere alors la fonction spe­ciale de frontispice. Mais, si cette partie se designe ainsi comme l'endroit du titre, celui-ci en occupe generalement toute sa largeur; autrement dit, si frontispice il

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y a, il inclut aussi la figure de gauche, celIe du lion.

Or, le lion possede un fonctionnement encore plus complexe, dans la mesure ou il est en opposition autant avec Ie groupe de l'espace interieur, qu'avec Ie boeuf sur le plan horizontal. 11 s'oppose a eux,en effet, par sa position exterieure, bien marquee par Ie mur, et par son caractere de vio­lence. Contrastant avec la serenite des per~ sonnages centraux, il pourrait bien en ex­hiber les forces indomptees, l'autre face; et peut-etre meme la partie invisible de la face du personnage devant Ie miroir. Par un nouveau transfert et dedoublement, on au­rait donc la representation d'une autre image mentale, formant pendant a celIe vi­sualisee par la tete et le boeuf. Cependant, il est vrai qu'avec cette violence resurgit Ie sens perdu de decapiter, et du meme coup de son executant, indice lui aussi d'un dis­cours exterieur aux voix multiples. Et pre­cisement la visualisation de ce double trait fait appel a des codes perceptifs divers et se superposant pour reformer un nouveau noyau de sens. En effet, c'est non seule­ment l'attitude agressive du lion, sa fu­reur inassouvie, qui traduit l'action vio­lente, mais aussi la configuration de ce fragment du tableau, decoupe par la ligne du mur, qui se presente comme different du reste, etranger. 11 est comme le morceau d'un autre texte faisant irruption dans Ie texte du tableau, pret a forcer la cloture du tableau, ou peut-etre deja en train de la forcer. D'ailleurs, la figure de l'ani­mal qui est inscrit dans cet espace, aux connotations a la fois anthropomorphes (la tete humaine rappellerait-elle l'" auteur"?) et publicitaires (lion mugissant de "Para­mount") pourrait bien annoncer la .. , re­presentation!

En cela, cette partie refere bien elle aussi a l'origine et au titre. La figure du lion, en liaison avec celIe du boeuf, l'in­scrit donc dans Ie frontispice. Mais elle en fait aussi apparaitre plus fortement la situation de conflit a l'egard de la repre­sentation picturale; et cette fonction lui est reservee, car dans le parcours de lec­ture, elle marque Ie point d'attaque, qu'on peut considerer - en jouant de nouveau sur le mots - comme le point de depart de la lecture, mais aussi comme Ie point que l'on attaque: "Arrabal". Toutefois, c'est tout de meme la partie

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superieure dans son ensemble qui prend la valeur de titre. De ce fait, elle est en position citationnelle, tant par rapport a l'inscription du cadre du miroir, que par rapport au "veritable" titre, place au bas du tableau. On aurait ainsi affaire a une "intertitularite typologique". Dans son e­tude sur la citabilite du titre, Leo Hoek distingue, en effet, entre une "intertitu­larite typologique" et une "intertitulari­te indicielle": dans la premiere, au con­traire de la seconde, le texte citant et le texte cite ne se distinguant pas (8). Sans doute, ici, les differents titres renvoient -ils a un referent identique. Pourtant, de par leur place et leur figuration, leur li­sibilite est differentej elles ne mettent pas en cause d' une maniere tout a fai t iden­tique le statut de la representation. Si l'inscription du milieu souligne la valeur de la signature dans le tableau, et l'ex­plicite par le commentaire apporte par les deux "Pan" dont elle est flanquee, elle est aussi noyee, absorb&e par la matiere pictu­rale de la decoration. Par contre, le fron­tispice occupe toute la largeur du tableau; comme le titre du bas, il le designe dans son entier. Ainsi la representation centra­le est-elle doublement encadree et orientee vers la parole exterieurei elle est, en quel­que sorte, menacee par celle-ci et avoue par la sa difficulte a determiner le sens.

Mais, c'est d'une maniere encore plus radicale que cette citation differe des autres. Les motifs du titre superieur ne sont pas des lettres, mais des emblemes, et meme au-dela, de simples elements du ta­bleau, irreductibles au texte ecrit; ils ne peuvent donc pas en etre la seule illustra­tion. D'abord, si l'on peut d'une certaine maniere les voir comme encadrement, cela signifie qu'ils possedent un fonctionnement particulier. En effet, le cadre, ce "parer­gon" n'est jamais surimpression a l'oeuvre; indiquant sa limite, il participe de l'ex­terieur et de l'interieur a la fois, et il les utilise comme deux "fonds", creant un pont entre les deux. Comme le dit Derrida dans un style toujours paradoxal et ambi­gue: "Le cadre parergonal se detache, lui, sur deux fonds, mais par rapport a chacun de ces deux fonds, il se fond dans l'autre" (9). Or, il se fond d'autant mieux dans ce tableau, qu'il en reste malgre tout partie integrante. En second lieu donc, ces ele­ments se designent bien comme tableau, ils

participent de son immediatete qui s'impose, et qu'ils ne peuvent eliminer. C'est en tra-9ant des lignes de rapport avec les autres elements picturaux qu'ils signifient (et sans doute faudrait-il egalement tenir compte de facteurs specifiques, tels que la couleur, l'eclairage, l'epaisseur de la peinture, etc., pour rendre compte de cette semiologie particuliere).

Seulement, la composition picturale fixe et libere ses significations, sans jamais les epuiser. Celles-ci restent toujours quelque peu flottantes: cette situation propre a toute oeuvre, est encore renforcee, on le sait, dans le cas du tableau. Et c'est encore plus vrai dans le cas de ce tableau arrabalien ou chaque element a precisement pour fonction de montrer les limi tes, les in­certitudes, le manque, lila profondeur vide et indecise de l' origine", comme le di t Blan­chot, auquel toute cette analyse sur l'ori­gine ne peut manquer de faire penser (10).

A titre de preuve supplementaire, je vou­drais, pour finir, interroger encore 1es figures des animaux. On a vu que cel1e du boeuf a une connotation religieuse qui res­sort pleinement lorsqu'on la met en rela­tion avec la tete du miroir. Or, d'aucuns ont voulu egalement accorder une valeur re­ligieuse au lion: ces deux figures repre­senteraient les emblemes des evangelistes. Par ce biais, on retrouve la fonction d'em­bleme, mais reliee d'une autre maniere au reste du tableau. Seulement, il ne s'agirait que d 'une amorce de sens, car, ou sont alors les signes des deux autres evangelistes? La encore, le parcours a peine degage devient indecis; il se designe par son flottement. 11 est vrai que cette interpretation force a rechercher les motifs perdus; on a pu les trouver dans les personnages centraux, qui representeraient les emblemes de Matthieu et de Jean, l'homme et l'aigle (les revers du manteau qui entourent la tete figurant les ailes!). Association perceptive assez forcee, certes, mais qui est interessante parce qu'elle souligne, elle aussi, l'ab­sence. L'absence, cette fois-ci, du Christ. Si lion peut percevoir les quatre figures comme les medailles emblematiques des evan­gelistes, ou est donc la figure centrale du Christ? Ou faudrait-il dire qu'il a disparu du tableau dans lequel il inscrit son ab­sence par le seul nom du cadre, sorte d'epi­taphe funeraire? De nouveau, c'est le balan­cement entre l'absence et la presence sur

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lequel on buteo La representation picturale se montre dans tous les cas comme le point de jonction de diverses echappees du sens. D'ailleurs, est-il besoin d'ajouter que ces parcours nous orientent non seulement vers le texte anterieur, mais egalement vers le nouveau texte en train de s'elaborer, celui qu'elabore le recepteur? Si l'on veut bien regarder une derniere fois du cote de l'angle de gauche, du cote de ce fragment que j'ai nomme point de depart, le lion en action pourrait aussi etre l'image de ce, ou plutot de ces discours nouveaux et sou­vent contradictoires, paniques dans leur foisonnement, mais qui viennent toujours buter sur la representation picturale .

Ce qui apparait a l'examen de ce tableau, representatif en cela de la serie dont il fait partie, c'est la relation particuliere qu'il entretient avec le discours qui le soutient. Cette relation s'etablit non pas tellement parce que la representation pic­turale se base sur des elements oniriques, des elements du "recit de reVe", mais plutot parce qu'elle montre les difficultes de ce recit a se constituer, qu'elle en exhibe les limites, mais aussi les diffe­rentes tentatives. Certes, il est toujours possibles de faire une lecture uniquement a partir des investissements de l'insolite et de laisser toute latitude au jeu des libres associations. Mais, meme dans ce cas, il semble qu'une telle lecture devra tenir compte de la marque specifique de ces pein­tures, le dedoublement, qui met toujours le sens en fuite. A travers la representa­tion picturale, Arrabal, dans la ligne panique qui est la sienne, poursuit sa poetique de l'inacheve.

NOTES 1. Stephan Bann, 'The mythical conception

is the name: Titles and names in modern and post-modern painting', Word & Image, 2 (1985), p. 185.

2. Paul Ricoeur, La metaphore vive (Paris: Seuil, 1975), p. 123.

3. Louis Marin, Etudes semiologiques (Paris: Klincksieck), 1971), pp. 74-80.

4. Jacques Derrida, La verite en peinture (Paris: Flammarion, 1978), p. 205.

5. Fernando Arrabal, Le Panique (Paris: Union generale d'editions, 1973), pp. 37-53.

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6. Cf. Daniele de Ruyter-Tognotti, De la prison a l'exil: structures relation­nelles et structures spatiales dans trois pieces d'Arrabal (Paris: Nizet, 1986); pp. 234-241.

7. Louis Marin, 'La description de l'image', Communications, 15, (Paris, 1970), p. 186.

8. Leo H. Hoek, La marque du titre, dispo­sitifs semiotiques d'une pratique tex­tuelle (La Haye: Mouton), pp. 187-188.

9. Derrida, La verite en peinture, p. 71. 10. Maurice Blanchot, L'espace litteraire

(Paris: Gallimard, 1955), p. 273.

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Figure 1. Figure 2.

Figure 3. Figure 4.

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