EXE RevueObs136_2020.inddFLASHS : TOUS LES FAITS MARQUANTS •
Quintin Viandes s’agrandit
• Nouveaux bâtiments pour Grain de Sail
• Fantou veut développer ses boucheries Maurice
• Minoterie Paulic tente une levée de fonds p.17
Générations de salariés : comment travailler ensemble ? Retour sur
les interventions de la journée du 6 décembre 2019 p.24
TENDANCES AGROALIMENTAIRES
ACTIVITÉ
Les entreprises du secteur agroalimentaire breton se démarquent de
la tendance nationale au troisième trimestre 2019. p.2
EXPORTATIONS
Les exportations bretonnes augmentent au troisième trimestre 2019
portées par le dynamisme de la demande en produits laitiers et en
viande porcine. p.4
EMPLOI
Léger rebond de l’emploi dans l’agroalimentaire breton au troisième
trimestre 2019 p.6
INTERVIEW : MAGALI GUIRRIEC, YENEA Créer une dynamique
intergénérationnelle dans les entreprises pour mieux travailler
ensemble p.7
ABATTAGE PORCIN BRETON EN 2019 Activité stable et orientations
diverses des acteurs pour leurs produits p.10
NUDGE MARKETING La mise en oeuvre des sciences du comportement
p.14
Service Économie-Emploi, Chambres d’agriculture de Bretagne Rue
Maurice Le Lannou - CS 74223, 35042 RENNES Cedex
www.chambre-agriculture-bretagne.fr
DOSSIER : LE GROS PLAN
L’approche du travail par les différentes générations de salariés
Le secteur agroalimentaire breton souffre d’un manque
d’attractivité. Les difficultés de recrutement dont font état les
entreprises du secteur nous le rappelle, le monde du travail change
avec l’arrivée de nouvelles générations de salariés.
Il faut donc s’y adapter, du point de vue du manage- ment, mais
tous les salariés sont concernés. Magali Guirriec nous explique que
quand une dynamique intergénérationnelle est mise en place au sein
d’une entreprise, tout le monde y gagne pour travailler ensemble
!
DOSSIER
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NUDGE MARKETING, LA MISE EN ŒUVRE DES SCIENCES DU
COMPORTEMENT
1 Des sciences du comportement au Nudge
Les sciences traditionnelles de la décision, dont l’éco- nomie, se
fondent sur la rationalité des individus. Cette conception
largement répandue a un impact important sur la façon dont nous
appréhendons les comportements de consommation, et sur la façon
dont nous pensons pouvoir les influencer, que ce soit à travers des
politiques publiques ou des stratégies privées. Les hypothèses sur
lesquelles reposent la rationalité sont que les individus sont
pleine- ment informés des possibilités qui se présentent à eux et
de leurs conséquences ; qu’ils vont conduire des analyses logiques
; qu’ils cherchent à optimiser leur satisfaction ; et que leurs
préférences, leurs goûts sont stables.
Selon le principe de rationalité des consommateurs, comment faire
lorsque les comportements observés n’y répondent pas, c’est-à-dire
lorsque le consommateur adopte des comportements non-adaptés ou
considérés comme néfastes ?
Les principaux outils basés sur le principe de rationalité sont au
fondement de la plupart des politiques d’interven- tions, publiques
ou privées. Le premier moyen consiste à agir sur les prix (ou les
coûts) à travers le jeu des taxes / subventions, de promotions,
d’efforts à fournir, etc.
La deuxième action consiste à augmenter le niveau de connaissance à
travers la diffusion d’informations (campagnes de préventions,
campagnes publicitaires, etc.). La troisième action consiste à agir
sur les règlements et normes, à travers des modifications
législatives, réglemen- taires ou des normes privées et, par
conséquent, agir sur le fonctionnement d’un marché et sur
l’information.
Cependant, cela ne fonctionne pas toujours. La raison est que les
hypothèses sous tendant la rationalité sont peu réalistes. En
effet, tout le monde n’est pas informé de l’ensemble des
possibilités qui s’offrent à lui, ni de leurs conséquences. Par
ailleurs, nos goûts peuvent dépendre du contexte dans lequel nous
prenons une décision. L’homo economicus n’est pas aussi rationnel
que cela. Nous sommes plutôt partisans du moindre effort et
choisissons donc le plus souvent l’option la plus simple. Nous
sommes aussi plutôt des suiveurs, dans la mesure où il est plus
facile d’agir en fonction des autres, pour leur ressembler ou pour
s’en distinguer. Par ailleurs, nous préférons les plaisirs
immédiats, nous pouvons agir sans réfléchir ou être impulsifs.
Enfin, nous faisons des erreurs de jugement, de perception. Cela ne
veut pas dire que nous soyons irration- nels. Simplement, nous
économisons notre énergie, nous limitons notre rationalité.
L’économie comportementale propose de prendre en consi- dération
ces variations de rationalité, en l’enrichissant des
Nudge marketing, la mise en œuvre des sciences du comportement
Youenn Lohéac, enseignant-chercheur en Economie comportementale
(Brest Business School).
[email protected] Camille
Chédotal, enseignante-chercheure en Marketing (Brest Business
School).
[email protected]
Sur la base de la conférence « Nudge Marketing » organisée le 15
octobre 2019 par la Breizh Marketing Akademi (une initiative du
Réseau Produit en Bretagne).
Pour mener à bien leurs actions, les décideurs, qu’ils soient
publics (élus, agences de politiques publiques) ou privés (entre-
prises, organisations non gouvernementales), doivent comprendre les
comportements de ceux à qui ils s’adressent (citoyens,
consommateurs). Le marketing, traditionnel ou social, propose de
nombreux outils pour étudier les comportements et pour agir sur
ceux-ci. L’un de ces outils, plus récent, est moins connu et
pourtant très intéressant pour comprendre et agir sur les
comportements : le Nudge marketing. Il pourrait apporter des
réponses à des questions du type : comment expliquer les dynamiques
de consommation de produits gras et sucrés alors que les individus
connaissent leur impact négatif sur la santé et comment inverser
cette tendance ?
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DOSSIERNUDGE MARKETING, LA MISE EN ŒUVRE DES SCIENCES DU
COMPORTEMENT
motivations psychologiques des individus. Cela permet d’améliorer
l’explication et l’anticipation des comporte- ments afin de mieux
définir, notamment, les politiques publiques. Par exemple, là où la
théorie économique nous dit : « Donner c’est donner et reprendre
c’est reprendre », la réalité psychologique nous dit quelque chose
de bien plus connu : « Donner c’est donner et reprendre c’est voler
». L’économie comportementale va s’appuyer sur l’identifica- tion
de biais comportementaux afin d’améliorer la compré- hension des
décisions individuelles :
Il existe un certain nombre de biais. Nous en citons quelques-uns
accompagnés d’exemples.
- Le biais de diagnostic est le déni de toute évidence qui vient
contredire une perception initiale : si un produit est en tête de
gondole, c’est qu’il est en promotion.
- L’effet de dotation est la tendance à demander plus pour renoncer
à quelque chose que ce qu’on donnerait pour l’acquérir : la valeur
que l’on accorde à sa maison est plus importante au moment de la
vente que lors de son achat.
- L’effet de présentation consiste à définir un problème à partir
d’une perspective biaisée qui limite les choix sur lesquels portent
les décisions : laisser le prix de départ lorsqu’un produit est
vendu moins cher.
- L’aversion aux pertes nous conduit à prendre des risques pour
éviter des pertes : nous nous mettons à courir pour profiter d’une
promotion.
- Enfin, l’effet d’ancrage agit lorsqu’une impression initiale
limite la prise en considération d’autres alternatives : effet
d’une marque connue sur la perception de sa qualité.
Ces biais comportementaux sont associés au système 1 décrit par
Daniel Kahneman (Prix de la Banque de Suède en l’honneur d’Alfred
Nobel en 2002). Il définit deux systèmes de pensée qui cohabitent
en nous. Le système 1 est rapide et basé sur l’intuition, il est au
cœur des opéra- tions automatiques (aller de son domicile à son
travail). Le système 2 est lent et basé sur le raisonnement, il est
au cœur des opérations contrôlées, nécessitant de la concen-
tration, un effort (aller de son domicile à un nouvel
endroit).
Que pouvons-nous tirer de ces connaissances et dévelop- pements
pour influencer des comportements, notamment ceux des consommateurs
?
2 Les Nudges
Les travaux en économie comportementale, en psycho- logie, en
sciences cognitives, les méthodes expérimentales et les
neurosciences ont donné naissance au concept du Nudge (Figure 1).
Sunstein et Thaler (2009) le définissent de la manière suivante : «
Une architecture de choix visant à modifier un comportement actuel
et promouvoir un comportement vertueux pour l’individu ou la
société, fondée sur une logique comportementale humaine dans
une situation donnée et non sur une logique d’information
rationnelle supposée convaincante, laissant la liberté aux
individus de se comporter comme ils le souhaitent, dont le coût de
mise en place est faible et la conséquence compor- tementale forte.
». Les Nudges agissent ainsi sur l’organi- sation des choix afin
d’accompagner les décisions à travers les mécanismes des biais
comportementaux. Leur mise en œuvre peut jouer sur différents
éléments :
- faciliter les actions nécessitant peu d’effort (coller une mouche
factice dans un urinoir pour encourager à bien viser et ainsi
augmenter la propreté),
- anticiper les potentielles erreurs de choix (positionner les
fruits à proximité de la main dans un self, et les gâteaux un peu
plus loin),
- pratiquer le retour d’informations sur les comportements
(informer sur la consommation moyenne d’eau et sur celle des autres
personnes du quartier),
- donner des points de repères (mettre des pas au sol indi- quant
le chemin vers une poubelle),
- aider lors de choix complexes en structurant et présentant
clairement les options (dans une déclaration d’impôts),
- inciter par des récompenses non monétaires (amusement à lancer un
détritus dans une poubelle en forme de panier de basket).
Un Nudge repose sur différents principes : la liberté de choix car
il doit toujours y avoir plusieurs possibilités proposées ;
l’absence de contrainte puisqu’aucune obli- gation n’est appliquée
quant au comportement à adopter ; l’activation d’un levier au
moment de la prise de décision et la promotion d’un comportement
vertueux en mettant en évidence une optique d’intérêt général ; et
est peu coûteux pour l’utilisateur. Les Nudges sont par essence non
culpabilisants et non prescriptifs. En effet, les individus ont
toujours la possibilité de ne pas les suivre.
Figure 1 : le Nudge
Source : illustration des auteurs
DOSSIER
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NUDGE MARKETING, LA MISE EN ŒUVRE DES SCIENCES DU
COMPORTEMENT
3 Le Nudge marketing
Le Nudge marketing vient renforcer l’efficacité des actions
marketing en agissant sur des biais comportementaux dans l’intérêt
final du consommateur ou de la société. Il est mobilisé afin
d’inciter les consommateurs à adopter des comportements
responsables. Il joue ainsi sur les prises de décision rapides,
routinières et instinctives (Système 1), en complément des
techniques traditionnelles. Le Nudge marketing va donc s’inscrire
dans une optique de marke- ting responsable, de RSE ou
d’amélioration de l’expérience utilisateur ou encore de la qualité
de service. Par exemple, les Nudges peuvent avoir pour objectif la
propreté ou la facilité de circulation dans le métro.
Des travaux de recherche sur l’alimentation portent sur le recours
au Nudge marketing pour favoriser une alimenta- tion plus saine, et
interrogent leur efficacité. La mobilisa- tion de la facilité
d’accès aux produits sains a été étudiée afin de déterminer la
localisation à privilégier pour ces produits dans les magasins ou
les restaurants : la consom- mation de produits plus sains est
favorisée s’ils sont placés face aux yeux et au niveau des mains,
ou à gauche des produits moins sains dans un rayon, sur un menu,
dans un
self (Romero et Biswas, 2016)1. Par ailleurs, différents types de
Nudges ont aussi été testés pour réduire la consomma- tion de
produits mauvais pour la santé : l’efficacité du choix de la
position du produit est aussi montrée mais n’arrive qu’en seconde
position derrière la réduction de la taille des portions (Cadario
et Chandon, 2019)2. Dans ces exemples, les Nudges sont bien des
outils d’incitations agissant au moment du comportement.
La démarche marketing peut intégrer des principes d’éco- nomie
comportementale, en utilisant les biais comporte- mentaux, sans
pour autant faire des Nudges, c’est-à-dire sans respecter tous les
principes des Nudges. En effet, les travaux issus de l’économie
comportementale aident à une meilleure compréhension des mécanismes
de prise de déci- sion et aide à formuler un plan marketing plus
incitatif.
En marketing, les apports de l’économie comportementale existent
dans la publicité (jouer sur l’affect par exemple), le
merchandising (biais de présentation), la promotion des ventes
(l’aversion à la perte). Mais il convient de les renforcer à
travers le développement de l’approche Nudge marketing.
La démarche est la suivante : savoir quels biais mobiliser et dans
quel objectif, bien comprendre les mécanismes d’achat (observation,
ethnologie, neurosciences) pour déterminer le mécanisme
d’incitation, d’influence à utiliser, puis expérimenter. Si le
recours à ces biais décisionnels se fait dans un cadre où le choix
est possible, l’individu est libre et l’objectif est son bien-être
ou celui de la société, alors il s’agira bien d’une démarche de
Nudge marketing. Précisons enfin que les Nudges doivent toujours se
baser sur des informations réelles.
Les ouvrages de référence
Ariely D. (2016). C’est (vraiment ?) moi qui décide. Clé des
Champs.
Gurviez P., Raffin S. (2019). Nudge et marketing social. Clés et
expériences inspirantes pour changer les comportements.
Dunod.
Kahneman D. (2012). Système 1, Système 2. Les deux vitesses de la
pensée. Flammarion.
Singler E. (2018). Nudge management. Pearson.
Singler E. (2019). Nudge marketing. Pearson.
Thaler R. (2018). Misbehaving. Les découvertes de l’économie
comportementale. Seuil.
Thaler R., Sunstein C. (2010). Nudge. Vuibert.
1 https://academic.oup.com/jcr/article-abstract/43/1/103/2379632 2
https://theconversation.com/sept-facons-pour-les-restaurants-dinciter-les-gens-a-mieux-manger-sans-en-avoir-lair-119885
et https://www.hbrfrance.fr/chroniques-
experts/2020/01/29172-collaborer-pour-promouvoir-des-comportements-alimentaires-plus-sains/
Figure 2 : Métro parisien ou comment encourager à la propreté
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Gilbert BLANCHARD Expert associé
Roland CONANEC CBB Capbiotek
Gwénola FLOC’H PENN Chambres d’agriculture de Bretagne
Kristina FRETIERE DRAAF Bretagne
Youenn LOHEAC Brest Business School
Valérie MARIETTE INSEE Bretagne
Guillaume MILLAU Chambre de commerce et d’industrie de région
Bretagne
Catherine MINIOT Chambre de commerce et d’industrie
Ille-et-Vilaine
Sandrine MOUTAULT DRAAF Bretagne
Patrick ROLANDIN Banque de France
Hervé THIBOULT Chambre régionale d’agriculture de Bretagne (Collège
salariés)
Joël TINGAUD Atelier de l’Argoat
Dépôt légal 4ème trimestre 2019
Directeur de la publication : André SERGENT
Responsable de la rédaction : Julie RIO
Maquette et exécution : PYGMALION - Rennes
La reproduction des informations contenues dans cette revue est
autorisée sous réserve de la mention de la source : “Revue de
l’Observatoire des IAA des Chambres d’agriculture de
Bretagne”.
Cette revue trimestrielle d’informations bénéficie du soutien
financier du Conseil Régional de Bretagne.
A C T U A L I T É S
Générations de salariés, comment travailler ensemble ?
Le 06 décembre 2019, les Chambres d’agriculture de Bretagne ont
réuni à Pontivy une cinquantaine d’élus des instances
représentatives du personnel de l’agroalimentaire de Bretagne pour
apporter du contenu et partager sur l’approche du travail par les
différentes générations de salariés, un enjeu majeur dans un monde
du travail qui change et où le manque d’attractivité des
entreprises des secteurs de la filière alimentaire est une vraie
problématique.
Les industriels agroalimentaires bretons résistent en 2019 mais
restent prudents. Toujours prêts à embaucher, ils rencontrent
toutefois des difficultés de recrutement : 64 % des recrutements
sont jugés difficiles en 2019 d’après l’enquête BMO de Pôle Emploi…
dans l’agriculture, c’est le même constat…
Si les témoignages apportés, tout au long de la journée, par le
public, mais également lors de la table ronde, ont été l’occasion
d’évoquer l’existence de leviers à activer par les entreprises pour
améliorer leur attractivité, du recrutement à la fidélisation des
salariés, néanmoins la compréhension des attentes des uns et des
autres, jeunes et moins jeunes, vis-à-vis du travail et de
l’entreprise méritent d’être mieux appréhendées.
Dans ce sens, les participants ont été particulièrement interpellés
par l’intervention de Magali Guirriec, consultante YENEA sur
l’intérêt de l’approche intergénérationnelle au sein de
l’entreprise, et pas uniquement du point de vue du management.
Cette préoccupation ne concerne effectivement pas uniquement les
équipes en charge des ressources humaines des entreprises, mais
bien tous les salariés de l’entreprise.
A l’occasion de la table ronde qui a clôturé la journée ont été
largement débattus les thèmes des démarches collectives amont-aval
à l’échelle territoriale pour pallier les difficultés de
recrutement, d’amélioration des conditions de travail et de
l’employabilité des salariés, de mobilité, de besoins en formation
et enfin de lutte contre l’agri/agro-bashing.
Retrouvez les contenus des présentations de la journée sur le site
internet des Chambres d’agriculture de Bretagne :
http://www.synagri.com/synagri/iaa-evenements-retour-sur-des-temps-forts-pour-les-iaa