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Dialogue http://journals.cambridge.org/DIA Additional services for Dialogue: Email alerts: Click here Subscriptions: Click here Commercial reprints: Click here Terms of use : Click here La théorie aristotélicienne de la science. A propos d'un livre récent Yvon Lafrance Dialogue / Volume 19 / Issue 03 / September 1980, pp 476 - 492 DOI: 10.1017/S0012217300022629, Published online: 05 May 2010 Link to this article: http://journals.cambridge.org/ abstract_S0012217300022629 How to cite this article: Yvon Lafrance (1980). La théorie aristotélicienne de la science. A propos d'un livre récent. Dialogue, 19, pp 476-492 doi:10.1017/S0012217300022629 Request Permissions : Click here Downloaded from http://journals.cambridge.org/DIA, IP address: 195.19.233.81 on 21 Nov 2013

La théorie aristotélicienne de la science. A propos d'un livre récent

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La théorie aristotélicienne de la science. Apropos d'un livre récent

Yvon Lafrance

Dialogue / Volume 19 / Issue 03 / September 1980, pp 476 - 492DOI: 10.1017/S0012217300022629, Published online: 05 May 2010

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How to cite this article:Yvon Lafrance (1980). La théorie aristotélicienne de la science. A propos d'unlivre récent. Dialogue, 19, pp 476-492 doi:10.1017/S0012217300022629

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476 D.P. Dryer

thought possibly to exist. Even though one cannot think of an object as an effectwithout thinking of it as existing in consequence of something else, what is thoughtby a judgment may be thought to be a consequence of what is thought by anotherwithout being thought to be an effect of it.

The topic in Kant to which Miles addresses himself reaches a focus in #20.Although Miles sheds much light on the synthetic unity of apperception he does notuse this light to illuminate how whatever is intuited by a sensible intuition in generalis subject 'to the logical functions of judgment'. But above all we would have likedfrom Miles an explanation of how Kant argues that whatever is thinkable andwhatever is intuitable, whatever the forms of intuition, are subject not only to theconnective concepts but also to the categories. Notwithstanding these omissions,the passages to which Miles does attend to he sheds light upon. As a minute textualelucidation of certain passages in the Analytic of Concepts, his work has few rivals.It is greatly to be hoped that he will translate his book into English. It cannot beassumed that all serious students of Kant are adept in German.

D.P. DRYER

University of Toronto

LA THEORIE ARISTOTELICIENNE DE LASCIENCE. A PROPOS D'UN LIVRE RECENT*

C'est un ouvrage difficile, voire meme deroutant pour l'historien d'Aristote, quevient de publierl'eminent epistemologue et logicien de l'Universite de Provence, G.Granger. Malgre ces difficultes et ce depay sement que nous aurons a expliquer dansces pages, on ne saurait cependant nier l'interet que peut susciter aujourd'hui uneetude sur la theorie aristotelicienne de la science. Et on ne pourrait trop remercierG. Granger de s'etre attele a la tache difficile de nous expliquer a sa maniere lapensee du Stagirite sur la science.

L'ouvrage est divise en trois grandes parties. Dans la premiere partie l'auteuranalyse la conception aristotelicienne de la connaissance en general (p. 9-94), dansla seconde partie il se concentre sur la logique et la theorie de la demonstration enn'oubliant pas les syllogismes modaux (An.Pr. I, 8-22), qui semblent aujourd'huiavoir quelque faveur chez les logiciens (J. Hintikka, Time and Necessity, 1973) (p.95-220); dans la troisieme partie de l'ouvrage l'auteur se consacre a l'analyse del'objet scientifique et des sciences theoriques, pratiques et poietiques (p. 221-354).Considere dans son ensemble l'ouvrage de G. Granger se presente comme un effort

* G.G. Granger, La theorie aristotelicienne de la science, Paris, Aubier-Montaigne, Coll.Analyse et Raisons, 1976. 382 p.

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La science selon Aristote 477

de modernisation de la pensee d'Aristote. Et cet effort de modernisation passe parla voie etroite du formalisme conceptuel. Toutes les difficultes de l'ouvrage, noussemble-t-il, viennent de cette voie etroite choisie par l'auteur dans son approche dutexte aristotelicien. En effet, Interpretation de G. Granger nous fait penetrer al'interieur du systeme aristotelicien a travers trois niveaux de langage: le meta-langage de l'interprete, le meta-langage et le langage d'Aristote. La maitrise de cetriple niveau de langage par le lecteur n'est certes pas facile et elle pose tout leprobleme de la methode de lecture des textes anciens. Par ailleurs, l'interpretationde G. Granger nous amene a faire reposer les notions fondamentales du systemearistotelicien sur un meta-langage, et plus precisement sur une theorie des trans-concepts dont l'effet le plus visible est de transformer les fondements ontologiquesdu systeme aristotelicien en des fondements purement logiques donnant ainsi lapriorite aux noemata sur les pragmata. Ce sont ces difficultes que nous aimerionssoulever ici en trois points. Dans un premier point nous traiterons de la methode delecture meta-conceptuelle de l'auteur. Dans un second point nous aborderons latheorie des transconcepts dans son rapport au probleme de la predication et dans untroisieme point nous retiendrons encore cette theorie des transconcepts, maiscomme fondement du systeme des objets theoriques de la science. Ces propos,nous I'esperons, aideront notre lecteur a juger par lui-meme de la fecondite de lamethode d'interpretation de G. Granger.

I. UNE METHODE META-CONCEPTUELLE

L'auteur s'explique peut-etre brievement, mais tres clairement, sur sa methode delecture du texte aristotelicien. En pages 5-6, il nous donne ses quatre regiesfondamentales d'interpretation que Ton pourrait resumer de la facon suivante:1. l'usage d'un langage meta-conceptuel a titre seulement d'elucidation et d'explica-tion du texte aristotelicien, 2. le refus de toute tentative d'explication diachroniquea la maniere de W. Jaeger, 3. l'abandon aux specialistes de toute la litterature desCommentateurs d'Aristote, 4. la reference constante aux textes d'Aristote, le plussouvent a des textes courts, mais suffisamment representatifs d'un probleme es-sentiel.

Au cours de l'ouvrage, il arrive parfois a l'auteur d'expliciter sa premiere regied'interpretation qui nous apparait comme la plus fondamentale. A la page 12, ilparle d'une « structure latente explicative » comme «instrument d'analyse » desformes de savoir chez Aristote et qu'il oppose au contenu de la doctrine aris-totelicienne, structure a l'interieur de laquelle il distingue trois axes: l'axephenomenologique, l'axe psychologique et l'axe logique. Cette structure latentepermet a l'auteur de donner le sens, de classer et d'ordonner une douzaine determes aristoteliciens relatifs aux formes du savoir autour de quatre couples de

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La science selon Aristote 479

langage a besoin pour fonctionner, c'est d'un autre langage et en l'occurence ici lelangage d'Aristote. D'ou le souci constant de l'auteur de fonder son meta-langagesur le langage d'Aristote en utilisant des textes courts qui donnent prise a laformalisation meta-conceptuelle parce qu'il refuse de se laisser distraire par lacomparaison des textes et de tous les textes relatifs a un probleme precis. Lesquatre regies methodologiques adoptees par G. Granger font de son etude sur latheorie aristotelicienne de la science une ceuvre de la modernite et non de l'an-tiquite. Elle ne degage pas le sens proprement aristotelicien du systeme du savoir,mais son sens moderne de sorte que le titre meme de l'ouvrage doit etre compris auniveau du meta-langage. Cet ouvrage ne donne pas une analyse du contenu de ladoctrine aristotelicienne de la science, mais une theorie moderne construite aumoyen de meta-concepts qui, par principe methodologique, refusent d'exprimer lecontenu de cette doctrine.

Si nous considerons maintenant l'ensemble des etudes aristoteliciennes au XXesiecle, nous serions porte a situer cette methode meta-conceptuelle ou linguistiquequelque part entre la methode historique dite continentale et la methode analytiquequi s'inspire de la philosophic analytique britannique. La methode meta-conceptuelle se distingue de la methode historique en ce qu'elle trouve son lieud'explication des textes et ses outils d'analyse dans un meta-langage et des meta-concepts etrangers au texte aristotelicien tandis que la methode historique situe sonlieu d'explication des textes a l'interieur du langage aristotelicien en cherchant afaire coincider, dans la mesure du possible, le langage de Finterprete et celuid'Aristote. A titre d'exemple d'une application reussie de la methode historique, ilsuffit ici de renvoyer le lecteur a l'excellente introduction de P. Moraux a son editionet traduction du Traite du del d'Aristote (Paris, Les Belles Lettres, 1965). Lelecteur pourra facilement constater comment un interprete s'y prend pour trouverses cles d'explication d'un texte a l'interieur meme du texte et comment P. Morauxemprunte ses outils d'analyse et ses concepts d'explication au langage memed'Aristote. Par ailleurs, en utilisant a fond les textes aristoteliciens, la methodemeta-conceptuelle arrive a donner Vapparence d'une methode historique. Parcontre, l'usage des meta-concepts pourrait permettre de penser que la methodemeta-conceptuelle se confond en fait avec la methode analytique. En effet, les deuxmethodes situent leur lieu d'explication des textes anciens dans l'organisation deconcepts etrangers aux textes a l'etude. Cependant, une difference radicale separeles deux methodes de lecture du texte ancien. En effet, la methode meta-conceptuelle se presente rigoureusement comme un simple outil d'analyse etd'explication du texte aristotelicien et jamais comme l'expression du contenu de ladoctrine aristotelicienne tandis que la methode analytique ne fait pas cette distinc-tion rigoureuse entre les deux niveaux de langage. L'habitude chez les interpretesanalystes est plutot de confondre les concepts de l'interprete et ceux de l'auteur

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La science selon Aristote 481

philosophic, ecrit Goldschmidt, peut encore etre de quelque utilite, ce n'est pas eninstituant d'illusoires dialogues entre les Anciens et nous, mais en rendant, toutd'abord, la parole a ceux-ci, tachant de retrouver leur verite, avant de songer a enfaire la notre (Ibid. p. 244).

Sans doute pourrait-on dire que chacun est libre de determiner sa propre relationaux Anciens. C'est pourquoi notre reserve principale a 1'egard de la methodemeta-conceptuelle ne reside pas encore dans son effort de modernisation d'Aris-tote. A la rigueur un historien d'Aristote pourrait accepter cette regie de jeu et ytrouver quelque profit comme c'est le cas pour l'ouvrage de J. Vuillemin (De laLogique a la Theologie, 1967). Notre reserve principale porterait plutot sur le pointsuivant. Puisque les meta-concepts sont par principe vides du contenu de la doc-trine aristotelicienne, qu'est-ce qui nous empecherait de penser qu'ils puissentconstituer une cle d'explication valable pour d'autres contenus ? Lorsque le meta-langage dit que la science chez Aristote est « symbolique, discursive et predica-tive », en quoi cette definition meta-linguistique de la science ne pourrait-elle pass'appliquer a la conception platonicienne de la science, celle des derniers dialoguesde Platon, ou encore a celle de Descartes, de Kant ou de Wittgenstein? Toutescience n'est-elle pas pour ainsi dire « symbolique, discursive et predicative » ? Siune telle hypothese se trouvait confirmee, alors la methode meta-conceptuellefonctionnerait a vide et devrait s'avouer incapable de nous faire comprendre ladifference entre une conception aristotelicienne de la science et une conceptionplatonicienne ou kantienne ou cartesienne. De quoi exactement la methode meta-conceptuelle veut-elle etre une cle d'explication? Que veut-elle nous expliquervraiment si elle refuse de nous expliquer le contenu de la doctrine aristotelicienne ?Le propre d'un formalisme logique rigoureux n'est-il pas de ne porter sur rien selonl'heureuse formule de Wittgenstein: « Toutes les propositions de la logique disentla meme chose, c'est-a-dire rien » ? Dans ce cas, la methode adoptee par l'auteurserait inadequate eu egard aux intentions de quiconque se livre a la lecture d'Aris-tote, c'est-a-dire comprendre le contenu des doctrines aristoteliciennes.

Mais nous en avons assez dit sur la methode meta-conceptuelle. Passons main-tenant a son application dans le cas de la predication (p. 28-67)et ensuite dans le casdu systeme des objets theoriques (p. 251-310).

Nous verrons comment la methode meta-conceptuelle permet a l'auteur descinderle systeme aristotelicien en langage et en meta-langage en introduisant dansFanalyse de ces deux problemes sa theorie des transconcepts. La consequence laplus immediate de cette theorie en ce qui concerne le probleme aristotelicien de lapredication est de faire reposer la conception aristotelicienne du langage sur destransconcepts et ainsi d'accorder une priorite du logique sur l'ontologique. Cettememe theorie des transconcepts appliquee aux notions fondamentales de l'on-tologie aristotelicienne, telles que les notions de puissance et d'acte, (p. 258) de

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matiere et de forme (p. 268), de causalite (p. 282), d'etre en tant qu'etre (p. 294), depremier moteur (p. 278) permet a l'auteur de couper l'ontologie aristotelicienne detout contenu immediatement experimental pour la transformer en une logique desmeta-concepts. Ce qui se trouve ici en cause c'est le realisme epistemologique surlequel repose tout le systeme aristotelicien. Par certains cotes, on verra que cedualisme logique des concepts et des meta-concepts rappelle les concepts a prioride l'entendement chez Kant et les Idees a priori de la raison pure avec cettedifference que pour G. Granger les concepts aristoteliciens sont immediatementrelies a 1'experience tandis que seuls les transconcepts, a l'instar des Idees a prioride la raison pure, sont vides de contenu et jouent seulement un role operatoire surd'autres concepts. Mais examinons d'abord le probleme de la predication.

2. TRANSCONCEPTS ET PREDICATION

Le chapitre II sur la pensee, la perception et 1'organisation du langage est prin-cipalement construit a partir du petit traite des Categories. L'auteur y expliquel'organisation du langage chez Aristote par une theorie des quatre « etres gram-maticaux » et par celle des transconcepts. Concentrons-nous sur cette dernieretheorie en nous demandant si elle est vraiment adequate pour expliquer les predica-bles, les post-predicaments et les categories comme le voudrait l'auteur. Mais unequestion prealable se pose ici et qui attire naturellement l'attention de l'historiend'Aristote: c'est la question de F authenticity des Categories. G. Granger n'ensouffle mot dans son chapitre qui risque pourtant d'etre construit sur un texte nonauthentique d'Aristote.

On sait que de nombreux aristotelisants rejettent en totalite ou en partie l'authen-ticite des Categories (A. Mansion, Introduction a la Physique d'Aristote, 2e ed.,1946, p. 9-10). Dans son ouvrage sur Le Jugement d'existence chez Aristote (2e ed.1976), S. Mansion evite sciemment d'exploiter le texte des Categories a cause desdoutes qu'elle entretient sur l'authenticite totale ou partielle du traite (p. 15, n.43, p.123, n.25). Dans leur volumineuse Introduction a la traduction et commentaire deYEthique a Nicomaque, Gauthier-Jolif ne mentionnent guere les Categories dans letableau chronologique des ecrits d'Aristote (2e ed. 1972, p. 61-62), laissant en-tendre par la qu'ils ne le considerent pas comme un ecrit authentique d'Aristote. Parailleurs, les tentatives pour etablirl'authenticite des Categories sur revolution de lapensee du Stagirite ne semble pas avoir porte tous les fruits escomptes (L.M. deRijk, The authenticity of Aristotle's Categories, Mnemosyne 4(1951) 129-159).Cette question serait sans doute d'importance secondaire si elle ne venait mettre endifficulte la notion meme de substance que l'auteur utilise autant dans sa theorie des« quatre etres grammaticaux » que dans sa theorie des transconcepts. En effet, latheorie de la substance que nous trouvons dans les Categories differe de celle qui se

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La science selon Aristote 483

trouve exposee dans la Metaphysique. Tandis que selon les Categories, la sub-stance seconde est un universel (5, 2ai 1-19), dans la Metaphysique, Aristote ecrit:«II semble bien, en effet, impossible qu'aucun terme universel, quel qu'il soit, soitune substance » (Z, 13, io38b8-9). Certes, on pourrait resoudre cette apparentecontradiction en faisant appel a la distinction entre la substance premiere et lasubstance seconde que Ton trouve au passage cite des Categories. Cela nouspermettrait de dire que l'affirmation de la Metaphysique refere a la substancepremiere qui ne peut jamais etre un universel, mais non pas a la substance secondequi s'identifie au genre et par consequent est un universel. Cependant, un aris-totelisant aussi averti que S. Mansion nous fera observer que cette distinction entresubstance premiere et substance seconde ne se trouve nulle part ailleurs chezAristote {Le Jugement a"existence ... op.cit., p. 232, n.61). Pourtant G. Grangern'hesite pas a utiliser cette distinction isolee dans l'oeuvre d'Aristote pour etablirdeux des quatre etres grammaticaux et l'integrer egalement a sa theorie des trans-concepts (p. 42-46). Mais n'insistons pas outre mesure sur ce probleme d'authen-ticite non encore resolu par les historiens, quoiqu'un consensus semble vouloir sedegager sur l'inauthenticite des chapitres 10-15 des Categories, et demandons-nous si la theorie des transconcepts est apte a expliquer la notion aristotelicienne depredication.

La theorie des transconcepts renvoie a ce que la tradition appellera plus tard lespredicables, aux categories et aux post-predicaments. La notion de predicable quiforme la structure fondamentale des Topiques est exposee en Top. 1,4-6, celle descategories en Categories (chap. 4-9) et celle de post-predicaments egalement dansles Categories (chap. 10-15). L'auteur entend par transconcepts des « conceptsoperatoires ne renvoyant a aucun etre, mais decrivant l'organisation des conceptsproprement dits, c'est-a-dire des concepts qui « renvoient directement a des objetsde pensee » (p. 47), ou encore « des operations faites sur les concepts d'objets et lesmodes de lew mise en rapport» (p. 47). Au cours de l'ouvrage on s'apercevra quel'auteur range parmi les transconcepts tous les concepts qui n'entrent pas dans ungenre determine mais qui peuvent s'appliquer a plusieurs genres. Par exemple, leconcept d'etre en tant qu'etre qui n'est pas un genre mais s'applique a plusieursgenres differents est un transconcept (p. 294). En somme, nous comprenons quepour l'auteur les concepts se ramenent aux genres tandis que tout ce qui estau-dessus des genres du point de vue de l'organisation des concepts recoit le nom detransconcept. Ainsi les transcendentaux des aristotelisants medievaux se trouveramenes dans le metalangage de l'auteur, malgre ce qu'il en dit (p. 47), a destransconcepts. Notons, en passant, qu'a toutes fins pratiques les termes transcon-cepts et metaconcepts sont equivalents dans le vocabulaire de l'auteur (p. 47,278-279,258). A partir de cette notion de transconcepts l'auteur compte etablir queles predicables, les categories et les post-predicaments sont des transconcepts avec

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La science selon Aristote 485

nominale la signification d'un nom (II, 10,93b29) et dans le cas de la definition reellel'essence meme de la chose (93b3i). Le propre, deuxieme predicable, ne se dit pasd'abord d'un concept ou objet de pensee, mais d'une chose. Ainsi « etre apte al'ecriture et a la lecture » est un propre de l'homme reel (Top. 1,5, iO2ai9-22) et nonpas du concept si ce n'est de facon derivee. Dans la proposition: «l'homme est unetre apte a l'ecriture et a la lecture » le predicat exprime le propre d'un sujetgrammatical qui renvoie directement a un sujet concret auquel Aristote donne lenom de pragma. II en est de meme de l'accident, troisieme predicable: il peutappartenir ou ne pas appartenir a la chose (huparchein to pragmati, iO2a5).L'exemple d'accident donne par Aristote « etre assis » ne renvoie pas a un concept,le concept d'homme, mais a l'homme reel qui de fait se trouve assis (i02b22-24).Quant au genre, quatrieme predicable, il est defini comme ce qui appartient aplusieurs choses specifiquement differentes (102331-32), parexemple, animal pourl'homme et le boeuf.

Toutes ces explications d'Aristote a propos des predicables constituent autantd'obstacles a la theorie des transconcepts. Certes, on pourrait alleguer avec G.Granger (p. 49) le texte des Topiques ou il est dit ceci: « Toutefois, qu'on ne s'ytrompe pas; nous ne disons pas que chacun de ces termes constitue par lui-memeune premisse ou un probleme, nous disons qu'ils sont a l'origine des problemes etdes premisses » (ioib26-28). De ce texte G. Granger deduit que «les predicablessont des moules fonctionnels de predication; ce sont, dans l'acception indiqueeplus haut, des transconcepts » (p. 49). Cette deduction ne s'impose pas. II y a, anotre avis, une voie beaucoup plus simple pour comprendre ce que sont les predica-bles et c'est celle suggeree par Aristote lui-meme en i02a34 lorsqu'il nous parle dugenre. Le genre, nous dit-il, repond a la question suivante: qu'est-ce que c'est quel'etre dont il s'agit ? C'est a cette question que repondent tous les predicables et nonpas a celle suggeree par la theorie des transconcepts: qu'est-ce que c'est que cetobjet de pensee ? Si Ton se fie aux explications d'Aristote on doit dire que lespredicables sont des genres generaux de rapports entre les choses que Ton peutreproduire au niveau de la predication. Et ce serait en ce sens qu'Aristote peutaffirmer que les predicables sont a l'origine des problemes et des premisses,c'est-a-dire de la predication. La remarque de P. Aubenque vaut d'etre notee ici:« Car ce qui interesse Aristote dans le discours, c'est moins la structure interne dulangage que l'univers de la communication. Ou du moins celle-la ne 1'interesse quedans la mesure ou elle reflete ou annonce celui-ci. » (Le Probleme de I'Etre chezAristote, 4eed., p. 134, n.i). La theorie des transconcepts n'arrive pas a expliquerles predicables parce qu'elle renverse le rapport entre le langage et l'etre en donnantla priorite au langage sur l'etre.

Qu'en est-il maintenant des categories ? Ici la pensee de l'auteur n'est pas aussitranchee que pour les predicables et les post-predicaments. A propos des categories

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La science selon Aristote 487

cept qui opere sur d'autres concepts ou objets de pensee, mais un concept, celui desubstance, de quantite, de qualite, etc. qui opere sur des choses et des etres reels.Comme le notait jadis E. Zeller, les categories aristoteliciennes ont a la fois uncaractere ontologique et un caractere predicatif. Du point de vue predicatif ellessont une classification des significations de l'etre, du point de vue ontologique ellesconstituent une classification des realites. Et ici encore il faut maintenir la prioritede l'ontologique sur le predicatif et le logique. En somme, nous ne croyons pas avecG. Granger (p. 61) que la theorie des categories trouve son fondement dans lastructure predicative, mais dans la structure du reel que reflete par ailleurs lastructure predicative.

Le lecteur nous fera grace ici des post-predicaments. Des raisons analoguespourraient etre apportees et qui montreraient qu'ils ne sont pas des transconcepts.D'ailleurs, ils sont traites dans les chap. 10-15 des Categories qui sont tres proba-blement inauthentiques et nous ne croyons pas utile de travailler sur un ecritinauthentique pour defendre la visee fondamentale d'Aristote dans sa theorie de lapredication.Mais la theorie des transconcepts n'est pas seulement inadequate aexpliquer le probleme proprement aristotelicien de la predication, elle s'avere toutautant inadequate a expliquer les objets theoriques de la science selon Aristote.C'est ce qu'il nous reste a voir dans notre dernier point.

3. TRA N SCO NC EPTS ET OBJETS THEORIQUES

Dans la troisieme partie de l'ouvrage l'auteur fait l'analyse de ce qu'il appelle lesobjets theoriques, pratiques et poietiques de la science. Les chapitres IX et X sontconsacres au systeme des objets theoriques (p. 251-310) que l'auteur complete parun chapitre (XI) sur les demarches scientifiques. Le chapitre XII est consacre ausysteme des objets pratiques et poietiques (p. 333-364). Toute cette partie del'ouvrage s'appuie sur la classification bien connue des sciences en Met. E, 1,I025b3-io26a32 et Met. K, 7, 1063036-1064^4. On sait que dans ces passagesAristote donne une division tripartite des sciences en prenant comme critere despecification Tobjet scientifique. C'est selon ce critere de l'objet qu'il divise toutesles sciences en sciences theoriques, pratiques et poietiques (voir aussi Top. VI, 6,145315-18, VIII, 1, I57aio-n). Par ailleurs, les sciences theoriques se divisentelles-memes en physique, mathematique et metaphysique. Le systeme des objetstheoriques dans lequel intervient la theorie des transconcepts se limite done auxobjets respectifs de la physique, des mathematiques et de la metaphysique. C'est ace systeme des objets theoriques que nous aimerions consacrer notre troisiemepoint et montrer comment la theorie des transconcepts vient transformer les no-tions ontologiques fondamentales du systeme aristotelicien en notions logiques etdonner ainsi a I'ensemble du systeme une apparence toute kantienne. Mais pour

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bien faire comprendre notre point de vue, on nous permettra de reconstituer ici apartir des elements ramasses dans les chapitres II, IX, X un tableau des concepts-cadres de ce que G. Granger appelle «l'architecture de la science chez Aristote »(p.66):

Concepts vides ou transconcepts1. Transconcepts fonctionnels: concepts a contenu indetermine

a) niveau predicatif: predicables, post-predicaments, types de predicationb) niveau noematique: notions fondamentales: acte et puissance, etre en tant qu'etre,

cause, moteur, matiere.

CATEGORIESConcepts pleins ou genres2. Genres supremes:

c) niveau des objets ontologiques de la sciencePhysique: le mouvementMathematiques: la grandeur et la multiplicityMetaphysique: la substance premiere

Nous avons vu jusqu'ici la theorie des transconcepts au niveau predicatif. Nousnous proposons maintenant de l'examiner au niveau noematique. Le tableaumontre comment l'auteur concoit les objets theoriques de la science chez Aristote.Chacun de ces objets theoriques constitue un genre supreme ou encore un conceptplein en ce sens qu'il exprime la realite et l'experience. Mais selon l'auteur, Aristoteutilise pour expliquer ses objets theoriques d'autres concepts appeles par G.Granger meta-concepts ou transconcepts. Dans le cas de l'objet physique le con-cept generique est le mouvement, mais pour expliquer la nature du mouvementAristote se sert de transconcepts tels que l'acte et la puissance, la matiere, le moteuret la cause. Dans le cas de l'objet mathematique les concepts generiques sont lagrandeur (genre de la figure) et la multiplicite (genre du nombre), mais ici l'auteur nesouligne aucun transconcept specifique a l'objet mathematique. Dans le cas de laMetaphysique, le concept generique est la substance premiere tandis que lestransconcepts releves par l'auteur seraient l'etre en tant qu'etre et le premiermoteur. Comme on peut facilement le constater, les transconcepts se distinguentdes concepts par deux traits caracteristiques fondamentaux: i. ce sont des con-cepts vides ou a contenu indetermine, c'est-a-dire independants des choses, 2. ilssont applicables a 1'interieur de chacune des categories de l'etre. Ce sont, commel'exprime si bien l'auteur, des « concepts operatoires ne renvoyant a aucun etre »(p. 47) parce qu'ils operent au-dessus des genres et leur fonction est d'en expliciterla nature par le moyen de la definition et d'en faire la coordination. Notre problemeici consistera a nous demander si les notions fondamentales enumerees dans notretableau sont des transconcepts au sens indique ci-haut. Pour ce faire nous nous

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La science selon Aristote 489

occuperons de l'objet physique puisque c'est surtout a propos de lui que l'auteuranalyse les transconcepts. Mais nous verrons que les transconcepts de l'objetphysique peuvent etre simultanement les transconcepts de l'objet metaphysique,puisqu'il s'agit des notions fondamentales du systeme aristotelicien.

La these fondamentale de l'auteur est que l'objet de la science physique chezAristote est le mouvement (p. 256-266). Par ailleurs, le mouvement en tant queconcept fondamental de la physique n'est pas un transconcept (p. 260). Cettederniere affirmation vient jeter une certaine ambigu'ite sur la theorie des transcon-cepts et montre la difficulte de departager a l'interieur du systeme aristotelicien lesnotions qui appartiennent a la classe des concepts et celles qui appartiennent a laclasse des transconcepts. En effet, on a vu que les post-predicaments sont dans laclasse des transconcepts (p. 51-57). Or le mouvement est un post-predicament(Cat. 14). Par consequent on devrait s'attendre a ce qu'il soit classifie parmi lestransconcepts. Certes, dans un univers aussi formaliste que celui dans lequell'auteur nous introduit on pourrait repondre ici a la contradiction en distinguant leniveau predicatif et le niveau noematique. Mais les raisons pour lesquelles l'auteursoutient que le mouvement n'est pas un transconcept pourraient aussi bien valoirpour les predicables, les categories et les post-predicaments. En effet, la premiereraison consiste a dire qu' «il n'y a pas de mouvement en dehors des choses(pragmata) (Phys. Ill, 1, 2oob32) (p. 260). Nous avons montre plus haut qu'il n'y apas egalement de predicables ni de categories en dehors des pragmata et que lastructure des noemata a l'interieur de la predication reflete la structure du rapportreel entre les choses de sorte que pour Aristote il y a dans la predication une prioritede l'ontologique sur le logique. La seconde raison est qu'il ne saurait y avoir« mouvement de mouvement»(Phys. V, 2,225bi5) (p. 260). De meme il ne saurait yavoir substance de substance ni essence d'une essence, etc. Les raisons pourlesquelles le mouvement est un genre et non pas un transconcept pourraient doneaussi valoir pour soutenir que les predicables et les categories sont des genres et nonpas des transconcepts. Par ailleurs, un texte d'Aristote vient brouiller la distinctionde l'auteur entre transconcepts et concepts. Voici ce que dit Aristote a propos dumouvement en Met. K, 9, io65b7-9: « En effet, il n'existe pas de mouvement endehors des choses, car le changement s'effectue toujours selon les categories del'Etre, et il n'y a pas de genre commun a ces sujets de changement qui ne soit dansune categorie determinee. Par consequent il y a autant d'especes de mouvement etde changement que d'especes de l'Etre » (bi3-i4). Selon les criteres de l'auteur, lapremiere partie du texte permet de ranger le mouvement dans la classe des genresou des concepts pleins parce que relies aux choses tandis que la seconde partie dumeme texte permettrait de ranger le mouvement dans la classe des transconceptsparce que le mouvement s'applique a diverses categories de l'Etre. Cet exemplemontre comment le partage des notions aristoteliciennes en genres ou concepts et

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490 YvonLafrance

en transconcepts peut preter a l'arbitraire lorsqu'il s'agit de determiner avec preci-sions si telle notion appartient a l'une ou a l'autre classe de concepts.

Au-dessus de l'objet de la physique considere comme un genre et identifie aumouvement se situent les transconcepts, c'est-a-dire ces concepts vides qui operentsur les concepts de la physique. Les notions aristoteliciennes identifies ici parl'auteur sont: i. l'acte et la puissance (p. 258-260), 2. la matiere (p. 268-269), 3- ' e

moteur (p. 278-279) 4. la cause (p. 282-283), 5- l'etre en tant qu'etre (p. 294). II nesaurait etre question de considerer ici separement chacun de ces transconcepts.Mais nous aimerions plutot les considerer en bloc et soumettre deux reserves auxtheses de l'auteur a leur sujet.

L'auteur ecrit en p. 258 a propos de l'acte et de la puissance: « Ce sont, si notreinterpretation est correcte, des instruments meta-theoriques pour la description del'etre au moyen du langage, et ils relevent de la couche la plus profonde de Factivitedialectique. » Cette affirmation de l'auteur laisse entendre que les transconceptsrelevent d'une activite dialectique de sorte que la science de la physique serait atoutes fins pratiques subordonnee a une dialectique de la physique. Cette vue sur lestransconcepts renverse, a notre avis, le rapport entre la science et la dialectique al'interieur du systeme aristotelicien. (Voir aussi de l'auteur Langages etEpistemologie, 1979, p. 89-90). En effet, si nous nous reportons aux Topiques, I,iooa27-b23 la difference entre science et dialectique ne vient pas du fait que lascience porte sur des concepts pleins tandis que la dialectique porte sur desconcepts vides. Aristote distingue a cet endroit entre un syllogisme demonstratif,un syllogisme dialectique et un syllogisme eristique. Le syllogisme demonstratif estforme a partir de propositions vraies et premieres, le syllogisme dialectique a partird'opinions reellement admises par la plupart tandis que le syllogisme eristique estforme a partir d'opinion apparemment admises par la plupart. Mais il nous ap-paraitrait difficile de montrer que les opinions sur lesquelles travaille la dialectiquesont des concepts vides sans aucun rapport avec les choses. Le critere de distinc-tion ici n'est pas le plein et le vide, mais le vrai et le probable. Certes, on pourraittrouver quelque ressemblance entre cette these de G. Granger et celle de P.Aubenque a 1'effet que la metaphysique aristotelicienne ne reussit pas a se con-stituer en veritable science et qu'elle demeure une problematique (Le Probleme deI'Etre chez Aristote, 4e ed., 1977, p. 412-484), ce qui semblerait equivaloir a donnera la science de la physique un fondemerit dialectique. Mais il faut noter quel'equivalence des affirmations s'etablit a partir de deux points de vue radicalementdifferents. Pour P. Aubenque si la metaphysique est problematique et si lademarche d'Aristote ressemble davantage a une demarche dialectique qu'a unedemarche proprement scientifique, ce n'est pas parce que celle-ci porte sur desconcepts vides, mais au contraire parce qu'elle porte sur des concepts trop pleins,c'est-a-dire sur les ambigui'tes inextricables du concept d'etre. L'etre renvoie, eneffet, a trop de choses disparates pour se preter a un sens univoque dans le cadre de

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la predication. Et ce manque d'univocite du concept d'etre empeche toute proposi-tion qui voudrait l'exprimer de passer du niveau purement opinatif au niveauscientifique de la certitude inebranlable. Par consequent, a l'interieur du systemearistotelicien du savoir, la dialectique n'est pas cette etape demiere que Ton atteinta travers la science, mais c'est plutot celle-ci qui constitue l'etape demiere du savoirque Ton atteint en depassant le stade de la dialectique.

La seconde remarque que nous aimerions faire a propos de cette theorie destransconcepts touche a la perspective generate qu'elle donne au systeme aristoteli-cien. On aura surement remarque une affinite entre les Idees « a priori» de la raisonpure chez Kant et les transconcepts aristoteliciens tels que decrits dans l'ouvragede G. Granger. Dans les deux cas il s'agit de concepts operatoires ne renvoyant aaucun etre et qui jouent dans le systeme de la connaissance un role regulateur parrapport a d'autres concepts. Mais nous nous devons de faire observer ici que lesnotions fondamentales du systeme aristotelicien ne peuvent pas etre considerees nicomme des transconcepts ni comme des Idees « a priori» kantiennes. Et cela pourdeux raisons. La premiere est que ces notions sont obtenues par induction comme ledit si bien Aristote: « La notion d'acte que nous proposons peut etre elucidee parl'induction, a l'aide d'exemples particuliers, sans qu'on doive chercher a toutdefinir, mais en se contentant d'apercevoir l'analogie: 1'acte sera alors commel'etre qui batit est a l'etre qui a la faculte de batir, l'etre eveille a l'etre qui dort, l'etrequi voit a celui qui a les yeux fermes mais possede la vue, ce qui a ete separe de lamatiere a la matiere, ce qui est elabore a ce qui n'est pas elabore. Donnons le nomd'acte au premier membre de ces diverses relations, l'autre membre, c'est lapuissance » (Met., 9, 6, iO48a35-b6), La seconde raison est que, contrairement aKant, le sujet connaissant, selon Aristote, possede une faculte intellective active etpassive reliee aux sensibles par l'intermediaire des sensibles communs de sorte querien ne se trouve dans l'esprit qu'il n'ait d'abord passe par la sensation. Ainsi il n'y apas de place dans le systeme aristotelicien du savoir pour des concepts vides sansaucun rapport a l'experience (De An. Ill, 2, 4-8). En presentant les notionsfondamentales du systeme aristotelicien comme des transconcepts, G. Granger estbien pres de fournir une base toute kantienne au systeme aristotelicien. Et celarisque d'en modifier la perspective fondamentale en situant la philosophic aris-totelicienne parmi les grands systemes de l'idealisme philosophique.

En terminant cette critique du savant ouvrage de G. Granger nous ne pouvonsnier avoir ete aux prises avec un certain scrupule tout au cours de cette redaction.Le devoir de toute critique n'est-il pas de comprendre la pensee d'un auteur sans ladeformer ? Aussi pourrait-on nous objecter que nous avons fait constamment appelau contenu de la pensee d'Aristote pour critiquer une interpretation meta-linguistique ou meta-conceptuelle dont la caracteristique fondamentale est de faireabstraction du contenu de la doctrine aristotelicienne. A ceci nous repondrions parune distinction. Si l'ouvrage que nous venons d'analyser en partie est construit sur

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un formalisme strict et absolument pur de tout contenu aristotelicien, alors l'auteurse place dans une forteresse inexpugnable et on ne peut rien en dire. II n'y a plus decritere pour decider si ce metalangage est vrai ou faux si ce n'est l'usage d'unmeta-meta-langage et cela ad infinitum. De plus, si Ton s'en tient a ce formalismestrict et absolument pur de tout contenu, en quoi pourrait-il mieux expliquer lesysteme aristotelicien du savoir plutot que tout autre systeme ? Puisque l'auteurutilise le langage d'Aristote et les textes aristoteliciens, il nous a semble legitimed'interpreter son ouvrage comme un formalisme mitige qui construit un metalan-gage sur le langage d'Aristote et qui, par consequent, peut difficilement fairetotalement abstraction de son contenu comme il est possible de le faire dans lesoperations de logique. Tout au cours de notre lecture de l'ouvrage nous avons eul'impression de travailler a la fois sur le langage d'Aristote et sur le meta-langage del'interprete. Notre seul souci dans nos propos a ete de montrer que les significationsdu langage d'Aristote ne sont pas reproduites au niveau du meta-langage de l'inter-prete. Si nous sommes pret a considerer avec l'auteur la pensee d'Aristote commeun systeme symbolique, nous demeurons plus reticent lorsqu'il s'agit d'analyser cesymbolisme en le reduisant a un symbolisme formel ou logico-mathematique oumeme artificiel. II nous semble que l'etude des regies semantiques et syntaxiques nesuffit pas a expliquer le sens d'un systeme philosophique qui s'apparente davantageaux langues naturelles qu'au symbolisme formel par son intention de communica-tion d'une vision des choses. C'est pourquoi nous ne croyons pas que l'ouvrage deG. Granger puisse etre de quelque utilite pour l'historien d'Aristote ni pour celuiquiveut comprendre les visees fondamentales de cette philosophic Le climat aussibien que la verite de l'ceuvre ont completement echappe a l'auteur. Par ailleurs,ceux qui aiment les exercices de formalisation de la pensee y trouveront leur profitpourvu qu'ils ne s'interessent pas a la pensee d'Aristote. A ce titre nous pourrionsleur conseiller le premier chapitre de l'ouvrage qui constitue, a notre avis, unmodeledu genre.

WON LAFRANCE

Laboratoire de recherches sur la pensee antiqueUniversite d'Ottawa

COMPTE-RENDU CRITIQUE DE « LESREVOLUTIONS DU SAVOIR » par Serge Robert,Editions du Preambule, 1979.

Tres ambitieuse, l'entreprise epistemologique exposee dans ce livre « est generateet non regionale, descriptive plutot que normative, decrit le savoir par des modeles