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La Theorie Cest Pratique

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Théorie du lancer de dé dans le JDR

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  • A COMMENCE ICI

    Mention lgale importante :Si vous souhaitez partager cet ebook, nous vous encourageons mere un lien vers

    la page de notre site (ptgptb.free.fr) plutt que de le pomper honteusement.En eet, tous les textes contenus dans cet ebook demeurent la proprit de leur(s)auteur(s) et de PTGPTB (version franaise). Toute reproduction de texte en dehors decet ebook et qui dpasse la longueur raisonnable dune citation (cest--dire, en rglegnrale, un ou deux paragraphes) est donc strictement interdite.Si vous reproduisez une grande partie ou la totalit du texte de cet ebook sanslautorisation crite de PTGPTB (version franaise), et que vous diusez ladite copiepubliquement (sites Web, blogs, forums, imprims, etc.), vous reconnaissez que vouscommeez dlibrment une violation des lois sur le droit dauteur, cest--dire un acteillgal passible de poursuites judiciaires.

  • DITO

    Bonjour tous,

    Il y a un truc que jaimerais vous avouer : la thorie et moi, a fait deux. Je veux dire,je nai jamais aim les discours pompeux et jargonnants qui ne font que rinventerleau tide. Alors forcment, raliser un ebook sur la thorie rliste, vous imaginez bienque ce ntait pas forcment ma tasse de th.

    Seulement, Places to go, People to be est un site rput pour ses articles de fond et quidit articles de fond dit, un moment ou un autre, thorie. On peut repousser lchancede nombreuses fois mais il vient un moment o il faut bien se frotter la bte.

    Vous avez donc sous les yeux notre quatrime ebook, consacr la thorie.Seulement, notre but nest pas ici de vous faire fuir (rassurez-vous, on a dautres armespour a) mais de vous faire comprendre que, parfois, la thorie peut avoir du bon (si, si).Ce livre numrique a donc pour objectif daborder les principales notions de thorierliste mais avec des articles clairs et accessibles. Bref, tout le contraire du pompeux etjargonnant mentionn plus haut.

    Vous retrouverez donc les trois orie 101 , dexcellents articles de Mark J. Young,qui abordent clairement et naturellement des notions comme le fait que nouspartagions tous un imaginaire commun, que le contrle de lhistoire ne se trouve pastoujours o lon croit et que nos aentes de joueurs obissent trois grandestendances. John H. Kim viendra ensuite votre aide car, il faut bien le reconnatre,Mark sest montr assez ou sur lune de ces tendances. John se chargera donc deresituer ce fameux modle thorique via une petite FAQ avant de clarifier les termesqui doivent l'tre. Enn, parce que la thorie nest jamais aussi utile que lorsquelle estapplique, Mark nous fera le plaisir de vous expliquer en quoi elle peut vous permerede crer de meilleurs jeux de rles.

    Nous esprons que vous prendrez plaisir lire ces quelques articles et voussouhaitons une bonne lecture.

    Benoit Huot,rdacteur en chef de la division ebook

    P.S. : Si vous avez des remarques ou suggestions concernant cet ebook et les autres (lesprcdents, les suivants), une seule adresse : [email protected].

  • THORIE 101 1RE PARTIE : LE SYSTME ETLESPACE IMAGINAIRE COMMUN

    M.J. Young 2005

    Un article de M.J. Young, tir de PTGPTB n26 (mars 2005), et traduit par Pierre Carmody

    Comment les jeux de rles fonctionnent rellementIl ny a pas trs longtemps, sur une liste de diusion que jefrquente, quelquun chercha les embrouilles en armant quilfaisait du jeu sans rgles et quainsi, il nutilisait aucun systmedu tout. Jai ragi de faon assez vigoureuse, expliquant avecquelques dtails ce quest un systme et ce quil fait, et pourquoi lejeu de rle sans rgles utilise tout autant du systme quenimporte quel autre JdR, que ce soit Theatrix, Fudge ou Rolemaster.

    elquun dautre intervint sur cee liste en disant que mes explications relatives aufonctionnement du jeu de rle lui semblaient plutt dprimantes et enlevaientbeaucoup lamusement.

    Je ny avais jamais pens. Certaines personnes ne veulent vraiment pas savoir ce quifait marcher les jeux de rles ; elles veulent juste jouer et samuser. Cest comme voirce qui se passe en coulisses. Tout le monde na pas envie de savoir comment unprestidigitateur effectue ses tours de magie.

    Je peux comprendre a, dune certaine manire. Le Choc des titans (1) est une aventureextraordinaire pour celui qui na aucune ide de la manire dont le lm a t ralis.Comprendre comment Ray Harryhausen a utilis la technique du stop-action avec sesmaquees peut sembler fascinant certains dentre nous, mais cela supprimecertainement quelque peu cet eroi ml de respect, lorsquon ne voit plus ceenorme Gorgone slever des profondeurs, mais une maquee de 30 centimtres ensurimpression sur lcran.

    De la mme manire, certaines personnes adorent regarder sous le capot etcomprendre ce quelles font et comment elles y arrivent lorsquelles jouent, alors quedautres veulent juste proter du voyage et rigoler un bon coup. Si vous voulez raliserun lm, vous aurez probablement besoin de comprendre comment de telles choses sontfaites ; si vous ne voulez quapprcier le spectacle, il pourrait alors tre plus amusant dene voir que le produit ni sans savoir comment il fut conu. De mme, pour certainespersonnes, comprendre comment fonctionne fondamentalement un jeu de rle peutinterfrer avec le plaisir dy jouer, mais cest absolument ncessaire pour savoircomment les crer.

    Si vous ne voulez pas savoir comment les jeux de rles fonctionnent rellement, il esttemps darrter votre lecture. Il ny a absolument pas de honte ne pas vouloir

  • connatre la thorie, vouloir regarder le magicien scier la femme en deux sans avoiraucune ide de comment lillusion fonctionne. Nous allons regarder en coulissescomment ces choses sont faites, et pourquoi elles fonctionnent de cee manire. Si avous intresse, continuez lire.

    lheure actuelle (mars 2005), une grande partie des thories les plus pertinentes surle jeu de rle sont labores sur un site internet appel The Forge. Les crateurs de jeuxprsents construisent leur travail partir de celui des autres, et les thoriciens dailleurscomme ceux dEurope du nord de lcole Turku des Crateurs de Jeu de Rle GrandeurNature (ptgptb) y ont trouv leur voie en participant ces discussions. Le travail thoriqueest pouss par la conviction quune meilleure comprhension de la thorie produira demeilleurs JdR. La plupart de ce qui sera prsent dans cee srie darticles provient del-bas ou y fut dvelopp.

    Le concept qui a merg comme tant probablement le dnominateur commun et lesigne distinctif des jeux de rles est celui dEspace Imaginaire Commun. Ensubstance, chaque groupe de joueurs fait un eort pour se gurer les mmesvnements se droulant dans le mme univers imaginaire. Bien entendu, il existequelques carts entre les visions individuelles de lunivers imaginaire mais danslensemble, le jeu peut continuer car il existe une comprhension partage de ce qui seproduit, un accord commun concernant les vnements de la partie.

    Parfois, des gens meent en doute lexistence relle de cet espace imaginairecommun. Le moyen le plus simple de sassurer quil en ainsi est dexaminer ce quil enserait autrement :

    Soudain, le personnage de Bob essaye de dgainer plus vite que Dan-regard-de-la-mort-qui-tue dans les rues de Laredo, tandis quAnne tente de sortir sonvaisseau spatial dun champ dastrodes et quelle appelle Bob pour quil viselennemi qui lui colle aux fesses, pendant que Jim voit tout ce beau mondeattaquer un dragon.

    Alors que tout a commence ressembler un peu une partie de Multiverser (2), le faitest que mme dans Multiverser, il existe un espace imaginaire commun, un ensembleconvenu dvnements, dlments de lunivers, et dactions des personnages quiinteragissent entre eux, bien que frquemment des niveaux dirents. Sil ny a pascette convention, alors nous ne jouons pas vraiment ensemble.

    La manire dont nous arrivons cet accord tacite est au cur du concept desystme. On aribue Vincent Baker, auteur de JdR aussi novateurs que Kill Puppiesfor Satan, Dogs in the Vineyard, Animals at Night, et Matchmaker, la premireidentication et formulation de ce qui fut appel le Principe de Lumpley : le systmeest le moyen par lequel chaque groupe de joueurs arrive un accord sur le contenu delespace imaginaire commun.

    Ce principe est la raison pour laquelle le jeu de rle sans rgles et Rolemaster ont en

  • n de compte la mme quantit de systme. En jeu, quelquun la table fait unedclaration, le systme est alors appliqu par les cerveaux des participants, et unconsensus est aeint sur comment ceci a chang le contenu de ce qui est imagin.Comment cela se produit dire dans les dtails selon que le jeu possde desmcaniques compliques tel Rolemaster, ou quil soit un jeu de rle sans rgles rgl demanire compltement sociale (une dirente forme de complexit), mais au fond cestla mme chose.

    Fondamentalement, le systme rpartit la crdibilit. Ce qui signie quil fournit auxparticipants les moyens ncessaires destimer qui a le droit de dclarer quoi propos delespace imaginaire commun, et qui nen a pas le droit.

    Par exemple, dans les JdR traditionnels, les participants que nous avons tendance appeler les joueurs (ou les personnages-joueurs, dans un souci de clart) possdent lacrdibilit de dire ce que leur personnage entreprend et ce quil dit. Le seul joueurresponsable de tout le reste, que nous appellerons ici le meneur, mais qui portedautres noms dans beaucoup de JdR, a la crdibilit de dcider de la russite ou delchec de leurs actions et de leurs consquences, des actions des antagonistes et desennemis, de la condition gnrale et de la situation du monde.

    Nous appelons ceci crdibilit car nous acceptons tous les dclarations de cesparticipants si celles-ci sont prononces dans la mesure de ce concept.Nous croyons que ce quun joueur dit de son personnage est vrai par le biais de limageque nous partageons, et que ce que le meneur dit de tout le reste est vrai. Ce sont ainsides dclarations crdibles. Bien quil existe des exceptions mme dans les jeuxtraditionnels, les limites de la crdibilit suivent ces lignes de trs prs. Un joueur nepourrait pas dire Je vois soudain ma droite une porte que je navais pas remarqueavant et, la trouvant dverrouille, je my prcipite pour tre en sret.

    De mme, un meneur ne pourrait pas normalement dire Ton personnage tire sonpe et charge le vnrable et titanesque dragon rouge. Un personnage-joueur quiannoncerait la prsence dune porte serait ignor dans la majeure partie des cas,puisquil ne possde pas la crdibilit dinsrer de telles portes dans le mondeimaginaire commun. Un meneur peut parfois sen sortir en faisant des dclarations surles actions des personnages-joueurs, mais les joueurs aendront de lui quil ait unebonne raison de prtendre la crdibilit deectuer une telle dclaration dans cescirconstances et, pour cee raison, cee armation sera ouvertement conteste dansde nombreux groupes.

    Une fois que ceci est compris, il devient possible de changer la faon dont est rpartiela crdibilit. Par exemple, Universalis limine entirement le meneur et fournit laplace un systme de ressources par lequel les joueurs enchrissent pour contrler cequi se passe. De nombreux autres jeux de rles indpendants permettent aux joueurs decrer des problmes pour eux-mmes et les uns pour les autres.

    En corollaire, il est clair que le meneur est un des joueurs. Son rle dans la partie estdirent de celui des autres, mais cest un rle qui peut tre dni de beaucoup demanires direntes par les rgles du jeu. Changer ce que le meneur fait, distribuer de

  • diverses faons les aspects de cee crdibilit, a men beaucoup didesrvolutionnaires dans la cration de jeux de rles. Nous voyons galement que jouer un JdR est une activit essentiellement sociale, entirement btie sur la dnition desrelations entre les membres dun groupe an quils sachent quoi croire de ce que disentles autres et ce quils ont eux-mmes le droit dexprimer.

    Ainsi, un systme de jeu de rle est un ensemble de modications spciques ducontrat social dun groupe damis, une sorte de rituel dans lequel ils sengagent, et dontla fonction spcique est de crer cet objet dimagination commun. Cest une faon dese lier les uns aux autres dans ce but.

    En tentant de classer direntes manires de distribuer la crdibilit, Ron Edwards aavanc le concept de Posture. Auteur de nombreux jeux parmi lesquels Sorcerer,Trollbabe, et Elfs sont les plus connus, le professeur Edwards a obtenu le Diana JonesAward pour ses contributions la cration du jeu de rle. La Posture se rre auxrelations entre le joueur, son personnage et le reste de lespace imaginaire commun, etfournit des catgories gnrales lintrieur desquelles des spcicits peuvent varierselon le jeu ou le groupe. Les quatre postures majeures sont le marionnettiste, lacteur,lauteur et le metteur en scne.

    La posture du marionnettiste est plutt simple comprendre. Le personnage estun jeton quutilise le joueur pour agir lintrieur du monde de jeu. Comme une picede Monopoly ou de Trivial Pursuit, tout le monde se che de savoir si les actions dupersonnage sont senses. Ce qui compte est que le personnage fasse dans lunivers dejeu ce que veut le joueur.

    La posture dacteur reprsente lapproche du monde par le biais exclusif dupersonnage, mais aussi uniquement par le biais de ses dsirs et de sa personnalit. Ceeapproche de jeu fait dpendre beaucoup de choses de ce que le joueur croit que sonpersonnage ferait en vrai, sil tait une personne relle dans cee situation, et esttroitement associe aux concepts que la plupart des gens appellent immersion. Laposture dacteur dcoule des perceptions et penses affectes au personnage, et limite lacrdibilit du joueur de contrler ce personnage et limpact que le PJ peut avoir dunefaon raliste sur le monde.

    La posture dauteur est en quelque sorte une fusion complexe entre acteur etmarionneiste. Dans ce cas, le joueur contrle encore uniquement le personnage ;cependant, il lui est permis, et on aend mme du joueur, quil utilise ses propresconnaissances et dsirs pour tablir les dcisions de son personnage, tout en donnanten mme temps une justification la raison qui a pouss le personnage agir ainsi.

    Par exemple, soit un PJ guerrier grossier et imptueux toujours ml des bagarres ;soudain le joueur dcide quil veut que le cours de la partie volue vers une allianceentre ce guerrier et un noble non-joueur. Ainsi, lorsque les personnages se rencontrent,le personnage dcide de ne pas se battre mme si tout le monde stait attendu ce quille fasse. Le joueur justie son acte en dclarant que son personnage fut pour une foisimpressionn par quelquun avec un comportement noble, ou que le personnage tombasoudain amoureux de ladorable fille du Duc, et quil ntait plus le mme ce moment.

  • Ce qui importe ici est que le joueur permee ses propres connaissances et dsirs decontrler la direction que prend lhistoire, mais fasse cela en gardant la mainmise surson personnage et en crant des raisons expliquant pourquoi le personnage a suivi lebon vouloir du joueur. Cest donc similaire la posture dacteur, dans la mesure o lejoueur ne contrle que son personnage et neectue son action que dune faon prserver lintgrit de ce dernier, mais aussi comme la posture de marionneiste,puisque le joueur utilise son personnage pour accomplir les objectifs du joueur et nonceux du personnage, sils diffrent.

    La posture du metteur en scne est assez simple comprendre mais choquante accepter pour la majorit de joueurs. Cela signie que les joueurs possdent lacrdibilit de crer des parties de lespace imaginaire commun qui sont normalement endehors du contrle de leur personnage. De fait, cela donne aux joueurs une grosse partde crdibilit traditionnellement rserve au meneur. Pourtant, cest quelque chose quepresque chaque rliste a un jour utilis, dans une certaine mesure.

    Imaginez un instant quun personnage-joueur vienne dentrer dans une pice.Le meneur dclare que a ressemble une chambre de femme. Le joueur ditalors que son PJ se dirige vers la table de toilee pour examiner les petits objetsqui y sont disposs. Notez que le meneur na jamais dclar quil y avait unetable de toilee ou que quelque chose tait pos dessus ; le joueur a supposquune chambre coucher de femme aurait une table de toilee et que sur cemeuble, on aurait dispos quelque chose de dcoratif. Il avance alors lassertionque de telles choses existent et demande plus dinformations leur sujet.

    Ceci est un exemple trs limit de la posture de meeur en scne. La majoritdes JdR donnent assez de crdibilit au joueur pour quil puisse produire detelles armations. Si le joueur ne possdait pas cee crdibilit, il aurait ddemander sil y avait une table de toilee, si quelque chose tait pos dessus, etpeut-tre sil ny avait rien lempchant daller y jeter un coup dil de plusprs ; aendant chaque fois la conrmation du meneur, qui est la seulepersonne possdant la crdibilit dajouter de tels lments dans lespaceimaginaire commun.

    Si on allait vers lautre extrme, un joueur avec davantage de crdibilitaurait arm quil ouvrait le tiroir du haut, quil fouillait les sous-vtements dela dame et trouvait un petit paquet emballant une correspondance qui pourraitbien tre des leres damour, et quil empoche pour un examen ultrieur. nouveau, rien de tout cela ne fait partie des dclarations du meneur quant aucontenu de la chambre, mais un joueur peut avoir assez de crdibilit pour crerces lments, puisquils sont cohrents avec ce qui est donn.

    Avec susamment de crdibilit, un joueur pourrait crer la porte latrale parlaquelle son perso fuirait. Cest le concept de la posture du metteur en scne.Les meneurs le font tout le temps, mais il nexiste aucune raison inhrente pour que les

  • joueurs ne puissent pas le faire.

    Il faut signaler quil nexiste pas de posture juste ou fausse, pas de manire de jouermeilleure ou de pire. Il nexiste que des prfrences individuelles sur comment faire leschoses, et des considrations pratiques sur comment faire fonctionner chaque partieparticulire. Toutes ces postures sont de bons choix pour certains types de jeux derles. Cela peut ou pas tre un type de jeu que vous apprcieriez, mais des gens aimentbien jouer des JdR qui incluent ces diffrentes aspects.

    Bien entendu, si le systme est la base de la rpartition de la crdibilit, que sontalors les rgles ? Est-ce que la fourne dune douzaine de bouquins des Rgles Avancesde Donjons & Dragons est compltement inutile ? Est-ce quil nexiste aucune direnceentre Aftermath et Ambre le jeu de rle sans d ? Est-ce que ceux qui travaillent crer de nouveaux JdR gaspillent leurs eorts vu que les rgles du bouquin ne sont pasle systme ?

    La relation entre les rgles et le systme a mis un peu de temps tre dveloppe, etest dicile comprendre. Les rgles font autorit, ou peut-tre de faon plus prcise,sont des autorits. Elles sont des autorits dans le mme sens que le droitjurisprudentiel est une autorit dans les tribunaux, ou que les critures sont desautorits pour la religion : les personnes impliques sy rrent et les invoquent poursoutenir leurs dclarations et ce faisant, renforcent la crdibilit de celles-ci.

    Ainsi par exemple, un joueur incarnant un rdeur Donjons & Dragons pourrait direque son personnage va utiliser sa capacit de pistage pour identier la direction quaprise ladversaire. Ceci sera probablement accept car faisant partie de la crdibilit dujoueur. Cependant, si le meneur ne savait pas que le rdeur possdait cee comptence,le joueur pourrait montrer la section des rgles dans laquelle le pistage est prsent etexpliqu et donner ainsi de la crdibilit laction quil a dclare.

    Notez que les rgles ne possdent pas de crdibilit. Elles ne peuvent pas dclarerquelque chose par elles-mmes, mais doivent tre cites par une personne possdant dela crdibilit. i plus est, lautorit des rgles est soumise la crdibilit des personnesimpliques dans la partie. Un rdeur peut-il pister les traces de quelquun au fond de lamer ? elquun possde la crdibilit pour savoir si les rgles sappliquent et commentelles doivent tre comprises. Il peut exister une rgle quelque part dans les livres quitraite de cee situation, mais si personne ne lutilise, elle ne fait pas partie du systme,car elle ninfluence pas ce qui est mutuellement imagin.

    Une fois que nous reconnaissons que les rgles sont des autorits utilises poursoutenir la crdibilit des dclarations faites par les gens, il ny a quun pas pour serendre compte que tout le reste en dehors de leur esprit et de leurs dclarations est aumieux une autre autorit.

    Les ds ne font pas partie du systme, mais sont plutt une autorit laquellequelquun fait appel pour dterminer un rsultat. un meneur puisse ignorer ou nonles ds fait partie du systme ; que les joueurs puissent le forcer tenir compte dursultat des ds fait partie du systme ; mais en utilisant le d, nous faisons appel lautorit du d. Ceci sapplique galement aux diagrammes et aux tableaux, aux feuilles

  • de personnages, aux descriptions du monde, aux scnarios et supplments, et toute lasomme des autres supports dinformation que nous utilisons en cours de partie. Nousutilisons le vritable systme du jeu chaque fois que nous dcidons de ce qui seproduit dans notre ralit imaginaire ; si nous utilisons un d, ou un tableau, ou desscores de caractristiques, nous faisons appel une autorit pour soutenir cesdcisions ; mais cest toujours encore nous en tant que participants qui dcidons.

    Pour nir, un jeu de rle est une conversation entre un groupe de personnes ocelles-ci dcrivent les unes aux autres certains vnements imaginaires quelles crentau fur et mesure quelles les dcrivent. Tout le reste que nous voyons comme partieintgrante du JdR existe pour soutenir cee activit, et pour dterminer quellesdclarations sur ce qui se passe seront acceptes par tous.

    Si votre raction cela est, cest tout ? : toutes mes condolances. Dans un sens, oui,cest tout. Pourtant, cest le plus puissant des secrets de la cration de JdR parmi ceuxqui ont t rvls jusqu prsent, et selon le degr o vous pouvez comprendre,consolider et exploiter ce concept central, vous pouvez crer ou jouer un JdRformidable.

    Article original : Theory 101: System and the Shared Imagined Space

    (1) NdT : Le Choc des titans (VO : Clash of the Titans) est un peplum avec des divinits grecques, ralis parDesmond Davis en 1981, clbre pour ses trucages et ses maquillages. [Retour](2) NdT : Multiverser est un jeu de rle multi-univers de lauteur, publi par Valdron Inc. Les PJ pouvant sedplacer dune dimension lautre, les rgles de la ralit peuvent changer et dterminent ce qui est possible ounon dans cette dimension. [Retour]

  • THORIE 101 2E PARTIE : LE TRUCIMPOSSIBLE AVANT LE PETIT DJ

    2005 M.J. Young

    Un article de M.J. Young, tir de PTGPTB n27 (juin 2005), et traduit par Pierre Carmody

    Qui a le contrle de lhistoire ?Il y a une ide gravitant autour du jeu de rle, qui na plus tremise en cause depuis trs longtemps. Les livres de rgles denombreux JdR ont dcrit une approche que nous tenons presquepour allant de soi. Seulement, si nous nous arrtions pour yrchir, nous remarquerions presque certainement que ce en quoinous avions cru tait intrinsquement contradictoire, impossibledans son essence.

    La plupart des lecteurs seront daccord pour dire que dans un jeu de rle, larbitre, ouMatre du Jeu, a habituellement le contrle complet de lhistoire, et que les joueurs ontun contrle complet de leurs personnages, qui sont les personnages principaux delhistoire. De mmoire dhomme, Ron Edwards a t la premire personne signaler leproblme dans cee ide. Si une personne a le contrle total des personnagesprincipaux de lhistoire, comment quelquun dautre peut-il contrler lhistoire ? Onpourrait croire que lhistoire doit tourner autour des actes des personnages principaux.Si les joueurs possdent le contrle complet des actions de leur personnage, alors lemeneur de jeu ne peut pas avoir le contrle de lhistoire ; inversement, si le meneur a lecontrle complet de lhistoire, alors les joueurs nont pas vraiment le contrle desactions de leurs personnages.

    Bien que Ron Edwards ait cr pas mal de jeux de rles, et particulirement Sorcerer,Trollbabe, et Elfs, et quil ait reu le prix Diana Jones Award pour ses contributions aujeu de rle, il est probablement plus connu pour [l'analyse] qui est populairementappele le LNS [Abrviation pour Ludisme, Narrativisme, et Simulationisme traduitesur PTGPTB(v)]. Bien que ceci soit trs important dans la thorie du jeu de rle, celaest hors du sujet de cet article ; en fait, ce nest quune petite partie du travail personneldu Professeur Edwards, bien que cela ait t la partie la plus dbattue.

    Il est probable que ce conit, qui a t surnomm Le Truc Impossible Avant Le Petitdj, ne vous apparaisse pas comme posant un problme. La plupart des rlistesrpondent que ce paradoxe disparat si on le replace dans son contexte. Chaque groupede jeu fonctionnel a trouv un moyen de rsoudre le conit, et la plupart des rlistesvous diront avec joie ce que cee dnition [Le matre du jeu a le contrle complet delhistoire, et les joueurs ont un contrle complet de leurs personnages, qui sont lespersonnages principaux de lhistoire] signie vraiment. Le problme est que ce que ladnition signie vraiment dpend entirement de la personne qui vous posez la

  • question.

    Il y a au moins quatre faons de rconcilier ces deux concepts. Ils sont exprims enstyles de jeu, plus spciquement en style de matrise, selon la manire dont les matresde jeu mnent leurs parties et comment les joueurs y ragissent. Les quatre mthodesne sont pas entirement compatibles entre elles, au point que des joueurs transplantsdun groupe qui utilise une mthode un groupe qui en utilise une autre pourraientprouver des difficults jouer, car ils ne comprendraient pas ce quon attend deux.

    Notre hobby gagnerait beaucoup clarier cee situation. Malheureusement, lesditeurs importants sont jusqu un certain degr dans un dilemme. Sils devaientnoncer quelles approches ils avaient initialement imagin pour leur jeu, ilssalineraient sans aucun doute la base de leurs joueurs (aucune approche de ladnition ne reprsente la majorit des joueurs). De plus, cause de la confusion quiexiste depuis si longtemps, beaucoup de livres de rgles et de supplments pour des JdRdimportance ont utilis direntes approches des endroits dirents. Un jeu de rlepeut illustrer une approche dans son systme de rgles mais utiliser une approchedirente dans ses supplments, sans indiquer que cela est dirent. Heureusement,des diteurs et thoriciens indpendants posent le problme par le biais de nouveauxJdR qui reconnaissent la ncessit de clarier plus prcisment cee distribution de lacrdibilit.

    Le premier style courant de matrise est connu sous le nom dillusionnisme. Pourdes raisons qui devraient devenir videntes, ce style est gnralement peru commenon fonctionnel. Le meneur illusionniste prend au pied de la lere lnonc selon lequelil a le contrle complet de lhistoire, et justement, il contrle lhistoire compltement.Peu importe ce que font les joueurs, il adapte et les contre au mieux de ses capacitsafin de pouvoir raconter son histoire, sans jamais avouer ce quil est en train de faire.

    Pendant ce temps, les joueurs nont pas conscience du fait que leurs actions nontaucune importance. Ils russissent parfois, ou se ratent, et tout a lair dtre cohrent. Lacrdibilit que les joueurs accordent au MJ pour lui permere de contrler lesvnements lui permet de cacher le fait que, quoi que les joueurs fassent, rien necomptera jamais.

    Maintenant, si vous pouviez araper le meneur illusionniste la garde baisse et dansun lan dhonntet, il pourrait vous dire quel destin aend chacun des personnages, cequi va leur arriver eux et au groupe, comment les direntes trames vont sedvelopper et se rsoudre la n, qui gagnera et qui va perdre, o la rencontre nale seproduira, et peut-tre mme quel personnage subira le coup fatal. Personne ne meurtdans cee partie sans que le meneur ne le dcide, personne ne russit sans quil ne leveuille, personne ne subit dchec sans quil ne dirige laction.

    Les signes caractristiques de lillusionnisme sont que les joueurs nont absolumentaucun impact sur lespace imaginaire commun, mais quils ne le savent pas. Le matreleur dit quoi imaginer. Ils font des suggestions sur ce quils veulent voir arriver, mais illes remet dans les rails de son plan, favorisant celles quil peut grer et niant celles quirisqueraient de faire drailler son histoire tout en faisant croire aux joueurs quils

  • contribuent laction.

    and lillusionnisme est dcouvert, cela conduit souvent la dissolution du groupede jeu. La plupart des joueurs veulent en fait dcider de ce qui arrive leur personnage,et savoir quils ne le peuvent pas enlve toute raison de jouer. Cependant, certainsgroupes passent de lillusionnisme au participationnisme, le second style de matrise denotre liste.

    L e participationnisme, identi et baptis par le co-crateur dUniversalis, MikeHolmes, ne dire pas de lillusionnisme par sa structure. Le matre contrle toujourstout ce qui a une signication en jeu, tandis que les joueurs najoutent rien, si ce nestdu relief. La dirence est que les joueurs le savent, et sont assez contents de laisser lematre raconter son histoire centre sur les personnages.

    On pourrait dcrire le participationnisme ainsi : une petite lle est assise sur lesgenoux de son grand-pre. Il tait une fois, commence le grand-pre, vivait uneprincesse. Et le nom de la princesse tait Alicia, pas vrai grand-pre ? linterrompt lapetite lle. Cest cela, Alicia, rpond le grand-pre, le nom de la princesse taitAlicia. La petite lle na rien apport de signicatif lhistoire, mais on lui a permis desentir quelle en faisait partie, et elle coute ainsi plus aentivement lhistoire grce cee contribution, qui serait autrement sans intrt. Dans le jeu participationniste, lesmeneurs utilisent les mmes techniques illusionnistes pour tromper les joueurs en leurfaisant croire que leurs choix font une dirence, mais les joueurs le savent et en sontcontents, parce que le meneur va crer quelques histoires gniales dans lesquelles ils sesentiront comme des hros. Ils ne peuvent pas regarder trop svrement leurs victoiresou leurs dfaites, puisquen n de compte, ils nont rien fait, mais ils se sont amuss faire croire quils le faisaient, tout comme ils peuvent samuser sidentier au hrosdun film dont ils nauront jamais le contrle.

    Ces deux approches reposent largement sur les techniques dillusionnisme. De tellestechniques ne sont pas mauvaises ou non fonctionnelles en soi, et on considre leparticipationnisme comme un style fonctionnel parce que chacun accepte de jouer decee faon. Tous les styles de matrise les utilisent un certain degr. Il est tout autantpossible dutiliser ces techniques pour augmenter la crdibilit des joueurs que pour larduire. Les illusionnistes utilisent ces techniques pour supprimer le pouvoir desjoueurs sur les faits qui comptent vraiment, ne leur laissant que les dcisions sansintrt. Il est aussi facile de les utiliser inversement, de retirer le pouvoir des joueurs surles faits sans intrt et de laugmenter sur les faits qui comptent vraiment. Une desrvlations importantes des dbats thoriques rcents est que la plupart des techniquespeuvent sadapter presque tous les types de jeu, si elles sont bien utilises.

    De nombreux scnarios sont crs pour une approche de matrise connue sous lenom desprit pionnier. and jai identi lesprit pionner pour la premire fois en tantquapproche distincte, je lai baptis jeu en module, pendant que jessayais de lecomprendre, pour ensuite le renommer esprit pionnier en rfrence au concept de celuiqui cre une piste travers les bois pour que dautres puissent la suivre. Ceci rsout LeTruc Impossible par un accord inhabituel entre les joueurs. Dans un jeu despritpionnier, le matre a cr un scnario qui est en gnral trs linaire et y a plac pour

  • les joueurs des indices suivre pour aeindre la n quil dsire. Ainsi il a le contrlecomplet de lhistoire, parce quil la cre et a dcid comment elle devrait se terminer.Cependant, une fois que le jeu commence, il se limite rvler les informations de sonscnario et juger les rsultats des actions des Personnages-Joueurs. Les joueurs sontlibres de faire tout ce quils souhaitent. Ils ont t prvenus, et ont accept (souventimplicitement) de suivre les indices et tenter daeindre la n du scnario telle que lematre la prvu.

    Dans une certaine mesure, le principal objectif de telles aventures est de parvenir les terminer victorieusement. Un groupe qui russit faire son chemin jusquau termede laventure peut se fliciter davoir trouv la solution ; le meneur mrite aussi desflicitations, puisquil a t capable de crer une piste que les joueurs ont pu suivre. Siles joueurs perdent la piste, ils tentent de la retrouver sans aucune intervention dumeneur ; sils ny arrivent pas, ils ont en quelque sorte perdu la partie, et il est temps decrer un autre scnario.

    Comme nous lavons vu, beaucoup de scnarios suivent cee approche : on aenddes joueurs quils commencent un certain point, se dplacent un autre endroitquand ils rsolvent quelque chose, puis par plusieurs tapes successives pour aeindrela n. La seule chose qui garde vritablement les joueurs dans cee aventure est leurpromesse quils vont tenter de terminer le scnario. Beaucoup de meneurs crent leursaventures de cette faon, parce que cest ce quils trouvent dans les scnarios.

    De lextrieur, il peut sembler dicile de distinguer lillusionnisme duparticipationnisme et de lesprit pionnier. Dans chaque cas, le meneur a cr unehistoire et les joueurs la suivent. Le meneur illusionniste a enferm ses joueurs danslhistoire sans le leur dire. Le meneur participationniste a leur consentement pour lesenfermer dans lhistoire. Le meneur esprit pionnier est dpendant de leurs eortsvolontaires suivre les indices pour que son histoire puisse tre conte.

    Mme si les Personnages-Joueurs vivent presque toujours lhistoire telle quelle a tprpare par le meneur. La quatrime approche de jeu, appele jeu de basse, estcompltement diffrente des prcdentes.

    Ron Edwards a identi et baptis le jeu de basse, en rfrence au rle du bassistedans un groupe de jazz ou de rock. Le bassiste donne la mesure, xe parfois lambiance,la cl et les changements dans la musique, mais il ne joue presque jamais la mlodie.Cela est laiss aux autres instrumentistes. De la mme manire, le meneur du jeu debasse cre le monde, lambiance, peut-tre les situations, mais se fond ensuite danslarrire-plan an de permere aux joueurs dimproviser, en se contentant dencouragerleurs eorts, dapporter des changements quand tout marche trop bien pour eux, et deconserver un rythme acceptable pour lensemble.

    Dans cee rsolution du Truc Impossible, le meneur contrle lhistoire dans le senso il cre le monde et la situation, et dcide ainsi de quoi parle lhistoire et o ellecommence, mais ne contrle pas sa n, ou comment elle aeint sa n car cela dpendentirement des choix eectus par les joueurs par le biais de leurs personnages. En nde compte, lhistoire sera une aussi grande surprise pour lui que pour nimporte qui

  • dautre. Le jeu de basse est lapproche de jeu la plus libre et interactive. Toutefois, ildemande que les joueurs naendent pas du Matre quil leur dise quoi faire. Lesjoueurs devraient faire ce quils veulent, pour provoquer la survenance des choses quiles intressent. Cest ainsi dune certaine manire lapproche la plus surprenante et laplus dicile appliquer. Beaucoup de jeux indpendants tentent dencourager ceeapproche.

    Ceci ne signie pas que dautres approches ne soient pas valides. Lesprit pionnier etle participationnisme sont frquents et apprcis par beaucoup de joueurs. Ce quicompte dans la thorie de la cration de jeu de rle, cest de faire un JdR amusant. Cesmthodes ont toutes port leurs fruits, au moins pour quelques joueurs.

    Les quatre mthodes dcrites ici sont en quelque sorte larchtype des formes puresplatoniques qui nexistent pas dans la ralit. La plupart des gens les mlangent uncertain niveau. La distribution de la crdibilit en jeu est constamment en mouvement,tant constamment rengocie au fur et mesure de la progression du jeu. Il estprobable que votre style tombe entre deux de celles-ci, ou en tire des lments, ou alorsque vous hsitez qualier ce que vous faites jouer (je sais que je le fais). De mme,puisquelles sont dans une certaine mesure des abstractions, beaucoup de dbatsexistent pour savoir si elles ne sont vraiment que quatre.

    elques-uns armeraient que lillusionnisme et le participationnisme sont enralit la mme chose, ou que lesprit pionnier est simplement du participationnismequi fonctionne bien. On suppose quil existe dautres styles qui nont pas encore tidentis, mais personne ne sait vraiment comment les reconnatre. La thorie avanceet stend constamment, avec de nouvelles ides ajoutes chaque mois et de vieillesides rexamines et rformes. Cee srie darticles a tent de se concentrer sur desides qui sont trs largement tablies, au moins parmi les thoriciens de e Forge ,mais il est toujours possible que quelque chose de neuf ait pu tre reconnu alors mmeque cet article va tre publi, le rendant au mieux incomplet, au pire obsolte.

    Cependant, la thorie sur les styles de matrise et les solutions au Truc ImpossibleAvant le Petit-Dj nont pas seulement un impact sur la cration de JdR indpendants,mais sur comment les joueurs et les meneurs peuvent comprendre et modier leurpropre approche du JdR au sein de leur propre groupe de rlistes.

    Article original : Theory 101: The Impossible Thing Before Breakfast

  • THORIE 101 3E PARTIE : LESPROPOSITIONS CRATIVES

    2006 M.J. Young

    Un article de M.J. Young, tir de PTGPTB n28 (novembre 2006), et traduit par Pierre Carmody

    Pourquoi jouons-nous ?En examinant les styles de matrise et la cration de jeux, on a notau passage que le but dune partie de jeu de rle, et donc celui de lacration de JdR, est de samuser. Beaucoup de gens fatigus desthories se tournent vers lide que ce qui compte, cest desamuser, pas de faire de cee chose un sujet acadmique. Jouons,amusons-nous, et ne nous inquitons pas de ce que nous faisons.Cee aitude est louable, en quelque sorte ; nous devrions toujours

    garder lesprit que les JdR sont faits pour samuser, et cest une erreur de ne pas seconcentrer sur cela dans la cration de jeux. Dun autre ct, cela contourne unequestion essentielle. Comment samuser ? est-ce quil y a propos des jeux de rlesqui les rend amusants ? Bien que je comprenne certainement la dichotomie entresamuser et transformer le jeu en un sujet acadmique, je suggrerais que les sujetsacadmiques puissent reprsenter normment damusement pour ceux qui lesapprcient. Lamusement est un concept tellement mal dni. Nous le reconnaissonsquand nous en faisons lexprience, souvent quand nous le voyons chez les autres,mais nous ne rflchissons gnralement pas ce qui provoque cette exprience.

    Si nous voulons crer des jeux de rles, cependant, et mme si nous voulons lesmener ecacement, nous aurons besoin de comprendre ce qui rend les JdR amusants,et comment en faire ressortir lamusement inhrent. De mme quil est vrai quecertaines personnes trouvent les tudes acadmiques amusantes et dautres pas, il doittre vrai que direntes choses sont amusantes pour direntes personnes. An derendre un jeu plaisant, il faut discerner ce que les joueurs apprcient, et accepter que cenest pas la mme chose pour tous.

    Mon frre plaisante toujours en disant quil y a deux catgories de personnes dans lemonde, ceux qui divisent toutes les personnes du monde en deux catgories, et ceuxqui ne le font pas. Il semble, cependant, que nous divisions toujours les joueurs en troiscatgories. La plus ancienne rpartition de joueurs en trois catgories que jaierencontre, et dont jai oubli la source , maintenait que certains joueurs voulaientdu combat, dautres des nigmes, et que dautres voulaient des opportunits pour desinteractions entre personnages, leur volution, et lexpression. Ce classementrecommandait de crer des aventures avec des opportunits pour les trois types de jeu,afin dattirer les trois catgories de joueurs.

    Le premier classement de joueurs en trois catgories qui eut un impact durable sur la

  • thorie du jeu de rle mergea de discussions dun newsgroup, qui faisait partie duncoin dInternet maintenant largement abandonn, connu sous le nom de Usenet, etnomm rec.games.frp.advocacy. Ce classement est parfois connu sous le nom dumodle RGFA ou reefold model (modle en trois voolets), ou appel GDS. Ce modlesemble avoir essentiellement merg dune tension entre ceux pour qui le jeu de rle t a i t lexprience dun personnage, qui prirent le nom de simulationnistes(simulationists), et entre ceux pour qui ctait lexpression dun personnage, qui furentappels dramaturges (dramatists). Au milieu du dbat, quelquun avana quaucune deces deux choses ne lui importait, puisquil tait l pour jouer un jeu ; ainsi la troisimecatgorie de Ludistes (gamists) fut cre pour couvrir ceux plus intresss par la partieque par les rles.

    Au dbut de lanne 1998, Ron Edwards publia un article crucial sur Gaming Outpostintitul Le systme est important (ptgptb). Dans celui-ci, il tenta de prsenter un certainnombre de concepts de la cration de jeux. Il cita les distinctions de Jonathan Tweetdans les mcanismes de rsolution : la chance (lutilisation de ds ou dautresgnrateurs alatoires comme des cartes), le karma (la comparaison directe des scoresou la dpense de ressources), et la dramaturgie (la dtermination par dcret, la dcisionde quelquun dans la partie). Il a galement mis en avant sa comprhension du modle trois volets (ptgptb), renommant le Dramaturge en Narrativiste pour viter la confusionavec les termes de Tweet. Cependant, il changea fondamentalement les conceptscentraux du ludisme, du dramatisme et du simulationnisme, provoquant en celalmergence dune thorie distincte connue de faon plus populaire sous le terme LNS.

    Cela prit de nombreuses annes et des dbats avec les contributions de beaucoup depersonnes avant que ce qui fut appel LNS fusionne en un concept central en ce quipourrait tre la premire principale thorie globale des jeux de rles. Dans cee thorie,le ludisme, le narrativisme et le simulationnisme ont t dsigns sous le terme deproposition crative (ptgptb), dans un eort dexpliquer ce quils sont et comment ilsfonctionnent.

    Le professeur Edwards vite demployer des mots tels que raison, mobile ouintention. un certain niveau, il est facile de dire quune proposition crative est larponse pourquoi nous jouons. Cependant, tant donn que la langue est un peuimprcise ici, il y a souvent un malentendu avec la formule pourquoi nous jouons.Peut-tre que John vient jouer parce quil essaie de mere Mary dans son lit. Nouspourrions honntement dire que cest ce pourquoi il joue. Ceci na rien voir avec laraison pour laquelle il joue dans le sens de la proposition crative ; cest seulement laraison sociale de son implication.and nous parlons de pourquoi quelquun joue, nous demandons pourquoi le jeu estamusant pour ce joueur, ce quil apprcie quand il est dans une partie de jeu de rle.

    Comme on peut sy aendre, direntes personnes apprcient direntes choses, etont ainsi des aentes direntes de leur exprience de jeu de rle. Ceci mne desconits dintrts et aux conits associs entre les joueurs. En se remmorant ce vieuxmodle trois volets des prfrences de jeu, si nous avons un joueur qui veut ducombat, un autre qui veut des nigmes et un troisime qui veut des interactions entre

  • personnages, satisfaire les intrts des trois relve au mieux du jonglage. Le matre dejeu tente alors de diviser quitablement le temps pass sur chaque domaine, pour quechacun puisse apprcier la fraction de la partie oriente sur ses prfrences.

    Au pire cela devient un motif de division dans un groupe, lorsque chaque joueur serend compte que moins de la moiti du jeu tourne autour de ce quil apprcie, et quonpourrait concevoir des parties plus amusantes pour lui, en se basant sur ce quil trouveamusant. Les conits autour de la proposition crative tant plus fondamentaux quecela tendent davantage diviser. Nous disons quun groupe de jeu est dysfonctionnelsi les joueurs qui le composent luent pour le contrle de la proposition crative [de lapartie], quils en soient conscients ou non. and dirents joueurs aendent deschoses diffrentes de la mme partie, les groupes de JdR ne fonctionnent pas bien.

    Pour comprendre les propositions cratives, on doit dj comprendre quelles sont enrelation avec la partie. Cest ce que les personnes amnent la table qui provoque leursdcisions de jeu ; cest ce qui rend le jeu amusant pour une personne. Certains joueursont des raisons multiples de jouer, et joueront dirents jeux pour direntes raisons,ou changeront mme leur proposition crative en cours de partie. Celles-ci ne sont pasdes catgories de personnes, ni ne sont exactement des catgories de JdR, mais pluttdes catgories de types damusement qui conduisent et renseignent lapprocheindividuelle de la partie. De mme, personne ne dit ou ne croit quil nexiste pas unequatrime proposition qui nait pas encore t identie ; pour linstant, les eorts pouren dfinir une ont toujours ramen une des trois existantes.

    Le ludisme a mauvaise rputation chez beaucoup de joueurs parce que tout lemonde croit comprendre ce que cest, et beaucoup de personnes lassocient destermes comme grosbill, optimisateur de persos et expert de rgles [NdT : le joueur qui, telun avocat sappuyant sur la jurisprudence, utilise les rgles pour dtourner le systme].Bien que ces joueurs soient certainement le plus associs au jeu ludiste, ils ne lednissent pas. Il a t dit que le ludisme, cest la question de gagner ou de perdre, maiscee description est bien trop troite. e ce soit propos de relever des ds esteectivement plus proche, mais il manque encore quelque chose. Finalement, leludisme cest la course la gloire. Cest une histoire de vantardise, de la rcompense quivient dune action que les autres admirent. Si les joueurs samusent du fait quilssimpressionnent les uns les autres par la qualit de leur jeu (particulirement enrelevant des dfis en jeu), si leur conversation daprs-partie raconte les choses cool queles joueurs ont faites et si leurs sourires en cours de partie viennent de la bonne gestiondes situations, cest certainement une partie ludiste.

    Si le ludisme est plus compliqu que les gens ne le croient, le narrativisme lestmoins. Il a souert dincomprhensions et de mauvaise presse, et de la limitationparticulire de langage du mot histoire qui signie des choses si direntes pour lesgens. Le narrativisme procure la mme sorte damusement que de vous asseoir avecvos amis pour discuter du sens de la vie, de lunivers et du reste.

    Cee proposition est induite par le dsir dexplorer des problmes, de crer un drameavec de laction morale, thique ou personnelle en tablissant un conit et en testantune rponse ce dernier. Cest fondamentalement centr sur les consquences des

  • choix.

    En pratique, cependant, cest aussi simple que dimaginer une situation confrontantdes valeurs relles, de dcider ce quun personnage ferait en se basant sur ses valeurs,et de regarder ce quil se passe. Les gens jouent a tout le temps sans sen rendrecompte. Ils soulvent des questions damour, de loyaut, de dlit, de conance,dhonneur, dhonntet et bien plus, dans leurs parties et, en plaant le personnage dansdes situations o ces dirents principes entrent en conit, testent leur propre croyancedans ces choses.

    La thorie est de par sa nature toujours en mouvement. Ceci apparat dans chaqueeort pour qualier le simulationnisme. Ron Edwards le dcrit comme mere laccentsur la prservation du rve. Le co-auteur d Universalis, Ralph Mazza met en avant larelation entre les lments xes et variables comme dans une exprience, tandis queson collgue Mike Holmes questionne le fait que ce soit vritablement une propositioncrative dans le mme sens que le ludisme ou le narrativisme.Mon sentiment est que le but du simulationnisme est la dcouverte, et son moteur estla curiosit. Cest la mme conception de lamusement qui est le moteur de la popularitde la chane Histoire, des documentaires, des carnets de voyage et des programmesscientifiques ; ce dsir dapprendre. (1)

    Nous arrivons ainsi tous autour dune table de jeu pour nous amuser ; mais nouspouvons avoir des conceptions direntes de ce qui rend le jeu amusant. Si nous nesommes pas daccord, alors, comme le fana dnigmes et le combaant, nous lueronspour le contrle de la partie ou dplorerons quel point celle-ci ne nous plat pas.

    Un des objectifs de la cration de JdR est dliminer un tel dysfonctionnement. Ilpourrait paratre peu pratique de suggrer que les rgles du jeu peuvent avoir un impactsur ce que les joueurs trouvent amusant, particulirement puisquelles ne sont pas lesystme mais plutt un moyen dinuencer le systme, comme nous lavons vu dansnotre premier article.

    Toutefois, le systme est important. La relation entre la proposition crative et lesrgles apparat parce que le systme importe, et parce que les rgles sont une autoritmajeure du systme. Un jeu de rle peut tre cr pour promouvoir ou faciliter uneproposition crative particulire, ou au moins pour viter dentrer en conflit avec elle.

    Cest l o mergent les concepts de jeux ludistes, narrativistes ou simulationnistes.Dans une certaine perspective, on ne peut pas logiquement dire quils existent. Leludisme, le narrativisme, et le simulationnisme sont des propositions crativesexprimes travers la partie de JdR. Cependant, si un jeu rcompense une propositionet interre avec les autres, ceux qui y jouent devront faire un choix. Ils peuvent ignorerces rgles qui sont un obstacle leur approche particulire de samuser, et dcaler le jeuvers ce quils veulent en crant un systme moins strictement dle aux rgles. Ilspeuvent changer leur pense, et essayer de comprendre pourquoi une manire de jouerdirente est amusante et trouver de lamusement dans quelque chose de neuf. Ou ilspeuvent jouer un autre jeu.

    On a dit beaucoup de choses sur les crations de JdR incohrentes dans les

  • discussions thoriques. Ceci mne de nombreux dbats, principalement parce que leterme est mal compris.

    Les premiers jeux de rles ont dcouvert quils reprsentaient un immense panel depossibilits, et tentrent de toutes les combler. Les racines du wargame de notre loisirtransposrent dans ces nouvelles crations la tension entre le ludisme et lesimulationnisme qui existe dans les wargames ; lintroduction de linteraction entrepersonnages apporta avec elle le potentiel du narrativisme. Les jeux tentrent de tousles encourager.

    Cependant, les propositions cratives sont souvent en conit direct les unes avec lesautres, puisque des joueurs en dsirant une vont interfrer avec des joueurs en dsirantune autre. Les systmes de rgles contenaient ainsi des morceaux qui, en soutenantdiffrents modes de jeu, montaient les joueurs les uns contre les autres.

    La solution simple cela a toujours t de dire aux joueurs de se dbarrasser desrgles qui ne contribuaient pas leur capacit samuser. Ceci fonctionneextrmement bien pour crer des groupes de jeu fonctionnels, ainsi ceux qui ont despenchants ludistes se dbarrasseront de beaucoup de rgles avantageant le narrativismeet le simulationnisme, an daugmenter leur capacit se prouver quelque chose. Ceuxavec des intrts narrativistes vont davantage se dbarrasser de ce qui est ludiste ousimulationniste pour se concentrer sur des valeurs et des choix de personnage. Ceciarrive un certain degr dans chaque groupe, souvent sans que ceux qui sontimpliqus sen aperoivent.

    Ceci peut passer totalement inaperu, chaque groupe croyant quil joue le jeu tel quilest crit, jusqu ce que des joueurs changent de groupe et dcouvrent que le choix parcet autre groupe des rgles qui ne sont pas importantes ou qui devraient tre ignores,est totalement diffrent.

    Ceci signie nalement que bien quils utilisent les mmes rgles en tant quautorit,ces deux groupes ont forg des systmes compltement incompatibles partir delles.Les deux prtendront jouer Donjons & Dragons ou Champions ou Vampire, mais ilsne pourraient pas plus jouer ensemble quun joueur de bridge et un joueur de pinochle[NdT : le pinochle est le bsigue amricain, un jeu de cartes classique, lointain cousinde la dame de pique]. Les mmes rgles ont rsult ce que lon joue des jeuxextrmement varis.

    De tels jeux de rles sont qualifis dincohrents cause de leur incapacit produiredes parties uniformes parmi la totalit des groupes de jeu. Les rgles du bridge ou dubaseball ou de Axis and Allies sont construites de telle faon que des joueurs puissentaller dun groupe de jeu lautre sans avoir apprendre de nouvelle rgles. Beaucoup,beaucoup de jeux de rles sont construits de cee faon. Beaucoup dentre eux sontcependant construits comme des trousses outils, non pour tre jous tel qucrits,mais pour tre personnaliss suivant des gots individuels.

    Il y a des avantages marketing ce type de cration, parce quun nombre bien plusimportant de joueurs achtera un jeu quils pourront personnaliser plutt quun autrequi est bien conu pour procurer une exprience de jeu spcique, quils pourraient ou

  • non apprcier. Dun autre ct, cela promeut une aitude suivant laquelle le systmenest pas important, que nimporte quel Matre de Jeu peut matriser nimporte quel jeu,vider le jeu de la mcanique et faire jouer un univers en utilisant ses propres rglesprouves. Le systme est important car si vous laissez les rgles renseigner votreapproche de jeu, vous devriez dcouvrir que les jeux de rles sont vraiment direntsentre eux, davantage que seulement dans les dtails de lunivers, et quil y a plus dechoses apprcier dans le jeu de rle que ce que vous aviez cru.

    Cest le but dune cration de JdR bonne et cohrente, et galement celui que lesthories actuelles sur le jeu de rle soutiennent. e Forge et dautres lieux dediscussions thoriques existent pour donner la possibilit aux crateurs dexaminerleurs propres postulats, darriver une meilleure comprhension de ce que les jeux derles peuvent faire et, via lamlioration de leurs propres crations, enrichir notrepassion.

    Cet aperu de la thorie du JdR a ncessairement t trs bref, peut-tre mmesuperciel. Il y a pas mal darticles qui prennent pour thme ces notions et lesdveloppent lattention de ceux qui voudraient en apprendre davantage.

    Ron Edwards a t un prcurseur en bien des aspects depuis quelques annes. Sesarticles, maintenant sur e Forge, sont essentiels pour tout dbat sur la thorieactuelle. Le Systme est important (ptgptb) est maintenant dpass, mais reste lendroit leplus pratique pour dbuter. Cela est dvelopp en une thorie complte dans Le LNS etdautres sujets de thories rlistes (ptgptb).Une comprhension bien meilleure de la thorie est exprime dans des publicationsplus rcentes : Simulationism: e Right to Dream, Gamism: Step On Up, Narrativism:Story Now. Mme celles-ci ont t partiellement mises jour par la publication de TheProvisional Glossary.

    John Kim a beaucoup de choses sur son site internet. Il a t trs impliqu dans lespremires discussions sur le Modle trois volets sur RGFA, et a aussi bien prserv cetravail quil la dvelopp.

    Ma propre orie applique (ptgptb) est un eort pour clarier beaucoup de conceptsthoriques en se concentrant sur leur application potentielle dans la cration de jeu derle. Jcris galement la srie hebdomadaire Game Ideas Unlimited sur GamingOutpost, qui sest aventure dans la thorie rliste un certain nombre doccasions.Gauche ou droite ? (ptgptb) discute de lusage des techniques dillusionnisme pour rendreles joueurs plus puissants. Dans le mme temps, Ephemeral Illusion contestelillusionnisme comme une approche de jeu pratique. On discute des moyensdencourager les diverses propositions cratives (depuis un ge o elles ntaient pasencore appeles ainsi) dans Rewards. Credibility examine certaines des bases delespace imaginaire commun et de la faon dont il est form.

    Une comprhension complte de ltat prsent de la thorie requiert de limplicationdans les dbats actuels. prsent, les forums de e Forge sont les endroits les plusaccessibles pour ces dbats, airant des contributeurs de beaucoup dditeurs de jeux

  • de rles, de crateurs indpendants, de membres de groupes et du milieu du GNscandinave, et dautres. Dans le monde des blogs, celui de Vincent Baker est notable ; ily a dautres liens vers des blogs dans les forums de The Forge.

    Article original : Theory 101: Creative Agenda

    (1) NdT : La dnition propose ici tant relativement oue, les deux prochains articles de cet ebook (enparticulier La clarication du simulationnisme dans le modle trois volets ) permeront de mieux comprendrecette proposition crative. [Retour]

  • LE MODLE TROIS VOLETS FAQ 2004 John H. Kim

    Un article de John H. Kim, tir de John H. Kim's Role-Playing Game Page (2004), et traduit par Pierre Buty

    Ce qui suit est plus ou moins la forme originale de la FAQ du modle en trois volets(reefold Model). Je lai rdige en octobre 1998 pour la poster surrec.games.frp.advocacy. Elle faisait suite un l intitul Nouvelle FAQ :Simulationniste versus Plausible (18 octobre 1998). Depuis, il y a eu deux lgresrvisions et la version finale est ci-dessous.

    1. Quest-ce que le Modle en trois volets ?

    2. Quest-ce que je prfre ? Laccent sur lhistoire, le jeu ou la simulation ?

    3. Arrtez de tourner autour du pot ! Cest quoi la fin ?!

    4. Mais ces catgories se chevauchent, non ?

    5. Ce modle est chier ! Comment je men dbarrasse ?

    6. Mais mes histoires sont toujours crdibles ! Mes parties sont donc la foiscompltement narrativistes et compltement simulationnistes, non ?

    7. Donc les narrativistes sont des acteurs rats qui se payent un trip artistique, lesludistes sont des grosbills qui veulent bare le MJ, et les simulationnistes sont desexperts de rgles qui ergotent sur des problmes de balistique, cest a ?

    8. Je ne crois pas tre narrativiste ou simulationniste. Mais jaime jouer, donc je doistre ludiste, pas vrai ?

    (9.) Deux commentaires du modle tripartite

    1. Quest-ce que le Modle en trois volets ?Le modle tripartite est une faon de rassembler plusieurs aspects des contrat

    sociaux [les conventions d'un groupe de jeu, NdT] (1) en catgories logiques. Uncontrat social [rliste] complet contient toutes les facees de comment une partie sejoue : pas seulement la mcanique des rgles, mais aussi comment les scnarios sontconstruits, le genre de comportement attendu des PJ, comment les actions non prises encompte par les rgles sont rsolues, la tolrance envers les distractions hors-jeu, etc. LeModle divise nombre de ces aspects en trois catgories, connues sous le nom delHistoire [Drama ], le Jeu et la Simulation.

    Le modle est bas sur lacceptation du fait quil puisse y avoir des objectifs diffrents jouer, tous aussi valides les uns que les autres. De nombreux modles de JdR ou de

  • nombreux joueurs emploient des tiquees pjoratives telles que grosbills[munchkin], poseurs, expert des rgles (2), etc. par opposition aux vrais rlistes. LeModle Tripartite est conu pour inciter les rlistes voir les dirents stylessimplement comme dautres faons de jouer.

    Les jeux de rles ne sont pas simplement bons ou mauvais. Un mme JdR peut tretrs apprci dun joueur et dtest par un autre. Plutt que de dire que lun ou lautre amauvais got, il est plus utile de distinguer des schmas dans ce que dirents joueurset MJ apprcient. Le Modle est une mthode de classication, qui rpertorie les stylesen fonction de leur degr dorientation vers lHistoire, le Jeu et/ou la Simulation.

    Ce quoi sapplique le Modle est une question ouverte. On sen sert souvent pouranalyser les dcisions dun MJ quant ce qui doit se passer dans lunivers du jeupendant une session, et dans une moindre mesure pour la conception des aventures encours de campagne. Lapplicabilit du Modle au reste du contrat social est discutable.Il peut ou non sappliquer au comportement des joueurs, aux mthodes de hors-jeu, laconception du systme de rgles, de la campagne, et dautres sujets.

    2. Quest-ce que je prfre ? Laccent sur lhistoire, lejeu ou la simulation ?

    Sans doute aucun des trois. Votre style personnel ne se rsume pas un seul mottenant sur une tiquee. De manire plus intressante, vous utilisez probablement unmlange de direntes techniques, et poursuivez plus dun seul objectif. Peut-tre tes-vous plus proche dun des sommets du triangle, mais vous apprciez sans doute lemlange.

    3. Arrtez de tourner autour du pot ! Cest quoi lafin ?!

    OK, voil quelques petites dfinitions :

    Narrativiste : ce style valorise la cration dune histoire satisfaisante travers lesactions lintrieur de la partie. Plusieurs sortes dhistoires peuvent tre peruescomme satisfaisantes, en fonction des gots personnels, ce qui va de lextravaganteaction pulp au drame psychologique raliste. Cest le rsultat nal de lhistoire quicompte.

    Ludiste : ce style valorise la cration de d digne de ce nom aux joueurs (et nonaux PJ). Ce d peut tre du combat tactique, des nigmes rsoudre par lintelligence,de la politique, ou nimporte quoi dautre. Les joueurs vont tenter de rsoudre lesproblmes auxquels ils sont confronts, et en retour le MJ fera en sorte quil soitpossible de surmonter lobstacle si les joueurs agissent intelligemment dans les limitesdu contrat.

    Simulationniste : ce style veut que les vnements en cours de partie soient rsolusseulement partir dlments internes lunivers de jeu, sans quaucune considrationde mta-jeu ne vienne aecter la dcision. Ainsi, un MJ compltement simulationniste

  • ne traquera pas les rsultats pour sauver les PJ ou pour sauver son intrigue, ou nemodiera mme pas des faits inconnus des joueurs. Un tel MJ peut utiliser desconsidrations de mta-jeu pour rpondre des questions de mta-jeu, comme quijouera quel personnage, doit-on interprter une conversation mot pour mot, etc. maispour rsoudre les vnements du jeu proprement dits, il se basera sur ce qui sepasserait rellement.

    4. Mais ces catgories se chevauchent, non ?Il est vrai que ces objectifs ne sont pas opposs en permanence. court terme, un

    conit donn peut la fois constituer un d digne de ce nom et se rsoudre de faonraliste. Cependant, toute partie aura ses problmes, y compris des passages sans intrtdramatique, des passages irralistes, et des passages dsquilibrs. Le Modle saache comparer les efforts que vous mettez pour rsoudre chacun dentre eux.

    Une campagne, mme parfaitement simulationniste ou ludiste, comportera quelquesfragments de narration. Aprs tout, les gens racontent des histoires sur ce qui leurarrive dans la vraie vie, ou mme dans ce qui sest pass dans une partie dchecs quilsont joue. De mme, une campagne narrativiste comportera quelques conits quiconstitueront un vrai d pour les joueurs, et quelques vnements ralistes. Mais unMJ ludiste de mme talent, qui ne se donnera pas un mal de chien pour la qualit delhistoire, sera capable de prsenter de meilleurs ds. De mme, un MJ simulationniste,qui se concentrera uniquement sur les rsolutions daction en jeu, pourra rendre cemonde de jeu plus raliste.

    5. Ce modle est chier ! Comment je men dbarrasse ?Vous ne pouvez pas vous en dbarrasser totalement. Cest une ide dont quelques

    personnes parleront forcment. La meilleure faon de rduire son emploi dans lesdiscussions est de ne pas en parler. Cee ide existait avant cee FAQ, et elle existeraaprs sa disparition. Si vous croyez quelle nest pas assez exacte ou pas assez complte(ce quelle nest pas), alors inventez un meilleur modle et parlez-en.

    6. Mais mes histoires sont toujours crdibles ! Mesparties sont donc la fois compltement narrativistes et

    compltement simulationnistes, non ?Le simulationnisme nest pas dni en termes de crdibilit, il est dni en termes de

    mthode. Par exemple, en tant que MJ vous pouvez avoir une intrigue en tte, et meresi bien en place le dcor et les personnages, que pendant la partie, lintrigue se droulesans que vous ayez intervenir de manire notable. Un joueur trs simulationnistepourrait ne pas remarquer que vous aviez construit les vnements de manire produire cee histoire. Cependant, sil sen rend compte, il se sentira tromp : vousaurez rompu son contrat favori.

    tort ou raison, un pur simulationniste nessaye pas simplement de produire une

  • histoire crdible. Il essaye en fait de dcouvrir ce qui se passerait en vrai enmodlisant ce que contient le monde de jeu. Bien sr, il est impossible de simuler a laperfection, mais il trouve son compte essayer.

    Par exemple, disons que les PJ savent quune cible se cache dans un htel parmi huit,mais quils ne peuvent pas trouver lequel part en les fouillant. Un MJ narrativistepourrait dcider que pour des raisons de rythme, le second htel quils fouillent sera lebon, de faon ce que la partie ne sternise pas pendant quils les font lun aprslautre.Cest tout fait crdible, mais un MJ purement simulationniste refusera de le faire. Il estplus probable quil en choisisse un lavance et quil laisse les joueurs dcider dansquel ordre ils les fouilleront. Les joueurs peuvent trs bien trouver le bonimmdiatement, ou ils peuvent schiner sur les sept autres avant.

    7. Donc les narrativistes sont des acteurs rats qui sepayent un trip artistique, les ludistes sont des grosbillsqui veulent battre le MJ et les simulationnistes sont des

    experts de rgles qui ergotent sur des questions debalistique, cest a ?

    Non, ce sont des strotypes extrmes. Mme sils comportent une part de vrit, leModle ne recherche pas le plus petit dnominateur commun. Il y a de bons et demauvais exemples de chaque type de jeu.

    Un pur narrativiste pourrait faire jouer un drame dur, sobre et raliste o les PJ sontdes personnages de la vraie vie qui peut-tre se concentrent sur leur travail. Dans cecas, lhistoire dramatique sarticulera peut-tre autour de leurs inter-relations et de latension ainsi produite. Les campagnes narrativistes incluent aussi les campagnes decomdie, o laction du jeu est mene dans une perspective humoristique, plutt quepour raliser un drame plus classique. Limportant est que les vnements de la partiesont crs en fonction de la satisfaction que lintrigue donne au groupe.

    Un ludiste pourrait mener un jeu denqute o les PJ sont mis au d de trouver letueur non seulement partir dindices matriels, mais aussi de la personnalit et desmotivations des suspects. Remarquez que ceci ressemble superciellement unehistoire dramatique, mais limportant est ici que le mystre puisse tre rsolu par lesjoueurs, tout en leur donnant du l retordre. Une nigme purement narrativiste feraitpeut-tre une meilleure histoire, mais une enqute purement ludiste mera davantagelastuce des joueurs lpreuve.

    Par dnition, le simulationniste tentera dtre raliste au sein de lunivers de jeu,bien quil puisse y avoir des lois naturelles direntes de celles du monde rel.Cependant, les joueurs ne sont pas ncessairement obsds par les rgles ou les lois dela physique. Une partie simulationniste peut tout autant tre centre sur les discussionspolitiques entre des personnalits importantes, ou sur des rebelles livrant une guerre depropagande pour rallier les masses leur cause. De nombreux membres du forum ont

  • men des parties simulationnistes sans le moindre jet de d.

    Une enqute purement simulationniste dbuterait par la recherche de comment lecrime a t perptr en se basant uniquement sur des lments de lunivers de jeu. Laconsquence logique peut trs bien signier que les joueurs peuvent rsoudre lemystre facilement, ou ne peuvent pas le rsoudre du tout, ou ne peuvent le rsoudrequen le soumeant laention dautres autorits. Un MJ absolument simulationnistene reviendra pas en arrire pour changer quoi que ce soit an que lenqute se droulemieux pour les PJ.

    8. Je ne crois pas tre narrativiste ou simulationniste.Mais jaime jouer, donc je dois tre ludiste, pas vrai ?Le ludisme nest pas conu comme une catgorie fourre-tout pour tout ce qui nentre

    pas dans les deux autres catgories. Il soriente spciquement sur la cration des dsdignes dtre relevs par les joueurs. Le Modle na pas la prtention dtre unrpertoire exhaustif et exclusif des types de jeu, et il nest pas forcment complet.Plusieurs personnes ont suggr une quatrime sorte de style, le Social. Cependant, ladiscussion est retombe parce quil ny a pas eu de consensus quant ce que ce stylesigniait compar aux autres, ou mme sil tait possible den discuter de la mmefaon.

    De nombreux aspects du jeu ne sont pas compris dans le Modle. Par exemple,chacun des trois styles peut varier de lger srieux. Le jeu Bire et chips (Beer-and-pretzels) dsigne habituellement lexploration ludiste de souterrains, o vousessayez de casser du monstre. Cependant, il y a galement des jeux narrativistes nonsrieux, par exemple des histoires bien mielleuses de super-hros o les bonstriomphent toujours des mchants. Remarquez que ce nest pas du ludisme, vu quil nya pas de dicult l-dedans : le gentil gagne toujours, cest juste marrant de voircomment il le fait.

    Deux commentaires du modle tripartiteNote de PTGPTB(v) : ces commentaires sont extraits de Knudepunkt, le livre en ligne

    qui compile les confrences du festival de GN Knudepunkt au Danemark, do leurorientation GN. Mais ils sont symptomatiques des ractions et de ltendue dapplicationdu modle tripartite.Commentaires sur le Modle Tripartite Morten Gade

    Cee thorie est certainement la plus ancienne de toutes. Diable, ce nest presqueplus une thorie, vu que les concepts de ludiste, narrativiste et simulationniste sont

  • passs dans le langage GNiste courant.

    Dans la prface de cee anthologie, nous avons crit, Il ny a rien de plus pratiquequune bonne thorie. Et sil y a une thorie qui peut le prouver aux joueurs et auxorganisateurs, cest bien le modle tripartite, auquel la plupart des joueurs peuventeectivement se rfrer. Oh, je pourrais parler pendant des heures de la beaut de ceethorie.

    Toutefois, il faut prendre conscience de la priori quelle contient. Peut-tre pas dansla thorie elle-mme, mais dans les interprtations qui en sont faites. Parce que le plussouvent, cee thorie est utilise an de justier une aitude envers des bons oumauvais joueurs. Dans certains endroits, les narrativistes sont vus comme lesmeilleurs joueurs de tous. Dans dautres, ce sont les simulationnistes. Plus rarement,cest mme les ludistes. Mais nous devons nous mfier de cela.

    Il ny a pas de vraie faon de jouer un GN qui soit meilleure que les autres. Il y atoutefois des objectifs dirents dans des GN dirents et ainsi une faon de jouerpeut mieux convenir dans un GN particulier que dans un autre. Il ny a pas de vrituniverselle, mais une vrit dirente dans chaque exemple et cee vrit est choisiepar les organisateurs.

    Commentaires sur le Modle Tripartite Line ThorupLe modle tripartite est trs dirent des deux autres thories de ce chapitre, dans la

    mesure o il nest pas un manifeste. Il ne prend pas position en montrant le bien et lemal, il ne fait quexpliquer. Le but du modle est de regrouper les faons de jouer unGN dans des catgories logiques. Il y arrive trs bien. Il russit former trois catgoriesqui sont toutes pertinentes et trs bien expliques. Le narrativiste, le ludiste et lesimulationniste.

    On peut se rendre compte du succs de cee thorie du fait que ces catgories sonten train de sintgrer dans le vocabulaire normal des GN.

    L o le modle nest pas aussi ecace mon avis est dans les exemples o il relieles dirents types dorgas et de joueurs. Cest un point que jaimerais voir approfondicar je pense que beaucoup de personnes en tireraient prot. Tel quil est aujourdhui,cest une tentative admirable que de faire plus que dnir des catgories, mais ilnamne pas plus de clarication, au contraire, je le trouve un peu droutant. Mis partce point, le modle tripartite est trs bien pens et est de loin lun des modles le plusutile en GN car il donne un jargon commun qui permet aux GNistes de discuter destermes plus abstraits de manire non prconue.

    Article original : The Threefold Model FAQ

    (1) NdT : Un exemple de contrat social pour groupe de JdR ici (ptgptb) [Retour](2) NdT : rules lawyer en VO ; liralement avocat de rgles. Pire quun simple expert des rgles, ce joueur, telun avocat amricain dterrant une jurisprudence dans des tomes poussireux, cherche LE point de rgles qui lui

  • permettra de les dtourner son profit [Retour]

  • CLARIFICATION DU SIMULATIONNISMEDANS LE MODLE TROIS VOLETS

    2004 John H. Kim

    Un article de John H. Kim, tir de John H. Kim's Role-Playing Game Page (2004), et traduit par Grgoire Pinson

    Le simulationnisme est un terme qui est apparu en fvrier 1995 au sein du groupede discussion rec.games.frp.advocacy (rgfa). Je voudrais lexpliciter ici et le remeredans son contexte. Lors des deux annes suivantes sur rgfa, il a t dni par langative, en opposition certaines mthodes.

    Le simulationnisme se dnissait par : ne pas laisser des informations de mta-jeuinuer les dcisions dans laventure (telles que : le fait quun personnage soit un PJ ;quil ait plus dimportance que le dcor de laventure (background) ; ou qui les joueurssont). Ainsi, le simulationnisme rejee les mthodes de type bonus aux jets de dsquand le MJ trouve une action cool, ou de type points de karma permeant auxjoueurs daltrer le dcor de laventure. la place, ce qui arrive doit tre fonduniquement sur ce qui arriverait dans lunivers de jeu, en tant que ralit alternative.

    Daprs la discussion, un certain nombre de personnes ont trouv ce style de jeugratiant. Pourtant, il a t dicile danalyser les raisons de cet intrt. Cela vient enpartie du fait que le simulationnisme rejee les analogies simples. Par exemple, le jeu derle simulationniste nest ni la narration dhistoires (storytelling), ni non plus que le jeucomptitif. Je vais essayer danalyser ces raisons, en revisitant ce style partir de mespropres observations de parties de JdR tendant vers le simulationnisme pur.

    Plus tard, le simulationnisme fut incorpor dans les typologies globales dont le pointculminant fut le modle trois volets [R1]. Dans cet article, je vais traiter lesimulationnisme comme un style en soi ; une mthode de prise de dcision, paralllequelque part des styles artistiques tels que limpressionnisme ou le surralisme. Il y ades caractristiques et des tendances du simulationnisme qui pourraient savrer aussiimportantes que la dfinition formelle.

    Analogie et identitUn aspect central du simulationnisme est quil nidentie le jeu de rle, ni avec

    lcriture de ction, ni avec dautres types de jeux. Cest important parce que le jeu derle est souvent peru et jug selon des normes extrieures. Par exemple, un JdRpourrait tre considr comme mauvais si les aventures quil produit ne feraient pas unbon livre ou un bon lm de ce genre daventures. linverse, un JdR pourrait tregalement jug mauvais si ses rgles ne sont pas quitablement quilibres, comme

  • celles dun jeu de plateau ou de cartes.

    Il faut donc rejeter cee assimilation pour trouver ce qui est spciquementintressant dans les jeux de rles. Ainsi, le simulationnisme appelle rejeter les idesprconues sur ce quoi devrait ressembler le jeu de rle. la place, il demande auxgens de se faire leur propre ide sur la faon dont ils aiment jouer au JdR pour lui-mme.

    Le simulationnisme permet que des techniques particulires puissent treempruntes dautres activits, comme les mcanismes des jeux de cartes, ou sinspirerde romans. Pour autant, cela ne veut pas dire que le jeu de rle est lune ou lautre deces activits, ou quils ont la mme essence.

    Dune certaine faon, cee vision peut ntre que transitoire. Une fois que vous avezdcouvert le jeu de rle indpendamment des analogies, vous pouvez tenter de lemlanger et de le relier dautres activits. Mais il est vital dessayer doublier ses idesreues, au moins au dbut.

    Cration daventureLaspect le plus radical du simulationnisme est son approche de la prparation du MJ.

    Les JdR classiques demandent au MJ de prparer une aventure personnalise et quiengage les joueurs. Le MJ est cens prparer des accroches scnaristiques andencourager les PJ sengager dans laventure prvue. Voici des exemples daccrochesclassiques :

    Dans une taverne, un individu mystrieux propose aux PJ un travail inhabituel. Un tre cher dun personnage est enlev ou menac par quelque adversaire

    malfique. Un vieil ennemi rapparat soudain pour causer des ennuis un personnage.

    Toutefois, le principe central du simulationnisme empche dutiliser ces mthodes.Lorsquun MJ prpare la partie entre les sances, les vnements du dcor devraient sebaser uniquement sur ce qui devrait tre raisonnablement prsent dans lunivers du jeu.a peut tre de lextrapolation, du hasard ou imagin arbitrairement, mais a ne peutpas tre construit dlibrment des ns narratives. Ce principe du simulationnismerejette les accroches mlodramatiques ou tout autre structure narrative prpare.

    Cela dnie tout contrle du MJ sur lintrigue. Puisquil ny a pas de crochet narratifpour araper les PJ, le MJ a peu de matrise sur ce que les PJ vont faire. Il est rduit superviser le dcor, et a pourrait ne pas tre une force motrice de lintrigue. En fait, nile MJ ni les joueurs ne peuvent savoir o lintrigue les emmne. Il est possible quelleparte dans des directions compltement inaendues parce que le MJ a cr la toile defond sans planier ce que les joueurs y feront, et que les joueurs agissent sansconnatre lensemble de la toile de fond. Cest une forme de ce que Liz Henry appelle lacollaboration dialogique (dialogic collaboration) en opposition la collaborationhirarchique (hierarchical) [R2].

    Cee approche inquite de nombreux rlistes qui craignent quelle puisse mener ce

  • quil ne se passe rien. Les PJ voyageraient et visiteraient dirents endroits sans ytrouver quoi que ce soit de spcial et sennuieraient. Cest le risque si les joueurs sontconditionns aendre une aventure prpare. Les joueurs tourneraient en rond encherchant des indices de ce que le MJ voudrait quils fassent, sans succs. Mais il estpossible de faire merger une dynamique diffrente en ajustant la faon de jouer (1).

    Dans une partie simulationniste, le fardeau de diriger la partie repose davantage surles paules des joueurs. Sans situations arranges pour forcer les PJ laction, lesjoueurs doivent tre plus proactifs. Ils ont intrt se montrer rebelles dans le sens o,confronts une situation stable, ils vont prendre des risques pour la chambouler. Dansles aventures provoques par le MJ, il y a un vnement inhabituel (une accrochescnaristique) qui pousse les PJ laction. Mais dans une partie simulationniste, il nyaura, en gnral, pas de tel vnement inhabituel. Sans une telle accroche, les PJ aurontbesoin de chercher le conflit.

    Maintenant, certaines personnes pourraient arguer que la plupart des joueurs neseront pas assez proactifs. Ils sont gnralement passifs tant quon ne les pousse pas laction. Il existe de nombreuses manires de contourner cela (2) :

    Vous pouvez rpartir les responsabilits autrement. Dans les groupes de JdR, cesttraditionnellement le joueur le plus actif qui devient MJ. Changez ces habitudes, enprenant quelquun dautre comme MJ et en gardant le membre le plus actif du groupecomme joueur.

    Les joueurs apprennent de ce quon leur montre. Si on les nourrit constammentdaccroches dramatiques, ils en viennent considrer que cest le boulot du MJ dtre lestimulateur. En enlevant les accroches, cela force les joueurs sonder les motivationsde leurs personnages.

    Vous pouvez construire, ds le dpart, une situation gnratrice [daventures]comme prmisse de la campagne. Par exemple, les PJ pourraient tous tre des gensnormaux dans le monde contemporain, mais qui acquirent soudain des super-pouvoirs. Cee simple prmisse peut tre la cause de toutes sortes de conits varis etdvnements pour une longue campagne.

    Il vaut mieux dcider de limiter le dcor ou la porte des aventures une zonedonne. Vous pouvez crer une campagne avec des raisons de rester dans la zone enquestion. Ds lors, les lments prpars comme les PNJ et les lieux peuvent trerutiliss dans de nombreuses aventures.

    Faire des ellipses sur de longues priodes en jeu peut devenir important. Si riennarrive, l maintenant, vous pouvez faire un saut de six mois dans le temps jusquaumoment o quelque chose est susceptible darriver. Les joueurs devraient gnralementavoir leur mot dire. Il est logique quils puissent arriver au moment et lendroit quiles intresse, et o ils souhaitent jouer, quels quils soient.

    Garder trace des dtails peut devenir important. Journaux de campagne etsynthses sont souvent dimportantes rfrences qui gnrent des ides.

    Il est probable qu la n, une campagne simulationniste vous donne limpressiondtre plus historique ou biographique. En termes narratifs, une telle campagnemanquera souvent de conclusion dramatique aux vnements ; avec certaines intrigues

  • ne faisant pas long feu, et dautres qui seront peine eeures. Toutefois, ce type decampagne aura aussi de plus en plus de profondeur dans les dtails et les relations. Lesimulationnisme rend les intrigues plus complexes et riches de sens. Toutefois, il estprimordial de ne pas juger le JdR simulationniste [sous langle de la qualit desintrigues] comme sil tait un roman ou une pice de thtre, mais plutt comme uneexprience en soi.

    Actions et rsolution des scnesLa rsolution dactions dire de la conception daventures, parce que cela concerne

    moins la prparation du MJ avant la sance, et plus lutilisation des rgles pendant lapartie. On peut pourtant y appliquer le mme principe simulationniste de se laisserguider par les dynamiques internes.

    Plusieurs systmes de jeu axs sur les histoires conseillent au MJ dignorer ou demodier les jets de ds ou les rgles (3). Ils suggrent notamment de laisser russir lesactions cool ou inspirantes des PJ.

    Un autre concept est que lopposition des PJ doit tre quilibre avec eux. Celasignifie que si les joueurs jouent intelligemment, les PJ devraient russir.

    Le simulationnisme rfute ces deux ides. Les rsultats ne sont pas truqus pour lebienfait de lhistoire. Ainsi, lorsquils sont confronts des difficults importantes, les PJpeuvent trs bien chouer. Ou bien, ils peuvent avoir de la chance et surmonter ladicult en un clin dil. Il ny a aucun parti pris pour rendre diciles maissurmontables les obstacles auxquels seront confronts les PJ.

    Le plus important retenir de tout cela est quil faut lcher la bride sur ce que vousvoulez que lhistoire soit. Souvent, une partie de JdR peut se transformer en un bras defer mta-jeu entre les joueurs et le MJ, ou entre les joueurs eux-mmes. Le MJ veut quelhistoire aille dans un sens et les joueurs veulent quelle aille dans un autre. Lesimulationnisme vous encourage abandonner vos aentes sur la faon dont vousvoulez que tournent les choses, et au contraire de vous concentrer enrichir ce quisurvient.

    Rduire la honte de lchec est une autre leon essentielle. Les systmes quircompensent les joueurs selon les succs du personnage stigmatisent ncessairementles joueurs des PJ qui chouent. Dans ces systmes, si votre PJ choue, cest parce quele MJ na pas pens que votre faon de jouer tait assez bonne pour vous octroyer unsuccs. Cela transforme la partie en exercice de critique et xe laention des joueurssur la performance (que ce soit en tant que joueurs tactiques ou en tant quacteurs). Sile groupe accepte de sen tenir des rsultats simulationnistes, alors le centre dintrtvolue. Les joueurs essaient toujours de faire en sorte que le personnage russisse, maislchec est plus acceptable, car il est celui du PJ et pas du joueur. On sintresse plus la faon dont les choses se sont droules, que ce soit autour du personnage ou dans sapsych.

    Conflit et tension dramatique

  • Comme on vient de le voir, la partie de JdR simulationniste est par nature ouverte, etpeut donner des rsultats inaendus, la fois pour les joueurs et le MJ. Cependant, on aencore du mal imaginer quoi ressemble la partie du point de vue du rcit. Ce quiarrive nest pas le rsultat dune structure dramatique planie. Comment apporter dela tension dramatique, si les personnages font tout simplement ce quils veulent dans ledcor ? Quel genre dvnements se produisent, et quelle est leur signification ?

    Un problme classique dans les campagnes traditionnelles, cest quelles meent enscne un groupe de personnages sans liens forts avec lunivers de jeu, ni motivationsfortes. Les accroches scnaristiques inventes par le MJ, qui conduisent les PJ danslaventure prpare, sont la solution typique ce problme. Toutefois, ces accrochesdpendent du talent du MJ [ connatre] ce qui la fois motive le personnage etintresse le joueur.

    Le simulationnisme rejee cee mthode. En labsence de programme externe quilssont censs suivre, les personnages devraient chercher accomplir des objectifs quisont importants pour eux. Les joueurs doivent apprendre crer des personnages dontles actions sont intressantes jouer. La toute premire qualit dun PJ est daccepter deprendre des risques. La partie se centrera alors sur lextrapolation des consquences deleurs actions. Si un PJ prend des risques pour ses ambitions, alors il peut russir ouchouer. Les deux possibilits sont intressantes.

    En outre, ces ambitions deviennent des buts pertinents pour les joueurs car lacration de personnages est un processus profondment personnel. Les joueursmeront un peu deux-mmes dans le PJ, si on leur donne le choix et la possibilit decrer un personnage complexe. Cela reprsente souvent un moyen dexaucer les vuxdes joueurs ; des personnages qui peuvent faire, et feront, des choses impossibles pourle joueur. Cela ne revient pas xer des objectifs mta-jeu qui nont rien voir avecceux du personnage ; cest plutt que le personnage de ction rete les intrts et lessouhaits du joueur.

    En extrapolant partir du processus de cration de personnage, on peut voir quelaspect est en fait important pour le joueur. Au lieu dun MJ qui devine ce qui pourraavoir une importance pour le joueur, cest au joueur de crer un personnage dont lesactions ont un sens [p.ex. si un joueur cre un personnage avec de forts scores enCharme, on en dduit qu'il cherche des aventures diplomatiques, NdT]

    En n de compte, le sens dans la partie ne vient pas du fait que telle ou telle actionrussit ou choue. Si un personnage dcide de charger sous le feu ennemi pour sauverun frre darmes, la chose la plus importante est son choix dagir ainsi. il russisseou quil choue est secondaire et les deux options sont intressantes.

    Interprtation et immersionCest limitation prcise dautres personnalits, dautres cultures et dautres

    philosophies que les ntres, qui intresse le jeu de rle simulationniste. Les moyens dele faire ne sont pas clairement perceptibles dans la dnition. Cela na pas besoin dtreun pur exercice intellectuel avec une indirence clinique. Il peut sagir dune

  • exprience motionnelle mais galement ducative. Notez que le simulationnismerejee toute racine liraire : il est donc exclu de vouloir imiter les comportements etles aitudes de personnages de lms ou de sries. Jouer un rle, de faon dtaille,appelle sonder les motivations des personnages, pas simplement imiter dautressources.

    Sur le forum rgfa, la plupart des contributeurs simulationnistes taient contre desmcanismes de personnalit coercitives. Ces dernires spcient ce que lespersonnages-joueurs devraient penser ou faire, indpendamment du joueur. Il sagit demcanismes comme le fait davoir un trait quantitatif du type Matrise de soi 4 [dansVampire, NdT] contre lequel on fait un jet de ds pour dterminer les actions du PJdans certaines situations. Dans les dbats, le premier argument a t la prcision. Ontrouvait que ajouter de telles rgles ne renforait pas la vraisemblance ducomportement du personnage. Pour un rliste expriment, a entrerait en conit avecles tentatives dinterprtation, et pour un rliste qui interprte peu, a ne feraitquajouter des ractions alatoires et dconnectes un roleplay mdiocre (et les vraisgens nagissent pas au hasard).

    Je trouve cet argument fort mais il y a une autre raison. Le pouvoir motionnel dusimulationnisme mane gnralement des consquences des choix du joueur. Pour desraisons similaires, les JdR simulationnistes ont eu tendance favoriser les crations depersonnage par attribution de points au lieu des dterminations alatoires.

    Bien que a ne fasse pas partie de la dnition du rgfa, il y a souvent une associationentre le simulationnisme et ce que lon nomme immersion. Par exemple, la plupartdes contributeurs orients simulationnisme sur rgfa taient aussi en faveur de ce quia t nomm le jeu profondment dans le personnage (deep in-character) ou jeuimmersif. La FAQ de ladaptation du modle trois volets pour les jeux grandeur naturescandinaves de Peer Bckman substitue le terme dimmersionnisme au terme desimulationnisme. [R3]

    Il existe beaucoup de points de vue diffrents sur ce quest un jeu immersif ou mme,sur son existence mme. James Wallis, dans son essai rough a Mask, Darkly, parledun type de jeu immersif quil nomme jeu de masque (mask-play) (bas sur leconcept de Keith Johnstone dtat de masque au thtre). Tel quil le dcrit :

    Le jeu de masque est la faon la