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L’Encéphale (2013) 39, 51—58 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP PSYCHOPATHOLOGIE La traversée traumatique d’un enfant migrant à l’école The traumatic passage of migrant children at school D. Derivois , N. Jaumard , A. Karray-Khemiri, M.-S. Kim Centre de Recherche en psychologie et psychopathologie clinique (CRPPC), université Lyon-2, 5, avenue Pierre-Mendès-France, 69676 Bron cedex, France Rec ¸u le 23 janvier 2012 ; accepté le 25 avril 2012 Disponible sur Internet le 22 aoˆ ut 2012 MOTS-CLÉS Interculturalité ; Méthodes projectives ; Symbolisation ; Latence ; Migration Résumé À l’école, l’enfant migrant est confronté à un travail intense de symbolisation qui articule le vécu migratoire, le vécu familial et la disponibilité de l’environnement scolaire à l’accueillir au-delà de sa mission première d’enseignement. Cet article a pour but de mon- trer la complexité des processus en jeu dans la psyché de l’enfant et discute des aspects liés à la période de latence ainsi qu’aux problématiques interculturelles. L’étude est réalisée à partir de l’examen psychologique d’un enfant migrant de sept ans, rencontré dans le cadre scolaire. Ces rencontres ont eu lieu suite à des difficultés soulignées par l’école concernant cet enfant. Les données issues des entretiens avec la maîtresse, la mère et l’enfant révèlent l’incompréhension et la non-disponibilité psychique de la mère, la répétition de la défaillance d’étayage par l’école ainsi que l’effort de l’enfant pour symboliser l’expérience migratoire et prémigratoire. L’analyse révèle différents types de traversées : la traversée familiale, la traversée institutionnelle, la traversée projective qui imposent à la psyché un travail de réor- ganisation des vécus antérieurs. La discussion soulève certains enjeux migratoires de la période de latence ainsi que certains problèmes liés au changement de contexte culturel. © L’Encéphale, Paris, 2012. KEYWORDS Interculturality; Projective methods; Symbolization; Latency; Migration Summary Introduction. At school, the migrant child has to face an intense symbolization that articulates the experience of migration, the family past and the availability of the school environment to accommodate beyond its primary mission of education. Migration is a potential source of trauma. This article aims to show the complexity of the processes involved in the psyche of the child and discusses aspects of latency as well as intercultural issues. Method. The study was conducted on the psychological examination of a 7-year old migrant child that we met at school. The meetings took place because of difficulties for the child, highlighted by the school. The data are from interviews with the child’s teacher and the mother Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (D. Derivois). 0013-7006/$ see front matter © L’Encéphale, Paris, 2012. http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.013

La traversée traumatique d’un enfant migrant à l’école

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L’Encéphale (2013) 39, 51—58

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

journal homepage: www.em-consul te .com/produi t /ENCEP

PSYCHOPATHOLOGIE

La traversée traumatique d’un enfant migrant àl’écoleThe traumatic passage of migrant children at school

D. Derivois ∗, N. Jaumard, A. Karray-Khemiri, M.-S. Kim

Centre de Recherche en psychologie et psychopathologie clinique (CRPPC), université Lyon-2, 5, avenue Pierre-Mendès-France,69676 Bron cedex, France

Recu le 23 janvier 2012 ; accepté le 25 avril 2012Disponible sur Internet le 22 aout 2012

MOTS-CLÉSInterculturalité ;Méthodesprojectives ;Symbolisation ;Latence ;Migration

Résumé À l’école, l’enfant migrant est confronté à un travail intense de symbolisation quiarticule le vécu migratoire, le vécu familial et la disponibilité de l’environnement scolaire àl’accueillir au-delà de sa mission première d’enseignement. Cet article a pour but de mon-trer la complexité des processus en jeu dans la psyché de l’enfant et discute des aspects liésà la période de latence ainsi qu’aux problématiques interculturelles. L’étude est réalisée àpartir de l’examen psychologique d’un enfant migrant de sept ans, rencontré dans le cadrescolaire. Ces rencontres ont eu lieu suite à des difficultés soulignées par l’école concernantcet enfant. Les données issues des entretiens avec la maîtresse, la mère et l’enfant révèlentl’incompréhension et la non-disponibilité psychique de la mère, la répétition de la défaillanced’étayage par l’école ainsi que l’effort de l’enfant pour symboliser l’expérience migratoireet prémigratoire. L’analyse révèle différents types de traversées : la traversée familiale, latraversée institutionnelle, la traversée projective qui imposent à la psyché un travail de réor-ganisation des vécus antérieurs. La discussion soulève certains enjeux migratoires de la périodede latence ainsi que certains problèmes liés au changement de contexte culturel.© L’Encéphale, Paris, 2012.

KEYWORDSInterculturality;

SummaryIntroduction. — At school, the migrant child has to face an intense symbolization that articulatesthe experience of migration, the family past and the availability of the school environment

Projective methods;Symbolization;

to accommodate beyond its primary mission of education. Migration is a potential source oftrauma. This article aims to show the complexity of the processes involved in the psyche of the

Latency;Migration

child and discusses aspects of latency as well as intercultural issues.Method. — The study was conducted on the psychological examination of a 7-year old migrantchild that we met at school. The meetings took place because of difficulties for the child,highlighted by the school. The data are from interviews with the child’s teacher and the mother

∗ Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (D. Derivois).

0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2012.http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.06.013

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of the child, as well as the projective methods available to the child, the Rorschach test andthe game Play Mobile. Both tools have been used as a method of investigation and as a supportfor mediation.Results. — Media and projective interviews reveal the mother’s lack of understanding of beha-vioral problems of children. The mother appeared to be emotionally unavailable for her son.She had a lot of difficulty in containing him. As for the child, he tried to maintain the presenceof an absent father, portrayed the story of his immigration and his growing awareness of theprocesses involved. The child invested the clinical relationship and expressed every effort tosymbolize the experience of pre-migration and migration times.Discussion. — The analysis reveals different types of passages: family passage, institutional pas-sage, and projective passage that requires a mental reorganization of previous experiences. Itappears that the environment is very important in the psychological construction of the child.The difficulty of investing school knowledge comes from a lack of evidence of his personal his-tory. The discussion raises some issues of migration latency period as well as some problemswith changing cultural context. To symbolize and build an intercultural Me, the migrant childneeds to rely on stable environments.© L’Encéphale, Paris, 2012.

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ntroduction

’enfant migrant, qui arrive à l’école, amène avec lui toutene série de vécus prémigratoires, familiaux et personnelsn quête de sens dans l’espace scolaire. Quand le sens faitéfaut, c’est souvent à travers des troubles du compor-ement que l’enfant exprime ce qui peine à trouver uneeprésentation dans son espace psychique. Assez souvent,uand les nouveaux pôles identificatoires (les professionnelsu scolaire) sont épuisés, il sera étiqueté élève en échec sco-aire, en décrochage ou encore « mauvais élève ». Ainsi quee souligne Pennac [1], « Nos ‘‘mauvais élèves’’ [élèves répu-és sans devenir] ne viennent jamais seuls à l’école. C’est unignon qui entre dans la classe : quelques couches de cha-rin, de peur, d’inquiétude, de rancœur, de colère, d’enviesnassouvies, de renoncements furieux, accumulées sur fonde passé honteux, de présent menacant, de futur condamné.egardez, les voilà qui arrivent, leur corps en devenir et leuramille dans leur sac à dos ». Dans le cas de l’enfant migrant,e sac à dos est d’autant plus lourd que l’événement migra-oire peut être vécu à la fois comme source de traumatismet comme déclencheur d’autres vécus traumatiques prémi-ratoires.

D’après Laplanche et Pontalis [2], le traumatisme estn « événement de la vie psychique du sujet qui se défi-it par son intensité, l’incapacité où se trouve le sujet d’yépondre adéquatement, le bouleversement et les effetsathogènes durables qu’il provoque dans l’organisation psy-hique ». Le traumatisme est ainsi un événement psychiqueui prend appui sur des événements extérieurs produisant,ans l’après-coup, une effraction de/dans l’appareil psy-hique du sujet. Le traumatisme produit une rupture desontenants [3]. Dans la migration, quand la famille ne peutas jouer son rôle de pare-excitation, exposant l’enfantigrant à de potentiels troubles [4], l’école constitue un

elais d’étayage important pour l’élève/enfant/sujet. Ceernier est ainsi confronté à une triple traversée spatiale,

istorique et psychique.

Nous entendons par traversée spatiale la trajectoire duujet à travers divers milieux de vie. La dynamique de

apr

ette trajectoire est encore plus manifeste dans le cas dea migration. Elle donne à voir l’intrication de plusieursspaces condensés dans les lieux psychiques. La traver-ée historique est celle du parcours personnel vécu auein de la famille, de l’institution, de la société, maisussi d’un pays à l’autre. Elle facilite le lien entre desléments d’histoire « objective » qui vont être transfor-és par la psyché de l’enfant. La traversée psychique

st ainsi celle de l’histoire de la représentation, de laymbolisation des affects et des conflits vécus au coursu développement de l’enfant. Chez l’enfant migrant enériode de latence, s’ajoute à la traversée historique per-onnelle celle du passage de la famille à l’école, mais aussielle du passage du pays d’origine au pays d’accueil. Ceassage interculturel s’associe aux impératifs d’une traver-ée psychique —– inhérente à la latence —– vers une penséeecondarisée, un rapport au monde plus intellectualisét un dépassement des angoisses œdipiennes permettant’investissement des apprentissages, du savoir et de la vieociale [5].

Comment s’effectue cette traversée plurielle de laamille à l’école quand l’enfant migrant est contrainte symboliser en même temps d’autres vécus familiaux,ar-delà le vécu migratoire ? À partir de l’hypothèse de’intrication entre rapport au savoir scolaire et rapport auavoir sur soi [6], nous tentons de mettre en évidencees processus de symbolisation à l’œuvre autour des nou-eaux repères et symboles auxquels est confronté l’enfant.i l’on admet avec Charlot [7] que le rapport au savoirst rapport à soi, à l’autre et au monde, nous montronsomment l’enfant utilise les caractéristiques de ses envi-onnements externes pour retrouver un équilibre dans sononde interne. Notre travail est divisé en quatre parties.ans un premier temps, nous posons le cadre de la ren-ontre avec l’enfant. Ensuite nous proposons de suivre ceui s’est passé avec lui au cours des entretiens. La troisièmeartie nous permettra de proposer des éléments d’analysexés sur sa traversée plurielle avant de discuter d’autres

oints relatifs à la latence et à la dynamique intercultu-elle.

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La traversée traumatique d’un enfant migrant à l’école

Méthode

Contexte

Nous étudions ici le cas de Babassou1, sept ans, rencontrédans le cadre d’un examen psychologique2. Babassou estscolarisé en CP. Il a deux sœurs plus âgées que lui. Son père,militaire, est porté disparu, la famille n’a pas de nouvellesdepuis trois ans. Ils sont arrivés en France en 2003, sans lepère. La mère est réfugiée politique et a fait la demande dela nationalité francaise. Dans son pays d’origine (Républiquedémocratique du Congo), il parlait le Lingala et le Francais.En France, avec ses sœurs et sa mère, ils ne parlent plusdu papa dans la famille. Au début de l’année scolaire, il afait l’objet d’une demande d’aide au Réseau d’aide spécia-lisée pour enfants en difficulté (RASED) par sa maîtresse. Lesignalement (information préoccupante) de son professeurà la synthèse mentionne les observations suivantes : « Il esten opposition avec les adultes, il ne respecte pas les règles.Il n’a pas de problème de langage, son niveau est bon, ila une bonne capacité de mémoire. J’ai l’impression qu’ilne comprend pas pourquoi il est à l’école, il répond, il esthyperangoissé. Pour lui, le moindre échec et c’est fini : crisede larmes. Il ne se sent pas bien en classe ». Nous compre-nons ici une double demande de la part de la maîtresse :demande d’éclairages sur les comportements de Babassouet d’aide pour mieux l’étayer au quotidien. À la suite dela reconstruction de cette demande, un examen psycholo-gique est proposé afin de mettre en place éventuellementun accompagnement.

Dispositif

L’examen psychologique s’est déroulé en six séances dontla dernière a été consacrée à la restitution. Les entretiensavec l’enfant ont été renforcés par des supports projec-tifs qui ont permis d’apprécier certains mouvements de sonfonctionnement psychique. Ces supports sont le Rorschachet le jeu Play mobile. Ces deux outils ont été utilisés àla fois comme méthode d’investigation et comme supportsde médiation. Ils ont permis de relever des données cli-niques complétées par des entretiens avec la mère et avec lamaîtresse. Pour l’appréciation des productions projectives,nous nous basons sur le « fil projectif » [8,9]), qui permetde suivre le mouvement des réponses le long des plancheset le long des supports sans trop focaliser sur les spécifici-tés de telle planche ou de tel test. C’est aussi ce qui nouspermet de suivre la traversée projective —– traversée de cequi est mobilisé au sein de l’appareil psychique —– dans letemps et l’espace de la passation et des productions pro-jectives. L’observation de la continuité-discontinuité et duprocessus de symbolisation, le long des rencontres et dans

le cheminement de chaque rencontre a permis, à traversla traversée projective, de retracer la traversée psychique,familiale, institutionnelle et migratoire de Babassou.

1 Prénom modifié.2 Seul un bilan projectif est proposé étant donné qu’il n’y a aucun

symptôme d’ordre cognitif.

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53

ésultats : récit clinique

ous présenterons ici des extraits des entretiens dans unrdre chronologique faisant apparaître la dynamique de’examen psychologique de Babassou et le dévoilement pro-ressif de sa problématique. Ces entretiens ont été réalisésar N. J.

remier entretien avec la maman et l’enfant :ntre l’Afrique et la France

a maman ne comprend pas ce qui se passe, parce quel’année dernière ca se passait très bien », et à la mai-on, Babassou se comporte comme tous les autres enfantse son âge. Il n’y a rien d’inhabituel dans son comporte-ent : « y’a qu’en classe que ca va pas » dit-elle. La maman

ous explique qu’elle est réfugiée politique et qu’elle a faitne demande de nationalité francaise en précisant qu’ellee considère pour l’instant sans pays, elle ne fait partie « nie l’Afrique ni de la France ». Nous constatons que la mamanarle souvent pour Babassou. De son côté, celui-ci sembleavoir pourquoi il est là. Il paraît timide, parle doucement,rticule peu, baisse la tête quand on lui pose une question.ans son discours n’apparaît pas le père qui est porté disparuu pays. Maintenant à la maison ils sont quatre : la maman,’enfant et ses deux sœurs. À la fin de l’entretien, l’enfantit qu’il « préfère la maîtresse de l’année dernière ».

euxième entretien avec l’enfant seul :onfrontation à l’absence de figures maternelles

a maîtresse de cette année scolaire était absente pourdépression ». Elle avait été remplacée, mais la maîtresseemplacante est aussi absente pour « congé de maternité ».es élèves ont été répartis dans plusieurs classes. L’après-idi ceux qui le pouvaient, rentraient chez eux, Babassou

estait à l’école. Babassou baisse les yeux, répond tou-ours oui, semble méfiant. Je (NJ) lui propose de jouer àa « maison Play mobile ». Au début, il a enlevé doucementes objets des pièces de la maison. Il a mis l’escalier versa chambre (c’est celle des parents). Il a pris la maman quiartait avec un bagage en voiture pour un long voyage à laampagne. Et après elle est revenue. À ce moment là je luiignifie que la séance est bientôt terminée et qu’il va falloirenser à ranger. Je dois lui répéter plusieurs fois. Finale-ent, il range tous les objets dans la chambre des parents.

ous les objets ne rentrent pas, mais il essaye plusieurs fois :l s’acharne à tout faire rentrer.

roisième entretien avec l’enfant seul : le voyagee la maman

uand il est arrivé dans mon bureau, il sortait de puni-ion. La maitresse remplacante m’a expliqué qu’il « avaitolé les affaires des autres et aussi de la maîtresse ». Pen-ant l’entretien, il est minutieux et observateur. Il a repris

a maison Play mobile : il a commencé par vider toutes lesièces (comme la fois précédente) et a meublé la chambrees parents (avec un lit : la maman posée dessus, puis leapa), et la chambre des enfants. Il raconte une histoire

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ù la maman part pour un long voyage et les enfants vontvec elle. Il y a un groupe d’enfants qui prennent un che-in court et les autres passent par un long chemin, puis laaman prend le train ? mais elle s’est trompée de gare. Pen-ant ce temps, les enfants sont retournés à la maison où serouve le père. Un des enfants a sept ans. Les enfants ete papa décident de faire un déménagement vers la ville.uand la maman revient de voyage, la maison n’est plus àa place habituelle, il n’y a plus rien, alors elle va en villet découvre les enfants et le papa qui lui avaient fait uneurprise.

uatrième entretien : tout le monde voyage

l raconte une histoire où on a tous fait un voyage pour alleraire une visite rapide de la Tour Eiffel (pendant les vacancesl est allé à Paris). Le voyage fut long, long, très long : on aris le bus, le train, le bus, le tram. . . À chaque fois que l’onhangeait de bus, il n’y avait pas assez de place pour toute laamille, il voulait qu’on se divise en deux et moi j ai insistépar le biais de la mère) pour qu’on monte à chaque foisous ensemble dans les transports. À un moment, Babassou

pris le personnage de la mère et l’a mise sur le conduc-eur, il a essayé de trouver une position dans laquelle ilsenaient ensemble. Ce n’était plus le conducteur qui condui-ait, c’était la mère. Le retour fut aussi long que l’aller.

À l’arrivée, tout le monde est allé se coucher, et leonducteur qui était devenu le père est allé se couchervec la mère. Le lendemain, il y a le réveil, les deux grandsnfants vont en ville par le métro et le plus petit par le bus

l’école. Les parents, qui sont tous les deux instits vont à’école en taxi.

inquième entretien : la prise de conscience durocessus

e cinquième entretien a été consacré à la passation duorschach. Par delà ses efforts pour représenter et ses per-évérations (arbre), ce qui frappe chez Babassou pendant laassation, c’est la conscience qu’il a du processus représen-atif et projectif. Ce qu’il semble signifier à la planche X :

c’est tous les mêmes choses ca se découvre petit àetit c’est tout, les tâches des planches précédentes seetrouvent dans la dernière ». Il se présente ici commeémoin interne de son parcours, mais aussi de la trajec-oire du fil projectif qui l’accompagne dans le processuseprésentatif.

nalyse : figures de la traversée

ous proposons ici de mettre en évidence différentes figurese la traversée d’un espace à l’autre, dans la famille et à’école tout en montrant comment les supports projectifsnt fonctionné comme des attracteurs de la réalité psy-hique de Babassou. Ces différents niveaux de traverséeont intriqués. Ils témoignent de la manière dont Babassou

traversé les espaces et les évènements tout en étant tra-ersé par eux. Nous utilisons à dessein la métaphore de laraversée pour souligner cet entre-deux rives où la psychée Babassou est menacée d’effondrement. Nous distinguons

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D. Derivois et al.

a traversée migratoire, la traversée familiale, la traverséenstitutionnelle et la traversée psychique.

a traversée migratoire

a traversée de Babassou et de sa famille dans l’espaceéographique est une histoire saccadée, marquée par les

bousculades » dans l’espace et dans le temps, ce que’enfant réussit à exprimer dans la notion de voyageamilial plein de craintes, contraintes, imprévus et insuffi-ances (de temps, d’espace contenant pour tous). Quittant’Afrique pour l’Europe, Babassou semble obnubilé par laotion de voyage et la traversée migratoire est encore’actualité. Il est encore en mouvement à la recherche’une « maison » voire d’une terre pour « sa maison ». Cetntense mouvement interne est paradoxal à son calme,a timidité, sa nature « adaptée » à la maison et jusqu’àas longtemps à l’école. Babassou a migré depuis plus derois années, mais le processus et le vécu migratoires seévèlent à l’examen psychologique en pleine élaboration, enleine recherche de repères environnementaux et internes.erait-il en train de chercher à donner du sens à cette tra-ersée pour finalement l’achever ? Y aurait-il, à l’image desraversées en train, des éléments de manque et de rup-ure qui entraveraient cette recherche de sens ? Quittantne terre natale —– et un père porté disparu —– a-t-il pu’approprier une terre tellement différente qui se veut àa fois terre d’accueil et terre d’exil ? En tous cas, la migra-ion dans l’espace géographique en a suscité d’autres dans laamille.

a traversée familiale

n effet, la place de Babassou dans sa famille a changé : ilst devenu le seul « homme » de la maison. Nous sommesn présence d’une transformation de la structure familiale,e ses lieux et mode de vie. Cette transformation subie,iolente, fait effraction dans les psychés des membres deette famille confrontée à la disparition du père. L’absenceu père n’est pas parlée. Son statut, ni mort ni vivant ren-orce l’ambiguïté et semble mettre la mère —– désormaishef de famille —– dans un mouvement de fuite en avant, unonctionnement opératoire où l’élaboration de la perte estifficile. La mère elle-même entre deux terres, deux natio-alités, deux langues et deux fonctions n’assume ni l’une ni’autre. Elle ne peut donc faire figure unifiée, unifiante ettayante. Babassou est ainsi fragilisé dans l’environnementamilial tant au niveau réel qu’au niveau de sa représenta-ion psychique de la famille. La famille cherche elle-mêmen contenant. Cette défaillance du contenant maternel,amilial accentue la difficulté de Babassou à se positionnerar rapport à la nouvelle configuration familiale. La nou-elle place de l’enfant est autant lourde qu’ambiguë étantonné qu’elle est conséquence directe de la disparition duère.

À un âge où Babassou est censé se dégager de la conflic-ualité œdipienne, il se trouverait face à la culpabilité

aractéristique de cette période, culpabilité dédoublée d’unécu réel d’élimination du père. À défaut d’un père limi-ant et d’un contenant maternel capable d’introduire laoi du père même par l’absence de celui-ci, Babassou se

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La traversée traumatique d’un enfant migrant à l’école

trouve dépourvu de contenant et par là-même de limites,ce qui pourrait expliquer l’expression à la fois d’anxiétéet d’opposition dans la cadre scolaire. De par la natureambigüe et potentiellement traumatique de la dispari-tion du père, la symbolisation est difficile. Confronté à ladéfaillance de la fonction maternelle et à l’instabilité desobjets internes, l’enfant se trouve dans un environnement« primaire » défaillant et cherche à pallier cette défaillancedans l’institution scolaire.

La traversée institutionnelle

La traversée institutionnelle de Babassou peut être consi-dérée comme une première ébauche d’élaboration et deconstruction de ce qui est advenu dans sa vie. L’école,surtout à la période de latence, joue un rôle très impor-tant dans son parcours et ce n’est d’ailleurs pas un hasardque ses symptômes se soient exprimés dans ce cadre. PourBabassou, l’école se présente comme un véritable espacede condensation de ses différentes traversées. L’école aété en effet le premier cadre structuré et structurantqui l’a accueilli dans sa traversée migratoire ; le cadredans lequel il a pu construire les premiers liens avec la« culture d’accueil » (la langue, le jeu, les apprentissages,les règles de la classe et de l’école, les enfants de sonâge, les instituteurs). Ces liens ont été importants pourBabassou, notamment ceux construits avec les adultes.Babassou y recherche une relation étayante « d’objet per-manent », suffisamment fiable pour qu’il puisse l’intérioriseret intérioriser avec lui les lourds changements. L’écolea donc la fonction d’enveloppe « culturelle » accueillantl’enfant migrant qui a besoin d’intérioriser de nouveauxobjets.

Cependant, trois ruptures vont marquer son parcoursscolaire en très peu de temps. La première est celle duchangement de classe où il s’est trouvé contraint à dés-investir la maîtresse de l’année précédente et d’investirla nouvelle maîtresse. Ce changement a été vécu commeune séparation d’une figure maternelle qui assurait un rôleétayant et pare-excitant. Ce changement a d’ailleurs coïn-cidé avec les débuts de difficultés de Babassou à l’école.Le deuxième changement n’a pas tardé à marquer la dis-continuité avec l’absence de la maîtresse pour dépression,la maîtresse de remplacement a également interrompu sonétayage à Babassou pour un « congé de maternité ». Le chan-gement de repères ou plutôt l’absence de repères a renforcéle climat insécure interne de Babassou. Le troisième tempsalors marqué par une sorte de désarroi a été le moment del’éclosion du mal-être de cet enfant. N’ayant pu investir lanouvelle maîtresse (la troisième sur l’année), Babassou s’esten plus retrouvé séparé des enfants de sa classe, auxquelsil aurait pu s’identifier en tant que repères permanents,pour reconstruire une nouvelle relation et continuer à inves-tir les apprentissages. Les ruptures successives du parcourset des liens, ainsi que la dislocation du groupe ont misl’enfant face à un danger déjà connu, une répétition duscénario traumatique vécu avec et dans la famille. La tra-

versée institutionnelle supposée apporter un support à latraversée migratoire et familiale de l’enfant s’est trouvéeelle-même entravée par la non-disponibilité des maî-tresses. Ces nouveaux évènements vont intensifier le travail

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55

sychique de Babassou tel que la dynamique projective leeflète.

a traversée projective

a répétition des ruptures, le silence et les environnementséfaillants ou indisponibles signant l’aspect potentiellementraumatique du parcours de Babassou, apparaissent claire-ent au Rorschach (persévérations) et dans l’activité Playobile (répétitions du trajet, de l’évènement, du départ-

etour...). Les tentatives d’élaboration de Babassou sontutant de signaux de ce mal-être que des possibilités deymboliser son vécu. Cette symbolisation, à l’image dea traversée personnelle est rompue, précaire. . . Capableependant d’exister et de faire exister ses objets à traverse jeu, Babassou met en avant son espace psychique interne.a détresse est exprimée par la demande d’étayage, la sidé-ation devant l’absence, l’inconnu, le non dit, ainsi que pare recours à des environnements différents, à la recherche’un contenant.

Le protocole de Rorschach témoigne de la traverséeigratoire et de l’intégration des nouveaux symboles cultu-

els. Cela se passe d’ailleurs à la première planche du test,lanche du premier contact avec le matériel Rorschach etaisant appel aux capacités d’établissement de lien avec laéalité [10]. La réponse 2 à cette planche (« une citrouilleoupée à moitié » enquête : « trucs blancs pour faire uneitrouille on coupe là, là et même pour les yeux »), inter-elle au-delà de la cotation, les citrouilles de Halloween,ête d’origine britannique, célébrée depuis quelques annéesn France, mais non répandue au Congo. Cela pourrait signi-er que Babassou se réfère à la réalité sociale de son milieu’accueil pour accomplir sa « migration interne » et que lesbjets et symboles de ce milieu font déjà partie de ses objetst symboles internes, en se basant sur un des aspects de saulture d’origine. Le trajet de la réponse au Rorschach nousenseigne plus profondément sur les processus psychiquesn jeu chez Babassou. Nous repérons ainsi les tentatives’élaboration (Cf. réponse à la planche II) qui révèlentu-delà du caractère fragile de la réponse des processus pro-rédients et des possibilités de symbolisation. Nous assistonsn effet à des mouvements régrédients où l’élaboration estbauchée, mais vite entravée par les processus primairesui voilent la perception comme à la planche III : « un mon-ieur on dirait, c’est une veste, des yeux ». Nous assistonsans cette réponse à une dégradation d’une représentationumaine sexuée. En effet, il semblait difficile à Babassou dee représenter cette image humaine dans sa globalité. Maise fait de conserver l’habit enveloppant, puis les yeux, signee que Babassou a tenté de signifier à travers cette réponseTableau 1).

Par ailleurs, la traversée projective rend compte desossibilités que Babassou met en jeu dans sa traverséesychique, notamment dans la construction progressive’un ensemble de repères, d’une histoire personnelle, d’unroupe interne, d’une identité. En effet à la dernièrelanche —– planche suscitant l’éclatement, mais aussi qui

ait référence à la séparation et la différenciation —–, Babas-ou exprime son désir de regrouper ensemble ses objetsparpillés. Ce désir d’assemblage dévoile sa recherche de

recoller les morceaux » de sa vie, de son histoire et de

56 D. Derivois et al.

Tableau 1 Rorschach de Babassou.

PL Réponses Enquête Local. Dét. Con.

I 1-Une araignée2-Une citrouille coupée à moitié

Là, pattes, des grandes grandes pattestrucs blancs pour faire une citrouilleOn coupe là, là et même pour les yeux

D/GGbl

F+F-

ABot

II (En montrant la planche I et la plancheII : on dirait c’est les mêmes)1-Des traces, là c’est gris, là y’a deuxbosses des traces de colle

Là, je sais pas G FC- Traces

III (En montrant la planche précédente : cac’est ca)1-(partie rouge) Un monsieur on diraitc’est une veste, des yeux

TâchesTraces

G K H

IV 1- Un arbre Là on dirait c’est des racines, là desbranches

G F Vég

V 1- Une chouette parce que les chouetteselles ont des petites pattes

Vole vite G kan A

VI v 1- Un arbre avec des racines (il rangevite la planche)

On dirait des personnesLà on dirait c’est un nezG F H

G F- Vég

VII v 1- Un humain oui mais sauf il a pas deventre (il range la planche)

Je sais pasIl a des pieds et aussi des mains

G K H

VIII v 1- Une chouetteJe sais plus

Elle a des ailesPas d’ailes

G F- A

IX v 1- Un arbre et aussi on dirait y’a desfeuilles qui tombent

G kvég Vég

X 1-C’est tout les mêmes chosesTous les mêmes chosesCa se découvre petit à petitC’est toutLes tâches des planches précédentes se

En fait c’est les couleursMême c’est le même arbre que là(Il cherche l’arbre qu’il voit dans laplanche IX)

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retrouvent dans la dernière

econstituer, loin de la perte son monde avec les anciens etes nouveaux repères.

iscussion

près la mise en évidence de cette traversée plurielle quionne sens à son vécu, nous discutons ici des éléments rela-ifs à la période de latence, et à l’interculturalité.

njeux de la période de latence

la latence l’investissement du scolaire et des apprentis-ages est l’axe central du développement psychologique de’enfant. Sur la base des mouvements identificatoires, il per-et la mise en place des mécanismes de défense secondairesermettant l’équilibre affect-intellect. Le dégagement de laériode œdipienne est censé amener l’enfant à une période’investissement de la pensée où l’intellectualisation per-et dans un élan adaptatif, la construction des liens avec

a réalité sur deux volets : celui de la connaissance et despprentissages et celui de la socialisation de l’élargissementes investissements affectifs et identificatoires en dehors duercle familial et des images parentales [5].

cars

Babassou n’a pas connu l’école au Congo. L’école repré-ente pour lui le point de chute de son parcours migratoire.l a du mal à l’investir car investir l’école pourrait vouloirire confirmer la migration au statut de réfugié, d’exilé, eturtout confirmer la perte du père. Face à tous ces mou-ements de la réalité et aux mouvances intrafamiliales etntrapsychiques, Babassou s’est trouvé dans l’interruptionontraignante, insécurisante et répétée de ses mouvements’élaboration de son vécu et de construction identitaire.

sept ans, il est encombré de problématiques antérieuresui n’ont pas eu leur part de travail psychique élabora-eur. L’accès au savoir scolaire bute ainsi sur la difficulté’accéder au savoir sur soi-même [11] et sur sa famille —– icion père—–.

La symbolisation pose alors problème, ce qui se traduitar une sorte de refus scolaire. En effet la symbolisa-ion est « la condition sine qua none de la mise en placee la pensée » [5]. Et quand penser, apprendre devientouloureux [12], l’affectif ne peut céder la place au cog-itif. Le cadre scolaire devient la scène par excellencee l’expression de cette douleur. Douleur de la diffi-

ulté à nommer l’innommable, la perte et la culpabilitémalgamées. . . La pensée symbolique trouve en effet sesacines dans l’élaboration des expériences d’absence et ceont les germes de la pensée symbolique qui permettent de

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La traversée traumatique d’un enfant migrant à l’école

développer affects et représentations, mots et choses et parla suite donnent lieu au langage, aux identifications et à laconstruction de la pensée [5]. Par ailleurs le fonctionne-ment cognitif corollaire du développement de la fonctionsymbolique, ne peut se faire sans un lien sécurisant avec lemonde externe. Le développement de l’appareil à penserou capacité de penser se fait à travers les expériences avecl’environnement : expériences sensorielles, émotionnelles,sociales, etc. [13].

À son tour le développement cognitif est une res-source adaptative en soi et signe de développement etd’autonomie du Moi [14]. Il est aussi un marqueur du lienet de l’investissement de la réalité extérieure. À la périodede latence, après les périples de la période œdipienne, lesfonctions cognitives et l’aptitude à l’apprentissage signifientl’accès à une plus grande autonomie et le maniement d’uneliberté et d’un contrôle sur le monde. Babassou vit des diffi-cultés dans ce processus, en raison du manque d’élaborationde la perte, de la période œdipienne non résolue et entra-vée par une suppression du père, mais aussi par une certaineforme de dépression de la mère, qui articule aspects sociauxet aspects culturels [11].

Ainsi, la « crise » actuelle de Babassou émerge entre laconfiguration œdipienne et les évènements liés à la dispari-tion du père. Ces derniers non dénués d’effets traumatiquesauraient affecté les processus identificatoires. Babassou adu faire face à l’ « absence » de l’étayage élaborateur de lamère. La perte n’ayant pas été élaborée par manque designifiant et par manque d’étayage, l’Œdipe semble res-ter tributaire des ces images parentales fragiles dont laconflictualisation est nécessaire pour une construction iden-tificatoire maturante.

Enjeux interculturels

Le passage d’un univers culturel à l’autre implique une tra-versée psychique laborieuse pour l’enfant migrant confronténon seulement au nouveau contexte culturel, mais aussi à lacontinuité et à l’actualisation de son histoire prémigratoire,car la vie psychique ne s’arrête ni ne commence avec lamigration. Elle continue et pousse à symboliser un ensemblede vécus [15]. Dans ces conditions, l’enfant a besoin de sesentir contenu pour travailler à la (re)construction de sonMoi Interculturel [16]. La construction du Moi Intercultu-rel de Babassou se constitue dans un contexte du deuil dupère et de la terre natale, de l’élaboration de la nouvellestructure familiale, de la redéfinition des rôles et la mise enmots et en symboles de ce qui est advenu. La reconstructionde cette identité est d’autant plus complexe que la mère,contenant primaire, a elle-même du mal à reconstruireson identité, se trouvant dans la discontinuité psychique,l’inconnu, l’attente. Manquant elle-même d’une sécuritéde base, elle se trouve dans l’incapacité de contenir etd’appuyer la traversée psychique de l’enfant qui d’ailleursest dans une recherche de figures pouvant le rassurer dans cenouveau milieu. L’absence d’une enveloppe familiale stable

et sécurisante entrave la possibilité de transmission et doncle maintien d’une continuité psychique. La mère est en diffi-culté pour revisiter sa parentalité pour un éventuel étayageélaborateur et intégrateur des nouveaux repères culturels.

57

La construction de l’identité culturelle est un processusui vise un équilibre entre deux pôles, le pôle de la mémoiret le pôle du désir [3]. Pour Babassou, la mémoire est conflic-uelle en raison de son statut d’exilé et celui de sa famille.e statut marque une rupture d’avec les premières racines.’identité interculturelle a besoin pour se développer d’unelaboration de cette rupture et à la fois d’une inscriptionymbolique dans la continuité psychique (mémoire, repré-entation, imaginaire...) avec les racines, les origines, aveca terre-mère. La stabilité du sentiment d’appartenanceremier et son intériorisation malgré les ruptures et leshangements vécus comme traumatiques, sont le socle dease de la construction de cette nouvelle identité intercul-urelle. C’est en effet le sentiment de sécurité de base quiermet d’intégrer de nouveaux repères culturels, sociaux etamiliaux.

L’interculturalité de l’enfant migrant se construit essen-iellement dans un environnement stable et sécure.’environnement scolaire, premier cadre de rencontresntersubjectives après la famille, où l’enfant passe beau-oup de temps et se retrouve dans une dynamique deransmission, est alors très important. Les contingencescolaires offrent à l’enfant autant de possibilités identifi-atoires que d’étayage. L’environnement scolaire, surtoutn période de latence, est susceptible de constituer unadre spatial et temporel fixe, permanent, continu et sécu-isant. De plus il marque l’accès à la culture d’accueil,’appartenance à un groupe d’enfants du même âge et seetrouvant dans cet espace dans le pays d’accueil, qu’ilsoient ou non originaires de ce pays. Ce sont les diffé-entes enveloppes de l’environnement nouveau (famille,cole, société) qui pourront contenir la construction de’identité interculturelle à travers les liens, la transmissiont la mise à disposition pour l’enfant de bons objets qu’ilntrojectera, intègrera et élaborera comme nouveaux objetsulturels internes faisant partie de son développement vers’individuation.

éclaration d’intérêts

es auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts enelation avec cet article.

éférences

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Masson; 2010.[4] Baubet Th Taïeb O, Guillaume J, Moro MR. Les états psy-

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[5] Golse B. Le développement affectif et intellectuel de l’enfant.Paris: Masson; 2008.

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[8] Roman, P. Le détail blanc dans le test de Rorschach et

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10] Chabert C. Psychanalyse et méthodes projectives. Paris:Dunod; 1998.

11] Derivois D. La complexité clinique interculturelle. L’autre2008;1(10):64—79.

12] Catheline N. Quand penser devient douloureux. Intérêt dutravail thérapeutique de groupe en institution et avec média-teur dans la pathologie du jeune adolescent. Psychiatr Enfant2001;1:14.

D. Derivois et al.

13] Bion W-R. Aux sources de l’expérience. Paris: PUF; 1979.14] Ego Hartmann H. Psychology and the problem of adaptation.

New York: International University Press; 1958.15] Walter M, Thomas G. Dépressions sévères : facteurs culturels

et sociaux. Encéphale 2009;35:286—90.16] Derivois D, Kim MS, Issartel L. Vers un Moi interculturel : tra-

jectoires du Moi en situation migratoire et interculturelle.In: Berkman G, Jacot Grapa C, editors. Archéologie du moi.Actes de Colloques. Saint-Denis: Presses Universitaires de Vin-ciennes; 2009. p. 153—61.