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TAUX PROMO INÉDIT, ÉMEUTES, BUZZ, ETC. Ce que dit “l’affaire” Nutella... LES FAITS. La semaine dernière, Intermarché a “enfoncé” le prix du Nutella et provoqué un énorme buzz. L’un et l’autre étant évi- demment liés... V oilà des années qu’une promo n’avait pas autant marqué les esprits : un pot de 950 g Nutella à 1,41 € ! Soit moins cher que le “verre” de 220 g, généralement affiché à 1,75 €. Du jamais vu, foi d’A3 Distrib qui trace les offres des enseignes depuis plus de 20 ans désormais. Presque suffisant pour comprendre que des clients en viennent aux mains pour s’arracher les derniers pots disponibles. “ On a frôlé l’émeute dans plusieurs villes de l’Est, comme Forbach, Haguenau ou Revigny-sur- Ornain”, rapporte ainsi Le Monde. France TV info évoque même une bagarre” à Ostricourt dans le Nord, obligeant la gendarmerie à interve- nir” . Quelle que soit la réalité des faits (et même s’il y a une forme de consternation à observer pareils débordements), “l’affaire” Nutella en dit long sur la consommation comme sur la distribution. Souvent d’ailleurs à contre-courant d’une forme de bien-pensance qui gagne même les esprits les plus structurés... La promo ? Une drogue sujette à l’accoutumance Premier enseignement : le prix demeure encore et toujours le moteur du commerce, bien avant toute autre considération. Car, en l’espèce, c’est bien par une modifica- tion de l’offre que la demande s’est emballée. Rien d’autre ne l’explique, pas même la Chandeleur ! Et malgré nombre d’études concluant sur leur méconnaissance des prix, les clients ont, ici, bien vu l’aubaine... Aucun doute : ceux qui se bousculaient en rayons avaient compris que Nutella était proposé bien en-deça de sa valeur. Précisément ce qui stimule l’achat et, dans le cas d’une offre limitée, alimente la peur de ne pou- voir en profiter. Une situation bien plus aiguë que la semaine précé- dente. Car, n’en déplaise à Nestlé, Perrier à – 70 % est moins impactant, la marque ayant multiplié ces der- nières années les promos de type 1 pour 1 ou 2 pour 2. En clair, Perrier avait (partiellement) mis à mal sa propre valeur lorsque Nutella préser- vait davantage la sienne. Normal que – 70 % sur l’un n’ait pas le même effet que –70 % sur l’autre. La relati- vité sans doute ! Autre enseignement : la difficulté de porter un jugement définitif sur la légalité de l’offre. Chez Inter- marché, et au meilleur niveau, on s’affiche plus que serein, contestant même la descente d’une équipe de Bercy comme des âmes bien- veillantes l’ont pourtant indiqué. En outre, l’histoire récente montre que la DGCCRF s’est davantage intéres- sée aux “contreparties” qu’au seuil de revente à perte. En la matière, il faut en effet bien distinguer l’esprit de la lettre. Dans l’esprit, aucun doute : ce pot de Nutella est vendu à perte. Personne n’imagine un prix de cession de Ferrero à Intermarché aussi faible. Mais dans la lettre ? Bien moins simple eu égard à la com- plexité des contrats entre marques et enseignes. Or la lettre est bien le seul prisme par lequel le droit doit être envisagé. Enfin, “l’affaire” Nutella démontre aussi à quel point la promotion est une drogue, sujette à l’accoutumance et donc imposant une progressivité de la dose pour produire le même effet. Qui se souvient qu’en 2007 (il y a une éternité), Carrefour avait provoqué une réaction simi- laire avec une “simple” remise différée de 50 % ? C’était une première sur une marque nationale majeure. Dix ans plus tard, une telle remise ne produit plus qu’un effet mesuré. Preuve que l’accoutumance promotionnelle est une réalité. En ce sens, plafonner par la loi le niveau maximal de remise aura le mérite d’engager une désintoxication de force. Et Les Mousquetaires auront, eux, la fierté d’avoir proposé le dernier “shoot” à des clients addicts qui, forcément, s’en rappelleront. Olivier Dauvers TRIBUNE GRANDE CONSO à retrouver sur www.olivierdauvers.fr N° 168 JANVIER 2018 TGC - Editions DAUVERS 12 D rue des Landelles - 35510 Cesson 02 99 50 18 90 [email protected] VOUS ÊTES 19228 CADRES DE LA GRANDE CONSO À RECEVOIR “TGC” 2007 Remise différée 50 % 2018 Rem. immédiate 70 %

La Tribune Grande Conso - a-p-c-t.fra-p-c-t.fr/dauvers/fichiers/20180129_5a6ef9ff8c2fd.pdf · GRANDE CONSO à retrouver sur N° 168 JANVIER 2018 TGC - Editions DAUVERS 12 D rue des

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TAUX PROMO INÉDIT, ÉMEUTES, BUZZ, ETC.

Ce que dit “l’affaire” Nutella...LES FAITS. La semaine dernière,Intermarché a “enfoncé” le prix duNutella et provoqué un énormebuzz. L’un et l’autre étant évi-demment liés...

Voilà des années qu’unepromo n’avait pas autantmarqué les esprits : un pot

de 950 g Nutella à 1,41 € ! Soitmoins cher que le “verre” de 220 g,généralement affiché à 1,75 €. Dujamais vu, foi d’A3 Distrib quitrace les offres des enseignesdepuis plus de 20 ans désormais.Presque suffisant pour comprendreque des clients en viennent auxmains pour s’arracher les dernierspots disponibles. “On a frôlé l’émeutedans plusieurs villes de l’Est, commeForbach, Haguenau ou Revigny-sur-Ornain”, rapporte ainsi Le Monde.France TV info évoque même une“bagarre” à Ostricourt dans le Nord,“obligeant la gendarmerie à interve-nir”. Quelle que soit la réalité desfaits (et même s’il y a une forme deconsternation à observer pareilsdébordements), “l’affaire” Nutella endit long sur la consommationcomme sur la distribution. Souventd’ailleurs à contre-courant d’uneforme de bien-pensance qui gagnemême les esprits les plus structurés...

La promo ? Une drogue sujette à l’accoutumance

Premier enseignement : le prixdemeure encore et toujours lemoteur du commerce, bien avanttoute autre considération.Car, enl’espèce, c’est bien par une modifica-tion de l’offre que la demande s’estemballée. Rien d’autre ne l’explique,

pas même la Chandeleur ! Et malgrénombre d’études concluant sur leurméconnaissance des prix, les clientsont, ici, bien vu l’aubaine... Aucundoute : ceux qui se bousculaient enrayons avaient compris que Nutellaétait proposé bien en-deça de savaleur. Précisément ce qui stimulel’achat et, dans le cas d’une offrelimitée, alimente la peur de ne pou-voir en profiter. Une situation bienplus aiguë que la semaine précé-dente. Car, n’en déplaise à Nestlé,Perrier à –70 % est moins impactant,la marque ayant multiplié ces der-nières années les promos de type1 pour 1 ou 2 pour 2. En clair, Perrieravait (partiellement) mis à mal sapropre valeur lorsque Nutella préser-vait davantage la sienne. Normalque –70 % sur l’un n’ait pas le mêmeeffet que – 70 % sur l’autre. La relati-vité sans doute !

Autre enseignement : la difficultéde porter un jugement définitif surla légalité de l’offre. Chez Inter-marché, et au meilleur niveau, ons’affiche plus que serein, contestantmême la descente d’une équipe deBercy comme des âmes bien-veillantes l’ont pourtant indiqué. Enoutre, l’histoire récente montre quela DGCCRF s’est davantage intéres-sée aux “contreparties” qu’au seuilde revente à perte. En la matière, ilfaut en effet bien distinguer l’espritde la lettre. Dans l’esprit, aucundoute : ce pot de Nutella est venduà perte. Personne n’imagine un prixde cession de Ferrero à Intermarchéaussi faible. Mais dans la lettre ? Bienmoins simple eu égard à la com-plexité des contrats entre marqueset enseignes. Or la lettre est bien leseul prisme par lequel le droit doitêtre envisagé.

Enfin, “l’affaire” Nutella démontreaussi à quel point la promotion estune drogue, sujette à l’accoutumanceet donc imposant une progressivitéde la dose pour produire le mêmeeffet. Qui se souvient qu’en 2007(il y a une éternité), Carrefouravait provoqué une réaction simi-laire avec une “simple” remisedifférée de 50 % ? C’était unepremière sur une marque nationalemajeure. Dix ans plus tard, une telleremise ne produit plus qu’un effetmesuré. Preuve que l’accoutumancepromotionnelle est une réalité. En cesens, plafonner par la loi le niveaumaximal de remise aura le mérited’engager une désintoxication deforce. Et Les Mousquetaires auront,eux, la fierté d’avoir proposé ledernier “shoot” à des clients addictsqui, forcément, s’en rappelleront.

Olivier Dauvers

TRIBUNEGRANDE CONSOà r e t r o u v e r s u r w w w . o l i v i e r d a u v e r s . f r

N° 168 JANVIER 2018TGC - Editions DAUVERS

12 D rue des Landelles - 35510 Cesson02 99 50 18 90 [email protected]

VOUS ÊTES 19228CADRES DE LA GRANDE CONSOÀ RECEVOIR “TGC”

2007Remise différée 50 %

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