La Veritable Nature de l'Enfant

tre parent avec empathie et confiance

Natural child OK 22/11/07 17:11 Page 16

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Saisir le truc propos des enfants

Quest-ce que a peut bien signifier, saisir le truc, propos des enfants ?Ce concept, auquel je me rfre rgulirement dans mon travail deconseillre et dcrivain, semble tre une condition binaire de type toutou rien : ou bien les gens saisissent le truc, ou bien ils ne le saisissentpas. Soit ils comprennent que les enfants sont des tres humains quimritent dtre traits comme tels, soit ils ne le comprennent pas. Mal-heureusement, dans notre socit, il y a beaucoup de gens qui ne com-prennent pas cela. Et il est surprenant de constater que cela inclut denombreux professionnels de la sant mentale.

Quest-ce que a veut dire, quand quelquun ne saisit pas le truc ?Cela veut dire que cette personne sest soumise lide que les enfantssont fondamentalement diffrents des adultes. Cela veut dire quellepense que les enfants fonctionnent selon des principes foncirementdiffrents de ceux qui rgissent le comportement des adultes. Elle doitforcment penser cela : aucun adulte namliore son comportementlorsqu'on le critique, on l'insulte, on le frappe, on lui hurle dessus ou onle punit de quelque faon que ce soit. Les adultes se comportent tous dela manire dont ils sont traits ; tout le monde sait cela. Mais alors pour-quoi tout le monde ne sait pas quil en va de mme pour les enfants ?Comment se fait-il quon suppose que les enfants se conduiront mieuxsils sont punis ? Il est vident que la peur va les amener modifier leurconduite, mais, ainsi que le psychologue Marshall Rosenberg nous lerappelle, nous avons deux questions nous poser lorsque nous souhai-tons faire changer le comportement dun enfant :

Deux questions nous aident comprendre pourquoi il est peu probable que nousobtenions ce que nous recherchons en ayant recours aux punitions [] La premirequestion est : Quest-ce que je souhaite que cette personne fasse qui soit diffrentde ce quelle fait dj ?. Si nous nous posons uniquement cette question, la punitionpeut nous sembler une rponse efficace, parce que les menaces ou lusage de la force punitive peuvent en effet influencer le comportement dune personne. Cependant,avec cette seconde question, il devient vident que la punition ne va probablementpas fonctionner : Quelles sont les motivations que je voudrais que cette personneait pour faire ce que je lui demande ? Nous nous posons rarement cette secondequestion, mais quand nous le faisons, nous nous rendons compte que la punition


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met en danger la bonne volont et lestime de soi. La punition dtourne notre attentionde la valeur intrinsque dune action au profit de ses consquences apparentes.Blmer et punir ne contribuent en rien aux motivations que nous souhaiterionsinspirer aux autres 2.

Le Dr. Rosenberg est donc quelquun qui a visiblement trs bien saisile truc. Mais nombreux sont ceux qui ne sont pas dans ce cas et pen-sent que la description du Dr. Rosenberg sapplique aux adultes, maisnon aux enfants. Cependant, si les enfants taient effectivement aussi diffrents des adultes, quel ge changeraient-ils subitement leurmode de fonctionnement ? Au matin de leur dix-huitime anniversaire ?De leur vingt-et-unime ? 3 Cette question na videmment pas derponse, une telle transition nexiste pas. Les tres humains de tous gesfonctionnent selon les mmes principes : ils se conduisent bien quandils sont bien traits, et souhaitent aussi bien traiter les autres. Enrevanche, ils se comportent mdiocrement quand ils ont t dlibr-ment blesss par quelquun, et en retour, ils ragissent avec colre etrancur, et veulent blesser cette personne. Que le parent rationalisementalement le mauvais traitement comme tant pour le bien de lenfantne change rien : cette motivation n'a pas de sens pour lenfant, car toutce quil voit, ce sont les actes.

Aussi, quand nous ne comprenons pas le truc, quand nous croyons que les enfants ont un fonctionnement trange et diffrent, notre travailde parent devient trs compliqu. Nous nous demandons constammentce que nous sommes censs faire. Doit-on compter jusqu' cinq ou jusqu' dix avant de donner une fesse ? Faut-il mettre lenfant au coindeux minutes, ou peut-tre cinq ? Est-ce quon doit priver notre ado desortie pendant une seule journe, ou pendant toute une semaine ? Est-il ncessaire de sexcuser de ses erreurs, ou est-il prfrable de se prsentercomme irrprochable et parfait face lenfant ?

Mais quand nous comprenons le truc, quand nous comprenons queles enfants fonctionnent de la mme faon que nous, ont la mmenature que nous, alors il devient trs simple de prvoir leurs ractions.Nous avons juste besoin de nous demander ceci : comment ragirions-nous dans la mme situation ? tre parent peut alors se rsumer simplement appliquer la Rgle dOr. Comme le dit si bien le Dr. Elliott2 - Marshall Rosenberg, Nonviolent Communication: A Language of Compassion (Encinitas, California: PuddleDancer Press, 2000)3 - Lge de la majorit lgale est de 21 ans aux Etats-Unis, N.D.T.


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Barker, directeur de la Socit Canadienne pour la Prvention de laCruaut envers les Enfants :

Les enfants dont les besoins ont t combls le plus tt possible par des parentsaimants sont entirement assujettis la forme de discipline la plus svre qui soit :ce que vous ne voulez pas quils fassent, ils ne le font pas, parce quils vous aiment tellement !Si vous avez pu rester en phase avec votre enfant, en lui pargnant les non par milliers,que ce soit propos de votre prcieuse porcelaine, ou pour lempcher de mangerson dessert avant le plat principal, ou pour le forcer finir ses pinards, ou propos dececi ou cela ; si vous y tes parvenu, dans les rares situations o il importe vraimentque votre enfant vous coute parce que sa scurit est en jeu, vous naurez pasbesoin de recourir quoi que ce soit qui ait une connotation disciplinaire afin de vousassurer que lenfant aura le comportement adquat 4.

Un enfant est un tre humain, tout comme chacun de nous, aussihumain quun adulte. Il mrite dtre trait avec dignit, respect, com-prhension et sympathie. Lorsque les enfants sont traits de cettefaon, tout le monde y gagne.

4 - Elliott Barker, Editorial in Empathic Parenting 23, no.1 (2000).


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5 - In La connaissance interdite (Aubier Montaigne, 1993)6 - Pdagogie noire, N.D.T.

De limportance dun parentage empathique

Toute personne qui maltraite ses enfants a elle-mme t svrement traumatisependant son enfance La maltraitance na pas de raison autre que la rpression desmaltraitances subies et la confusion dont a souffert la personne maltraitante elle-mme 5 .

Alice Miller

Comment un enfant maltrait parvient-il dpasser suffisamment sesexpriences douloureuses pour donner ses propres enfants plusdamour quil nen a lui-mme reu ? Est-ce que de tels enfants, lorsquilsatteignent lge adulte, sont condamns rpter sans fin le cycle de lacolre, de la maltraitance et de la vengeance ? Certes, il est probableque les parents maltraitants aient eux-mmes t maltraits durant leurenfance, mais la rptition de ce schma nest pas inluctable. Certainsenfants victimes dabus dcident, en grandissant, de donner leurspropres enfants lenfance dont ils ont t privs. Mon pre, qui taitparfois frapp et humili par son pre, a exprim ainsi ce dsir : donner mes enfants une meilleure vie que celle que jai eue.

La simplicit de cette affirmation est une illusion. En ralit, donner ses enfants ce que lon na pas eu soi-mme ncessite de franchir deuxtapes complexes : dabord, le parent doit prendre conscience du faitquil a effectivement subi des maltraitances pendant son enfance. Cestltape la plus difficile, parce que les souvenirs dabus datant de len-fance sont si pnibles que nous les rprimons. Ils peuvent donc savrerinaccessibles, mme quand nous nous sentons prts tre confronts nos limites motionnelles. Ainsi que la expliqu le Dr. Miller, la plupartdes gens peuvent peine se souvenir des tourments de leur enfanceparce quils ont appris les regarder comme la juste punition de leurpropre mchancet, et aussi parce que lenfant doit rprimer les v-nements douloureux pour pouvoir survivre. Cependant, un enfantmaltrait peut viter de devenir un parent maltraitant si, pendant len-fance, il a eu la chance -mme une seule fois- de rencontrer quelquunqui lui a offert autre chose que de la pdagogie 6 et de la cruaut : unenseignant, une tante, une voisine, une sur, un frre. Ce nest que grce lexprience de stre senti aim, chri, que lenfant apprend identifierla cruaut comme telle, en prendre conscience et y rsister.


Cependant, la prise de conscience nest pas suffisante pour rompre lecycle de la maltraitance. La seconde tape dans ce but implique que lesparents fassent lexprience dune nouvelle forme de relation leursenfants, alors quils nont eu eux-mmes que rarement, voire jamais,loccasion de vivre ou dtre tmoins de telles relations. Comment cesparents peuvent-ils apprendre traiter leurs propres enfants avec respectet dignit ?

Le Dr. Elliott Barker recommande quatre mesures essentielles que tousles futurs parents peuvent prendre pour lever des enfants motionnelle-ment sains, malgr les manques quils ont pu vivre dans lducationquils ont reue 7.-1- Une exprience positive de la naissanceAinsi que lexplique le Dr Barker : si les deux parents sont prsents lanaissance et sils en ont une exprience positive, et la mre et le preauront plus facilement le coup de foudre pour leur bb [...] Le difficiletravail qui consiste soccuper de leur enfant leur semblera moinslourd, tant ils seront obnubils par leur bb si extraordinaire.-2- Un allaitement prolongDaprs le Dr. Barker : Allaiter jusqu' ce que lenfant nen ait plusbesoin est une autre de ces choses quune mre peut faire et qui entranera,comme par magie, de nombreux bnfices. Lallaitement maintient larelation damour avec votre enfant. Lallaitement prolong permet lattachement mre-enfant de surmonter les moments difficiles qui,sinon, risqueraient dentraner un dtachement et une indisponibilitmotionnelle.-3- Des sparations avec les parents rduites au minimum et une

invariance des personnes qui soccupent de lenfantPour le pdiatre William Sears, seul le parent est en parfaite harmonieavec les besoins de lenfant. Etre loin [de lenfant] pendant les priodesde stress le prive de ses soutiens les plus prcieux, et vous prive dunechance de cimenter votre relation Les bbs apprennent vivre avecdes besoins non combls, mais cest au prix de leur estime de soi et deleur capacit faire confiance 8.-4- Un espacement rflchi des naissancesSelon le Dr. Barker : lever correctement un enfant de moins de 3 ansrequiert de la part des deux parents une quantit norme de temps et7 - In Film Guide to CSPCC Videotape When You Cant Feel No Love (Canadian Society for the Prevention of Cruelty to Children, 1991).8 - William Sears, M.D., Creative Parenting: How to Use the Attachment Parenting Concept to Raise Children Successfullyfrom Birth Through Adolescence (Montreal: Optimum Publishing International, 1987).


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dnergie. Espacer les naissances est une chose importante que les parents peuvent faire pour prvenir lpuisement qui survientquand, en tant que parents bien intentionns, ils se consacrent lexigeante tche de rpondre aux besoins motionnels denfants dgesrapprochs.

Ces quatre lments peuvent avoir des effets profonds sur toute lafamille. Non seulement, ils fondent vritablement chez lenfant la capa-cit daimer et de faire confiance, mais ils aident galement les parents se soulager de la douleur de leur propre enfance. En tablissant ces lienstroits damour et de confiance entre parents et enfants, il est possiblede faire cesser en une gnration le cycle de la maltraitance. Le Dr. Mil-ler nous assure qu'il est absolument impossible pour une personne ayantgrandi entoure daffection, de respect et de sincrit, de se trouver jamaisamene tourmenter quelquun de plus faible Elle a appris trs ttquil est juste et bon doffrir protection et assistance ceux qui sontsans dfense ; cette attitude, engramme ds le dbut dans le corps etdans lesprit, demeurera prgnante tout le reste de sa vie. Un enfantainsi lev grandira avec la conviction profonde et inbranlable quil estmal de blesser un autre tre humain.

Malheureusement, de nombreux jeunes parents ignorent limportancede ces quatre points fondamentaux, surtout sils nont pas eux-mmesbnfici de confiance et damour inconditionnel durant leur enfance.Le cycle ininterrompu de la maltraitance pourrait cesser si on sen don-nait les moyens, sous la forme de programmes ducatifs qui soulignentlimportance de ces quatre tapes du parentage empathique, sous laforme de lois offrant aux enfants la protection laquelle ils ont droit,et galement si les professionnels qui travaillent avec les familles trai-tent les enfants de manire bienveillante.

En Scandinavie, des lois interdisent la maltraitance non seulementles abus sexuels et les coups et blessures, mais aussi la fesse et la maltrai-tance psychologique. Ces lois ne prvoient pas de sanction pnale ;elles sont destines alerter lopinion publique sur les besoins lgitimeset les droits des enfants. Une telle lgislation peut-elle tre efficacequand tout le reste a chou ? Le Dr. Miller croit que chaque humainpris dans un pige recherche une issue. Il est heureux et reconnaissantsi on lui en propose une qui ne mne ni sa propre culpabilit, ni la souf-france de ses enfants.


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Heureusement, une fois tablie chez lenfant, la capacit damour etde confiance se transmet travers les gnrations aussi facilement quela dfiance et la cruaut. Le Dr. Miller nous lassure : il est tout simple-ment faux de dire que les tres humains doivent continuer compulsive-ment faire du mal leurs enfants Les blessures des parents peuventgurir, elles peuvent ne pas se rpercuter chez les enfants si elles nesont pas ignores. Il est parfaitement possible [] dtre rceptif auxmessages qui viennent de nos enfants, qui nous aident ne plus jamaisattenter leur vie, mais au contraire la protger et lui permettre despanouir.


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Nature ou culture ?

Dans le livre de Judith Rich Harris Pourquoi nos enfants deviennentce qu'ils sont (ditions Robert Laffont), lauteure avance lhypothseque ce sont ses amis, et non pas ses parents, qui influencent le plus ledevenir dun enfant.Cependant, cet extrait dun article sur les origines de la rbellion adolescente, crit par le Dr. Sidney Craig sous le titre La relation entreles motions et le comportement pourrait constituer une rplique cette opinion :

Si nous voulons que nos enfants passent du temps avec nous, nous apprcient, seconfient nous, partagent des valeurs avec nous et cherchent nous faire plaisir(par exemple en ne se droguant pas), notre comportement leur gard doit gnrerde leur part un sentiment damour envers nous plutt quun sentiment daversion oude colre. Nous ne pouvons raisonnablement pas nous attendre une bonneconduite de nos enfants, moins de crer chez eux de bonnes motions.9

Comme il est trs douloureux pour un adulte didentifier et de seremmorer la trahison parentale subie pendant ses premires annes,une sorte dauto-aveuglement survient frquemment. Dans son articlephare intitul Trauma denfance 10, Alice Miller explique :

La connaissance des cruauts endures pendant lenfance perdure dans le cerveausous la forme de souvenirs inconscients. Pour un enfant, il est impossible de vivrede tels traitements en ayant pleinement conscience. Mme si lenfant nest pascompltement bris par la douleur et la peur, il doit rprimer cette connaissance.Mais les souvenirs inconscients de lenfant qui a t nglig et maltrait avantmme quil napprenne parler, conduisent ladulte reproduire encore et toujoursces scnes rprimes, dans une tentative dexorcisation des terreurs que ces cruautsont imprimes en lui.

La toute petite enfance est le point de dpart de tout lamour mais aus-si de toutes les cruauts des annes qui suivront. Tout ce quun enfantreoit de compassion pendant ses premires annes, il pourra le redonneraux autres dans le futur. Un proverbe sudois affirme man far den9 - Sidney D. Craig, Raising Your Child, not by Force but by Love (Philadelphia: Westminster Press, 1973).10 - Childhood Trauma a t prsent lors dune confrence a New York (USA) le 22 October 1998.


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respekt man ger, ce qui signifie chacun reoit le respect quil donne.Malheureusement, linverse est galement vrai. Lorsque nous manquonsde respect envers un enfant (et cela inclut toutes les formes de punitions),nous dclenchons en retour le manque de respect, la colre et les pulsionsde vengeance de cet enfant, qui invitablement les transmettra lui aussi.Un parentage bienveillant, ds cette prime enfance, est comme unbateau bien construit, qui protgera lenfant dans la mer des dceptions,des frustrations et des chagrins ultrieurs. Considrer que linfluencedes amis, ou les jeux vidos, les films, la musique, les vtements, Internet,les mdias, ou quoi que ce soit dautre issu de notre culture moderne,sont la cause de la criminalit adolescente, cest comme accuser loragedavoir retourn le bateau trop fragile de lenfant.

Et nous savons bien quil y aura forcment des orages dans la vie denos enfants. Ils connatront toujours des tentations, des dceptions, despeines, et mme des tragdies. Cest leur capacit affronter ces vnements qui compte vraiment. Leur bateau est-il assez solide, ou sacoque est-elle perce ? Ont-ils mme un bateau dailleurs ? Ou bienont-ils t jets la mer sans protection ? Et quand ils se noient, accusons-nous le vent et la pluie, le sillage des bateaux moteur ou ltreinte deleurs amis dpourvus de bateaux, ou dcidons-nous de commencer construire des bateaux fiables pour tous nos enfants ?

Je me permets ici de recourir lexemple de mon fils, Jason. Il a t trai-t avec amour, bienveillance et confiance. Depuis le jour de sa naissan-ce, il navigue sur la mer de la vie, embarqu sur un bateau trs robuste.Il est difficile dimaginer quaucune circonstance ou exprience puisselamener se conduire inhumainement. Il rsisterait tout simplement ce type de pressions. Il mettrait au contraire toute son nergie aiderses proches combler leurs besoins dune faon plus saine et positive. Je l'aivu se comporter ainsi.

Parce quil est douloureux daccepter les blessures et les dceptions denotre propre enfance, nous avons tendance accuser tout le reste pournous pargner de ressentir cette tristesse. Mais la vrit est aussi simpleque ce slogan bien connu : une enfance heureuse dure toute la vie.


Lamour la dure (Tough Love)11

Un journal a rcemment publi un article dcrivant des parents quihumiliaient volontairement leur enfant dans un centre commercial, enlui hurlant dessus et en le frappant. Lorsquun tmoin sest insurg, lesparents ont rpondu quils se contentaient de recourir lamour la dure.Lamour la dure tait initialement destin aux adultes drogus, pasaux jeunes enfants qui ont encore tant apprendre de la vie. De lafaon dont il a t mis en pratique par ces parents dans ce centre com-mercial, cet amour la dure dispense lenfant une leon aussi dangereuse quillogique : faire du mal volontairement un tre humainserait un acte damour. Les enfants savent dinstinct que cette dfinitionpervertie de lamour na aucun sens. Mais si la leon est rpte assez souvent,ils finissent par y croire. Un enfant qui apprend associer lamour et ladouleur deviendra un handicap affectif, qui confondra la cruaut aveclamour, le sadisme avec lintimit.

Les parents qui ont recours lamour la dure devraient se souvenirque cest aux fruits quon juge larbre. Adolf Hitler a eu une enfancemarque dhumiliations et de discipline svre. A loppos, le jeuneAlbert Einstein tait toujours trait avec gentillesse, bont et patience.Sa mre tait souvent accuse de le gter. Heureusement, elle a ignorces reproches. Devenu adulte, Adolf Hitler a exprim les tourments et ladtresse de ses jeunes annes en infligeant souffrance et malheur desmillions de personnes. Par comparaison, Einstein est devenu non seulementun des plus grands scientifiques du monde, mais aussi un hommeextrmement bon, attentif, trs engag dans la dfense des causes huma-nitaires.

Bien sur, ce sont des exemples extrmes, mais il ny a aucun doutedans mon esprit quil existe une forte relation de cause effet entre lin-tensit des punitions subies pendant lenfance et les difficults ult-rieures de la vie adulte, tout autant quentre un parentage aimant etune vie adulte dans le bonheur et la sant.

Les punitions, les menaces, les humiliations natteignent jamais leurbut long terme, parce quelles provoquent colre et rancur, parcequelles portent atteinte au lien entre parents et enfants. Les punitions

11 - Tough Love est une organisation qui propose un programme de prise en charge pour les adolescents qui se droguent.On trouve des filiales de cette organisation aux Etats-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zlande Cette organisation prco-nise de traiter trs durement les adolescents, notamment au travers de stages dans des camps dentranement dinspirationmilitaire, afin de leur faire cesser lusage des drogues, N.D.T.


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empchent lenfant dapprendre directement au travers de ses actions,qui ne devraient pas tre contraintes par la peur et la peine. Le pda-gogue John Holt nous prvient en ces termes : Lorsque nous faisonspeur un enfant, nous inhibons tout net le processus dapprentissage.

La mre cite dans larticle de ce journal, affirmait punir son enfantparce quil avait oubli de tirer la chasse deau dans les toilettespubliques. Mais qua retir cet enfant de lexemple donn par sesparents, et de celui donn par les tmoins qui ne sont pas intervenuspour le protger ? Certainement rien qui ait un rapport avec les rglesde lhygine Il a appris quil tait acceptable et convenable de provoquerla souffrance dun tre soit-disant aim, et ensuite de feindre dignorercette souffrance. Il a appris que mme ceux qui disent nous aimer peuventnous faire du mal. En fait, il a probablement appris quil est idiot decroire les gens qui prtendent nous aimer et quil est dangereux denous laisser aller nous sentir proches de quelquun. Lattitude sanscur de ses parents lui a enseign que le monde est un endroit menaant.De telles croyances constituent les plus mauvaises bases possibles pouravancer dans la vie. Ce sont prcisment ces attitudes envers la vie etenvers soi-mme qui sont les plus susceptibles de gnrer un compor-tement empreint de colre chez lenfant et dorienter sa vie vers la pauvretaffective, le repli sur soi, et les vaines tentatives pour combler desbesoins vitaux ceux-l mmes qui nont pas t combls pendant lenfance.Les parents de ce garon croient sans doute bien faire. Ils ont probable-ment appris de leurs propres parents ces mthodes dducation. Ils pensentquils ont appris leur fils se conduire convenablement et quildeviendra un adulte responsable. Lironie du sort est quil risque fort dedevenir linverse : une tude ralise par larme des Etats-Unis ademontr que ce sont les expriences positives, et non les expriencesdouloureuses, qui prparent le mieux lenfant ses responsabilitsdadulte. 12

Ce que ces parents infligeaient leur enfant tait clairement abusif.Malheureusement, les lois nord-amricaines ne sont pas aussi explicitesquant la maltraitance motionnelle que celles de nombreux autrespays. En Sude, par exemple, non seulement frapper un enfant, maisgalement le malmener psychologiquement est interdit.

Dans une lettre envoye au journal, un lecteur suggrait que cesparents portent un insigne indiquant je maltraite les enfants. Tristement,12 - John Holt in Good Times Prepare for Bad, Growing Without Schooling, no. 54 (December 1986)


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un tel insigne peut se traduire par jai t un enfant maltrait. Cela sereproduit travers les gnrations, et cela risque dtre le cas jusqu' cequenfin les coles proposent des cours de parentage clair, jusqu'ce que des lois soient promulgues, qui encouragent ouvertement letraitement respectueux des enfants.

Lauteur de la lettre pensait que les tmoins auraient d tlphoner la police. Cest possible, mais dautres appels auraient pu tre passs.Tlphoner nos reprsentants politiques pour renforcer les lois contreles mauvais traitements psychologiques. Tlphoner aux directeursdcoles et leur dire quapprendre se comporter en parent bienveillantest plus important que de retenir par cur des dates de batailles historiques.Tlphoner aux magistrats, qui ont besoin de comprendre le lien entrela maltraitance de lenfant et la criminalit lge adulte, afin quilscessent de recommander toujours plus de discipline, et commencentau contraire proposer de linformation et du soutien aux parents mal-traitants. Tlphoner aux futurs parents, et leur rappeler les principesfondamentaux du comportement humain : les enfants refltent lestraitements quils subissent, et les enfants sont des tres humains quimritent dtre traits avec dignit et respect. Tlphoner au rdacteuren chef du journal et lui dire que les histoires qui inspirent un parentageaimant sont infiniment plus importantes que les histoires dhommes quilancent une balle dans un panier, mme si les pages sport augmententles ventes. Tlphoner aux adultes qui ont la chance dtre parents maisqui ont du mal sadapter ce rle. Leur suggrer avec douceur que silsont eu une enfance douloureuse, ils devraient peut-tre envisager dechercher de laide, afin de briser immdiatement le cycle de la maltraitance.

Il nest pas surprenant au fond quun enfant dont les parents prati-quent lamour la dure soit absorb par ses penses douloureuses aupoint doublier de tirer la chasse deau aux toilettes. Il oubliera proba-blement beaucoup de choses, mais ce dont il se souviendra, cest quil estdangereux de faire confiance aux autres, quil est acceptable dignorer lasouffrance des enfants, et quil est moins douloureux de vivre une vie desolitude que de prendre le risque dtre bless une fois de plus en sen-gageant dans une relation avec un autre.

Aimer un enfant, cela veut dire le traiter avec respect, patience, bon-t et compassion, en accord avec la Rgle dOr. Lamour la dure est la dure, certes, mais ce nest pas de lamour.


Une maman confesse sa fiert

Mon fils a 15 ans et il ne mapporte que

Des soucis ?

Je savais que vous diriez a ! Non, mon fils a 15 ans et il ne ma apportque du bonheur.

Sans blague ! Comment tes-vous parvenue cela ?

Je suis trs fire de mon fils, mais javoue que je ny suis pour rien. Sonpre et moi avons eu la chance, aprs quelques faux pas au dpart, depouvoir lire des articles et des livres intelligents sur la parentalit. Etnous avons pu discuter de nos problmes avec des amis instruits etbienveillants. Aujourdhui, notre fils est la personne la plus attentive, laplus prvenante et la plus gnreuse que je connaisse.

Dites moi ! Sil vous plait ! Quavez-vous fait ?

Eh bien, nous avons fait tout ce que la socit nous a dit de ne pas faire! Il a dormi avec nous, je lai allait plusieurs annes, il na jamais tpuni, menac ou brim, nous ne nous sommes jamais moqus de lui, etil avait le droit dexprimer sa colre aussi bien que sa joie

Ah, vous lavez gt ?

Arrtons-nous un instant sur ce mot. Le dictionnaire nous indique quegter, cest amener quelquun, par excs de complaisance, avoirtrop de demandes et dattentes. Daprs mon dictionnaire, ceci est latroisime dfinition. Elle reflte lusage commun de ce mot dans notresocit et dnote un lien de cause effet : lexcs de complaisance faitdes enfants gts. Mais est-ce que cest vrai ? Ou bien est-ce que cettedfinition ne fait que reprendre un malentendu trs rpandu sur cequest la vritable nature de lenfant ? En fait, la premire dfinitiondonne par le dictionnaire est plus exacte en ce qui concerne la faondont les enfants apprennent et ragissent vraiment : gter, cest aussi

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causer des dgts et des blessures, dtruire. Alors ce qui gte rellement un enfant, selon cette premire accep-

tion du mot, ce qui lui occasionne des dgts, des blessures, ce quidtruit ses qualits vitales, ce sont les autres choix parentaux : punition,sparation, rejet. Ces expriences-l gtent chez lenfant son sens innde la confiance, sa capacit aimer, sa crativit, et son aptitude la joie.Priver lenfant de tels trsors est certainement lune des actions les plusnfastes que lhumain puisse accomplir.

O puis-je trouver ces informations qui vous ont t utiles ?

Lisez Mothering, The Compleat Mother, et Empathic Parenting 13. Ren-contrez dautres mres dans les runions de la Leche League ou uneautre association de soutien lallaitement. Parlez avec des sages-femmes. Lisez les livres dAlice Miller, de Joseph Chilton Pearce, de TineThevenin et de John Holt. Ecoutez ce que vous dit votre cur. Soyezconvaincus que votre bb saura vous dire ce qui est bon pour lui, commece qui est mauvais.

Mais comment un bb peut-il me dire cela ?

Les bbs viennent au monde avec des capacits damour et de confian-ce intactes. Ils ne souponnent pas, ne se mfient pas, ne manipulentpas, ne mettent pas en doute la sincrit de nos motivations, et ne fontaucun obstacle la communication, moins que cette confiance nesoit altre par des expriences douloureuses, telles que les punitions, lerejet et la sparation parent-enfant. Le sourire et les larmes du bbsont les outils de communication les plus puissants sur cette plante.

Et par rapport aux erreurs que jai deja faites ?

Les parents parfaits nexistent pas. Nous avons tous fait des erreurs,mais nous culpabiliser pour cela nest ni plus efficace, ni plus raisonnableque de punir nos enfants. Etre bienveillants envers nous-mmes, etadmettre que nous avons fait de notre mieux, en fonction des informationsdont nous disposions et de la force intrieure que nous avions ce13 - Les deux premiers sont des magazines nord-amricains de parentage proximal, le troisime est un site web sur le mme sujet,N.D.T.


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moment-l, voil qui est aussi important que daimer et de comprendrenos enfants. Il est toujours temps de tmoigner de lamour que nousressentons, de reconnatre limportance fondamentale du parentage, etnous pouvons continuer dcouvrir de nouvelles faons dtre avec lesenfants dont nous avons la chance de partager la vie.

Quelles sont les choses essentielles quun parent doit savoir ?

Deux choses. La premire, cest que notre socit considre que lesenfants et les adultes fonctionnent en suivant des codes de conduitedistincts. En tant qu'adultes, nous savons que nous nous conduisons denotre mieux lorsque nous sommes traits avec bont, patience et com-prhension. Et pourtant, nous supposons que les enfants se conduisentde leur mieux lorsqu'ils sont menacs, punis et humilis. Si nousessayons de dterminer l'ge partir duquel s'effectue cette mystrieusetransformation d'un code de conduite enfantin en un code deconduite adulte, nous sommes dsempars, parce qu'il n'existe rien detel ! Il n'y a aucune diffrence entre la faon dont les enfants et lesadultes se conduisent : nous nous comportons tous de la manire dontnous sommes traits.

La seconde, cest que les comportements incorrects dun enfant sontloccasion pour le parent de lgitimer les motions de son enfant, et delui proposer calmement des points de repre pour sa conduite et de luiexpliquer les codes sociaux. Par exemple, un enfant qui vient juste defrapper un ami, on peut dire : Je vois que tu es trs en colre. Tu voulaisvraiment ce jouet, mais maintenant, cest au tour de Jean de lavoir. Tuas le droit dtre en colre, mais pas de le frapper. Voudrais-tu faireautre chose en attendant ton tour ? Avec ce type de rponse, lenfantreoit des informations justes sur ce quest lamiti et il apprend parlexemple quelle rponse patiente et empathique on peut offrir quelquunqui est en colre.

Inversement, si les parents rpondent par la punition, la possibilit deretirer quelque chose de cette situation est perdue, parce que lattentionde lenfant est dtourne de ce qui se passe et se trouve submerge pardes sentiments dhumiliation et de colre, ainsi que des envies derevanche. Il a trs peu appris sur la conduite adopter la prochaine foisque la situation surviendra.


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Finalement, une bonne conduite apparente, obtenue par la menaceet la punition, ne peut gure exister que jusqu' ce que lenfant soitassez grand pour riposter. Mais si la confiance, la bont et lempathiesont prserves dans le cur de lenfant ds sa naissance, et renforcespar lexemple parental, elles dureront toute la vie.

Je vois. Le secret, cest de faire confiance aux enfants, dadmettrequils sont plus petits que nous, et moins expriments, mais quilsmritent dtre traits avec dignit et respect, tout autant que lesadultes. Nouveau-n ou centenaire, tous les tres humains se comportent de lamanire dont ils sont traits.


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Souvenirs d'un pre aimant

C'est avec amour et gratitude que je ddie cet article Nathan Baron(1903-1990)

Mon pre a grandi dans une famille dimmigrs russes vivant dans lenord de l'Ohio. Ils taient onze enfants, avec une vaste famille tendue proximit. Papa pensait souvent son enfance au sein de cette famille.Une fois, il m'a dcrit une journe ordinaire chez lui : sa mre tenait uneliste des transgressions, et quand son pre rentrait du travail, il donnaitle fouet chaque contrevenant. Sa mre n'intervenait que pour supplier :Pas la tte ! Pas la tte !

Mon pre n'a jamais qualifi cela de maltraitance mais il savait qu'ilne fallait pas traiter les enfants ainsi. Afin de contribuer aux finances dela maison, mon pre a vendu des journaux la crie ds l'ge de huitans ; il n'avait pas le droit de rentrer la maison tant qu'il n'avait pasvendu tous ses journaux. Cela non plus, il ne laurait probablement pasconsidr comme une maltraitance.

Papa parlait souvent de son grand dsir de donner ses propresenfants l'enfance qui lui avait manqu. Il n'a jamais frapp ses enfants,et mme si parfois il ne comprenait pas bien nos intentions, il a toujoursessay de faire ce qu'il pensait tre le mieux pour nous. Alors que je luidemandais une fois comment il avait pu nous traiter, mon frre et moi,mieux qu'il ne lavait t par son propre pre , il a rpondu, trs simple-ment : Je voulais que mes enfants aient une meilleure vie que celle quej'ai eue. Mon pre tait un bon exemple dhomme qui avait su trouver,dans son cur, les ressources pour parvenir traiter ses propres enfantsavec plus de bienveillance quil nen avait lui-mme reue.

Une autre fois, j'ai demand ma mre comment Papa avait pu trecapable d'tre si aimant, malgr toutes les corrections que lui avaitinfliges son pre. Maman a aussitt rpondu : Cest Sarah, cest sasoeur Sarah qui le protgeait. J'ai trouv trs intressant que ma mre,qui n'avait jamais tudi les origines motionnelles du comportement,ait cette intuition si perspicace. Je dois beaucoup Sarah qui elle-mme a srement due tre protge par quelqu'un. C'est ce qui me donne


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de l'espoir : l'amour se transmet travers les gnrations aussi facile-ment que la douleur.

Papa est mort en 1990, l'ge de quatre-vingt-sept ans. Pendant lesdernires annes de sa vie, il a souffert d'un cancer de la prostate, d'unevision dfaillante et il tait trs affaibli. Presque aveugle, partiellementsourd, il se dplaait laide dun dambulateur. Lui qui avait t mincetoute sa vie, tait devenu douloureusement maigre. Cet homme quiavait profit de plus de quatre-vingts annes de bonne sant et d'activitintense avait t vaincu. Mais vous ne l'auriez pas entendu dire cela.Encore quelques mois avant sa mort, il tait aussi heureux qu'un petitenfant, quand nous sortions dner ensemble. Un jour, pendant ce quis'est avr tre ma dernire visite auprs de lui, il a utilis son dambu-lateur pour la premire fois en ma prsence. J'ai d avoir l'air surprise,parce qu'il a pass son bras sur mon paule et m'a murmur : Je n'aipas vraiment besoin de a, je l'utilise juste pour faire plaisir ta mre.Aprs la mort de mon pre, j'ai partag ce souvenir avec Maman. Noustions merveilles par la force de sa fire dtermination, que mme lecancer ne pouvait briser.

Bien que Papa ait vcu jusqu' plus de quatre-vingts ans, pour moi, ilen aura toujours quarante, tant mes souvenirs des moments passsensemble, quand j'tais une petit enfant, sont intenses et exceptionnels.Bien que travailleur et pris par ses activits, souvent en dplacement entant que voyageur de commerce puis plus tard revendeur, il a russi passer assez de temps avec moi pour que je me souvienne de lui commetant trs prsent la maison.

Nos balades dans le quartier constituent mes plus chers souvenirs :Papa marchait, moi j'tais sur mon tricycle. Je devais avoir trois ouquatre ans. Aprs avoir travers deux rues, nous atteignions les maisonsqui taient adosses notre propre rue, et cela me remplissait de joie.La plupart de ces maisons taient de style Tudor 14, alors que celles denotre rue taient faites de bois et de briques, typiques de l'architectureamricaine des annes quarante. Ce nest pourtant pas la vue de ce stylearchitectural diffrent qui provoquait ma joie, mais la voix joyeuse de14 - Style architectural no-gothique en vogue en Amrique du nord au tournant du 19me sicle, N.D.T.


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mon pre, qui prtendait alors que nous tions arrivs en Angleterre non ce ntait pas juste de l'architecture anglaise, mais l'Angleterreelle-mme ! Et j'tais l, grande voyageuse de trois ans, visitant l'Angleterretous les jours Papa a toujours ador voyager, et il a toujours cru en sesrves.

Papa tait souvent absent pour son travail quand j'tais petite, mais ilnous faisait clairement comprendre que nous lui manquions profondmentpendant qu'il tait loin de la maison. J'avais toute une srie de poupesde collection, vtues des costumes traditionnels de chaque pays. Chaquefois que Papa revenait d'un voyage d'affaires, il me retrouvait avec unegrande joie et beaucoup de plaisir et m'offrait une nouvelle poupe. Etpourtant, ce n'tait pas tant les poupes qui comptaient pour moi, et jen'ai jamais eu l'impression qu'il utilisait ces cadeaux comme substitutsde sa prsence. Les poupes taient simplement sa faon de me dire queje lui avais manqu, qu'il avait pens moi pendant que nous tions loigns un message subtil pour un petit enfant, mais quil parvenait sans peine me communiquer. Il dcrivait avec force dtails sa visite au magasinde souvenirs, puis les raisons pour lesquelles il avait choisi cette poupe-cien particulier, et me racontait aussi un peu le pays qu'elle reprsentait.Son plaisir et sa joie me voir heureuse taient vidents.

Papa avait un sens de l'humour merveilleux. Il interrompait instantan-ment ce qu'il faisait si quelqu'un avait une blague partager, et nousriions souvent dans notre famille. Le comdien prfr de Papa tait JackBenny. Comme Jack, chaque anne, mon pre ftait son trente-neuvi-me anniversaire. Quand j'ai eu mon tour trente-neuf ans, il a ri endisant que maintenant, nous avions le mme ge. Il m'a lgu ce prcieuxdon de percevoir l'humour dans les situations les plus difficiles.

Peu avant que Papa ne meure, j'ai rv de sa mort. Dans mon rve, jeressentais une infinie tristesse et je me plaignais un ami : Maintenant,je ne peux plus lui raconter de blagues. Cest une chose qu'on entendrarement au dcs dun homme de son ge, mais pour lui, on pouvaitvraiment le dire : Il tait si jeune !


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La Veritable Nature de l'Enfant