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L’ALÉNA: déjà dix ans John M. Curtis et Aaron Sydor rédacteurs

L’ALÉNA: déjà dix ans · pourrait reposer sur l’ALENA et, par conséquent, inclure le Mexique, ou encore se limiter au Canada et aux États-Unis. Certains observateurs, par

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L’ALÉNA: déjà dix ans

John M. Curtis et Aaron Sydor rédacteurs

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Avant-propos

La recherche qui a permis de composer le présent volume a été effectuée par des chercheurs universitaires et gouvernementaux à titre personnel. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international s’est occupé de gérer et de réunir ces travaux pour en faire un volume dans le but de contribuer au débat sur une question de première importance pour le Ministère, le gouvernement du Canada et tous les Canadiens et d’encourager un tel débat. Les opinions exprimées dans ce volume sont cependant celles des auteurs et ne reflètent en rien la position des ministères qui y sont représentés ni du gouvernement du Canada.

© Ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada, 2006

No de catalogue: IT5-1/2006F

ISBN: 0-662-71538-1

(Also published in English)

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La coopération monétaire en Amérique du Nord

David Laidler

Université Western Ontario

Asymétries de l’ordre monétaire nord-américain Les Canadiens sont parfois tentés de considérer l’intégration économique de l’Amérique du Nord comme un projet qu’il faut promouvoir ou auquel on doit s’opposer, selon leurs allégeances économiques et politiques. Cependant, cette optique n’est pas tout à fait juste. En effet, l’intégration des économies nord-américaines est déjà une réalité qui, inéluctablement, doit être gérée quotidiennement. Les mesures prises à cette fin auront manifestement un impact sur son évolution : intensification ou recul. C’est dans ce contexte que les dispositifs monétaires mis en place par le Canada doivent être analysés. Bien que la monnaie du Canada ne soit presque pas utilisée hors de ses frontières, l’analyse du choix de l’ordre monétaire d’un point de vue strictement national fait abstraction d’un élément capital des contraintes pertinentes.

Les autres faits qui doivent être pris en compte à cet égard mettent en relief les asymétries fondamentales qui caractérisent les relations économiques entre le Canada et les États-Unis, sans oublier le Mexique1. Celle qui retient d’abord l’attention, l’envergure relative de l’économie des trois pays, est la moins importante. En revanche, la place très différente que chacun occupe dans le monde économique l’est beaucoup plus. Tout d’abord, lorsque l’on analyse les échanges de biens et de services du Canada, ainsi que du Mexique, les États-Unis sont pour ainsi dire le « reste du monde ». Grosso modo, un peu plus des quatre cinquièmes de leurs exportations (soit environ le quart du PIB dans le cas du Canada) sont destinées aux États-Unis. Le Canada est sans contredit le principal partenaire commercial de son voisin du Sud, bien que l’Asie et l’Europe ne soient pas loin derrière; de plus, au plan des échanges bilatéraux, le Canada, et encore moins le Mexique, n’ont pas la prépondérance que les États-Unis ont pour leurs deux voisins immédiats.

Ce fait suppose que, bien que les relations économiques entretenues à l’échelle nord-américaine constituent un cadre adéquat pour l’analyse des choix monétaires du Canada et du Mexique, ceux des États-Unis doivent avoir pour toile de fond l’économie internationale. Cependant, cela va beaucoup plus loin. À l’hégémonie des États-Unis au sein du système commercial international s’ajoute, comme l’a souligné McKinnon (2002), la suprématie du billet vert en tant que

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1 Les chercheurs canadiens qui s’intéressent aux questions monétaires dans le contexte nord-américain ont négligé la question de la place du Mexique en Amérique du Nord. Cette question n’a probablement pas reçu l’attention qu’elle mérite dans le présent document. Il conviendrait assurément de l’analyser séparément dans une étude détaillée.

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mode de paiement, unité de compte et réserve de valeur pour l’économie mondiale.

En plus d’être une monnaie nationale, le dollar américain est la devise de prédilection de l’économie mondiale. Benjamin Cohen (2003) a récemment fait remarquer que, pour les États-Unis, cette situation engendre un éventail important de possibilités et d’incitations qu’il pourrait être dangereux d’ignorer. Premièrement, les États-Unis peuvent ainsi lever un seigneuriage, non seulement auprès de leurs ressortissants, mais également des utilisateurs du dollar américain à l’échelle mondiale, et n’ont pas de raison de partager ce revenu avec leurs voisins. Mais surtout, le fait que les marchés internationaux privilégient le billet vert confère un avantage concurrentiel aux entreprises américaines, notamment aux institutions financières. De même, l’administration américaine a un poids politique important sur la scène internationale grâce à sa capacité d’influer sur le climat financier mondial et, par ricochet, sur certains pays (dans de rares cas, elle exerce également un pouvoir coercitif utile). Dans son étude, Cohen cite en exemple les derniers jours du régime Noriega au Panama.

Il convient également de rappeler que les institutions monétaires des États-Unis — comme celles de n’importe quel pays d’ailleurs — sont le produit de l’histoire2. Un fort courant de populisme monétaire, parfois teinté de nationalisme, voire d’isolationnisme, est une constante de l’histoire américaine. La notion voulant que le système monétaire national soit structuré et géré dans l’intérêt de la population est difficilement condamnable et est solidement enracinée dans la psychologie politique américaine. L’importance de ce concept nous aide à comprendre pourquoi la Réserve fédérale, qui se définit comme une [TRADUCTION] « entité indépendante au sein de l’administration fédérale » (l’italique est de l’auteur), exerce ses activités sans jamais perdre de vue la Maison-Blanche et le Congrès3. Mais surtout, dans le contexte actuel, c’est ce qui explique pourquoi l’Amérique a veillé aussi jalousement sur sa souveraineté monétaire à l’échelle internationale. Cela s’est reflété dans d’importantes prises de position de l’administration américaine, par exemple sa réticence à respecter les règles du système de l’étalon-or dans les années 1920 et le plan White, qui a pavé la voie à la reconstruction du système monétaire international au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Le fait suivant a une moins grande valeur historique, mais est plus pertinent dans le contexte actuel. En 1999, dans le plus pur esprit de cette préoccupation américaine pour la souveraineté monétaire, le secrétaire-adjoint au Trésor, M. Lawrence Summers, a servi une rebuffade cinglante — maintes fois citée — à l’Argentine, et implicitement, aux autres pays qui envisageaient alors la dollarisation lorsque, manifestement, ils se sont mis à espérer qu’une telle démarche amènerait les autorités américaines à tenir compte de leurs intérêts dans leurs orientations futures.

2 L’étude de Richard Timberlake (1993) constitue un excellent compte rendu de l’évolution des institutions et de la politique monétaires des États-Unis depuis leur création. 3 Comme en témoignent les études d’Allan Meltzer (2003) et de Thomas Mayer (1999).

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. . les autorités américaines ne devraient pas élargir le filet de surveillance des banques, donner accès au guichet de réescompte de la Réserve fédérale, ou modifier les responsabilités ou les procédures de surveillance des banques ou l’orientation de la politique monétaire américaine du fait qu’un autre pays décide d’adopter le dollar. (Summers, 1999) [TRADUCTION]

Il faut y voir là, non pas une remarque isolée faite par un fonctionnaire quelconque, mais plutôt l’énoncé de la politique de l’administration Clinton à cet égard, qui a été réitéré l’année suivante par le secrétaire-adjoint au Trésor chargé des affaires internationales devant le Sénat américain, comme l’a souligné M. David Howard, sous-directeur de la Division des finances internationales de la Réserve fédérale (2003). En qualité de porte-parole de la Réserve fédérale, ce dernier a également tenu les propos suivants :

La réserve fédérale n’a pas d’obligation envers les pays qui optent pour la dollarisation et n’est pas tenue d’être le prêteur de dernier ressort de leurs institutions financières, de surveiller ces dernières ou de tenir compte de leur situation économique et financière dans l’établissement de sa politique monétaire. (Howard, 2003, p. 153) [TRADUCTION]

Ces déclarations ne signifient pas que les États-Unis ne prennent jamais de mesures monétaires dans l’intérêt d’autres pays. Il va de soi que l’administration américaine le fera si elle y trouve son compte. Par ailleurs, bien qu’il ait explicitement mentionné qu’il n’y a pas lieu de croire que l’administration Bush s’écarte de la position prise par son prédécesseur à l’égard de la dollarisation, Howard (2003) a également pris soin d’ajouter en tant que représentant de la Réserve fédérale, que la politique américaine en la matière pourrait bien évoluer selon les circonstances.

Quoi qu’il en soit, il ne semble pas y avoir de raison de s’attendre à un changement d’attitude rapide. Le parallèle que l’on établit parfois entre l’éventuelle ligne de conduite des États-Unis et celle de l’Allemagne, qui a renoncé à une politique monétaire qui l’avait très bien servie en adoptant l’euro, est assurément trompeur. Pour l’Allemagne, le remplacement du deutsche mark par l’euro n’était pas tant un acte d’altruisme que le prix à payer pour obtenir l’adhésion du reste de l’Europe à sa réunification. En outre, la création d’une monnaie européenne unique s’inscrit dans le cadre d’un vaste programme d’intégration économique et politique amorcé après la Seconde Guerre mondiale et qui est animé par des forces historiques profondes qui remontent bien plus loin que ce conflit. En Amérique du Nord, il ne semble pas y avoir une dynamique politique similaire — et rien ne laisse croire qu’il y en aura une dans un avenir prévisible — qui pourrait amener les États-Unis à revoir leur engagement à long terme à accorder la priorité aux objectifs nationaux en matière monétaire.

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Études canadiennes récentes sur l’intégration monétaire La question des dispositifs monétaires a été longuement débattue au Canada au cours des quatre à cinq dernières années. Ainsi, d’éminents commentateurs tels que Herbert Grubel (1999) et Thomas Courchene et Richard Harris (1999) ont prôné la création d’une union monétaire nord-américaine, qui pourrait reposer sur l’ALENA et, par conséquent, inclure le Mexique, ou encore se limiter au Canada et aux États-Unis. Certains observateurs, par exemple Sherry Cooper (2001), sont allés jusqu’à laisser entendre qu’une telle intégration monétaire est le produit inévitable des forces du marché, que les mesures destinées à l’empêcher sont futiles et qu’il est préférable de faire corps avec l’inéluctable.

Jusqu’à tout récemment, l’attention accordée à ces propositions s’est expliquée en partie par le désir de certains Nord-Américains d’emboîter le pas aux Européens au terme du lancement de la monnaie européenne virtuelle en 1999 et de la mise en circulation du numéraire en 2002 : si l’Union économique européenne a jugé bon d’aller de l’avant avec la monnaie unique, l’Amérique économiquement intégrée devrait peut-être faire de même. Cependant, si le public canadien a réservé un bon accueil à ces propositions, c’est probablement davantage en raison de la baisse du taux de change Canada/États-Unis dans la foulée de la crise asiatique et de la crise russe de 1997-1998, qui a culminé en 2002 lorsqu’il a atteint le creux historique de quelque 0,62 $. Ce recul a donné aux observateurs qui considéraient inévitable la disparition du huard, une crédibilité superficielle auprès du public et a obligé les nombreux sceptiques à tout de même se demander ce qui adviendrait de leur train de vie.

Il n’est pas nécessaire de se lancer dans une longue réfutation de l’argumentation des défenseurs de l’intégration monétaire nord-américaine. Il suffit de souligner que bon nombre de ses éléments n’ont pas résisté à l’analyse. Plus spécifiquement, on a eu tôt fait de constater que l’union monétaire européenne a été réalisée, non pas en réaction à un processus d’intégration économique continentale qui pourrait être similaire à celui de l’Amérique du Nord, mais plutôt à dessein, dans le but de faire avancer un projet d’intégration politique qui n’a pas d’équivalent de ce côté-ci de l’Atlantique. Par ailleurs, les données anecdotiques confirmant que l’utilisation du dollar américain dans des fonctions monétaires classiques s’était répandue rapidement au Canada se sont avérées fausses; une analyse des données a révélé que la dollarisation était faible au Canada et que, au mieux, elle progressait lentement et ce, d’après certaines mesures statistiques seulement4. Pour ce qui est de la dégringolade du niveau de vie des Canadiens provoquée par la glissade du huard, il appert que le dernier épisode de dépréciation du taux de change a coïncidé avec une augmentation rapide et soutenue du PIB réel par habitant au Canada, lequel, durant la période 1998-2002, a surpassé celui des États-Unis.

4 Certaines de ces données, qui portent sur l’utilisation des monnaies canadienne et américaine comme unité de compte par les entreprises canadiennes, sont tirées d’une enquête spéciale de la Banque du Canada. D’autres séries, par exemple celle sur les dépôts bancaires en dollars américains des Canadiens, avaient été publiées dans des périodiques. L’étude sur le degré de dollarisation volontaire au Canada qui fait autorité est celle de Murray et Powell (2002).

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Mais au premier chef, comme Cohen (2003) l’a souligné, les partisans canadiens de l’union monétaire nord-américaine qui ont pris part aux débats récents ont négligé le contexte économique, historique et politique des décisions monétaires des États-Unis. Par conséquent, ils n’ont pas compris qu’il est impossible d’éliminer les nombreux inconvénients économiques inhérents à l’adoption unilatérale du dollar américain par le Canada dans le cadre d’un accord de coopération négocié avec les États-Unis. Comme Robson et Laidler (2002) l’ont démontré, afin que la dollarisation soit économiquement et politiquement acceptable pour le Canada, de telles négociations se solderaient par des concessions qui coïncideraient presque en tout point avec celles que le secrétaire-adjoint Summers a explicitement écartées en 1999.

Il n’est donc guère surprenant que les analyses sérieuses de l’intégration monétaire nord-américaine avaient déjà commencé à se faire plus rares au Canada, même avant que la récente ascension spectaculaire du dollar canadien par rapport à sa contrepartie américaine n’éclipse le principal facteur qui, à tort ou à raison, avait amené la population à s’intéresser à cette question. Malgré cela, les faits entourant l’intégration économique de l’Amérique du Nord qui sont évoqués dans l’introduction du présent document demeurent. De plus, on a récemment assisté à un revirement au Canada : ce ne sont plus les consommateurs et les importateurs qui se plaignent des répercussions du repli du taux de change, mais plutôt les exportateurs qui déplorent la montée du huard face au billet vert. Si l’union monétaire nord-américaine n’est pas une option, cela ne veut pas dire que le statu quo est sans reproche. D’autres questions méritent d’être abordées.

Coopération dans le cadre des dispositifs monétaires actuels Actuellement, les trois pays signataires de l’ALENA ont chacun leur monnaie, leur système monétaire et leur système financier. De plus, chacun met en oeuvre une politique monétaire en fonction de ses objectifs nationaux. Aux États-Unis, la Réserve fédérale est tenue, en vertu d’une loi du Congrès, de chercher à réaliser deux objectifs, soit la stabilité des prix et un taux d’emploi élevé. En 1991, le Canada est devenu le deuxième pays au monde dont la politique monétaire vise uniquement à amener le taux d’inflation à un certain niveau. Le Mexique en est venu, lui aussi, à se fixer des cibles d’inflation. Dans ce contexte, ce sont les marchés qui fixent les taux de change entre les trois monnaies.

Bien entendu, ces dispositifs ne signifient pas que les autorités de chaque pays ne se soucient pas de la politique monétaire des deux voisins. La conjoncture américaine revêt évidemment une importance capitale pour la Banque du Canada. L’évolution de l’économie de notre voisin du Sud influe sur les exportations canadiennes, les taux d’intérêt affichés sur les marchés financiers internationaux et sans oublier le taux de change Canada/États-Unis. Tous ces facteurs ont une incidence sur la demande globale au Canada, laquelle est le déterminant immédiat des variations du taux d’inflation par rapport aux attentes. Donc, avant de recourir à son outil d’intervention capital, la fourchette cible pour le taux de financement à un jour, la Banque du Canada doit déterminer si le contexte, qui comprend, entre autres, les États-Unis, s’y prête. Dans une moindre mesure, la Fed tient compte d’un éventail de facteurs, notamment des événements survenus au Canada, pour

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élaborer sa politique. Des interdépendances similaires ont également été constatées dans le cas du Mexique.

Quoi qu’il en soit, dans la mesure où les autorités se fixent des objectifs purement nationaux, chaque pays tiendra principalement à ce que l’économie, et tout particulièrement, la politique monétaire, des pays voisins soient stables et prévisibles et ne soient pas une source de perturbations imprévues ayant des répercussions outre frontière et engendrant des problèmes de politique intérieure. Un ordre monétaire bien structuré contribue à la stabilité des autres pays, même si la politique n’a pas été élaborée dans ce but. En atteignant ses cibles d’inflation, le Canada contribue à la bonne tenue de l’économie non seulement sur son territoire, mais également en Amérique du Nord en général. Par contre, la stabilité affichée par les États-Unis est beaucoup plus importante pour le Canada que vice-versa. Cela s’explique par le fait que le commerce bilatéral a un impact beaucoup plus grand sur le Canada que sur les États-Unis. En outre, contrairement au dollar canadien, le billet vert joue un rôle prépondérant dans le système financier international, de sorte que l’instabilité de la monnaie américaine risque de perturber l’économie mondiale, et par conséquent, l’économie canadienne.

Malgré cela, les dispositifs monétaires en vigueur en Amérique du Nord apportent beaucoup d’eau au moulin d’une économie régionale fortement intégrée, même s’ils reposent sur des institutions nationales qui doivent respecter à la lettre des politiques intérieures. De plus, les trois banques centrales de la région ont tout intérêt à bien connaître l’état actuel et probable de l’économie de leurs voisins, et les changements de politique intérieure qui en découlent, de même qu’à coopérer activement afin de produire, de transmettre et d’analyser l’information pertinente.

Bien entendu, cela vaut non seulement pour l’Amérique du Nord, mais également pour la communauté internationale dans son ensemble. Le chaos monétaire qui a marqué l’entre-deux-guerres a clairement démontré que de tels dispositifs étaient essentiels, et les leçons qui ont été tirées ont eu une influence durable. Par ailleurs, en raison du poids des États-Unis dans l’économie mondiale, certaines des plus grandes institutions qui, en fait, apportent leur appui à la tenue de discussions entre les acteurs nord-américains le font dans le cadre du rôle qu’elles jouent sur un théâtre plus vaste, alors que d’autres ont des intérêts régionaux, voire bilatéraux. Il suffit d’énumérer les mécanismes officiels qui ont été mis en place (abstraction faite du téléphone) pour conclure que les discussions entre les responsables des politiques monétaires se poursuivent effectivement sans interruption5.

Les gouverneurs des banques centrales des pays du G-10 se réunissent six fois par année à Bâle, à la Banque des règlements internationaux, pour discuter de questions d’intérêt mutuel. Certaines des rencontres sont réservées aux gouverneurs alors que d’autres ont une liste d’invités plus longue et plus variée. Les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des pays du G-7 se réunissent trois fois l’an; deux de ces rencontres se déroulent en marge des réunions semestrielles du FMI et de la Banque mondiale. Ils sont accompagnés

5 L’auteur est tout particulièrement reconnaissant à M. John Murray de l’avoir aidé à dresser une brève liste de ces mécanismes. Si des omissions ou des erreurs sont relevés dans les prochains paragraphes, il est explicitement au-dessus de tout reproche.

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des sous-ministres et des sous-gouverneurs, qui se réunissent séparément à trois reprises durant l’année. Les ministres des Finances et les gouverneurs des banques centrales des pays du G-10 ont également des entretiens dans le cadre des réunions du FMI et de la Banque mondiale, et, là encore, les sous-ministres et sous-gouverneurs tiennent leurs propres réunions à trois autres occasions. À l’échelle du G-20, les gouverneurs et les ministres des Finances se réunissent une fois l’an, et les sous-gouverneurs et sous-ministres, au moins deux fois. De plus, les banques centrales des pays du G-10 délèguent leur sous-gouverneur aux trois réunions annuelles organisées par l’OCDE à Paris, et celles des pays du G-7 font de même à l’occasion des deux rencontres parrainées par le Forum de stabilité financière. En Amérique du Nord, les dirigeants de la Banque du Canada participent à une réunion annuelle avec leurs homologues de la Banque fédérale de réserve de New York, de même qu’à une réunion avec des représentants de la Banque du Mexique.

D’autre part, des représentants de divers rangs des banques centrales assistent à des conférences annuelles; l’une d’elles est organisée par le Groupe Bellagio, et les autres, par les banques centrales ou les banques régionales de la Réserve fédérale. Les décideurs de haut rang ne sont pas toujours présents : par exemple, on trouve surtout des chercheurs et des universitaires aux conférences annuelles organisées par la Banque du Canada et la Banque fédérale de réserve de St. Louis; en revanche, la conférence annuelle Jackson Hole de la Banque fédérale de réserve de Kansas City attire toujours son lot de gouverneurs et de sous-gouverneurs du monde entier. Il faut également ajouter les conférences universitaires régionales périodiques, ainsi que les nombreux colloques ponctuels consacrés à certaines questions auxquelles les économistes des banques centrales et des administrations publiques participent habituellement.

Si les fonctionnaires de la banque centrale qui participent directement aux décisions d’orientation n’assistent pas à toutes les conférences susmentionnées et si celles-ci ne se déroulent pas toutes à huis clos, il n’en demeure pas moins que les décideurs reçoivent pour ainsi dire régulièrement des comptes rendus des membres de leur personnel qui y prennent part. Mais surtout, les gouverneurs ou les ministres ainsi que les sous-gouverneurs et les sous-ministres assistent couramment à certaines réunions, qui donnent lieu à des échanges d’information et d’idées fréquents, directs et francs entre les participants dans un cadre qui garantit une absolue confidentialité6.

Concrètement, cela signifie que les personnes responsables de l’élaboration de la politique monétaire d’un pays, que ce soit en Amérique du Nord ou ailleurs dans le monde, ont essentiellement accès à la même information (concepts analytiques, ensembles de données, prévisions et avis sur les perspectives économiques) sur les pays qui ont une incidence particulière sur leurs décisions que leurs homologues de ces pays. De plus, au besoin, ces décideurs

6 L’empressement avec lequel la Banque du Canada (2003a) a émis un rectificatif officiel après que le gouverneur Dodge eût, par inadvertance, attribué au président Greenspan les commentaires de la Banque du Canada sur les perspectives économiques américaines indique à quel point ces discussions peuvent être franches et, par conséquent, explique pourquoi il est important qu’elles demeurent confidentielles.

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peuvent se concerter sur les mesures à prendre et discuter des avantages et des inconvénients des conseils qu’ils s’échangent. Tous les mécanismes permettant de faciliter la coopération entre les artisans des politiques monétaires ont été mis en place, si ce n’est que les dirigeants de chaque banque centrale ne font pas partie des comités décisionnels de leurs homologues. Du reste, il n’est pas certain que, dans le cadre des régimes actuels, ils en tireraient un quelconque avantage. Une fois qu’elles ont été prises, les décisions de politique monétaire sont du domaine public, et le fait que leur impact tarde beaucoup à se faire sentir (le décalage est variable) est une vérité universelle. En siégeant au sein du comité pertinent, la personne ne connaîtrait la décision prise que quelques heures avant le public, ce qui ne l’aiderait guère à hâter son intervention ou à mieux la doser, si elle devait réagir.

Revenons à l’objet de la présente analyse : pour la banque centrale qui cherche à atteindre ses objectifs intérieurs, il importe avant tout que les décisions de ses homologues des autres pays soient prévisibles et favorisent la stabilité intérieure; en Amérique du Nord, cette exigence a en grande partie déjà été satisfaite. Cependant, il y a encore un peu matière à amélioration. Par exemple, on pourrait — comme c’est actuellement le cas à la Réserve fédérale — plaider en faveur du remplacement des objectifs qualitatifs par des cibles d’inflation quantitatives afin de rendre le cadre monétaire plus transparent et plus prévisible aux États-Unis7. Une telle mesure faciliterait l’élaboration de la politique monétaire dans d’autres pays, tout particulièrement en Amérique du Nord, et sera mise en oeuvre lorsque les autorités américaines seront convaincues qu’elle est dans l’intérêt de leurs commettants.

La politique monétaire canadienne et le taux de change depuis 1991 Malgré certains problèmes, la politique macroéconomique en général, et la politique monétaire en particulier, que le Canada a mises en oeuvre au cours des 12 dernières années ont été synonymes d’une brillante réussite, qui a récemment été décrite en détail par Laidler et Robson (2004). Le pays n’a pas connu de récession depuis l’établissement des cibles d’inflation en 1991, et ce, malgré les bouleversements survenus sur la scène internationale.

La question suivante est cruciale eu égard à l’objet du présent document. À partir de 1991, et tout particulièrement après le redressement structurel de la situation budgétaire du pays qui s’est amorcé avec le budget fédéral 1995, la Banque du Canada a constaté qu’il était de moins en moins difficile de contrer les pressions extérieures sur le taux de change sans recourir à des mesures soutenues de contraction. Bien que la crise asiatique et la crise russe de 1997-1998 aient, à tout le moins, été aussi graves que la crise du SME de 1992 ou la crise latino-américaine de 1994, elles ont eu moins d’impact sur l’économie canadienne. À la fin de l’été 1998, la Banque du Canada a réagi à ces événements comme

7 M. Ben Bernanke, gouverneur de la Banque de réserve fédérale de Washington, et M. William Poole, président de la 8th District Bank de St. Louis, sont favorables à une telle mesure. Le président Greenspan semble satisfait de son mandat actuel, et il ne fait aucun doute que, compte tenu de l’imprévisibilité du Congrès en matière monétaire, il est risqué de tenir un débat sur les mécanismes actuels qui pourrait mener à l’adoption de nouvelles dispositions législatives.

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auparavant, c’est-à-dire en haussant les taux d’intérêt, mais la réaction a été de courte durée, et ses conséquences sur la conjoncture intérieure ont été négligeables et temporaires8. Peu après, suite à l’éclatement de la bulle technologique qui a entraîné les États-Unis sur la voie d’une légère récession, la Banque du Canada a su suivre de près la conjoncture intérieure et éviter que le pays ne connaisse le même sort.

Bref, la confiance des marchés dans la durabilité de la faiblesse de l’inflation au Canada s’est constamment raffermie depuis 1991. Avant le milieu des années 1990, les participants aux marchés financiers avaient tendance à interpréter une baisse du taux de change comme un affaiblissement de la position anti-inflationniste de la Banque du Canada, ce qui laissait présager d’autres problèmes sur le marché des changes. De plus, il y avait toujours le risque que les anticipations d’une baisse du taux de change deviennent extrapolatives, pour reprendre une expression chère à la Banque à une certaine époque. Ce risque semble avoir été presque réduit à néant. Lentement mais sûrement, les anticipations de l’inflation intérieure et le taux de change ont divergé dans les années 1990, un phénomène que la Banque a encouragé en se souciant de moins en moins de cette variable dans la gestion de sa politique.

Au début de la décennie, on faisait encore remarquer, à l’occasion, que le taux de change était le prix le plus important de l’économie canadienne. Cependant, après une dizaine d’années de ciblage réussi de l’inflation, il a été supplanté par le prix d’un lot de produits représentatif, mieux connu sous l’expression de niveau des prix intérieurs. Le taux de change demeure tout de même un prix primordial pour toute personne qui fait du commerce international ou qui, directement ou indirectement, est présente sur les marchés internationaux des capitaux, ce qui, essentiellement, revient à dire l’ensemble de la population canadienne. Étant donné que ce prix est également sensible à la politique monétaire, il n’est pas déraisonnable de se demander si une modification de l’ordre monétaire actuel, qui viserait entre autres à influer sur le taux de change, est préférable au statu quo.

Cette question fondamentale a donné une légitimité intellectuelle aux propositions visant à dollariser l’économie canadienne et/ou à réaliser l’unification monétaire de l’Amérique du Nord qui ont été décrites ci-dessus, car, après tout, d’un point de vue analytique, de telles options équivalent à certains égards à une solution de rechange limitative à l’ordre monétaire actuel. Suivant cette solution, la politique monétaire ne serait plus assortie d’une cible d’inflation et aurait comme seul objectif un taux de change irrévocablement fixe. La question

8 Les taux d’intérêt n’ont été augmentés qu’après l’échec d’une intervention à grande échelle sur le marché des changes, qui visait à soutenir le huard. Il convient de souligner que, en 1998, les réactions des trois pays développés qui dépendent fortement des exportations de produits de base, soit l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande, ont été très variées, tout comme l’impact de ces mesures. L’Australie n’a pas modifié sa politique monétaire pour enrayer la glissade du taux de change, et son économie a continué de croître. Le Canada a brièvement relevé les taux d’intérêt, et son économie a connu quelques mois de ralentissement. La Nouvelle-Zélande a majoré les taux et les a laissés à ce niveau, ce qui n’a pas tardé à provoquer une récession à part entière. Pour un compte rendu éclairant de cet épisode, voir Kevin Clinton (2001).

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demeure légitime même au terme du rejet de ces propositions. Si une monnaie commune n’est pas souhaitable en Amérique du Nord, qu’en est-il du régime de change fixe? Et si un tel régime ne l’est pas davantage, que dire d’un ordre monétaire national qui chercherait à arriver à un compromis entre la stabilité du taux de change et celle de l’inflation? Pour donner des réponses plausibles à ces questions, on doit d’abord examiner un ensemble logique de facteurs pouvant expliquer les variations du taux de change dans le contexte actuel. Par conséquent, quelles seraient les conséquences, le cas échéant, d’une intervention visant à influencer son mouvement?

Volatilité du taux de change, parité des pouvoirs d’achat et facteurs fondamentaux Le taux de change Canada/États-Unis n’est rien de plus que le pouvoir d’achat du huard aux États-Unis. C’est le prix d’un actif financier par rapport à un autre actif. Pour comprendre comment il est établi, il convient de tenir compte de deux caractéristiques importantes des marchés d’actifs : premièrement, la volatilité des prix est extrême; deuxièmement, la valeur au marché est déterminée par la valeur anticipée par les participants. Des écarts marqués entre le prix actuel et le prix escompté ne peuvent persister, car le prix actuel fluctue librement; dans le cas contraire, cela supposerait que des possibilités de bénéfice demeurent inexploitées. Si un billet de 20 dollars traîne par terre, on ne tardera pas à le ramasser.

Ces caractéristiques des marchés d’actifs ont deux répercussions sur le comportement des prix des actifs : premièrement, la volatilité est susceptible d’être grande car tous les éléments d’information sur l’avenir qui sont transmis aujourd’hui influent sur les prix maintenant; deuxièmement, a posteriori, certaines fluctuations des prix sembleront injustifiées. Après tout, l’information prospective est vraisemblablement de qualité variable et peut être mal interprétée. Ce qui avait l’apparence d’un billet de 20 dollars n’en est pas forcément un lorsqu’on y regarde de plus près.

Nous nous sommes faits à l’idée que le prix des actions — et des maisons — évoque parfois une bulle spéculative, une fluctuation de prix qui repose non pas tant sur des variations des anticipations à long terme relatives à l’évolution des facteurs économiques fondamentaux, que sur une simple extrapolation du comportement récent de ces prix. Nous ne devrions pas, a priori, écarter la possibilité que les marchés des changes possèdent des caractéristiques similaires. Pourtant, il y a des différences. La formation de ce qui s’avère être une bulle boursière est généralement associée à l’entrée sur le marché d’un grand nombre de boursicoteurs qui ne sont pas très bien informés, et, de par leur nature même, les marchés immobiliers desservent principalement de tels agents. Dans une mesure beaucoup plus grande, les marchés des changes sont dominés par des spécialistes bien informés et moins susceptibles de faire des erreurs que les autres agents économiques. Ce sont précisément ces avantages qui assurent leur réussite.

Si cet argument est accepté, on pourrait présumer que les variations des taux de change sont moins susceptibles d’être gratuites que celles du prix de

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certains autres actifs, mais on ne peut pas éliminer la possibilité complètement9. C’est pourquoi des expressions telles que « distorsion de change » et « volatilité excessive », qui occupent une place si importante dans les travaux des universitaires sur le comportement des taux de change, doivent être prises au sérieux. Afin de tirer des leçons de ces études, il importe toutefois de comprendre qu’une distorsion de change suppose l’existence d’une valeur fondamentale à partir de laquelle on peut évaluer cette distorsion; de plus, la volatilité peut uniquement être qualifiée d’« excessive » par rapport à la volatilité de cette valeur fondamentale. Il est tout aussi important de ne pas oublier que des commentateurs peuvent fonder leurs conclusions sur des opinions différentes sur ce qui détermine la valeur fondamentale.

Lors des récents débats qui ont eu lieu au Canada, la critique de la politique de la Banque du Canada — le fait qu’elle est déterminée à assurer la stabilité de l’inflation au pays et qu’elle est de plus en plus disposée à laisser les marchés fixer le taux de change — a été intimement associée à une certaine hypothèse relative aux déterminants de la valeur d’équilibre à long terme du taux de change, généralement connue sous le nom de théorie de la parité des pouvoirs d’achat. Par exemple, Courchene et Harris (1999) ont systématiquement employé l’expression « distorsion de change » lorsque le taux de change s’écartait de la valeur théorique prévue et l’expression « volatilité excessive », lorsque les variations brusques du taux de change ne pouvaient être expliquées par les mouvements des déterminants de la valeur de la parité des pouvoirs d’achat.

Compte tenu des prix affichés dans deux pays, la valeur de la parité des pouvoirs d’achat du taux de change est tout simplement le taux qui permet d’acheter la même quantité de biens et services des deux côtés de la frontière avec un montant donné10. L’expression renvoie davantage à un concept économique qu’à une théorie. Cependant, la théorie applique ce concept dans un modèle qui suppose, premièrement, que la valeur du taux de change entre deux pays convergera à long terme vers la valeur de la parité des pouvoirs d’achat; deuxièmement, que cette valeur d’équilibre à long terme du taux de change sera par conséquent directement inversement proportionnelle au ratio des prix affichés dans les deux pays; par exemple, une augmentation relative de 10 % des prix au Canada sera associée à une diminution de 10 % du taux de change d’équilibre. Cette théorie du taux de change d’équilibre qui contribue fréquemment à l’explication du comportement des prix est définie par une interaction de l’offre et de la demande de monnaie et mène naturellement à la caractérisation des

9 La notion voulant que les marchés sont sujets à une instabilité qui est sans rapport avec les facteurs fondamentaux lorsqu’ils attirent des participants mal informés n’est pas nouvelle. Elle était presque banale dans la tradition de l’économie monétaire de Cambridge, qui a jeté les bases de la révolution keynésienne. Ces questions sont analysées dans Laidler (1999). Toutefois, si plausible soit-elle, cette notion n’a pas, à notre connaissance, fait l’objet d’une étude systématique empirique dans la littérature moderne. 10 Ce concept est d’une aide inestimable, notamment pour comparer des pays au chapitre du niveau de vie. Par exemple, si l’on cherche à savoir si le ménage canadien médian a un niveau de vie plus élevé ou plus bas que son homologue américain, il convient évidemment de convertir en devises américaines son revenu en dollars canadiens à l’aide du taux de change de parité des pouvoirs d’achat, par opposition au taux du marché.

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mouvements du taux de change qui ne peuvent être expliqués par une interaction « excessive »11.

Cette théorie de la parité des pouvoirs d’achat est en apparence plausible dans deux circonstances. Premièrement, la loi du prix unique — une proposition bien connue voulant que le même bien doit se négocier au même prix dans tous les segments d’un même marché — laisse entendre à ses défenseurs que (déduction faite des coûts de transport et de la fiscalité) des mécanismes ont tendance à ramener le taux de change d’un pays à la parité des pouvoirs d’achat après une perturbation monétaire qui a modifié le niveau des prix sur son territoire. Par conséquent, ils soutiennent qu’une augmentation (diminution) des prix freine les importations (exportations), favorise les exportations (importations) et exerce une pression à la baisse (hausse) sur le taux de change jusqu’à ce que la parité des pouvoirs d’achat soit rétablie. Deuxièmement, dans l’histoire économique du 20e siècle, on trouve deux épisodes importants (les années 1920, et de la fin des années 1960 jusqu’au début des années 1980) où des perturbations monétaires qui n’avaient pas du tout la même ampleur sont survenues dans des pays différents et ont marqué le paysage économique international, et où des pays à inflation élevée ont vu leur taux de change se replier par rapport à celui de pays à faible inflation.

Des études économétriques formelles ont souvent indiqué que les taux de change avaient tendance à revenir lentement à la parité des pouvoirs d’achat après des perturbations, de sorte qu’il serait irréfléchi d’invalider intégralement la théorie. Cependant, les écarts persistants avec la parité des pouvoirs d’achat, ainsi que la volatilité excessive des taux de change par rapport à la théorie sont assez fréquents pour qu’il soit désormais monnaie courante de parler, à l’instar de Kenneth Rogoff (1996), de l’énigme de la parité des pouvoirs d’achat : pourquoi la théorie n’arrive pas à expliquer le comportement des taux de change?

Les diverses réponses qui ont été avancées peuvent être illustrées au moyen d’un spectre. À une extrémité, on trouve la possibilité que la parité des pouvoirs d’achat caractérise l’équilibre des taux de change, et que tout écart, qu’il soit persistant ou temporaire, reflète l’inefficience du marché des changes. À l’autre extrémité, il y a la possibilité que la théorie soit beaucoup trop simple, même pour expliquer le comportement du taux de change d’équilibre à long terme; que les écarts par rapport à la parité des pouvoirs d’achat reflètent l’influence d’autres facteurs fondamentaux non monétaires qui ont été négligés; que la volatilité des taux de change soit tout simplement attribuable aux mouvements de ces derniers. Il est extrêmement improbable qu’un commentateur responsable se situe à l’un de ces extrêmes, bien que certains adoptent des positions qui s’en rapprochent davantage que d’autres et que ce choix ait une grande influence sur leur confiance dans la capacité d’un ordre monétaire donné,

11 Par exemple, c’est le terme employé par Robert Flood et Andrew Rose (1998), qui ont été cités par Courchene et Harris (1999). Dans ce contexte, il est intéressant de constater que le taux de change Canada/États-Unis est celui qui affiche le plus faible niveau de « volatilité excessive » de tous ceux que Flood et Rose ont analysés.

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faisant du taux de change une cible de la politique monétaire, de mieux servir l’économie canadienne que les dispositifs actuels.

Il est évident que, toutes choses égales par ailleurs, dans une économie nord-américaine déjà fortement intégrée, les mouvements des taux de change sont coûteux et très contraignants pour les agents qui exécutent couramment des transactions transfrontalières. De même, il va de soi que, si les banques centrales de la région atteignent des cibles d’inflation similaires, qu’elles soient officielles ou non, la valeur des taux de change de parité des pouvoirs d’achat entre leur monnaie ne fluctuera guère. Si les écarts systématiques des taux de change réels par rapport à cette valeur, ainsi que la volatilité de ces derniers — au-delà de ce qui peut être imputé aux écarts entre les trajectoires temporelles des prix — sont attribuables à l’inefficience chronique des marchés des changes, les banques centrales peuvent également les éliminer sans renoncer à leurs cibles d’inflation, et la politique monétaire peut apporter aux agents qui réalisent des transactions transfrontalières la même stabilité qu’ils connaissent actuellement à l’intérieur de leurs frontières. Par contre, si les écarts des taux de change par rapport à la parité des pouvoirs d’achat s’expliquent par des variations des facteurs fondamentaux auxquelles le marché des changes réagit avec efficience, les mesures prises pour les annuler, si efficaces soient-elles, auront des répercussions ailleurs dans le système qui pourraient, sans nécessairement devoir, être encore plus coûteuses et contraignantes que les mouvements des taux de change en question.

Explication des variations du taux de change réel Il y a de nombreuses bonnes raisons de croire que davantage de facteurs entrent dans la détermination du taux de change d’équilibre que ne le laisse croire la théorie de la parité des pouvoirs d’achat. Plusieurs de ces raisons sont liées au fait que les pays n’échangent pas la totalité de leur production, et que les lots de produits qu’ils échangent ne sont pas identiques. Ces deux faits diminuent la capacité de la loi du prix unique — en supposant qu’elle s’applique à un produit — de maintenir le taux de change au niveau de la parité des pouvoirs d’achat, et ouvrent la voie à des variations de prix relatives entre les biens, qui sont causées par les variations entre les pays et dans le temps au chapitre de l’incidence sur les taux de change de la richesse, des goûts et de la technologie. Pour être plus précis, les variations du taux de change nominal, la valeur de la monnaie d’un pays par rapport à celle d’un autre pays, traduisent parfois les variations du taux de change réel sous-jacent : le prix relatif du lot de produits du pays par rapport à celui d’un autre pays.

Par exemple, les écarts observés entre des pays au chapitre de la productivité et de la croissance peuvent se répercuter sur le taux de change réel, ainsi que sur la rapidité de ses variations. L’exemple fourni par l’effet Balassa (1964)-Samuelson (1964) à cet égard est bien connu. Ces chercheurs soutiennent que, si l’écart de productivité est plus marqué entre les secteurs de produits exportables de deux pays qu’entre les autres secteurs, la monnaie de l’économie la plus productive aura une valeur plus grande que la parité des pouvoirs d’achat. La loi du prix unique aura tendance à stabiliser les prix, mais les producteurs de produits non exportables du pays plus productif auront des coûts de main-d’oeuvre supérieurs et, par conséquent, exigeront un prix relativement plus élevé.

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Les écarts systématiques observés entre les taux de croissance de la productivité des deux pays, le cas échéant, se reflètent dans les variations de la prime de change. En revanche, si les écarts de productivité et de croissance de la productivité sont plus grands dans les secteurs de produits non exportables, le signe de ces effets sera inversé, et le pays plus productif affichera un taux de change inférieur à la parité des pouvoirs d’achat qui diminuera à mesure que l’écart de productivité s’élargira.

Si la composition des lots de produits échangés n’est pas la même d’un pays à l’autre — en pareil cas, il serait difficile d’expliquer pourquoi les échanges ont eu lieu — il se peut également que le prix d’un lot représentatif des importations d’un pays par rapport à celui d’un lot représentatif de ses exportations (les termes de l’échange) varie. Cet effet peut aussi influer sur les taux de change réel et nominal, en cela que le pays dont les exportations accusent une baisse du prix relatif connaît une dépréciation certaine du taux réel, ainsi qu’une dépréciation du taux nominal, à tout le moins par rapport à sa trajectoire temporelle initiale, quelle qu’elle fût.

Par ailleurs, étant donné que les transactions transfrontalières ne portent pas toutes sur des biens et des services actuellement produits, les flux de capitaux peuvent également avoir un impact sur le taux de change. Un pays emprunteur doit dégager un excédent d’importation si les flux de ressources réels sous-jacents à ses transactions financières doivent être réalisés, et ce, qu’ils émanent du secteur privé ou du secteur public12. Par conséquent, plus l’apport de capitaux est important (en supposant toujours que les importations et les exportations n’ont pas la même composition), plus le taux de change réel du pays doit être élevé afin de dégager le déficit commercial de contrepartie. Le stock de la dette peut également jouer un rôle à cet égard : les investisseurs sont les créanciers d’agents se trouvant dans un pays donné, car ils s’attendent à réaliser un rendement. Plus le stock de la dette est important, plus le risque de non-réalisation du rendement est grand, et, par conséquent, plus sa valeur actuelle est faible. Les effets du stock sont diamétralement opposés à ceux des flux : les emprunts extérieurs ont tendance à entraîner une appréciation de la monnaie tant que la confiance demeure entière; cependant, lorsque la dette s’accumule, la confiance peut jouer un rôle et provoquer un repli de la monnaie. Les activités du compte de capital peuvent donc être une source de volatilité du taux de change réel, car l’importance relative des forces antagonistes évolue.

12 Il convient toutefois de souligner que cette conclusion ne suppose pas forcément qu’une augmentation de la dette publique aura toujours tendance à faire grimper le taux de change réel. Cela s’explique du fait que les effets de l’« équivalence de Ricardo » — les agents du secteur privé épargnent davantage en prévision d’une augmentation du fardeau fiscal — peuvent se faire sentir, et font en sorte que les dépenses publiques supplémentaires peuvent être financées par l’accroissement de l’épargne intérieure. Cependant, abstraction faite de ces effets, dans une économie au plein emploi, une augmentation des dépenses publiques se répercute sur le flux de capitaux, car les administrations publiques, ou les agents du secteur privé qui ont été évincés des marchés intérieurs, empruntent à l’étranger ce qui, toutes choses égales par ailleurs, entraîne également une appréciation du taux de change réel.

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Tous les facteurs susmentionnés peuvent entrer en concurrence avec les influences purement monétaires sur le taux de change nominal, bien que ce ne soit pas toujours le cas, et l’ajustement du taux de change nominal par le marché n’est pas la seule, voire toujours la meilleure, réaction. Cependant, il est important de vérifier leur présence avant d’attribuer les écarts par rapport à la parité des pouvoirs d’achat, de même que la volatilité des taux de change ne pouvant être expliquée par les facteurs monétaires, à l’inefficience des marchés, et de conclure qu’une politique pourrait les éliminer sans avoir de conséquence. Ce phénomène pourrait bien être une réaction à l’impact des facteurs fondamentaux sur le taux de change réel. Si la politique empêche le taux nominal de s’ajuster à ces facteurs, d’autres variables devront le faire.

Ces considérations pourraient être très importantes lorsque l’on analyse la situation du Canada dans le contexte nord-américain, en particulier relativement aux États-Unis. La productivité du Canada est inférieure à celle des États-Unis, et, sur une base sectorielle, l’on constate également des écarts entre les deux pays au chapitre de la productivité et de sa croissance. Le Canada est un exportateur net de produits de base, et les États-Unis, un importateur net. Leurs prix sont notoirement volatils, et leurs variations ont forcément une incidence sur les termes de l’échange Canada/États-Unis; le niveau et la croissance de la dette extérieure des deux pays ont des trajectoires très différentes, pour ne pas dire changeantes, depuis de nombreuses années. Si l’on est à la recherche de facteurs fondamentaux qui pourraient expliquer pourquoi le taux de change Canada/États-Unis s’est généralement écarté de la parité des pouvoirs d’achat et a été beaucoup plus volatil que ce que prévoient les facteurs monétaires ciblés par la théorie des taux de change, les candidats ne manquent pas.

Une bonne part des données empiriques s’articulent autour de ce qu’on appelle couramment l’équation de la Banque du Canada (voir Amano et van Norden, 1993, 1995) qui, à tout le moins, place le fardeau de la preuve sur ceux qui nient que les facteurs fondamentaux, outre ceux qui sont pris en compte par la théorie de la parité des pouvoirs d’achat, ont systématiquement influencé le taux de change États-Unis/Canada au fil des ans13. La variable dépendante de cette équation est le taux de change réel, le taux du marché ou nominal ajusté en fonction des variations des prix dans les deux pays. Elle repose entre autres sur la notion — un fondement de la théorie de la parité des pouvoirs d’achat — voulant que le taux de change nominal évolue de manière à combler les écarts d’inflation. Cependant, alors que la théorie de la parité des pouvoirs d’achat considère le taux de change réel comme une constante, l’équation de la Banque du Canada vérifie l’hypothèse d’une variation en réaction aux facteurs fondamentaux. Elle part du principe, et semble démontrer que, dans le contexte canado-américain, la

13 Dans les études sur le Canada de Carr et Floyd (2002), ainsi que dans les études sur l’Australie, la Nouvelle-Zélande et le Canada de Chen et Rogoff (2002), l’équation de la Banque du Canada n’était pas le point de départ immédiat. Cependant, dans les deux études, les chercheurs ont analysé le rôle des variables étroitement liées à celles qui sont dans l’équation et ont constaté que les facteurs réels semblent avoir des effets systématiques sur le taux de change réel du Canada, ce qui confirme les résultats fondamentaux d’Amano et de van Norden.

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trajectoire temporelle du taux de change réel est dominée par deux ensembles de variables : à long terme, par les mouvements du prix mondial des produits de base; à court terme, par des modifications de la politique monétaire du Canada par rapport à celle des États-Unis, qui sont reflétées par l’écart de taux d’intérêt à court terme entre les deux pays.

Cet effet n’est pas contesté dans le contexte du présent chapitre, car les défenseurs de la théorie de la parité des pouvoirs d’achat ne s’attendent pas à ce que le taux de change soit constamment à sa valeur d’équilibre à long terme, et considèrent les perturbations de la politique monétaire comme les principales causes des chocs à court terme qui surviennent dans un régime de taux de change flexible. Ils soutiennent également, à juste titre, que si le comportement du taux de change avait été un des objectifs de la politique monétaire canadienne durant la période à laquelle l’équation de la Banque du Canada a été ajustée, cet écart de taux d’intérêt, qui est le reflet des décisions monétaires qui ont été prises, n’aurait probablement pas engendré de perturbations. En effet, les défenseurs affirment, encore une fois à juste titre, que le fait que la politique monétaire semble influer systématiquement sur le taux de change milite en faveur d’un tel régime, à tout le moins dans la mesure où il laisse entendre que cela serait techniquement possible.

Toutefois, l’importance à long terme des prix des produits de base dans l’équation est problématique dans cette optique, car cela laisse entendre que les effets des termes de l’échange entraînent une variation du taux de change réel dont l’impact devrait être absorbé ailleurs dans le système économique si le taux de change nominal pouvait s’y ajuster. Ce résultat a résisté à une décennie de nouvelles données canadiennes produites depuis que l’équation a été proposée, ainsi qu’aux données d’autres pays exportateurs de produits de base, soit l’Australie et la Nouvelle-Zélande (voir Ramdane Djoudade et coll., 2001).

Malgré cela, durant la dernière décennie, des changements sont survenus au chapitre des déterminants du taux de change réel au Canada, ainsi que de leur importance relative. Dans l’équation originale de la Banque du Canada, les prix des produits de base qui avaient de l’importance étaient associés au secteur non énergétique. L’indice des prix des produits de base du secteur de l’énergie avait le « mauvais » (négatif) signe, ou était non significatif, selon la formulation de l’équation et la période à laquelle elle avait été ajustée. Toutefois, des travaux plus récents, par exemple ceux de Guillemette, Laidler et Robson (2004), semblent démontrer que, à partir des années 1990, les prix de l’énergie ont commencé à être significativement positifs dans l’équation, alors que l’importance quantitative des prix des produits de base non énergétiques a diminué. Ces résultats témoignent de la croissance des exportations nettes de ressources énergétiques canadiennes dans les années 1990, de même que du lent déclin des autres exportations de produits de base amorcé dans les années 1970.

Les prix des produits de base sont les seules variables non monétaires qui, depuis le tout début, ont systématiquement été intégrées à l’équation de la Banque du Canada. Cependant, nous avons vu que la politique budgétaire devait influer sur le taux de change, et que les variables pertinentes (le rythme de la croissance de la dette et le niveau d’endettement de l’État) ont beaucoup fluctué

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au fil des ans, au Canada et aux États-Unis14. Dans des travaux récents, par exemple, Murray, Zelmer et Antia (2000), elles ont été insérées dans une version de l’équation de la Banque du Canada, mais ce résultat ne semble pas robuste face aux variations dans la formulation précise des effets en question, ni dans la période à laquelle l’équation a été ajustée. Carr et Floyd (2002) ont également fait état de problèmes avec les variables de la politique budgétaire dans leur équation du taux de change. Au début, les effets de la productivité et de sa croissance ont également été difficiles à fixer, bien que Lafrance, Helliwell, Issa et Zhang (2004) aient réussi à les insérer, mais d’une façon différente de ce que laissait entendre l’effet simple de Balassa-Samuelson, qui a été analysé dans les pages qui précèdent.

D’autre part, alors qu’un taux de change met en présence les monnaies de deux pays, l’équation de la Banque du Canada fait une large place aux prix des produits de base, des variables qui sont beaucoup plus importantes au Canada qu’aux États-Unis. Si les facteurs fondamentaux réels ont une grande incidence sur le taux de change Canada/États-Unis, on pourrait s’attendre à ce que des variables américaines jouent systématiquement un rôle pour expliquer son comportement. De plus, l’appréciation du dollar canadien qui s’est amorcée en 2003 était quelque peu embarrassante pour les formes antérieures de l’équation. À n’en pas douter, c’est cette année-là que les prix des produits de base ont commencé à grimper; de plus, un écart marqué de taux d’intérêt à court terme s’est maintenu pendant un certain temps, de sorte que, d’un point de vue qualitatif, l’équation a misé juste dans sa prédiction. Par contre, d’un point de vue quantitatif, elle a lamentablement échoué : elle pouvait expliquer la direction du mouvement ascendant du taux de change, mais non son ampleur.

Évidemment, on s’est, à juste titre, largement accordé à souligner que, depuis 2003, le comportement des taux de change a été presque exclusivement dicté par la dépréciation mondiale du dollar américain et que la trajectoire temporelle prise par le taux bilatéral Canada/États-Unis a été principalement un effet secondaire de ce phénomène global. Mais cette observation ne fait que renforcer les doutes concernant l’incapacité chronique de l’équation de la Banque du Canada d’inclure des facteurs fondamentaux américains importants. Elle ne contribue guère à excuser ses lacunes. Lafrance, Helliwell, Issa et Zhang (2004), ainsi que Bailliu, Dib et Schembri (2005) ont récemment tenté d’y remédier, respectivement en tenant compte des mouvements du dollar américain par rapport à d’autres monnaies, et en analysant les éventuelles répercussions des déséquilibres budgétaire et courant des États-Unis. Ces deux études ont mené à des résultats prometteurs avec ces variables; notamment, elles semblent avoir corrigé dans une large mesure le problème posé par le comportement des taux de change depuis 2003 dans les premières formulations de l’équation de la Banque du Canada.

Malgré cela, dans toutes leurs variations, les équations qui s’inspirent de celle de la Banque du Canada expliquent mieux les tendances à long terme et les

14 Encore une fois, il convient de préciser que cette conclusion n’est pas valable si l’économie canadienne est caractérisée par l’équivalence de Ricardo, ce qui ne semble pas être le cas.

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fluctuations marquées du taux de change que les mouvements à court terme. De plus en plus de données confirment que, en ce qui a trait aux variations à court terme (qui sont parfois prononcées), la causalité peut passer du taux nominal au taux de change réel, plutôt que vice-versa, et que ces effets pourraient être expliqués par la rigidité des prix, tout particulièrement sur les marchés de détail, qui rend la loi du prix unique inopérante à ce niveau15. Il se pourrait donc que le flottement entièrement libre du taux de change soit un pis-aller et que, comme l’ont soutenu, par exemple, Devereux et Engel (2004), les politiques visant à éliminer, à tout le moins en partie, les variations qui ne peuvent être attribuées aux variations des facteurs fondamentaux réels peuvent, en principe, être envisagées.

En résumé, l’étude empirique du taux de change du Canada n’est pas terminée. Cependant, la théorie économique crée une forte présomption que la théorie de la parité des pouvoirs d’achat est beaucoup trop simple, un point de vue qui, dans une large mesure, a été étayé par plus d’une décennie de travaux empiriques qui ont fait appel aux nombreuses variantes de l’équation de la Banque du Canada. Même si les études futures du type décrit par Devereux et Engel (2004) révèlent que ces travaux ont surestimé la part de la variabilité des taux de change qui est attribuable aux mouvements des facteurs fondamentaux réels (ce qui est loin d’être sûr), il semble très peu probable que leur message clé relativement à leur importance soit dilué. Si notre connaissance de ces questions est loin d’être complète, cette conclusion a des répercussions sur la création de l’ordre monétaire en Amérique du Nord en général et au Canada en particulier, comme nous le verrons ci-après.

Autres ordres monétaires Durant le récent débat sur l’intégration monétaire de l’Amérique du Nord, ses défenseurs n’ont pas toujours décrit clairement la forme que prendrait un tel dispositif, ce qui a parfois embrouillé la discussion. Des problèmes similaires peuvent se poser dans le contexte de propositions moins radicales, qui visent à influencer le comportement du taux de change par la politique monétaire. Par exemple, un régime qui ajouterait des cibles de taux de change aux cibles d’inflation dans le cadre de la politique monétaire n’aurait pas les mêmes caractéristiques qu’un régime de rigidité des taux de change. Dans les deux cas, l’efficacité serait tributaire du degré de coopération avec les États-Unis.

Il convient d’amorcer l’analyse de ces questions par le dispositif qui s’écarterait le moins du statu quo : le Canada complique unilatéralement son régime actuel en faisant du comportement du taux de change un objectif supplémentaire de sa politique. Une telle approche serait à la fois faisable et préférable à la situation actuelle si la théorie de la parité des pouvoirs d’achat expliquait de façon satisfaisante le taux de change d’équilibre à long terme et si les écarts par rapport à ce niveau de référence pouvaient de façon certaine être attribués à l’inefficience du marché des changes. Les appels qui se font entendre

15 Nous émettons l’hypothèse que, à long terme, ce résultat semblera aller de soi, une fois que l’on aura pris en compte le bloc important de services non exportables qui est intégré aux prix de détail. Cela ne veut pas dire que les effets éventuels de la fixation des prix par le marché, qui peuvent se faire sentir lorsque les producteurs sont en mesure de faire de la discrimination par les prix à l’endroit des économies nationales, sont ignorés.

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en faveur d’une intervention de la Banque du Canada à l’égard des taux d’intérêt et du taux de change afin d’aider les exportateurs, maintenant que l’inflation est manifestement maîtrisée, sont en quelque sorte des propositions visant à mettre en place un tel dispositif, du moins officieusement.

Le premier problème inhérent à ce dispositif est que nous pouvons affirmer avec une certitude raisonnable que la parité des pouvoirs d’achat n’est pas une théorie acceptable pour expliquer le taux de change d’équilibre à long terme du Canada. Le deuxième problème tient au fait que, faute de connaissances suffisantes, nous ne sommes pas en mesure de proposer une modification au régime à la lumière de cette complication majeure. En principe, la solution est assurément simple. Au lieu d’un régime qui permet à la Banque du Canada d’avoir une cible d’inflation principale, mais également de se tenir prête à éliminer la volatilité « excessive » du taux de change par rapport au niveau de parité des pouvoirs d’achat, on pourrait mettre en place un régime qui supprimerait uniquement les fluctuations qui ne peuvent être imputées aux mouvements des facteurs fondamentaux, et qui laisserait flotter le taux d’inflation à l’intérieur d’une fourchette cible afin d’ouvrir la voie à de telles initiatives. Cependant, ce régime pose un problème pratique crucial : il serait faux de dire qu’il n’y a jamais de fluctuations « excessives »; par contre, on peut difficilement affirmer qu’on peut les reconnaître et déterminer leur ampleur avec un certain degré de confiance lorsqu’elles se produisent, et que la Banque du Canada possède les connaissances spécialisées nécessaires pour s’en charger avec plus de rapidité et de précision que le secteur privé.

En principe, on pourrait améliorer la gestion de la politique monétaire en adoptant le régime décrit ci-dessus, mais dans la pratique, sa mise en oeuvre sera vraisemblablement non seulement inefficace, mais carrément néfaste. À l’heure actuelle, les agents du secteur privé savent que la Banque du Canada prendra toujours des mesures pour ramener l’inflation à une cible de 2 % sur un horizon de 18 mois; à la lumière de cette information et de leur lecture de l’économie, ils évaluent les perspectives qui s’offrent à un secteur d’activité, et agissent en conséquence. Cette situation est déjà suffisamment complexe. Mais avec le régime proposé, elle le serait davantage, en cela que les agents devraient également prévoir comment la Banque devrait répartir la responsabilité des mouvements du taux de change entre les facteurs fondamentaux — qui devraient être ignorés par la politique monétaire — et les perturbations gratuites du marché, qui nécessitent une intervention de sa part; déterminer l’impact de ses mesures probables sur l’inflation; prendre leurs décisions en fonction de cette information. On peut difficilement concevoir que ce régime faciliterait la vie de qui que ce soit.

Au cours de la dernière décennie, la Banque du Canada a travaillé fort pour accroître la transparence de son processus décisionnel. À cet égard, un jalon important a été franchi vers 1998, lorsque la Banque a commencé à reléguer au second plan l’indice des conditions monétaires dans ses décisions de politique et surtout, dans ses efforts de communication avec le public16. Cet indice est une

16 En effet, l’accroissement de la transparence a peut-être été la principale réalisation de M. Gordon Thiessen durant son mandat, avec l’apaisement de la controverse suscitée par la politique monétaire dans les années 1990, qui est en partie attribuable à cette mesure. À la

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moyenne pondérée d’un taux d’intérêt représentatif à court terme et du taux de change; il repose sur une analyse tout à fait juste, soit que, dans une économie ouverte, ces deux variables influent sur la demande globale et, par conséquent, sur la trajectoire temporelle de l’inflation. La Banque a abordé les débats sur la politique sous l’angle de l’interaction entre la valeur réelle et la valeur désirée de cet indice, celle-ci étant tributaire, entre autres, de son évaluation du rôle des facteurs fondamentaux, par opposition à ce qu’elle appelait des changements touchant à la structure des portefeuilles, à l’égard des variations du taux de change. Toutefois, elle n’a jamais réussi à convaincre le public que cette valeur désirée varierait pour que ces communications soient utiles17.

Ce qui n’a pas simplifié les choses est que, jusqu’à la fin de 1998, la Banque du Canada est couramment intervenue sur le marché des changes, non pas pour contrôler la trajectoire temporelle à long terme du taux de change, mais plutôt pour aplanir les fluctuations quotidiennes et résister aux mouvements subits de la variable. La Banque achetait automatiquement la monnaie lorsqu’elle était en baisse et la vendait lorsqu’elle était en hausse. Les problèmes inhérents à cette stratégie sont devenus critiques à l’été 1998. À cette époque, les interventions régulières de la Banque n’arrivaient pas à empêcher la dégringolade de la monnaie, mais les jours où cette tendance était temporairement enrayée, elle devait néanmoins vendre la monnaie au prix qu’elle l’avait achetée quelques jours plus tôt, ce qui, inévitablement, semait la confusion sur les marchés. Pire encore, en août 1998, une intervention exceptionnellement massive, qui devait permettre au huard de prendre un peu d’altitude, n’a influencé le taux de change que pendant environ une journée. Sa crédibilité sur le marché des changes étant en jeu, la Banque a dû procéder à une hausse des taux d’intérêt de 1 point, qui, compte tenu de la conjoncture économique intérieure, était tout à fait injustifiée.

Résultat : la Banque a annoncé, en septembre 1998, qu’elle n’interviendrait plus systématiquement sur le marché des changes, mais qu’elle se réservait le droit de le faire dans des circonstances exceptionnelles18. Cette annonce, qui coïncidait plus ou moins avec la disparition de l’Indice des conditions monétaires dans les communications sur sa politique, de même que le relèvement des taux d’intérêt d’août qui n’avait pas fait long feu (une majoration effectuée à la faveur des réductions de taux d’intérêt aux États-Unis qui faisaient suite à la crise du fonds Long Term Capital Management), doivent être considérés comme le

lecture de Thiessen (1999), ces résultats sont manifestement le produit de politiques adoptées à cette fin. Malgré cela, la progression n’a pas toujours été en ligne droite. Comme l’a fait remarquer un répondant anonyme, l’ascension et la chute de l’indice des conditions monétaires en tant que fondement de la politique monétaire ont eu lieu durant l’ère Thiessen. 17 Charles Freedman (1994) a présenté une description claire et détaillée du rôle que l’indice des conditions monétaires était censé jouer dans le cadre de l’élaboration des politiques de la Banque du Canada. S’il a eu du mal à jouer son rôle, ce n’est pas en raison d’une faille logique dans sa configuration, mais plutôt parce qu’il était si complexe qu’il a empêché la Banque de communiquer efficacement avec les marchés. 18 En fait, la dernière de ces interventions remonte à août 1998. Dans un document d’information récent (Banque du Canada, 2003b), la Banque a décrit en détail sa position actuelle sur les interventions.

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sommet d’une tendance qui s’écartait de la politique axée sur le taux de change et qui a débuté avec l’établissement des cibles d’inflation en 1991. Pour modifier le régime actuel de manière que la politique vise à éliminer les fluctuations du taux de change par rapport à la valeur fondamentale estimée par la Banque, il faudrait inverser cette progression au point de donner encore plus d’importance à cette variable dans le cadre stratégique de la politique qu’elle n’en avait au milieu des années 1990. Compte tenu des problèmes qui ont été rencontrés à cette époque, on est presque obligé de conclure qu’une telle mesure serait un retour en arrière destructeur.

Pour être efficace, la politique monétaire doit être transparente, et, entre autres, l’objectif consistant à éliminer les fluctuations du taux de change par rapport à une trajectoire temporelle mobile déterminée par les facteurs fondamentaux est tout simplement trop complexe pour être communiqué clairement. Si le taux de change redevient un objectif de la politique, une solution serait de simplifier la cible choisie unilatéralement. La Banque du Canada pourrait peut-être laisser le taux fluctuer dans une fourchette ou sur une trajectoire temporelle annoncée au préalable, ou encore tout simplement opter pour un taux fixe. Bien qu’il y ait de nombreuses différences entre eux, ces régimes ont une caractéristique économique commune, soit que d’autres variables doivent être adaptées aux fluctuations des facteurs fondamentaux qui écartent le taux de change de sa valeur cible ou qui le font sortir de sa fourchette; il ne fait aucun doute que les salaires monétaires et les prix intérieurs sont du nombre.

Lorsque les facteurs fondamentaux réels changent, les salaires et les prix intérieurs relatifs doivent généralement être adaptés, quel que soit le régime de change. Même dans un régime de taux flexible, on ne peut se soustraire à cette obligation. Au mieux, un tel régime réduit l’ampleur de la variation nominale des variables intérieures qui est nécessaire. Bien entendu, l’importance de ce facteur dépend de la facilité avec laquelle ces variations se concrétisent, ainsi que de leurs effets secondaires, le cas échéant. Il est notoire que plus (moins) les salaires monétaires et les prix intérieurs sont flexibles, moins (plus) la flexibilité du taux de change nominal influe sur l’économie lorsqu’il s’ajuste aux perturbations du taux de change réel. Cependant, cela ne répond pas à toutes les questions qui se posent à cet égard. Les autorités monétaires, même dans un contexte de flexibilité parfaite des prix avec éventuelles perturbations du taux de change réel, devraient choisir entre la stabilité du taux de change et celle des prix intérieurs. Le sacrifice de cette dernière pour stabiliser le taux de change pourrait avoir son prix19.

Pour donner un exemple concret, il suffit de souligner que les salaires et les prix sont généralement considérés comme étant flexibles à la hausse, et que, en supposant que la récente dépréciation mondiale du dollar américain repose en grande partie sur les facteurs fondamentaux réels plutôt qu’un mauvais

19 On affirme souvent de façon désinvolte qu’une petite économie ouverte dont le taux de change est ancré à la monnaie d’un partenaire commercial de plus grande envergure ne fait qu’importer son taux d’inflation. Toutefois, cette conclusion est valable uniquement si le taux de change réel entre les deux pays est constant. Il serait plus exact de dire que le niveau des prix dans le petit pays évolue de manière que sa trajectoire temporelle soit adaptée à celle du niveau des prix de son partenaire, compte tenu des mouvements du taux de change réel.

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fonctionnement des marchés des changes, les prix et les salaires monétaires observés au Canada devraient croître d’environ 20 % pour arriver à l’ajustement du taux de change réel qui a eu lieu depuis le début de 2003 dans un régime de taux de change fixe. Si cette augmentation s’était concrétisée, les exportateurs qui, actuellement, se plaignent des effets du taux de change nominal sur leur compétitivité, en auraient plutôt contre l’inflation des salaires intérieurs. De plus, dans la mesure où l’évolution du niveau des prix n’avait pas été prévue, il y aurait eu une importante redistribution de la richesse dans l’économie20. Il est loin d’être clair que, tout compte fait, cela aurait été préférable à la suite des événements. Il serait peut-être bon de se rappeler que, en 1950 de même qu’en 1970, les autorités canadiennes ont renoncé au taux de change fixe face aux fortes pressions inflationnistes engendrées par la nécessité d’une appréciation du taux de change réel.

Malgré cela, la rigidité des salaires et des prix aggrave les problèmes inhérents au régime de taux de change fixe, qui vise à empêcher que le taux nominal s’ajuste complètement aux perturbations réelles. Il est entendu que cette question devient particulièrement importante lorsqu’une dépréciation du taux de change réel est nécessaire. L’illustration suivante, qui porte sur des données canadiennes récentes, est révélatrice : Robson et Laidler (2002) ont estimé que si le taux de change avec le dollar américain avait été fixe entre le début de 1998 et 2002, il aurait fallu que les prix reculent de près de 2 % par année au Canada afin que la dépréciation réelle se concrétise. Dans les meilleures circonstances, un resserrement de la politique monétaire et une forte contraction temporaire du revenu réel et de l’emploi auraient été nécessaires pour que cela se produise; dans les pires circonstances, caractérisées par une vive résistance des marchés à la déflation, la contraction réelle temporaire du revenu réel et de l’emploi est remplacée par un phénomène qui se rapproche de la stagnation.21

Les chercheurs ont décrit en détail ces phénomènes dans le contexte de régimes de taux de change fixe ou dirigé en tout genre. De même, on trouve beaucoup d’information sur les pressions politiques qu’elles engendrent, lesquelles les fragilisent et les rendent vulnérables aux attaques spéculatives destructrices22. C’est pourquoi les participants qui étaient dans des camps opposés

20 Évidemment, la hausse imprévue de la monnaie qui est survenue l’an dernier s’est traduite par une redistribution de la richesse. Ceux qui détenaient des avoirs importants en dollars américains, par exemple des maisons de villégiature aux États-Unis ou des investissements non couverts dans des actions américaines, ont subi des pertes. 21 C’est pourquoi on peut difficilement accorder beaucoup de crédibilité aux affirmations selon lesquelles un taux de change fixe ou une monnaie nord-américaine commune aurait accru la productivité du Canada à la fin des années 1990. En effet, d’après une étude récente d’Edwards et Yeyati (2003), en amortissant les perturbations, le taux de change flexible a généralement un effet bénéfique systématique sur la croissance réelle de l’économie. 22 Par exemple, selon Osakwe et Schembri (1998), ces forces ont été à l’origine de pas moins de 38 crises de change entre 1990 et 1997. Chacune d’entre elles s’est soldée par une dévaluation ou l’abandon pur et simple du taux de change fixe. Dans le contexte canadien, ces problèmes sont exacerbés du fait que, en vertu de la Loi sur la Banque du Canada, la

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lors du récent débat sur l’intégration monétaire nord-américaine, par exemple, Grubel (1998) et Laidler et Poschmann (2000), ont parfois convenu que le compromis entre la monnaie commune et le taux de change déterminé par le marché est nettement inférieur à ces deux solutions extrêmes et doit donc être rejeté. Cependant, ce point de vue ne fait pas l’unanimité. Courchene et Harris (1999), ainsi que Robert Mundell (voir Alan Freeman, 1999) ont pressé le Canada de privilégier la rigidité du taux de change avec le dollar américain; pour Courchene et Harris, cette mesure serait une étape sur la voie d’une intégration monétaire véritable (qui s’inspirerait de la création du système monétaire européen dans les années 1990), alors que pour Mundell, il s’agirait d’un dispositif essentiellement permanent.

Ces auteurs ont émis une affirmation qui ne fait pas l’unanimité : un régime de taux de change fixe est viable uniquement si la politique macroéconomique canadienne est élaborée exclusivement dans l’optique de ce régime, car la question fondamentale qui se pose à cet égard n’est pas tant technique que politique. Il est loin d’être clair qu’une telle politique serait durable dans un pays comme le Canada, qui a visiblement renoncé à l’indépendance des objectifs de la banque centrale et a plutôt mis en place un ensemble de dispositifs qui confère la responsabilité ultime à cet égard aux élus. Malgré cela, il est possible d’envisager des changements institutionnels qui amélioreraient la durabilité de ce régime. Certains seraient unilatéraux, alors que d’autres nécessiteraient la coopération des États-Unis, ainsi que du Mexique, si le régime devait être instauré à l’échelle de l’ALENA.

On a déjà souligné que, dans un contexte de rigidité des prix et des salaires monétaires, il est difficile d’atteindre les cibles de taux de change nominal lorsque le taux de change réel doit varier à l’occasion. Il s’ensuit qu’une plus grande flexibilité des marchés en général et du marché du travail en particulier rendrait cet ordre monétaire plus viable. Comme le démontre l’exemple européen, il faut non seulement une plus grande variabilité des salaires et des prix, mais également une réduction de la rigidité du fonctionnement de l’État-providence; l’exemple de l’Europe nous apprend également qu’il est extrêmement difficile d’apporter de telles modifications, même dans les pays qui ont sciemment et complètement renoncé à la politique monétaire nationale et qui ont accepté de limiter considérablement leur capacité de mettre en place des instruments budgétaires.

Il ne fait aucun doute qu’on pourrait quelque peu réduire la pression si le maintien d’un taux de change stable ou même fixe entre les monnaies canadienne et américaine (et éventuellement mexicaine) était une responsabilité partagée par la Réserve fédérale et la Banque du Canada (et peut-être la Banque du Mexique), au lieu d’être une responsabilité unilatérale de la banque centrale canadienne. Si la Fed soutient le dollar canadien et/ou le peso advenant qu’une perturbation justifie une diminution du taux de change réel, cela diminuera la pression exercée sur ces monnaies et fera en sorte qu’une partie de l’ajustement nécessaire est attribuable à

Banque est explicitement l’agent du gouvernement fédéral sur le marché des changes. La Loi ne donne pas à la Banque le pouvoir de résister aux pressions politiques en faveur de l’abandon d’une cible de taux de change.

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l’inflation aux États-Unis; si la Fed accepte la déflation lorsque le taux de change réel doit augmenter, le Canada et le Mexique auront plus de facilité à procéder aux ajustements. Comme nous l’avons vu ci-dessus, une bonne part des mécanismes de coopération nécessaires à l’établissement d’une politique monétaire nord-américaine sont déjà en place; par conséquent, il ne serait pas techniquement difficile de créer un tel régime. Toutefois, nous avons également vu dans les pages qui précédent que les relations monétaires avec l’Europe et l’Asie sont importantes pour les États-Unis et n’ont pas vraiment d’équivalent en Amérique du Nord, ce qui pourrait parfois entrer en conflit avec l’obligation de stabiliser les taux de change en Amérique du Nord23.

Une autre modification apportée à l’échelle nord-américaine permettrait d’alléger les pressions monétaires associées à l’établissement de cibles de taux de change : l’amélioration de la mobilité transfrontalière de la main-d’oeuvre entre le Canada et les États-Unis ou dans le cadre de l’ALENA. Un des arguments les plus convaincants parmi ceux qui ont été fournis par les défenseurs de l’intégration monétaire complète de l’Amérique du Nord lors des récents débats est que le système monétaire américain peut être considéré comme une union monétaire d’économies régionales disparates, dont les taux de change réels étaient susceptibles de varier sans compromettre la stabilité de l’union; cependant, on a rétorqué avec le même aplomb que la mobilité de la main-d’oeuvre et des capitaux privés, de même que les transferts budgétaires entre les régions des États-Unis, offraient une protection supplémentaire contre ces effets qui n’aurait pas la même ampleur ou qui serait carrément absente à l’échelle continentale.

Si rien n’indique que la coopération en matière budgétaire soit à l’ordre du jour, des discussions ont eu lieu récemment sur une éventuelle harmonisation de la réglementation entre le Canada et les États-Unis. Par ricochet, cette mesure pourrait rehausser le degré de mobilité des capitaux entre les deux économies, qui est déjà élevé. De plus, dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001, il est question de créer un périmètre économique nord-américain où la libre circulation des biens et des personnes serait assujettie à des règles communes24.

La faisabilité de l’harmonisation de la réglementation et de l’intégration du marché du travail déborde largement du cadre du présent document. L’intégration du marché du travail serait particulièrement complexe, surtout si le Canada et les États-Unis invitaient le Mexique à se joindre à eux. Il faut savoir que les États-Unis ont considéré l’adhésion du Mexique à l’ALENA comme une solution de rechange, et non comme un prélude à une plus libre circulation des travailleurs au sud de sa frontière. S’il était convenu qu’un tel mécanisme pouvait

23 John Murray a rappelé à l’auteur que les États-Unis ont récemment participé à des discussions sur une éventuelle intervention coordonnée visant à remédier au déséquilibre des comptes courants (du compte courant américain notamment), et à modifier la configuration de certains régimes de change, tout particulièrement entre le yuan et le dollar américain. Jusqu’à maintenant, les entretiens n’ont débouché sur rien de concret. Du point de vue des États-Unis, ces questions sont beaucoup plus importantes que toutes les questions purement nord-américaines. 24 Ces propositions ont pris diverses formes, et leur analyse déborde du cadre du présent document. Danielle Goldfarb (2003) les a passées en revue en accordant une attention particulière aux éléments communs.

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raisonnablement être limité aux États-Unis et au Canada, d’autres questions implicites, qui ont trait aux interactions des politiques sur les réfugiés et l’immigration des deux pays, ainsi qu’aux droits des citoyens et des résidents sur le marché du travail intérieur, ne peuvent pas être énumérées et encore moins analysées dans le présent document. Cependant, il n’en demeure pas moins que, d’un point de vue économique, il existe de fortes complémentarités entre l’intégration des marchés nord-américains du travail et la faisabilité d’une coopération monétaire soutenue dans la région, et il sera important de suivre de près ces questions durant les discussions.

Résumé et conclusions Le fait que le degré élevé d’intégration économique qui a été atteint au cours des dernières années n’a pas eu d’équivalent sur la scène politique constitue un fait marquant de l’histoire récente de l’Amérique du Nord. Voilà qui tranche nettement avec l’Europe. Cependant, les différences ne s’arrêtent pas là. Les asymétries entre le Canada, le Mexique et les États-Unis qui découlent de la prééminence économique et politique du géant américain, non seulement sur le continent mais dans le monde, n’existent pas en Europe. De par la nature des intérêts des États-Unis et des contraintes qui les accompagnent, l’Amérique du Nord n’a pas toujours la préséance dans les politiques américaines. Il convient de répéter que cela ne signifie pas que les mesures prises par les Américains iront toujours ou généralement à l’encontre des intérêts du Canada et du Mexique, Toutefois, à moins que des événements imprévus créent une dynamique politique semblable à celle qui a été mise en branle il y a si longtemps en Europe, ce seront probablement ces petits pays qui devront prendre des initiatives afin d’harmoniser les institutions économiques et politiques nord-américaines avec les intérêts de la région pris séparément. De plus, les initiatives qui iront dans le sens des intérêts généraux des États-Unis seront plus susceptibles de réussir.

En matière monétaire, les intérêts des États-Unis ont bien évidemment une envergure mondiale. À la lumière des énoncés de politique monétaire, il ne fait aucun doute que les autorités en sont conscientes. Bien que le secrétaire-adjoint Summers, dont les propos ont été repris dans les pages qui précèdent, représentait l’administration Clinton, il n’y a pas lieu de croire que les politiques de l’administration Bush s’écartent de celles de son prédécesseur. Au contraire, Washington n’a pas réagi après que le président Fox eût soulevé la question de l’intégration monétaire nord-américaine en 2000, et l’ambassadeur Cellucci est resté en retrait du présent débat sur la question au Canada, ce qui est extrêmement révélateur. Les États-Unis souhaitent vivement renforcer la coopération continentale dans les domaines de la gestion du commerce des ressources naturelles, qui pourrait englober l’eau, et, depuis le 11 septembre 2001, de la sécurité; cependant, la politique monétaire ne semble pas figurer sur la liste.

Le long débat qui a eu lieu au Canada a néanmoins démontré que la coopération politique avec les États-Unis est essentielle à la création d’une union monétaire intégrale en Amérique du Nord, ou même à la viabilité d’un mécanisme qui permettait au Canada (et sans doute au Mexique) d’adopter le dollar américain. Dans le présent document, j’ai démontré que des considérations similaires auraient généralement une influence sur toute initiative visant à faire du

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taux de change Canada/États-Unis un objectif clé de la politique monétaire canadienne. En se contentant d’influencer unilatéralement le comportement du taux dans une variante du régime actuel de ciblage de l’inflation, le Canada diminuerait à tout le moins la transparence de sa politique monétaire, sans bénéficier d’avantages en contrepartie. Tout mécanisme visant à contrôler plus activement le taux de change nominal, de manière que les pressions émanant des marchés mondiaux se répercutent davantage sur les salaires monétaires et les prix intérieurs, créerait des tensions économiques et politiques qui pourraient difficilement être allégées unilatéralement. La gestion de ce régime en coopération avec la Réserve fédérale atténuerait ces pressions, mais un tel scénario est improbable. Une meilleure intégration des marchés nord-américains du travail serait également utile, mais cette possibilité soulève un ensemble de questions économiques et politiques dont l’analyse vient à peine de débuter.

Malgré cela, on a également soutenu que la stabilité de la monnaie à l’intérieur des zones monétaires distinctes d’un espace économique fortement intégré tel que l’Amérique du Nord contribue à la croissance économique en général, et que plus les autorités monétaires de chaque zone communiquent entre elles sur leur politique, plus cet apport est susceptible d’être important. Les trois pays signataires de l’ALENA ont progressé à pas de géant sur la voie de la stabilité monétaire au cours des 10 dernières années, et les institutions qui servent de courroie de transmission aux fins de la communication de la politique sont très développées. Toutefois, il y a matière à amélioration dans les trois pays. Le régime canadien de ciblage de l’inflation semble encore un peu timide — peut-on parler de stabilité des prix avec un taux d’inflation de 2 %? — et la situation budgétaire est également préoccupante, tout particulièrement au niveau provincial. Le Mexique a établi des cibles d’inflation après le Canada, et n’a peut-être pas encore réussi à asseoir sa crédibilité; de plus, les questions budgétaires continuent de poser problème au plan politique dans ce pays. Aux États-Unis, le mandat de la Fed demeure trop vague au goût de certains, et les perspectives budgétaires à long terme, surtout dans le contexte du solde courant, sont assurément alarmantes.

Il serait peut-être préférable d’utiliser le peu d’énergie politique pouvant être consacrée aux questions monétaires dans les trois pays à la résolution de ces problèmes. Si ces difficultés étaient aplanies, on aurait au minimum un ensemble fonctionnel (quoique brouillon) de dispositifs monétaires qui continueraient à servir le continent à tout le moins aussi bien, voire mieux, que par le passé. Cet objectif est peut-être modeste, mais il est attrayant et réalisable. En matière de politique économique, il est parfois dangereux d’en demander plus.

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