LACA…  · Web view1974 LACAN Préface à L’éveil du printemps . Texte paru dans le programme du Festival d’automne, À propos de l’éveil du printemps, traduction de

  • Upload
    lambao

  • View
    217

  • Download
    0

Embed Size (px)

Citation preview

1974 LACANPrface Lveil du printemps

Texte paru dans le programme du Festival dautomne, propos de lveil du printemps, traduction de Franois Rgnault, Paris, Christian Bourgois diteur, 1974, pp. 7-10.

1974-09-01:Prface Lveil du printemps (3 p.)

(7)Ainsi un dramaturge aborde en 1891 laffaire de ce quest pour les garons, de faire lamour avec les filles, marquant quils ny songeraient pas sans lveil de leurs rves.

Remarquable dtre mis en scne comme tel: soit pour sy dmontrer ne pas tre pour tous satisfaisant, jusqu avouer que si a rate, cest pour chacun.

Autant dire que cest du jamais vu.

Mais orthodoxe quant Freud, jentends: ce que Freud a dit.

Cela prouve du mme coup que mme un hanovrien (car jen ai dabord, il faut que je lavoue, infr que Wedekind tait juif), que mme un hanovrien, dis-je et nest-ce pas beaucoup dire?, est capable de sen aviser. De saviser quil y a un rapport du sens la jouissance.

Que cette jouissance soit phallique, cest lexprience qui en rpond.

Mais Wedekind, cest une dramaturgie. Quelle place lui donner? Le fait est que nos juifs (freudiens) sy intressent, on en trouvera lattestation dans ce programme.

(8)Il faut dire que la famille Wedekind avait plutt roul sa bosse travers le monde, participant dune diaspora, celle-ci idaliste: davoir d quitter la terre mre pour chec dune activit rvolutionnaire. Est-ce l ce qui fit Wedekind, je parle de notre dramaturge, simaginer dtre de sang juif? Au moins son meilleur ami en tmoigne-t-il.

Ou bien est-ce une affaire dpoque, puisque le dramaturge la date que jai note, anticipe Freud et largement?

Puisquon peut dire qu ladite date, Freud cogite encore linconscient, et que pour lexprience qui en instaure le rgime, il ne laura pas mme sa mort mise encore sur ses pieds.

a devait me rester de le faire avant que quelque autre men relve (pas plus juif peut-tre que je ne le suis).

Que ce que Freud a repr de ce quil appelle la sexualit, fasse trou dans le rel, cest ce qui se touche de ce que personne ne sen tirant bien, on ne sen soucie pas plus.

Cest pourtant exprience porte de tous. Que la pudeur dsigne: du priv. Priv de quoi? justement de ce que le pubis naille quau public, o il saffiche dtre lobjet dune leve de voile.

Que le voile lev ne montre rien, voil le principe de linitiation (aux bonnes manires de la socit, tout au moins).

Jai indiqu le lien de tout cela au mystre du langage et au fait que ce soit proposer lnigme que se trouve le sens du sens.

Le sens du sens est quil se lie la jouissance du garon comme interdite. Ce non pas certes pour interdire le rapport dit sexuel, mais pour le figer dans le non-rapport quil vaut dans le rel.

(9)Ainsi fait fonction de rel, ce qui se produit effectivement, le fantasme de la ralit ordinaire. Par quoi se glisse dans le langage ce quil vhicule: lide detout quoi pourtant fait objection la moindre rencontre du rel.

Pas de langue qui ne sen force, non sans en geindre de faire comme elle peut, dire sans exception ou se corser dun numral. Il ny a que dans les ntres, de langues, que a roule bille en tte, le tout, le tout et toi, si jose dire.

Moritz, dans notre drame, parvient pourtant sexcepter, en quoi Melchior le qualifie de fille. Et il a bien raison: la fille nest quune et veut le rester, ce qui dans le drame passe las.

Reste quun homme se fait. Lhomme se situer de lUn-entre-autres, sentrer entre ses semblables.

Moritz, sen excepter, sexclut dans lau-del. Il ny a que l quil se compte: pas par hasard dentre les morts, comme exclus du rel. Que le drame ly fasse survivre, pourquoi pas? si le hros y est mort davance.

Cest au royaume des morts que les non-dupes errent, dirais-je dun titre que jillustrais.

Et cest pour cela que je nerrerai pas plus longtemps suivre Vienne dans le groupe de Freud, les gens qui dchiffrent lenvers les signes tracs par Wedekind en sa dramaturgie. Sauf peut-tre les reprendre de ce que la reine pourrait bien ntre sans tte qu ce que le roi lui ait drob la paire normale, de ttes, qui lui reviendrait.

Nest-ce pas les lui restituer (de supposer face cache) que sert ici lHomme dit masqu. Celui-l, qui fait la fin du drame, et pas seulement du rle que Wedekind lui rserve, de sauver Melchior des prises de Moritz, mais de ce que Wedekind le ddie sa fiction, tenue pour nom propre.

(10)Jy lis pour moi ce que jai refus expressment ceux qui ne sautorisent que de parler dentre les morts: soit de leur dire que parmi les Noms-du-Pre, il y a celui de lHomme masqu.

Mais le Pre en a tant et tant quil ny en a pas Un qui lui convienne, sinon le Nom de Nom de Nom. Pas de Nom qui soit son Nom-Propre, sinon le Nom comme ex-sistence.

Soit le semblant par excellence. Et lHomme masqu dit a pas mal.

Car comment savoir ce quil est sil est masqu, et ne porte-t-il pas masque de femme, ici lacteur?

Le masque seul ex-sisterait la place de vide o je metsLafemme. En quoi je ne dis pas quil ny ait pas de femmes.

Lafemme comme version du Pre, ne se figurerait que de Pre-version.

Comment savoir si, comme le formule Robert Graves, le Pre lui-mme, notre pre ternel tous, nest que Nom entre autres de la Desse blanche, celle son dire qui se perd dans la nuit des temps, en tre la Diffrente, lAutre jamais dans sa jouissance, telles ces formes de linfini dont nous ne commenons lnumration qu savoir que cest elle qui nous suspendra, nous.

Jacques Lacan

le 1erseptembre 1974.