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1 La métaphore théâtrale au sein du point de vente : mettre en scène l’histoire racontée pour créer du lien avec la cible visée. Emilie Hoëllard Doctorante Normandie Univ, France UNICAEN, NIMEC, F-14032 Caen, France EA 969, F-14032 Caen, France [email protected] Joël Brée Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, IAE, NIMEC (EA 969) et à l’Ecole de Management de Normandie Normandie Univ, France UNICAEN, NIMEC, F-14032 Caen, France EA 969, F-14032 Caen, France [email protected] Ecole de Management de Normandie 9 rue Claude Bloch 14052 Caen Cedex 4

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La métaphore théâtrale au sein du point de vente : mettre en scène

l’histoire racontée pour créer du lien avec la cible visée.

Emilie Hoëllard

Doctorante

Normandie Univ, France

UNICAEN, NIMEC, F-14032 Caen, France

EA 969, F-14032 Caen, France

[email protected]

Joël Brée

Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie, IAE, NIMEC (EA 969) et à l’Ecole de

Management de Normandie

Normandie Univ, France

UNICAEN, NIMEC, F-14032 Caen, France

EA 969, F-14032 Caen, France

[email protected]

Ecole de Management de Normandie

9 rue Claude Bloch

14052 Caen Cedex 4

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La métaphore théâtrale au sein du point de vente: mettre en scène l’histoire racon-

tée pour créer du lien avec la cible visée

Résumé en français

Un magasin peut être vu comme une scène où des acteurs (vendeurs, clients) évoluent dans un

décor de théâtre. Alors que l’on acquiert d’abord aujourd’hui des symboles avec l’achat de

produits, il faut les intégrer dans une histoire où la clientèle visée se reconnaisse et utiliser

l’espace de vente pour mettre en scène cette histoire. A partir d’une analyse de la littérature

théâtrale et d’immersions dans l’univers du théâtre et dans les magasins, cette recherche

propose – avec l’exemple des magasins de vêtements – une grille de lecture pour transposer à

la distribution les outils traditionnels utilisés au théâtre lors d’une mise en scène.

Mots-clés : Magasin, mise en scène, théâtre, histoire racontée, marketing expérientiel

The store and the theater metaphor: to stage the told story in order to create links with

the aimed target

Abstract:

A store can be seen as a stage where actors (sellers, customers) act within a theater set. At a

time when we first acquire symbols through the purchase of products, it is important to inte-

grate these products into a story in which the target audience can easily recognize itself and to

use the selling space in order to stage this story. Relying on a theatrical literature and on im-

mersions both in the theatrical world and in stores, this research proposes - with the example

of clothing stores - a reading grid to transpose to distribution the traditional tools used to de-

sign a theater staging.

Key-words: Store, staging, theater, storytelling, experiential marketing.

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La métaphore théâtrale au service de l’histoire racontée :

créer du lien avec la cible visée.

Introduction

2009, Leroy Merlin s’offre un nouveau concept ; Juillet 2010, Mondial Tissus change de

look ; depuis 2011 Eurodif transforme l’ensemble de son parc magasins ; en 2013, Pimkie

redéfinira à nouveau son agencement. Ces transformations reflètent l’âpreté de la concurrence

et les enjeux actuels des enseignes, qui veulent faire vivre aux clients des sensations en

rupture avec un quotidien souvent « désenchanté » (Ritzer, 1999). En effet, si l’emplacement

du magasin et l’offre de produits restent essentiels au succès, l’appropriation des espaces

commerciaux par les clients (Bonnin, 2002 ; Ladwein, 2003 ; Michaud-Trévinal, 2011), le lien

qu’ils établissent avec le lieu (Gottdiener, 1998 ; Wallendorf et al., 1998 ; Hetzel, 2000), ou la

congruence entre personnalités du magasin et de l’individu (Martineau, 1958 ; d’Astous et al.,

2002 ; Ferrandi et al., 2003, Ambroise, 2005) deviennent de plus en plus créateurs de valeur.

Pour Filser (2002), cet « habillage expérientiel » repose sur trois supports : un décor, une

intrigue et des actions ; il parle de « théâtralisation » et ajoute que « le magasin est un décor

dans lequel un scénario va être proposé ; c’est le chaland qui sera le principal acteur aux

côtés des produits proposés ». Bouchet et El Aouni (2004), évoquent également « l’existence

et l’importance de la théâtralisation dans les magasins et dans la stratégie de leur

responsable ». On retrouve la métaphore théâtrale chez de nombreux auteurs (Arnould, Price

et Tierney, 1998 ; Kozinets et Sherry, 2002 ; Davies et Ward, 2002 ; Hetzel, 2002). Le Jean

Savreux (2009 ; p.206), abordant le réenchantement du magasin, parle de la « nécessité de

voir la mise en scène comme un outil de communication au service de l’enseigne et non

comme une fin en soi ».

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Cet article vise à éclairer la question suivante : comment transposer au point de vente, à partir

des outils théâtraux, la mise en scène de l’histoire racontée pour faciliter son appropriation par

le client. Nous sommes partis de la littérature théâtrale, complétée par une immersion dans le

monde théâtral (collaboration à une mise en scène avec le conservatoire de Rouen) et par une

participation à la création d’un nouveau concept de magasin, Etam Prêt à porter à Caen.

Outre ces investigations, d’autres interactions ont enrichi notre réflexion : avec l’agence

Saguez & Partners, avec la responsable marketing de Pimkie Europe, et auprès d’une

architecte d’intérieur spécialisée dans la rénovation de points de vente indépendants1.

Nous analyserons ainsi d’abord la mise en scène au théâtre avec un focus sur les définitions et

sur le rôle de la Fable, nous évoquerons ensuite les étapes de la mise en scène, et nous

conclurons par deux exemples de lecture « théâtrale » du point de vente.

1. La mise en scène au théâtre

1.1. Quelques définitions « théâtrales »

Le théâtre vient du substantif grec théa (« objet de contemplation » ; « lieu où l’on regarde » ;

« place de spectacle »). Mettre en scène, c’est d’abord mettre quelque chose sur scène. Au

théâtre, elle « se retire pour rendre visible et audible ce qui a lieu sur elle. Elle n’est « là »

que pour se faire oublier » (Kirkkopelto, 2008). La skènè est à l’origine une « tente », un abri

et une couverture aisément montable et démontable. Aujourd’hui, elle marque l’espace repré-

sentatif, le lieu des acteurs, et crée du sens (Pavis 2007a, 2007b ; Kirkkopelto, 2008). De

même, un magasin est « monté et démonté » pour maintenir son attractivité auprès des

clients ; il est un lieu où jouent des acteurs (acheteurs et vendeurs) et représente une enseigne.

La signification actuelle de la mise en scène date de 1820 quand Jules Janin employa cette ex-

pression pour traduire l’adaptation théâtrale d’ « Hernani » (Degaine, 1992). Si la scène est un

1 Vu les contraintes de format de la communication, nous avons choisi de nous focaliser ici sur la métaphore théâtrale et de

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espace à remplir, la mise en scène devient le spectacle ou la représentation (par opposition au

texte auquel elle donne du sens) : « S’il n’y a pas de scène sans jeu, tout sur scène est (en) jeu

–les comédiens, le décor, les objets, la lumière, le son… » (Kirkkopelto, 2008).

Théâtres et points de vente partagent2 une volonté d’exposition, de présentation imagée. Un

magasin présente une histoire en lien avec la marque et crée du sens pour échanger avec ses

clients. Ainsi, Un Jour Ailleurs les fait voyager dans un conte mêlant royauté, luxe et liberté

(architecture gréco-romaine avec des couleurs luxueuses (or), un ciel bleu pour la liberté –

voire le paradis…) ; Etam Prêt à porter raconte une vie familiale de tous les jours pour que la

cliente se sente chez elle (matières et couleurs chaudes, sol et meubles en bois, lumières tami-

sées… mettant même, pour les fêtes, un sapin fait d’écharpes dans la vitrine!). Nous sommes

dans un espace représentatif avec un décor (lumières, son, architecture, P.L.V., mannequins,

objets mis en avant…) animé par des acteurs : les vendeurs – rangent, dialoguent avec les

clients, encaissent… – et les acheteurs – flânent, touchent, observent, essayent, achètent…

1.2. L’importance de la Fable et de l’imaginaire

Pour Aristote (2002), la Fable est un élément de la tragédie (avec le chant, les caractères, la

pensée, l’élocution, et le spectacle) ; élément narratif de l’œuvre, elle est un enchaînement de

faits et d’actions. Point de départ de la mise en scène, elle est l’objet auquel les acteurs se réfè-

rent constamment pour structurer leur jeu. Et, si elle est centrale pour la création d’une pièce,

elle est aussi au cœur de l’expérience du magasin, comme en témoigne cet extrait d’entretien

avec G. Gozé (Agence Saguez & Partners) : « Style de mode c’est Zara. Je raconte quelle

mode je fais. Style de vie c’est Tommy Hilfiger, c’est Lacoste, je raconte mon style René La-

coste et je le traduis dans des codes réels mais contemporain ! C’est blanc, c’est machin…

ne pas développer les fondements du lien magasin/clients, bien analysés dans les références évoquées ci-avant. 2 Balzac (dans « Le Cousin Pons ») ou Zola (dans « Nana ») parlent d’ailleurs du magasin quand ils évoquent le local où sont

entreposés les costumes et les décors au théâtre.

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mais il y a la passion de l’excellence, on est dans des codes très fins […] je vais plus loin que

juste mes produits, je raconte un peu le côté bourge qui va en vacances en la Baule, c’est ça

Lacoste hein ! Et je joue sur la figure de René Lacoste qui était un trublion dans le sport, qui

avait foutu en premier un crocodile sur sa ; voilà donc j’ai aussi une certaine audace».

Chez Etam Prêt à porter, le groupe veut plonger la cliente dans une fable, un style de vie qui

lui ressemble : elle doit se sentir chez elle, avec des armoires entrouvertes, un sol chaleureux

en bois, des lumières tamisées… Tout en préservant les « racines » et la continuité du vécu des

clientes (photos des premiers magasins). Chez Adidas Original, on propose une fable alliant

codes de la rue, sport et mythe de la marque : autocollants du tennisman Stan Smith, valorisa-

tion de la réussite, mise en avant des produits emblématiques… (Hoëllard, 2011)3.

Les histoires et les légendes unissent les individus, les inspirent et les transforment durable-

ment ; c’est le vecteur naturel par lequel ils donnent un sens au monde (Sadowsky et Roche,

2010 ; Assadi, 2009). En sciences de gestion, raconter une histoire (storytelling) devient ins-

trument de pilotage (Chanal, 2005 ; Kahane, 2005) car cela crée de la complicité avec les pu-

blics visés et favorise l’adhésion au projet (Assadi, 2009, p.14) ; pour les séduire dans un mar-

ché toujours plus saturé, on doit produire des histoires, plus de simples marques (Cueille et

Recasens, 2010 ; Godin, 2006). Grâce à la communication, le « storytelling » transforme

l’entreprise en héros, en mythe, pour les parties prenantes – dont les consommateurs (Salmon,

2007). Une marque/enseigne-légende transmet valeurs, concepts et objets qui transcendent la

vie des clients (Assadi, 2009 ; Vincent, 2002)… si l’histoire est en phase avec leur monde

(Godin, 2006) ; la mise en scène est donc essentielle pour les aider à comprendre la fable, se

l’approprier et s’y immerger. Comme au théâtre, la représentation est au service du récit.

Mais le vécu de l’histoire racontée est lié à l’imagination du spectateur, le « comme si c’était

vrai » (Claudel, 1951) ; grâce aux acteurs, il accepte les symboles et assure le succès de la

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mise en scène : une chaise est un arbre, puis devient une moto… En magasin, cette fonction

imaginaire est plus ardue car le scénario des vendeurs tend vers la vente en elle-même ; se

projeter dans un monde fantasmé repose sur le seul décor. Même si certaines enseignes tra-

vaillent ces expériences : Abercrombie & Fitch crée un univers d’exhibitionnisme et de ven-

deurs accessibles dont la mission principale est de séduire le client (Badot et Lemoine, 2008) ;

Build a Bear Workshop simule une maternité en donnant la vie à un ours en peluche avec un

personnel qui parle d’abord de la naissance (Badot et Lemoine, 2009) ; on retrouve des théâ-

tralisations originelles, où décor et mise en scène deviennent vecteurs de tangibilité.

2. Les étapes de la mise en scène

Plusieurs volumes sur : « l’architecture théâtrale, la peinture décorative, la science de la

perspective, la mécanique particulière des machines, les applications de l’électricité, […] la

plantation des décors, […] l’examen des magasins d’accessoires, les sciences de l’optique et

de l’acoustique, et enfin l’art sans limites précises du comédien… » seraient nécessaires pour

analyser une mise en scène (Becq De Fouquières, 1998). Ces livres n’existent pas ; mais nous

allons reprendre les principaux éléments de sa nomenclature.

2.1 Débuter par l’œuvre

La mise en scène survient quand le poète a terminé l’œuvre et que l’on souhaite la transmettre

au public (Becq de Fouquières, 1998). L’idée sous-jacente est de raconter quelque chose au-

delà de ce qui est écrit : on part d’images, de représentations subjectives des objets dont nos

souvenirs conservent l’impression et on crée un spectacle, on donne un sens à la pièce, en

jouant avec les éléments scénographiques, techniques et le jeu des comédiens.

Le parallèle avec le point de vente est intuitif ; ainsi chez Etam Prêt à porter – entièrement

« relooké », l’histoire vécue avec la cliente depuis l’origine a été le fil rouge de la fable en

3 Dans sa thèse, Welté (2010) a analysé en profondeur les narrations produites par les magasins spécialisés dans le sport

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magasin ; comme l’explique le Directeur Commercial : « C’est une marque qui a accompagné

l’évolution de la femme depuis un certain nombre d’années. Dans les focus group, les femmes

vous disent : ma première lingerie je l’ai achetée chez Etam puis celle de ma fille aussi et puis

mon premier imper… Il y a un lien affectif avec la cliente. ». Tout repose sur les attentes des

clientes par rapport à la marque et à la vie en général (désir de cocooning, chaleur,

féminité…) : les propos issus des études créent le texte à partir duquel le marketing fixe les

règles de mise en scène, l’ « œuvre dramatique » ; le siège transforme alors les informations

en une histoire qui soit transmissible en magasin.

Le metteur en scène travaille sur la représentation voulue (suivre le texte à la lettre ou se

« détacher » de l’œuvre) entre réalisme et symbolisme, voire irréalisme ; tout en choisissant

un(des) style(s) (drame, comique, tragique…). Plus qu’un texte, le théâtre est un ensemble

« d’actes et de signes qui influencent définitivement le regard du spectateur » (Coutant, 2004,

p.3). Yvan Blavier, responsable du merchandising et des vitrines chez Etam, puise ses idées

dans les décorations intérieures « à la mode » − type IKEA, chez les marques prestigieuses

comme Dior ou Lanvin et dans les tendances de la saison (les défilés de couture le stimulent

beaucoup, notamment pour les couleurs). L’inspiration étant initiée, il faut s’adapter aux

contraintes de la scène.

2.2 Adapter la mise en scène à l’architecture de la salle et aux « règles scéniques »

Dans les salles « à l’italienne » (les plus fréquentes), des pièces en ellipse permettant un

maximum de spectateurs dans un minimum de place, tout s’articule autour du point central,

l’endroit le plus visible et le plus audible pour les spectateurs, qui était autrefois la place du

roi ; Becq de Foucquières (1998) parle de centre optique. En traçant deux axes qui se croisent

en ce point, on délimite le seuil au-delà duquel un problème de visibilité se pose pour les

spectateurs (Annexe 1.). Dans un magasin, en particulier pour les vitrines, les contraintes sont

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similaires (Dosquet et Pouet, 2007) : présenter un produit en respectant le « triangle » rend la

mise en avant plus efficace ; au-delà des axes du triangle, ils deviennent moins visibles.

Une idée intéressante, absente de la littérature, est de présenter les mannequins de profil,

comme les acteurs ; au théâtre, se présenter de face reflète en effet l’autorité, donc une

domination de l’acteur sur le spectateur (source : M. Attias) ; cette idée vaut aussi dans le jeu

des acteurs en magasin, c’est-à-dire dans les postures des vendeurs ; nous pouvons supposer

que les clients se sentiront plus à l’aise si les vendeurs ne se présentent pas directement face à

eux (image d’autorité, d’insistance, de commercial). Ensuite, la scène se lit toujours dans le

sens de l’écriture : de gauche à droite ; on dit aussi de Jardin à Cour4 ; la Cour symbolisant le

désordre, et le jardin, l’ordre ; l’affichage en magasin ou en vitrine se fait dans le même sens,

même s’il faut tenir compte d’une limite au niveau de la visibilité juste devant les spectateurs

(niveau le plus « bas ») ; à la base, les théâtres à l’italienne étaient pentus comme un pont de

bateaux ; d’où l’utilisation des mots « remontez », « allez vers le lointain » ou « descendez ».

2.3 Les outils de la mise en scène

De nombreux éléments participent à la mise en scène théâtrale. Nous allons reprendre les

principaux d’entre eux.

L’informatique tout d’abord, grâce aux modélisations 3D ; en particulier pour les décors

compliqués. Elle donne une visibilité globale (ce que voit chaque spectateur) et rend possible

le réglage anticipé des lumières avant de planter le décor. Les logiciels permettent de travailler

sur les ombres, souvent problématiques lors de la mise en scène. Dans certains cas, lorsqu’il y

a un scénographe, il est également possible de créer une maquette.

La machinerie, ensuite, apporte le côté mécanique de la scène : les toiles peintes, les trappes,

les murs qui bougent… Les termes originels viennent des grandes découvertes, des bateaux

(trappes, voiles…) mais les technologies de l’information et de la communication sont de plus

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en plus présentes : hologrammes, vidéos… bien que pour certains metteurs de scène, on

appauvrit la pensée au profit de la performance technique.

La lumière (axe, focale, couleur, intensité, emplacement, type de projecteur…) est aussi un

outil central de mise en scène. Elle éclaire les acteurs, accentue les expressions du visage et

fait ressortir des couleurs (un éclairage de face « écrase » le visage) ; à l’aide d’un nuancier, on

choisit des couleurs de gélatines : couleur lavande, elle donne une peau rose et, si elle est

poudrée, cela donne un vrai grain de peau. Elle invente des ambiances : dans « Hiroshima

mon amour », pièce à laquelle nous avons participé, la scène était scindée en deux : d’un côté,

une lumière forte et chaude (jaune, orange – « côté brulant ») symbolisant la bombe tombée

sur les amoureux ; de l’autre, une zone d’ombre (voix intérieures, mort d’un amour perdu…)

marque un contraste ; cet exemple illustre le rôle des lumières (contrastes, transparence,

miroir) dans le schéma narratif : créer du relief, de l’espace, une atmosphère... L’éclairage a

aussi été étudié en marketing et explique par exemple comment « aérer l’espace » en

privilégiant des couleurs claires pour atténuer l’impression d’affluence (Roullet, 2009).

La musique donne du rythme à la pièce, elle accentue le ressenti des spectateurs. Pour Becq

De Fouquières (1998), elle provoque des états de tristesse, d’attendrissement, d’enthousiasme,

de joie, …. « Elle [la musique] s’associe à l’action, y contribue par l’émotion qu’elle

développe dans le héros du drame et transporte en nous l’émotion à laquelle il est en proie et

que sa voix serait lente ou impuissante à exprimer ». Cet outil est largement utilisé dans les

magasins et de nombreux travaux, similaires à ceux du théâtre, ont montré son importance5.

Les objets du décor éveillent l’attention ; dans la vie, les objets n’ont qu’une importance

contingente mais, dans une œuvre dramatique, ils sont nécessairement liés à l’action et aident

le spectateur à établir un rapport particulier avec l’évolution du drame. Ils stimulent

4 Aux Tuileries, on disait aux acteurs de jouer à Cour car la fenêtre donnait vers la Cour et il en est de même pour le Jardin

5 Pour une synthèse exhaustive, voir : Gallopel-Morvan et Rieunier, 2009)

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l’imaginaire – la même chaise qui prend plusieurs signifiés successifs – et donnent du relief à

la scène. Dans la distribution, l’attention du client ne doit pas privilégier le décor au détriment

du produit principal : plus il y a d’objets réels, plus son attention se disperse. Il faut toutefois

distinguer les deux catégories d’espace ; dans une œuvre dramatique, on cherche à

comprendre le dénouement de l’intrigue en s’appuyant sur des objets-preuves alors que, dans

le magasin, on ne veut pas savoir pourquoi le magasin utilise tel objet pour mettre en scène le

produit ; dans un magasin de textile, l’« intrigue » du client est basée sur le fait de trouver un

vêtement ; s’il cherche un habit vert, on peut l’aider en créant un mural avec du feuillage vert

pour regrouper ces produits. On cherche une « aide visuelle » en magasin, on veut des indices

pour comprendre l’histoire au théâtre. L’attention forte du spectateur dans son fauteuil l’aide à

décrypter l’action qui se déroule sous ses yeux, alors que le client passe moins de temps en

magasin et est distrait par le mouvement autour de lui. Mais, même s’ils ne les analysent pas,

la présence d’objets crée du signifié et le décor agit implicitement sur les clients.

Enfin, une mise en scène n’existe pas sans le jeu des acteurs (Becq De Fouquières, 1998). Il

faut une parfaite harmonie générale qui conduit à accentuer certains rôles et à en atténuer

d’autres. Le parallèle existe avec les hôtesses de vente : certaines sont en contact direct avec

les clientes, là où d’autres jouent un rôle de conseil près des cabines, s’occupent des colis au

fond du magasin ou sont à la caisse. Les mouvements scéniques sont identifiés selon la place

d’un personnage par rapport aux autres et au décor, ce que l’on retrouve en magasin avec

l’éclatement entre caisse, surface et cabine. Avec la métaphore de Goffman (1973), il est

d’autant plus facile de comparer acteurs et vendeurs en magasin, que toute vie sociale peut

elle-même être comparée à une scène avec ses acteurs, son public et ses coulisses.

Le spectateur est lui-même un acteur. Il est aussi la cible principale de la mise en scène car le

metteur en scène stimule ses réactions par l’imagination, le questionnement (Jean Vilar sou-

haitait que le spectateur se pose la question « qu’est-ce que cela veut dire pour moi » (Boisson

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et al. 2010) l’esprit critique ou les émotions (rire, pleurs, étonnement etc.). Tout cela s’inscrit

dans une stratégie de co-construction d’expérience lors d’un « rêve éveillé collectif ». Dans

certaines mises en scène, le spectateur devient même l’équivalent d’un monteur cinématogra-

phique ou d’un interprète qui, « à partir des fragments épars proposés recréerait le sens et

l’unité que la mise en scène n’offre plus » (Boisson et al. 2010, p.206). Par conséquent, un

lien émotionnel, mémorable et créateur de sens est mis en avant avec la mise en scène, idée

reprise dans les théories du marketing expérientiel (Kwortnik et Ross, 2007).

Nous avons conduit des entretiens semi-directifs auprès de 30 personnes sur la mise en scène

de plusieurs enseignes de textile (les entretiens sont en cours d’analyse). Les premières infor-

mations obtenues, font émerger des verbatim illustrant le fait que la mise en scène, au travers

de l’histoire racontée, peut devenir un facteur de lien entre le point de vente et le public visé.

L’annexe 2 présente ainsi deux extraits significatifs : l’un concerne un point de vente destiné

aux jeunes adultes, Etam Prêt à Porter (plutôt moyen de gamme, une des enseignes leaders

sur la mode des jeunes femmes) et l’autre vise les femmes de 50 ans et plus, Un Jour Ailleurs

(moyen/haut de gamme).

Conclusion

Cette étape préliminaire de notre recherche a mis en exergue la pertinence de la mise en scène

comme grille de lecture de l’histoire racontée aux clients par un point de vente. Nous avons

pu, d’abord, mettre en perspective les définitions de la mise en scène par rapport aux notions

d’exposition, de présentation manipulée et, dans la représentation de l’histoire, à l’aide du dé-

cor (lumières, architecture…) ou encore du jeu des acteurs. Nous avons souligné l’importance

de la Fable racontée dans les points de vente, en insistant sur le concept de « Storytelling ».

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Puis l’imaginaire, élément central au théâtre, a été évoqué en montrant que la mise en scène

permet de lui apporter un caractère tangible aux yeux des spectateurs/clients. Les étapes de la

mise en scène ont été présentées : les débuts d’interprétation de l’œuvre, l’adaptation à

l’architecture de la salle et aux règles scéniques et les outils de la mise en scène (informatique,

machinerie, lumière, musique, objets du décor et jeu des acteurs). A partir de ces éléments et

de l’étude des mises en scène de 15 metteurs scène, nous pouvons présenter une grille de lec-

ture théâtrale que nous avons appliquée à deux enseignes. Nous avons choisi de reprendre les

deux enseignes énoncées plus haut, Un Jour Ailleurs et Etam, afin de faire le parallèle entre

cette mise en scène de l’histoire racontée et l’appropriation ou le rejet des jeunes clientes qui

ressort des verbatim rapportés dans l’annexe 2. La « création du projet » reflète les objectifs

voulus au plan représentatif, que ce soit au niveau de l’histoire racontée (la Fable) ou de

l’esprit général (réaliste, surréaliste…) et du style de la pièce (comique, romantique…). Les

outils du plateau expriment l’élaboration concrète d’une pièce au travers de la « mise en

jeu »6 : de l’espace, des objets, du décor, des images, du son, des couleurs, de la machinerie,

de l’informatique, de l’acteur et de l’ « art » (au sens général du terme : danse, chant, sculp-

ture, peinture, architecture etc.). Enfin, le « client-spectateur » est mis en avant au travers de

trois éléments essentiels au théâtre: l’imaginaire, le questionnement et les émotions voulues.

Métaphore

théâtrale : grille

de lecture

ETAM : UN JOUR AILLEURS :

Création du projet

Effet représentatif

voulu

- Fable

Raconte un style de vie : celui de

ses clientes mélangé avec

l’histoire de la marque :

Raconte un style de vie : les

voyages, l’évasion, le luxe : mythe

autour de l’ « Ailleurs », le rêve, le

6 « De même qu’il n’y a pas de scène sans jeu, tout sur scène est (en) jeu – non seulement les comédiens, mais aussi le décor,

les objets, la lumière, le son… » (Kirkkopelto, 2008).

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- En général :

Réalisme, natu-

ralisme, symbo-

lique, surréa-

lisme, illusion,

irréalisme …

Expression du vécu historique de

la cliente avec la marque (an-

ciennes photos de femmes portant

des vêtements Etam, photo du

premier Etam…)

Réalisme

paradis. Histoire gréco-romaine.

Mais aussi un style de mode : vê-

tements classiques (et de qualité)

remis au goût du jour.

Travaille sur l’illusion, symbolisme

(faux temple, faux plafond ouvert

vers le ciel bleu)

Style de théâtre :

Théâtre intellec-

tuel, Tragique,

Drame, Co-

mique, …

Romantique Romantique

Les outils du plateau

Outils Détails par rapport aux enseignes

Organisation de

l’espace, scéno-

graphie

(Adaptation à la

salle/ aux règles

scéniques)

« théâtralisation du central » :

animation dans les points centraux

du magasin (mannequins).

« point central » théâtral : mur

(appelé « la vague ») au cœur du

magasin avec les « produits

phares » du moment.

« magasin vitrine », vitrines ou-

vertes sur le magasin.

Portants « serrés », en particulier

les jours de fortes affluences

Point central important : piliers au

centre entouré de mannequins et de

produits de face (facing)

Loi du triangle respectée en vitrines

pour la présentation des vêtements

(supports de différentes tailles pour

une présentation des bustes en co-

hérence avec l’idée du triangle)

Portants espacés facilitant aisément

le passage

Objets/

accessoires

Objets de décoration intérieure :

armoires en bois, tables de présen-

tation blanches en bois (design

actuel, mais chaleureux), tabou-

rets avec ambiance « boudoir »,

cadres pour « photos familiales »

(relation marque/ cliente), lustres,

Objets faisant référence au luxe :

mobilier et cintres imitation or, ta-

blette en verre, tabouret confortable

avec les pieds dorés…

Page 15: l’histoire racontée pour créer du lien avec la cible ... · 3 La métaphore théâtrale au service de l’histoire racontée: créer du lien avec la cible visée. Introduction

15

buste à fleurs.

Décor

Décor orné de papier peint feuil-

lage vert, bois, cintres en bois,

thématisation des vêtements en

fonction des moments de vie de la

cliente (décontracté, tous les jours,

au travail, grandes occasions…) et

des couleurs.

Décor spectaculaire gréco-romain

(voutes en berceaux, piliers…)

Image/

photographies

Beaucoup de photos (dont un pos-

ter géant de l’égérie derrière la

caisse), de cadres, de PLV et

d’ILV.

Posters importants en vitrine avec

des lieux représentants

l’ « ailleurs » (Angleterre, Italie,

Paris, Rome etc. en fonction du

thème de la saison), ILV.

Son/musique

Musique actuelle, volume moyen.

le samedi, magasin bruyant et

nombre de personnes élevé.

Musique au volume très faible,

voire inexistant.

magasin particulièrement calme car

peu de fréquentation.

Couleurs/

Eclairage

- Jeu de Cou-

leurs

- Eclairage

- Lumières

Lumières chaudes, tamisées.

Utilisation de petits lustres design

utilisant des ampoules (code rap-

pelant l’atelier).

Eclairage important des facings,

portants centraux et vitrines.

Couleurs : vert, bois, taupe (cosy,

chaleureux).

Lumières : simulent la lumière du

jour, soleil sans être agressif.

Jeu de couleurs : blanc, bleu et or

(ciel, pureté, luxe).

Informatique

Machinerie

Accessoires

« techniques »

Informatique : plans du magasin

adaptés selon la place.

« Machinerie » : Papiers peints

posés sur des murs amovibles, qui

eux sont adaptés à différentes po-

sitions de tablettes. Le mural est

également adapté aux « crochets »

« Machinerie » : beaucoup de pho-

tographies liées aux thèmes du ma-

gasin, PLV en fonction de l’offre

du moment, mural en peinture

blanche et également adaptable aux

différentes positions des tablettes et

autres outils de type crochets de

Page 16: l’histoire racontée pour créer du lien avec la cible ... · 3 La métaphore théâtrale au service de l’histoire racontée: créer du lien avec la cible visée. Introduction

16

permettant de placer des acces-

soires. Posters géants, tableaux,

velours épais pour les rideaux des

cabines, vitrines avec une petite

partie comprenant un mural sur

lequel on peut adapter différentes

mises en scènes ; nombreux por-

tants, bustes, mannequins avec des

positions en mouvement…

présentation ; nombreux portants,

bustes, mannequins…

Acteur

- Langage

- Costumes

- Gestuel

- Rôle dans

l’organisation

générale de la

pièce

Langage : discussion autour de la

mode, langage courant.

Costume : vêtements de la marque

Gestuel : Naturel, orienté vers

l’argumentaire de vente et donc

vers le vêtement et la cliente. Hô-

tesses de vente « jeunes », accueil

chaleureux, sourire, reconnais-

sance des clientes fidèles. Moins

de présence que chez Un Jour Ail-

leurs (beaucoup plus de monde en

magasin).

Rôle dans l’organisation : prati-

quement chaque jour, mise en

place de nouveaux vêtements en

magasin, merchandising, range-

ment du magasin pour améliorer

la visibilité et la qualité des pré-

sentations, vente, conseils.

Langage : langage courant voire

soutenu. Reconnaissance des

clientes : discussion autour de la

famille et des petits enfants

Costume : Vêtement du magasin,

hôtesses de vente de plus de 40 ans

(miroir avec la cible) particulière-

ment apprêtées (maquillage et coif-

fure)

Gestuel : Hôtesses de vente très

présentes pour le client, à l’écoute.

Mais une certaine distanciation,

marque de respect lors de la com-

munication et des essais de vête-

ments.

Rôle dans l’organisation :

Même rôle que chez Etam

Artistiques

- Danse

- Chant

- Peinture

Peinture (feuillage vert en maga-

sin et rouge en cabine)

Architecture

Architecture, sculpture importante

autour de la création de l’illusion

du temple gréco-romain (poutres,

piliers, voutes etc.)

Page 17: l’histoire racontée pour créer du lien avec la cible ... · 3 La métaphore théâtrale au service de l’histoire racontée: créer du lien avec la cible visée. Introduction

17

- Architecture

- Sculpture, …

Le spectateur

But du metteur en

scène/ signification

ou encore interpré-

tation voulue du

public

La cliente doit se sentir dans une

atmosphère féminine et chaleu-

reuse, le but du concept est de re-

donner de l’émotion à la cliente

(propos du directeur commercial

du groupe Etam).

Catharsis importante : reprise du

lieu de vie des clientes et d’un ate-

lier (fenêtre sur les vitrines, stores

pistaches et papier peint accordé,

portants à roulettes en acier…).

Espace représentatif par le décor,

les acteurs et le produit.

Le chic, l’élégance dans un concept

architectural unique : « atmosphère

teintée de romantisme, tout invite

au rêve et à l'évasion. Loin des ru-

meurs du monde, le temps prends

son temps. Tout n'est que détente,

bien-être et bonheur de vivre »7.

Idée de représenter et de créer du

sens dans le magasin en relation au

titre « Ailleurs ». Exposition mani-

pulée et artificielle d’un faux

temple gréco-romain à l’aide d’un

décor et du jeu des acteurs.

Volontés en

termes :

- D’imagination

- De questionne-

ment

- D’émotions

Rire

Sérieux

Tristesse

Peur

Inquiétude

détente

Plaisir

Imaginaire : « chez soi », famille :

en vitrine, sapin de Noël formé

d’écharpes, mannequin (tête en

pelote de laine) …

Atelier de confection des vête-

ments.

Questionnement :

Contrairement au théâtre, la mise

en scène n’invite pas aux ques-

tionnements mais donne des ré-

ponses : exemple : où puis-je ob-

tenir le vêtement voulu ? Je sais

que chez Etam, la mode est fémi-

nine, le magasin est chaleureux :

Imaginaire : « un monument » his-

torique par son architecture. Ouvert

sur le ciel (peinture au plafond), la

liberté, le paradis. Pour les ven-

deuses, les clientes sont « les

reines » du « Palais »… La cliente a

la sensation de voyager en entrant

dans un magasin « unique »

Questionnement : pareil que chez

Etam, on a des réponses et non des

questions : je sais que chez Un Jour

Ailleurs, je vais passer un bon mo-

ment avec des vendeuses à l’écoute

et des vêtements chics, de qualité

7 Description du point de vente de Villiers, http://www.cc-villiers.com/131-14566-enseignes.php?id=56

Page 18: l’histoire racontée pour créer du lien avec la cible ... · 3 La métaphore théâtrale au service de l’histoire racontée: créer du lien avec la cible visée. Introduction

18

c’est ici que je souhaite venir. Ou

encore où se trouve les pantalons

noirs ? Grâce à la mise en scène,

je vois exactement où se situe les

pantalons noirs.

Emotions : je me sens bien, dans

une atmosphère chaleureuse et

détendue. J’aime venir chez Etam

dans une atmosphère (ou une mise

en scène) rassurante.

Emotions :

Sérieux

Détente

Plaisir

Figure 1 : Grille de lecture théâtrale appliquée à Etam et à Un Jour Ailleurs

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Annexe 1. : Plan de scène adapté du discours de M. ATTIAS (la scène est

organisée dans le sens de l’écriture (de Gauche à droite)

JARDIN

ORDRE

COUR

DESORDRE

Place du

roi

Aristocrates

PEUPLE

Limite de

la zone de

visibilité

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24

Annexe 2. Verbatim illustrant le facteur de lien (ou non) entre le point de vente et la

cible des jeunes adultes grâce à la mise en scène.

Extraits des entretiens semi-directifs

Les cas Etam prêt à porter et Un Jour Ailleurs par rapport aux jeunes adultes

Etam Un Jour Ailleurs

Edwige 24 ans et Morgane (1) 23 ans

*et toi Edwige raconte moi un peu ta visite

*Donc je vais essayer de ne pas dire trop la même chose.

Quand je suis rentrée, c'est vrai que le plancher on a vu ça

tout de suite, toutes les deux. Je trouve que c'est bien enfin,

ce n'est pas du carrelage, ça change l'ambiance un peu par-

quet tout ça j'ai trouvé ça sympa...J'ai vu tout de suite les

panneaux derrière les vêtements. Moi je trouve ça pas mal

parce que je trouve que ça donne une ambiance, en fait enfin

voilà ça change. Ça ne me gêne pas en fait. Il y a aussi l'en-

droit où il y a des pantalons, on a bien vu que c'était diffé-

rent enfin ça...Il y a un peu des changements de...Enfin je

sais pas je trouve qu'on voit bien la différence de style entre

chaque type vêtement, les couleurs tout ça. C'est rangé par

type de couleur je crois. Donc c'est pareil on a fait tout le

tour, on a vu aussi enfin moi j'ai vu les bijoux tout ça qui

étaient enveloppés tout autour de la caisse. Les accessoires,

style tout ce qui est écharpes, gants qui étaient à un autre

endroit. Enfin c'est assez bien mis en évidence voilà. Donc

c'est ce que j'ai vu heu sinon j'ai remarqué aussi, on a vu les

cabines qui étaient assez jolies, elles sont bien décorées et

enfin voilà. Moi je ne me rappelle pas trop ce qu'il y avait

avant mais je trouve que ce qu'il y a là c'est sympa.

*bien décoré tu veux dire comment?

*Eh bien ça fait classe quoi, ça fait... Je ne sais pas les pe-

tites lumières là dessus... Ça fait heu... Je sais pas je trouve

ça fait classe et moi j'aurais dit chaleureux pour l'ambiance

un petit peu tu vois heu enfin... Quand elle dit chaleureux,

cosy... Enfin c'est un peu...

*et tu t'es sentie comment dans le magasin

*à l'aise, ah moi à l'aise. C'est vrai qu'il y a peut être beau-

coup de présentoirs mais ça ne me gêne pas plus que ça.

Enfin c'est c’est à dire, sur le bord bon normal mais au mi-

lieu il y en a beaucoup aussi mais ça ne m'a pas trop gêné

quoi.

*(1 Morgane) Je ne sais pas si je peux reprendre derrière toi

*oui

*(1) c'est vrai que les cabines en elles-mêmes, c'est à dire

que la déco ça fait je cherche le mot mais je n'arrive pas à

trouver le mot mais ça fait un peu baroque, on est dans un

petit truc enfin c'est sympa.

Kathleen(2), 18 ans et Céline (1) 20 ans

Et pour toi Kathleen, la visite, elle s’est passée comment ?

*(2) Moi je suis comme Céline, moi franchement la déco ça

ne m’a pas plu. L’intérieur en fait ça fait classe, et en fait les

trucs ça fait casser et tout enfin moi je trouve que... enfin je

sais pas, ça fait heu…

*(1) Un vieil effet !

*(2) Ouai je trouve ça bizarre, ils auraient dû faire heu…

Encore s’ils auraient enchaîné les colonnes, ça aurait fait

heu… Bah les vêtements, on a l’impression que ça fait

classe comment ils sont présentés et tout … Mais en fait bah

la déco ça ne va pas avec. Ça fait heu…ça fait heu… Trash

enfin ça fait bizarre !

*(1) Ça détonne !

*(2) Ouai voilà ! Ça fait pas bien voilà.

*Qu’est ce que tu as ressenti par rapport à l’atmosphère

globale du magasin ?

*Bah moi je suis comme Céline, moi je trouve que le maga-

sin il est passé inaperçu quoi ! (rires) Les couleurs ! nan

mais c’est vrai !

*(1) Mais on ne voit jamais des gens rentrer dedans !

*(2) Bah oui enfin c’est inaperçu comme magasin heu c’est

tout blanc, c’est tout… Enfin c’est froid, c’est … Il n’y a pas

de couleurs qui donnent envie d’y aller et dire vasy on va…

Parce qu’on peut trouver des trucs pas mal si on fouille

bien ! Comme ça j’ai vu un petit gilet qui était mignon mais

c’est pour ça il y aurait plus de couleurs, ça attirerait l’œil et

il y aura beaucoup de gens qui iront mais là c’est tout blanc,

c’est tout pâle, c’est tout… On dirait une chambre d’hôpital

à moitié avec des vêtements dedans quoi !