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LES AVIS DU CESE CESE 01 JANVIER 2019 L’innovation en agriculture Betty Hervé et Anne-Claire Vial

L’innovation en agriculture - Le CESE...3 E AVIS 4 Relevé des préconisations 5 Introduction 6 A - Les finalités de l’innovation pour relever les défis de l’agriculture et

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LES AVIS DU CESE

CESE 01 JANVIER 2019

L’innovation en agricultureBetty Hervé et Anne-Claire Vial

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2019-01

NOR : CESL1100001X

mardi 8 janvier 2019

JOURNAL OFFICIEL

DE LA REPUBLIQUE FRANCAISE

Mandature 2015-2020 – Séance du mardi 8 janvier 2019

L'INNOVATION EN AGRICULTURE

Avis du Conseil économique, social et environnemental

présenté par

Betty Hervé et Anne-Claire Vial, rapporteures

Au nom de la

Section de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation

Question dont le Conseil économique, social et environnemental a été saisi par décision de son bureau en

date du 12 décembre 2017 en application de l’article 3 de l’ordonnance no 58-1360 du 29 décembre 1958

modifiée portant loi organique relative au Conseil économique, social et environnemental. Le bureau a confié

à la section de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation la préparation d’un avis intitulé : L'innovation en

agriculture. La section présidée par M. Étienne Gangneron, a désigné Mmes Betty Hervé et Anne-Claire Vial

comme rapporteures.

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AVIS 4

Relevé des préconisations 5 Introduction 6

A - Les finalités de l’innovation pour relever les défis de l’agriculture et répondre aux 3 piliers du développement durable ..................................... 7

B - Les différentes dimensions de l’innovation, leurs atouts et leurs limites ................................................................................................................ 15

C - Les préconisations pour une bonne articulation entre recherche, innovation, agriculture et société ................................................................. 19 1. Innover en s’appuyant sur la recherche, pour aider l’agriculture à relever les

grands défis du développement durable 21 2. Favoriser l’émergence et la diffusion d’innovations individuelles et collectives de

toutes natures 34

DÉCLARATIONS/ SCRUTIN 47

ANNEXES 69

N°1 Composition de la Section de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation à la date du vote .................................................................................................... 70

N°2 Liste des personnes auditionnées ........................................................................ 72 N°3 Liste des personnes rencontrées.......................................................................... 74 N°4 Liste des ONVAR ................................................................................................... 75 N°5 Bibliographie ........................................................................................................... 76 N°6 Table des sigles ..................................................................................................... 78 N°7 Liste des travaux de la section de l’agriculture, de la pêche et de

l’alimentation .......................................................................................................... 80

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Avis Présenté au nom de la Section de l'Agriculture, de la Pêche et

de l'Alimentation

L’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public par

132 voix contre 3 et 41 abstentions

L'INNOVATION EN AGRICULTURE

Betty Hervé et Anne-Claire Vial, rapporteures

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Relevé des préconisations

Préconisation n°1 : « Relever les défis prioritaires grâce à l’innovation »

Préconisation n°2 : « Associer toutes les parties prenantes à la définition des finalités

de la recherche »

Préconisation n°3 : « Permettre à la société de se prononcer en connaissance de

cause sur l’acceptabilité des innovations issues de la recherche »

Préconisation n°4 : « Adapter les modalités et les contenus de la recherche aux défis

à relever »

Préconisation n°5 : « Conforter la recherche fondamentale et rendre plus efficiente

l’organisation de la recherche française »

Préconisation n°6 : « Renforcer les liens entre recherche, innovations et formation »

Préconisation n°7 : « Aider financièrement les démarches institutionnelles,

associatives et coopératives innovantes ainsi que leur accompagnement »

Préconisation n°8 : « Encourager l’innovation au sein des filières en veillant aux

conditions de son déploiement par les agriculteurs et les agricultrices »

Préconisation n°9 : «Favoriser l’innovation sociale grâce à l’implication des salariés

et salariées »

Préconisation n°10 : « Pérenniser, analyser et évaluer les stratégies nationales

d’innovation, identifier les démarches innovantes et valoriser les réussites »

Préconisation n°11 : « Evaluer et limiter les risques induits par les nouveaux outils »

Préconisation n°12 : « Assurer la sécurité des données agricoles »

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Avis

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Introduction

Depuis le milieu du siècle dernier, l’agriculture française a connu de profondes

évolutions qui en quelques décennies, ont fortement modifié les modèles

économiques et les paysages ruraux. Cette véritable mutation s’est opérée par des

innovations de natures différentes mais complémentaires : organisationnelles et

sociales (structuration de la profession agricole en syndicats, coopératives…),

juridiques (création des SAFER pour la gestion du foncier, remembrement,…),

territoriales (spécialisation régionale des productions et des filières) et bien entendu,

techniques (mécanisation, sélection génétique, utilisation croissante d’intrants de

synthèse…). Ces changements ont également été soutenus par des politiques

publiques nationales (lois d’orientation agricole du début des années 1960) et

européennes (Politique agricole commune) dont la mise en œuvre a été motivée par

la volonté des pouvoirs publics tant d’assurer l’autosuffisance alimentaire de notre

pays et de l’Europe que de rendre le prix de la nourriture accessible à toutes et tous,

dans une période marquée par le rationnement et la dépendance aux importations à

la sortie de la Seconde guerre mondiale. Cet objectif essentiel a été globalement

atteint. Ces évolutions ont cependant eu des conséquences importantes tout d’abord

en matière d’emplois, d’exode rural et de désertification des campagnes et à plus long

terme, sur les ressources naturelles (biodiversité, dégradation des milieux et de la

qualité des eaux, climat, surconsommation). La production de masse s’est

parallèlement traduite par une industrialisation de l’alimentation, son intégration

progressive à l’économie de marché, sa standardisation et souvent sa moindre

qualité nutritionnelle.

Aujourd’hui, l’agriculture française doit faire face à de nouveaux besoins des

consommateurs et consommatrices, et attentes des citoyens et citoyennes, ainsi

qu’au défi majeur du changement climatique, de la raréfaction des ressources

nécessaires à sa survie : écosystèmes en bonne santé, disponibilité de l’eau en

qualité et quantité, qualité des sols, problème d’artificialisation…

Le récent rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du

climat (GIEC) souligne l’urgence à agir. Le secteur agricole français est responsable

pour 20% des émissions de gaz à effet de serre de notre pays, liées principalement

à certaines méthodes d’élevage, à la fertilisation azotée, aux engrais, effluents

d’élevage et résidus de culture, ainsi qu’à la consommation d’énergie fossile et

d’engrais sur les exploitations. En revanche, l’agriculture est aussi source de solutions

pour le captage du carbone selon certaines pratiques culturales ainsi qu’une bonne

gestion de la forêt et pourrait non seulement contribuer à l’atténuation de ses propres

émissions de GES, mais atténuer celles d’autres activités d’ici à 2030 tout en trouvant

des moyens d’adaptation nécessaires aux effets du changement climatique sur les

productions alimentaires.

Confrontée à cette situation sans précédent, que l’innovation technique ne pourra

relever à elle seule, l’agriculture dispose de nombreux atouts dans ses territoires (des

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femmes et des hommes, des savoir-faire, des traditions, une diversité de terroirs…)

et des outils de recherche performants.

Après avoir présenté ces principaux défis, l’avis qui ne traite que de l’agriculture

et non de l’aval des filières, rappelle sans prétendre à l’exhaustivité, les différentes

formes d’innovations susceptibles d’apporter des réponses.

Dans une troisième partie, en s’appuyant sur des démarches et expériences qu’il

a identifiées, il formule des préconisations destinées à faire en sorte que les

innovations répondent au mieux à l’intérêt général, aux besoins des professionnels

et aux attentes sociétales. Il aborde ainsi tour à tour les problématiques relatives aux

finalités et aux modalités de la recherche, au soutien à apporter aux innovateurs et à

celles et ceux qui les accompagnent dans la diffusion et l’appropriation des

innovations.

Sur un tel sujet, vaste et complexe, il n’appartient pas au CESE de se prononcer

sur les choix scientifiques ou techniques à opérer, mais plutôt d’apporter l’éclairage

de la société civile sur les aspects sociaux, organisationnels, sociétaux ou encore

territoriaux des innovations à mettre en œuvre et à favoriser. Il convient de souligner

que l’avis aborde des thématiques ayant fait l’objet de propositions dans le cadre des

Etats Généraux de l’Alimentation (EGA) organisés fin 2017 et qui n’ont pas toutes été

reprises dans la loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales

dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et

accessible à tous.

A - Les finalités de l’innovation pour relever les défis

de l’agriculture et répondre aux 3 piliers du

développement durable

Lors de son audition Marc Giget, docteur en économie du développement, a

évoqué un récent sondage (Etude OpinionWay, 2016) qui montre que globalement,

la société réclame des innovations « qui améliorent vraiment la vie » puisque ses 3

principales attentes sont :

- me simplifier la vie (49%),

- préserver l’environnement (42%),

- être accessible au plus grand nombre (41%).

Cette dernière attente rejoint la citation d’Aristote : « Le progrès ne vaut que s’il

est partagé par tous ». En effet, Marc Giget a souligné que « l’échec commercial, par

exemple d’un nouveau produit, est avant tout un échec sociétal et humain (les gens

n’en veulent pas) c’est-à-dire l’échec de l’insertion de l’innovation dans le monde réel,

faute de le comprendre, de l’écouter, de l’associer dans la définition de l’innovation.

La société doit s’emparer de l’innovation pour que la découverte soit transformée en

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de nouvelles pratiques ». Ce n’est donc que dans ces conditions que des innovations

peuvent être considérées comme sources de progrès véritable, alors que certaines,

pourtant présentées comme telles, ne correspondent qu’à des démarches

commerciales.

Alors que lors de la période précédente, seconde moitié du 20ème siècle, les

objectifs fixés à l’agriculture étaient essentiellement quantitatifs et de nature

économique, sanitaire et alimentaire, les défis auxquels elle doit faire face sont

aujourd’hui devenus multidimensionnels. En effet, ils recouvrent désormais les trois

piliers du développement durable, considérés au sens le plus large en y intégrant

notamment des aspects territoriaux et climatiques ainsi que de nouvelles attentes

sociétales en particulier en matière de santé publique. Ces défis, repris ci-après, ont

déjà été identifiés et présentés de manière plus détaillée dans des avis récents du

CESE consacrés à « La transition agroécologique : défis et enjeux » de novembre

2016, puis « Quels leviers pour renforcer la compétitivité de l’agriculture et de

l’agroalimentaire français ? » de janvier 2018.

S’agissant tout d’abord du volet économique, dans un contexte marqué par la

dérégulation de certains marchés devenus mondiaux, l’objectif principal est d’assurer

la viabilité et la pérennité des exploitations et de garantir un niveau de rémunération

satisfaisant aux agriculteurs et agricultrices et aux salariés et salariées. Cela implique

que les produits agricoles soient payés à un juste prix c’est-à-dire un prix supérieur

aux coûts de production, tout en veillant à l’accessibilité de l’alimentation pour les

consommateurs et consommatrices aux revenus les plus modestes. Parallèlement, il

convient de chercher à maîtriser les coûts, grâce notamment à un moindre recours

aux intrants chimiques et en évitant de procéder à des investissements matériels

superflus et onéreux. Ceux-ci ont d’ailleurs pu par le passé être encouragés par

certains dispositifs fiscaux comme la déduction pour investissement (DPI) qui ne peut

plus être affectée aux biens amortissables (matériel, bâtiment, installation) depuis

2013. L’optimisation des facteurs de production ne doit cependant pas constituer une

fin en soi au regard notamment de l’amélioration de la qualité sanitaire, nutritionnelle

et gustative des produits. Il s’agit en effet d’accroître l’efficience en produisant mieux

et non pas systématiquement plus. La stagnation globale actuelle des rendements

même s’il existe de fortes variations interannuelles et selon les territoires, montre que

certaines limites ont peut-être été atteintes en la matière.

Globalement, au niveau macroéconomique, l’agriculture doit chercher à répondre

aux besoins nationaux pour limiter les importations tout en proposant à l’exportation,

des produits à valeur ajoutée afin d’améliorer notre balance commerciale. Cette

orientation a été déjà présentée de manière plus approfondie dans l’avis sur la

compétitivité qui a appelé à « rechercher la différenciation, la segmentation et le cas

échéant, la montée en gamme des produits destinés à l’exportation ». Le récent

rapport du GIEC conduit lui aussi à être vigilants et sélectifs s’agissant des

exportations et des importations de produits agricoles, à la fois pour ne pas soutenir

des modes de productions peu vertueux sur le plan du stockage de carbone et de la

consommation d’énergies fossiles, mais aussi pour limiter les transports sur de

longues distances. 45% de l’empreinte carbone de l’alimentation des ménages

français est générée par les importations (Ademe, 2014, « Alléger l’empreinte

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environnementale de la consommation des français en 2030 »). Les aspects sociaux

doivent également être pris en compte pour choisir les importations en favorisant les

modèles d’agriculture dans lesquels les agriculteurs et les agricultrices sont « en

responsabilité ». Globalement, il s’agit de veiller à ce que les produits importés

respectent des normes d’un niveau équivalent à celles appliquées en France afin de

ne pas contribuer à un déport de nos émissions de carbone et au maintien de

conditions de travail discutables d’autres pays, aux règles moins strictes.

Face à l’urgence environnementale mondiale, l’innovation en agriculture peut

devenir un atout en matière de compétitivité. La concurrence internationale entre des

produits agricoles européens soumis à des normes sanitaires et environnementales

nécessaires décidées collectivement, et d'autres qui n’ont pas ces normes, conduit à

une course permanente à la recherche de prix toujours plus bas et peut ainsi impacter

la capacité des agriculteurs et des agricultrices européens à innover. De plus, des

disparités existent entre les Etats membres, notamment dues à une insuffisante

harmonisation des règles à l'échelle de l'UE, ce qui crée des distorsions de

concurrences au sein du marché intérieur.

Ces différentes problématiques relèvent non seulement de choix nationaux mais

aussi européens. A cet égard, la résolution du CESE « Pour une Europe ambitieuse,

solidaire et respectée dans le monde » du 14 novembre 2018 appelle : « S’agissant

de la politique commerciale, l’UE [à] renforcer son action en faveur de l’intégration,

dans les accords de libre-échange en négociation, de clauses sociales et

environnementales opposables - notamment les conventions fondamentales de

l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’accord de Paris sur le climat -ainsi

que de clauses relatives à la responsabilité sociétale des entreprises (RSE). » Les

politiques publiques européennes devraient intégrer ces orientations pour permettre

aux pays déjà engagés dans l’innovation d'amplifier leurs efforts, et d’inciter les autres

à le faire s’ils veulent devenir ou rester compétitifs.

Le défi social recouvre trois aspects complémentaires qui concernent à la fois les

agriculteurs et agricultrices et les salariés et salariées : le maintien du nombre

d’emplois voire son accroissement, des revenus attractifs et l’amélioration des

conditions dans lesquels ceux-ci s’exercent.

Les effectifs du secteur agricole ont diminué dans de fortes proportions depuis un

demi-siècle. Ils ont été divisés par plus de 7 entre la fin des années 40 et aujourd’hui,

le nombre d’exploitations ayant connu une chute équivalente. Même si elle a ralenti

durant la dernière décennie, cette baisse se poursuit. En outre, la mécanisation mais

aussi d’autres facteurs ont pu entraîner une diminution des besoins en main-d’œuvre

salariée permanente et raccourci les périodes d’emploi des travailleurs saisonniers

auxquels les exploitations en particulier viticoles et arboricoles, sont amenées à faire

appel pour la taille, les vendanges ou encore la cueillette des fruits. Sur le sujet de la

précarité de l’emploi, notre assemblée a produit en 2014, l’avis « La saisonnalité

dans les filières agricoles, halieutiques et agroalimentaires : une réalité méconnue

aux enjeux pourtant importants » dans lequel l’accent est mis sur la construction au

niveau territorial, dans l’intérêt commun des salariés femmes et hommes et des

exploitations, des parcours annuels appelés boucles saisonnières, en s’appuyant sur

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les groupements d’employeurs. D’autres solutions innovantes pourraient sans doute

être imaginées dans le même objectif.

En revanche, il est indéniable que le progrès technique a contribué à alléger le

travail manuel, réduisant la pénibilité de travail à la fois grâce à des améliorations

ergonomiques, mais aussi grâce à des équipements matériels qui réalisent

dorénavant des tâches autrefois manuelles, en particulier pour les productions

végétales. Ces améliorations ne signifient pas automatiquement une diminution de la

pénibilité et de la charge de travail comme c’est le cas pour l’élevage où le progrès

technique a surtout permis une augmentation globale de la productivité. S’agissant

de ce dernier, de nombreuses innovations technologiques reposent sur la

transformation de très grandes quantités d’énergie primaire fossile en énergie

mécanique. Or, à l'heure de la raréfaction des ressources fossiles et du besoin de

réduire nos émissions de GES, la consommation d'énergie constitue l’un des enjeux

les plus fondamentaux auxquels l’agriculture va être confrontée dans les années à

venir.

Il demeure toutefois des sujets de préoccupation relatifs à la santé des travailleurs

agricoles. Ainsi, la prise de conscience quant aux maladies professionnelles

générées par l’utilisation et la manipulation de substances dangereuses notamment

des pesticides, ainsi qu’aux troubles musculosquelettiques (TMS), ont certes conduit

à l’adoption de mesures qui ont permis de réduire ce type de risques mais elles ne

les ont pas fait disparaître, d’autant que leurs effets sur la santé des travailleurs et

travailleuses ne se manifestent souvent qu’à moyen ou long terme et sont dès lors

très mal évalués par le système de surveillance sanitaire actuel.

Le défi environnemental a pris une ampleur sans cesse croissante au cours des

dernières décennies. En effet, les impacts négatifs sur les milieux naturels, les sols,

l’eau et la biodiversité, du processus d’intensification de l’agriculture engagé à partir

des années 1960 se sont progressivement avérés et ne sont désormais plus

contestés. Cette tendance qui se poursuit, constitue une menace pour l’agriculture

elle-même, que ce soit par exemple pour les micro-organismes des sols,

indispensables pour leur fertilité ou encore pour les insectes pollinisateurs dont bien

entendu les abeilles, qui représentent une valeur économique de plus de 150 milliards

d’euros selon une étude de l’INRA. Ce constat a conduit les acteurs du monde

agricole (professions agricoles, organisme de recherche…) à chercher à mettre en

œuvre des méthodes agronomiques conciliant maintien des niveaux de production et

respect de l’environnement, et même permettant de « réparer » les conséquences de

certaines pratiques antérieures. Dans ce cadre, de nouvelles formes d’agriculture

s’inspirant parfois en les adaptant, de pratiques agronomiques anciennes et

répondant à des préoccupations environnementales, ont vu le jour sous différentes

dénominations (agricultures raisonnée, de précision, de conservation,…). Seules

l’agroécologie et l’agriculture biologique proposent des démarches globales intégrant

toutes les dimensions nécessaires à un profond changement. Il s’agit de faire en sorte

que l’agriculture ne porte plus atteinte aux écosystèmes mais qu’elle contribue à les

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préserver et les restaurer en utilisant et en valorisant les interactions biologiques et

les services qu’ils peuvent lui rendre.

Plus récemment, le défi environnemental a été élargi aux problématiques relatives

au changement climatique face auquel l’agriculture est confrontée à un double

challenge : faire en sorte de ne pas l’aggraver, grâce par exemple à certaines

pratiques contribuant à stocker du carbone dans les sols (prairies permanentes,

agroforesterie, couverture des sols…), tout en s’y adaptant puisque les prévisions les

moins pessimistes incitent dès à présent à choisir des modes et des types de

productions (espèces, variétés…) en réponse aux évolutions constatées. De plus, les

agriculteurs et agricultrices doivent se préparer à subir des aléas climatiques

(périodes de sécheresse, canicules, violentes précipitations…) de plus en plus

marqués. Parallèlement, ils doivent s’attendre à l’arrivée de nouveaux bioagresseurs,

organismes vivants (agents pathogènes, insectes, parasites…) qui attaquent les

plantes cultivées, favorisée par le développement des transports internationaux liés

à la mondialisation des échanges dont les produits alimentaires représentent à eux

seuls, 80% selon l’OMC. Or, le récent rapport du GIEC, rendu public le 8 octobre

2018, établit différents constats très alarmants. Tout d’abord, il souligne les

conséquences graves qui résulteraient d’un réchauffement moyen de 1,5° Celsius,

sachant que celui qui est constaté depuis le début de la Révolution industrielle,

avoisine déjà 1°C. De plus, il montre qu’une élévation d’au moins 2°C aurait des

impacts réellement désastreux pour l’ensemble de la planète elle-même et des

milieux naturels, mais aussi directement pour les populations (santé, sécurité

alimentaire, approvisionnement en eau...). Ce réchauffement provoquerait des flux

migratoires massifs, des crises économiques sans précédent et donc probablement

des guerres. L’ampleur de ces phénomènes est d’ailleurs difficilement prévisible

compte tenu des effets cumulatifs entre eux. Second constat très préoccupant

formulé par le rapport : au regard de la trajectoire actuelle, les engagements pris par

les Etats dans le cadre de l’Accord de Paris à l’issue de la COP21, même s’ils sont

respectés ce qui semble loin d’être acquis, ne permettront pas de limiter le

réchauffement à 1,5°C. Des mesures contraignantes plus radicales en termes de

modes de production et sans doute de vie, s’avèrent donc indispensables.

Si l’agriculture est une activité émettrice de gaz à effet de serre, elle représente aussi

un des principaux leviers à actionner pour lutter contre le réchauffement climatique

en stockant le carbone dans les sols agricoles. Ainsi, dans la continuité du projet

agroécologique, l’initiative internationale "4 pour 1000" a été lancée par la France lors

de la COP 21 en 2015. Elle consiste à fédérer les acteurs publics et privés de la

ruralité dans le but d’augmenter le stock de carbone des sols de 0,4% pour stopper

l’augmentation de la quantité de CO2 dans l’atmosphère tout en assurant la sécurité

alimentaire. L’initiative préconise la mise en place de mesures politiques pour

améliorer les techniques de fertilisation, veiller à la couverture permanente des sols,

favoriser l’agroforesterie,… Les innovations en matière de pratiques et de technologie

ainsi que l’accroissement des recherches scientifiques notamment fondamentales,

peuvent également contribuer à diminuer les émissions agricoles de GES notamment

liées aux élevages (amélioration des pratiques d’alimentation, sélection animale,

gestion des effluents, circuits de distribution courts, …). Plus globalement, ce sont les

modèles d’élevage qui méritent d’être interrogés. Ces innovations sont encouragées

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par l'Union européenne qui s’est fixé dans le cadre de l’Accord de Paris, d'atteindre

une diminution des émissions de 30 % (par rapport à 2005) d’ici à 2030 des secteurs

du transport, de l’agriculture, de la construction et de la gestion des déchets.

Parallèlement, l’agriculture doit anticiper un autre type de problèmes : la

raréfaction de ressources naturelles et de biodiversité dont elle est très dépendante.

En effet, les modes de production actuels sont très utilisateurs de produits d’origine

fossile (pétrole, gaz naturel, phosphate…) qu'il s'agisse de la fourniture d’énergie pour

les matériels et les bâtiments ou de la fabrication d’intrants de synthèse. Certains

agriculteurs et certaines agricultrices se saisissent déjà de ces questions

énergétiques pour privilégier des pratiques plus économes ou pour produire eux-

mêmes une partie de l’énergie, via des panneaux photovoltaïques ou des

méthaniseurs.

Le développement des technologies liées au numérique va augmenter de

manière significative la consommation d’énergie. D’après Eric Fullerton, professeur à

l’UC San Diego et Reinhold Dauskardt, professeur à Stanford, le seul stockage des

données nécessitera plus d’énergie à partir de 2037 que le monde en produit

aujourd’hui. Les data-centers américains consomment actuellement 90 milliards kWh

par an, soit la production de 34 centrales électriques géantes. A lui seul, Google a

une intensité énergétique à peu près équivalente à celle de la ville de San Francisco.

Avant même que ces ressources viennent à manquer, leur diminution se traduira

inévitablement dans un premier temps par leur renchérissement, ce qui aura des

conséquences économiques significatives pour les exploitations.

La question de l’eau, sous les angles quantitatif et qualitatif, son utilisation ainsi

que sa répartition équitable entre ses différents utilisateurs dont l’agriculture, déjà

évoquée dans le cadre du changement climatique, doit également être abordée en

tant que telle. Elle a donné lieu à la constitution, conjointement par les ministères en

charge de la Transition écologique et de l’Agriculture, d’une « Cellule d'expertise

relative à la gestion quantitative de l'eau pour faire face aux épisodes de sécheresse »

qui « face au constat d’un déficit hydrique s’aggravant année après année, y compris

dans les bassins qui jusqu’à la fin des années 80 n’avaient pas connu de telles

tensions, et face aux perspectives d’une accentuation liée au dérèglement

climatique », a identifié trois urgences à concilier :

- « la restauration des équilibres quantitatifs en période estivale et le respect du

bon fonctionnement des milieux naturels qui en dépendent, afin de permettre

une répartition équilibrée entre les différents usages ;

- l’'inscription de ces premières réponses (solutions toujours bonnes, dites «

sans regret ») dans une logique de long terme permettant à la France de

respecter ses engagements internationaux, notamment vis-à-vis des causes

du changement climatique ;

- la préoccupation de construire les modèles d'une agriculture durable. »

Dans la perspective des prochaines Assise de l’Eau fin 2018, le CESE rappelle

les préconisations détaillées de l’avis sur « La gestion et l’usage de l’eau en

agriculture » qu’il a voté en avril 2013.

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L’agriculture doit également répondre à de nouvelles attentes de la société. Elles

concernent tout d’abord l’alimentation. Aujourd’hui, la satisfaction des besoins

alimentaires quantitatifs ne constitue plus une préoccupation dans notre pays, même

si l’autonomie alimentaire européenne n’est pas véritablement assurée. D’ailleurs, les

évolutions en cours (changement climatique, raréfaction des ressources, épuisement

des sols…) pourraient remettre en cause cet acquis dans un avenir très proche, du

fait du décrochage et de l’effondrement de la production agricole au niveau mondial

avant 2030, comme le montre le rapport Meadows « Les limites de la croissance »

publié par le Club de Rome en 1972, dont les conclusions ont été actualisées et

confirmées en 2012 par Graham M. Turner. De plus, l’accès à une alimentation de

qualité pose cependant encore problème pour les plus démunis.

Il s’agit avant tout de redonner confiance dans le contenu de leurs assiettes aux

consommatrices et aux consommateurs. Ceux-ci souhaitent légitimement être

certains que leur nourriture n’aura pas d’impacts négatifs sur leur santé et qu’au

contraire, ses apports nutritionnels leur seront bénéfiques. Sur ce second aspect, de

nombreux rapports comme celui établi dès 2007 par Brian Halweil pour le compte de

l’Organic center, ont souligné que la qualité nutritionnelle des productions avait

nettement diminué au fil du temps, du fait d’une sélection génétique et de pratiques

agricoles ayant privilégié la quantité.

Toutefois, grâce à l’amélioration de la qualité bactériologique des produits, à la

mise en place de normes et au renforcement des contrôles, les intoxications

alimentaires autrefois fréquentes et parfois mortelles, sont devenues extrêmement

rares. Cependant, l’utilisation d’antibiotiques et de pesticides au niveau de la

production comme d’autres adjuvants à celui de la transformation, expose les

consommateurs et les consommatrices, les salariés et les salariées, à d’autres types

de risques. Ainsi, concernant les pesticides, la conclusion du rapport commun IGAS,

CGEDD et CGAAER de fin 2017 est claire : « l’utilisation massive des produits

phytopharmaceutiques en agriculture constitue un enjeu majeur de santé publique

tant pour les applicateurs et leurs familles que pour les riverains et la population en

général à travers les modes de contamination par l’air, l’eau, le sol et l’alimentation.

Elle constitue aussi un enjeu majeur pour l’environnement et la biodiversité́ au regard

de ses effets délétères sur les insectes et les points d’eau. Même s’il faut encore

poursuivre et intensifier les efforts de recherche sur l’impact de ces produits – et

notamment sur les effets cocktail et la perturbation endocrinienne -, le degré́ de

certitudes d’ores et déjà̀ acquis sur les effets des produits phytopharmaceutiques en

matière de développement du fœtus, de maladies aigues et chroniques, et sur le

développement neurologique, impose de prendre des mesures fortes et rapides sauf

à engager la responsabilité́ des pouvoirs publics. ». De même, une étude

épidémiologique menée par une équipe composée de chercheurs et chercheuses de

l’Inra, de l’Inserm, de l’université Paris 13 et du CNAM, réalisée sur la base d’une

cohorte de volontaires et publiée le 22 octobre 2018, fait état d’une diminution de 25%

du risque de cancer chez les consommateurs et consommatrices « réguliers »

d’aliments bio, c’est-à-dire produits sans pesticides, par rapport aux personnes qui en

consomment moins souvent.

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L’évolution des modes de vie a favorisé la consommation de produits

industriellement transformés, voire ultra transformés, ainsi que l’essor de la grande

distribution qui occupe désormais une place dominante dans la commercialisation

des produits alimentaires. Pour les fruits et légumes, ses exigences ont conduit à

sélectionner des variétés répondant aux besoins en termes de calibrage, d’aspect ou

encore de conservation, au détriment souvent du goût et des qualités nutritionnelles.

Il en est de même s’agissant par exemple du taux de protéine du blé pour répondre

aux contraintes des boulangeries ou des pâtisseries industrielles. Aujourd’hui, le

nombre de consommatrices et de consommateurs souhaitant retrouver des produits

moins transformés, sans allergènes mais aussi plus goûteux, a considérablement

augmenté.

La traçabilité des produits constitue également une demande de plus en plus forte.

Un nombre croissant de nos concitoyennes et concitoyens s’intéressent désormais à

l’origine et aux modes de production des denrées qu’ils achètent, non seulement dans

une perspective de sécurité sanitaire, mais aussi par rapport à la situation des

travailleurs de l’agriculture et à leur rémunération. S’agissant de l’élevage, le respect

du bien-être animal y compris au stade de l’abattage, est une préoccupation qui revêt

une importance inédite dans la société. En parallèle, on observe une diminution

globale de la consommation de viande en France. Selon une étude du CREDOC de

septembre 2018, cette tendance s’expliquerait « par l’évolution des comportements

alimentaires, par le prix (par exemple, pour la viande bovine, une augmentation plus

forte que l’inflation), par les inquiétudes pour la santé, par la sensibilisation à l’impact

sur l’environnement et au bien-être animal, ainsi que par une offre correspondant

moins aux attentes des nouvelles générations ».

Enfin, il convient de porter une attention particulière aux problématiques

territoriales. L’agriculture sous toutes ses formes, a longtemps constitué la principale

activité économique dans les zones rurales. Elle a aussi façonné leurs paysages. Son

intensification durant la seconde moitié du 20ème siècle a eu des conséquences déjà

évoquées, en termes de diminution du nombre de travailleurs et travailleuses et

d’exploitations, ce qui a entraîné un important exode rural. Parallèlement, la

recherche de productivité a conduit à une spécialisation qui s’est opérée au niveau

des fermes et des territoires. La polyculture-élevage, modèle jadis le plus répandu, a

progressivement régressé. De nombreuses exploitations se consacrent désormais à

un seul type de productions que ce soit au niveau des races, des espèces, voire des

variétés, par exemple en arboriculture. Cette situation s’est traduite par une plus

grande vulnérabilité économique puisque tout miser sur un seul produit comporte

inévitablement des risques en cas de chute des cours ou de niveau faible de

production, du fait par exemple d’aléas climatiques. Il en va de même pour les

territoires, certaines régions comme la Bretagne dans lesquelles se sont concentrés

des élevages intensifs (volaille, porc…), se retrouvent très exposées en cas de

difficultés rencontrées par la filière considérée. De plus, cette spécialisation génère

des problèmes à la fois environnementaux et financiers. La disparition de l’élevage

dans les plaines désormais consacrées aux grandes cultures, prive celles-ci

d’apports en fumure naturelle ce qui contraint au recours à des intrants de synthèse

dont les prix tendent à augmenter, tandis que dans les zones d’élevage industriel,

l’épandage du lisier en quantité excédentaire provoque des pollutions qui affectent en

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particulier les cours d’eau et les zones maritimes côtières, leurs coûts devant être

assumés par l’ensemble de la société.

Pouvoir proposer des productions variées sur un territoire va souvent de pair avec

l’existence de modèles agricoles (structure, taille et organisation des fermes) eux-

aussi diversifiés. Or, l’intensification et l’uniformisation des productions se sont

généralement accompagnées d’un agrandissement de la taille des exploitations et

d’une augmentation de leurs investissements financiers (en bâtiments et en

matériels), ce qui rend ainsi très difficile leur reprise en particulier hors cadre familial,

et donc l’installation de nouveaux exploitants ou exploitantes désireux de s’émanciper

du modèle dominant.

Le maintien de la diversité des modèles et des productions, là où elle existe

encore, et sa réimplantation ailleurs, constituent par conséquent un autre défi majeur

que l’agriculture ne peut relever seule puisqu’il implique la reconstitution de filières

pour stocker, commercialiser et transformer les productions. De plus, il convient

d’adapter à chaque contexte local, y compris dans les Outre-mer, les outils et les

démarches à mettre en œuvre dans cet objectif. A cet égard, il convient de souligner

l’émergence d’une nouvelle forme d’agriculture « urbaine ». Elle n’est pas abordée

dans le présent avis puisqu’elle fera prochainement l’objet d’un travail spécifique.

Le territoire, considéré à la fois au sens géographique, économique et

démographique, constitue par conséquent un niveau crucial parce que c’est là que

se rejoignent les différents défis évoqués précédemment, qu’il convient de relever.

Or, les spécificités locales conditionnent leur nature et leur importance respectives. Il

s’agit d’un enjeu majeur pour concevoir les modèles agricoles et les filières du futur,

en s’affranchissant sans doute de l’approche précédente qui a trop cherché à

généraliser à grande échelle des solutions « clés en main ». Comme le soulignait

Christine Cherbut, directrice scientifique de l’INRA, lors de son audition, les

emboîtements d’échelles et la réorientation des travaux vers des approches plus

intégratrices constituent deux inflexions majeures à apporter à la recherche.

B - Les différentes dimensions de l’innovation, leurs

atouts et leurs limites

Face à l’ampleur et à la complexité des défis qui viennent d’être présentés de

manière très synthétique et sans doute incomplète, il apparaît évident que poursuivre

et même intensifier les efforts déjà engagés ne saurait suffire. C’est donc bien à la

notion d’innovation qu’il faut faire appel, mais encore faut-il s’entendre sur la portée à

lui donner. Les définitions usuelles assimilent innovation et nouveauté, à l’instar du

Larousse : « Introduire quelque chose de nouveau pour remplacer quelque chose

d'ancien dans un domaine quelconque », ou de l’Organisation de coopération et de

développement économiques (OCDE) qui, s’agissant plus spécialement des activités

économiques, considère qu’une innovation « est la mise en œuvre d’un produit

(bien ou service) ou d’un processus nouveau ou sensiblement amélioré, d’une

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nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle

dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations

extérieures ».Cependant, ces conceptions de l’innovation conduisent à consacrer

l’image d’un renouvellement constant et linéaire des processus, méthodes et usages,

alors qu’une innovation peut également consister en la redécouverte d’une pratique

ou d’un savoir antérieur retrouvant sa pertinence dans une situation nouvelle. Loin

d’être seulement linéaire, l’innovation peut ainsi présenter un caractère partiellement

cyclique. Le philosophe Schopenhauer est plus proche de cette conception quand il

la définit ainsi : « l’innovation, ce n’est pas voir ce que personne n’a encore vu, mais

penser différemment ce que tout le monde voit ».

L’agronomie et la technologie ont longtemps constitué les principaux leviers de

l’innovation en agriculture. Pour autant, cette dernière a toujours été en pointe en

matière d’innovations sociales. Aujourd’hui, ce secteur dont les réalités sont parfois

méconnues du grand public, doit répondre à de nouvelles attentes de la société et

s’efforcer d’y apporter les réponses en considérant leurs niveaux d’acceptabilité.

L’agronomie est définie dans le dictionnaire Larousse comme « l’étude des

relations entre les plantes cultivées, le sol, le climat et les techniques de culture, dont

les principes régissent la pratique de l'agriculture ». On pourrait y ajouter le rôle des

êtres vivants (insectes, oiseaux, microorganismes du sol et de l’eau…). Elle a

longtemps constitué le socle essentiel du progrès en agriculture avant d’être

délaissée au milieu du 20ème siècle au profit de la mécanisation et de la chimie pour

l’élaboration d’intrants de synthèse. Elle requiert de la part des agriculteurs et

agricultrices, d’observer et de comprendre les mécanismes complexes à l’œuvre

dans leurs champs pour pouvoir s’y adapter et y apporter des réponses pertinentes.

C’est en cela qu’elle se distingue de l’approche qui s’est imposée durant une période,

basée sur des recettes à appliquer quels que soient le contexte et les conditions

pédoclimatiques : rotations courtes, labour profond, apport important de fertilisants

chimiques (azote et phosphore) et de produits phytosanitaires (herbicides,

insecticides et fongicides). Aujourd’hui, on assiste au retour de l’agronomie y compris

au sein des travaux de recherche. Les pratiques agroécologiques (agroforesterie,

lutte intégrée, non labour…) et l’agriculture biologique requièrent en effet de

s’appuyer sur tous les éléments présents dans les écosystèmes pour les valoriser au

profit de la production agricole et non de les considérer comme de simples supports

de cultures sans lien avec les milieux naturels. Dans ce cadre, l’étude, la

compréhension et la protection des sols revêtent une importance cruciale.

Accorder une plus large place à l’agronomie ne signifie pas revenir aux pratiques

ancestrales en faisant fi des avancées scientifiques et technologiques qui doivent

apporter une aide précieuse dans ce cadre. Elles doivent cependant n’être

considérées que comme des moyens et non des finalités.

La recherche et la science offrent aujourd’hui à l’agriculture, une palette très large

d’outils et de techniques. Certains, comme la mécanisation ou la sélection génétique

massale, animale et végétale, sont maintenant très anciens mais continuent à

progresser. D’autres, comme les nouvelles générations d’ordinateurs surpuissants,

ont véritablement révolutionné les travaux de recherche. Ainsi, dans le cadre de la

préparation de l’avis, la section a auditionné un chercheur de l’INRA qui pilote le projet

BREADWHEAT, mené en partenariat avec différents acteurs de toutes natures (pôle

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de compétitivité, institut technique, entreprises…), dont l’objet est à terme de

développer de nouvelles variétés de blé tendre, capables de faire face au

changement climatique et d’enrayer la stagnation des rendements constatée depuis

une quinzaine d’années. Ce travail s’appuie sur les mises au point très récentes du

séquençage du génome du blé tendre (5 fois plus complexe que celui de l’Homme)

et d’une plate-forme de phénotypage à haut débit, capable de mesurer les caractères

agronomiques de plantes soumises à divers scénarios de climats et d’itinéraires

techniques. Pour permettre la définition, l’implémentation et l’évaluation de nouvelles

stratégies de sélection génomique, le projet développe également des marqueurs

moléculaires.

Le phénotypage et le génotypage sont déjà utilisés chez les bovins pour connaître

avec une grande fiabilité, dès le stade fœtal, les futures performances de

reproducteur d’un taureau. Auparavant, il fallait attendre que celui-ci soit adulte pour

le tester. Cette technique permet un gain de temps et d’argent très significatif pour les

éleveurs et éleveuses.

Par ailleurs, les techniques liées au numérique ont aussi profondément enrichi les

matériels et services proposés aux agriculteurs et agricultrices. Le recours à des

applications professionnelles faisant appel à des données de type « big data » a ainsi

augmenté de 110% entre 2013 et 2015. Plus de 80 % des agriculteurs et agricultrices

utilisent internet pour leur activité. Ils disposent désormais de drones, d’images

aériennes de grande définition et de guidage par GPS très sophistiqué grâce à des

capteurs embarqués qui apportent une précision de l’ordre de 2 cm contre 5 à 10 m

pour les équipements des voitures. Cela permet de pratiquer une véritable agriculture

de précision s’agissant du travail du sol, du désherbage mécanique y compris en

agriculture biologique, de l’apport d’intrants ou encore de l’irrigation. Une étude

réalisée par le ministère de l’Agriculture a montré qu’en 2013, 46% des agriculteurs

et agricultrices utilisaient le GPS. Ils/elles bénéficient également des progrès en

matière de prévisions météorologiques, les ¾ d’entre eux/elles, consultent au moins

une fois par semaine la météo professionnelle agricole.

Dans le domaine de l’élevage laitier, les robots de traite (selon le CNIEL, près de

10% des exploitations en seraient dotées), limitent au maximum les interventions

humaines et fournissent des données pour chaque vache en termes d’alimentation

et de production de lait, ce qui permet d’adapter les rations individuelles voire de

détecter d’éventuels problèmes de santé.

Ces quelques exemples témoignent de la diversité des apports de la science et

des techniques, parfois cependant objets de controverses. A cet égard, il convient de

souligner que dans le domaine de la recherche agricole, la France bénéficie d’atouts

structurels significatifs en termes d’organismes de recherche et de programmes de

soutiens financiers comme cela a été relevé dans les conclusions de l’atelier n°14

des EGA:

• des moyens publics variés et conséquents d'ores et déjà mobilisés en matière de

recherche et d’innovation en agriculture et agroalimentaire (crédits MIRES,

CASDAR, PIA, CIR) : de l'ordre de 1,5 MDS€/an ·

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• une fiscalité incitative grâce au crédit impôt recherche (CIR) : sur les 6 Mds€

annuels de CIR, 120M€ concernent l’agroalimentaire et 90M€ l’agriculture, soit

3,6% du budget global du CIR ; ·

• un patrimoine de recherche important avec des organismes de recherche en

pointe au niveau mondial (INRA, Ifremer, IRSTEA, CIRAD, CNRS, CEA,

universités), auxquels s’ajoute un effort public de 1 Md€ en recherche sur les

questions environnementales et 1,2 Mds€ sur la santé (budget 2017); ·

• de nouvelles infrastructures d'avenir avec par exemple les récents instituts de

convergence CLAND et DigitAg portant respectivement sur le « changement de

climat et usage des sols » et l’ « agriculture numérique ». DigitAg est financé dans

le cadre des investissements d'avenir pour un budget global de 147 millions sur 7

ans.

Des structures comme les instituts Carnot, labellisés par le ministère de la

Recherche, qui favorisent les travaux de recherche menés en partenariat public-privé,

méritent aussi d’être évoquées.

Enfin, l’organisation (instituts techniques) et le financement (CASDAR,

Contribution volontaire obligatoire – CVO – …) de la recherche appliquée en France,

constituent également des spécificités par rapport aux dispositifs mis en œuvre dans

des pays comparables. En effet, elle est dirigée et financée pour une part significative

par les agriculteurs et agricultrices eux-mêmes, mais il s’avère difficile de fournir des

données précises sur ce point compte tenu de la complexité des modes de

financement de la recherche, qui a été soulignée dans le rapport de la Cour des

Comptes de mars 2018 consacré aux outils du Programme d’Investissements

d’Avenir (PIA).

On réduit trop souvent l’innovation au progrès technique issu de la recherche

scientifique. Or, si celui-ci joue un rôle important pour surmonter des difficultés et

apporter des améliorations souhaitables, il ne peut constituer une panacée capable

à elle seule de relever tous les défis. De plus, le temps est aujourd’hui révolu où l’on

pensait que le génie humain allait résoudre tous les problèmes rencontrés par notre

civilisation grâce à l’invention de nouvelles technologies. En effet, à l’heure où face à

l’urgence de l’enjeu climatique, le GIEC appelle à diviser par deux les émissions de

GES d’ici à 2030, ce sont les fondements mêmes de notre modèle de société qu’il

faut questionner. L’utilisation de nouveaux outils technologiques génère

automatiquement une augmentation structurelle de la consommation énergétique,

soit directement, soit par « effet rebond ». C’est donc le problème de l’anticipation des

impacts globaux des futures innovations techniques qui est ainsi posé.

La « révolution agricole » de l’Après-guerre, tout en s’appuyant effectivement sur

des avancées technologiques, a actionné simultanément d’autres leviers aux

premiers rangs desquels les organisations humaines. En effet, des changements

notables ne peuvent intervenir que si un nombre suffisant d’acteurs y adhèrent et les

portent. C’est d’ailleurs une des caractéristiques du secteur agricole national, parfois

méconnue par le reste de la société, que de faire émerger des groupes institutionnels,

associatifs ou informels (mouvements de jeunesse, syndicats, coopératives,

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groupements de producteurs, d’employeurs, CUMA, organismes de défense et de

gestion des appellations d’origine, CIVAM…) pour défendre des intérêts collectifs et

mutualiser des tâches ou des équipements. Cette dimension sociale revêt une

importance encore plus forte aujourd’hui dans la mesure où face à la rapidité des

évolutions du monde, les réponses à apporter doivent pouvoir elles-mêmes être

diffusées avec célérité le plus largement possible, ce qui implique de s’appuyer sur

des collectifs dynamiques et réactifs. De plus, au regard des conséquences

regrettables d’innovations antérieures, de la vitesse de circulation de l’information et

de son partage notamment via internet et les réseaux sociaux, l’innovation ne peut

plus être décidée par quelques-uns et imposée au reste de la société sans prendre

en considération les questions éthiques auxquelles elle renvoie. L’acceptabilité

sociétale, formule devenue très à la mode mais souvent mal définie, constitue un

préalable indispensable à toute généralisation. Elle doit se fonder sur deux axes

indissociables : les apports attendus d’une innovation projetée mais aussi ses

conséquences potentiellement négatives dans la durée, dans un contexte

d’incertitudes scientifiques. C’est une mauvaise appréciation des apports liés au

principe de précaution qui explique que ce second aspect ait été insuffisamment

exploré à la fin du siècle dernier. En effet, l’exigence d’approfondissement des

connaissances scientifiques que porte ce principe peut aussi enclencher une

dynamique d’innovation, comme l’avait souligné le CESE dans l’étude de 2013

« Principe de précaution et dynamique d'innovation ». Le présent avis s’inscrit dans

l’esprit de ces travaux dans le but de rechercher le meilleur équilibre entre l'évolution

du progrès et l'exposition aux risques.

Cela conduit par conséquent à s’interroger quant aux déterminants et aux critères

qui font accepter collectivement tel changement et rejeter tel autre. Cela pose la

question du pouvoir en la matière de certains acteurs du fait de leur expertise

(chercheurs), de leur position privilégiée pour communiquer (politiques, médias,

syndicats, associations…) ou encore de leur puissance financière pour mener des

campagnes de publicité ou des actions de lobbying (grands groupes industriels), de

même qu’est posée la question de la réactivité des consommatrices et des

consommateurs ainsi que des citoyennes et des citoyens à ces différents stimuli. De

nouveaux types de relations se sont ainsi noués au sein même des filières et entre

l’agriculture et le reste de la société.

C - Les préconisations pour une bonne articulation

entre recherche, innovation, agriculture et société

L’agronomie et la technologie aussi performantes soient-elles, représentent des

instruments nécessaires mais non suffisants pour permettre au secteur agricole

national et à toute la société qui en dépend pour son alimentation, de relever les défis

auxquels il est confronté. Les réponses à apporter doivent obligatoirement s’inscrire

dans des démarches collectives associant tous les acteurs concernés, professionnels

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et parties prenantes et plus largement, l’ensemble de la société. C’est l’orientation

générale des préconisations formulées par le CESE.

Globalement, notre assemblée considère que l’innovation sous toutes ses

formes : sociale, agronomique, technique,…, ne doit pas être seulement curative,

c’est-à-dire destinée à remédier à des problèmes constatés pouvant d’ailleurs avoir

été générés par des innovations antérieures. Elle doit chercher à inventer de

nouveaux systèmes de production durables dans toutes les dimensions que ce terme

recouvre. Cette approche plus large pourrait permettre de répondre aux enjeux

actuels et tout d’abord à ceux, vitaux, liés au changement climatique, que le rapport

précité du GIEC a mis en évidence.

Lors de son audition Dominique Dron, ingénieure générale des Mines, membre

permanent du Conseil général de l’économie, de l’industrie, de l’énergie et des

technologies, a ainsi affirmé que « l’agriculture est une activité reposant sur la

capacité du vivant, son bon fonctionnement écosystémique. Il est donc nécessaire et

vital pour assurer sa bonne prise en compte, son adaptation au changement

climatique et à la réduction aux énergies fossiles, d’évaluer quels systèmes agricoles

y répondent en priorité et pourquoi. L’objectif de la recherche et de l’innovation serait

d’aider les autres systèmes à prendre ce virage avec succès ». De plus, comme l’a

précisé Christine Cherbut, lors de son audition, « nous devons impérativement

rapporter de la diversité dans les systèmes agricoles, donc de la complexité ».

Préconisation n°1 : « Relever les défis prioritaires grâce à

l’innovation »

Les innovations doivent prendre en considération la complexité du vivant,

les interactions entre les systèmes naturels et l’acte de produire. Elles doivent

ainsi garantir la transition vers des modes de production résilients et durables

tels que l’agriculture biologique et l’agroécologie, puis leur généralisation afin

de :

Engager la décroissance des émissions de GES de l’agriculture et faciliter

son adaptation au changement climatique et à la raréfaction des ressources ;

Proposer une alimentation saine, en quantité suffisante et accessible pour

toutes et tous, répondant aux besoins des populations;

Garantir la résilience de l’agriculture en assurant la viabilité économique

des exploitations et la juste rémunération des travailleurs agricoles ;

Préserver et reconstituer les ressources et les milieux naturels ;

Permettre aux agriculteurs et agricultrices de ne plus utiliser d’intrants

chimiques ;

Veiller au bien-être animal.

L’innovation doit également être anticipative compte tenu du temps écoulé entre

le début des travaux de recherche, la mise au point d’une l’innovation, son

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expérimentation, son évaluation et enfin sa diffusion et son éventuelle généralisation.

Ces différentes étapes, reprises dans les préconisations qui suivent, s’avèrent

indispensables pour éviter de commettre des erreurs car comme l’a écrit Claude

Béranger, directeur de recherche honoraire à l’Inra « Sans revenir en arrière, les

innovations dans leurs excès peuvent ne pas être positives et sont remises en cause,

mais avec difficulté » (Regard rétrospectif sur l’arrivée de la chimie en agriculture).

Les préconisations de l’avis s’inscrivent dans 2 grands axes complémentaires :

- faire en sorte que la recherche aide efficacement l’agriculture à relever ses

défis ;

- soutenir les innovateurs et favoriser l’appropriation comme la diffusion des

innovations.

1. Innover en s’appuyant sur la recherche, pour aider

l’agriculture à relever les grands défis du développement

durable

La recherche qu’elle soit publique ou privée, fondamentale ou appliquée,

constitue même si ce n’est pas le seul, un socle essentiel sur lequel s’appuient

généralement les futures innovations. Afin qu’elle puisse jouer ce rôle, plusieurs

conditions doivent être réunies. Tout d’abord, il convient de veiller à ce que les finalités

de la recherche correspondent aux besoins des professionnels et qu’elles prennent

en compte les attentes de la société et ses éventuelles interrogations voire ses refus,

en particulier d’ordre éthique et moral. Ensuite, se pose la question de la mise en

œuvre des travaux de recherche pour favoriser l’appropriation des futures innovations

par les agriculteurs et agricultrices. Enfin, même si ce n’est pas l’objet essentiel de

l’avis, il convient de s’intéresser à l’organisation, au financement ainsi qu’aux priorités

thématiques de la recherche.

Pour qu’elle ne soit pas déconnectée du reste du monde, les chercheurs et

chercheuses ne doivent pas être les seuls prescripteurs des finalités de la recherche.

En effet, même si les travaux menés ne doivent pas systématiquement viser une

application à court terme, ils doivent toujours avoir en perspective de répondre à de

futurs besoins prévisibles, dans une logique de « jalons » c’est-à-dire d’avancées

pas-à-pas. De plus, l’étendue des champs dans lesquels des innovations peuvent

être mises en œuvre est telle que la recherche ne peut traiter de manière approfondie

chacun des domaines concernés. Il s’agit donc d’établir des priorités, ce dont les

chercheurs et chercheuses ne peuvent être les seuls responsables. Cela implique

des liens permanents entre la recherche, ses bénéficiaires et ses parties prenantes,

considérés au sens le plus large c’est-à-dire en ne s’arrêtant pas à la sphère des

professionnels directement concernés. Le CESE considère que ces liens doivent être

systématisés et également concerner les pôles de compétitivité, structures

directement en charge de l’initiation et du portage de projets innovants. C’est pourquoi

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dans son avis d’octobre 2017 sur « Quelle politique pour les pôles de compétitivité ? »

notre assemblée a préconisé que ceux-ci soient « incités, en fonction de leur champ

d’activité, à intégrer dans leur cercle de réflexion d’autres porteurs d’enjeux, non

représentés dans la gouvernance du pôle. Cette concertation pourrait être organisée

sous forme de commissions ou de groupes de travail ouverts à tous les porteurs

d’enjeux (associations, syndicats, chercheurs en sciences sociales, économistes,

représentants d’autres pôles ou structures d’innovation, élus...). Les sujets traités

avec les adhérents pourraient permettre d’aborder la question de la vision prospective

en matière de R&D, les enjeux scientifiques, économiques, sociaux et

environnementaux pour le pôle dans le cadre de la politique industrielle, de la filière

concernée ou des thématiques reliées à l’activité du pôle. »

Préconisation n°2 : « Associer toutes les parties prenantes à la

définition des finalités de la recherche »

La recherche doit contribuer à répondre aux besoins de l’agriculture et aux

attentes de la société. Pour ce faire, ses orientations et ses finalités doivent

garantir l’intérêt général et la diversité des approches grâce à l’association de

toutes les parties prenantes : les professionnels, y compris les acteurs de l’aval

des filières, et les représentants de la société civile (associations de

consommateurs, de protection de l’environnement, représentants syndicaux).

Concrètement, cela signifie d’élargir si nécessaire la composition des organes

de gouvernance (comités scientifiques…) des organismes nationaux et des

pôles de compétitivité mais aussi d’intégrer ces parties prenantes dans les

projets menés au niveau territorial.

Les enjeux agricoles, en particulier sur les plans alimentaire et environnemental,

dépassent largement le strict cadre des filières. En effet, les relations entre agriculture

et société sont délicates, ce secteur faisant fréquemment l’objet de critiques

concernant les impacts sanitaires et environnementaux de certains modes de

production, ou encore les conditions d’élevage des animaux. Les scientifiques sont

amenés à se prononcer sur les conséquences à court, moyen et long termes des

innovations. Ces conséquences sont complexes à évaluer tant en l’état actuel des

connaissances qu'en fonction des critères choisis, des éléments pris en compte, de

la durée d’observation, …

Plusieurs grands sujets concernant directement l’agriculture font ainsi l’objet de

débats dans notre pays mais également au niveau européen : l’utilisation des

biotechnologies et notamment de la transgénèse pour fabriquer des organismes

génétiquement modifiés (OGM) ou encore celle des pesticides, en particulier un

herbicide, le glyphosate. Or, de multiples études sur les impacts environnementaux

et sanitaires ont été réalisées ou commanditées sur ces thèmes par des acteurs

variés : organismes de recherche, agences et organisations publiques, entreprises…

Leurs conclusions ne se sont pas toujours révélées convergentes. Cependant, le

manque d’indépendance des études commandées par les industriels concernés par

les produits étudiés interroge sur leur fiabilité. Les études récentes issues de la

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recherche publique comme celle réalisée par l’INRA et l’Inserm, concluent à la toxicité

de ces substances. De plus, la MSA reconnaît désormais comme maladies

professionnelles pour les travailleurs agricoles, des pathologies provoquées par la

manipulation de produits phytosanitaires. Beaucoup d’incertitudes sont liées aussi à

des déficits de connaissances et à des insuffisances méthodologiques accumulées

dans le temps, à l’égard notamment des effets de cumul et de surexpositions

croisées. Ces effets « cocktail » sont mal connus mais de plus en plus étudiés et

dénoncés. C’est sur la base de cet état de la connaissance que les responsables

politiques auxquels il appartient de trancher entre une interdiction à très court terme

ou un statu quo temporaire, doivent désormais se fonder pour prendre une décision

éclairée. Certains le font en privilégiant des arguments d’ordre économique ou

d’emploi, au détriment d’enjeux sanitaires et environnementaux. Ces arguments ne

doivent être en aucune façon retenus en cas de suspicion si minime soit-elle, de

risque de dommages sanitaires et environnementales graves et irréversibles.

Cette position est partagée selon les sondages par une majorité de Françaises et

de Français et doit se traduire par des dispositions législatives ou réglementaires

immédiates. Dans son avis de 2012 « Les enjeux de la prévention en matière de

santé », notre assemblée avait déjà affirmé que « l’exposition à une multitude de

composés chimiques (pesticides, plastifiants etc.) a des effets sur la santé

incontestables mais difficiles à comptabiliser : perturbations endocriniennes, atteintes

du système nerveux central, allergies, cancers... »

Introduit par la Loi Barnier en 1995 et figurant dans la Charte de l’environnement

depuis 2004, le principe de précaution qui constitue un guide d’actions utile s’il est

bien interprété, s’inscrit dans cette approche. Il est ainsi énoncé à l’article 5 de la

Charte précitée : « Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état

des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible

l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de

précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en œuvre de procédures

d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin

de parer à la réalisation du dommage. » Ce principe d’action est basé sur le doute

méthodique (au moment de l’évaluation, les scientifiques doivent être en capacité

d’énoncer des certitudes et incertitudes relatives aux dangers, expositions et risques);

la prise en compte précoce des risques incertains ; l’approche pluridimensionnelle

des activités génératrices de risque. Il ne s’agit pas d’un principe d’abstention

exigeant la preuve de l’innocuité́ comme préalable à toute autorisation. Il se distingue

ainsi des principes de prévention et de prudence qui portent uniquement sur les

risques avérés scientifiquement. Comme l’a souligné le CESE dans son étude

« Principe de précaution et dynamique d’innovations », il « suppose une expertise

fiable et un débat public ouvert afin d’aboutir à des mesures proportionnées,

appropriées, provisoires et réversibles ». Les décisions politiques doivent être

articulées avec ces exigences méthodologiques, ce qui suppose la création

d’instances indépendantes où d’une part les controverses scientifiques peuvent être

approfondies et, d’autre part, de lieux de débats entre parties prenantes sur les

conséquences sociales, économiques et environnementales des innovations

proposées.

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Cette problématique a également été abordée dans l’avis précité consacré aux

pôles de compétitivité : « les organes de gouvernance des pôles doivent alerter si

nécessaire les concepteurs d’un projet sur le fait qu’il pourra susciter- en raison des

technologies employées, des produits mis en œuvre, voire du seul fait de son

caractère particulièrement innovant - des interrogations relatives à son acceptabilité

sociale. Pour ce faire, dans le cadre des pôles de compétitivité, les porteurs de projet

doivent être en lien avec les parties prenantes et les scientifiques pour aider à la prise

en compte du principe de précaution. L’ouverture des pôles aux porteurs d’enjeux

(…), doit les aider à appréhender cette dimension en amont et susciter, le cas

échéant, de nouvelles questions de recherche. ».

Pour favoriser l’acceptation et l’appropriation d’innovations, l’association des

différentes composantes de la société à leur mise en œuvre est d’ailleurs de plus en

plus souvent effective, en particulier dans le cadre de projets locaux. C’est cette

approche que mettent en œuvre les responsables du Projet Brie’EAU, rencontrés lors

de la préparation de l’avis. Cette démarche conduite conjointement par l’INRA,

l’IRSTEA, l’université de Sceaux ou encore la chambre d’agriculture de Seine-et-

Marne, consiste à (re)créer des « zones tampons humides » artificielles, interfaces

paysagères épuratrices naturelles pour améliorer la qualité des eaux souterraines

dégradées par des pollutions diffuses d’origine agricole, dans une région de grandes

cultures. Cet aménagement reproduit les fonctionnalités des zones humides

naturelles dont il faut déplorer la forte diminution ces dernières décennies alors

qu’elles revêtent une importance vitale au niveau de la planète comme l’a mis en

évidence la Convention de Ramsar relative aux zones humides traité d'importance

internationale, adopté le 2 février 1971. Elles rendent de nombreux et indispensables

services écosystémiques (habitats des oiseaux d'eau, réserves de biodiversité,

apport d’eau douce, maîtrise des crues, recharge des nappes souterraines,

atténuation des changements climatiques). Les porteurs du projet sont convaincus

que sa réussite repose pour une large part, au-delà des aspects techniques et

scientifiques, sur l’adhésion de tous les acteurs locaux (collectivités territoriales,

agriculteurs et agricultrices, citoyens et citoyennes,…). C’est pourquoi ils ont conçu

un outil de dialogue permanent pour partager les perceptions et les connaissances

initiales sur cette question, organiser la discussion sur des futurs possibles et

souhaitables pour leur territoire, prévenir d’éventuels conflits et enfin favoriser

l’émergence de solutions communes.

Plus globalement, il existe dans notre pays différentes modalités permettant à la

société d’exprimer des positions et d’éventuelles réserves vis-à-vis d’innovations

générées par des travaux de recherche. Tout d’abord, des instances (CNA, CNTE,

CESER, …) dont notre assemblée fait partie, qui associent les parties prenantes,

constituent des lieux permanents au sein desquels les débats peuvent se dérouler en

toute transparence pour limiter récupération, dérive dans les médias et sur les

réseaux sociaux, ou encore pression de lobbies. Plus récemment, des structures

baptisées « conférences de consensus » puis « de citoyens » sont mises

temporairement en place en s’inspirant de pratiques initialement réservées au secteur

médical. La première d’entre elles a été organisée par l’Office parlementaire des choix

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scientifiques et technologiques (OPECST) en 1998 sur le thème des OGM. D’autres

ont été montées au début des années 2000 par la Commission française du

développement durable sur les changements climatiques et la citoyenneté ou encore

sur la gestion des boues domestiques, dans le cadre du Débat national sur l’eau. Bien

que des collectivités proposent des démarches semblables à l’échelon local, les

conférences de citoyens, ateliers participatifs et autres modalités de construction

participative permettant de débattre démocratiquement de questions contradictoires,

sont encore trop rarement mis en œuvre tant au niveau local que national sur les

enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Par ailleurs, internet et toutes les

technologies de la communication, offrent désormais de nouveaux modes

d’expression (pétitions en ligne, réseau sociaux…) ainsi que l’illustre l’avis du CESE

du 10/01/2017, « Réseaux sociaux et numériques : comment renforcer l’engagement

citoyen ? ».

À cet égard, l’étude du CESE de 2013 « principe de précaution et dynamique

d’innovation » a fait référence à une préconisation formulée par l’Agence européenne

pour l’Environnement (AEE) visant à impliquer davantage les citoyens et citoyennes

dans les choix d’innovation et l’analyse des risques : « Cela contribuerait à réduire

l’exposition aux risques et à encourager les innovations avec des avantages plus

larges pour la société. Une plus grande interaction entre les entreprises, les

gouvernements et les citoyens pourrait favoriser les innovations plus solides et plus

diversifiées à un coût moindre pour la santé et l’environnement».

S’agissant des innovations proposées par la recherche, les citoyennes et les

citoyens ont besoin pour se forger une conviction, au-delà de considérations éthiques,

philosophiques voire religieuses, de disposer d’informations que seule la science elle-

même peut leur fournir. Elles peuvent provenir d’études d’évaluation comme celles

mentionnées dans le présent avis, ou encore d’exercices de prospective. Savoir qui

et dans quelles conditions y compris de financement, a réalisé ces travaux, revêt par

conséquent une importance majeure.

L’étude précitée du CESE avait évoqué sur ce point l’Agence nationale de sécurité

sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) directement

concernée par la plupart des thèmes faisant débat, qui venait de modifier « sa

gouvernance et son mode de fonctionnement pour tenter de mieux assurer

l’indépendance et l’impartialité de l’expertise via :

- une expertise collective et multidisciplinaire ;

- une gestion claire des conflits d’intérêt ;

- une ouverture aux parties prenantes de l’agence. »

À cet égard, un responsable de l’agence avait souligné lors de son audition « …

qu’une bonne expertise scientifique peut être complètement décrédibilisée par la

mise en cause de l’indépendance d’un seul expert. La déontologie est donc

primordiale et n’empêche pas, pour autant, de recueillir le point de vue scientifique

d’un certain nombre d’acteurs, notamment industriels et d’experts présentés par les

parties prenantes. »

Une problématique voisine concerne les applications smartphones qui se

multiplient aujourd’hui et influencent de manière croissante les comportements.

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Certaines d’entre elles visent par exemple à indiquer aux consommatrices et aux

consommateurs faisant leurs achats, la qualité nutritionnelle et sanitaire des produits

alimentaires, sans que l’origine et les modes d’obtention de ces éléments soient

toujours clairement précisés.

Préconisation n°3 : « Permettre à la société de se prononcer en

connaissance de cause sur l’acceptabilité des innovations issues de

la recherche »

Il est indispensable de garantir une transparence totale des informations

diffusées aux citoyens et aux citoyennes ainsi qu’à toutes les parties prenantes

concernant les travaux scientifiques relatifs à l’ensemble des innovations

comme à celles susceptibles de faire débat dans la société. Il s’agit en

particulier de veiller à éviter tout risque de conflit d’intérêt que l’importance des

enjeux économiques induits par ces sujets peut favoriser. De plus, il convient

de systématiser les concertations avec tous les acteurs de la société au sein

d’instances institutionnelles ou ad hoc (conférences de citoyens). Elles doivent

elles aussi être menées dans des conditions de parfaites transparence et

déontologie.

Les défis à relever appellent des réponses systémiques c’est-à-dire que les

innovations doivent être multidimensionnelles, combinant des changements

organisationnels, agronomiques ou encore technologiques. La recherche, même si

elle a commencé à le faire, doit intégrer cette nouvelle approche qui n’appelle pas à

remettre en cause les travaux par discipline, ce qui n’aurait aucun sens au regard du

niveau d’expertise requis. En revanche, elle requiert de renforcer les dispositifs de

coordination, d’échanges et de partage entre les différentes unités de recherche à

tous les stades de l’avancement de leurs travaux respectifs, pour éviter les

organisations en silos dans lesquelles chacun ignore ce que fait son voisin.

De nombreux exemples peuvent illustrer la nécessité de cette interdisciplinarité.

Ainsi l’INRA mène des recherches pour éviter les dépôts dans le vin, qui font

simultanément appel aux techniques relatives à des membranes utilisées dans le

secteur laitier, à des modèles mathématiques très complexes et bien entendu, à des

connaissances en œnologie.

Cette approche interdisciplinaire doit également être déclinée au niveau des

étapes aval de la recherche et même au-delà. Ainsi, l’agroécologie requiert de

combiner des connaissances et des pratiques de différentes natures. C’est pourquoi

l’avis du CESE consacré à ce thème a souligné que « les principes de l’agroécologie,

son interdisciplinarité et son caractère systémique, doivent orienter les objectifs de la

R&D en agriculture, mais aussi ses stratégies et sa gouvernance ». Ainsi, le plastique

peut constituer un levier intéressant pour les maraîchers afin de limiter l’usage

d’intrants, d’eau et d’énergie, mais il présente des effets pervers si la question de son

recyclage ou de son élimination n’est pas traitée efficacement (films

biodégradables…).

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Compte tenu des effets du changement climatique sur le cycle de l’eau,

l’assèchement des sols et la raréfaction de la ressource disponible, la gestion de l’eau

en agriculture doit être abordée aujourd’hui de façon plus stratégique et transversale.

Il s’agit de co-construire dans chaque région agricole, des réponses intégrées aux

enjeux d’atténuation et d’adaptation au changement climatique de l’agriculture

pluviale, qui représente 84 % de la SAU, en priorisant les leviers agronomiques

porteurs des solutions pour les enjeux communs de qualité et de quantité d’eau. En

matière d’agriculture, les innovations doivent à la fois porter sur le matériel, sa bonne

utilisation, les choix d’espèces et de variétés de plantes moins sensibles au stress

hydrique, les pratiques améliorant la réserve utile des sols, les assolements adaptés,

tout en s’appuyant sur une bonne connaissance hydrologique du territoire concerné.

Développer ces connaissances et ces techniques suppose un appui interdisciplinaire

très solide et souvent peu reproductible d’un territoire à l’autre. L’investissement dans

un appui interdisciplinaire de qualité et pérenne, s’avère impératif pour accompagner

tous les acteurs d’un territoire, agricoles et non agricoles, dans la réorganisation de

leurs activités face aux bouleversements multiples liés au changement climatique.

Outre l’interdisciplinarité, les spécificités locales doivent être intégrées dans les

travaux de recherche. En effet, pour être performante au sens du développement

durable, l’agriculture doit être adaptée aux caractéristiques pédo-géologiques,

climatiques, hydrologiques, écosystémiques…, de chaque territoire. Il ne s’agit plus,

comme cela a pu être le cas dans le passé, de chercher à reproduire partout un

modèle unique, mais de faire en sorte que les productions (espèces, races et

variétés), les pratiques culturales, les équipements et plus largement les filières,

correspondent à l’agriculture locale et aux perspectives de ses évolutions telles

qu’elles peuvent être définies dans les PRAAD et les PAT. La recherche doit

contribuer à atteindre cet objectif. Les démarches collaboratives et expérimentales

évoquées plus tôt, s’inscrivent parfaitement dans ce cadre. L’avis sur la compétitivité

des filières appelait déjà à cet égard à « favoriser les échanges interdisciplinaires

entre les agriculteurs et les chercheurs, sur les échelles territoriales les plus

pertinentes ».

Les modalités de réalisation des travaux de recherche méritent également une

attention particulière. Trop longtemps, la recherche fondamentale, la recherche

appliquée, les innovations « empiriques » conçues par les agriculteurs et agricultrices

ainsi que leur diffusion par des organismes comme les chambres d’agriculture ou les

coopératives, ont constitué des univers cloisonnés sans véritables passerelles et

échanges entre eux. Cette situation ne favorisait pas l’appropriation par les

professionnels d’innovations imaginées sans eux, puis leur généralisation. En effet,

comme l’a indiqué Marc Giget, déjà cité: « Rien de ce qui me concerne, qui est conçu

sans moi, n’est vraiment fait pour moi ». Pour lui, l’implication de leurs futurs

utilisateurs dans la conception de nouveaux produits et services est donc

déterminante. Il a expliqué à cet égard que les interventions croissantes, observées

actuellement, des agriculteurs et agricultrices dans le champ de l’innovation,

répondaient à l’insuffisante prise en compte, dans une période antérieure, de leurs

besoins réels.

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L’innovation collaborative, soutenue par le monde associatif, bénéficie ainsi d’une

perception favorable. L’Atelier Paysan par exemple, est une coopérative qui

accompagne les agriculteurs et les agricultrices dans la conception et la fabrication

de machines et de bâtiments adaptés aux pratiques agroécologiques. En mobilisant

collectivement les producteurs sur les choix techniques, ils retrouvent une autonomie

par la réappropriation des savoirs et des savoir-faire.

Le décret du 13 mai 2016 dispose que les chambres régionales d’agriculture

doivent créer un service commun “ Recherche-Développement-Innovation ” aux

chambres départementales de leur circonscription destiné à coordonner, animer et

valoriser les programmes de développement, de recherche et d'innovation, en

particulier en matière d'agro-écologie. Il contribue à la capitalisation des données et

produits issus de ces programmes. Il établit des partenariats avec les organismes

régionaux de recherche et de développement.

Cette réorganisation mériterait d’être effective dans les meilleurs délais pour

mieux s’ouvrir aux multiples innovations de terrain permettant d’inventer des modèles

adaptés aux nouveaux contextes agro-climatiques et faciliter la co-construction de

filières plus territorialisées, en lien avec les collectivités territoriales et d’autres acteurs

de la société civile.

Les instituts de recherche publique comme l’INRA et l’IRSTEA se sont eux-aussi

engagés dans des démarches de recherche collaborative avec les agriculteurs et

agricultrices, qui favorisent l’expérimentation en grandeur réelle.

S’agissant de la recherche appliquée pilotée par la profession, les DIGIFERMES

mettent en œuvre des solutions numériques innovantes déjà existantes pour en

mesurer les performances opérationnelles et les vulgariser auprès des agriculteurs

et agricultrices. Elles permettent aussi de tester des idées nouvelles et d’évaluer des

prototypes développés par les organismes de recherche, des start-up ou des

entreprises du numérique. Les exploitations des lycées agricoles constituent

également des laboratoires en grandeur réelle, bien adaptés pour y développer des

innovations.

De nombreux autres exemples pourraient être évoqués pour confirmer que

l’association des structures de recherche et des professionnels dans des travaux

participatifs, s’avère « gagnant-gagnant ». En effet, elle permet aux premiers de

s’assurer en temps réel de la pertinence des objectifs poursuivis et de procéder aux

éventuelles adaptations nécessaires tout en leur offrant des conditions optimales

d’expérimentation. Aux agriculteurs et agricultrices, elle donne les moyens de peser

sur les choix à faire dans les étapes amont de la recherche et favorise leur

appropriation des innovations, en vue de leur mise en œuvre ultérieure. Les

producteurs acquièrent ainsi une plus grande autonomie à la fois en tant que

prescripteurs de la recherche et d’acteurs/actrices appelés à mettre en œuvre ses

résultats, ce qui accroît par conséquent leur « capabilité » définie par le prix Nobel

d’économie Amartya Sen comme « la possibilité effective qu’un individu a de choisir

diverses combinaisons de fonctionnements ».

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Le Partenariat européen pour l'innovation (PEI) qui entend susciter des

partenariats entre les acteurs du développement et de l’enseignement agricole, les

agriculteurs et agricultrices, les chercheurs et chercheuses et les entreprises, s’inscrit

dans cette approche. Il s’agit ainsi de considérer l’innovation agricole non seulement

comme le fruit de la recherche et du transfert de connaissances, mais aussi comme

le résultat d’interactions entre partenaires au sein de réseaux plus ou moins formels.

Outre de conditionner les modalités de réalisation des travaux de recherche, la

nature des défis à relever doit également servir à déterminer les thèmes prioritaires.

Dans le passé, l’accent a été mis sur la sélection génétique ou le machinisme. Même

si ces sujets ne doivent pas être abandonnés, d’autres qui ont pu être précédemment

négligés, méritent d’être mis en avant.

Globalement, ils concernent ce qui permet de mieux concilier le maintien d’une

agriculture productive fournissant des produits de qualité et la prise en compte des

enjeux environnementaux. Ils portent par conséquent tout d’abord sur les pratiques

culturales à développer notamment pour atteindre les objectifs environnementaux

fixés dans le cadre de plans nationaux ou européens et de mesures relevant de la

PAC. Parmi ceux-ci figurent le plan Écophyto 2 qui vise une réduction de moitié de

l'usage des produits phytosanitaire avant 2025, la reconquête de la qualité des eaux

souterraine et de surface, pour laquelle la France doit respecter des obligations vis-

à-vis de l’Europe ou encore les mesures agro environnementales et climatiques

(MAEC). Cela implique de concevoir des méthodes permettant de proscrire le recours

à des produits à impacts négatifs sur les milieux naturels. Faute souvent de solutions

alternatives, une première étape consiste à chercher à limiter au maximum leur

utilisation. Ces formes d’agriculture (raisonnée, de précision…) ont certes permis des

avancées mais il faut désormais aller plus loin et plus vite. Les nouvelles techniques

sur lesquelles la recherche doit se concentrer valorisent des processus et des

organismes naturels pour lutter contre les ennemis des cultures (ravageurs,

adventices c’est-à-dire des « mauvaises herbes considérées comme nuisibles à la

production agricole » maladies…) pour se substituer aux insecticides, herbicides et

autres fongicides. Elles portent elles-aussi différents noms : biocontrôle, lutte

intégrée… L’INRA travaille par exemple sur les trichogrammes (petits insectes

volants dotés de deux paires d’ailes dont les larves se développent dans le corps

d’autres insectes attaquant certaines productions végétales : pyrale du maïs,

carpocapses de la pomme…), qu’elles détruisent.

La mise au point de ces nouveaux outils est nécessaire mais sans doute

insuffisante. Il convient parallèlement de repenser plus globalement les systèmes de

cultures pour allonger les rotations et réintroduire des espèces qui ont souvent

quasiment disparu dans de nombreux territoires. C’est par exemple le cas des

légumineuses qui présentent différents types d’intérêts. Agronomiques tout d’abord,

car non seulement elles ne demandent que peu d’eau et d’intrants par rapport à

certaines céréales, mais elles jouent un rôle très intéressant en termes

d’enrichissement des sols. Alimentaires ensuite, car elles sont sources de protéines

végétales et répondent ainsi aux attentes de nombreux consommateurs et

consommatrices désireux de limiter leur consommation de viande. Pour autant,

l’augmentation de leur production se heurte actuellement à deux difficultés.

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La première tient au fait que durant une longue période, la recherche s’est

désintéressée de certaines plantes (légumes secs, orge, soja, luzerne, vulpin…) au

profit d’autres alors considérées comme prioritaires et plus rentables (blé, maïs,

betteraves…). L’état des connaissances agronomiques relatives à la culture des

légumineuses ainsi que la mise à disposition de variétés permettant de répondre aux

besoins actuels, s’avèrent par conséquent aujourd’hui lacunaires.

La seconde difficulté concerne moins directement la recherche fondamentale

puisqu’elle est d’ordre économique. En effet, la raréfaction de ces espèces végétales

est allée logiquement de pair avec celle des filières de commercialisation, stockage

et transformation qui leur sont dédiées. Il s’agit désormais de recréer de tels outils.

C’est un chantier de moyen terme qui peut être qualifié d’innovation dans lequel des

groupements de producteurs et des coopératives se sont engagés.

Enfin, il est un problème déjà évoqué auquel la recherche doit accorder une

attention toute particulière puisqu’il va fortement conditionner l’avenir de l’agriculture :

la diminution à une échéance très proche de certaines ressources naturelles et

notamment, les énergies fossiles. En effet, il serait totalement contreproductif de

concevoir des équipements ou des pratiques qui se révèleraient rapidement

inutilisables car dépendantes de matières premières indisponibles ou simplement

devenues trop onéreuses.

Préconisation n°4 : « Adapter les modalités et les contenus de la

recherche aux défis à relever »

Pour apporter des réponses adaptées aux spécificités des territoires et aux

systèmes de production à développer (agriculture biologique, agroécologie,

pratiques économes en ressources naturelles, en énergie, contribution à la

lutte contre le changement climatique), une approche systémique et

transversale est nécessaire. Elle repose sur une articulation entre les travaux

de recherche par discipline et des démarches intégratives et collaboratives.

Dans ce cadre, une attention particulière doit être accordée à la réduction des

impacts négatifs de certains modes de production agricole et au

développement des services écosystémiques que peut rendre l’agriculture,

ainsi qu’à l’évaluation de leurs impacts.

Dans les préconisations qui précèdent, l’accent est mis sur la nécessité de veiller

à ce que les travaux de recherche permettent de répondre aux besoins des futurs

utilisateurs, c’est-à-dire qu’ils soient bien finalisés. Pour autant, il serait dangereux de

n’orienter la recherche que vers des objectifs parfaitement identifiés à court terme.

En effet, l’ASIRPA (Analyse des Impacts de la Recherche Publique Agronomique),

approche d’évaluation des impacts socio-économiques de la recherche développée

par des chercheurs et chercheuses de l’INRA, révèle qu’il s’écoule en moyenne 19

ans entre le début des recherches et la concrétisation de leur impact. L’exigence de

retours rapides serait donc contre-productive. L’importance de tels délais est

considérée par les économistes comme l’une des justifications du financement public

de la recherche.

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De plus, de nombreux exemples montrent que c’est parfois dans le cadre de

recherches fondamentales que des découvertes « non prévues » ont été réalisées et

ont permis des avancées significatives. Enfin, les mêmes types de travaux peuvent

se révéler très utiles lors de crises. C’est par exemple le cas des recherches menées

sur le prion, un agent pathogène constitué d’une protéine responsable de

l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), qui ont permis lors de la crise de « la

vache folle », d’adopter rapidement des mesures appropriées et d’en limiter les

conséquences.

Au-delà de ces initiatives qu’il convient d’encourager, les chercheurs et

chercheuses pourraient eux aussi favoriser à titre individuel le dialogue avec les

citoyens et citoyennes dans un double objectif : faire mieux connaître et comprendre

les innovations pour favoriser leur acceptation ; enrichir les travaux de recherche par

des apports d’autres parties prenantes. Malheureusement, ils n’y sont pour le

moment que peu incités. Ainsi, le centre d’étude et de prospective du ministère de

l’Agriculture relève-t-il que : « le passage d’un paradigme où la découverte scientifique

est fondée sur l’autonomie des chercheurs, de leurs disciplines et de leurs institutions,

à un autre où la production de connaissances est plus ancrée socialement, plus

interdisciplinaire et orientée vers l’application, nécessite de repenser les incitations et

l’évaluation des chercheurs et des chercheuses. »

Par ailleurs, l’évaluation des chercheurs et chercheuses, déterminante pour leur

déroulement de carrière, est aujourd’hui principalement fondée sur des éléments

académiques comme les publications dans des revues scientifiques destinées à leurs

pairs. C’est pourquoi dans son avis de 2017 « Science et société : répondre aux

enjeux climatiques » le CESE a préconisé que « les efforts des chercheurs pour

établir et maintenir des liens avec la société, allant éventuellement jusqu’à la

coconstruction de projets de recherche, soient facilités en temps et en moyens et

pleinement reconnus et valorisés dans la formation doctorale, comme dans le

déroulement de la carrière des chercheurs, ainsi que la loi le prévoit. Dans tous les

cas, le CESE préconise que dans l’exposé des titres et travaux des scientifiques, une

place soit systématiquement dédiée à leur implication sociétale au bénéfice de la

diffusion et/ou de la production collaborative de connaissance ». Cette préconisation

toujours d’actualité, pourrait s’appliquer aux modalités d’évaluation des chercheurs et

des chercheuses dans le domaine agricole.

S’agissant du financement des travaux menés par les organismes publics qui

doivent être les garants d’une recherche fondamentale indépendante, une part

significative provient de contrats obtenus dans le cadre d’appels à projets auxquels

s’ajoutent les contrats conclus avec des entreprises ou des organismes privés. Selon

Christine Cherbut, les unités de recherche de cet institut fonctionnent en moyenne

grâce à 60% de ressources contractuelles, c’est-à-dire ne provenant pas de la

subvention accordée par l’Etat. Pour certaines d’entre elles, ce serait même 90%. Ce

constat révèle que ces structures doivent consacrer beaucoup de temps et d’énergie

à rechercher ces budgets. En effet, dans un souci au demeurant légitime de

transparence et pour favoriser les partenariats entre organismes y compris au niveau

européen, les procédures de mise en concurrence des laboratoires sont de plus en

plus complexes. Elles peuvent également reconnaître en priorité une forme

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d’excellence académique. De nombreux chercheurs et chercheuses consacrent par

conséquent la majorité de leur activité, non pas à mener des travaux de recherche ce

qui devrait constituer leur mission essentielle, mais à élaborer des dossiers dont seule

une petite partie aboutit, en vue d’obtenir des financements. Cette difficulté a déjà été

soulignée dans l’avis du CESE sur les pôles de compétitivité, qui a également mis en

évidence les risques de perte d’indépendance de la recherche publique dès lors que

celle-ci devient contrainte pour fonctionner, d’augmenter dans de fortes proportions

ses contrats avec des intérêts privés disposant de moyens financiers très importants.

L’organisation de la recherche dans notre pays constitue également un sujet qui

mérite d’être examiné. La France dispose en la matière d’un arsenal, public et privé,

très complet et très performant. L’INRA est par exemple considéré comme le

deuxième organisme du monde dans son domaine, selon le classement basé sur les

publications scientifiques, établi par Essential Science Indicators - Thomson-Reuters.

Cette richesse se traduit cependant par une grande complexité. En effet, pour le non

initié, comprendre l’organisation interne des acteurs principaux de la recherche

publique (INRA, IRSTEA, école supérieures d’agronomie, vétérinaires…), la

répartition de leurs domaines respectifs d’intervention ainsi que les modes de

collaboration qui existent entre eux, s’avère très ardu. De plus, il existe un

foisonnement de statuts pour les structures de recherche (UMT, RMT, GIS…) et de

nouvelles unités continuent à être créées, parfois sur des thématiques déjà couvertes

par d’autres déjà existantes, les systèmes de production par exemple. Il en est de

même pour les organismes privés de recherche finalisée (instituts techniques), qui

entretiennent entre eux mais aussi avec les précédents, des relations de coopération.

Des efforts de rationalisation et de coopération ont certes déjà été réalisés avec

notamment des regroupements fonctionnels au niveau régional. De plus, différents

chantiers de fusion ont été engagés, le plus ambitieux étant celui en cours destiné à

regrouper l’INRA et l’IRSTEA (ex Cemagref). Ce mouvement vise à favoriser les

approches systémiques difficilement compatibles avec des structures trop éclatées,

et à permettre d’atteindre les tailles critiques nécessaires en moyens humains et

financiers, au regard de l’ambition des programmes à mettre en œuvre. La

problématique est la même s’agissant de la recherche privée. On peut ainsi

s’interroger quant à l’existence de Terres-Innovia, institut technique lui-même issu

d’une fusion en 2015, en charge de la R&D sur les oléoprotéagineux, à côté

d’ARVALIS pourtant intitulé « institut du végétal ». Ces découpages, résultant

généralement de construction historique, apparaissent aujourd’hui anachroniques et

sans objet.

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Préconisation n°5 : « Conforter la recherche fondamentale et

rendre plus efficiente l’organisation de la recherche française »

Les moyens accordés à la recherche publique doivent être renforcés pour

pérenniser la recherche fondamentale et garantir son indépendance qui revêt

une importance majeure, en particulier dans le cadre de l’application du

principe de précaution. De plus, il convient de revoir les modalités des appels

à projets dont les procédures sont de plus en plus complexes et chronophages

afin de faire en sorte que les chercheurs et chercheuses consacrent leur temps

à leur mission essentielle. Au niveau des organismes de recherche publique et

privée, la coordination de leurs travaux et la mutualisation de leurs champs de

compétences respectifs doit être encouragée. Elle peut justifier des

rapprochements, nécessitant le cas échéant de lever d’éventuels obstacles

juridiques dès lors qu’ils visent à favoriser les approches systémiques et

transversales, et non à réaliser des économies.

Les échanges entre la science, les agriculteurs/agricultrices et la société, doivent

être renforcés. C’est par exemple ce que vise le Réseau mixte technique (RMT) «

bien-être animal », sujet dont l’importance est croissante parmi les préoccupations

sociétales, qui regroupe des instituts techniques, des organismes de recherche liés

au développement, des acteurs de l'élevage, les enseignements technique et

supérieur autour des objectifs suivants :

- s’informer mutuellement, développer des méthodologies communes ;

- faire vivre des groupes de travail (prise en charge de la douleur, relation

hommes-animaux) ;

- échanger sur les perspectives et faire émerger de nouveaux projets,

notamment par des techniques de co-construction des innovations par

différents acteurs ;

- valoriser les travaux via la formation et le transfert de savoirs, de compétences

et d’outils opérationnels pour améliorer le bien-être animal.

D’autres types de relations institutionnalisées ont progressivement été mises en

place à cet effet : sièges attribués à des représentants d’organisations agricoles, de

consommateurs et consommatrices et de protection de l’environnement dans les

instances de gouvernance des instituts de recherche…

De plus, certaines initiatives visent à mieux faire connaître au grand public, le

monde de la recherche ainsi que les modalités et les finalités des travaux qui y sont

menés. Ainsi, de nombreux organismes de recherche organisent régulièrement des

portes ouvertes. Le centre expérimental d’Arvalis, visité par la section, qui est doté

d’une plateforme très sophistiquée permettant d’étudier l’adaptation des céréales au

stress hydrique, propose par exemple de telles opérations pour faire comprendre aux

visiteurs comment l’agriculture fait face au changement climatique. Le projet Brie’EAU

construit actuellement un parcours pédagogique relatif à la biodiversité sur un des

sites.

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Porter à la connaissance des agriculteurs et des agricultrices les innovations les

plus récentes, faire en sorte qu’ils se les approprient et les diffusent autour d’elles/eux,

constitue un enjeu majeur pour que le monde agricole dans son ensemble, procède

aux changements nécessaires. C’est un des rôles des conseillers de différents types

d’organismes publics et privés (chambres d’agriculture, coopératives…). C’est aussi

ce à quoi contribuent des collectifs plus informels. C’est également la mission de la

formation qu’elle soit initiale ou continue. Or, s’il apparaît que le lien fonctionne bien

entre la recherche et l’enseignement supérieur, il mérite d’être renforcé pour

l’enseignement technique. C’est pourtant à ce niveau que sont formés les futurs

agriculteurs et futures agricultrices ainsi que les salariés agricoles hommes et

femmes, ces derniers rencontrant cependant fréquemment des difficultés pour

accéder aux dispositifs de formation continue existants. C’est également au sein des

lycées agricoles que se trouvent les centres de Formation Professionnelle et de

promotion agricole (CFPPA), destinés à accompagner les reconversions ou plus

largement à aider celles et ceux qui exercent déjà ce métier, à approfondir et

actualiser leurs connaissances et leurs compétences. Lors de son audition, Christine

Cherbut de l’INRA, a indiqué que même si des actions se développent déjà dans cet

objectif, elle souhaitait que soient accomplis des efforts de la part des instituts de

recherche vis-à-vis de ce type d’établissements afin que les enseignements qu’ils

dispensent intègrent mieux les dernières avancées de la science, par exemple

s’agissant des techniques liées au numérique.

Préconisation n°6 : « Renforcer les liens entre recherche,

innovations et formation »

L’établissement de liens plus étroits entre recherche et enseignement

technique doit permettre de mieux intégrer dans les programmes de formation

initiale et continue, les innovations récentes visant à la durabilité de

l’agriculture, des exploitations et des emplois, c’est-à-dire relatives aux défis

prioritaires énoncés précédemment (changement climatique, raréfaction des

ressources, gestion de l’eau, viabilité économique…).

2. Favoriser l’émergence et la diffusion d’innovations

individuelles et collectives de toutes natures

Si la recherche joue un rôle essentiel pour faire naître des innovations en

agriculture, les agriculteurs et les agricultrices sont également des acteurs majeurs

dans cette voie. En effet, ceux-ci interviennent à plusieurs niveaux. Tout d’abord, ce

sont eux qui doivent s’emparer des innovations et les mettre en œuvre dans leurs

activités quotidiennes. Ils peuvent aussi constituer de précieux partenaires pour les

organismes publics ou privés de recherche dans le cadre de travaux collaboratifs

donnant lieu à des expérimentations en milieu ouvert. Enfin et surtout, ils/elles sont

eux-mêmes des innovateurs en puissance qui, face aux difficultés rencontrées ou

plus généralement pour améliorer leurs conditions de travail et les performances de

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leurs exploitations, imaginent de nouvelles solutions organisationnelles,

agronomiques ou techniques. Ces dernières peuvent résulter d’idées individuelles

mais sont le plus souvent le fruit de réflexions collectives. Certaines pratiques

agronomiques innovantes (systèmes intensifs herbagers, associations d’espèces,

etc.) ont ainsi émergé en dehors de structures institutionnelles, au sein de réseaux

d’agriculteurs et d'agricultrices pionniers. L’exemple des circuits de proximité est

également significatif : les premiers points de vente collectifs furent mis en place par

des agriculteurs et agricultrices innovants qui se constituèrent en réseaux pour

échanger leurs expériences quant à la mise en place de tels modes de

commercialisation de leurs produits. Or tout changement, qu’il vise à résoudre un

problème ou à être source de progrès, induit nécessairement des risques souvent

difficiles à évaluer a priori. Ce n’est qu’après une période de transition, variable selon

l’importance et la nature des innovations, que les difficultés peuvent être considérées

comme surmontées.

Pour Corinne Tanguy, chercheuse à l’INRA, les porteurs d’innovation sont

confrontés à 3 types de freins :

- techniques, par exemple en se lançant dans une nouvelle culture qu’ils ne

maîtrisent pas ou une nouvelle technique susceptible de faire baisser les

rendements ;

- économiques et commerciaux, avec notamment des interrogations quant aux

futurs débouchés ;

- sociaux et culturels, en se marginalisant « s’ils ne font pas comme les autres ».

Le métier d’agriculteur ou d'agricultrice se caractérise par une forme de solitude

fa ce à la prise de décision et donc de risque, même si le développement des GAEC

(groupements agricoles d’exploitation en commun) a permis de répartir entre

plusieurs personnes, les responsabilités à la tête d’une exploitation.

Une des clés essentielles pour affronter les conséquences induites par des

changements freins, réside par conséquent dans la mise en œuvre de démarches

collectives qui permettent des échanges face à des choix délicats mais aussi de

mutualiser certains risques. Différentes formes d’organisation juridiquement

reconnues (coopérative, GIEE, CIVAM…) ou plus informelles, existent déjà. Elles

peuvent exercer une double mission : représenter un espace privilégié pour

l’élaboration en commun de connaissances, de nouveaux savoirs et

l’accompagnement des agriculteurs et agricultrices innovants. La coopérative

Terrena a ainsi créé le réseau des « Sentinelles de la terre », adhérents qui

s’engagent à mettre en œuvre des pratiques innovantes et à les diffuser autour

d’eux/elles, qu’elle accompagne dans cette voie. De son côté, le réseau CIVAM

développe une démarche « TransAE » qui propose de co-construire de nouvelles

connaissances avec les agriculteurs et les agricultrices, mais aussi de nouvelles

ressources et méthodes d'accompagnement ou de formation, pour permettre aux

élevages bovins de mettre en place un système de production herbager plus

autonome, s'attachant à tirer le meilleur parti des ressources naturelles présentes sur

l'exploitation et induisant une réduction importante des intrants (engrais de synthèse,

aliments importés, phytosanitaires et antibiotiques, énergies fossiles,…) ainsi que des

capitaux.

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Suite à un amendement déposé à l’Assemblée nationale, la loi pour « des

relations commerciales équilibrées dans le secteur agricole et une alimentation saine

et durable », découlant des EGA, reconnaît et soutient les collectifs composés d’une

majorité d’agriculteurs et d'agricultrices ayant pour vocation la mise en commun de

façon continue et structurée, de connaissances ainsi que de ressources humaines et

matérielles.

Les représentants du parc naturel régional de l’Avesnois ont insisté lors de leur

audition, sur l’importance de cette dimension apportée par des groupes d’échanges

entre agriculteurs et agricultrices qui ont besoin de se voir et d’échanger des savoir-

faire entre pairs, car les conseils fournis par des experts ne leur suffisent pas. Il

convient donc d’accompagner les pionniers dans la durée et de les soutenir dans les

étapes préliminaires en les aidant notamment à se structurer en réseaux.

Pour limiter les risques encourus et encourager les agriculteurs et agricultrices à

innover plutôt qu’à appliquer et reproduire des méthodes « clés en main » conçus par

d’autres, les politiques publiques proposent des mesures d’accompagnement soit

individuel comme le soutien à la conversion en agriculture biologique, soit collectif.

L’avis sur les SIQO a appelé à pérenniser et augmenter les aides à la conversion

biologique et celui sur la compétitivité des filières, à renforcer les soutiens collectifs :

« il faut promouvoir et soutenir ces initiatives de recherche ascendante, innovation et

développement, mettant en synergie les acteurs des territoires, à différentes échelles,

en leur apportant de réels moyens financiers d’animation et d’accompagnement. »

Créé en 1983 et élargi au secteur agricole en 2000, le crédit d’impôt recherche

(CIR) est destiné à soutenir et encourager les efforts de recherche et développement

des entreprises. Institué en 2013, le Crédit Impôt Innovation s’adresse aux PME. Les

exploitations agricoles peuvent donc théoriquement en bénéficier. Or, il s’avère qu’en

2014, le secteur « agriculture, sylviculture et pêche » n’a représenté que 0,1% de la

créance allouée au volet « innovation ». Cela s’explique essentiellement par une

double condition à remplir par les bénéficiaires du CIR, qui ne correspond pas aux

spécificités de l’agriculture : relever de certains dispositifs fiscaux et pouvoir justifier

de dépenses relatives à l’emploi de chercheurs et chercheuses ou s’inscrivant dans

le cadre de conventions avec des organismes de recherche. Il est par conséquent

regrettable que les acteurs agricoles innovants ne puissent effectivement accéder à

ce dispositif qui bénéficie essentiellement aux grands groupes du fait des moyens

humains plus conséquents dont ils disposent, et dont l’efficacité est parfois contestée.

Le CASDAR (compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et

rural) alimenté par une taxe sur le chiffre d'affaires des exploitations, est l’outil

principal de financement de l’innovation dans le secteur agricole. Il doit permettre de

répondre à cette attente. Avec une dotation de l’ordre de 140 M€ par an ces dernières

années, il sert en effet à la mise en œuvre de la mission « développement agricole et

rural » annexée au budget du ministère de l’agriculture. Elle vise à « contribuer à

l'adaptation permanente de l'agriculture et du secteur de la transformation des

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produits agricoles aux évolutions scientifiques, technologiques, économiques et

sociales dans le cadre des objectifs de développement durable, de qualité des

produits, de protection de l'environnement, d'aménagement du territoire et de

maintien de l'emploi en milieu rural » (Article l820-1 du code rural et de la pêche

maritime). Les actions actuellement financées par le CASDAR s’inscrivent dans le

programme national de développement agricole et rural (PNDAR) pour la période

2014-2020 dont la colonne vertébrale est constituée par le projet agroécologique pour

la France défini dans la loi d’Avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt.

Ces actions sont de trois types :

- des programmes (pluri)annuels ;

- des appels à projets ;

- des actions transversales.

Parmi les bénéficiaires des programmes pluriannuels, on trouve outre les

chambres d’agriculture, les instituts techniques ou encore les établissements

d'enseignement supérieur agricole, les organismes nationaux à vocation agricole et

rurale (ONVAR) sélectionnés en 2014. Au nombre de 18 comprenant Coop de

France, les CIVAM, la FNAB, Terres de Liens et la FNCUMA, TRAME, les ONVAR

sont des têtes de réseaux qui ont en commun de travailler avec des groupes

d'agriculteurs et d'agricultrices sur des démarches de développement ascendantes

(cf. liste en annexe). Le CASDAR sert également à financer l’enseignement agricole

public ainsi que des organismes de recherche comme l’INRA.

Par ailleurs, de nombreuses Régions accordent elles-aussi des soutiens à des

structures assurant des missions d’animation et d’accompagnement des agriculteurs

et agricultrices. Or, on constate qu’actuellement, certaines d’entre elles remettent en

cause tout ou partie de ces subventions, ce qui risque d’entraîner le licenciement de

salariés hommes et femmes et de compromettre des dynamiques engagées depuis

de nombreuses années, qui ont permis des évolutions très positives pour les

exploitations des territoires considérés.

Les EGA ont eux-aussi souligné l’intérêt que «… les groupements d’agriculteurs

puissent bénéficier d'animateurs formés, dédiés et indépendants, et qu’il y ait une

reconnaissance du transfert de savoirs entre agriculteurs » et par conséquent « … le

besoin d’améliorer le financement de l’animation (en termes d’accessibilité et de

moyens associés), la formation des collectifs qui se constituent dans les territoires, et

de renforcer et optimiser les démarches de type GIEE ou les groupes opérationnels

du partenariat européen d’innovation (PEI) ». Ils ont également formulé des

propositions visant à élargir et renforcer les mesures en faveur de l’innovation dans

le secteur de l’agriculture, parmi lesquelles l’éligibilité au crédit impôt recherche et au

crédit impôt innovation pour les structures agricoles innovantes (par exemple des

groupements de producteurs) et les TPE de secteurs d'avenir (biocontrôle), la

possibilité de qualifier et valoriser la performance écologique d'agroéquipements ou

encore des adaptations de règles ou régimes fiscaux (affectation des subventions

aux CUMA…).

La R&D et les innovations qui en découlent, sont perçues comme des moteurs

essentiels de développement et d’amélioration de la performance économique des

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entreprises. Cela est vrai dans tous les secteurs mais sans doute insuffisamment

reconnu pour celui de l’agriculture, trop souvent considéré par celles et ceux qui n’en

font pas partie comme une activité traditionnelle qui aurait moins besoin d’évoluer que

d’autres. De plus, à quelques exceptions près, l’agriculture au sens strict n’est

constituée que de petites entreprises, des TPE si on se réfère à la terminologie de

l’industrie. Ce double constat explique pourquoi, malgré le poids économique du

secteur et son importance pour l’emploi et la balance commerciale nationale, les

entreprises agricoles sont un peu oubliées voire exclues de différents dispositifs de

soutiens et d’incitation aux efforts de recherche et d’innovation.

Sur cette question du manque de visibilité, le Parlement européen dans sa

résolution de juin 2016 "Solutions technologiques pour une agriculture durable",

préconise de faire connaître à la société la valeur de l'agriculture européenne et de

développer des centres transeuropéens d'innovation agricole. Ces centres dont la

vocation serait de faciliter l’accès aux nouvelles technologies innovantes, seraient

transparents et ouverts au public comme aux agriculteurs et agricultrices.

Préconisation n°7 : « Aider financièrement les démarches

institutionnelles, associatives et coopératives innovantes ainsi que

leur accompagnement »

Différentes mesures complémentaires sont envisageables dans cet objectif,

elles ne doivent pas être réservées aux acteurs institutionnels mais pouvoir

bénéficier à des groupes plus informels d’agriculteurs et agricultrices :

Faciliter l’accès des groupements d’exploitations innovantes au Crédit

Impôt Recherche (CIR), en particulier pendant les périodes de transition, en

adaptant ses modalités aux spécificités du secteur agricole ;

Restreindre l’utilisation du CASDAR au seul soutien des initiatives

bénéficiant aux professionnels qui l'alimentent, conduites notamment par les

chambres d’agriculture et les ONVAR ;

Maintenir les financements publics actuels émanant notamment des

collectivités territoriales, en particulier pour l’accompagnement de collectifs

d’agriculteurs et d'agricultrices innovants (fonctionnement et rémunération de

salariés hommes et femmes pour les PNR, les CIVAM, service d’aide au

montage de dossiers…). Globalement, il convient de communiquer sur

l’importance stratégique de l’innovation en agriculture, y compris sociale et

organisationnelle, afin que ce secteur soit mieux pris en compte dans les

politiques publiques et bénéficie d’appels à projet dédiés, en particulier du

Programme des Investissements d’Avenir (PIA) comme cela est d’ailleurs

prévu dans les appels à projets pour 2018/2019.

Les démarches collectives entre exploitations sont très utiles pour aider celles-ci

à affronter les difficultés et à favoriser la prise de risque. Parallèlement, la dimension

filière mérite également d’être valorisée dans cet objectif. En effet, c’est un cadre bien

adapté pour initier des innovations, en particulier sociales ou organisationnelles,

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susceptibles d’être portées par les différents acteurs de l’amont à l’aval et d’avoir des

impacts positifs pour chacun d’entre eux. Les interprofessions doivent par

conséquent s’emparer de cette problématique et jouer un rôle de catalyseur ou de

régulateur selon les cas. Lors de son discours, le 11 octobre 2017 au marché de

Rungis dans le cadre des EGA, le président de la République a demandé aux

interprofessions d'élaborer des plans de développement et de transformation des

filières agricoles et agroalimentaires. L’examen de ces plans révèle que de

nombreuses interprofessions y ont intégré des actions dépassant les finalités

classiques de communication sur les produits et d’amélioration des relations entre les

différents échelons. Des innovations multidimensionnelles sont ainsi projetées. La

filière « fruits et légumes » s’engage à réduire l’utilisation de pesticides et la

consommation de ressources naturelles. Celle des volailles de chair va déployer dans

les organisations de producteurs via une application smartphone, l’outil « EBENE »

construit en collaboration avec des ONG au niveau de l’ITAVI, et destiné à évaluer le

bien-être animal dans les élevages. Autre exemple, la filière porcine entend regagner

des parts de marché grâce à la commercialisation de produits répondant eux-aussi

aux nouvelles attentes des consommatrices et des consommateurs. Ainsi, dans les

modes de production et de transformation du « porc français » seront

systématiquement introduits des critères de type RSE. Ces différentes démarches

visant une montée en gamme et la prise en compte de problématiques sociétales,

correspondent à l’esprit des préconisations formulées par le CESE dans ses avis

respectifs sur la compétitivité et les signes officiels de qualité (SIQO).

La mise en œuvre d’innovations au niveau des exploitations inclut souvent un

volet technologique, c’est-à-dire la nécessité d’acquérir de nouveaux équipements

qui représentent des investissements financiers susceptibles d’être très importants.

S’ils résultent de choix véritablement réalisés par un agriculteur ou une agricultrice, il

incombe à celui-ci ou à celle-ci, de s’assurer qu’ils sont économiquement possibles

et utiles pour son exploitation. En revanche, s’ils découlent d’incitations, voire de

décisions émanant d’autres acteurs, les intéressés peuvent avoir à assumer des

investissements qu’ils n’auraient pas spontanément réalisés. De plus, l’augmentation

significative de la valeur des actifs d’une ferme peut se révéler préjudiciable à terme,

en compromettant la possibilité de lui trouver un repreneur ou une repreneuse. C’est

d’ailleurs pour répondre à ce type de problématiques que les coopératives d'utilisation

de matériel agricole (CUMA) ont été créées dès 1945, pour favoriser la mécanisation

de l’agriculture.

C’est une dimension de l’innovation qui doit être prise en compte dans le cadre

d’innovations impulsées au niveau d’une filière pour faire en sorte que l’ensemble des

agriculteurs et agricultrices concernés puissent en être parties prenantes. Il appartient

donc à ceux qui les conçoivent, de prendre en compte dès l’amont les conditions dans

lesquelles ceux à qui elles sont destinées pourront s’en emparer. Au-delà de l’aspect

financier, se pose aussi la question de la complexité croissante d’utilisation de

machines de plus en plus sophistiquées.

C’est pourquoi toutes les formes d’organisations originales facilitant l’accès à des

outils innovants sont à encourager. De nombreuses structures proposent déjà des

actions qui s’inscrivent dans cet esprit. Ainsi, la coopérative ValFrance s’est dotée

d’une plateforme collaborative baptisée WeFarmUp destinée à la location de matériel

agricole entre professionnels. Des CUMA ont choisi d’élargir l’éventail des

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équipements qu’elles mutualisent notamment dans le domaine du numérique avec

par exemple des drones qui offrent différents services à leurs adhérents pour mettre

en œuvre une agriculture de précision. D’autres investissements sont destinés à

améliorer les conditions de travail comme une CUMA qui par exemple, a acheté une

machine très onéreuse pour réduire la pénibilité du désherbage manuel.

Préconisation n°8 : « Encourager l’innovation au sein des filières

en veillant aux conditions de son déploiement par les agriculteurs et

les agricultrices»

L’identification d’innovations concernant l’ensemble des acteurs et la

définition des conditions de leur mise en œuvre, devraient être systématisées

dans les plans de filières conçus par les interprofessions. S’agissant du

second aspect, une attention particulière doit être accordée quant à

l’importance des investissements rendus ainsi nécessaires pour les

agriculteurs et les agricultrices. Pour y répondre, toutes les formes de

mutualisation, notamment coopératives, sont à encourager.

Au sein des entreprises, on observe la mise en œuvre de stratégies pour favoriser

l’émergence d’innovations imaginées par les salariés hommes et femmes. Ainsi,

Unicoque, coopérative qui collecte et commercialise la majeure partie des noisettes

produites en France, permet à ses salariés hommes et femmes de devenir associés

non coopérateurs. Ceci les encourage à s’associer pleinement aux réflexions sur les

changements à mettre en œuvre, qu’ils soient techniques (choix variétaux, méthodes

de production agricole, de cassage, de transformation…), mais également

organisationnels, dans une entreprise pour laquelle l’innovation permanente est la clé

de sa pérennité économique. Cette démarche correspond au souhait du Parlement

européen dans sa résolution de juin 2016 "La promotion de l'innovation et du

développement économique en rapport avec une gestion agricole d'avenir pour l'UE",

d’accorder davantage de reconnaissance aux jeunes agriculteurs et agricultrices

ayant des idées novatrices et aux entreprises présentant des modes innovants de

fonctionnement et de gouvernance.

L’engagement des acteurs, s’appuyant sur un véritable dialogue social dans les

entreprises agricoles dont les coopératives, dans le cadre de la responsabilité

sociétale des entreprises (RSE), peut se traduire par des pratiques innovantes. Elles

peuvent porter sur la mise en œuvre d’un programme de suivi de la sécurité et de la

qualité de vie au travail, la définition partagée des indicateurs de la RSE et l’évaluation

dans le cadre des négociations collectives, le suivi de l’égalité salariale femmes-

hommes, la mise en place de dispositifs de comptes épargne-temps ou d’épargne

salariale… Il en va de même s’agissant des initiatives visant à associer les

représentants des salariés hommes et femmes à la gouvernance des entreprises.

Enfin, la mise en œuvre des innovations nécessite une démarche stratégique

d’ensemble qui doit se traduire par des contrats de transition écologique, numérique

et technologique, établis entre les partenaires sociaux. A cet égard, l’avis « TPE-PME,

comment réussir le passage à la neutralité carbone ? » de septembre 2018, appelle

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à sensibiliser et impliquer les salariés et salariées dans les démarches de neutralité

carbone, car il s’agit là pour les TPE-PME, d’un atout pour conduire le changement

et d’une thématique importante en termes de dialogue social.

Enfin, le travail saisonnier, déjà évoqué dans le présent avis, constitue un

domaine qui concerne directement l’agriculture et dans lequel des innovations

sociales peuvent être mises en œuvre pour développer le rôle des salariées et des

salariés.

Préconisation n°9 : « Favoriser l’innovation sociale grâce à

l’implication des salariés et des salariées »

Mieux reconnaître, les salariés et salariées ainsi que leurs représentants

comme des acteurs des stratégies d’innovation des entreprises, constitue une

véritable innovation sociale. Cela doit se traduire, au-delà des aspects de

rémunération, par leur implication dans le choix et le suivi des indicateurs de

RSE, l’élaboration de contrats de transition écologique, numérique et

technologique intégrant la formation, la qualification professionnelle,

l’organisation et la qualité du temps de travail des salariés hommes et femmes.

Par ailleurs, s’agissant des travailleurs saisonniers, il convient d’encourager

ceux-ci à être parties prenantes dans la création, le fonctionnement et la

gouvernance des groupements d’employeurs, ce que favorisent des statuts

juridiques comme les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC).

Des stratégies nationales visant à promouvoir des pratiques agricoles innovantes

sont régulièrement engagées par les gouvernements successifs. Leurs objectifs

consistent généralement à concilier la viabilité économique des exploitations et la

diminution des impacts de l’activité agricole sur les ressources et les milieux naturels.

Elles s’appuient sur des outils bénéficiant de financements publics. Ainsi durant les

20 dernières années, sont apparus les contrats territoriaux d’exploitation (CTE), les

GIEE, le plan Ecophyto ou encore le projet agroécologique.

Toutes ces démarches qui présentent indéniablement un intérêt, ont permis

d’expérimenter des initiatives porteuses d’avenir. En revanche, la précipitation dans

laquelle elles ont souvent été lancées puis l’arrêt brutal de certaines d’entre elles

notamment suite à des changements gouvernementaux, apparaissent inadaptés face

aux « pas de temps » de l’agriculture qui nécessite de s’inscrire dans la durée et une

véritable continuité. Elles ont cependant fait l’objet de dispositifs d’évaluation, sous

forme de rapports d’étape, faute d’avoir pu être menées à leur terme et bénéficié du

recul nécessaire.

C’est le cas pour le 1er plan Ecophyto lancé en 2008, qui a notamment fait l’objet

d’un rapport remis au Premier ministre (s’appuyant sur une large consultation

publique). Il apportait des explications sur l’échec observé quant à l’objectif de réduire

de 50% l’utilisation des produits phytopharmaceutiques dans un délai de 10 ans

(augmentation de 5% du recours à ces produits entre les périodes 2009/2010/2011

et 2011/2012/2013). Il a également formulé des recommandations pour l’élaboration

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d’Ecophyto 2. Certaines d'entre elles ont effectivement été prises en compte, mais,

selon l’auteur du rapport, il reste difficile de créer « un cadre socio-économique

propice à des systèmes de production beaucoup plus autonomes vis-à-vis des

intrants». S’agissant du projet agroécologique initié par son prédécesseur, que

l’actuel ministre de l’Agriculture avait annoncé reprendre à son compte pour permettre

aux exploitations de devenir « multi-performantes », son comité d'évaluation a rendu

un rapport d’avancement en 2017 et commandé une étude sur la mobilisation des

filières agricoles mais ne semble pas actuellement poursuivre ses travaux. Les GIEE

existent toujours mais ne bénéficient plus du soutien politique de leurs débuts.

La politique agricole doit être coordonnée avec les autres politiques publiques et

s’inscrire dans la durée pour permettre une évaluation sur le long terme et le suivi des

mêmes indicateurs. La mobilisation de tous les acteurs en sera facilitée.

Le CASDAR est fréquemment utilisé pour financer des actions s’inscrivant dans les

stratégies qui viennent d’être évoquées. Un récent rapport d’évaluation du CASDAR

(Synthèse du rapport d’évaluation de projets de l’appel à projets d’innovation et de

partenariat) souligne les progrès accomplis en termes de conduite de projets

complexes multi-partenariaux et de généralisation du travail en mode projet parmi les

acteurs du développement agricole. Toutefois, cette étude relève aussi la persistance

de certains freins relatifs à la difficulté d’anticiper les suites du projet pendant son

déroulement, ce qui génère un risque de perte de la dynamique créée une fois qu’il

est considéré comme abouti. Ce rapport pointe aussi la diffusion trop limitée à un

réseau d’acteurs institutionnels déjà sensibilisés, des enseignements tirés des

actions financièrement soutenues. Par conséquent, l’ensemble des agriculteurs et

agricultrices qui constituent pourtant la cible prioritaire, ne bénéficient que de

retombées très indirectes, contrairement aux conseillers et conseillères des différents

organismes. Cet aspect est actuellement pris en compte pour les GIEE qui font l’objet

d’un programme national afin de coordonner les programmes régionaux de

capitalisation, confiés aux Chambres régionales d’agriculture.

Préconisation n°10 : « Pérenniser, analyser et évaluer les

stratégies nationales d’innovation, identifier les démarches

innovantes et valoriser les réussites »

Les grandes stratégies nationales d’incitation et de soutien aux innovations

doivent s’inscrire dans la durée. Elles doivent être régulièrement analysées et

évaluées, à la fois pour procéder aux éventuels ajustements nécessaires mais

aussi pour repérer au plus près du terrain, les initiatives fructueuses qu’elles

ont contribué à faire naître. De même, les échecs constatés doivent faire l’objet

d’un examen approfondi, en toute indépendance et objectivité. Les résultats de

ces travaux doivent être largement diffusés tant pour enrichir les réflexions des

acteurs innovants que favoriser l’émergence de nouvelles démarches. Cela

concerne bien entendu aussi les projets financés par le CASDAR.

La révolution vécue par l’agriculture durant la seconde moitié du 20ème siècle a

été principalement fondée sur le développement de la mécanisation, de la génétique,

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de la chimie, l’agrandissement des exploitations et la spécialisation des productions.

Celle qui se joue aujourd’hui accordera nécessairement une place importante à

l’essor des technologies et des méthodes faisant appel au numérique. Celles-ci,

évoquées dans la 2ème partie de l’avis, couvrent un champ très large et concernent

la quasi-totalité des activités agricoles tant pour les productions animales que

végétales. Globalement, elles visent à recueillir, traiter et conserver des données

multiples et complexes, permettant d’améliorer les pratiques et de faciliter les prises

de décisions afin d’augmenter la multi-performance de l’exploitation, au sens du projet

agroécologique. Cela se traduit par exemple, par une optimisation et donc une

réduction du recours aux intrants pour les cultures et aux traitements médicamenteux

pour les animaux, ainsi qu’une meilleure gestion de l’eau. Elles peuvent aussi

favoriser les démarches collectives. Ainsi, le système DIAGCHAMP, boîte à outil

permettant de réaliser le diagnostic agronomique d’une exploitation, peut être utilisé

par un réseau d’agriculteurs et d'agricultrices désireux de comparer leurs résultats et

d’échanger sur leurs pratiques.

Cela implique tout d’abord que tous les agriculteurs et toutes les agricultrices

soient en mesure quel que soit leur territoire, de bénéficier d’une couverture

numérique satisfaisante. Ensuite, il convient que le développement de l’utilisation de

tels outils dans les fermes, résulte de choix délibérés et réfléchis et non imposés ou

subis. En effet, ces technologies doivent demeurer des outils et ne pas devenir

prescriptrices du travail des agriculteurs et des agricultrices qui doivent pouvoir

conserver leur libre-arbitre. Or, le développement de techniques et d’outils de plus en

plus sophistiqués rend nécessairement les agriculteurs et agricultrices plus

dépendants vis-à-vis d’autres acteurs économiques, puisqu’ils ne peuvent plus

maîtriser leurs instruments de production comment ils le faisaient précédemment.

Cela pose la question déjà évoquée du montant des investissements en matériels

et en logiciels et donc de l’intérêt des mutualisations.

Par ailleurs, la maîtrise de ces nouveaux outils est de plus en plus complexe, la

question de la formation des nouveaux utilisateurs, agriculteurs et agricultrices,

salariés et salariées, ne doit donc pas être négligée.

Enfin, d’autres difficultés potentielles sont d’ordre technique. Les machines

actuelles, outre de faire l’objet d’une obsolescence programmée, utilisent de

nombreux composants électroniques et ne peuvent donc désormais plus être

entretenues et réparées comme celles qui ne faisaient appel qu’à la mécanique. Mais

l’essor du numérique a introduit de nouvelles formes de vulnérabilité encore plus

redoutables : absence d’interopérabilité entre des systèmes d’information gérés par

différents opérateurs, perte ou impossibilité d’utiliser des données suite à un

renouvellement d’équipements ce qui peut dissuader de changer de fournisseurs,

obligation de s’adresser aux seuls fabricants en cas de problèmes…

Face à ce constat, la feuille de route « économie circulaire » présentée en avril

2018 par le Gouvernement, prévoit notamment de rendre obligatoire à partir du 1er

janvier 2020, un "indice de réparabilité" sur les produits électroniques et

électroménagers (calculé selon dix critères en cours de discussion). Dans cette

perspective, une grande enseigne du secteur a déjà lancé son propre indice pour les

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ordinateurs, avec une note sur 100 basée sur la documentation fournie, la modularité

et l’accessibilité, les pièces détachées et la réinstallation logicielle.

Préconisation n°11 : « Evaluer et limiter les risques induits par les

nouveaux outils »

Même si les outils modernes qui font appel à des technologies de plus en

plus sophistiquées, sont destinés à améliorer les conditions de travail et la

« multi-performance » des exploitations, les agriculteurs et agricultrices

doivent être sensibilisés et alertés quant aux risques, non seulement financiers

mais aussi de dépendance et de vulnérabilité (monopole du fournisseur pour

la maintenance, impossibilité de récupérer et de réutiliser les données lors de

changements de produits, obsolescence programmée,…) induits par leur

acquisition et leur utilisation. A cette fin, le CESE préconise d’expérimenter au

niveau national voire européen, pour les équipements agricoles, un dispositif

s’inspirant de « l’indice de réparabilité », en l’élargissant à d’autres critères

(consommation d’énergie…), institué par la feuille de route « économie

circulaire » qui sera obligatoire début 2020.

La maîtrise des données produites par les exploitations et le contrôle de l’usage

qui en est fait, constituent des enjeux majeurs. En effet, les nouvelles machines

aujourd’hui commercialisées, sont dotées de capteurs qui enregistrent

automatiquement des données de tous ordres. Elles ne devraient être normalement

destinées qu’à leurs utilisateurs. Or, de nombreux exemples et témoignages révèlent

que d’autres acteurs parmi lesquels bien entendu les fabricants de ces matériels,

peuvent eux-aussi avoir accès à ces précieuses informations individuelles

susceptibles être agrégées au niveau de groupes d’agriculteurs. Les grandes

entreprises considérées sont donc en mesure de les utiliser dans leur propre intérêt,

voire de les céder à des tiers qui disposeront ainsi de renseignements susceptibles

de déséquilibrer encore davantage, certaines négociations commerciales. Les

moissonneuses-batteuses de dernière génération sont par exemple capables

d’analyser en temps réel le rendement en blé d’une parcelle, la qualité du grain et

notamment son taux d’humidité. Les équipementiers très puissants dont les matériels

sont utilisés par de nombreux agriculteurs et agricultrices, sont à même d’analyser

ces données et de les agréger au niveau d’une région ou d’un pays. Elles présentent

par conséquent un intérêt stratégique car elles peuvent être utilisées pour proposer

de nouveaux services aux agriculteurs et agricultrices mais aussi être vendues à des

acteurs financiers qui sont ainsi en mesure d’anticiper les conditions de mise en

marché, voire d’intervenir sur les cours. Il en est de même dans le secteur du lait avec

les nouvelles générations de machines à traire. Il s’agirait là d’une forme

d’espionnage commercial et industriel qui peut même s’instaurer au niveau des Etats

dans le cadre de la concurrence féroce qui règne sur les marchés internationaux des

produits agricoles. Cela concerne également les données émanant des organismes

de recherche publique et des instituts techniques.

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Face à l’ampleur de ces différents risques, de nombreuses démarches ont été

initiées. Par exemple, l’ACTA et l’APCA ont conjointement créé en février 2016, la

plate-forme API-AGRO dans le but d’améliorer l’interopérabilité et les échanges de

données d’expertise qui gravitent autour de l’agriculture, notamment pour faciliter

l’évaluation des systèmes agricoles. Elle offre une approche basée sur les API

(Application Programming Interface) permettant le partage de données avec des

règles de diffusion et d’usage claires. Elle doit respecter 4 volets stratégiques :

interopérabilité, innovation, écosystème et sécurité.

Peu après le lancement d’API-AGRO, l’ACTA a diffusé un livre blanc sur l’accès

aux données pour la recherche et l’innovation après un an de réflexions collectives. Il

propose 10 recommandations parmi lesquelles :

- inventorier les sources de données d'intérêt pour l'agriculture ;

- favoriser l’interopérabilité entre les systèmes d'information ;

- mutualiser les systèmes d’information ;

- établir des principes et des bonnes pratiques ;

- garantir la maîtrise des données et établir une chaîne de confiance

L’avis sur la compétitivité des filières agricoles et alimentaires avait déjà évoqué

cette démarche « Le CESE encourage les initiatives telles que le portail de données

pour l’innovation en agriculture, porté par le ministère de l’Agriculture ainsi qu’API-

AGRO, plateforme de données et de services pour l’écosystème agricole pilotée par

les instituts techniques, l’ACTA et l’APCA, permettant d’investir le domaine émergent

des techniques liées au numérique. Notre assemblée appelle cependant à accorder

une vigilance particulière à la propriété et à l’utilisation des données des

agriculteurs. »

Par ailleurs, des syndicats agricoles (FNSEA et JA) ont élaboré une charte de

bonnes pratiques entre agriculteurs/agricultrices et entreprises (Data Agri) pour

rétablir la confiance, la sécurité et la transparence. Son objectif est de labelliser sur

la base du volontariat, le maximum d’entreprises collectant des données relatives aux

exploitations pour ainsi donner des garanties aux agriculteurs et agricultrices sur

l'usage qui en sera fait.

Afin que toutes les parties prenantes soient placées sur un pied d’égalité

concernant l’accès à l’information, l’avis sur les circuits de distribution avait préconisé

qu’un dispositif d’open data, alimenté par les acteurs du secteur, soit développé au

niveau européen qui apparaît comme le niveau le plus pertinent.

Sur le plan réglementaire, après le Règlement général sur la protection des

données personnelles (RGPD), le Conseil de l’UE et le Parlement européen ont

adopté début novembre 2018, un dispositif juridique qui vise à assurer la libre

circulation des données numériques non personnelles, parmi lesquelles : « les

données sur l’agriculture de précision qui peuvent aider à contrôler et à optimiser

l’utilisation des pesticides et de l’eau, ou encore les données sur les besoins

d’entretien des machines industrielles. ». Dans ce cadre, la Commission doit

maintenant encourager l’élaboration par les professionnels, de codes de conduite

fondés sur les principes de transparence et d’interopérabilité, portant notamment sur

les aspects suivants :

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- les bonnes pratiques qui facilitent le changement de fournisseurs et le portage

des données dans des formats structurés, usuels, interopérables et lisibles par

machine;

- les exigences minimales d’information afin que les utilisateurs professionnels

disposent d’informations suffisamment détaillées, claires et transparentes,

préalablement à la signature d’un contrat de traitement des données;

- les approches en matière de dispositifs de certification facilitant la

comparaison entre les produits et services de traitement des données pour les

utilisateurs professionnels.

Ces codes de conduite devraient être mis effectivement en œuvre au plus tard 18

mois après la publication du règlement. Les Etats membres disposeront également

du droit d’obtenir l’accès aux données produites sur leur territoire quand elles n’y sont

pas stockées.

Préconisation n°12 : « Assurer la sécurité des données agricoles »

Le nouveau règlement européen relatif à la libre circulation des données

numériques non personnelles, n’impose pas de contraintes juridiques. C’est

pourquoi il apparaît indispensable que les codes de conduite prévus par ce

texte soient élaborés dans les meilleurs délais et s’appliquent à tous les

professionnels quelle que soit leur origine. Ces codes pourraient reprendre les

recommandations du livre blanc de l’ACTA afin tant de protéger efficacement

les données produites par les agriculteurs et agricultrices et par les

organismes de recherche que d’assurer la transparence et la maîtrise de leur

utilisation, pour éviter leur commercialisation sans le consentement des

intéressés.

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Déclarations/

Scrutin

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Déclarations des groupes

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Agriculture

L’innovation est indispensable au secteur agricole : si l’agriculture doit assurer

l’alimentation de 9 milliards d’humain et participer à la transition énergétique et

écologique, il faut lui donner les moyens de produire plus et mieux.

Ce n’est certainement pas en restant enfermés dans des peurs que nous

relèverons ces défis. Il faut prendre des risques, aller de l’avant, tester de nouvelles

idées. Pour cela, les agriculteurs doivent pouvoir exprimer leurs besoins et leurs

idées, et que dans le même temps les chercheurs soient en mesure d’y répondre.

Il faut donner le temps à la recherche de proposer des solutions alternatives avant

de supprimer des modes de production mis en accusation et laisser dans l’impasse

des agriculteurs, d’autant plus lorsque les interdictions ne concernent que le territoire

français et permettent aux États membres de concurrencer notre marché.

Les moyens nécessaires ne sont pas uniquement financiers et réglementaires, ils

sont tout d’abord sociaux et sociétaux. Le débat avec les citoyens doit faire en sorte

d’être éclairant et ouvert, de donner du sens.

Ce débat est essentiel aujourd’hui alors que les relations sont compliquées entre

la science et la société. Les citoyens s’interrogent sur le point de savoir si l’innovation

et la technologie vont véritablement améliorer leur vie. C’est cette question qu’il faut

trancher avec les scientifiques et les pouvoirs publics. Et tout particulièrement dans

le domaine agricole où l’innovation est parfois regardée avec méfiance par nos

concitoyens qui souhaiteraient privilégier les techniques du passé.

Les agriculteurs sont toujours en pointe sur l’innovation ; nous avons notamment

exprimé cet état d’esprit dans le cadre du contrat de solution qui engage 40

partenaires du secteur agricole. Notre ambition collective est de construire une

trajectoire de progrès pour la protection des plantes basée sur des solutions

concrètes, efficaces, durables et acceptées de tous.

Dans ce cadre, nous voulons identifier et déployer les solutions nouvelles pour

nos cultures et la gestion de nos élevages qui garantissent une gestion durable de

nos exploitations agricoles. L’innovation technique est importante mais l’innovation

sociale est primordiale. C’est le cœur de la réussite. Dans ce domaine, les

agriculteurs ont aussi été à la pointe avec les groupements d’employeurs, l’agriculture

de groupe, les CUMA, les outils d’aide à la décision ou encore la formation continue.

Ce métier d’engagement mérite que les innovations sur l’organisation et

l’acquisition de nouvelles techniques soient au cœur des innovations de notre société

car nous avons la responsabilité de nourrir nos concitoyens.

Nous voulons amplifier et accélérer ces actions et intégrer les innovations

combinées proposées par la recherche et le développement, la technologie,

l’agronomie, les plans de filière, le conseil et la formation, tout en continuant à assurer

un haut niveau de sécurité alimentaire pour nos concitoyens.

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Le contrat de solutions porte sur l’ensemble des leviers qui permettront de réduire

l’utilisation et l’impact des produits phytosanitaires :

- pratiques agronomiques ;

- amélioration des plantes ;

- agriculture numérique ;

- robotique et agroéquipement ;

- biocontrôle ;

- produits de protection des plantes innovants ;

- démarches de filière et de territoire ;

- conseil, formation et diffusion.

Ensemble, nous avons identifié plus de 300 solutions durables, existantes ou

d’avenir, ainsi que les freins à lever et les conditions de réussite pour favoriser leur

déploiement.

Ce premier contrat comporte 36 solutions. Pour celles-ci, les partenaires ont

estimé le coût ou le gain pour les agriculteurs, évalué la réduction possible d’utilisation

et/ou d’impact et apprécié leur déploiement actuel et futur. Ils ont ensuite listé les

freins à lever, les conditions de réussite pour le déploiement et les acteurs à mobiliser

et un indicateur de déploiement spécifique. Les différents partenaires ont ensuite

défini les engagements à tenir et les demandes adressées aux pouvoirs publics pour

accélérer le déploiement de ces premières solutions.

L’avis reflète cet état d’esprit innovant qui anime la profession agricole.

Le groupe a voté l’avis.

Artisanat

Une récente étude prospective, sur l’ensemble de la filière alimentaire, a identifié

les grandes tendances de consommation à horizon 2025.

Ses conclusions confirment l’évolution des attentes de la société à l’égard de son

alimentation autour de deux axes principaux : la santé et le respect de

l’environnement.

Les consommateurs portent ainsi un intérêt accru aux qualités nutritionnelles et

gustatives des produits, à leur origine géographique, à leurs modes de production, à

leurs impacts sur les ressources naturelles et la biodiversité.

Cela induit de nouveaux comportements de consommation qui doivent interpeler

l’ensemble des acteurs de la filière alimentaire.

Les agriculteurs sont au premier chef concernés, d’autant qu’ils doivent faire face

à des enjeux multiples : assurer la viabilité économique et la pérennité des

exploitations dans un contexte concurrentiel soutenu, améliorer leur résilience face à

des aléas climatiques de plus en plus marqués, mais aussi préserver leur outil de

production en s’adaptant à la raréfaction des ressources naturelles et au changement

climatique.

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Déclarations des groupes

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Pour relever tous ces défis, l’agriculture doit nécessairement faire évoluer ses

méthodes de production et d’élevage, en conciliant davantage objectifs

économiques, sociaux et environnementaux.

L’innovation est à ce titre, un levier essentiel en apportant des solutions d’ordre

agronomique, organisationnelle, technologique, numérique, pour faire émerger des

pratiques nouvelles.

Si l’innovation revêt une importance stratégique pour l’avenir de l’agriculture,

encore faut-il qu’elle permette de répondre efficacement et concrètement aux

diverses mutations auxquelles ce secteur est confronté.

L’innovation requière des investissements importants, de l’étape de la recherche

à celle de sa mise en œuvre ; elle nécessite également du temps entre sa conception,

l’analyse de ses impacts jusqu’à son application concrète.

Autant de facteurs qui exigent de cibler les investissements vers des innovations

réellement porteuses de réussite et de progrès.

Pour cela, il importe de prendre en compte à la fois, les besoins des exploitants,

ceux des divers échelons de chaque filière alimentaire, ainsi que les attentes de la

société.

À cet égard, l’avis relève à juste titre le rôle des interprofessions, pour faire évoluer

les modes de production, de transformation et de distribution.

Le récent plan de la filière fruits et légumes illustre bien une telle ambition, en

faisant de l’innovation un enjeu essentiel. En s’appuyant sur ce levier, il vise une

montée en gamme permettant à la fois de gagner en compétitivité et de se démarquer

des concurrents étrangers, mais aussi de mieux répondre aux attentes sociétales

actuelles en termes d’engagements sanitaires et environnementaux, avec des

objectifs concrets de réduction d’usage des pesticides et une utilisation plus durable

des ressources naturelles.

La réussite des innovations repose par ailleurs sur leur diffusion et sur leur

appropriation par les professionnels. Cela implique de faire face au coût de nouveaux

matériels, ou encore d’apprendre à en maîtriser l’usage pour en optimiser les

résultats.

Il est donc essentiel que des mesures d’accompagnement puissent être

mobilisées à cet effet : mutualisation des équipements, formations, soutiens

financiers aux investissements.

Les interprofessions peuvent, là encore, organiser et faciliter les conditions d’un

tel accompagnement, sachant que des dispositifs publics d’incitation aux

investissements doivent également pouvoir être actionnés.

Le groupe de l’artisanat a voté l’avis.

Associations

Concilier « fin du monde et fin du mois », les Français dans la rue le répètent

depuis plusieurs semaines : cela doit être le mot d’ordre du progrès !

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Mais concilier « faim du monde et fin du mois » est, s’il est permis de faire le jeu

de mots, la question qui a été posée aux deux rapporteures et à la section de

l’agriculture, de la pêche et de l’alimentation à travers cette saisine sur l’innovation en

agriculture.

Nous l’entendons cette clameur aujourd’hui : les Français sont pris dans un

réseau de nombreuses injonctions contradictoires. Comme nos travaux passés et

actuels le prouvent, nous l’avons compris depuis longtemps et nous proposons des

solutions pour y remédier.

Dans le domaine agricole, ces injonctions contradictoires existent aussi, cela a

été rappelé dans l’avis. Mais allier le bien manger, le manger sain et un coût

soutenable, à la fois pour le consommateur et le producteur, ne devrait pas être

contradictoire.

Ce double objectif est certainement réalisable par l’utilisation de méthodes et

outils innovants, se rapportant quelquefois aux méthodes « à l’ancienne », celles du

bon sens paysan.

L’innovation doit être d’abord un moyen d’action au service de notre bien le plus

commun : la planète.

De plus, une alimentation saine, produite dans des conditions respectueuses des

agriculteurs et des consommateurs, accessible à tous, préservera dans le même

temps notre bien le plus individuel : la santé.

C’est le sens de la première préconisation et nous y souscrivons.

La finalité de la recherche doit demeurer la contribution au progrès en permettant

aux agriculteurs et à l’ensemble de la population de vivre en bonne santé. Elle ne

peut pas être seulement la recherche du profit des producteurs et des

transformateurs.

Aussi, la recherche doit être soutenue, essentiellement la recherche publique,

comme défendu dans la préconisation n°5.

Cependant, il faut se prémunir contre la course effrénée à l’innovation pour

l’innovation ; elle fait courir un risque inacceptable de confiscation du vivant et de son

appropriation par des multinationales aux motivations essentiellement de domination

économique et financière (citons par exemple la brevetabilité du vivant, l’interdiction

des semences anciennes, etc.).

Enfin, il nous semble que la préconisation n°7 est essentielle pour permettre la

reconnaissance de l’expertise d’usage et l’accompagnement des tous les acteurs,

notamment associatifs, mettant en œuvre des démarches innovantes.

Nous le rappelons, les différentes organisations de l’ESS, associations, mutuelles

et coopératives, nombreuses dans le secteur agricole, sont des actrices

incontournables de l’innovation sociale par leurs pratiques, leurs modes de

gouvernance et l’évaluation permanente de leur impact sur les territoires. La poursuite

d’une lucrativité limitée, principe fondamental de l’ESS, garantit une activité

productive aux externalités positives, concourant de fait à l’intérêt général.

Page 53: L’innovation en agriculture - Le CESE...3 E AVIS 4 Relevé des préconisations 5 Introduction 6 A - Les finalités de l’innovation pour relever les défis de l’agriculture et

Déclarations des groupes

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Le groupe des associations a remercié mesdames les rapporteures et l’ensemble

de la section. Il a voté cet avis.

CFDT

La résolution présentée en octobre dernier suite à la publication du rapport du

GIEC a fortement influencé les préconisations de cet avis : « Prendre en compte

simultanément les enjeux économiques, sociaux et environnementaux dans de

nouveaux modèles de société, impliquant tous les acteurs publics et privés,

institutionnels et particuliers ». Sur un sujet comme celui de l’innovation en

agriculture, cela n’a pas été simple. Mais la volonté de relever ce défi partagé par les

rapporteures et par les représentantes et représentants des groupes aura permis de

répondre à l’ambition d’une innovation en agriculture au service des acteurs, des

consommateurs et des générations futures.

Pour l’essentiel, les auditions et la qualité des échanges au sein de la section de

l’agriculture ont permis de définir les trois axes qui organisent les préconisations :

Analyser, associer, évaluer :

Analyser la complexité du vivant et les conditions de la durabilité sont

indispensables pour éviter de renouveler les erreurs du passé. Cela suppose

d’orienter l’innovation vers l’agroécologie, la résilience de l’agriculture en assurant sa

viabilité économique et la juste rémunération des travailleurs agricoles, tout en

engageant la décroissance des émissions de gaz à effet de serre. Les innovations

technologiques ou biologiques doivent être au service de ces enjeux.

Associer les parties prenantes, c’est la condition pour retrouver la confiance des

acteurs et des consommateurs dans les finalités et l’acceptabilité de l’innovation.

C’est également rompre avec le cloisonnement entre recherche fondamentale et

recherche appliquée. C’est renforcer les liens entre la recherche, la production et la

formation dans des logiques de filières

Évaluer l’innovation en agriculture est nécessaire pour conduire une stratégie

nationale, pour en mesurer l’efficience, favoriser les réussites, orienter les

financements y compris vers les structures associatives et coopératives. Évaluer les

risques induits par de nouveaux outils et par la circulation des données doit participer

également de l’attente de transparence et de cohérence de l’innovation.

En matière sociale, la CFDT soutient l’innovation qui encourage l’implication des

salariés dans les choix stratégiques des entreprises, notamment sous la forme de

groupement d’employeurs, qui renforce la responsabilité sociale et

environnementale, et qui améliore les dispositifs d’accompagnement des emplois

saisonniers.

Cet avis pose les conditions d’une innovation qui rompt avec les visions

technicistes, productivistes et cloisonnées. Il mérite l’attention des acteurs publics qui

pourront y puiser les éléments d’une méthodologie favorisant l’innovation en

agriculture.

La CFDT a voté l’avis.

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CFTC

La révolution verte des années 60 répondait à un besoin de production

intensive lié à la forte croissance de la population mondiale. Les orientations

nationales, internationales et les recherches ont été orientées dans ce sens. Cela

s’est traduit par l’augmentation de la rentabilité pour les producteurs, la diminution

des coûts pour les consommateurs. La mécanisation et l'intensification de l'agriculture

ont fait reculer la pénibilité du travail des agriculteurs, souvent en augmentant leurs

revenus, mais au prix d'une très forte perte d'emploi agricole. Cela a aussi eu des

conséquences sur l’environnement. Les effets négatifs de ce type d’agriculture sont

reconnus et nullement contestés. L’enjeu de l’innovation de l’agriculture est d’inverser

le processus tout en assurant la viabilité et la pérennité des exploitations, de garantir

un niveau de rémunération satisfaisant aux agriculteurs et aux salariés.

L’innovation devra répondre aux besoins nationaux afin de permettre une

limitation des importations de produits qui, si certains dans l’Union Européenne sont

soumis à des normes sanitaires et environnementales communes, d‘autres n’ont pas

ces mêmes exigences. Ceci crée des distorsions dans la concurrence et induit la

recherche d’un prix toujours plus bas avec des conséquences importantes pour les

producteurs.

Elle devra aussi engager l’agriculture dans la décroissance des émissions de gaz

à effet de serre et faciliter son adaptation au changement climatique et à la raréfaction

des ressources. Cela passera par une préservation et une reconstitution des milieux

naturels.

La CFTC approuve les préconisations présentées dans cet avis notamment celles

qui se réfèrent à la recherche. La recherche pour soutenir l’innovation en agriculture

doit être en adéquation avec les spécificités des territoires, les systèmes de

production. Elle doit utiliser le savoir des agriculteurs et analyser, sur le principe d’une

recherche action, le fruit d’une réflexion individuelle ou collective. Si elle doit répondre

à des besoins à court terme, le principe d’une recherche fondamentale doit être

poursuivie et soutenue financièrement. La proposition de permettre aux chercheurs

de sortir de leur laboratoire pour faire œuvre de pédagogie avec les citoyens répond

à une demande de transparence et d’explication des évolutions de notre

environnement. L’évaluation de résultats de ces recherches et leur mise en

application sur le terrain, doit se faire hors des lobbies ou des intérêts de groupes

économiques. Elle suppose une expertise fiable et indépendante. Les réussites qui

en découlent doivent être valorisées.

Pour la CFTC, l’innovation doit notamment s’appuyer sur le numérique. Ce qui

implique une couverture numérique satisfaisante pour tous. Les données recueillies

doivent être au service des réseaux d’agriculteurs afin de leur permettre de comparer

les résultats obtenus et d’échanger sur leurs pratiques. Le partage du savoir résultant

de l’analyse de ces données doit être au service de l’agriculteur afin de lui permettre

d’assurer son libre arbitre dans ses décisions et de ne pas être asservi à d’autres

acteurs économiques.

La CFTC a voté cet avis

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Déclarations des groupes

54

CGT

Le groupe CGT considère que les nombreuses réécritures de ce projet d’avis, les

débats intenses qui les ont accompagnées ont mis en évidence des désaccords qui

n’ont pas été dépassés.

C’est pourquoi, nous pensons qu’il est nécessaire de prendre en compte les

efforts déployés par certains conseillers de la section qui ont contribués sur bien des

points à imposer des réajustements salutaires ayant permis de rendre cet avis moins

unilatéral qu’au départ du processus d’élaboration.

Pour exemple, nous partageons la préconisation pointant les défis prioritaires

importants à relever grâce à l’innovation, et celle portant une attention particulière à

la réduction, à l’évaluation des impacts négatifs de certains modes de production et

au développement des services écosystémiques.

Cependant, des désaccords persistent.

Nous constatons que les enjeux de la recherche fondamentale sont peu

développés et même dévalorisés et ne sont pas repris dans les préconisations.

La recherche appliquée est abordée à plusieurs reprises en pointant le fait qu’elle

répond à des intérêts particuliers et privés. Mais si la dimension d’intérêt général a

été rajoutée, qu’en est-il d’une maîtrise nationale des enjeux territoriaux ? En soi,

associer toutes les parties prenantes à la finalité d’une recherche peut être

concevable à partir du moment où il est posé qu’elle doit contribuer au progrès de

l’humanité et qu’elle permet aux chercheurs eux-mêmes de pouvoir s’exprimer.

Il est regrettable que la question du principe de précaution pourtant essentiel n’ait

pas été dès le départ posé comme élément central et ne fasse pas l’objet d’une

préconisation en tant que telle dans un contexte où aujourd’hui beaucoup de

décisions restent assujetties à des intérêts privés. L’incertitude scientifique

notamment, si minime soit-elle, doit conduire à exercer le principe de précaution.

En termes d’innovation sociale et organisationnelle, affirmer vouloir favoriser

l’implication des salariés dans l’entreprise quand, dans le même temps, leur sont

retirées toutes possibilités d’interventions, n’est-ce pas quelque peu démagogique ?

La préconisation qui entérine la fusion à marche forcée de l’INRA et de l’IRSTEA

est socialement et économiquement contre-productive. Cette soi-disant

« mutualisation » aboutira à des pertes d’emplois, à une modification des missions

fondamentales de ces instituts et au démantèlement de la recherche publique.

Solidaire des salariés concernés qui se sont opposés majoritairement à cette fusion,

nous tenons à réaffirmer ici notre opposition complète à cette mesure.

Enfin, en ne s’opposant pas frontalement à la brevetabilité du vivant, qui signifie

la confiscation du patrimoine génétique mondial par quelques entreprises, le CESE

ne participe pas, au niveau d’ambition affichée, à la sauvegarde de l’avenir de la

planète et de la biodiversité.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe CGT s’est abstenu.

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CGT-FO

L’innovation en agriculture est un enjeu et un défi majeur pour l’ensemble de la

société, c’est elle qui rendra l’agriculture plus saine pour le consommateur et plus

rentable pour l’agriculteur.

C’est l’innovation qui pourra aussi répondre à l’urgence climatique si les politiques

en font le choix.

L’innovation c’est la recherche fondamentale et appliquée. Et si, comme le rapport

le préconise, les partenariats public-privé sont à encourager pour optimiser les

résultats, il faut rester vigilant sur l’indépendance du secteur public de la recherche

notamment en termes de financement, de statut et de préservation des emplois.

L’innovation c’est l’exploitant agricole avec tout son savoir et son expérience. On

voit que la digitalisation est un facilitateur : il existe par exemple des plates-formes

pour la mutualisation du matériel entre agriculteurs, des applications qui modélisent

des millions de données pour éradiquer des maladies ou réduire les engrais. Mais

face à cette profusion de données exploitables il est primordial de les sécuriser pour

que le monde agricole n’en soit pas dépossédé au profit d’acteurs économiques

extérieurs ...

Il faut, par la formation et la reconnaissance des compétences, impliquer les

salariés. L’innovation doit être au service de l’agriculture et non l’inverse.

Les choix politiques sur les orientations des financements doivent favoriser les

innovations appliquées directement aux agriculteurs pour la qualité de la production,

l’adaptation aux changements climatiques, la formation initiale dans les lycées et la

formation continue. Les startups qui lèvent des financements et subventions doivent

apporter une valeur ajoutée aux acteurs traditionnels de l’agriculture et aux

consommateurs.

L’agriculture, par l’innovation, doit être garante d’une activité séculaire qui sait

s’adapter aux exigences de la modernité et aux contraintes de notre siècle.

Enfin l’innovation ne doit pas se limiter au phytosanitaire, à la génétique, à la

digitalisation

Il y aurait un pan entier à instruire sur l’innovation faite de progrès social : au profit

des conditions de travail des salariés et des conditions d’exploitation de l’agriculteur,

sur l’animation des territoires, sur les modèles organisationnels et collectifs, et sur la

diversification des activités agricoles.

Le groupe FO a voté en faveur de cet avis

Coopération

Le thème de l’innovation en agriculture est porteur pour nos coopératives et

touche à de nombreuses problématiques économiques, sociales, sociétales et bien

sûr environnementales.

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Déclarations des groupes

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Rappelons d’abord que l’innovation a toujours été une préoccupation de notre

secteur : elle a permis une amélioration appréciable des conditions de travail, une

augmentation de la rentabilité économique au fil des générations, pour vivre mieux

de son métier.

Les évolutions d’aujourd’hui, comme celles du numérique, sont beaucoup plus

rapides et beaucoup plus impactantes pour nos exploitations ; avec les applications,

les drones… elles peuvent concourir à une productivité raisonnée grâce à une

agriculture de précision.

L’avis mentionne à plusieurs reprises le rôle majeur des coopératives dans ces

transitions à venir. Les coopératives, qui sont des collectifs structurés, stables dans

le temps et reconnus juridiquement, permettent en effet de mobiliser les producteurs

sur les choix techniques à effectuer et sur les savoir-faire à élaborer en commun. Par

leur présence au plus proche des agriculteurs et des territoires, elles favorisent le

déploiement et l’appropriation des innovations à travers les échanges entre pairs.

Nous en avons de très nombreux exemples. Outils privilégiés de collaboration entre

professionnels, de mutualisation des investissements matériels, elles sont mobilisées

pour aider les agriculteurs à mieux produire, et doivent conserver leur positionnement

privilégié de conseil et d’accompagnement. C’est pourquoi il est nécessaire d’aider

financièrement les démarches coopératives innovantes, et de veiller aux conditions

du déploiement de l’innovation au sein des filières par les agriculteurs, ainsi que cela

est préconisé.

Enfin, le modèle coopératif place les agriculteurs au centre des débats. La

recherche doit aller dans le même sens, et associer prioritairement les professionnels

agricoles dans ses instances de gouvernance afin que l’intérêt général soit garanti.

Le débat sur l’innovation ne devant pas se limiter seulement à celui sur l’utilisation

des intrants chimiques dans l’agriculture de demain, le groupe de la coopération

approuve néanmoins l’avis, et l’a voté.

Entreprises

L’agriculture existe depuis la nuit des temps et son histoire est celle d’un long

parcours d’innovation qui a permis, au fil des siècles, d’améliorer les processus et les

outils dans le but de nourrir les hommes. Toutefois, le changement climatique, la

pression démographique et l’évolution des besoins des consommateurs font que les

questions des techniques agricoles et de leurs impacts positifs ou négatifs sur

l’environnement sont d’une actualité toute particulière.

Un tel sujet se prête mal à des préconisations pleinement opérationnelles et c’est

le regret que nous pouvons formuler au terme de cet avis

Parmi les propositions qui sont faites, deux sont particulièrement importantes. Une

innovation n’étant ni bonne ni mauvaise par nature, il convient de permettre à la

société de se prononcer en connaissance de cause sur l’acceptabilité des innovations

issues de la recherche. Pour cela, il est indispensable que les conditions d’élaboration

de la recherche et donc de l’innovation soient les plus transparentes possibles. Les

conflits d’intérêts doivent être signalés et absolument évités ; les résultats de la

recherche publique doivent être accessibles, compréhensibles et transparents

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comme le recommande avec pertinence cet avis. Dans ces conditions, il sera

beaucoup plus aisé pour les citoyens de se forger une opinion éclairée.

L’élaboration de cet avis a permis un travail intellectuel approfondi sur la notion

d’innovation et nous tenons à en remercier ici les deux rapporteurs. Pour autant,

comme nous l’avons fait en section, nous regrettons la méthode de travail qui a abouti

à des remises en cause successives des travaux, et ce à un stade avancé. Pour le

groupe des entreprises, il est important de réaffirmer notre confiance dans la capacité

des acteurs agricoles à privilégier l’innovation utile et durable. Certes, la confiance

n’exclut pas le contrôle mais il ne faudrait pas que toute innovation soit vue comme

suspecte à priori. Appliquer le principe de précaution ne signifie pas refuser le progrès

mais plutôt chercher à proportionner le risque que fait courir le progrès et les

avantages qui en sont attendus. Faisons confiance aux acteurs de terrain pour le faire

le mieux possible.

Le groupe des entreprises a voté favorablement.

Environnement et nature

Ce texte présente deux visages contrastés, car son élaboration s’est en quelque

sorte arrêtée « au milieu du gué ». Le résultat est qu’il présente le caractère d’une

étude analytique, comportant des constats intéressants, qui hélas ne sont pas traduits

de manière concrète dans les préconisations.

À un moment où les pratiques démocratiques sont remises en question, nous ne

pouvons nous satisfaire de cette situation.

Certes, les constats sont bien là, au premier chef le fait que le modèle agricole

actuel n’est pas tenable et que ses relations avec la question climatique sont

incontournables.

À cet égard, notre groupe remercie les rapporteures d’avoir renforcé la dimension

climat de cet avis afin de mettre en œuvre la résolution du CESE prise suite au récent

rapport du GIEC. L’avis souligne ainsi l’enjeu d’une relocalisation des productions

agricoles, 45 % de l’empreinte carbone de l’alimentation des Français étant générés

par les importations. Il souligne aussi la nécessité d’une forte évolution des systèmes

de production pour mieux stocker le carbone dans les sols et limiter les émissions de

GES liées à certaines pratiques culturales ou à certains modèles d’élevage trop

intensifs.

La préconisation 1 évoque certes la remise en question du modèle dominant, en

citant plusieurs objectifs structurants ; mais force est de constater que la plupart des

autres préconisations ne traduisent pas les enjeux soulevés dans les constats

dressés par ailleurs. Cet état de fait illustre les limites de notre dynamique de travail,

et il y aurait lieu d’y revenir.

On en prendra deux exemples : celui des pesticides, et celui des enjeux

organisationnels.

Sur une question d’actualité aussi clivante au sein de la société et du monde

agricole qu’est la réduction des pesticides, le CESE aurait pu véritablement apporter

sa valeur ajoutée en travaillant de façon plus précise sur les rythmes de la transition

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et sur les conditions d’acceptabilité économique et commerciale des productions

utilisant moins de pesticides.

Sur le second point, des enjeux majeurs n’ont pas vraiment été éclairés par des

auditions dédiées (comme la fusion entre des organismes de recherche agricole

INRA-IRSTEA, le rôle des low-tech dans l’innovation, et la place du réseau des

chambres d’agriculture dans les processus de recherche-innovation-développement)

ou sont apparus trop tardivement dans les débats. Un état des lieux véritablement

partagé et discuté aurait pourtant été une contribution utile de cet avis.

Pour ces différentes raisons, le groupe environnement et nature s’est abstenu.

Mutualité

La crise de confiance des consommateurs nous oblige à faire évoluer nos

pratiques, nos habitudes alimentaires et de fait, notre mode de production agricole.

L’agriculture, souvent considérée, à tort, comme un secteur traditionnel peu enclin au

changement, est en constante évolution pour faire face aux nouveaux enjeux et

répondre au mieux aux demandes des consommateurs et aux attentes de la société.

L’innovation que cet avis considère dans toutes ses dimensions, aussi bien

économique, sociale qu’environnementales, est donc au cœur de la redéfinition du

lien entre agriculture et société, permettant de légitimer le secteur, ses acteurs et de

gagner en compétitivité.

Bien qu’étant globalement encouragée, la recherche et développement doit

constamment être soutenue et accompagnée notamment à travers la mise en œuvre

de démarches collectives qui invitent à un véritable dialogue avec les parties

prenantes et qui permettent d’encourager les synergies et de mutualiser les

innovations et leur expérimentation, notamment à travers des organisations de type

coopératif. Le groupe de la mutualité estime comme essentielles toutes initiatives qui

reposent sur des solidarités de territoire qui favorisent l’adhésion de tous les acteurs

locaux et l’émergence de solutions communes et partagées.

Les enjeux spécifiques au monde de l’agriculture sont multiples et concernent

l’ensemble de la population à travers en particulier les questions qui lient santé et

environnement. Au-delà des impacts sanitaires sur les consommateurs, l’impact de

substances chimiques sur la santé des agriculteurs ainsi que sur l’environnement est

un fait avéré. Il est aujourd’hui indispensable d’améliorer les connaissances et de

développer la recherche sur la nocivité et l’alternative aux produits phytosanitaires.

Comme le souligne l’avis, les travaux de recherche doivent répondre « au mieux

à l’intérêt général, aux besoins des professionnels et aux attentes de la société ».

Tendre vers une agriculture biologique et vers l’agroécologie est une des réponses à

ces enjeux.

Cependant, certaines avancées technologiques soulèvent inévitablement de

nouvelles et nombreuses questions. Des garanties doivent être apportées aux

acteurs et actrices. Nous souhaitons rappelé ici que la protection des données

numériques et leur utilisation est un sujet extrêmement sensible.

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Enfin, comme le souligne l’avis, la diffusion des innovations récentes passe aussi

par la formation. Une attention particulière doit donc être portée à l’enseignement

technique et à la formation des futurs agriculteurs et agricultrices/salariés agricoles

qui devront faire face à ces nouveaux défis.

Tournée essentiellement vers la mécanisation et la sélection génétique,

l’innovation en agriculture s’ouvre désormais au monde du numérique et cherche à

inventer de nouveaux systèmes de production durable en veillant à un juste équilibre

entre progrès et exposition aux risques. Le groupe de la mutualité partage les

propositions contenues dans l’avis et l’a voté.

Outre-mer

Les Outre-mer doivent répondre aux mêmes défis alimentaires que l'Hexagone

donc, aux impératifs d’innovation. Néanmoins, l’agriculture ultramarine est aussi

confrontée à des préoccupations particulières du fait de leur insularité, de leur

éloignement et de leur spécificité climatique.

En effet, malgré la succession des politiques de soutien à l'agriculture et à

l'élevage, les volumes de productions locales ne cessent de diminuer, rendant ces

territoires de plus en plus dépendants aux importations. Ces situations s'observent

au regard du recul des surfaces cultivées et par la baisse des productions de fruits et

légumes alors que l'élevage présente aussi un bilan contrasté.

De plus, ces Collectivités doivent à la fois répondre aux urgences des pollutions

agricoles notamment aux Antilles qu'aux effets du réchauffement climatique avec

l'apparition d'espèces invasives ou la prolifération de vecteurs pathogènes.

Enfin, il y a, Outre-mer l'impérative nécessité de diminuer notre dépendance aux

importations tout en sécurisant l'exportation des produits issus des filières

traditionnelles et d'encourager celle des filières de diversifications à forte valeur

ajoutée.

Toutefois, la proximité d'États non soumis aux normes européennes de

production, place notre agriculture face à de rude concurrence pour ne pas dire

déloyale.

L'innovation dans les Outre-mer doit, dès lors, remplir plusieurs objectifs. Aider,

d'abord le secteur agricole et agro-alimentaire à relever les défis récurrents de

satisfaire une demande sans cesse en progression.

Accompagner, ensuite de nouvelles perspectives de développement économique

par l'utilisation non alimentaire des produits de l'agriculture et du secteur bois pour

générer de la biomasse.

Les Collectivités ultramarines peuvent s'appuyer sur une solide implantation des

organismes de recherches agronomiques. Le CIRAD et l'INRA contribuent déjà à la

transformation et à la transition des modèles agricoles ultramarins vers un mode de

production plus durable.

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Déclarations des groupes

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À cela s'ajoute les Réseaux d'innovation et de transfert agricole (RITA), un pôle

de compétitivité ainsi que des instituts techniques pour accompagner les acteurs

locaux.

L'innovation nécessite des investissements financiers importants dès lors l’idée

de consacrer une part du Programme d'options spécifiques à l'éloignement et à

l'insularité (POSEI) à l'innovation dans les régions ultrapériphériques doit être étudiée

et envisagée par la Commission européenne.

L'enjeu de l'innovation Outre-mer est de faire des défis et des contraintes

climatiques des opportunités pour les populations, les agriculteurs et les modèles

économiques.

Le groupe de l’Outre-mer a voté l’avis.

Personnalités qualifiées

Cécile Claveirole : « Je ne voterai pas ce projet d’avis, bien loin d’être aussi

ambitieux que j’eusse aimé qu’il fût !

Tous mes amendements ont été acceptés et je vous en remercie, Betty et Anne-

Claire ! Nos discussions souvent animées et nos apports ont largement amélioré ce

texte, néanmoins, il reste bien en-deçà de ce que j’attends d’un positionnement de

notre assemblée. Le CESE se doit d’être le lieu de la prospective, de la création de

notre avenir, ce que je ne retrouve pas ici et je vais vous décrire l’esprit que j’aurais

aimé y trouver.

Innover, ce n’est pas inventer à partir de l’existant, c’est regarder autrement, c’est

changer de manière de penser, c’est imaginer vivre sans pomper les ressources

fossiles.

Pour innover en agriculture, peut-on vraiment compter sur la pensée dominante,

agricole, agroalimentaire, sociétale, qui s’enferre depuis plus de 20 ans dans un

développement obsolète et toxique ?

Innover demande de l’humilité, la remise en cause des fondamentaux, la

reconnaissance des erreurs et des limites de ce qui est en cours. Innover demande

de la clairvoyance, la création d’une vision totalement neuve de l’avenir. C’est aussi

la volonté de changer, de créer un futur souhaitable pour toute l’humanité et pour

chaque humain, ainsi que pour une planète en bonne santé, une seule santé, nous

sommes tous reliés, en tant qu’êtres vivants, à tous les organismes vivants sur cette

terre.

Une récente étude de l’IDDRI (Institut indépendant de recherche international sur

le développement durable) modélise l’option souhaitable et crédible d’une Europe

agroécologique et la présente ainsi : « Prendre en compte conjointement les enjeux

d’alimentation durable des Européens, de préservation de la biodiversité et des

ressources naturelles, et de lutte contre le changement climatique suppose une

transition profonde de notre système agricole et alimentaire. Un projet

agroécologique fondé sur l’abandon des pesticides et des engrais de synthèse, et le

redéploiement de prairies extensives et d’infrastructures paysagères, permettrait une

prise en charge cohérente de ces enjeux. »

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Innover en agriculture est indispensable aujourd’hui, pour transformer en

profondeur notre système agricole, de l’amont à l’aval. Notre production de nourriture

se doit de redevenir compatible avec les enjeux majeurs d’atténuation du

changement climatique et de préservation de la biodiversité, dont la production

agricole dépend absolument ! Sol, eau, air, biodiversité … pas de création de

biomasse sans eux, pas de création de matière, donc pas de nourriture pour les

animaux que nous sommes.

L’agriculture peut être pensée comme un système nourricier en relation avec tous

les êtres vivants de notre écosystème Terre, et doit apporter la vie, à tous les étages.

Innover, c’est croire en l’humain, c’est croire en la vie.

Et au-delà des mots, c’est sur le terrain que ça doit changer !

C’est autour de ces principes et de ces concepts que j’aurais aimé que se

structure cet avis. Et alors il eût été innovant ! »

Jacques Pasquier : « Les briseurs de machines au XIXème siècle, ne les ont

pas cassées parce qu'ils allaient perdre leur emploi, ils les ont brisées parce que ce

phénomène d'équipement, et d'augmentation de la productivité niaient leurs savoir-

faire et l’intelligence de ces savoir-faire, niaient l'approche de leurs métiers dans leur

entièreté. C'était une lutte contre l'aliénation au travail, où les travailleurs devenaient

des pions au service de la machine.

La Confédération paysanne et les Faucheurs volontaires, se sont inscrits dans la

même logique, devant cette ultime atteinte aux droits fondamentaux de semer et de

re-semer, devant cet hallucinant accaparement du vivant par sa brevetabilité.

Aujourd'hui, le complexe agro-industriel avec l’appui des gouvernements et

responsables de filières de productions agricoles, nous vantent la « révolution

technologique» comme solution à la nécessaire évolution de l'agriculture vers moins

d'usage de pesticides, comme solution systématique aux contraintes de l'activité

agricole. Cette idéologie ne pense pas l'humain au cœur du système, bien au

contraire il l'en dépossède. Leur souci est essentiellement celui de l’acceptabilité

sociale de cette désappropriation de la valeur travail basée jusqu’alors sur nos plus

grandes ressources : nos mains, nos cerveaux et le langage.

On ne peut nier que la mécanisation a permis la diminution de la pénibilité du

travail, qui s'accompagne d'ailleurs quasi toujours d'une augmentation fulgurante de

la productivité,... pour autant cette augmentation de production produite par travailleur

n'a pas élevé le salaire,... car l'argent dégagé va au capital (concessionnaires,

banques…).

Pour masquer cette supercherie on a même créé une notion comptable,

l’excédent brut d’exploitation, qui assimile rémunération du travail et capitalisation.

Une révolution de la fin du travail se profile. En tout cas de la fin du travail

émancipateur, où, au lieu de favoriser la créativité humaine et la prise de décision

libérée, l'ordinateur ou le cerveau artificiel conduira le robot ou notre tracteur, et

décidera à notre place ce qu'il faut faire.

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Il restera sans doute quelques ouvriers agricoles spécialisés pour réaliser ce pour

quoi «l'innovation technologique » n'aura pas encore remplacé nos mains. Car dans

ce système, effectivement, il n'est plus fait usage que des mains. On peut aussi

soulever la question de la propriété intellectuelle des données collectées par toutes

ces machines ; poser la question de qui paiera, qui agira en cas de catastrophe (je

pense ici à la catastrophe écologique engendrée par les insecticides systémiques

néonicotinoïdes, par exemple).

Le capitalisme s'allie parfaitement avec l’innovation techniciste. N’est-ce pas une

nécessité absolue que de lutter contre tout outil qui tend à nous nier en tant qu'être

humain, en tant qu'être penseur ? C'est aussi le combat contre l'industrialisation de

l'agriculture.

Ce texte est sorti du cerveau et des mains de Cécile Muret, maraîchère dans le

Jura, secrétaire nationale de la Confédération paysanne, en charge du pôle social.

Je ne voterai pas cet avis mais ce vote est bien dérisoire ! ».

Professions libérales

Les transformations de l’agriculture semblent refléter, comme par un effet de

loupe, celles de l’ensemble de notre société.

Elles affectent au premier chef les agriculteurs bien sûr et leurs salariés, mais plus

largement toute la population. La production de masse a profondément restructuré

l’économie agricole et la distribution des produits alimentaires, avec des

conséquences sur la qualité nutritionnelle.

Intensification et uniformisation des productions se sont accompagnées d’un

agrandissement de la taille des exploitations, d’une augmentation de leur intensité

capitalistique. La question de la transmission entre générations n’en est que plus

complexe.

La population exprime à l’égard de l’agriculture de nouvelles attentes. Les défis

du changement climatique, les interrogations sur la disponibilité en eau, la qualité des

sols, leur artificialisation, citoyens et agriculteurs y sont confrontés ensemble.

Mais l’agriculture doit s’y atteler à double titre, en tant qu’elle doit se soucier de ne

pas aggraver les problématiques environnementales, et en tant qu’elle doit aussi s’y

adapter, choisir les espèces, variétés modes de production qui lui permettront de

surmonter les évolutions à venir. L’Accord de Paris prescrit à l’agriculture une

diminution des émissions de 30 % (par rapport à 2005) d’ici à 2030. Dans le même

temps, elle devra affronter la raréfaction de ressources naturelles et de biodiversité

dont elle dépend.

Et bien sûr, la dimension territoriale est présente avec toujours plus d’acuité,

disqualifiant par avance les solutions trop globales ou trop verticales.

C’est dans ce contexte bouleversé que l’agriculture doit innover.

L’avis montre bien que cette innovation n’est pas simplement l’amélioration

technique des capacités de production actuelles. Il s’agit, partout et pour toutes les

filières, de repenser fondamentalement les équilibres.

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Et il faut le faire non seulement d’un point de vue technique mais aussi par la prise

en considération des conséquences sociales.

En cela, l’agronomie devient plus que jamais la science des systèmes complexes

et de leurs interrelations. La recherche agronomique française est puissante, et les

agriculteurs sont particulièrement impliqués – y compris financièrement – dans la

recherche appliquée.

Ils souhaitent l’être davantage encore, et l’avis préconise qu’ils soient associés

aux orientations choisies y compris pour la recherche fondamentale. C’est aussi le

souhait de la société civile dans son ensemble. Orienter la recherche à davantage de

transparence, à construire une déontologie contre les conflits d’intérêt, à mieux

articuler, de façon transversale, les travaux conduits dans différentes disciplines. De

même est-ce à juste titre que l’avis plaide pour un renforcement des liens entre

recherche et enseignement.

Il est frappant de constater que les facteurs favorisant l’innovation en agriculture

ne sont pas profondément différents de ceux d’autres secteurs. Simplement ils ont

une dimension territoriale, sociale et environnementale plus prononcée et c’est

précisément pour cela qu’ils concernent, au-delà des agriculteurs eux-mêmes,

l’ensemble de la société. En ce sens, le CESE avait une vocation naturelle à s’en

saisir.

Puisse cet avis, documenté et prospectif, aider les agriculteurs à innover dans une

dimension largement agro systémique, pour résoudre - à leur bénéfice mais aussi à

celui de l’ensemble des concitoyens - les défis multiples et complexes auxquels les

confronte notre avenir commun.

Le groupe des professions libérales rend hommage au travail des rapporteures et

a voté favorablement leur avis.

UNAF

« Si la modernité prétendait imposer toutes ses découvertes, son modèle de

consommation et la vision marchande réductrice qui l’anime ; si, éprise d’elle-même,

elle prétendait façonner l’homme et brutaliser la nature, je ne pourrais m’empêcher

de la considérer comme l’annonce d’une aventure barbare ». Ainsi s’exprimait Edgard

Pisani dans son livre Le vieil homme et la terre, avec un regard critique sur le tournant

majeur du paradigme productiviste.

Le présent avis fait le pari d’une méthode pour conduire l’innovation en agriculture

permettant de relever les défis prioritaires du développement durable au rang

desquels se trouvent :

- la nécessité de proposer aux familles une alimentation saine, de qualité, en

quantité suffisante et accessible pour tous ;

- la préservation et la reconstitution des ressources et milieux naturels ;

- ou bien encore la résilience de l’agriculture assurant viabilité des exploitations

et donc la juste rémunération des travailleurs agricoles.

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Déclarations des groupes

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Le groupe de l’UNAF partage les préconisations en faveur d’une association la

plus large possible de tous les acteurs jusqu’au consommateur permettant à la

société de se prononcer en connaissance de cause sur l’acceptabilité des innovations

issues de la recherche. Mais il souhaite aussi mettre l’accent sur l’exigence

d’approfondissement des connaissances scientifiques que porte le principe de

précaution, qui peut ainsi enclencher une dynamique d’innovation, comme l’avait

souligné le CESE dans l’étude de 2013, Principe de précaution et dynamique

d'innovation.

Enfin, le groupe de l’UNAF a retenu avec intérêt la question soulevée par le « big

data » agricole au regard de la souveraineté alimentaire française. L’avis met ainsi

en lumière, à l’attention de toutes et tous, l'utilisation de la masse croissante de

données informatiques récoltées par le biais de drones, satellites, ou capteurs placés

sur les tracteurs. Autant cette agriculture dite de précision pourrait permettre

d'augmenter nettement les rendements tout en respectant l’environnement, autant il

ne faut pas être naïf et veiller à ne pas abandonner ces éléments de compétitivité à

quelques sociétés étrangères en pointe sur le sujet.

Le groupe de l’UNAF a voté l’avis.

UNSA

Pour l’Unsa, cet avis a deux mérites: il repose sur une approche systémique du

dossier et ne stigmatise pas les acteurs, ici le monde agricole. Ce sont en effet,

aujourd’hui deux conditions indispensables pour penser l’avenir, et surtout avancer

collectivement, face à l’urgence environnementale.

L’agriculture, sous toutes ses formes, a longtemps façonné le monde et constitué,

jusqu’à la révolution industrielle, la principale activité économique de nos pays. Avec

l’augmentation démographique mondiale, l’urbanisation croissante, elle s’est

engagée dans des processus d’intensification, entrant alors dans des logiques

productivistes pour y répondre.

Si cette « révolution agricole » a eu des conséquences immédiates en matière

d’emplois, d’exode rural et de désertification des campagnes, ce n’est que bien plus

tardivement que ses répercussions sur les ressources naturelles: dégradation des

milieux, de la qualité des eaux, de la biodiversité, impact sur climat.... ont été perçues.

L’agriculture française est responsable pour 20 % des émissions de gaz à effet

de serre. Et les agriculteurs eux-mêmes commencent à subir des aléas climatiques

de plus en plus marqués: périodes de sécheresse ou violentes précipitations…tout

comme l’arrivée de nouveaux bio-agresseurs, insectes ou parasites qui s’attaquent

aux cultures.

Il y a donc urgence à agir avec un double défi: participer activement à la

préservation de l’environnement et garantir une alimentation de qualité à l’humanité.

Pour favoriser cette transition agro-écologique, la question de l’innovation s’avère

donc majeure. Elle doit être, comme le développe l’avis, multidimensionnelle en

combinant changements organisationnels, agronomiques ou encore technologiques

et ne pas se cantonner aux seuls cercles institutionnels ou de recherche.

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Les agriculteurs sont eux aussi, par leur expertise d’usage, leur formation, des

novateurs en puissance et en tout cas des acteurs majeurs des indispensables

évolutions à venir.

De même l’avis pose avec justesse la question du territoire, considérant que sa

dimension à la fois géographique, économique et démographique, constitue un

niveau pertinent parce que c’est là que se rejoignent les différents défis. C’est en effet

à ce niveau de proximité, au plus près des écosystèmes, de l’activité agricole et des

lieux de vie que les innovations et solutions adaptées ont toute leur pertinence.

Enfin, l’avis soulève des interrogations éthiques et politiques quant à cette

question de l’innovation. Il souligne qu’elle ne peut faire sens que si elle est

transparente et partagée. Les citoyens ont de plus en plus besoin pour se forger une

conviction, d’être informés et mieux encore d’être associés et donc de s’inscrire dans

une démarche collective. L’avenir de l’humanité ne peut pas être le fait de décisions

politiques, de textes règlementaires ou de progrès technologiques qui n’auraient pas

été partagés, pour être compris, acceptés et mis en œuvre.

L’Unsa a voté cet avis.

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Scrutin

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Vote sur l’ensemble du projet d’avis

présenté par Betty Hervé et Anne-Claire Vial, rapporteures

L’ensemble du projet d’avis a été adopté au scrutin public lors de la

séance plénière du Conseil économique, social et environnemental, le

8 janvier 2019

Ont voté pour

132

Ont voté contre

3

Abstentions

41

176

votantes et votants

Pour : 132

Agriculture Mme Bonneau, MM. Cochonneau, Coué, Davesne, Épron,

Ferey, Gangneron, Mme Gautier, MM. Lainé, Roguet,

Mme Valentin, M. Verger, Mme Vial.

Artisanat M. Crouzet, Mme Foucher, MM. Fourny, Le Lann,

Mmes Marteau, Teyssedre.

Associations MM. Deschamps, Lasnier, Mmes Martel, Sauvageot,

M. Serres, Mme Trellu­Kane.

CFDT MM. Blanc, Cadart, Mmes Canieux, Château, Duboc,

M. Duchemin, Mme Esch, M. Gillier, Mmes Hervé,

Houbairi, M. Mussot, Mme Nathan, M. Nau,

Mme Pajares y Sanchez, MM. Ritzenthaler, Saint­Aubin.

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CFTC Mmes Coton, Lecerf, Roger, MM. Sagez, Thouvenel.

CGT-FO Mmes Brugère, Chazaud, Derobert, Desiano, Fauvel,

Gillard MM. Goulm, Homez, Legagnoa, Pérès, Pihet,

Mme Ragot, M. Techer.

Coopération Mme Blin, MM. Grison, Mugnier, Mmes Roudil,

Saint­Martin.

Entreprises Mmes Boidin Dubrule, Castéra, MM. Cavagné, Chanut,

Cordesse, Mmes Couderc, Dubrac, Duhamel, M. Dutruc,

Mme Escandon, MM. Gailly, Gardinal, Grivot, Guillaume,

Mme Ingelaere, M. Nibourel, Mme Pauzat, MM. Pfister,

Pottier, Mmes Prévot­Madère, Roy, Tissot­Colle.

Mutualité M. Caniard, Mme Vion.

Organisations

étudiantes et

mouvements de

jeunesse

MM. Blanchet, Coly, Mmes Delair,Weber.

Outre-mer M. Antoinette, Mme Bouchaut­Choisy, MM. Cambray,

Edmond­Mariette, Lobeau, Suve, Togna.

Personnalités

qualifiées

MM. Adom’Megaa, Bontems, Mme Brunet,

MM. Cabrespines, Cambacérès, Mme Castaigne,

MM. Grosset, Guglielmi, Joseph, Jouzel, Keller, Kettane,

Mmes Léoni, Levaux, MM. Pilliard, Thieulin, Thomiche,

Mmes Trostiansky, M. Wargnier.

Professions

libéralesMM. Chassang, Lafont, Mme Riquier­Sauvage.

UNAF Mmes Allaume­Bobe, Blanc, M. Chrétien, Mmes Gariel,

Koné, MM. Renard, Tranchand.

UNSA Mme Arav, MM. Bérille, Chevalier, Mme Vignau.

Contre : 3

Personnalités

qualifiées

M. Boccara, Mme Claveirole, M. Pasquier.

Abstentions : 41

CFE-CGC M. Artero, Mmes Biarnaix­Roche, Couvert, MM. Delage,

Dos Santos, Mme Roche.

CGT Mmes Bordenave, Chay, MM. Dru, Garcia,

Mmes Lamontagne, Landas, Lejeune, MM. Naton, Rabhi,

Teskouk.

Environnement

et nature

MM. Abel, Badré, Mme de Béthencourt, MM. Bonduelle,

Bougrain Dubourg, Compain, Mmes Denier­Pasquier,

Ducroux, MM. Genty, Le Bouler­Le Quilliec,

Mme Martinie­Cousty.

Personnalités

qualifiées

Mme Adam, MM. Amsalem, Aschieri, Bennahmias,

Bussy, Duval, Mmes Gibault, Goujon, Grard,

Le Floc’h, Mignot­Verscheure, M. Roustan, Mmes Sehier,

Verdier­Naves.

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Annexes

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N°1 COMPOSITION DE LA SECTION DE

L'AGRICULTURE, DE LA PÊCHE ET DE

L'ALIMENTATION À LA DATE DU VOTE

Président: Etienne GANGNERON

Vice-présidents: Anne GARRETA et Dominique MARMIER

r Agriculture

Marie-Thérèse BONNEAU,Jacqueline COTTIER, Hervé DAVESNE ,

Etienne GANGNERON, Anne-Claire VIAL

r Artisanat

Christian LE LANN

r Associations

Marie-Claire MARTEL

r CFDT

Betty HERVÉ, Albert RITZENTHALER

r CFTC

Laurence ROGER

r CGT

Christophe BRIDE, Anne GARRETA

r CGT-FO

Carole DESIANO

r Coopération

Christophe GRISON

r Entreprises

Marie-Hélène BOIDIN-DUBRULE, Joëlle PRÉVOT-MADÈRE

r Environnement et nature

Florence DENIER-PASQUIER, Elodie MARTINIE-COUSTY,

Pascal MAYOL

r Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse

Bertrand COLY

r Outre-mer

Yannick CAMBRAY, Didier GUÉNANT-JEANSON

r Personnalités qualifiées

Cécile CLAVEIROLE, Jean­Louis JOSEPH, Véronique LE FLOC’H,

Véronique MATHIEU-HOUILLON, Marie-Eugenia MIGNOT,

Jacques PASQUIER

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r Professions libérales

Pierre LAFONT

r UNAF

Dominique MARMIER

r Personnalités associées

Antoine d’AMECOURT, Régis HOCHART, Marie­Noëlle ORAIN

Gérard ROMITI

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Annexes

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N°2 LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

En vue de parfaire son information, la section a entendu :

Beauchene Katia

Ingénieur Station expérimentale ARVALIS Ouzouer-Le-Marché

Benamou Norbert

Directeur Général d’ARVALIS

Cherbut Christine

Directrice générale déléguée aux affaires scientifiques de l’INRA

Dron Dominique

Ingénieure générale des mines au Ministère de l’économie

Flodrops Yann

Responsable du site d’ARVALIS Ouzouer-Le-Marché

Giget Marc

Président de l’Institut Européen stratégies créatives et Innovation

Gouache Jean-Christophe

Directeur des affaires internationales Comité scientifique Limagrain

Gouyon Pierre-Henri

Ingénieur agronome et Professeur au Muséum national d’histoire

naturelle

Laloi Alain

Responsable service technique Val’Epi

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Le Gouis Jacques

Directeur de recherche INRA (Projet Breedweat sur le blé)

Lecouvey Philippe

Directeur général ACTA

Lesage Philippe

Responsable de pôle développement économique Parc Naturel

Régional de l’Avesnois

Mirabito Luc

Chef de projet bienêtre animal, Maison Nationale des Eleveurs

Reigne Jean-Luc

Directeur Général Coopérative Unicoque

Rozalen Caroline

Chargée de mission, Parc Naturel Régional de l’Avesnois

Liste par ordre alphabétique avec l’indication des fonctions exercées au moment du contact ou de l’entretien

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Annexes

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N°3 LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES

Fouchier Catherine

Hydrologue IRSTEA

Fournier Antoine

Ingénieur ARVALIS

Guichaoua Adrien

Responsable pôle Europe et Régions ACTA

Kao Cyril

Sous-Directeur recherche DGER, Ministère de l’Agriculture et de

l’Alimentation

Michel Marc

Président IRSTEA

Morice Gérard

Ancien Directeur d’ARVALIS

Seguin Laura

Ingénieure de recherche IRSTEA Montpellier Projet Brie’Eau

Senet David

Chef de bureau Emploi & Innovation, DGPE, Ministère de l’Agriculture

et de l’Alimentation

Tournebize Julien

Chercheur IRSTEA, Projet Brie’Eau

Liste par ordre alphabétique avec l’indication des fonctions exercées au moment du contact ou de l’entretien

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N°4 LISTE DES ONVAR

Accueil Paysan

AFIP (Association de formation et d’information pour le développement d’initiatives

rural)

AFAF (Association Française d’Agroforesterie)

Association française de pastoralisme

L’atelier paysan

Coop de France

FADEAR (Fédération Associative pour le développement de l’Emploi Agricole et

Rurale)

FNAB (Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique)

CIVAM (Centres d’Initiative pour Valoriser l’Agriculture et Milieu rural)

FNCUMA (Fédération Nationale des Coopératives d’Utilisation de Matériel Agricole)

Association nationale des sociétés et GAEC

INTERAFOCG (Agriculteurs et Agricultrice rassemblés au sein des Associations de

Formation Collective à la Gestion)

MIRAMAP (Mouvement de la société civil rassemblent des réseaux territoriaux)

Service de remplacement France

Solidarité Paysans

Terre de Liens

Terres en Villes

TRAME (Association nationale de développement agricole et rural)

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Annexes

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N°5 BIBLIOGRAPHIE

ACTA-Les Instituts Techniques Agricoles, Compte-rendu d’activité 2017

Agriculture Innovation 2025, 30 projets pour une agriculture compétitive et

respectueuse de l'environnement, BOURNIGAL Jean-Marc, HOULLIER François,

LECOUVEY Philippe, PRINGUET Pierre, octobre 2015

CESE, Résolution suite à la publication du rapport du GIEC, octobre 2018

CESE, Résolution pour une Europe ambitieuse, solidaire et respectée dans le

monde, novembre 2018

CESE, Principe de précaution et dynamique d'innovation, 2013

CESE, Quelle politique pour les pôles de compétitivité ?, octobre 2017

CESE, Réseaux sociaux et numériques : comment renforcer l’engagement citoyen ?,

janvier 2017

CESER Midi-Pyrénées – Languedoc-Roussillon, Rapport d'autosaisine - Quelles

innovations pour une agriculture diversifiée en Languedoc-Roussillon d'ici 10 ans ?,

novembre 2015

Commission européenne, Agricultural Knowledge and Innovation Systems Towards

the Future - A Foresight Paper (AKIS 3 End Report), 2016

Cour des comptes, Les outils du PIA consacrés à la valorisation de la recherche

publique, mars 2018

CGAAER, Bilan du fonctionnement des pôles de compétitivité agricoles et

agroalimentaires, avril 2011

CGAAER, Eau, agriculture et changement climatique Statu quo ou anticipation ?, juin

2017

CGAAER, La nouvelle place des Régions dans la gouvernance de la recherche et de

l'innovation dans les domaines de compétence, novembre 2017

FNSEA & Jeunes Agriculteurs- La charte sur l’utilisation des données agricoles.

Valoriser et sécuriser les données des exploitations agricoles dans les contrats,

février 2018

Plateforme Française pour la Recherche Bio, Programme cadre français pour la

recherche et l’innovation en Agriculture Biologique, 100 objectifs, mars 2017

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Guide des dispositifs nationaux de

soutien à l'innovation et au transfert dans les secteurs agricole, agroalimentaire, forêt,

valorisation non-alimentaire, cheval, avril 2018

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, CEP N°65, Le partenariat Européen

pour l’innovation (PEI) : La mise en réseaux comme levier de l’innovation en

agriculture, novembre 2013

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation - Alim’agri, La Révolution numérique,

2016

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Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, CEP N° 121, Mobilisation des filières

agricoles en faveur de la transition agro-écologique : état des lieux et perspectives,

juin 2018

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Rapport d’activité 2016 Compte

d’affectation spéciale développement agricole et rural (CASDAR).

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Guide du

crédit d’impôt recherche, 2018

Parlement Européen, Résolution « Solutions technologiques pour une agriculture

durable », juin 2016

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Annexes

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N°6 TABLE DES SIGLES

ACTA Association de Coordination Technique Agricole

APCA Assemblée Permanente des Chambres d’Agriculture

API Application Programming Interface

ARVALIS Institut du Végétal

ASIRPA Analyse des Impacts de la Recherche Publique Agronomique

CASDAR Compte d’Affectation Spéciale pour le Développement Agricole et Rural

CEA Commissariat à l'Energie Atomique et aux Energies Alternatives

CESE Conseil Economique, Social et Environnemental

CESER Conseil Economique, Social et Environnemental Régional

CFPPA Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricole

CGAAER Conseil Général de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Espaces Ruraux

CIR Crédit Impôt Recherche

CIRAD Centre de coopération Internationale en Recherche Agronomique pour le

Développement

CIVAM Centres d’Initiative pour Valoriser l’Agriculture et Milieu rural

CNA Conseil National de l'Alimentation

CNRS Centre National de la Recherche Scientifique

CUMA Coopératives d'Utilisation de Matériel Agricole en commun

EGA Etats Généraux de l’Alimentation

ESB Encéphalopathie Spongiforme Bovine

FNAB Fédération Nationale de l’Agriculture Biologique

FNCUMA Fédération Nationale des Coopératives d'Utilisation de Matériel Agricole

en commun

FNSEA Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles

GIEE Groupement d’Intérêt Economique et Environnemental

GPS Global Positioning System

IFREMER Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la MER

INRA Institut National de la Recherche Agronomique

IRSTEA Institut national de Recherche en Sciences et Technologies pour

l'Environnement et l'Agriculture

JA Jeunes Agriculteurs

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MAEC Mesures Agro Environnementales et Climatiques

MIRES Mission Interministérielle Recherche et Enseignement Supérieur

OCDE Organisation de Coopération et de Développement Economique

ONVAR Organismes Nationaux à Vocation Agricole et Rurale

PAC Politique Agricole Commune

PAT Projet Alimentaire Territorial

PEI Partenariat Européen d’Innovation

PIA Programme des Investissements d’Avenir

PNDAR Programme National de Développement Agricole et Rural

PRAAD Plan Régional de l’Agriculture et de l’Alimentation Durable

R&D Recherche et Développement

RGPD Règlement Général sur la Protection des Données personnelles

RMT Réseau Mixte Technique

SAFER Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural

SIQO Signes d’Identification de l’Origine et de la Qualité

TPE Très Petites Entreprises

TRAME Association nationale de développement agricole et rural

UE Union Européenne

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Annexes

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N°7 LISTE DES TRAVAUX DE LA SECTION DE

L’AGRICULTURE, DE LA PÊCHE ET DE

L’ALIMENTATION

La future PAC après 2013, rapporteur Régis HOCHART, avis adopté le 25 mai 2011

La réforme de la PCP, rapporteure Joëlle PRÉVOT-MADÈRE, avis adopté le 24

janvier 2012

La valorisation de la forêt française, rapporteure Marie de l’ESTOILE, avis adopté le

10 octobre 2012

La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, rapporteure Florence DENIER-

PASQUIER, avis adopté le 23 avril 2013

Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, rapporteure Jocelyne

HACQUEMAND, avis adopté le 12 novembre 2013

Favoriser l’accès pour tous à une alimentation de qualité, saine et équilibrée,

rapporteur Thierry DAMIEN, avis adopté le 28 janvier 2014

La saisonnalité dans les filières agricoles, halieutiques et agroalimentaires : une

réalité méconnue aux enjeux pourtant importants, rapporteur Rafaël NEDZYNSKI,

avis adopté le 9 septembre 2014

L’agriculture familiale, rapporteure Martine LAPLANTE, avis adopté le 9 décembre

2014

La bonne gestion des sols agricoles : un enjeu de société, rapporteures Agnès

COURTOUX et Cécile CLAVEIROLE, avis adopté le 13 mai 2015

Les circuits de distribution des produits alimentaires, rapporteur Albert

RITZENTHALER, avis adopté le 11 mai 2016

La Transition agroécologique : défis et enjeux, rapporteure Cécile CLAVEIROLE, avis

adopté le 23 novembre 2016

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Les fermes aquacoles marines et continentales : enjeux et conditions d’un

développement durable réussi, rapporteures Elodie MARTINIE-COUSTY et Joëlle

PRÉVOT-MADÈRE, avis adopté le 13 juin 2017

Quels leviers pour renforcer la compétitivité de l’agriculture et de l’agroalimentaire

français ?, rapporteur Jacques PASQUIER, avis adopté le 24 janvier 2018

Les signes officiels de qualité et d’origine des produits alimentaires, rapporteurs Jean-

Louis JOSEPH et Dominique MARMIER, avis adopté le 19 juin 2018

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CONSEIL ÉCONOMIQUE, SOCIAL ET ENVIRONNEMENTAL9, place d’Iéna 75775 Paris Cedex 16 Tél. : 01 44 43 60 00 www.lecese.fr

LES AVIS DU CESE

Direction de l’information légale et administrative

Les éditions des Journaux officiels

www.ladocumentationfrancaise.fr

No 41119-0001ISSN 0767-4538 ISBN 978-2-11-152209-1

L’agriculture a beaucoup évolué depuis le milieu du 20ème siècle grâce en particulier au progrès scientifique et technique. Elle est aujourd’hui confrontée à des défis de tous ordres : climatique, économique, environnemental, social… Pour les surmonter, des solutions innovantes issues de la recherche mais aussi des agricultrices et des agriculteurs eux-mêmes doivent être mises en œuvre. Après avoir analysé les grands défis de l’agriculture et présenté les différents types d’innovations mobilisables, l’avis formule des préconisations qui mettent les femmes et les hommes au cœur des changements à conduire et visent à assurer leur acceptation par la société.

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