13
L’INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ LES ANNÉES 1980 PHOTOGRAPHIE, FILM ’INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ ANNÉES 1980 PHOTOGRAPHIE, FILM 24 FÉVRIER — 23 MAI 2016 EXPOSITION

L’INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ LES ANNÉES 1980 › ... · La culture visuelle des musiques industrielles révèle tout au long des années 1980 un phénomène artistique global, croisant

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L’INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ

LES ANNÉES 1980P H O T O G R A P H I E , F I L M

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24 FÉVRIER — 23 MAI 2016

EXPOSITION

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L’INSOUTENABLE LÉGÈRETÉL’exposition de photographies et de films présentée par le

Centre Pompidou revient sur les années 1980, à travers une centaine

d’œuvres de plus d’une vingtaine d’artistes : de Karen Knorr à Jean-Paul

Goude, de Clegg & Guttmann à Présence Panchounette, en passant par

Pierre et Gilles, Martin Parr et Ellen Carey.

Ces années considérées comme celles de l’apogée du postmodernisme sont contrastées et

paradoxales. En France, c’est une décennie cruciale pour la photographie,

en tant qu’art et patrimoine. Institutions et collections photographiques

majeures voient le jour ou se développent avec un élan nouveau. Au même

moment, monte sur la scène une génération qui veut abolir la division entre

photographie et peinture, et s’opposer au langage des générations précédentes.

Cette nouvelle photographie, souvent très « pictorialiste » dans les pays

occidentaux, développe des formes étroitement liées aux progrès techniques en

la matière – l’accessibilité de la photographie en couleurs de bonne qualité,

les possibilités offertes par le grand format, ou encore l’instantanéité du

Polaroid. La rencontre de ces nouveaux moyens de production avec la recherche

de formes ou de thématiques différentes de la photographie classique crée un

autre paradoxe ; les réalisations ouvertement anti-documentaires s’avèrent

tellement conformes à la réalité dont elles sont issues qu’elles en sont

finalement la plus fidèle représentation.

Les œuvres choisies entreprennent pour la plupart la critique de la

culture et de la société selon des stratégies variées :

ironie, mise en scène réaliste ou fantaisiste, pastiche,

détournement du décor, ode à l’artifice… À l’instar de

la photographie, le film s’empare de sujets et d’objets

de la critique propres à une scène artistique dont

cette exposition propose l’articulation des topoï :

la théâtralité et l’apparence des postures dans

l’espace social, la subordination à la consommation,

la concentration égotique sur le « je », l’épuisement

de la culture moderne.

En partie dédiée aux scènes occidentale et américaine des

années 1980, très présentes dans la collection du Centre Pompidou,

cette exposition reflète l’ordre géopolitique et économique d’une

époque dont les divisions idéologiques Nord et Sud, Ouest et Est,

démocraties capitalistes et régimes totalitaires centralisés,

seront balayées par l’avènement de l’économie globalisée.

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KAROLINA ZIEBINSKA-LEWANDOWSKA

PMU, partenaire de la Galerie de photographies

EXPOSITION

dans la Galerie

de photographies

du 24 février

au 23 mai 2016

COMMISSAIRE :

Karolina Ziebinska-Lewandowska,

conservatrice, cabinet

de la photographie

au musée national d’Art moderne

EN COOPÉRATION AVEC :

Emmanuelle E

tchecopar-Etchart,

attachée de conservation,

Jonathan Pouthier,

attaché de conservation,

Marie Auger,

boursière Immersion

du Labex CAP

CHARGÉE DE PRODUCTION :

Marie-Annick Hamon

SCÉNOGRAPHE :

Jasmin Oezcebi

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87 TOM DRAHOSELLEN CAREY

TOM DR

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« Depuis quelques années, les banlieusards intrigués ont remarqué les passages fréquents du pho-

tographe. Sa démarche ne paraît correspondre à aucune promenade habituelle : obliquité du pas,

angle aigu par rapport à l’asphalte. Chevauchant le morcellement du tissu urbain, le câble des

lignes à haute tension semble le conduire vers la chambre noire. Noir, que le faisceau de la lampe

électrique, e

n u

ne n

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nterrogation, v

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arcourir, i

mmergeant d

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’espace d

e la couche sensible la topographie des lieux de cette ancienne promenade, comme si la photographie

était u

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« M

es recherches m’ont conduite à l’histoire de l’art corporel, à ses nombreuses ramifications dans les cultures anciennes où des tribus

différentes y trouvaient des sens distincts. Ce qui était un signe de richesse et de beauté pouvait changer, devenir clandestin ou tabou,

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« En avance sur leur temps, réalisées à un jeune âge, autour de la trentaine et au milieu

des années 80, ces images sont visionnaires, une sorte de préfiguration vis-à-vis des

technologies n

umériques a

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JEAN-PAUL GOUDE

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Jean-Paul Goude, Slave to the rhythm, New York, 1986, Ektachrome découpé, collection particulière© Jean-Paul Goude

Jean-‐Paul Goude,Demolition Man,Londres, 1982, tirage numériquesur papier argentique2015,collectionparticulière© Jean-Paul Goude «

Ses images […] en particulier

celles p

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ampagnes d

e publicité qui eurent la chance

d’apparaître aux heures de

gloire de la télévision […] af-

firmaient un monde nouveau et

différent sur tous les plans :

visuel, stylistique, sociolo-

gique, politique. Ce faisant,

à la fois elles accompagnaient

la transformation de la so-

ciété e

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récédaient. L

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images d

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amilton [

…]

avaient eu la particularité

de raconter une époque (la fin

des années 1960, la société

post-hippie de l’après libé-

ration sexuelle) et d’inventer

le langage esthétique spéci-

fique à ce récit […] Celles de

Jean-Paul Goude, en revanche,

racontaient presque en temps

réel les mutations esthétiques

et sociétales des années 1980

[…] Leur exotisme, finalement,

ne résidait pas dans tant dans

l’exhibition de personnages

« blacks »

et de lutins sau-

tillants que dans le projet

social qu’elles véhiculaient

et qui précisément rencontre

l’Histoire avec l’élection

de François Mitterrand à la

présidence de la République

le 1

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981. »

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011,

p. 1

3.

Jean-Paul Goude, Blue-black in black on gray, 1981, New York, impression jet d’encre, collection particulière © Jean-Paul Goude

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« Ça y est ! L’art contemporain (celui des revues copurchics) est chounette… façon chounette. Les sculptures

qui vomissaient du lait, les minimalistes, les conceptuels même s’y sont mis. Ce ne sont plus que bricoles,

jouets e

n c

aoutchouc, P

olaroids, b

imbeloterie. C

’est p

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’est d

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este à

l’avenant.

Ce n’est pas dénoncé comme de l’opportunisme, plutôt commenté comme… une évolution intéressante de leur

travail. »

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Présence Panchounette, Sérigraphie fausse brique, 1978,Sérigraphie encadrée.Photo : A. Mole. Courtesy Semiose galerie, Paris.

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erie

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ris.

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« Formés à la fin des années 1970 à la Visual School of Art de New York auprès de Joseph Kosuth, l’un des fondateurs de l’art conceptuel, Clegg &

Guttmann i

ncarnent u

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codes du portrait peint, de maintenir l’ambiguïté de l’inspiration et de la commande, et enfin de prendre à revers la modernité traditionnellement

associée au médium photographique, fidèles en cela à l’attitude parodique critique. Ce jeu avec les références interroge les figures du pouvoir

incarnées p

ar l

’autorité d

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CLEGG & GUTTMANN

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Clegg & Guttmann,The Chess Players, 1984, Paris, avec l’aimable autorisation de l’artiste© Centre Pompidou / Dist. RMN-GP

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« La culture visuelle des musiques industrielles révèle tout au long des années 1980 un phénomène artistique global, croisant différents supports

artistiques. C

ertaines f

igures e

mblématiques d

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rennent c

onscience d

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e pouvoir qui les accompagne dans la capacité à manipuler les masses. La photographie apparaît dans les productions des artistes industriels sous

de n

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élétères d

e la technologie sur les sens. La conception d’affiches, de fanzines et de magazines autoédités et à périodicité variable, interroge une pratique

foisonnante d

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« Avec son jeunisme idyllique, son héroïsme de l’aventure, ses corps exhibés et sa prise en charge de la vie jusqu’à en prévenir tous les risques, la nouvelle biopolitique des années 1980 va se trouver mise en échec par le désastre du sida – qui en révèle soudain l’ineptie d’ensemble, les tactiques de ségrégation et, surtout, le tragique décalage devant l’urgence réelle. Le sida n’optimise pas les corps, il les saccage ; il ne les montre pas, mais les rend invisibles ; il les individualise moins qu’il ne les fond ensemble au rythme de la dissémination du virus – corps “liés par un sort thanatologique commun”, comme le dit le narrateur de À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie, d’Hervé Guibert. Niés pas les pouvoirs, ces corps agressés d e l’intérieur par le virus voient la courbe de leur infection, bientôt hyperbolique, prendre en défaut le nouveau dispositif de gestion de la vie. »

FRANÇOIS CUSSET, LA DÉCENNIE, LE GRAND CAUCHEMAR DES ANNÉES 1980, ÉD. LA DÉCOUVERTE, PARIS (LA DÉCOUVERTE/POCHE), P. 282.GILBE

RT &

GEORG

EBLACK DEATH

En octobre 1

983, dix-sept cas de sida avaient

été répertoriés au Royaume-Uni, où les médias

titraient alors sur le « c

ancer gay »

. Cette

même année, Black Death (Peste noire) ouvrait

la d

écennie s

ous l

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isages s

iamois a

ux y

eux

écarquillés et à la bouche démesurément ouverte,

archi-sexuelle. Le long cri qui en sourd est

d’autant p

lus d

ramatique q

ue G

ilbert &

George,

dans la catastrophe qu’ils pressentaient, en

répercutaient l’écho sur le temps long de la peste,

à laquelle le sida était alors comparé. Black

Death, c

ette i

mage t

rès s

aisissante d

’un a

bîme

ouvert s

ous l

’époque é

tait u

ne a

larme e

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’une

des premières occurrences en art du sida, quand

le spectre de la maladie revenait soudain hanter

les r

êves d

e p

leine s

anté d

e l

a f

in d

u s

iècle.

Gilbert & George, Black Death, Cibachrome, acrylique et feuille d’or, 1983, Paris © Centre Pompidou, MNAM-CCI/Dist. RMN-GP© Gilbert & George

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Naga

tani

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Patrick Nagatini, Fat Man and Little Boy’, F-111D’s, 27th Tactical Fighter Wing, Cannon Air Force Base, near Clovis, New Mexico, 1990, épreuve chromogène, avec l’aimable autorisation de l’artiste © Patrick Nagatani

1982

Fuite d

e d

ocuments c

ensés p

rouver l

’existence

Majestic 12, une organisation gouvernementale

dédiée à l’étude des ovnis depuis l’affaire

Roswell, N

ouveau-Mexique.

19 JA

NVIER

1983

Mort de Ham, 27 ans, premier chimpanzé envoyé dans

l’espace. Le prénom Ham est l’acronyme de Hollo-

man Aerospace Medical Center. Sa tombe se trouve

aujourd’hui à Alamogordo, Nouveau-Mexique, non

loin du site du premier essai nucléaire (1945).

14 OC

TOBRE

1988

Paul S

hartle (

ancien r

esponsable a

udiovisuel, N

orton A

ir F

orce B

ase) d

éclare à

l’émission télévisée U.S. UFO Cover-Up : Live ! avoir eu accès au film légendaire

tourné à Holloman Air Force Base le 24 a

vril 1964. « J

’ai vu une séquence montrant

trois vaisseaux en formes de disque. L’un des vaisseaux a atterri, les deux autres

sont partis […] En sont sortis trois extraterrestres […]. Ils étaient de taille

humaine, u

n é

trange t

eint g

risâtre. »

1990

À l’aide de maquettes d’avion F-15 suspendues, d’un mannequin

de vitrine et d’une tête de singe sur fond de photocollage

peint, Patrick Nagatani fabrique l’image falsifiée d’une

hallucination conspirationniste post-guerre froide. Pris en

étau dans la marche inéluctable de l’évolution, l’homme pointe

du d

oigt l

a f

orme i

ndistincte d

’un a

illeurs.

FÉVRIE

R 198

0 Les avions F-15 de Holloman Air Force Base

établissent un nouveau record confirmant la

supériorité d

e l

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Karen Knorr, Gentlemen, 1983, épreuve gélatino-argentique, 2007, Centre Pompidou, Paris © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP © Karen Knorr

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épreuve gélatino-argentique, 2007, Centre Pompidou, Paris © Centre Pompidou / Dist. RMN-GP © Karen Knorr

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e distinction culturelle de la grande bourgeoisie anglaise. Il en est ainsi dans les séries « B

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(1979-

1980) et « G

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(1981-1983), qui s’inscrivent toutes deux dans l’héritage du photo-conceptualisme (par

l’association de l’image et du texte) et déplacent les codes du portrait de groupe pour mettre en lumière des

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laire, soucieux de ses privilèges et resté à distance des bouleversements qui ont affecté la société depuis les

années 1960. Le registre des images emprunte aux codes du documentaire (noir et blanc, point de vue frontal,

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visuels et produisent un effet de distanciation. Par l’entremise de ces fictions vraisemblables, Karen Knorr

attire notre attention sur le décor comme élément signifiant, où s’immisce le politique, tout en renouvelant

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JOURNÉE D’ÉTUDE 11 MAI 2016

11 H Introduction

11 H 45CHRISTINE BUIGNET, professeure à l’université Toulouse Jean-Jaurès. Fiction : la part maudite de la photographie ?

15 H NICOLAS BALLET, doctorant, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne,Institut National d’Histoire de l’Art (INHA)« After Cease to Exist. » Le vertige des musiques industrielles.

15 H 30MARIE VICET, doctorante, université Paris Ouest Nanterre La Défense.Le clip vidéo : un nouveau format de création pour les artistes ?

11 H 15 FRANÇOIS CUSSET, professeur à l’université Paris X – Nanterre.Les équivoques du visible : ostentation décomplexée et pulsion scopique dans la culture des années 1980.

12 H 15 MICHEL GAUTHIER, conservateur au MNAM Centre Pompidou, professeur à l’université Paris IV.La photographie sans le réel.

14 H 30THIBAULT BOULVAIN, doctorant, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Institut National d’Histoire de l’Art (INHA)Histoires de voir. La représentation du sida dans la photographie des années 1980-1990.

13 H pause

16 H 30 En présence des deux artistes KAREN KNORR et MARTIN GUTTMANN (du duo Clegg & Guttmann)

16 H pause 17 H 30 discussion

CENTRE POMPIDOU, PETITE SALLE, NIVEAU -1

TABLE RONDE ANIMÉE PAR MARION DUQUERROY

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FANZINE ÉDITEURS :

Karolina Ziebinska-Lewandowska,

Marie Auger, Clara Bastid,

Max Bonhomme et Fisheye

GRAPHISME :

Matthieu David (Fisheye)

ORGANISATEURS

PROFESSION

PHOTOGRAPHIE :

Marie Auger,

Clara Bastid,

Max Bonhomme

DÉPARTEMENT DU DÉVELOPPEMENT

CULTUREL DU CENTRE POMPIDOU,

SERVICE DE LA PAROLE :

Jean-Pierre Criqui

Ines Henzler

CABINET DE LA PHOTOGRAPHIE,

MNAM CENTRE POMPIDOU :

Karolina

Ziebinska-Lewandowska

JOURNÉE D’ÉTUDE

« Eighties incomprises

Art et société dans

les années 1980 »

11 mai 2016

Centre Pompidou

EIGHTIES INCOMPRISESART ET SOCIÉTÉ DANS LES ANNÉES 1980

Longtemps mal aimé et mal compris, l’art des années 1980 fait de-

puis peu l’objet de nouvelles lectures de la part de l’histoire de

l’art. La décennie 1980 tend en effet à être perçue comme un moment

hédoniste et « léger », succédant au « moment théorique » des an-

nées 1960-1970. Or, l’inflexion récente des méthodes de l’histoire

de l’art en direction de l’histoire culturelle permet de réévaluer

la décennie 1980, marquée certes par un certain désenchantement

politique, mais aussi par de nouvelles formes de réinvestissement

social de l’art. Dans la décennie du « grand tout culturel » se

pose la question du lien entre l’art et les industries de l’image

(publicité, clips vidéo), mais aussi celle de l’aspect visuel de

nouvelles contre-cultures. La photographie connaît alors un pro-

fond changement, avec le déclin des modèles du photojournalisme

au profit d’une photographie dite « plasticienne », cultivant une

certaine hybridité avec le pictural et le théâtral. Alors même que

semble triompher « l’image fabriquée », s’élaborent parallèlement

de nouvelles stratégies documentaires. Cette journée d’étude sera

donc l’occasion de revisiter les enjeux socioculturels de l’art

des années 1980 en s’appuyant sur la contribution de critiques,

d’historiens de l’art et des idées, constituant ainsi une plate-

forme d’échanges pour des recherches en cours.

MARIE AUGER, CLARA BASTID, MAX BONHOMME

JOURNÉE D’ÉTUDE 11 MAI 2016#FISHEYELEMAG

CE FANZINE A ÉTÉ RÉALISÉ EN PARTENARIAT AVEC

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BÉdition publiée avec le soutien de la Fondation

d’entreprise Neuflize OBC

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FISHEYE MAGAZINE@FISHEYELEMAG

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11 MAI 2016

JOURNÉE D’ÉTUDE

EIGHTIES INCOMPRISES

ART ET SOCIÉTÉ DANS LES ANNÉES 1980