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Langu s le journ a l d e s é t u d i a n t s L es fêtes de printemps sont répandues dans la plupartdes cultures où se distinguent 4 saisons, de l’Ouest de l’Europe au Japon, des Inuits à l’Inde. Elles se déroulent, en fonction des climats, de janvier à mai. Elles ont en commun le fait de se situer dans un temps rituel, issu des périodes païennes et accueilli au sein des diverses religions. On ne s’étonnera donc pas de retrouver un aspect carnavalesque de rupture avec le temps profane, où la musique et le bruit sont requis : on chante, joue, tape sur des casseroles, fait éclater des pétards, tire des feux d’artifice. Après le grand nettoyage de printemps, on purifie aussi les âmes, en pardonnant, en sautant par- dessus des feux, ou en jetant des feuilles dans la rivière, en s’aspergeant de couleurs ou d’eau, en sacrifiant le mouton ou en brûlant des effigies. On fait des processions. On offre des cadeaux aux plus jeunes. On « écrit » des œufs, que l’on offre à ceux qu’on aime. On pique-nique. On fait des banquets, au cours desquels on mange des pâtisseries. On chante des cantiques. On danse des rondes. On fait de la divination. La joie est de mise, afin que les vœux soient exaucés, et les gestes doivent être bien accomplis, afin de bien commencer l’année. Rejoignez-nous à l’INALCO Clichy le lundi 23 mars à 17h, pour la 3 e Fête du printemps, afin de voir cela ! Estelle Delavennat Hors Série Fête du Printemps S OMMAIRE Les Sorabes 2 La Russie 3 Les Rroms 4 L’Inde 6 Les Kurdes 7 L’Iran 8 L’Azerbaïdjan 10 La Chine 11 Le Japon 12 mars / avril 2009

Langues z mars / avril 2009 L...plantes. L’éveil de la nature, la fécondation, la fertilité, le culte des ancêtres et des plantes sont des thèmes souvent présents dans les

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Langu s le journal des étudiants

Langues z nel e j o u r n a l d e s é t u d i a n t s

Les fêtes de printemps sont répandues dans

la plupartdes culturesoù se distinguent

4 saisons, de l’Ouest de l’Europe au Japon, des Inuits à l’Inde. Elles se

déroulent, en fonction des climats, de janvier à mai. Elles ont en commun le fait de se situer dans un temps rituel,

issu des périodes païennes et accueilli au sein des diverses religions. On ne s’étonnera donc pas de retrouver un

aspect carnavalesque de rupture avec le temps profane, où la musique et le bruit

sont requis : on chante, joue, tape sur des casseroles, fait éclater des pétards, tire des feux d’artifice. Après le grand

nettoyage de printemps, on purifie aussi les âmes, en pardonnant, en sautant par-

dessus des feux, ou en jetant des feuilles dans la rivière, en s’aspergeant de couleurs ou d’eau, en sacrifiant

le mouton ou en brûlant des effigies. On fait des processions. On offre des cadeaux aux plus jeunes.On « écrit » des œufs, que l’on offre à ceux qu’on

aime. On pique-nique. On fait des banquets, au cours desquels on mange des pâtisseries. On chante

des cantiques. On danse des rondes. On fait de la divination. La joie est de mise, afin que les vœux soient

exaucés, et les gestes doivent être bien accomplis, afin de bien commencer l’année. Rejoignez-nous à

l’INALCO Clichy le lundi 23 mars à 17h,pour la 3e Fête du printemps,

afin de voir cela !

Estelle Delavennat

Ho r s S é ri e

F ê t e d u P r i n t em p s

SO M M A I R ELes Sorabes 2

La Russie 3Les Rroms 4

L’Inde 6Les Kurdes 7

L’Iran 8L’Azerbaïdjan 10

La Chine 11Le Japon 12

mars / avril 2009

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LES COUTUMES SORABES DE PRINTEMPS

Les Sorabes constituent le plus petit peuple slave et sont fixés dans le sud-est de l’Allemagne, dans une ancienne province appelée la Lusace, ce qui leur a valu dansle passé le nom de Serbes de Lusace. Ils ont été, au début du 6e siècle, l’avant-garde slave lors de la migration des peuples ; isolé des autres Slaves par la conquête franque au 10e siècle, leur territoire constitue une sorte de Petibonum, qui a résisté jusqu’à aujourd’hui à la germanisation des Slaves de l’Elbe et autres Polabes. Christianisés plus ou moins de force, ils ont conservé de nombreuses coutumes antiques dont le caractère païen transparaît à travers l’habillage chrétien, ainsi la Noce des oiseaux en janvier, reliée au culte des ancêtres, ou la Fête du coq, fête de la moisson, qui n’est pas sans rappeler l’alka croate.

Parmi toutes ces coutumes, celles qui se pratiquent à Pâques sont sans doute les plus significatives. Les Sorabes sont majoritairement luthériens, seuls 18 à 20% sont catholiques, mais ces derniers ont particulièrement bien conservé leur identité et leurs coutumes de printemps sont les plus spectaculaires.Les fêtes de Pâques se préparent en fait près d’un mois avant ; dès les Rameaux, on a briqué les maisons et les marraines ont acheté les cadeaux qu’elles destinent à leurs filleuls. Chez les Sorabes aussi la Semaine sainte est empreinte de recueillement et l’on n’organise durant la période ni bal, ni fête, ni discothèque. Les cloches restent muettes, mais on entend le klapotanje, le bruit des claquettes brandies par les garçons catholiques qui vont d’un calvaire à l’autre.

La grande affaire des catholiques, cela va être les Cavalcades de Pâques, désignées en Sorabe sous le terme de křižerjo, dont la traduction exacte serait les “croisés“, car en tête des cortèges viennent les curés et les porteurs de bannières et de crucifix. Il a d’abord fallu se procurer les chevaux, ce qui aujourd’hui n’est plus évident, puis préparer et décorer les harnais, friser les crinières et tresser les queues des montures selonla tradition. Le dimanche de Pâques voit le rituel immuable : bénédiction de la maîtresse de maison, départ en direction de l’église pour aller chercher les bannières pieuses, une triple circonvolution autour de l’église et la procession équestre se met en route. Ce sont ainsi 1600 à 1700 cavaliers qui circulent sur les routes

de Lusace selon des it inéraires r e p é r é s reliant tel village à tel autre v i l l a g e . D e p u i s 1 7 9 0 , l a tenue des c a v a l i e r s est restée la même: b o t t e s noires, redingote et haut de forme. Les cavaliers s’avancent en chantant des cantiques dont le kantor donne le signal et sont accueillis dans le village d’arrivée par les cloches qui sonnent à toute volée. Après une nouvelle triple circonvolution, on dépose les bannières dans l’autre église et l’on va banqueter à l’auberge. Le retour s’effectuera lentement dans l’après-midi ; après une dernière prière, on remettra les bannières en place à l’église.

Chez les protestants, on a passé le Samedi Saint à confectioner des pâtisseries destinées aux filleuls et à acheter le pain d’épices et les petits pains de Pâques en forme de tresse. On ferme bien soigneusement portes et fenêtres pour se mettre à l’abri des farces douteuses des gars du coin… Les kantorki, les chanteuses de Pâques, se sont réunies et vont passer toute la nuit à parcourir le village en faisant des stations devant chaque ferme pour annoncer la Bonne Nouvelle en chantant. Elles termineront à l’aurore par un dernier cantique, assises sur des bancs disposés en carré au milieu du village.

Le Vendredi Saint, c’est le Ćichi pjatk, le vendredi silencieux, puisque les cloches se taisent. On se livre alors dans le silence chez catholiques et protestants à la même activité: la décoration des œufs ou plutôt l’écriture des œufs, qu’on appelle pisanki, comme en d’autres langues slaves, car les motifs utilisés obéissent à une symbolique venue du fond des âges : dents de loup de l’hiver, rouelle rayonnante du soleil renaissant, hexagones des cellules de la ruche qui va reprendre son envol et nous apporter avec le miel la douceur de vivre. Les motifs des œufs sont, selon le cas, traités à la cire, grattés à la plume ou décapés à l’acide.

Jean Kudela,professeur de sorabe à l‘INALCO

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Les cavalcades de Pâques catholiques

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LES FÊTES ET CHANTS DE PRINTEMPS EN RUSSIE

PAYSANNELe printemps était une saison

particulièrement riche en rituels dans le calendrier des paysans russes. Cela peut s’expliquer par leur souci d’assurer une bonne récolte, car c’est le moment du semis qui est décisif pour la croissance des plantes. L’éveil de la nature, la fécondation, la fertilité, le culte des ancêtres et des plantes sont des thèmes souvent présents dans les chants, qui se font l’écho de rituels pré-chrétiens.

On peut voir, dans le déroulement des rituels au cours du printemps, un parallèle entre l’éveil de la nature et la maturation de l’homme. En effet, si, au début du printemps, ce sont surtout les enfants qui tiennent le premier rôle, plus tard, celui-ci est dévolu aux adolescents, puis aux jeunes, et on arrive à la frontière entre le printemps et l’été (qui, en Russie, se trouve autour de la fête de la Pentecôte), qui est focalisée sur les relations entre les jeunes gens près de se marier.

Le printemps commence avec l’appel, une petite incantation chantée par les enfants le jour de l’équinoxe, le 22 mars. Ce jour-là, les enfants sortaient dans la rue avec des gâteaux en forme d’alouettes et chantaient en les jetant en l’air : « Ô alouettes, venez chez nous, apportez-nous l’été chaud, remportez l’hiver froid, avec l’araire et la herse, et le cheval moreau ! ».

L’équinoxe tombe souvent au beau milieu de la période du Carême, qui était, par le passé, strictement observé dans les villages. L’Église orthodoxe interdisait de chanter et danser ou de jouer des instruments de musique pendant les sept semaines précédant Pâques. Cet interdit ne concernait pas, néanmoins, les chants lents (appelés « traînés » dans la langue populaire, car les paroles sont si étirées qu’on ne peut plusles comprendre), les complaintes, les versets spirituels (dont les sujets et les thèmes sont tirés de la Bible). Enfin, Pâques arrivait et ouvrait la période de grandes fêtes avec des chansons dansées jouées dans la rue ou dans les prés, avec la participation de centaines de personnes. Dans les villages situés dans la zone-frontière entre la Russie, la Biélorussie et l’Ukraine (qui est en faitle berceau des trois peuples slaves de l’est), le jour de Pâques, la procession se dirigeait vers les champs, où on « déterrait la flèche » (un objet symbolique, qui serait à nouveau « enterré » dans les champs à la fin du printemps, juste avant la Pentecôte). Pour le rituel d’enterrement de la flèche, des filles et des femmes se déplaçaient en rangées dans les rues des villages en chantant(cf. la photo). Chaque groupe chantait son propre chant, créant un espace sonore inédit avec des croisements de couches sonores indépendantes. En écoutant cela, on peutse croire dans une salle de concert, assistant à l’interprétation d’une pièce musicale moderniste !

Les chants rituels, en Russie, sont confiés aux femmes ou aux jeunes filles, tandis que les hommes jouent plutôt des instruments de musique. Dans la tradition paysanne, ces chants rituels sont pensés comme un instrument de protection contre le mal et de régulation de la nature. Ils sont chantés par des groupes de femmes aux voix se croisant d’une façon toute particulière en un surprenant « tissage » polyphonique, avec des timbres intenses et tendus. De nos jours, cette tradition est en voie de disparition et ce sont seulement les femmes très âgées qui se souviennent de ces chants. Heureusement, elles peuvent encoreles interpréter pour les collecteurs.

Olga Velitchkina,ethno-musicologue, enseignante à Paris IV

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Rituel d’enterrement de la flèche, procession chantée,village de Stolboun, région de Vitebsk, Biélorussie.

photo d’Aleksandr Kostin

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HERDELEZIL’arrivée des beaux jours après les rigueurs

de l’hiver a de tous temps été synonyme de réjouissance pour tous les peuples et chacun d’eux a exprimé son émotion dans des rituels spécifiques, souvent en partie échangés avec les nations voisines. C’est le cas chez les Rroms des Balkans pour le 6 mai, ce nouvel an des Rroms, encore appelé Kavakěnqo dives « jour des peupliers » ou Kakavěnqo dives « jour des chaudrons » ou, dans les langues locales, Saint Georges (albanais Shëngjergji, serbe Đurđevdan, etc…). Toutefois, c’est sous le nom de Herdelèzi qu’il est le plus connu depuis un certain film de Kusturica… qui présente une scène d’extravagante fiction de cette fête.

Le seul point réel est la présence d’eau courante – cette eau dans laquelle on se rend le 6 mai avant l’aube, au son des musiques des divers quartiers, chacun jouant de ce qu’il a sous la main : vrais instruments pour les musiciens, percussion improvisée pour les autres. Arrivés à la rivière, on y jette quelques feuilles vertes, noyer, peuplier ou autre selon la région, et surtout quelques cheveux que l’on s’est coupés sur place : l’eau emporte tout le « négatif » – dirait-on aujourd’hui, de l’année passée et les feuilles sont, bien sûr, symboles du renouveau. Les jeunes s’aspergent en traversant la rivière, les charretiers aussi, avec cheval et charrette… gage de plein emploi dès le lendemain. Chacun se tresse aussi une ceinture de ces longues mauvaises herbes à effet velcro… Puis on revient à la maison orner les portes de rameaux de basilic et on sacrifie le mouton : c’est le kurban ! D’où le proverbe Nakhlo o Herdelèzi ? Baxtalo te ovel o Herdelèzi – phenel o bakro« Herdelèzi est passé ? Vive Herdelèzi », dit le mouton… À défaut d’acheter un mouton – qui a pourtant fait l’objet de maintes conversations préparatoires, au même titre que le choix des invités, un coq fera l’affaire, voire un poulet. Du sang de l’animal on fait un point entre les sourcils des enfants et des jeunes, en leur souhaitant santé, longue vie, mariage heureux et enfants nombreux. Malgré la présence du sang, on a pu voir là une réminiscence indienne, mais il pourrait s’agir d’un rite hybride : le bindi hindou avec le sang islamique… Quelle leçon de coexistence !

Coexistence que l’on retrouve dans le pique-nique du lendemain près des lieux saints communs : église ou mosquée, toutes confessions confondues. Après les honneurs rendus à la divinité, tous les pèlerins-convives partagent les provisions apportées et dansent des rondes venues de la nuit des temps. En Cossovie, l’église de Letnica (près de Kaçanik) a longtemps rassemblé une foule radieuse et fraternelle – c’était avant la guerre… Les réjouissances parfois commencées dès le 5, se poursuivent jusqu’au 8, voire au 9 mai. Tous se souhaitent Baxtalo tumaro Herdelèzi ! Baxtaça kismeteça ! Joyeux Herdedèzi, avec bonheur et succès ! Bute berśençar anglal ! Pour de nombreuses années ! Dans les quartiers (rromano pero) les femmes préparent des heures durant les felìe : couches de pâte faite seulement d’eau et de farine (et d’un peu de sel), versées dans un vaste plat métallique (tepsìa) sur des braises et cuites, couche après couche, sous un couvercle (sàćì) chargé de braises. Tout un art – patience et commérages, mais quel délice ! On emmène aussi à la fête foraine (ringeśpil [!!!]) les enfants – pour qui c’est un jour béni, comme aussi pour les vendeurs de moutons, les bouchers (non-rroms), les pauvres qui vendent en ville des rameaux et du basilic, ou encore les mendiants balkano-égyptiens qui errent parmi la foule avec zùrla et daùli (hautbois et grosse caisse)… Avec tout ce bruit, soyons sûrs de l’installation du sungalo nilaj («printemps», littéralement « été des senteurs »)… La fête en elle-même est peut-être une synthèse de rites indiens et de la Saint-Georges dans les régions orthodoxes ou de la vieille fête byzantine d’Élie (d’où le nom Herdelèzi < turc Hıdrellez ou Hıdır Hellez, Hızır Ilyas etc., en turc « prophète Élie ») dans les pays post-ottomans, où certains paysans la fêtent en même temps que les Rroms, mais avec un rituel différent. Un élément bien vivant chez les Rroms, notamment le groupe Kabuзi, est particulièrement inattendu, puisqu’elle diffère à peine du rite du « Livre des destins » des Tatars de Crimée – suggérant que ce rite était autrefois bien plus largement répandu: au retour de la rivière, chaque convive met un objet précieux (petit bijou, pièce de monnaie) dans un ustensile à moitié rempli d’eau et couvert d’un foulard.

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Un(e) enfant met la main et retire au hasard les objets les uns après les autres après qu’une vieille de l’assemblée a entonné, au hasard elle aussi, une chanson rromani qui lui passe par la tête. Reste à interpréter la chanson comme reflet du destin de la personne dont l’objet a été retiré : bien souvent «ça colle» et l’émotion est à son comble. Chez les Tatars, les objets sont mis dans la cruche 40 jours avant le 6 mai : c’est la seule différence.

Herdelèzi dans la littérature : « Les douze paroles du Yiftos » (1907) de Costas Palamas, ce long poème visionnaire, mystique et politique, consacre son chant VII au « Le jour des chaudrons » et met en scène les Rroms de manière très réaliste, débutant avec une description colorée de cette fête emblématique où convergent les divers rromane endaja (clans). Le troisième jour, l’ambassadeur de Byzance les exhorte à se sédentariser, à dresser une forteresse et à défendre leur patrie. Le poète réplique en revendiquant le voyage : «notre seul ennemi est la frontière qui coupe l’étendue de la terre! La frontière est pour les loups, les chiens, les moutons, pas pour nous !» et Palamas explique (car il le croit) que les Rroms ont toujours nomadisé en Inde, en Tauride, en Égypte et en Syrie. « Nous brisons toutes les chaînes, fussent-elles de diamant. Nous méprisons les patries. [...] Oui, nous sommes tombés bien bas, mais nous savons qu’un jour nous relèverons la tête [...] Par le marteau et le violon, nous réaliserons la merveilleuse Idée (s’agit-il de la «Grande Idée» de Venizelos ?), et la terre ne sera plus qu’une unique patrie ». Non sans un bon sens certain, Palamas remarque que les Rroms, « indifférents au premier et surpris par le second », retournent à leur folle fête des chaudrons.

Un auteur plus récent, un prosateur rrom cossovar, Ali Krasnić, a consacré une nouvelle poignante à la mort d’un enfant un jour de liesse d’Herdelèzi... Nous songeons à la traduire en français... encore faudra-t-il trouver où la publier.

Dans le cinéma, outre la scène kitsch de Kusturica, signalons « Rromano pero » (ou « Lagja dhjete », 43 min) sur le désastre

écologique et culturel qui a assassiné à la fois la rivière de Tirana et le Herdelèzi des Rroms. Enfin, comme on me les demande souvent, je saisis l’occasion pour publier ici les paroles de la chanson Herdelèzi du film de Kusturica – chanson née dans le village de Bilisht, près de Korça en Albanie et qui a rapporté quantité de lovés à Bregović, dans l’oubli total de ses compositeurs villageois... Syndrome Lambada...

Sa o Rroma daj!e bakren ćhinèna, rromano dives kerèna !Sa o Rroma daj!e daj!e, sa o Rroma o daj!eSa o Rroma daj!e òro khelèna daj!e (2) Rromano òroAj me ćorrorro, korkorro beśàvaAaj daj!e daj!e, sa o Rroma o daj!eSa o Rroma daj!e daj!e – Hej, Herdelèzi, ÐurđevdàniSa o Rroma daj!eAlo o dives dives daj!eDives te keras daj!e (2)Rromano dives !Tous les Rroms, mère, tuent des moutons, ils font un jour rrom (= de fête rromani) ! Tous les Rroms, mère,²dansent une ronde, mère, (2) et moi, mère, pauvre de moi, je reste seul. Aaï, mère,² Tous les Rroms, mère² - Hèï Jour de Élie, jour de (Saint) Georges,Tous les Rroms, mère. Il est venu le jour,² mère, Jour que nous fassions, mère (2), Un jour de fête rromani !

Marcel Courthiade,professeur de rromani à l’INALCO

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Ronde, Yougoslavie, 1967

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le aponHOLI

Holi est souvent considérée comme la plus folle de toutes les fêtes indiennes. C’est une fête hindoue, principalement du nord de l’Inde, pendant laquelle on s’habille de blanc avant de descendre dans la rue pour se lancer des couleurs. « Comment peut-on se lancer des couleurs ? », pensez-vous. Nous en reparlerons après un peu d’histoire.

On trouve l’origine de Holi dans la mythologie indienne, qui raconte qu’un roi démon, appelé Hiranyakashipu, voulut venger la mort de son plus jeune frère tué par le seigneur Vishnu, l’un des dieux de la trimurti. Hiranyakashipu, ne supportant pas l’adoration que son propre fils Prahlad vouait à Vishnu, décida de le tuer. Après de nombreuses tentatives infructueuses,il pria alors sa propre sœur Holika, qui avait la particularité d’être immunisée contre les flammes, de prendre son neveu Prahlad dans ses bras et de s’asseoir au beau milieu d’un feu, pour que ce dernier périsse brûlé. Elle s’exécuta, sans se douter que l’adoration de Prahlad pour Vishnu était si sincère qu’il serait épargné par les flammes alors qu’elle, en dépit de son immunité, périrait consumée.

Holi est, depuis des siècles, fêtée chaque année en reconnaissance du triomphe du bien contre le mal. Les célébrations de Holi débutent par l’installation d’un grand bûcher, dans lequel on va brûler « Holika ». Ce soir-là est traditionnellement appelé « choti Holi », la Petite Holi. Une effigie de la démone est brûlée et des feux d’artifice sont tirés.

Le lendemain, dès l’aube, les rues deviennent rapidement noires d’une foule qui retrouve son âme d’enfant en s’amusant à se jeter de pleines poignées de poudres de toutes les couleurs, éventuellement mélangées à de l’eau que l’on asperge alors à tout va ! Voilà donc comment on se lance des couleurs. Ce rituel touche à sa fin dès l’arrivée du crépuscule. Il est alors temps de se laver et de revêtir ses plus beaux habits pour recevoir, à la maison, amis et famille, et se délecter de merveilleuses pâtisseries indiennes en attendant de recommencer le lendemain ! C’est aussi un jour de dévotion où l’on va prier au temple. Et c’est aussi une fête du printemps qui célèbre la fin de l’hiver et l’arrivée des beaux jours et des récoltes.

Bollywood (cinéma indien en langue hindi) s’est, à de nombreuses reprises, emparé de la magie des couleurs de Holi, en filmant des scènes d’anthologie dans lesquelles tout n’est que joie, euphorie et musique.

Cette année, Holi aura lieu le vendredi 11 mars 2009, alors avis aux amateurs, et que ceux qui seront vêtus de blanc ce jour-là prennent garde, car ils pourraient bien se faire asperger de couleurs.

Hélène Kessous

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Festival de Holi 2007 à Raipur (Chhattisgarh)Photo de Pradeep Dadsena

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NEWROZCette fête de Newroz, qui annonce le premier jour du printemps, est également

synonyme d’espoir et de révolte pour un peuple qui a subi des siècles d’oppression. C’est pourquoi elle a longtemps été interdite, du fait de sa connotation politique.

Selon le texte du grand poète iranien, Firdûsî (il s’agit de la plus ancienne version de l’ethnogenèse kurde), Zohak était un roi souffrant d’une maladie qui le poussait à tyranniser son peuple.

Zohak était un homme juste jusqu’au jour où le diable entra à la cour. Celui-ci se déguisa en cuisinier et se présenta au roi. Il excellait dans ce domaine à tel point que le roi voulut le remercier par un cadeau. Mais le diable répondit qu’il aimait tellement le roi qu’il ne souhaitait rien d’autre que l’embrasser. Le roi l’autorisa à lui baiser les deux épaules, mais soudain surgirent deux serpents à l’endroit où le diable avait posé ses lèvres. Les médecins entreprirent de couper la tête des serpents, mais ceux-ci repoussaient plus gros et plus voraces, se nourrissant de la cervelle du roi. Ces serpents lui faisaient subir d’affreuses souffrances, si bien qu’il se mit à sacrifier les jeunes hommes du royaume et à offrir leur cervelle en échange de la sienne. Cela risquait d’entraîner à la longue la disparition de son peuple, si bien qu’un ministre sage et éclairé réussit à convaincre le cuisinier du roi de sauver un homme à chaque repas, en remplaçant sa cervelle par celle d’un mouton. Chaque homme sauvé se réfugiait dans la montagne. C’est ainsi qu’en 612 avant J.C. est né le peuple kurde.

Selon la tradition orale kurde, un forgeron nommé Kawa décida d’en finir avec la tyrannie du roi lorsque les soldats capturèrent le seul enfant qui lui restait, les seize autres ayant été sacrifiés pour assouvir les serpents. Kawa réussit à pénétrer le château et tua Zohak, libérant ainsi son peuple le premier jour du printemps. Un grand feu fut allumé au sommet du Zagros pour fêter la victoire et depuis, les hommes et les femmes kurdes célèbrent chaque année le newroz par des danses et des chants traditionnels autour d’un grand feu.

Rachida Malouadjmi

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LA CÉLÉBRATION PERSANE

DU NOW ROUZ, LE NOUVEL AN

IRANIEN,ET SON FESTIVAL

D’après Le Livre des Rois de Ferdowsi, le Roi Djamshid1 fit construire un trône magnifique incrusté de diamants, sur lequel il s’assit et ordonna à ses esclaves, les démons, de le soulever dans les airs. C’est ainsi qu’il fit un voyage à travers les cieux. Les gens, émerveillés à cette vue, se rassemblèrent en chantant ses louanges, et appelèrent ce jour, qui était le premier jour du mois Farvardin, Now Rouz ou le Nouveau Jour. Ensuite, ils se mirent à boire du vin et à faire la fête. À partir de ce jour, ils continuèrent à célébrer avec grande joie ce festival chaque année.

En harmonie avec le renouveau de la nature, cette célébration du nouvel an persan commence toujours le premier jour du printemps, au moment exact de l’équinoxe de printemps (Tahvil), c’est-à-dire le 20, 21 ou 22 mars2. Cette cérémonie s’accompagne d’une série de rituels symboliques issus de l’Antiquité :

Nettoyage de son environnement, purification de soi, confession des péchés, exorcisation des démons (div) hors de la maison et de la communauté,Pardon de soi-même et d’autrui, et réconciliation,

1 Dans la tradition iranienne, le 4e et plus granddes premiers Shahs (rois) de l’humanité.2 Cette année-ci, ce sera le 20 mars, à 11:44:30du matin (heure de Paris).

Extinction et allumage de feux,Processions jusqu’aux frontières, les mers et les rivières,Perturbation de l’ordre normal des choses, avec des fêtes bruyantes.

Quelques semaines avant la nouvelle année, les Iraniens font le ménage chez eux, s’achètent de nouveaux vêtements, cuisent des pâtisseries et font pousser des germes, en signe de renouveau. Des troubadours (hérauts du renouveau), appelés Haji Firuz, fardés et habillés de satin rouge, dansent et chantent à travers les rues avec des tambourins et des trompettes pour répandre la joie et la nouvelle de la venue du Nouvel An. Ils représentent la mort et la résurrection du dieu sumérien du sacrifice, Domuzi, qui se faisait tuer à la fin de chaque année et ressuscitait au début de la suivante.

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inéma

ulture

vénement

dyssée

oom sur l'Inalco

ociété

uisine

istoire à continuer

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Dans chaque maison, on place une couverture spéciale sur un tapis ou une table et l’on y dépose sept plats (sofreh-ye haft-sinn). Le nombre sept est sacré depuis l’Antiquité, et symbolise ici les sept hérauts angéliques de la vie : Renouveau, Santé, Bonheur, Prospérité, Joie, Patience et Beauté. Chaque élément posé dans les plats commence par la lettre sinn (« s ») : sabzeh (des germes de lentilles ou de blé), samanu (une sorte de pudding), sib (pomme), sendjed (une sorte d’olive sauvage sucrée), sir (ail), somaq (sumac), serkeh (vinaigre).

On y place également d’autres éléments symboliques pour renforcer les espoirs et les souhaits : un livre sacré (le Coran pour les musulmans) et/ou un divan (recueil) des poèmes de Hafez, quelques pièces, des œufs peints, une bigarade (orange de Séville) et un poisson (rouge) placés dans deux bols d’eau, de l’eau de rose, un bol de lait, des branches de saule blanc, des grenades, des figues, des olives, une jacinthe ou un narcisse, un brasero pour brûler la rue sauvage (plante sacrée dont la fumée éloigne les mauvais esprits et le mauvais œil), et un miroir accompagné de deux candélabres. On peut aussi y déposer des sucreries/pâtisseries iraniennes, car le roi Djamshid aurait découvert le sucre lors de Nowrouz.

La nuit précédant le dernier mercredi de l’année (shab-e chahâr-shanbeh suri), on allume des feux et, pour se purifier avant la nouvelle année, on saute par-dessus les flammes en criant « Sorkhi-e to az man o zardi-e man az to ! » (Donne-moi ta belle couleur rouge et prends ma pâleur maladive !). Lors des derniers jours de l’année, les vivants seraient visités par les esprits de leurs ancêtres ; c’est pourquoi ce soir-là, les enfants se déguisent en esprits, et courent à travers les rues en frappant de leurs cuillères des casseroles et des poêles, et toquent aux portes pour réclamer des friandises. C’est le qashogh-zani. On peut également poser une question, puis se positionner dans la rue ; les premières paroles prononcées par le premier passant sont la réponse à

cette question. Cette nuit-là, on distribue et mange également de la nourriture spéciale.

Quelques heures avant la transition vers la nouvelle année, parents et amis se réunissent autour du sofreh-ye haft-sinn, en clamant des chants traditionnels, des poèmes de Hafez et des versets du Coran. Au moment exact de l’équinoxe, on récite la prière de la transition, en vue d’une vie meilleure. Ensuite, le doyen de la famille distribue des friandises, des pâtisseries, des pièces et des accolades. Ce jour-là, on mange également un menu particulier.

La célébration continue pendant douze jours après l’équinoxe. Durant les premiers jours, les plus jeunes de la famille rendent visite à leurs parents et amis plus âgés pour montrer leur respect, et reçoivent des pâtisseries et des boissons glacées, tandis que les enfants obtiennent des cadeaux (généralement des billets de banque neufs) de la part de l’Amou Nowrouz, l’oncle du nouvel an, l’équivalent du Père Noël. Lors des derniers jours, ce sont les plus âgés qui rendent visite aux plus jeunes.

Enfin, lors d’un treizième jour (représentant le temps du chaos), les gens sortent, oublient l’ordre et font la fête. C’est le sizdeh bedar. Des familles entières se rendent en procession dans des endroits frais au bord d’une rivière et pique-niquent sur l’herbe, tandis qu’ils confient les graines germées à l’eau afin qu’elles exorcisent les démons et emportent le mauvais œil hors de la maison et de la communauté. En l’absence d’eau, on peut les déposer sur une voiture et démarrer. Les filles non-mariées et désirant l’être l’année suivante lient des brins d’herbes en pensant au prince charmant. Lors de ce dernier jour, on danse, chante, mange et boit à profusion. C’est la fin des célébrations du Nowrouz et un nouveau départ !

Shervin Gharabaghi-Ferdowsinspiré, en partie, de New Food of Life,

“Ancient Persian and Modern Iranian Cooking and Ceremonies”, de Najmieh Batmanglij

(Mage Publishers, 2004)

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NOVRUZ EN AZERBAIDJAN

La fête de Novruz, ou Novruz Bayramy, est la fête la plus ancienne, la plus importante et, sans doute, la préférée des Azerbaïdjanais. Signifiant le « Nouveau Jour », elle célèbre le premier jour du printemps, le début du Nouvel An astrologique, le 21 mars. Cette fête est célébrée également par de nombreux autres peuples orientaux. Il ne s’agit pas d’une fête religieuse, mais plutôt de celle du Renouveau de la Nature, qui prend ses origines à l’aube de l’histoire, il y a plusieurs milliers d’années.

Novruz est célébré en Azerbaïdjan d’une manière particulièrement solennelle. Cette fête, sans doute la plus colorée et la plus joyeuse de toutes les fêtes azerbaïdjanaises, est riche en rites et en traditions.

Les préparatifs et la célébration de Novruz commencent bien avant le 21 mars. Le soir des quatre mardis précédant le 21 mars – tcherchenbé akchamlary (appelés, le plus souvent – tcherchenbé tout court), respectivement le mardi du feu, le mardi de l’air, le mardi de l’eau et le mardi de la terre, chaque famille prépare sa table de Novruz, riche en couleurs et en saveurs. Les plateaux contenant des pâtisseries traditionnelles azerbaïdjanaises (chekerbura, paxlava, cheker tchoreyi et gogal), des fruits secs (amandes, noix, noisettes et raisins secs), d’autres friandises et des oeufs colorés, décorent la table. Au centre de la table est placé le semeni, des germes de blé en herbe dans une assiette, symbole de la verdure, du réveil de la nature et de l’abondance. C’est aussi l’un des éléments obligatoires de la table de Novruz. Les soirs de tcherchenbé, ainsi que le soir du 20 mars (bayram akchamy), dans chaque maison, on allume, sur un plateau, des bougies - une pour chacun des membres de la famille.

Le dernier mardi est le plus important des tcherchenbé akchamy. Ce soir-là et la veille au soir du 20 mars, les gens sautent par-dessus des feux allumés dans toutes les rues et dans les cours des immeubles pour

se débarrasser des malheurs, des problèmes et des peines de l’année qui s’achève.

Il existe aussi d’autres rites particuliers. Le dernier tcherchenbé et la veille de la fête, on fait un vœu avant de sortir de la maison. En fonction du premier mot entendu au dehors, on interprète la probabilité que ce vœu soit exaucé. Cette tradition est appelée qulaq fali.

Le soir du dernier mardi de Novrouz et le bayram akchamy,

les enfants frappent aux portes des voisins et des proches, y déposent un sac avant de se cacher, pour que les propriétaires les remplissent de friandises.

Du 19 au 21 mars, toutes les villes d’Azerbaïdjan sont particulièrement animées. Des danses et des chants accompagnent les festivités. Des personnages folkloriques, dont le plus connu est Kosa, l’équivalent du Père Noël occidental, amusent les gens et racontent des histoires traditionnelles de Novruz. Des spectacles, des jeux et d’autres manifestations populaires se déroulent en plein air. Sur les places publiques sont organisés des jeux avec des chevaux, des levées de poids, des stands de tir à l’arc, des combats de coqs, etc.

Le soir du 20 mars (bayram akchamy), toute la famille se réunit à la maison autour de la table de Novruz. En plus des ornements de la table des tcherchenbé, celle-ci contient des plats traditionnels, notamment du pilaf et du poisson garni. Les 20 et 21 mars (bayram akchamy et bayram günü), tout le monde porte des vêtements neufs. La maison doit être pleine de lumière. La bonne humeur et la joie sont de mise, car on considère que la manière de passer le bayram akchamy déterminera le reste de l’année.

Ce sont aussi des jours de réconciliation et de pardon. Il est considéré savab (agréable à Dieu) d’aider ces jours-là les plus démunis, en partageant avec eux les mets de Novrouz. La coutume veut aussi qu’on rende visite à ses proches pour leur souhaiter une bonne fête et une bonne année.Novruz Bayraminiz Mübar∂k !

Florence Marot-Avdibegovic

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春 LA FÊTE DU PRINTEMPS EN CHINELa fête du Printemps, en Chine, est une

fête très ancienne, qui puise ses racines dans les traditions paysannes. Et si la culture chinoise traditionnelle a toujours entretenu un lien très étroit avec la nature et son rythme, la fête du printemps en est la preuve.

Nous qui pouvons la vivre chaque année dans le quartier chinois de Paris, nous remarquons qu’elle ne tombe jamais à la même date. C’est parce que le calendrier traditionnel chinois est lunaire ! Pendant des millénaires, la lune et ses cycles ont donné la mesure du temps, mais la lune est aussi le symbole de beaucoup de croyances et de sentiments (connaisseuse des secrets des mondes des vivants et des morts dans la religion antique, symbole d’unité lors de la fête de la mi-automne…). Suivant le calendrier lunaire, cette fête tombe toujours à la même date, qui est celle de la nouvelle année chinoise.

C’est sûrement la fête la plus importante de la Chine, en tout cas elle est fêtée sur son territoire tout entier. Dans les temps anciens où la société était encore essentiellement agricole, elle était vécue comme une sortie de l’hiver, un renouveau de la nature, l’entrée dans un rythme où l’énergie allait pouvoir se déployer à nouveau.

Aujourd’hui encore, la fête du Printemps s’étend sur une durée de 15 jours, commençant avec le Nouvel an chinois pour se terminer avec la fête des lanternes. Voici quelques unes de ses nombreuses traditions.

La veille du nouvel an, on balaie toutes les poussières au-dehors pour chasser la vieille année qui se termine. D’autre part, il est important de ne rien casser, afin de ne pas mal commencer l’année qui arrive. C’est aussi le moment de régler les comptes, dettes et autres affaires qui étaient restées en suspens.

La langue chinoise détermine aussi de nombreuses traditions. Ne vous étonnez donc pas de manger du poisson à cette époque. La raison en est que « poisson » en chinois se prononce yu (鱼), et que c’est

l’homophone du mot supplément, excédent, bénéfice, dans la maxime nian nian you yu (年年有余 : « Chaque année apporte du bénéfice », maxime de bon augure écrite et prononcée alors). Les symboles sont légion, comme ce signe chinois du bonheur que nous voyons parfois accroché à l’envers sur les portes des maisons, « bonheur renversé » se prononçant de la même façon que « Le bonheur arrive » (福倒 : fudao). La langue chinoise joue donc énormément sur l’homophonie pour déterminer les plats que l’on mange à cette occasion (raviolis à la jujube, au poulet, poisson, etc.).

On fait sauter des pétards, et le rouge (couleur du sang) domine, car il s’agit de faire peur aux démons qui descendent du ciel. En Chine, pétards et feux d’artifice peuvent donc retentir toute la nuit.

Mais surtout, on passe la fête ensemble. Le nouvel an chinois est l’occasion de se rassembler : on ne commence le repas que lorsque tout le monde est là. On s’offre de menus cadeaux (de l’argent dans de petites enveloppes rouges (hongbao)). Les jours suivants, on rend visite à la famille, aux amis proches, aux voisins. C’est une fête extrêmement conviviale, et la vie de quartier est encore très vive dans certaines villes en Chine, et particulièrement dans les villages. Tout le monde se retrouve donc, la plupart du temps au temple du quartier, ou alors en se rendant visite. C’est l’occasion de s’offrir des pommes (en chinois ping, homophone du mot paix).

La fête du Printemps est une des fêtes les plus anciennes qui soient encore aujourd’hui aussi répandues. Mais on peut peut-être se demander ce qu’elle va devenir. Car aujourd’hui, de moins en moins de jeunes Chinois connaissent l’origine de cette fête et le pourquoi de ses symboles : la tradition se vide alors peu à peu de son sens. Et la réglementation plus stricte interdit également de faire des feux d’artifice en ville.

Néanmoins, tant qu’il restera quelques vieux Chinois pour représenter la mémoire, la fête du Printemps aura encore de beaux jours devant elle.

Julien Carpentier

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Langues zOneDIRECTEUR DE LA

PUBLICATIONAlexis Barbin

REDACTEUR EN CHEFEstelle Delavennat

ONT COLLABORE (TEXTES)Julien CarpentierMarcel Courthiade

Shervin Gharabaghi-Ferdows

Alice GrimaudHélène Kessous

Jean KudelaRachida Malouadjmi

Florence Marot-Avdibegovic

Olga Velitchkina

ONT ILLUSTRE (IMAGES) Pradeep DadsenaAleksandr KostinAlice GrimaudAnna Claire Pot

CORRECTIONEstelle Delavennat

DIRECTION ARTISTIQUERenaud Barne

Estelle DelavennatAnna Claire Pot

EDITEURLangues zOne

(association loi 1901)

IMPRIMEURInalco, 2 rue de Lille, 75343 Paris cedex 07

D’après la loi de 1957,les textes et illustrations publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs. L’envoi de textes, photos ou documents implique leur libre utilisation par le journal. La reproduction des textes et dessins publiés est interdite. Ils sont la propriété exclusive de Langues zOne qui se réserve tous droitsde reproduction.

ISSN : 1774-0878

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OHANAMIContemplation des Fleurs

À partir de fin mars ou début avril, les sakura (fleurs de cerisiers) entrent en pleine floraison partout au Japon. De nos jours, Ohanami se résume souvent à profiter de cette saison pour pique-niquer, discuter, chanter sous les cerisiers en fleurs en famille ou entre amis.

On considère que Ohanami aurait commencé durant la période Nara (710-784), à l’époque où la dynastie chinoise Tang a fortement influencé le Japon, entre autres en apportant le fait d’apprécier les fleurs. Cependant, c’étaient les fleurs d’ume (prune) que les gens admiraient à cette époque, et ce n’est que durant la période Heian que les sakura ont commencé à attirer plus l’attention.

L’empereur Saga, qui vécut à l’époque Heian, aurait adapté « admiration » pour faire une fête de « contemplation des fleurs » : avec du saké et des mets, sous les branches des cerisiers en fleurs à la cour impériale à Kyōto. Des poésies

étaient écrites, louant les fleurs sensibles, qui étaient vues comme une métaphore de la vie elle-même, lumineuse et belle, mais passagère, éphémère.

HANA MATSURI Fête des Fleursanniversaire de Bouddha le 8 avril

On célèbre à travers tout le pays la naissance du Bouddha Shâkyamuni. Bouddha est né le 8e jour du 4e mois du calendrier chinois. Cette date fut transcrite sur le calendrier grégorien pour les Japonais, soit le 8 avril.

Durant toute la journée, dans tous les temples bouddhistes, on verse sur les statuettes ou les images de Bouddha un thé sucré nommé Amacha* ou bien une boisson appelée Amazake*. À Tôkyô, des enfants défilent au Senso Ji d’Asakusa (vieux temple de Tôkyô). La célébration varie d’une région à une autre et prend des airs d’anciens festivals de printemps : on prie pour écarter les démons et pour obtenir de bonnes récoltes.

*Amacha :infusion japonaise, obtenue à partir de feuilles d’hortensia

écrasées. Ce « thé » contient du tanin et de la dulcine, un édulcorant près de 250 fois plus sucrant que le sucre, d’où son nom d’amacha qui, traduit, signifie « thé sucré ». Elle aurait des capacités médicinales, en tant que produit antiallergique naturel.

*Amazake :boisson peu alcoolisée à base de riz fermenté.Cette boisson date de la période Kofun, elle est mentionnée dans le Nihon Shoki.

Alice Grimaud