11
La fécondation La fécondation est le processus de rencontre et de fusion d’un spermatozoïde (n) et d’un ovocyte (n), qui aboutit à la formation d’un zygote (2n). Le zygote est une cellule activée et totipotente, capable d’initier la morphogenèse. La fécondation se déroule dans le tractus génital femelle dans l'espèce humaine (fécondation interne). Le terme de fécondation désigne non seulement la fusion des gamètes, mais aussi l’ensemble des événements préalables à cette fusion, c’est-à-dire le conditionnement des gamètes dans les voies génitales femelles. La fécondation est une cascade d’événements cytologiques interdépendants. I ) Le conditionnement des spermatozoïdes La fécondation ayant lieu dans l'ampoule tubaire, les spermatozoïdes remontent la quasi-totalité des voies génitales féminines. Déposés dans la cavité vaginale, ils n'y restent que peu de temps, le pH acide du milieu vaginal leur étant néfaste, et ils pénètrent aussitôt dans la glaire cervicale, qui occupe le col utérin. En quittant la glaire, ils arrivent dans la cavité utérine, qu'ils traversent pour franchir l’obstacle de la jonction utéro- tubaire, avant de remonter les trompes. Ils entrent indistinctement dans les deux trompes : dans celle qui ne contient pas d’ovocyte ils poursuivent leur ascension jusqu'au pavillon et passent dans la cavité péritonéale ; dans celle qui contient l’ovocyte la plupart s'arrêtent dans l'ampoule, pris au piège de l'amas visqueux qu'est le cumulus. La durée de ce parcours est brève, puisqu'au bout de quelques minutes on trouve déjà des spermatozoïdes dans la glaire, et on admet qu'il leur faut 10 à 30 minutes pour aller du col utérin à l'ampoule tubaire. ll ne s'agit pas d'un simple transit puisque les divers milieux du tractus génital féminin (glaire cervicale, liquide utérin et liquide tubaire) exercent sur les spermatozoïdes des effets destinés à les débarrasser du liquide séminal, à les sélectionner, à réguler leur nombre et à les capaciter. 1 ) La traversée du col utérin La glaire cervicale La glaire ou mucus cervical qui occupe le col utérin est un milieu relativement complexe, dont les caractéristiques physico-chimiques et morphologiques, contrôlées par les hormones ovariennes, sont en concordance avec le cycle ovarien. Origine : Elle est sécrétée par les glandes, ou cryptes, de la muqueuse cervicale, mais certains de ses constituants sont aussi d’origine tubaire. La production de glaire varie entre 50 et 700 mg par jour, avec un maximum au moment de l’ovulation. Caractéristiques physiques : C’est un hydrogel, qui a la consistance du blanc d'œuf, avec une filance et une élasticité maximales à la phase ovulatoire, la viscosité variant en sens inverse. Composition chimique : Le pH de la glaire varie entre 6,5 et 8,5, avec un maximum également à l’ovulation ; parmi ses principaux constituants on peut noter de l’eau, des ions (Na+, K+, Mg+, Cu+), des glucides (fructose, glucose, glycogène), des protéines (albumine, immunoglobulines, enzymes, glycoprotéines). Embryologie Chapitre 4 : la fécondation 1

La fécondation fécondation (L1 SANTE).pdf · La fécondation La fécondation est le processus de rencontre et de fusion d’un spermatozoïde (n) et d’un ovocyte (n), qui aboutit

Embed Size (px)

Citation preview

La fécondation

La fécondation est le processus de rencontre et de fusion d’un spermatozoïde (n) et d’un ovocyte (n), qui aboutit à la formation d’un zygote (2n). Le zygote est une cellule activée et totipotente, capable d’initier la morphogenèse. La fécondation se déroule dans le tractus génital femelle dans l'espèce humaine (fécondation interne). Le terme de fécondation désigne non seulement la fusion des gamètes, mais aussi l’ensemble des événements préalables à cette fusion, c’est-à-dire le conditionnement des gamètes dans les voies génitales femelles. La fécondation est une cascade d’événements cytologiques interdépendants.

I ) Le conditionnement des spermatozoïdes

La fécondation ayant lieu dans l'ampoule tubaire, les spermatozoïdes remontent la quasi-totalité des voies génitales féminines. Déposés dans la cavité vaginale, ils n'y restent que peu de temps, le pH acide du milieu vaginal leur étant néfaste, et ils pénètrent aussitôt dans la glaire cervicale, qui occupe le col utérin. En quittant la glaire, ils arrivent dans la cavité utérine, qu'ils traversent pour franchir l’obstacle de la jonction utéro-tubaire, avant de remonter les trompes. Ils entrent indistinctement dans les deux trompes : dans celle qui ne contient pas d’ovocyte ils poursuivent leur ascension jusqu'au pavillon et passent dans la cavité péritonéale ; dans celle qui contient l’ovocyte la plupart s'arrêtent dans l'ampoule, pris au piège de l'amas visqueux qu'est le cumulus. La durée de ce parcours est brève, puisqu'au bout de quelques minutes on trouve déjà des spermatozoïdes dans la glaire, et on admet qu'il leur faut 10 à 30 minutes pour aller du col utérin à l'ampoule tubaire. ll ne s'agit pas d'un simple transit puisque les divers milieux du tractus génital féminin (glaire cervicale, liquide utérin et liquide tubaire) exercent sur les spermatozoïdes des effets destinés à les débarrasser du liquide séminal, à les sélectionner, à réguler leur nombre et à les capaciter.

1 ) La traversée du col utérin

La glaire cervicaleLa glaire ou mucus cervical qui occupe le col utérin est un milieu relativement complexe, dont les caractéristiques physico-chimiques et morphologiques, contrôlées par les hormones ovariennes, sont en concordance avec le cycle ovarien.

Origine : Elle est sécrétée par les glandes, ou cryptes, de la muqueuse cervicale, mais certains de ses constituants sont aussi d’origine tubaire. La production de glaire varie entre 50 et 700 mg par jour, avec un maximum au moment de l’ovulation.

Caractéristiques physiques : C’est un hydrogel, qui a la consistance du blanc d'œuf, avec une filance et une élasticité maximales à la phase ovulatoire, la viscosité variant en sens inverse.

Composition chimique : Le pH de la glaire varie entre 6,5 et 8,5, avec un maximum également à l’ovulation ; parmi ses principaux constituants on peut noter de l’eau, des ions (Na+, K+, Mg+, Cu+), des glucides (fructose, glucose, glycogène), des protéines (albumine, immunoglobulines, enzymes, glycoprotéines).

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

1

Caractéristiques morphologiques : Au microscope électronique à balayage, les glycoprotéines prennent l’aspect de fibres d’épaisseur variable : fibres α (300 à 600 nm), β (100 à 150 nm) et γ (50 à 75 nm). Elles sont organisées en un réseau irrégulier, dont les mailles sont plus ou moins resserrées selon les phases du cycle, avec un maximum de laxité pendant la période ovulatoire.

Aptitude de la glaireLes spermatozoïdes ne peuvent traverser la glaire que pendant la courte période péri-ovulatoire, c'est-à-dire le jour de l’ovulation, les deux jours qui la précèdent et le lendemain. Ce n’est qu'à ce moment-là que le col est ouvert, que la glaire est en quantité suffisante et que ses caractéristiques physico-chimiques et morphologiques sont optimales.

Déplacements des spermatozoïdesLa glaire ne semble pas exercer de pouvoir attractif sur les spermatozoïdes, mais leur pénétration dans la glaire est favorisée par les prostaglandines du liquide séminal. C'est essentiellement grâce à leurs mouvements propres qu'ils traversent le col utérin ; cette mobilité est d'ailleurs stimulée par la glaire (pH alcalin, glucose, etc.), mais leur vélocité est cependant plus faible dans ce milieu visqueux que dans le liquide séminal. Les contractions du col jouent aussi un rôle : elles sont maximales au moment de l’ovulation ou de l’orgasme, sous l'effet d'une hormone post-hypophysaire, l’ocytocine.La trajectoire des spermatozoïdes n'est pas rectiligne; beaucoup sont retenus dans les cryptes de la muqueuse cervicale et seront ensuite relargués régulièrement pendant 24 à 48 heures (on connaît des cas de survie plus longue, de 120 heures). La glaire joue de la sorte un rôle de régulateur du flux des spermatozoïdes, ce qui augmente les chances de rencontre avec un ovocyte, l’ovulation ne coïncidant pas nécessairement avec le rapport sexuel.

Filtration du spermeLe liquide séminal et la glaire ne sont pas miscibles : seuls les éléments mobiles du sperme pénètrent dans la glaire. Autrement dit, restent donc dans la cavité vaginale :- les spermatozoïdes morts ou immobiles;- les cellules germinales immatures; - les macrophages ou leucocytes éventuellement présents dans le sperme; - les bactéries parfois présentes dans le sperme (bien que la glaire possède un relatif pouvoir bactéricide et

bactériostatique, grâce au lysozyme et à la lactoferrine); - les constituants du liquide séminal, dont certains sont des inhibiteurs de la fécondation, en particulier les

facteurs de décapacitation.

Sélection des spermatozoïdesNe traversent la glaire cervicale que les spermatozoïdes les plus fécondants, c'est-à-dire ceux dont la mobilité est la meilleure, progressive linéaire et de vélocité suffisante, ainsi que ceux dont la morphologie est la plus typique. La glaire ne laisse passer que 1 à 2% des spermatozoïdes inséminés; donc pour un

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

2

éjaculat moyen de 100 à 200 millions de spermatozoïdes, il n'en passera que 1 ou 2 millions dans la cavité utérine. A noter qu'il n'y a pas de barrière interspécifique entre glaire et spermatozoïdes : in vitro ceux d'une espèce peuvent pénétrer dans la glaire d'autres espèces.En définitive, le mucus cervical ne laisse passer les spermatozoïdes que pendant la période péri-ovulatoire, il régule leur flux, il sélectionne les plus fécondants et les débarrasse du liquide séminal.

2 ) Transit utéro-tubaire

Le liquide utéro-tubairell y a quelques différences entre les contenus de la cavité utérine et des trompes. Nous ne prendrons en compte que des caractéristiques moyennes.

Origine Elle est triple : sécrétion des cellules glandulaires des muqueuses utérine (endomètre) et tubaire, transsudation plasmatique et liquide folliculaire. L’intensité de la sécrétion varie en fonction du cycle, avec un maximum au début de la phase lutéale.

Composition chimique Son pH varie entre 7,5 et 8. Parmi les composants les plus importants, et indépendamment des variations cycliques, on peut retenir de l’eau, des ions Na+, Mg++, Ca++ et surtout K+, du pyruvate et du lactate, des acides aminés, presque tous à des concentrations plus élevées que dans le sérum, en particulier de la taurine et de la glycine, des protéines (albumine, lipoprotéines, immunoglobulines, enzymes), des protéines spécifiques ou mucines (oviductine), des glucides (glucose, fructose, glycogène, glycosaminoglycanes), des lipides (acides gras libres, cholestérol, triglycérides, phospholipides).

Déplacements des spermatozoïdesIls se déplacent grâce à leurs mouvements propres, mais ce paramètre n’explique pas tout, car la durée du transit devrait être plus longue que celle qui est observée si on ne tenait compte que de leur vélocité propre. Un courant liquidien intervient de façon déterminante, puisque des spermatozoïdes morts ou des particules inertes peuvent remonter les trompes. Ce courant est essentiellement dû aux contractions des muqueuses utérine et tubaire, stimulées par les prostaglandines et l’ocytocine.

Survie et sélection des spermatozoïdesll y a encore à ce stade une sélection qui s’opère puisque certains spermatozoïdes sont phagocytés pendant ce transit par des macrophages ou des leucocytes : ceux qui survivent sont ceux qui établissent des liens avec la muqueuse tubaire, à la jonction utéro-tubaire, par des contacts intermembranaires au niveau de la tête spermatique. Ces spermatozoïdes sont les plus normaux et les plus mobiles. Les effets des cellules de la muqueuse tubaire sur la survie spermatique ne sont pas parfaitement connus : action sur les canaux calciques de la membrane spermatique et maintien du cholestérol membranaire, ceci dans le but d'empêcher une capacitation et une réaction acrosomique prématurées. On sait d'autre part que certains constituants tubaires, comme la taurine ou l'albumine, ont un rôle identique.

Capacitation des spermatozoïdesLe séjour des spermatozoïdes dans le tractus génital féminin est une condition sine qua non à la fécondation. Ils y subissent des modifications inverses de celles qu'ils ont connues pendant leur transit épididymaire (décapacitation), les rendant aptes à féconder et regroupées sous le terme de capacitation. ll semble que la fixation à la muqueuse tubaire facilite cette capacitation, qui en tout cas ne pourrait pas se faire en présence de liquide séminal (facteurs de décapacitation).

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

3

Nature de la capacitation Elle consiste en des modifications de la membrane plasmique :- nouvelle répartition des protéines membranaires, moins homogène;- relargage de protéines superficielles;- élimination de radicaux glucidiques;- phosphorylation de certaines protéines- modification de la composition lipidique (élimination d’une partie du cholestérol libre);- réduction des charges négatives.

Facteurs de capacitationDe nombreuses substances du liquide tubaire sont capables d’induire la capacitation : - albumine et lipoprotéines : élimination du cholestérol libre;- glycosaminoglycanes : relargage des protéines de revêtement;- neuraminidase et glycuronidase : excision des groupements glucidiques;- stéroïdes;- lipides.

Conséquences de la capacitationCes modifications membranaires permettront la poursuite des évènements préalables à la fécondation :- préparation à la réaction acrosomique;- libération des sites protéiques membranaires de reconnaissance de la zone pellucide et de la membrane

ovocytaire;- hypermobilité des spermatozoïdes, par augmentation de l'amplitude du mouvement flagellaire, utile à la

traversée de la zone pellucide; - augmentation concomitante de l'activité respiratoire.

En définitive, au terme de cette approche spermatique, ne sont présents simultanément dans l'ampoule tubaire, et ce pendant les quelques jours de la période péri-ovulatoire, que quelques centaines de spermatozoïdes, non vieillis, morphologiquement normaux, mobiles et capacités.

II ) Le contact entre les gamètes

Cette étape est complémentaire de la précédente à laquelle elle est dépendante.Elle comporte la traversée du cumulus, la fixation à la zone pellucide, sa traversée et la fusion intergamétique. La durée de cette phase n’est pas connue avec précision, mais elle est brève, de l’ordre d'une heure in vitro.

1 ) Traversée du cumulus

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

4

Les spermatozoïdes pris au piège du cumulus, qui obstrue l'ampoule tubaire, s'insinuent dans les espaces intercellulaires du cumulus et de la corona. In vitro on constate que beaucoup d'entre eux font alors leur réaction acrosomique, libérant leur contenu acrosomial. On constate aussi que lorsqu'une centaine de spermatozoïdes ont pénétré dans le cumulus celui-ci se rétracte, par rétrécissement des espaces intercellulaires, enfermant sur place ces spermatozoïdes et empêchant d'autres d'y pénétrer. On en déduit que ce nombre est nécessaire et suffisant. La présence d'une telle quantité de spermatozoïdes en regard d'un seul ovocyte pourrait s'expliquer par une sorte d'effet de masse ; la dissociation des espaces intercellulaires nécessitant une quantité d'hydrolases qui ne peut être fournie que par la réaction acrosomique d'un grand nombre de spermatozoïdes, ce serait grâce à eux que pourrait parvenir à la zone pellucide le spermatozoïde fécondant, qui lui n'a pas fait sa réaction acrosomique. Cependant on considère qu’in vivo les choses sont différentes. Il ne pénètrerait dans le cumulus qu’un très petit nombre de spermatozoïdes. Leur mobilité propre, activée par la capacitation, serait le facteur essentiel de leur progression, par des sortes de canaux privilégiés. Tout au plus ils y seraient aidés par une hyaluronidase membranaire et on considère que ceux qui font alors leur réaction acrosomique la font prématurément et inutilement. Si cette opinion est la bonne, il reste à expliquer la fonction de toutes ces enzymes acrosomiales.

2 ) Fixation à la zone pellucide

In vitro on constate qu’ils sont plusieurs dizaine à s’y fixer, mais in vivo il n’y en aurait que quelques-uns, voire un seul. Quoi qu’il en soit c’est là que le spermatozoïde fécondant fait a réaction acrosomique.

La réaction acrosomiqueLe spermatozoïde prend contact avec la zone pellucide par l'extrémité apicale de la tête, et commence aussitôt sa réaction acrosomique, qui consiste en l’ouverture de l'acrosome, entraînant la libération des hydrolases qu'il contient. Après gonflement de l'acrosome, il y a fusion à intervalles plus ou moins réguliers de sa membrane externe et de la membrane plasmique, mais seulement au niveau du segment principal. Ces membranes forment alors des vésicules, qui se dispersent, laissant s’échapper le contenu de l'acrosome.

La réaction acrosomique n’est possible que s'il y a eu capacitation et en présence de Ca++. C'est donc ensuite la membrane interne de l'acrosome qui limite la tête spermatique, sauf dans son 1/3 postérieur, c’est-à-dire au niveau du segment équatorial et de la cape post-acrosomiale, où la membrane plasmique reste intacte.

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

5

Interactions moléculairesCe sont celles que l’on trouve en général en cytologie dans les phénomènes de fixation cellulaire à une lame basale, dont la zone pellucide fait office. La fixation du spermatozoïde est favorisée par les mucines, en particulier par l’oviductine qui vient recouvrir la zone pellucide. La membrane spermatique contient des récepteurs, correspondant à des ligands protéiques de la zone pellucide, dont 3 au moins sont connus : Zpl, Zp2 et Zp3.- La fixation est assurée par une liaison entre des molécules membranaires de galactosyltransférase

regroupées à l'apex du spermatozoïde et la partie glucidique de ZP3. - La réaction acrosomique débute avec la liaison entre une protéine membranaire spermatique, qui

pourrait être la protéine sp95, et la partie peptidique de Zp3. L’activation de cette protéine réceptrice sp95 met en jeu une protéine G et une protéine tyrosine kinase. La protéine G a au moins deux propriétés : elle active une phospholipase C membranaire, qui a la particularité de provoquer la formation de diacylglycérol, un déstabilisateur de membrane ; et elle entraîne la dislocation du réseau sous-membranaire d'actine. Ce qui explique la rupture membranaire. La tyrosine kinase intervient en permettant l’ouverture de canaux calciques à l’origine de l'élévation du taux de Ca++.

- L'ancrage du spermatozoïde est assuré par la liaison entre ZP2 et des protéines de la famille des CAM (Cell Adhesion Molecules), en particulier la protéine PH-20, qui se trouvent sur la membrane de l'acrosome.

La zone pellucide constitue une barrière interspécifique. Les spermatozoïdes ne reconnaissent que la zone pellucide de la même espèce, ou à la rigueur d'une espèce voisine ; ainsi les spermatozoïdes humains peuvent se fixer sur la zone pellucide du macaque ou du babouin mais pas sur celle du gibbon. La digestion artificielle in vitro de la zone pellucide par de la trypsine supprime cette barrière et autorise des débuts de fécondation interspécifique : par exemple, les spermatozoïdes humains fusionnent in vitro avec les ovocytes de hamster préalablement dépellucidés, mais la fécondation ne se terminera pas et sera bloquée ultérieurement.

3 ) Traversée de la zone pellucide

Les spermatozoïdes traversent la zone pellucide en biais, creusant une sorte de tunnel qui se referme derrière eux. Si plusieurs spermatozoïdes peuvent entreprendre cette traversée, comme on le constate in vitro, il n'en arrive normalement qu'un dans l’espace péri-vitellin.La progression du spermatozoïde tient à deux facteurs. Sa mobilité propre, activée depuis la capacitation, semble le facteur essentiel, comme l'atteste la plicature, visible au microscope électronique, des fibrilles de la zone pellucide en avant du spermatozoïde. Mais celle-ci est aussi altérée par plusieurs enzymes acrosomiales, comme le montre le halo clair qui entoure la tête spermatique : la βNacétylglycosaminidase rompt les liens entre le spermatozoïde et ZP2 ou ZP3 et lui permet de progresser; l’acrosine contenue

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

6

dans le segment équatorial de l’acrosome rompt les ponts disulfures entre glycoprotéines de la zone pellucide; une hyaluronidase dissout l’acide hyaluronique entre les mailles de la zone pellucide (la PH-20 a aussi une activité hyaluronidase).

4 ) Fusion des gamètes

CytomorphologieLe contact entre les gamètes ne s'effectue pas de façon quelconque. Le spermatozoïde ne se pique pas sur la surface de l’ovocyte, comme c'est le cas dans d'autres espèces non mammaliennes, mais il y est posé à plat au contact des microvillosités qui hérissent la membrane ovocytaire. C’est par la région post-acrosomiale, là où persiste de la membrane plasmique que le spermatozoïde prend contact avec la membrane ovocytaire. Dans notre espèce il ne semble pas y avoir sur la membrane ovocytaire de zones privilégiées particulièrement aptes à fusionner avec un spermatozoïde (chez le rat la fusion ne peut pas se faire à l'aplomb du fuseau de division, car la membrane plasmique est à cet endroit dépourvue de microvillosités). C e t t e z o n e d e f u s i o n s ’ é l a r g i s s a n t progressivement, à partir de ce point de contact, à l'ensemble du spermatozoïde, ses composants s’enfoncent progressivement dans le cytoplasme

ovocytaire. Le noyau et le centriole restent bien visibles, tandis que les mitochondries et l'axonème du flagelle se désintègrent et disparaissent rapidement.Normalement, dès lors qu'un spermatozoïde a fusionné avec l’ovocyte, aucun autre, parmi ceux qui sont présents sur la zone pellucide ou éventuellement dans l’espace périvitellin, ne peut le faire : il y a monospermie.

Interactions moléculairesLe contact entre les membranes plasmiques de deux gamètes s'effectue par l'intermédiaire de protéines spécifiques, selon des mécanismes bien connus dans les fusions cellulaires ou les fusions entre cellules et virus. La membrane spermatique possède des protéines, appelées disintégrines, de la famille ADAM (A Disintegrin And Metalloprotease Domaine), qui possèdent un domaine assurant la fixation et un domaine déstabilisateur de membranes. Chez l’oursin a été isolée une fertiline, qui est composée de deux sous-unités assurant ces deux fonctions. Chez divers mammifères, dont l'homme, ont été isolées des protéines de cette famille, les cyritestines. On attribue aussi à l'acrosine la propriété de rendre ces protéines fusogènes, qui sont en tout cas démasquées depuis la capacitation. Quant à la membrane ovocytaire, elle possède des protéines capables de se lier avec les précédentes, qui sont des intégrines. La fusion membranaire s’opère ensuite selon un mécanisme très général, par écartement des protéines et mise en commun des couches lipidiques.

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

7

III ) L’activation de l’oeuf

Sitôt l'incorporation du spermatozoïde, l’ovocyte entame toute une série de modifications moléculaires, qui ont une traduction morphologique, au niveau du cortex, du cytoplasme et du matériel nucléaire. Regroupées sous le terme d’activation, elles marquent le démarrage du développement embryonnaire.

1 ) Le signal spermatique

Les remaniements cellulaires de la fécondation sont déclenchés par un signal calcique, lui-même provoqué par la fusion spermatique. La présence du spermatozoïde dans le cytoplasme de l’ovocyte y entraîne une série d’oscillations de la concentration en Ca++. Les oscillations ont une fréquence de quelques minutes et durent plusieurs heures. Elles sont absolument indispensables à la suite des événements : leur déclenchement artificiel entraîne l'activation de l’ovocyte et une suppression artificielle l’inhibe.Le Ca++ est stocké dans les saccules de réticulum endoplasmique ovocytaire, où il se termine lié à une protéine, la calciréticuline, qui a avec lui une grande capacité de liaison mais une faible affinité. Autrement dit le réticulum en stocke beaucoup mais le libère facilement. La libération de Ca++ s’effectue par des canaux calciques ubiquitaires, ceux de la famille des canaux sensibles à l’inositol 1,4,5 triphosphate (lnsp3) et ceux de la famille des récepteurs sensibles à la ryanodine. Le mécanisme oscillatoire est le fait d’une libération périodique selon un processus autocatalytique, appelé CICR (Calcium lnduced Calcium Release) : les deux types de canaux sont sensibles à la concentration en Ca++, qui modifie leur conformation en état ouvert ou en état fermé.

Le déclenchement de ces oscillations est dû, au moins en partie à une protéine cytoplasmique du spermatozoïde (synthétisée au stade spermatide), appelée oscilline, dont le mécanisme d'action n’est pas élucidé. On sait que la capacité d'excitation du système CICR n'apparaît qu'au stade de spermatide allongée et que ce système n’existe que dans les ovocytes matures (augmentation de la quantité de réticulum, augmentation de la calciréticuline et augmentation du nombre de canaux calciques), sinon la fécondation s'arrête.

2 ) Régulation de la monospermie

La monospermie est assurée par la réaction corticale.

Celle-ci consiste en l'expulsion du contenu des grains corticaux dans l'espace périvitellin : ceux-ci migrent sous la membrane plasmique et fusionnent avec elle, selon un mécanisme classique d’exocytose. Celui-ci met en jeu le cytosquelette sous-membranaire, d’ailleurs relié aux intégrines de la membrane, et est déclenché par le flux calcique précédent. L’administration de ionophores calciques déclenche, sans fécondation, la réaction corticale.

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

8

Celle-ci commence au point de fusion avec le spermatozoïde et se répand sur tout le pourtour de l’ovocyte en quelques dizaines de secondes.ll en découle deux conséquences pour les spermatozoïdes surnuméraires. La première est la dénaturation de la zone pellucide par les protéases des grains corticaux libérées dans l'espace périvitellin, de sorte qu’elle devient imperméable à d’autres spermatozoïdes. La seconde est la modification de la membrane plasmique à la suite de l’intégration des membranes des grains corticaux : la nouvelle répartition des protéines réceptrices la rend inapte à la fixation de spermatozoïdes éventuellement présents dans l'espace périvitellin.

3 ) Reprise la méiose

La deuxième division méiotique jusque là bloquée en métaphase se termine. Elle est tout aussi inégale que la première et fournit un 2ème globule polaire. On reconnaît dans l’espace périvitellin les deux globules polaires côte à côte, distinguables par la présence dans le 1er et l'absence dans le 2ème de grains corticaux (puisque ceux-ci ont été expulsés avant cette division). Dans l'œuf le lot maternel haploïde de chromosomes reste visible à proximité du cortex. La reprise de la méiose met en jeu elle aussi le cytosquelette et elle est également déclenchée par le flux calcique précédent. Comme la réaction corticale, elle peut être provoquée, sans fécondation, par la simple administration d’ionophores calciques.

4 ) Reprise des synthèses protéiques

Alors que l'activité métabolique de l’ovocyte était jusqu'alors très réduite, les synthèses protéiques reprennent, comme le montrent plusieurs modifications morphologiques disposition des ribosomes en polysomes, augmentation du nombre de crêtes mitochondriales, développement des dictyosomes et du réticulum endoplasmique et apparition de lamelles annelées (variété de réticulum rencontrée dans les cellules actives). ll n'y a pas de synthèse d’ARN, ce sont les ARN stockés dans l’ovocyte qui sont traduits. Les mécanismes de cette reprise ne sont pas bien connus: les ARNm, jusqu’à maintenant inactivés par des liaisons avec des protéines, pourraient être libérés sous l’effet de protéases émises par diffusion à partir des grains corticaux.On ne connaît pas bien le sort des organites spermatiques (sauf le centriole); il n’y pas d'argument démontrant un éventuel rôle des constituants mitochondriaux (en particulier de l’ADN mitochondrial), ni de la tubuline de l'axonème.

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

9

IV ) Restauration de la ploïdie

La mise en commun des deux lots haploïdes d’ADN paternel et maternel ne survient qu’après la formation de pronoyaux, ou pronuclei ou noyaux haploïdes, qui apparaissent une vingtaine d'heures après la fusion gamétique.

1 ) Formation des pronoyaux

Pronoyau maternel ll se forme à partir du lot haploïde de chromosomes résultant de la 2ème division. Ces 23 chromosomes se décondensent, en même temps qu'une enveloppe nucléaire, provenant de l'association de saccules de réticulum, les entoure, et il y apparaît des nucléoles. Ce pronoyau a un diamètre de 20 à 30 µm.

Pronoyau paternelll provient de la décondensation du noyau spermatique. C’est d'abord une masse dense compacte, qui s’éclaircit en augmentant de volume. ll acquiert lui aussi une enveloppe nucléaire, formée de la même façon que dans le cas précédent, et il y apparaît aussi des nucléoles. Son volume est multiplié par 500, pour atteindre la même taille que le pro-noyau maternel. La décondensation spermatique provient du remplacement des protamines par des histones, ceci sous l'influence de facteurs de décondensation synthétisés au cours de la maturation ovocytaire, en particulier le glutathion.Dans ces pronoyaux il y a réplication de l’ADN, si bien que, comme avant toute division cellulaire, l'œuf est temporairement tétraploïde. Cette synthèse d’ADN est initiée par des facteurs présents dans l’ovocyte depuis sa maturation : en effet les expériences de transfert de noyaux somatiques montrent que ceux-ci répliquent leur ADN après leur introduction dans le cytoplasme ovocytaire. ll n’est pas exclu qu'y participent aussi des facteurs spermatiques.

2 ) Amphimixie

Les deux pronoyaux se dirigent vers le centre de l'œuf, et lorsqu'ils sont très rapprochés, leur chromatine se condense en chromosomes. Ces pronoyaux ne fusionnent pas : leurs enveloppes nucléaires se désintègrent et les chromosomes se disposent en métaphase sur un fuseau achromatique nouvellement formé. C'est la première division de segmentation qui commence.

V ) La parthénogenèse

La parthénogenèse est le développement d'un œuf puis d'un embryon à partir d’un ovocyte non fécondé par un spermatozoïde.Elle se produit spontanément dans certaines espèces d'invertébrés, comme l’abeille ou le puceron, et elle aboutit à des développements complets. Les mécanismes de régulation chromosomique sont au nombre de deux : soit la diploïdie est rétablie par la non séparation du 2ème globule polaire, soit il se développe un individu complet haploïde (cas de l'abeille) qui fera une gamétogenèse atypique, sans réduction chromatique. Chez les vertébrés supérieurs, il n’existe que des cas de parthénogenèse rudimentaire, qui ne dépasse pas le stade de la segmentation ; elle est régulièrement observée dans notre espèce in vitro; mais en aucun cas on n’obtient de développement complet.On peut provoquer la parthénogenèse expérimentalement par divers moyens physico-chimiques ; elle peut être complète chez les invertébrés ou les échinodermes (oursin) ; chez les vertébrés elle a pu être obtenue par piqûre chez les amphibiens, mais les résultats obtenus (par froid) chez les mammifères, en particulier la lapine, restent plus que douteux. On peut en tout cas la déclencher par des influx calciques, mais elle est toujours rudimentaire.

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

10

Conclusion

- La fécondation produit un individu original du point de vue génétique, du fait de l’originalité des gamètes;

- C’est le moment où se détermine le sexe génétique, suivant que le spermatozoïde est porteur d’un chromosome X ou Y;

- Les apports parentaux ne sont pas tout à fait équivalents : ils le sont quant au nombre de chromosomes, mais ils ne le sont pas quant à l’activité fonctionnelle des ADN (empreinte parentale); en outre, le cytoplasme avec ses ARN et l’ADN des mitochondries (100000 dans l’ovocyte contre une vingtaine dans le spermatozoïde) est quasiment uniquement maternel. Cette disproportion a des implications en génétique.

Embryologie Chapitre 4 : la fécondation

11