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Délivré par UNIVERSITE DE PERPIGNAN VIA DOMITIA Préparée au sein de l’école doctorale Et de l’unité de recherche Spécialité : DROIT PRIVE Présentée par : Hervis MIKPONHOUE Sous la direction de : Mme Evelyne MICOU et Mr Fréderic LECLERC Soutenue le 1 er Avril 2016 devant le jury composé de Mme Danielle CABANIS, Professeur des Universités Rapporteur M. Frédéric LECLERC, Professeur des Universités Membre du jury, Directeur de recherches Mme Evelyne MICOU, Maître de Conférences HDR Membre du jury, Directrice de recherches M. Christophe JUHEL, Maître de Conférences HDR Membre du jury M. Emmanuel TERRIER, Maître de Conférences HDR Rapporteur TITRE DE LA THESE : L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX D’INTEGRATION DU DROIT DES AFFAIRES

L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

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Page 1: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

Délivré par

UNIVERSITE DE PERPIGNAN VIA DOMITIA

Préparée au sein de l’école doctorale

Et de l’unité de recherche

Spécialité : DROIT PRIVE

Présentée par : Hervis MIKPONHOUE

Sous la direction de : Mme Evelyne MICOU et Mr

Fréderic LECLERC

Soutenue le 1er Avril 2016 devant le jury composé de

Mme Danielle CABANIS, Professeur des Universités Rapporteur

M. Frédéric LECLERC, Professeur des Universités Membre du jury,

Directeur de recherches

Mme Evelyne MICOU, Maître de Conférences HDR Membre du jury,

Directrice de recherches

M. Christophe JUHEL, Maître de Conférences HDR Membre du jury

M. Emmanuel TERRIER, Maître de Conférences HDR Rapporteur

TITRE DE LA THESE :

L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE

‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX

D’INTEGRATION DU DROIT DES AFFAIRES

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AVERTISSEMENT

L’Université de Perpignan n’entend donner aucune approbation ni improbation aux

opinions émises dans cette thèse. Ces opinions doivent être considérées comme propres

à leurs auteurs.

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« Une société n’est pas le temple des valeurs-idoles qui figurent au fronton de ses

monuments ou dans ses textes constitutionnels, elle vaut ce que valent en elle les

relations de l’homme à l’homme »

Marcel MERLEAU-PONTY

« L’identité culturelle est le noyau vivant de la personnalité individuelle et collective.

Elle est le principe vital qui inspire les décisions, les conduites, les actes perçus comme

les plus authentiques »

UNESCO, 1982

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DEDICACES

Cette étude est dédiée à ma famille, pour tous les efforts consentis.

Ce que je vous dois se situe au-delà de toute ma gratitude.

A tous ceux qui œuvrent quotidiennement dans le but de renforcer la compétitivité des

activités économiques et financières dans un environnement juridique, rationalisé et

harmonisé.

A tous ceux qui œuvrent pour le développement africain, pour l’intégration africaine et

à cette élite africaine qui y croit encore.

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5

REMERCIEMENTS

Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne

MICOU et Monsieur Fréderic LECLERC qui, malgré leurs multiples occupations, ont

daigné sacrifier une grande partie de leurs temps pour assurer la direction de cette thèse.

Ils ont su par leur disponibilité, leur bienveillance et leur rigueur, m’encourager et

m’orienter jusqu’à l’achèvement de ce travail. Leurs parcours furent aussi une grande

source de motivations et d’inspirations pour moi.

A mes chers parents Jérôme MIKPONHOUE et Jeannette MESSEKODE sans qui je

n’aurais pu être là ce jour, qui chaque jour ne cessent de m’apprendre et de me

conseiller sur la vie. Ils m’ont été d’un grand soutien financier, spirituel, puisse Dieu

tout-puissant leur donner santé et longue vie.

A mes frères et sœurs, Valérie, Bénéricio et Gertrude qui m’ont toujours exprimé leur

attachement de me voir aller de l’avant surtout dans mes moments de doute et à tous

mes amis qui se reconnaitront en souvenir des moments passés ensemble, je vous dis à

tous merci.

Ce travail n’est que le fruit de la contribution de plusieurs personnes qui ont permis de

le parfaire. Que toutes soient vivement remerciées pour leur participation utile et

indispensable.

MERCI.

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SIGLES ET ABBREVIATIONS

Al : Alinéa

Art : Article

AU : Actes Uniformes

AUDA : Acte Uniforme sur le Droit de l’Arbitrage

AUDSCGIE : Acte Uniforme relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du GIE

AUDCG : Acte Uniforme sur le Droit Commercial Général

AUDS : Acte Uniforme relatif au Droit des Sûretés

AUPCAP : Acte Uniforme sur les Procédures Collectives d’Apurement du passif

AUPSRVE : Acte Uniforme sur les Procédures Simplifiées de Recouvrement et

les Voies d’Exécution

BAD : Banque Africaine de Développement

BAMREL : Bureau Africain et Mauricien de Recherches et d’Etudes législatives

C/ : Contre

C.A : Cour d’Appel

CCJA : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

CEA : Communauté Economique Africaine

CEAO : Communauté Economique de l’Afrique de l’Ouest

CEDEAO : Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest

CEE : Communauté Economique Européenne

CEMAC : Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale

CER : Communauté Economique Régionale

Cf : Confer

CIMA : Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances

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CIPRES : Conférence Interafricaine de Prévoyance Sociale

CJ/UEMOA : Cour de Justice de l’Union Economique et Monétaire Ouest

Africaine

CM : Conseil des Ministres

CN/OHADA : Commission Nationale O .H.A.D.A.

C.CASS : Cour de Cassation

ERSUMA : Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature

ENAM : Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature

F CFA : Franc de la Communauté Financière Africaine

GEPGL : Communauté Economique des Pays des Grands Lacs

GICA : Groupement interprofessionnel de Centrafrique

GIE : Groupement d’Intérêt Economique

GP : Gazette du Palais

JAE : Jeune Afrique Economie

JORN : Journal Officiel de la République du Niger

NOEI : Nouvel Ordre Economique International

NTIC : Nouvelles Technologie de l’Information et de Communication

OCAM : Organisation Commune Africaine et Malgache

OHADA : Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

OAMPI : Office Africain et Malgache de la Propriété Intellectuelle

OAPI : Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle

OCAM : Organisation Commune Africaine et Malgache

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OCDE : Organisation de Coopération et de Développement Economique

OUA : Organisation de l’Unité Africaine

OMC : Organisation Mondiale du Commerce

PAL : Plan d’Action de Lagos

PED : Pays en Développement

PD : Pays Développés

PI : Pays Industrialisés

PNUD : Programme des Nations Unies pour le Développement

PRN : Présidence de la République du Niger

PR : Procureur de la République

PVD : Pays en Voie de Développement

RA : Règlement d’Arbitrage

RCA : République Centrafricaine

RCCM : Registre du Commerce et du Crédit Mobilier

Rev : Revue

RIDC :

Revue Internationale de Droit Comparé

RSS : Reforme du Secteur de Sécurité

TC : Tribunal de Commerce

TGI : Tribunal de Grande Instance

TI : Tribunal d’Instance

UAM : Union Africaine et Mauricienne

UCAM : Union Commune Africaine et Malgache

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UDEAC : Union Douanière et Economique de l’Afrique Centrale

UE : Union Européenne

UEMOA : Union Economique et Monétaire Ouest Africaine

UMA : Union du Maghreb Arabe

UNIDA : Association pour l’Unification du Droit en Afrique

V : Voir

ZLE : Zone de Libre Echange

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L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX

D’INTEGRATION DU DROIT DES AFFAIRES – RESUME

Au lendemain de leur accession à l'indépendance, les pays d'Afrique francophone

étaient dotés d'un système de droit privé étroitement dérivé de celui de l'ex-puissance

coloniale. Pendant près de deux décennies, ces États ont fait évoluer séparément leur

législation conformément à leur souveraineté nationale même si la volonté d'unifier le

droit en Afrique était matérialisée par des tentatives sous-régionales ayant peu abouti.

Aujourd’hui, l’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du droit des Affaires

(OHADA), créée depuis 1993 à Port-Louis, œuvre pour une uniformisation du droit des

affaires en Afrique. Ceci par l’adoption de ses divers actes uniformes, au plan

communautaire, dans les domaines essentiels du droit des affaires, notamment le droit

commercial, le droit des sociétés et le droit des sûretés. Dans sa perspective

d’intégration, elle envisage aussi d’énormes chantiers de codification afin d’étendre sa

communauté à d’autres Etats encore réticents à une perte de leur souveraineté au profit

d’une instance d’intégration et d’uniformisation du Droit des affaires.

Mais cela suffit t’il pour déduire que l’OHADA a installé un ordre juridique

communautaire en Afrique, à l’instar de l’exemple européen en la matière ?

Retenons que cette perspective d’intégration de l’OHADA soulève encore d’énormes

interrogations relatives à l’efficacité du dispositif juridique mis en place et à

l’aboutissement des objectifs de l’Organisation.

Ce qui ne présage pas encore d’un avenir glorieux pour l’Organisation.

Mots-clés : Harmonisation – actes uniformes – droit des affaires – reformes

d’intégration OHADA - responsabilité.

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THE COMMUNITY LEGAL ' OHADA ' ISSUES AND INTEGRATION OF

BUSINESS LAW – SUMMARY

Following their accession to independence in the 1960s, the countries of Francophone

Africa were equipped with a system of private law closely derived from that of the

former colonial power. During about two decades, these States have separately evolved

their legislation in accordance with the expression of national sovereignty even if the

desire to unify law in Africa was marked by sub regional attempts little successful.

Today, the Organization for the Harmonization of Business Law in Africa (OHADA),

created 1993 since in Port Louis works for business law harmonization in Africa. With

the adoption of its various uniform acts, it has managed to harmonize or standardize at

community level the essential areas of business law, including business law, corporation

law and reliability law. In its perspective of integration, it is also considering

consolidation sites in order to expand its community in other States which still reluctant

to a loss of sovereignty for the benefit of an instance of integration and harmonization

of business law.

Let us remember that this OHADA integration perspective still raises huge questions

regarding the purpose of the Organization's objectives, which fits more in a perspective

of standardization over harmonization as its name would suggest; added to this sensitive

issue of offenses criminalization in Business Law in Africa. Also, other important

points and various issues related to African integration, which do not portent a glorious

future for the Organization.

Specially Word: Harmonization, Uniform act, Straight of business, Integration's reform

of OHADA, Accountability or liability.

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SOMMAIRE

Introduction

Partie I : L’avènement d’un ordre juridique communautaire OHADA

Titre I : L’émergence d’un nouveau pôle de développement économique en Afrique par

l’OHADA

Chapitre I : Le concept d’ordre juridique communautaire dans la perspective

d’intégration juridique

Chapitre II : La politique de développement économique via un système juridique

institutionnel

Titre II : L’étendue des acquis du communautarisme « OHADA »

Chapitre I : La consécration d’un ordre juridique communautaire

Chapitre II : Les implications de l’abandon des souverainetés législatives et judiciaires

Conclusion de la Partie I

PARTIE II : Les solutions pour une nouvelle dynamique de l’ordre juridique

harmonisé OHADA

Titre I : L’analyse critique des acquis du droit uniforme OHADA

Chapitre I : Les insuffisances des mécanismes communautaires d’intégration juridique

et judiciaire

Chapitre II : Les insuffisances matérielles du modèle juridique OHADA

Titre II : L’OHADA face aux nouveaux enjeux de sa vision d’intégration africaine

Chapitre I : L’intégration africaine et la persistance des conflits communautaires

Chapitre II : L’aboutissement du projet d’intégration panafricaine

Conclusion de la Partie II

Conclusion générale

Bibliographie

Annexes

Table des matières

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INTRODUCTION

« Ni les enseignements de la pratique la plus expérimentale, ni les recherches de la

science la plus vaste, ni les ressources de l'esprit le plus délié, ni les combinaisons de la

prévoyance la plus sage ne supprimeront jamais à cette matière les difficultés qui

tiennent à sa nature et qui mêlent leurs inévitables inconvénients à toutes les

imperfections du législateur »1.

Contexte général. La science n’est que le reflet et la preuve de la nécessité pour l’être

humain de parfaire son existence, son besoin de s’adapter aux réalités nouvelles, aux

mutations naturelles et sociales, à cette dynamique de règles qu’impose ce que

Rousseau appela « le contrat social ». Un contrat social qui n’est que la preuve que ce

que nous défendons comme étant l’une des exigences majeures de notre prédisposition

naturelle, l’obligation d’une vie commune, la nécessité d’une définition de ce qui

constitue l’intérêt commun, « l’intérêt général ».

Ces réalités de notre existence humaine et de nos prédispositions sociales naturelles ont

motivé cette volonté commune de quitter l’anarchie et d’insérer une société organisée,

dirigée, se fondant sur des principes, sur des valeurs juridiques, sur les normes édictées

pour reconnaitre à chacun ce que la philosophie appelle « les droits et les devoirs

sociaux ». Le législateur national, en grand artisan de cette organisation sera l’édicteur

des règles, des normes juridiques qui encadrent les rapports humains et les relations

privées. Des relations privées, qui présentèrent un grand intérêt dans ce qu’allait devenir

la société au fil des siècles, un vaste espace d’échanges et de commerce, de

marchandises, de biens, de services de tout genre. Une société qui peu à peu a compris

que l’économie et la richesse sont au cœur de sa survie et de la défense de sa

souveraineté.

Ces peuples ont aussi pris conscience qu’au-delà de leurs rapports internes, une société

internationale allait se construire progressivement et où il faudrait survivre et s’imposer,

plutôt que subir et disparaitre. Ce fut l’une des étapes les plus cruelles de l’histoire de

l’humanité mais tout aussi indispensable pour motiver la prise de conscience générale

des enjeux internationaux et de la nécessité d’une coopération internationale, de

1 Renouard M., Traité des faillites et des banqueroutes, Paris, 1842, I, 2002.

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diverses sortes pour la survie de l’être humain et la reconnaissance de ses libertés et

droits fondamentaux.

Les enjeux socio-économiques et l’internationalisation. La réglementation, le droit, les

lois, les prescriptions sociétales, les proscriptions sociétales, le contrat social,

l’apprentissage d’une vie commune, la définition d’un intérêt général, la mise en place

de l’ordre public, les nécessités de sécurité, la défense, la révolution industrielle et les

besoins du peuple, ce sont autant de sujets, autant de questions, autant d’inquiétudes

perpétuelles, autant de paramètres sociaux dont doit tenir compte le législateur, dans sa

perspective d’organisation de la société, de gestion et de cohésion sociale. L’idée d’une

organisation sociale structurée, fondant libertés, droits et aussi devoirs et sanctions est

au cœur de la théorie de l’Etat de droit et la source d’inspiration majeure pour tous les

élans de codification qu’ont connu le monde, ces peuples, ces Etats. L’économie, la

gestion des ressources, « le nerf de la guerre », la stabilité des ménages, la création de la

richesse et sa répartition étaient aussi au cœur de ces enjeux sociaux.

Les sociétés ont donc évolué, se sont adaptées aux changements, aux mutations sociales,

aux réformes sociales et économiques, aux phénomènes mondiaux, qui aujourd’hui ont

pris les dénominations de « mondialisation » ou « globalisation », et de « capitalisme ».

La mondialisation, comme la globalisation, est définie comme le processus

d’intégration des marchés et de rapprochement des hommes qui résulte de la

libéralisation des échanges économiques, de développement des moyens de transports

de personnes et de marchandises, donc de la libre circulation des personnes et des biens

à l’échelle planétaire. C’est un concept qui va aboutir à l’intensification des échanges

commerciaux, l’effacement des frontières nationales, et une forte concurrence entre les

divers acteurs économiques de ce nouveau marché intégré unique.

Le capitalisme est quant à lui « un concept à la fois économique, sociologique et

politique qui caractérise un système s’appuyant sur la propriété privée des moyens de

production ». Cette mutation sociale et juridique s’est avérée nécessaire pour tous les

peuples mais certains avant d’autres ont compris assez tôt les nouvelles réalités et les

nouvelles nécessités du modèle économique mondial qui se dessinait. Ils ont compris

très vite que faire face, seul en tant qu’Etat, à celle nouvelle dynamique économique qui

supprimait les frontières commerciales et renforçait les échanges économiques

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mondiaux, serait constitutif d’un suicide économique. Les enjeux étaient devenus trop

nombreux et la concurrence économique de plus en plus forte.

La naissance de l’organisation internationale. D’où l’idée de la création

d’organisations internationales axées sur l’économie, le commerce international, la

coopération étatique et surtout l’intégration juridique communautaire. Il valait mieux

faire face ensemble, en communauté aux nouvelles réalités économiques que

s’essouffler tout seul sur un marché devenu trop concurrentiel, trop dur à réguler et à

contrôler, voire impossible pour un seul Etat.

Historique. L’organisation internationale est pourtant une notion ancienne, remontant à

l’antiquité, s’étendant à la Grèce antique2, à la période des Ligues

3, sous la forme de

regroupements de plusieurs cités4 visant à assurer une défense commune ou à protéger

des sanctuaires religieux5 et ceux sous l’emprise d’un principe fédératif

6. Mais Rome,

par sa structure impériale va annihiler ce type de regroupements, en n’admettant que la

suprématie de son unicité. Le long mécanisme qui va suivre avec la période du Moyen-

âge permettra de voir émerger l’idée d’une unicité du monde et du genre humain au

profit de la chrétienté, qui ne tardera pas à resurgir à la période contemporaine, dans la

célèbre Charte des Nations Unies7, considérée par certains comme l’acte fondateur de

l’organisation internationale moderne et adaptée.

La plus connue et d’une autre nature, celle qui nous intéresse ici, était la Ligue

Hanseatique au XIVe siècle qui comprenait environ soixante-dix villes, de la Baltique et

de ma Mer du Nord avec une Assemblée qui se réunissait à Lübeck et qui a survécu

jusqu’en 1669. Son objectif était de créer une communauté commerciale, une union

protectrice avec des règles communes. Les cantons suisses s’unissaient aussi à partir du

2 En exemple, au VIe siècle avant J-C, l’amphictyonie Delphes se réunissait deux fois par an et regroupait

douze peuples de la Grèce continentale. Chaque peuple était représenté par deux députés disposant d’une voix chacun. Cette réunion était destinée à la gestion et à la protection du sanctuaire de Delphes et s’est par la suite même transformer en tribunal arbitrale pour gérer les conflits. 3 Sainte Ligue fondée en 1495 entre le Pape et les rois catholiques contre le Roi de France Charles VIII.

Ligue de Cognac de 1526 contre Charles Quint. 4 Cf. David E., « Droit des organisations internationales », vol 1, PUB, Bruxelles, 14

e éd., 2001 – 2002, p.

44. 5 Ibidem. 6 Dans le même sens, Platon décrit une forme d’organisation dans la mythique Atlantide qui réunissait

environ dix royaumes sous l’égide de POSEIDON. Même la mythologie Grecque connaissait aussi donc des formes d’organisations internationales. 7 Sans qu’une barrière religieuse ne vienne cette fois-ci s’interposer.

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XIVe siècle pour créer une défense commune

8. Les regroupements d’entités n’étaient

donc pas inconnus, même s’ils étaient souvent très précaires et moins bien organisés.

C’est avec l’apparition de l’Etat qu’est née logiquement l’idée de s’organiser entre les

entités semblables. La naissance de l’Etat a coïncidé avec l’émergence de multiples

projets tendant à garantir la paix, la coopération et les échanges au plan mondial, mais

aussi au plan de l’Europe. Ainsi les premières tentatives de « regroupements d’Etats »

embrassent les idées générales assez modernes qui préfigurent ce que sera l’ONU ;

même si c’est dans un but commercial ou défensif qu’apparaitront effectivement les

premières volontés d’unification entre entités politiques. Ces nouvelles organisations à

caractère communautaire ne seront pas seulement le lieu d’échanges et de coopération

entre les Etats mais aussi et surtout le siège d’importantes réglementations, l’essor d’une

intégration juridique et judiciaire marquée par divers accords et traités internationaux

fondateurs d’organisations d’intégration et créateurs d’ordre juridique communautaire.

La notion d’intégration juridique. L’intégration juridique fut la réponse aux nouveaux

enjeux économiques du « monde » des affaires ; monde dans le sens de la globalisation

économique survenue. Elle s’entend comme un processus juridique9, politique

10 et

social11

par lesquels divers secteurs nationaux, diverses entités internationales ou divers

Etats fondent leur loyauté, leur espoir et leurs activités sur des institutions régionales,

disposant de prérogatives spécifiques, d’objectifs prédéfinis et d’un système

institutionnel et juridique pour garantir la réussite de l’œuvre communautaire. Cette

œuvre communautaire se résume la plupart du temps à établir des règles communes

pour toutes les parties prenantes dans divers domaines du droit des affaires, des

mécanismes de règlement des litiges et de sécurisation du marché unique commun, et

une organisation juridictionnelle adéquate, adaptée aux nouvelles réalités socio-

économiques. Elle fut instituée donc pour résoudre diverses problématiques de

développement des Etats et aussi opter pour des solutions communes sur des questions

communes, ce que nous qualifions de développement d’un « concept d’intérêt général

international » étant la résultante des besoins communs exprimés par les divers acteurs

et membres du processus d’intégration juridique. Ainsi ces Etats prennent conscience

des enjeux économiques et décident de mettre en place un système institutionnel, un

8 Un premier pas vers la Confédération Helvétique.

9 Adoption de textes créateurs. 10

Forte implication politique des Etats par leurs dirigeants. 11 Le recours quelques fois au référendum pour exprimer la souveraineté du peuple.

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ordre communautaire pour pallier ensemble les difficultés. Ceci se justifie, et n’est que

la résultante au plan international de l’équivalent du « contrat social » au plan interne.

L’intégration juridique européenne. L’Europe a été l’un des premiers chantiers de

création et de mise en place de ce nouveau modèle communautaire, avec la naissance

d’un ordre juridique d’intégration économique et juridique très étendu, allant de

dispositions régulant le marché commun libre à ceux promouvant le développement

économique en commun des Etats membres12

. La doctrine retenait à cet effet que « le

XIXe siècle marque du point de vue de l’idée européenne, la fin d’une période. Si les

Etats européens sont au sommet de leur puissance, quelques précurseurs pressentent

leur déclin et réclament l’unité. On voit poindre, dans les projets des précurseurs13

,

l’Europe telle qu’elle sera imaginée par les courants européistes en 1919 et 1945 et telle

qu’elle prendra forme en 1945 »14

.

Historiquement, les organisations de coopération intergouvernementale créées dans les

années 1948 – 1949 ne satisfont pas les partisans de l’Europe intégrée, en particulier

Jean Monnet qui propose à Robert Schuman de prendre une initiative politique afin

d’engager la construction européenne sur une voie plus ambitieuse15

.

A ce titre, l’Union Européenne appartient sans nul doute à la catégorie des organisations

internationales, dès lors qu’elle a été créée par les Etats sur la base d’un traité. Pourtant,

elle présente des caractéristiques que l’on ne retrouve dans aucune autre organisation

internationale. Avant tout, elle a la faculté d’unifier les peuples européens et pas

seulement les Etats. Pour Jupille et Carporoso16

, la qualité d’acteur international se

mesure à l’aune de quatre éléments principaux : la reconnaissance par les tiers,

l’autorité découlant de la compétence de l’UE pour agir, l’autonomie des institutions

européennes par rapport aux Etats membres, la cohésion de l’UE ou sa capacité à

formuler des préférences politiques cohérentes.

12

Le XIXe siècle marque ainsi un tournant important pour l’éclosion des perspectives communautaristes

du droit. 13

En 1814, le Comte de Saint Simon Augustin Thierry propose une Europe pacifiée, Victor Hugo qui présente sa vision des Etats-Unis d’Europe dans son célèbre discours de Paris, l’italien Mazzini qui cita ce discours dans son appel aux communautés. 14

Cf. Revue européenne de droit, le processus d’intégration européenne, 2010. 15 Chose faite avec la présentation d’un plan ouvrant la voie à la communauté européenne du charbon et de l’acier CECA. 16 Cf. Revue européenne de droit, le processus d’intégration européenne, 2010.

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La naissance de l’Union Européenne. Le modèle européen d’intégration régionale a

été pensé avant les années 1950, a pris la dénomination de CECA en 1951 avant de se

matérialiser sous la forme des Communautés européennes17

. Les traités de Rome signés

le 25 mars 1957 et entrés en vigueur le 1er janvier 1958, ont respectueusement institué la

communauté économique européenne18

, devenue Union européenne19

depuis le Traité

de Maastricht, et la communauté européenne de l’énergie atomique20

. Ils généralisaient

ainsi, à l’échelle de l’économie dans son ensemble, les principes fondamentaux,

notamment la suppression des restrictions aux échanges, la réglementation de la

concurrence et aussi la politique économique commune. Trois organisations

d’intégration ont été dotées d’institutions communes par le Traité de Bruxelles du 8

avril 1965. A l’expiration du traité CECA, le 23 juillet 2002, les compétences de la

CECA ont été transférées à la communauté européenne.

Toute l’évolution de la construction européenne a par la suite consisté à gommer sa

dimension exclusivement économique en transférant sans cesse de nouvelles

compétences aux autorités européennes. La communauté européenne demeurait

toutefois l’organisation majeure. Ainsi, à côté de ce qui était convenu d’appeler le

premier pilier de l’ordre juridique d’intégration européenne, on pouvait distinguer un

second pilier fondé sur la sécurité et la politique étrangère et enfin un dernier pilier, le

plus important pour cette étude, fondé sur la coopération dans le domaine de la justice,

et des affaires intérieures, qui après le traité d’Amsterdam, a introduit d’autres

dispositions dans le traité de la CE. L’acte unique européen des 17 et 28 février 1986,

entré en vigueur le 1er juillet 1987, a assoupli la procédure d’harmonisation des

législations nationales et mis en place de nouvelles politiques dites d’accompagnement

du marché commun, via diverses réglementations communautaires.

L’Union européenne instituée par le traité de Maastricht du 7 février 1992, qui a

notamment créé la citoyenneté européenne21

et l’adoption de la monnaie unique à

compter du 1er janvier 1999, a englobé les communautés sans se substituer à elles. Les

17

Il existe une tendance, dans la littérature sur la construction européenne, qui consiste à situer l’origine des communautés et d l’Union dans les périodes lointaines de l’histoire, en invoquant soit la civilisation européenne, soit un ensemble de projets de textes supposés être les précurseurs du droit communautaire européen. 18

CEE. 19 CE. 20

CEEA ou Euratom. 21 Art. 8 CE.

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textes ont été modifiés par les traités d’Amsterdam du 2 octobre 1997 et de Nice du 26

février 2001, respectivement entrés en vigueur le 1er mai 1999 et le 1

er février 2003.

Le traité de Lisbonne, qui depuis le 1er décembre 2009 constitue le nouveau socle de

l’Union Européenne, a modifié les dispositions du traité de l’Union TUE. Il introduit

des changements institutionnels importants, tels que la création d’un président

permanent, et d’un représentant qui conduit la politique étrangère.

L’unification de l’Europe22

. « L’accent mis par les fondateurs de la communauté

européenne sur la nécessité de réaliser l’unification de l’Europe à partir de l’intégration

des économies des Etats membres a naturellement conduit les autorités européennes à

développer un droit européen des affaires, mais les règles européennes concernent aussi

d’autres domaines qui vont de l’agriculture ou des transports à la consommation, en

passant par le droit social, la santé, l’éducation, l’environnement ou la recherche »23

.

Ces dispositions établies sous l’empire de directives et de règlements européens ont

vocation à unifier les législations de la zone dans les domaines concernés et à garantir le

libre échange et le marché commun, des marchandises et des services.

Ainsi, depuis la création de la communauté européenne, le traité s’applique sur le

territoire de six Etats membres : Allemagne, Belgique, France, Italie, Luxembourg, et

Pays-Bas. D’autres Etats européens ont progressivement rejoint les Etats fondateurs : le

Danemark, l’Irlande et le Royaume-Uni depuis le 1er janvier 1973, la Grèce depuis le 1

er

Janvier 1986, l’Autriche, la Finlande et la Suède depuis le 1er janvier 1995. La Hongrie,

la Pologne, la République Tchèque, la Slovaquie, la Slovénie, la Lituanie, l’Estonie, la

Lettonie, le Chypre et Malte l’ont rejoint depuis le 1er janvier 2004, la Bulgarie et la

Roumanie depuis le 1er

janvier 2007, la Croatie en 2013.

L’UE comprend aujourd’hui 28 membres représentant 503 millions d’habitants.

Cependant, l’Europe ne fut pas le seul à penser et réussir l’œuvre d’intégration

communautaire. En Afrique, une telle innovation allait aussi naître. Elle est au centre de

notre étude, et est le reflet du grand pas réalisé par les pays africains vers le

développement et la prise en compte de la nécessité de l’intégration.

22 « La volonté d’asseoir les relations sur le droit communautaire en faisant de ce dernier un instrument essentiel de l’Union conduit à s’interroger sur la place que ledit droit occupera par rapport au droit interne des Etats. En effet, l’ordre juridique interne des Etats devra coexister avec l’ordre juridique communautaire, distinct à la fois de l’ordre juridique international et des ordres juridiques nationaux ». Conférence du Prof Joseph Djogbénou, Lyon, 2011. 23 Vogel L., op.cit, p. 11.

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Genèse et évolution du modèle africain d’intégration. Au lendemain de leur accession

à l'indépendance dans les années 1960, les pays d'Afrique francophone étaient dotés

d'un système de droit privé étroitement dérivé de celui de l'ex-puissance coloniale24

.

Pendant près de deux décennies, ces États ont fait évoluer séparément leurs législations

conformément à l'expression de la souveraineté nationale même si la volonté d'unifier le

droit en Afrique était matérialisée par des tentatives sous-régionales25

. Les pays

africains ont mis un peu plus de temps que l’Europe et le monde, pour prendre

conscience des enjeux économiques modernes, de la nécessité et de l’importance de la

compétitivité dans leurs ambitions de développement économique. Il fallait donc

apporter des solutions aux problématiques qui empêchaient leur essor économique

individuel. Par conséquent, en 1962, on pouvait lire dans les stipulations de la

Convention générale de coopération en matière judiciaire entre les pays de

l'Organisation Commune Africaine et Mauricienne (OCAM)26

que : « les hautes parties

contractantes s'engagent à prendre toutes dispositions en vue d'harmoniser leurs

législations commerciales respectives dans toute la mesure compatible avec les

exigences pouvant résulter des exigences de chacune d'elles ». A ce titre, le Bureau

africain et mauricien de recherches et d'études législatives (BAMREL) avait été chargé

de cette mission mais il a disparu sans laisser de travaux significatifs.

Les exemples d'uniformisation ou d'harmonisation du droit des affaires ou du

droit économique ont donc été rares dans les vingt premières années consécutives à

l'indépendance des États francophones d'Afrique27

, réserve faite de l'uniformisation du

droit de la propriété intellectuelle dans le cadre de l'OAPI28

. Au début des années 1990,

malgré les efforts énormes entrepris dans le sens de l'intégration juridique dans des

secteurs particuliers de la vie économique29

, on relevait encore une mosaïque de textes

législatifs variant d'un État à un autre, notamment dans le domaine du droit des affaires

24

Dans les premières décennies qui ont suivi les indépendances, chaque Etat a légiféré dans les domaines qu’il estime prioritaires, suivant maladroitement les adaptations et les modernisations réalisées en France, avec, comme conséquence, l’accentuation de la « balkanisation juridique » du continent. 25

Finalement, la législation appliquée dans les Etats nouvellement indépendants est devenue caduque en raison de son inadaptation aux réalités socio-économiques actuelles et les investisseurs se heurtaient dans « chaque pays à un droit disparate, confus et suranné ». 26 L’Organisation commune africaine et mauricienne a été créée en 1965 et dissoute en 1985. 27 En ce sens, Joseph Issa-Sayegh et Jacqueline Lohoues-Oble, OHADA, Harmonisation du droit des affaires, Collection droit uniforme africain, Bruylant Bruxelles 2002, n° 91, p. 43 et 44. 28 L’Organisation Africaine de la Propriété intellectuelle a été créée le 13 septembre 1962 par un accord signé entre 12 chefs d’Etats Africains à Libreville au Gabon. 29 Droit social, droit bancaire et droit des assurances.

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constitué pour l'essentiel d'une réglementation vétuste30

avec corrélativement une

jurisprudence méconnue et fluctuante. Cette espèce de « balkanisation juridique et

judiciaire »31

, était a priori source potentielle d'incertitude et d'insécurité et n'était pas

de nature à favoriser les investissements, les échanges commerciaux, c'est-à-dire tout

simplement l’idée d’un développement économique en commun.

L’avenir de l’’insécurité juridique et judiciaire en Afrique. L'insécurité juridique et

judiciaire évoquée a eu des conséquences dramatiques pour les économies africaines32

.

En effet, les pays africains n’offraient aucune garantie législative, aucune

réglementation du domaine des affaires ou du droit commercial qui puisse assurer une

certaine sécurité des investissements aux acteurs économiques internationaux. Les

textes de lois en la matière étaient vétustes, non effectifs et surtout peu rassurants. Les

dirigeants et les politiques éprouvaient énormément de mal à rendre attractifs les

marchés nationaux et surtout à y garantir une certaine sécurité juridique. Au-delà des

fléaux comme la corruption, les détournements, la dictature, les impôts faramineux qui

essoufflaient les marchés africains, la mal gouvernance et l’insuffisance des ressources

humaines et financières rendaient aussi très fébrile la justice africaine. Cette fébrilité eut

pour conséquence la fuite des seuls investisseurs présents sur le marché africain, une

instabilité plus croissante, une gestion calamiteuse et de surcroit en toute impunité des

ressources de l’Etat, aucun contrôle n’étant assuré et aucune sanction n’étant mise en

œuvre par la justice.

Dans le pire des cas, cette région risquait d'être délaissée si elle ne l'était déjà par les

investisseurs étrangers au profit d'autres régions plus attractives au plan de la sécurité

juridique et judiciaire. Ce tableau peu favorable a été confirmé par des experts qui ont

proposé la solution de l'intégration juridique dans le domaine du droit des affaires. Ce

30

Polo A., « Histoire, objectifs, structure », in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Bruxelles, Bruylant 2000, p. 10 / M. Kirsch, « Historique de l'Organisation pour l'harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) » , Recueil Penant, n° 1O8, 1998, p. 129 et s. 31

In Issa-sayegh S., « Rapport sur la conférence de l’OHADA », Revue Ersuma, 2012. 32 Yaya Saar A., « L'intégration juridique dans l'Union Économique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) et dans l'Organisation pour l'Harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA) », thèse Aix-Marseille III, p. 26.

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qui aboutira à la naissance et au développement d’une instance communautaire du droit

des affaires, l’ « OHADA »33

.

Naissance et évolution de l’OHADA. Selon le Professeur Joseph Issa Sayegh, « Si l'on

raisonne par analogie avec l'intégration économique qui consiste en une unification des

politiques conjoncturelles, sectorielles et structurelles sous l'égide d'une autorité

supranationale, on est incité à dire que l'intégration juridique doit tendre à une

unification des politiques législatives dans les matières juridiques en relation avec

l'intégration économique »34

. Toujours selon le même auteur, « l'intégration juridique la

plus achevée, strictement entendue se définit comme le transfert des compétences

étatiques de deux ou plusieurs États à une organisation internationale dotée de pouvoir

de décision et de compétences supra nationales ou supra étatiques pour réaliser un

ensemble juridique unique et cohérent, dans lequel les législations nationales s'insèrent

ou se fondent pour atteindre les objectifs économiques et sociaux que les membres se

sont assignés »35

.

L’OHADA, Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires,

est une organisation née le 17 octobre 1993 à Port-Louis, Ile Maurice et regroupant

plusieurs pays d'Afrique francophone qui souhaitaient moderniser leur droit des

affaires36

. Le traité relatif à l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires rappelle

dans son préambule que l'intégration économique de ces pays imposait la mise en place

d'un droit des affaires harmonisé, simple, moderne et adapté, afin de faciliter l'activité

des entreprises. Il soulignait aussi qu’il était essentiel que ce droit soit appliqué avec

diligence, dans des conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités

économiques, afin de favoriser l'essor de ces activités et l'investissement et que

l'arbitrage devait être promu comme instrument de règlement des différends

contractuels. La mise en œuvre de ces objectifs a été confiée à des structures présentées

33

Me M’BAYE K. écrivait : « le droit se présente dans les quatorze (14) pays de la zone franc en habit d’arlequin fait de pièces et de morceaux. Outre cette diversité des textes, l’on note également leur inadaptation au contexte économique actuel » ; il ajoute aussi que « beaucoup d’investissements ne sont concevables que sur un plan inter - étatique ». 34

Issa-Sayegh J., « L'intégration juridique des États africains de la Zone franc », Recueil Penant, n° 823, p. 5. 35 Issa-Sayegh J., op.cit. p.7. 36 Cet environnement international va s’imposer en Afrique qui tente de répondre aux nouveaux défis en prônant l’intégration économique du continent à travers des Communautés Economiques Régionales (CER) ; toutefois, l’intégration économique ne saurait se concevoir dans un espace caractérisé par la diversité juridique. Pour faire face à ces défis les Etats africains tentent, avec des succès souvent mitigés, des expériences d’harmonisation juridique.

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lors de cette adoption. Ces Etats membres sont actuellement au nombre de 17 : ce sont

le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, la Centrafrique, les Comores, le Congo, la Côte

d'Ivoire, le Gabon, la Guinée, la Guinée-Bissau, la Guinée Equatoriale, le Mali, le

Niger, le Sénégal, le Tchad, le Togo et la République Démocratique du Congo. Ce

nombre est bien évidement susceptible d'évoluer, les adhésions demeurant ouvertes aux

Etats membres ou non de l'OUA37

. Ils conviennent alors que l'aménagement d'un cadre

juridique et institutionnel favorable est une condition essentielle pour le succès de

l'entreprise d'intégration économique38

. En d'autres termes, il faut admettre comme

Monsieur Philippe Tiger qu' « un espace économique ne peut être pleinement efficace,

s'il n'est tramé dans un espace juridique cohérent »39

.

L’OHADA et son projet d’intégration juridique40

. Le préambule du traité de l’OHADA

ainsi que ses articles 1 et 2, présentent, en termes généraux, son objet et son domaine.

Selon les dispositions de l’article 1er

, « Le présent traité a pour objet l’harmonisation du

droit des affaires :

- par l’élaboration et l’adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la

situation de leurs économies ;

- par la mise en œuvre de procédures judiciaires appropriées ;

- par l’encouragement au recours à l’arbitrage pour le règlement des différends

contractuels ».

Quant à l’article 2, il énumère un certain nombre de matières qui sont incluses dans le

champ d’application du traité et dont la réglementation doit faire l’objet d’une

harmonisation : « Pour l'application du présent traité, entrent dans le domaine du droit

des affaires l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des

commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au

régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de

37

Organisation de l’Union Africaine. 38

« Il n'existe que peu d'expériences d'harmonisation juridiques équivalentes à celle qui se déroule en droit des affaires sur le continent africain depuis ces quinze dernières années. C'est une nouvelle opportunité d'en faire l'écho après un premier numéro spécial du JCP E publié en 2004 sur le même sujet » Pellet Alain. 39 Tiger P., Le Droit des Affaires en Afrique, OHADA, Que sais-je?, 1999, n° 3526, p. 13. 40

« De ce point de vue, la stratégie adoptée pour la promotion de l’intégration et de la coopération régionale est en rupture totale avec les schémas qui ont jusque là eu cours40 et introduit, dans le débat sur l’intégration, un jeu d’options originales portées par deux idées forces : un dessein de communautarisation et une volonté de juridisation ».

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l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports,

et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l'unanimité, d'y inclure,

conformément à l'objet du présent traité et aux dispositions de l'article 8 ».

C'est donc pour relever ces défis liés à l'environnement juridique et judiciaire des

activités économiques dans les États africains et pour rendre cette région suffisamment

attractive pour les investissements étrangers que le traité OHADA a été signé et adopté.

Fera suite à son adoption, une réelle matérialisation de ses objectifs et de son activité à

travers la mise en place au plan communautaire d’actes uniformes portant sur les

questions économiques et juridiques, offrant un cadre propice aux affaires au sein de

toute la communauté. L’acte uniforme OHADA relatif au droit commercial général41

,

l’acte uniforme OHADA sur les sociétés commerciales42

, l’acte uniforme OHADA sur

les sûretés43

et l’acte uniforme OHADA portant droit comptable44

paraissent

particulièrement propices à cette réalisation. Il est à noter que ce droit communautaire

est en changement permanent afin de répondre au mieux aux réalités et aux besoins du

domaine des affaires dans l’espace OHADA comme en témoignent l’acte uniforme

portant sur le droit commercial révisé45

, celui relatif au droit des sociétés coopératives46

et l’Acte uniforme sur les Sociétés Commerciales et Groupements d’Intérêt

Economique. L’ouverture des frontières aux échanges, la mise en place d’institutions

communautaires spécialisées et l’applicabilité des dispositions communautaires au plan

national sont aussi des acquis que l’OHADA peut compter à son actif.

Ceci pourrait porter à croire que la création et l’existence de l’OHADA n’est que

reluisante, ce qui n’est pas le cas car à l’heure actuelle, certains projets d’actes

uniformes n’ont jamais été adoptés47

, des décisions prises au plan national ont ignoré le

droit communautaire par le passé, des actes uniformes sont restés quelques fois

obsolètes du fait de leur non-conformité aux réalités juridiques et économiques de

certains Etats. Les réformes du cadre économiques et les diverses mutations du monde

41

Adopté le 17 avril 1997 sous le sommet des Etats membres. 42 Adopté le 17 avril 1997 et paru au journal officiel OHADA n°2 du 1er octobre 1997. 43 Adopté le 15 décembre 2010 à Lomé au Togo. 44

Adopté le 22 Février 2000 et paru au Journal officiel OHADA n°10 du 20 Novembre 2000. 45 Adopté le 15 décembre 2010 à Lomé au Togo. 46

Adopté le 15 décembre2010 à Lomé au Togo. 47 Cf. projet d’acte uniforme relatif au droit du travail.

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des affaires48

sont aussi des facteurs de cette ineffectivité. On se pose aussi la question

de l’absence de volonté de vulgarisation et de promotion des Etats membres au plan

interne, la mauvaise formation des auxiliaires de justices sur les questions et

dispositions d’ordre communautaire.

L’OHADA comme l’UE, dispose donc de prérogatives très particulières mais aussi

d’une personnalité juridique internationale. Celle-ci se définit comme la capacité à être

titulaire de droits et chargée d’obligations dans l’ordre juridique international, ce qui

emporte la reconnaissance en tant que sujet de droit international. Jusqu’au traité de

Lisbonne, la personnalité juridique de la communauté ne faisait pas de doute49

, alors

que la situation de l’Union était plus discutable. On pouvait considérer que l’UE était

dotée, implicitement, d’une personnalité juridique limitée. Le traité d’Amsterdam a

permit à l’Union de conclure des accords dans le domaine de la PESC du fait que la

communauté était intégré à l’UE, et non l’inverse. Le traité de Lisbonne a mis fin à cette

dualité en consacrant la personnalité juridique de l’Union, cette dernière succédant à la

communauté50

.

Annonce du sujet. Le droit communautaire africain à travers ces actes uniformes,

preuves de son existence et de sa matérialisation a connu ces dernières années un réel

ralentissement par rapport à sa dynamique de départ. Ce ralentissement qui est d’autant

plus problématique si l’on compare l’évolution qu’à connu, à l’opposé, l’intégration

juridique au plan Européen51

. Cette réflexion a motivé le choix de porter notre étude

sur la thématique suivante : « L’ordre juridique communautaire « OHADA » et les

enjeux d’intégration du droit des affaires ».

Intérêts du sujet. Notre étude s’inscrit avant tout dans une perspective comparative des

avancées et de ce qui constituent à ce jour les limites de la réalisation de l’œuvre

d’intégration communautaire de l’OHADA, par comparaison avec celle de l’UE. Ceci

nous permettra de faire ressortir les nécessités actuelles de cette organisation pour être

plus compétitive sur un marché mondial très concurrentiel. Mais ceci passe avant tout

48

« En l'espace de quelques années, seize États membres ont adhéré au droit des affaires OHADA qui couvre une grande partie du continent et une large part du droit des affaires pour créer un espace juridique d'un genre unique source de développement économique » Rapport OHADA 1999. 49 CJCE 15 Juillet 1960, aff. 43-59. 50

La personnalité juridique internationale s’appuie sur les compétences externes consacrées par les traités, auxquelles s’ajoutent les compétences implicites reconnues par la CJCE. 51

L’approche peut se vouloir différente, les enjeux économiques de l’espace d’intégration sont les mêmes.

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par la compréhension du fonctionnement de l’OHADA, des implications politiques de

son organisation, au fonctionnement institutionnel de ses organes, au regard des

objectifs qui ont été fixés au moment de sa création, une façon d’étudier l’effectivité et

l’efficacité des mesures et des actes de l’organisation régionale.

En outre, le transfert de certaines compétences des Etats aux institutions de l’UE ne se

fait que partiellement et progressivement. Le traité pose des limites à la compétence

européenne même dans sa sphère d’application. Son adoption n’entraine donc pas une

substitution pure et simple du droit européen au droit national mais la superposition de

deux corps de règles complémentaires, parfois concurrentiels52

. Les autorités

européennes reconnaissent aujourd’hui une plus grande indépendance aux autorités

nationales dans la mise en œuvre du droit européen en se fondant sur le principe de

subsidiarité, expressément mentionné à l’article 5 TUE, qui implique de ne traiter au

centre que les questions essentielles et de rejeter à la périphérie celles qui paraissent

moins importantes. Ce n’est pas le cas du modèle d’intégration mis en place par

l’OHADA qui est plus général et plus complet, d’où l’intérêt encore une fois de

comparer ces deux modèles d’intégration.

L’intérêt de cette étude réside aussi dans la nécessité de redynamiser le droit OHADA à

travers toutes ses composantes actuelles, d’où les diverses réformes d’actes uniformes

déjà entreprises mais aussi ses nouvelles perspectives, les projets d’actes uniformes à

venir. Cela implique une approche comparée des outils communautaires (les actes

uniformes), de leur effectivité d’application, des jurisprudences existantes au plan

communautaire de la Cour commune de justice et d’arbitrage, pour chacun des actes

uniformes et aussi et surtout des instances nationales de justice dans l’applicabilité et la

réelle place accordée à ces dispositions communautaires.

Aussi, dans cette même logique d’effectivité du droit OHADA, il serait très intéressant

d’examiner le processus de création et d’adoption des actes uniformes ainsi que leur

effectivité juridique au plan national et régional. Les actes uniformes OHADA étant la

preuve réelle et objective des avancées de cette communauté, de ses acquis, il semble

donc pertinent et opportun dans la logique d’une étude sur la vie et l’existence de

l’OHADA, d’examiner ceux adoptés jusque-là pour envisager les réels avantages

52

A l’instar de l’institution du droit européen des marques qui n’a pas supprimé les droits nationaux dans le domaine.

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apportés par ces actes pour les Etats membres et faire l’état des lieux de leur application

au niveau de l’instance communautaire53

mais aussi des instances nationales.

Il est impératif d’étudier aussi l’effectivité de la vulgarisation de ces dispositions

communautaires au plan interne et l’usage fait par le justiciable national de ces

nouveaux moyens de droit mis à sa disposition. L’impact de ces mécanismes

communautaires sur la vie des populations est aussi une préoccupation et un intérêt

majeur pour cette étude car la sortie de la pauvreté, le développement économique,

l’attractivité des marchés intérieurs et la sécurisation juridique et judiciaire des

investissements sont les réelles raisons qui justifient la création de cette organisation ; et

a l’heure actuelle, il apparait judicieux de déterminer si en pratique, ces divers objectifs

sont atteints.

Ceci nous permettra à l’issue de cette analyse d’évaluer avec justesse et certitude où en

est l’OHADA dans sa politique d’expansion, d’intégration et de réglementation du

domaine des affaires en Afrique, son effectivité, les diverses problématiques que

suscitent l’adoption et la mise en œuvre des actes uniformes et la jurisprudence

communautaire et nationale, et de façon générale l’étendue des acquis de cette instance

communautaire54

. Ce qui nous amène donc à formuler diverses problématiques autour

des questions et interrogations soulevées par cette étude.

Problématique. L’OHADA s’inscrit dans une logique d’extension, de globalisation à

l’échelle de toute l’Afrique et pour cela, il est nécessaire d’analyser les enjeux d’une

telle ambition, les limites et les questions liées à sa réalisation et les divers secteurs, les

diverses améliorations, les besoins de cette instance à l’heure actuelle pour convaincre

les autres Etats d’y adhérer et consentir à intégrer un unique et commun cadre

d’échanges et d’harmonisation du droit des affaires.

Notre étude portera sur les objectifs de l’OHADA à sa création et après vingt ans

d’existence : le corpus juridique, les résultats obtenus, les échecs, les réformes, une

nouvelle dynamique. A ceci s’ajouteront les difficultés liées à l’adoption et la mise en

53

La CCJA : Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. 54 « Il constitue une source d'études comparatives diverses tant cette organisation est synonyme de satisfaction et d'espérance. Ce système d'intégration est par ailleurs actuellement en cours de révision puisque son traité fondateur signé en 1993 a fait l'objet de modifications. Les huit Actes uniformes, quant à eux, font actuellement l'objet d'études pour favoriser leur amélioration. Le droit OHADA est donc un droit ancré dans la pratique mais aussi un droit vivant si l'on se réfère au nombre de décisions, études et autres travaux dont il génère la création depuis son lancement » Djogbénou J.

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œuvre des actes uniformes au regard des problèmes relatifs à la divergence des réalités

juridiques et économiques des Etats. Les litiges nés de la confrontation des décisions

entre juge interne et juge communautaire, l’interprétation au plan interne des

dispositions communautaires seront aussi inclus dans notre étude. L’analyse de la

jurisprudence OHADA, les problèmes liés aux conflits de juridiction et surtout à

l’exécution au plan interne des décisions rendues par l’instance communautaire,

l’analyse des objectifs et projets principaux de l’OHADA pour les dix prochaines

années seront aussi abordés, sans oublier une étude de faisabilité et de mise en place des

diverses solutions que nous proposerons.

En outre, les diverses difficultés que rencontre l’OHADA seraient dues en partie à son

déficit de crédibilité quant à sa capacité à rendre efficace et effectif son corpus

juridique. Le vide juridique que laisse la codification communautaire en donnant toute

liberté aux Etats sur l’élaboration des sanctions aux infractions pénales des affaires

seraient aussi au cœur des difficultés que rencontre l’organisation à s’imposer. A ceci

s’ajouterait le fait que l’organisation créerait une énorme ambigüité sur son objectif

d’harmonisation ou d’uniformisation. Les décisions du juge communautaire feraient-

elles l’unanimité au plan interne des Etats et dans leurs exécutions matérielles ?

l’OHADA serait-elle en mesure aujourd’hui de répondre aux attentes juridiques de la

grande masse d’Etats encore réticents à intégrer le cercle juridique de son droit des

affaires.

Annonce du plan. Notre étude vise donc à faire l’état des lieux, c’est-à-dire analyser

l’OHADA, dans une démarche comparative avec le droit européen, contrôler

l’effectivité de ces normes au niveau des instances judiciaires communautaires et

nationales et voir les enjeux de la politique d’intégration mise en place par l’OHADA

au plan africain afin d’y apporter de réelles solutions pour la redynamiser afin qu’elle

réponde autant aux attentes des Etats africains pris individuellement qu’à leurs attentes

communautaires ou communes.

Il s’agit d’évaluer les divers atouts de l’organisation dans sa perspective d’intégration et

mieux en identifier les limites pour proposer des solutions plus efficaces et plus en

phase avec les réalités juridiques et socio-économiques des Etats membres, de soulever

l’importance de la doctrine communautaire sur la redynamisation des organes

communautaires et leur efficacité. Compte tenu de l’importance de l’énorme

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engagement de l’organisation dans la coopération avec d’autres instances

communautaires et internationales : ses rapports privilégiés avec UNIDROIT, Union

Européenne, UEMOA55

, OAPI, CIPRES et CEMAC ; il faudrait régler la question de

l’harmonisation et de l’uniformisation, résoudre les diverses questions relatives à la

responsabilité pénale en droit communautaire au regard de la vétusté des codes pénaux

des Etats membres et garantir des projets d’intégration viables et fiables pour les années

à venir afin d’accroître et de motiver l’intégration africaine à l’organisation OHADA.

L’objectif de notre étude est d’apporter des solutions réelles et efficaces qui seraient des

atouts majeurs de cette communauté dans sa perspective et sa volonté de se hisser au

sommet des instances communautaires à l’instar de l’Union Européenne par exemple ou

de bien d’autres.

Eu égard à tout ce qui précède, il nous est donc apparu opportun d’étudier dans une

première partie l’avènement d’un ordre juridique communautaire (Partie I), puis dans

une seconde partie les solutions pour une nouvelle dynamique de l’ordre juridique

harmonisé OHADA56

(Partie II).

55 « L’Union Economique et Monétaire Ouest-Africaine (U.E.M.O.A.) créée par le Traité de Dakar du 10 janvier 1994 s’inscrit dans une perspective substantiellement différente des schémas d’intégration l’ayant précédée en Afrique Occidentale. Les signes irrécusables de cette nouvelle perspective s’affichent tant au niveau de la structure institutionnelle que du système juridique. Par l’architecture institutionnelle qu’il met en place et l’ordre juridique qu’il assied, le système institutionnel de l’Union s’inscrit dans une autre perspective que celle ayant tendu à réduire les systèmes d’intégration au modèle ordinaire de l’organisation internationale, à savoir l’optique supranationale » Rapport de l’UEMOA, 2007. 56

«L’examen de la question exige d’avoir présent à l’esprit le fait que le Traité de Dakar a entendu créer une institution supranationale habilitée à sécréter un droit à la charnière du droit international et des droits internes. L’ordre juridique supra-étatique qu’elle met en place se caractérise par un mode particulier de production et de réalisation du droit ressortissant au schéma fédéral, schéma caractérisé par “ la superposition de deux ordres organisés de façon que les sujets de chaque élément composant l’ensemble soit simultanément soumis au droit de l’élément et à celui de l’ensemble et que ses organes agissent simultanément comme organes propres de l’élément et comme organe commun de l’ensemble » Commentaire sur les propos du Secrétaire Général de l’OHADA, Journal Jeune Afrique 2010.

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PARTIE I

L’AVENEMENT D’UN ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE

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« Même les observateurs les plus critiques de l'Organisation pour l'harmonisation en

Afrique du droit des affaires (OHADA) l'admettent, le traité de Port-Louis qui l'institue,

a permis de donner un coup de jeune aux normes encadrant le droit des affaires dans les

États parties de la Convention »57

. Ainsi, pour bien des observateurs et des analystes,

qui suivent depuis deux décennies cette organisation, il est évident qu’elle a constitué

un cadre juridique moderne58

, plus fiable et stable, s’étant substitué à un droit

commercial dont certains mécanismes dataient parfois du XIXe siècle. Elle a créé ainsi

un espace de droit uniforme et moderne comptant 17 États membres et plus de 250

millions d'habitants, ce qui pour certains est déjà la consécration d’une perspective

d’intégration59

réussie.

Dans une analyse pourtant sévère de l'OHADA, réalisée en 2011 pour la Banque

mondiale, l'avocat français Renaud Beauchard le concède « en un laps de temps

remarquablement court, l'OHADA a créé une nouvelle organisation supranationale - une

réussite en soi - qui a largement rempli l'objectif qu'elle s'était fixé en matière de

production d'un droit uniforme »60

.

Ce nouveau cadre juridique ainsi instauré et mis en place a considérablement marqué les

échanges et l’engouement autour du marché africain. Mais aussi, c’est un facteur crucial

de l’émergence d’un nouvel ordre juridique pour le développement économique en

Afrique grâce à l’OHADA (Titre I). Ce nouveau défi pour l’économie des Etats

membres est une motivation plus que suffisante pour que l’instrumentalisation juridique

et judiciaire soit très vite au cœur des enjeux communautaires de l’OHADA (Titre II).

57

Assoko J., « L’OHADA fête 20 ans de bouleversement de l’environnement des affaires », éditorial Ersuma, 17 octobre 2013, p.1. 58 Répondant aux exigences du commerce international, de la globalisation économique et des nouvelles dynamiques commerciales. 59

La perspective d’intégration ici abordée consiste pour l’organisation de réussir à sortir des clivages des divers droits internes, à réussir à mettre en commun les diversités socio-économiques pour aboutir à un cadre juridique et économique encadré et viable. 60 Beauchard R., in Joël ASSOKO, op.cit, p.1.

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TITRE I

L’EMERGENCE D’UN NOUVEL ORDRE JURIDIQUE POUR LE

DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE EN AFRIQUE PAR L’OHADA

La création de l’OHADA est avant tout une réponse politique à la crise économique

dans laquelle sombraient les Etats africains, cette nouvelle idéologie qui allait changer

l’individualisme économique dans laquelle se noyait chacun de ces Etats pensant

résoudre seul ce qui est devenu les problèmes de tous. C’est aussi l’idée de comprendre

et d’accepter que le monde soit entré dans une nouvelle dynamique économique61

, ou il

n’y a pas de place pour les économies faibles et en perte de croissance. La perspective

d’intégration62

trouve ici tout son intérêt dans la mesure où même les plus grandes

puissances mondiales ont compris tôt que c’était tout à leur intérêt d’intégrer un système

plus global à une échelle supranationale, un moyen certes plus contraignant

politiquement mais plus efficace de faire face aux dures réalités économiques insufflées

par un capitalisme en pleine effervescence.

Outre l’environnement économique international qui l’impose, plusieurs raisons sont

généralement évoquées pour justifier la création de l’OHADA. En effet la diversité qui

caractérise les législations africaines était un handicap pour la création d’un espace

économique intégré63

et cette diversité s’accompagnait d’une insécurité juridique et

judiciaire conséquence de la vétusté et de la caducité des législations applicables, ce qui

décourageait les investisseurs privés.

Ainsi, l’OHADA n’est pas née de la seule initiative des Chefs d’Etat africains de la

Zone Franc, mais elle est aussi et surtout une idée, voire une exigence, des opérateurs

économiques64

africains qui revendiquaient l’amélioration de l’environnement juridique

61

La discipline budgétaire dans la zone euro quant à elle a été renforcée par l’adoption du two-pack. 62

Cf. Anoukaha F., « Retour sur une question occultée : la nationalité en droit OHADA », numéro 888, p 281. 63

Cf. dictionnaire permanent, droit européen des affaires, bulletin n.303, juillet 2013, p.1. 64 Selon l'article 1 de la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services), le terme «opérateur économique» couvre à la fois les notions d'entrepreneur, fournisseur et prestataire de services. Les termes "entrepreneur", "fournisseur" et "prestataire de services" désignent toute personne physique ou morale ou entité publique ou groupement de ces personnes et/ou organismes qui offre, respectivement, la réalisation de travaux et/ou d'ouvrages, des produits ou

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des entreprises. En effet, devant le ralentissement des investissements, consécutif à la

récession économique et à l’insécurité juridique65

et judiciaire66

qui sévissait dans cette

région à partir des années 1980, il s’agissait de redonner confiance aux investisseurs,

tant nationaux qu’étrangers, afin de favoriser le développement de l’esprit d’entreprise

et attirer les investissements extérieurs. Cette organisation va donc sortir ces divers

Etats de l’insécurité juridique qui gangrenait leurs économies et leur ouvrir les portes

d’un marché à une plus grande échelle, un système garantissant la fiabilité des moyens

juridiques et la sécurité des investissements.

La question cependant est restée posée de savoir si l’organisation dans son modèle

d’intégration est créatrice ou non d’un ordre juridique. Pour y répondre, il faut avant

tout comprendre l’origine et les fondements de la notion d’ordre juridique ainsi que les

diverses implications sur un système juridique communautaire comme celui de

l’OHADA.

Dans le but d’étudier ce cadre juridique uniforme et évolutif, notre intérêt se portera,

d’une part, sur les fondements de la théorie de l’ordre juridique communautaire

(Chapitre I) et d’autre part, sur la politique de développement économique et juridique

des affaires par la mise en place d’un système institutionnel et juridique d’actions

(Chapitre II).

des services sur le marché. Les opérateurs économiques sont sujets au respect des normes communautaires en matière d'aides d'Etat. 65

Les Etats africains à cette époque n’apportaient aucune garantie en termes de dispositions légales qui régissent concrètement le domaine des affaires. Les codes étaient vétustes et n’assuraient pas juridiquement les investissements. Certaines dispositions essentielles pour le commerce international comme nationale, les importations et la fixation des tarifs douaniers étaient jusqu’alors inexistant. Ce qui logiquement ne rassurait en rien les divers investisseurs nationaux comme internationaux. 66 L’insécurité juridique est due à la forte présente de la corruption dans le domaine judiciaire au sein des Etats membres. Les décisions judiciaires n’assuraient aucune équité et aucune justice. Les motivations inexistantes et c’était plus un pouvoir de force qu’une justice équitable.

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CHAPITRE I

LE CONCEPT D’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE DANS LA

PERSPECTIVE D’INTEGRATION JURIDIQUE

Selon Charles Leben, « on appelle ordre juridique l’ensemble, structuré en système, de

tous les éléments entrant dans la constitution d’un droit régissant l’existence et le

fonctionnement d’une communauté humaine »67

.

L’expression ordre juridique est aujourd’hui d’utilisation fréquente et banale, alors

qu’elle n’est apparue que tardivement dans la théorie du droit. La notion de

Rechtsordnung voit le jour en Allemagne au tournant du XVIIIe et XIXe siècle, puis se

généralise dans la doctrine à la fin du XIXe siècle. A la même époque, la notion

d’ordinamento giuridico fait l’objet d’études en Italie. En France, la notion mettra plus

longtemps à s’acclimater. L’absence de l’expression n’implique pourtant pas que les

questions traitées à propos de l’ordre juridique aient nécessairement échappé aux

auteurs qui n’utilisent pas ce terme.

En fait, c’est dans la réflexion sur les questions de droit en général et les principes

généraux du droit et la technicité du droit que l’on trouve à étudier et élucider les

notions relatives à l’ordre juridique. La preuve la plus simple en est fournie par les titres

des ouvrages de Kelsen et Hart, les deux auteurs majeurs du siècle, ayant intensifié leurs

travaux sur la question de l’ordre juridique ; sans compter Santi Romano, qui était aussi

très critique sur les questions relatives à l’appropriation de la théorie générale de l’ordre

juridique68

.

Ainsi si l’on doit présenter une vue synthétique de la notion d’ordre juridique

communautaire, trois questions fondamentales méritent d’être élucidées : quelles sont

les origines et la nature exacte de cet ordre juridique ; quelles sont les caractères

fondamentaux qui s’attachent au phénomène juridique dénommé « ordre juridique » ;

enfin à quel moment peut-on donc logiquement et juridiquement prétendre être en

présence d’un ordre juridique ?

67

In PELLET A., op. Cit, p. 182 68 Cf. ROMANO S., l’ordre juridique, Dalloz, 2002, 174 pages

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Ainsi, cette notion d’ordre juridique communautaire a une histoire et a évolué dans le

temps (Section 1) mais s’est aussi adaptée afin de répondre aux exigences de

l’intégration juridique (Section 2).

Section I : Les fondements de la théorie de l’ordre juridique

communautaire

L’ordre juridique communautaire est considéré comme un ensemble cohérent et

organisé de dispositions, un système juridique propre, intégré aux systèmes juridiques

des Pays membres d’une organisation, une coalition, au-delà de l’échelle étatique, dans

une perspective d’internationalisation du droit69

.

En droit européen, il est plus spécifiquement désigné comme « un ensemble des règles

de droit applicables au sein de l’Union Européenne »70

, des règles s’appliquant dans

l’ensemble de l’espace européen71

sous le signe d’une perspective intégrationniste de

certaines matières du droit, au plan communautaire.

Selon les cas, ces dispositions viennent compléter le droit propre à chaque Etat, dans un

domaine spécifique ou une matière ciblée72

ou alors le remplacer dans une perspective

plus complète d’intégration73

. Ce mécanisme fut coordonné par divers principes74

, selon

lesquels la communauté n’intervient que si les objectifs et buts poursuivis par l’action

commune ne peuvent être réalisés de façon suffisante.

Mais il est très important de rappeler qu’il s’agit bien d’un concept juridique qui a

connu une évolution temporelle et s’est affirmé au fil des années comme un facteur de

mesure du niveau d’intégration juridique dans divers domaines. Il s’est aussi largement

séparé des considérations d’ordre internationaliste, pour affirmer une unité juridique

caractérisant à ce jour toute son essence et s’imposant comme un outil de

reconnaissance de l’effectivité et de l’aboutissement de toute perspective d’intégration

69

Cf. PELLET A., Les fondements juridiques internationaux du droit communautaire, Editions Académie européenne de droit, 1997, 271 pages 70 ibidem 71

Cf. LASSERE V., le nouvel ordre juridique, éditions LexisNexis, 2015, 369 pages 72 Pellet A., ibidem 73

LASSERRE V., ibidem 74 Que nous développerons plus spécifiquement dans la suite de notre étude

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et de formation d’un ordre juridique communautaire. La reconnaissance mutuelle des

jugements75

constitue aussi une pierre angulaire de tout le système d’intégration dans ce

domaine76

.

Etudier donc la notion d’ordre juridique dans son approche communautariste, donc dans

ses rapports avec le droit international, revient à comprendre d’une part le concept de

désinternationalisation du droit communautaire (Paragraphe 1) et d’autre part l’ordre

juridique communautaire comme un ordre juridique de droit international (Paragraphe

2).

Paragraphe I : Le concept de « désinternationalisation » du droit

communautaire

Ce concept de désinternationalisation introduit contre le droit international est le fruit

aussi bien de la doctrine juridique que de la jurisprudence communautaire77

. Mais les

réelles raisons et motifs de cette excommunication sont totalement différents et aussi

bien spécifiques qu’il s’agisse de l’approche doctrinale que jurisprudentielle78

.

La CJCE est intervenue, à la mesure de ses propos, mais si l’on observe de plus près,

sans pousser la thèse de l’enfermement et de l’exclusion du droit international jusqu’à

ses derniers retranchements.

La doctrine pour sa part s’est contentée de suivre, non sans éloquence et innovation, le

chemin déjà tracé par la jurisprudence avec une certaine hanse de critiques mais sans

s'imposer la relative modération dont la Cour a su faire preuve, et ceci probablement par

ignorance des tendances actuelles du droit international.

75 Règlement CE n. 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale abrogeant le règlement (CE) n° 1347/2000. Ce texte, qui reprend les dispositions du règlement "Bruxelles II" en matière de reconnaissance et d'exécution, est entré en application le 1er mars 2005. 76 Le Règlement (CE) n° 44/2001 du Conseil du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, dit «Bruxelles ». Un rectificatif a été publié le 24.11.2001 concernant des conventions auxquelles le Royaume Uni est Partie. Les annexes I et II ont fait l'objet d'une modification en 2002. Une autre modification des annexes I à IV est intervenue en novembre 2004 suite à l'élargissement. 77 Ibidem. 78 Ibidem.

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A- Les fondements jurisprudentiels de l’ordre juridique

communautaire

Dans la première décennie de son existence, la Cour a exprimé diverses considérations

et appréciations relatives aux traités constitutifs.

Ce fut toute de suite très vif, notamment dans un arrêt en 1960, que l’on a qualifié

d'«obscur»79

et qui portait sur des questions très complexes de fiscalité applicable aux

fonctionnaires de la CECA. Il s’agissait de l’arrêt HUMBLET, affirmant l’obligation

faite à la Belgique de respecter l’immunité des fonctionnaires communautaires Belges.

La cour s’est alors fondée sur des dispositions découlant « du Traité et du protocole qui

ont force de loi dans les Etats membres à la suite de leur ratification et qui l'emportent

sur le droit interne »80

. Les choses étaient ainsi donc très claires, et argumentées eu

regard au droit international : « les obligations des Etats membres trouvent leur source

et leur fondement dans les traités régulièrement ratifiés par les Etats et incorporés dans

leur ordre juridique interne. »81

Cependant, dans une formule plus concise, qui a fait autant sa fortune et rendit célèbre,

l’arrêt Van Gend en Loos du 5 Février 1963 ne précisa pas plus cette position, se

bornant d’une part à réitérer cette autonomie de l’ordre communautaire mais d’autre

part en affirmant que le Traité (CEE) « constitue plus qu'un accord qui ne créerait que

des obligations mutuelles entre les Etats contractants »82

, ce qui est indiscutablement

exact.

La cour de Luxembourg en conclura que « la Communauté constitue un nouvel ordre

juridique de droit international »83

. Cette expression est évidemment décisive et sera

définitive au fil du temps et au fil de l’évolution du droit international et d cette notion

d’intégration qui va peu à peu s’y incorporer et s’y consolider.

Ce qui signifie assez clairement qu’à cette époque en 1963, la Cour n’éprouvait nul

doute sur l’ancrage de l'ordre juridique communautaire dans le droit international, tout

en mettant en lumière, à juste titre les évidentes particularités du droit communautaire.

79

De Witte, « Retour à Costa, la primauté du droit communautaire à la lumière du droit international », RTDE (1984). 80 In Pellet A., op. cit. 81 Dénis A., « De l’ordre juridique international », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf, 2002, p. 79. 82 Ibidem. 83

Boddio N., « Perelman et Kelsen », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 165.

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Toutefois, un an plus tard, dans le non moins célèbre arrêt Costa c. ENEL du 15 juillet

1964, considéré par une partie de la doctrine comme le point de départ de la

consécration et de la reconnaissance d’un ordre juridique « hors étatique », c'est-à-dire

en dehors du conventionnel ordre juridique créé par les Etats dans leur élan de

codification.

Dans cet arrêt la Cour donc, de façon évidemment délibérée, « rectifie le tir ». Il y est

dit cette fois qu'« à la différence des traités internationaux ordinaires, le traité de la CEE

a institué un ordre juridique propre intégré au droit des Etats membres ». Cette dernière

précision ne suscite pour l’instant pas notre intérêt mais plutôt, chose remarquable, la

disparition de la mention « de droit international » après « ordre juridique », qui allait

ainsi être proclamée. C’est dire qu’à un an d’intervalle, le « nouvel ordre juridique de

droit international » de 1963 devient « un ordre juridique propre » en 1964, alors même

qu’il ne s’était produit dans cet intervalle aucune mutation juridique majeure. Etait-ce

alors un nouvel élan donné à l’intégration, une nouvelle vision du droit internationale,

ou une ferme volonté de la jurisprudence de consacrer cette dynamique d’ordre

juridique nouveau ?

Il est, dans ces conditions totalement invraisemblable que l'« ordre juridique de droit

international »84

de 1963 ait pu perdre ce caractère en 1964 et, d'ailleurs, l'arrêt Costa ne

dit rien de tel. En posant le principe de la primauté du droit communautaire, il établissait

à l’occasion l’origine formelle de l’ordre juridique communautaire, qui découlait ainsi

du Traité, des termes et de l’Esprit du législateur communautaire. Celui-ci qui, malgré

les particularismes que représente ce texte par rapport à ce que la Cour appelle les

« traités ordinaires »85

, n’en est pas moins un « accord international conclu par écrit

entre Etats et régi par le droit international »86

.

Il est donc évident, malgré les nettes similitudes entre ces deux décisions que la Cour

n’avait nullement l’intention de reconnaitre donc, dans l’arrêt Costa, le fondement

international de la Communauté et de son droit, même si elle l'explicite moins

nettement. La doctrine en retiendra qu’ « après tout, la Cour a tendance à tenir pour

acquis les principes posés par elle et il n'était, en effet, pas indispensable de reprendre la

formule explicite qu'elle avait retenue dans l'affaire Van Gend en Loos »87

.

84 Alland D., ibidem 85

Epron Q., « Le gallicanisme a-t-il connu l’idée d’un ordre juridique ? », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf, 2002, p. 3 86

Ibidem 87 In Pellet A., op.cit

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39

Le « glissement terminologique »88

de 1964 n’était donc pas passé inaperçu pour la

doctrine. L’arrêt Costa est probablement l’un de ceux, pour ne pas dire celui-là qui a fait

couler énormément d’encres et fait l’objet de divers commentaires les plus critiques et

les plus abondants. Cependant, la cour, après ce retournement terminologique s’est

toujours tenu de reprendre la terminologie initiale de 1963, en retenant et ceux pour

l’avenir celle d 1964. Il ne fut donc plus jamais question d’un « nouvel ordre juridique

de droit international », alors même que, quelques mois après l'arrêt Costa, soit le 13

novembre 1964, dans l'affaire Commission contre Luxembourg, elle reprend la première

partie de la formule Van Gend en Loos « ordre juridique nouveau », mais en s'abstenant

soigneusement de préciser «de droit international »89

.

Il s’agit donc clairement d’une tactique délibérée de la Cour dont M. Bruno Witte, dans

un remarquable article paru en 1984 a donné une explication des plus construites et des

plus soutenue, extrêmement convaincante que l’on ne peut qu’épouser et rallier. Ce

dernier est en effet convaincu que la Cour a entendu couper les ponts avec le droit

international et ceci dans une perspective qui apparait clairement avec le recul du temps.

Il s’agissait selon l’auteur de démarquer le droit communautaire du droit international

afin de lui absoudre sa vision d’intégration juridique et de mieux en assurer la primauté

et la subsidiarité, ce fameux dualisme proclamé. Il est donc question aussi donc de

faciliter la tâche aux juges de ces pays en effaçant le caractère international de l'ordre

communautaire.

Cependant, à y voir de plus près, notre analyse relève une manœuvre purement

psychologique dans la mesure où les juges de ces pays en direction desquels cette

entreprise de séduction avait été mise en œuvre ne s’y ont laissé prendre que parce

qu’ils l’ont bien voulu et d’ailleurs seulement de manière partielle. Le fait évident était

demeuré : « l'ordre juridique communautaire n'est pas, à la différence de l'ordre

juridique étatique, une donnée factuelle ; c'est un ordre créé ; et il l'est par une série de

traités. Il s'agit donc d'une création du droit international »90

.

La cour de Luxembourg ne l’a d’ailleurs pas nié, en rappelant avec une certaine

constance, comme en témoigne les formules qu’elle a utilisé dans ses avis des 14

décembre 1991 et 10 avril 1992 à propos de l'EEE: « Le traité CEE, bien que conclu

sous la forme d'un accord international, n'en constitue pas moins la charte

88

L’arrêt Costa/ Enel 89 GRZEGORCZYK C., « L’ordre juridique comme réalité », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf, 2002, p. 10 90 Ibidem

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40

constitutionnelle d'une communauté de droit »91

; ou encore « le Traité instituant l'EEE

ne dénature pas les compétences de la Communauté et de ses institutions telles qu'elles

sont conçues par le Traité »92

.

Dans chacun de ces deux cas, le fondement juridique international de la construction

communautaire est donc reconnu même si l’accent est mis corrélativement sur les

particularités et les exigences juridiques du Traité originaire, qui ne sont certes pas

négligeables non plus mais demeurent soulevé certaines autres problématiques.

Malheureusement, la doctrine communautariste, pour sa part, et dans sa grande

majorité, ne veut rien retenir de cette approche jurisprudentielle, certes équilibrée,

préférant s’orienter vers une affirmation de la spécificité du droit communautaire.

B- L’apport de la doctrine communautariste

Il est un contact que les premières années de la construction communautaire furent

marquées par des batailles doctrinales qui sont quelque peu apaisées.

L’on peut évoquer, pour la doctrine francophone, divers précurseurs comme Daniel

Vignes93

, ancien Directeur général au Conseil des Communautés où l’on est, par

tradition plus modéré qu’à la Commission ou à la Cour. Ou encore le professeur Vlad

Constantinesco94

qui, tout en mettant un accent sur l’authenticité et l’originalité

indéniable de la construction communautaire, a toutefois insisté longuement sur

l’appréhension concernant son caractère conventionnel et non législatif.

Le Professeur Henri Lesguillons, dans sa thèse publiée en 1968, et consacré à

l’application d’un traité fondateur, le Traité instituant la CEE, présente la diversité des

opinions défendues entre 1950 et 1960 sur l’immersion d’un ordre juridique

communautaire, qui créa à cet effet diverses querelles doctrinales où se sont affrontés

des thèses fédéralistes qui voyaient et voient toujours en la construction communautaire

une sorte de fédéralisme juridique, dans une structuration pré-fédérale, et les thèses

internationalistes qui les décrivent comme des organisations internationales d’un type

particulier, ce qui est assurément plus réaliste et plus en conformité avec les réalités

actuelles du système communautaire.

91 Pellet A., op.cit. 92 Ibidem. 93

HALPERIN J., « L’apparition et la portée de la notion d’ordre juridique dans la doctrine internationale du XIXe siècle », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 41. 94 Ibidem.

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41

La seconde thèse a été relancée récemment, par le Professeur Charles LEBEN, dans un

célèbre article, et très controversé où l’on peut être tenté d’épouser son approche et ses

conclusions générales sans pour autant être convaincu et ainsi gardé une part de

scepticisme quant au bien fondé de l’approche kelsénienne, très abstraite, adoptée par

l’auteur.

Concernant cependant l’école fédéraliste, elle ne se prévaut plus pour autant de cette

étiquette, tant l’évolution des communautés a démenti de façon éclatante ses prévisions

intégrationnistes décidément trop optimistes95

. « Il n'en reste pas moins que cet échec

n'a guère entamé l'ardeur anti-internationaliste de la doctrine communautariste la plus

agissante »96

comme le rappelle Alain JELLET, prenant en exemple un cas très frappant

de cette attitude, donné par le juge Constantinos Kabouris97

aux mélanges Pescatore98

.

Ce dernier présente ses réflexions comme parfois peu conformistes, même si l’on

perçoit une grande part de conformisme communautaire. Il explique que le Traité de

Rome « est en vigueur par lui-même, de façon autonome, et constitue la source primaire

de tout l'ordre juridique communautaire »99

. Il met aussi l'accent sur l'abandon par la

jurisprudence de l'expression « ordre juridique de droit international » pour conclure à la

nature fédérale de « la relation Communauté-Etats membres ».

D’une façon générale, la doctrine communautariste s’est aussi évertuée à donner une

appréciation de l’évolution de la position de la cour, une interprétation plutôt radicale

qui est aussi tactique que substantielle. Ainsi, pour nombre de ces auteurs, l’expression

retenue de « nouvel ordre juridique de droit international » ne serait qu'une « remarque

quelque peu malencontreuse »100

ou « une erreur »101

.

Les communautaristes les plus virulents, se considérant comme les précurseurs et les

représentants du droit européen exposent un point de vue assez critique de ce même

droit international auquel la construction communautariste, à leur avis, ne doit rien.

Le juge Pescatore s’est quant à lui évertuer à retracer dans nombre de ces travaux

l’évolution des relations entre le droit communautaire et le droit international. Dans ses

écrits portant sur l’ordre juridique des communautés européennes, il s’emploie à relever

95

Quelles que soient les sympathies politiques que l'on peut nourrir pour elle. 96

In Pellet A., op.cit. 97

Ibidem. 98 In HALPERIN J., « L’apparition et la portée de la notion d’ordre juridique dans la doctrine internationale du XIXe siècle », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 41. 99 Ibidem. 100

Cf. LASSERE V., le nouvel ordre juridique, éditions LexisNexis, 2015, 369 pages. 101 Ibidem.

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que « juridiquement, les communautés sont fermées sur elles-mêmes. La raison

profonde de l'inadaptation du droit international au droit communautaire résulte du fait

que le premier est fait pour régir des rapports de coexistence ou de coopération »102

. Ce

qui amène ensuite l’auteur à poser en postulat que le droit international est « peu

évolué »103

et à honorer la « supériorité du droit communautaire »104

. Plus encore, il

conclut heureusement et fort logiquement que « tout ce qui fait l'originalité et la force

du droit communautaire échappe aux catégories du droit international »105

.

Dès lors, et eu égard à ces diverses considérations doctrinales, l’on est réellement en

droit de porter un regard neuf et une once de scepticisme toutefois sur l’apport du droit

communautaire à une réforme et révision du concept de souveraineté constituante ainsi

un modèle de la pensée scientifique. Bien d’autres auteurs épousent ce postulat, M.

Jacot-Guillarmod qui dans son ouvrage très célèbre parut en 1979, Droit communautaire

et droit international public, n’hésite pas à écrire que « par ses faiblesses intrinsèques, le

droit international public diffère profondément du droit communautaire »106

.

Ainsi, plusieurs aspects du droit international sont ainsi devenus, par contraste, d’utiles

repères pour apprécier et appréhender la spécificité du droit communautaire et, par la

même, pour mesurer l’écart qui s’est creusé entre les deux ordres juridiques.

Pour le même auteur, s’il devait y avoir un dialogue entre ces deux systèmes juridiques,

cela ne concernerait que les relations externes des Communautés dans lesquelles

concède-t-il, le droit international joue un rôle croissant et non négligeable. Une

conséquence évidente du rôle accru que jouent les Communautés elles-mêmes dans les

relations internationales107

.

En résumé, si tout ceci est indéniable, l’on ne peut que convenir, avec Jacques

Bourgeois, l’ancien conseiller juridique principal à la Commission, que la Cour de

Luxembourg « soit soucieuse d'éviter d'introduire dans le droit communautaire le cheval

de Troie de certains modes de pensée du droit international »108

.

102

In Hummel J., « Etat et ordre juridique dans la doctrine publiciste allemande du XIXe siècle », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf, 2002, p. 25. 103

Ibidem. 104

Ibidem. 105 Ibidem. 106 In Leben C., « De quelques doctrines de l’ordre juridique », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 19. 107 Ce dernier constat est au moins indéniable. 108

Troper M., « La constitution comme système juridique autonome », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2, Editions Puf, 2002, p. 63.

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Mais tout ceci n'est pas exact et repose sur deux pétitions de principe difficilement

acceptables. Ils posent en effet le résultat même de l'équation qu'il s'agit de résoudre.

Alors que la question qui reste toujours poser est de déterminer la place du droit

international dans la construction communautaire. A cet effet, les avis doctrinaux

s’articulent tous autour de ces considérations : « le droit communautaire ne doit rien au

droit international, donc le droit international est, par définition, tout ce qui n'est pas

communautaire et est purement interétatique, donc le droit international n'a aucune

place dans le droit communautaire ».

Paragraphe II : L’ordre juridique communautaire : un ordre

juridique de droit international

Comme la si bien rappeler le Président Jean BOULOUIS, les traités communautaires ne

font pas la moindre allusion à l’avènement ni à l’existence d’un ordre juridique dont ils

constitueraient le fondement. Ils se bornent juste à établir une simple organisation de

textes et de dispositions communautaires, une nomenclature d’actes en indiquant que

pour quelques-uns la nature juridique de leurs rapports avec le droit national des Etats

membres. Ceci n’a pour autant aucun impact sur la reconnaissance de l’existence d’un

ordre juridique communautaire.

Il s’agit d’une question de fait, d’une constatation matérielle et non d’une consécration

souveraine. A cet égard, la jurisprudence et la doctrine communautaire, rappelons-le,

ont une démarche « schizoïde »109

, affirmant l’autonomie absolue de l’ordre juridique

communautaire tant à l’égard du droit international que des droits nationaux.

Alain PELLET écrira à cet effet que « S'agissant de la jurisprudence au moins, la

contradiction n'est qu'apparente : il est logique et légitime que la Cour de Luxembourg,

organe du droit communautaire, raisonnant « à l'intérieur » de cet ordre juridique et y

fasse prévaloir les normes communautaires sur toute autre règle, exactement comme le

juge international affirme la supériorité absolue du droit international ou comme le juge

national se fonde exclusivement, malgré les apparences contraires dans les systèmes

constitutionnels dits « monistes » sur le droit interne »110

.

Il est donc nécessaire dans cette approche comparatiste de notre étude de revisiter les

fondements de l’internationalité de la notion d’ordre juridique afin d’en examiner d’une

109

Ibidem. 110 Pellet A., op.cit, p. 187.

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part son rapport avec le droit international et d’autre part cette autonomie assez relative

qu’elle a acquise.

A. Le droit international, fondement du droit communautaire

Il n’y a aucun doute sur le fait que loin d’être étranger au droit communautaire, le droit

international en est le fondement même, ce qui fait d lui, pour emprunter cette

expression de la Cour de Justice elle-même « un ordre juridique de droit international ».

De ce postulat découlent nombreuses problématiques notamment relatives à la révision

des Traités communautaires originaires. Ceci étant, cet ordre juridique, pour être

d'origine conventionnelle n'en est pas moins, c'est une évidence, tout à fait spéciale et à

part, originalité que, par sa malléabilité et sa souplesse, le droit international est

parfaitement capable de prendre en considération111

.

L’historique juridique international voudrait bien que l’on relativise un tant soit peu.

Les Communautés ont été créées par des traités successifs ; pas seulement ceux de Paris

de 1951 et de Rome de 1957, mais aussi tous ceux qui ont réalisé des aménagements

institutionnels plus ou moins profonds depuis la Convention de Rome de 1957 relative à

certaines institutions communes jusqu'au traité de Maastricht sur l'Union européenne du

7 février 1992 entré en vigueur le 1er novembre 1993, en passant par le traité de fusion

de 1965, les deux traités sur le budget communautaire de 1970 et 1975, l'Acte annexé à

la décision du Conseil du 20 septembre 1976 relatif aux élections du Parlement

européen et l'Acte unique du 28 février 1986, sans oublier les traités successifs

d'adhésion de 1972, 1979, 1986 et ceux, encore en pointillés, de 1994. La complexité de

chacun de ces textes est une évidence prenant en compte l’instrument juridique

principal, accompagné d’une multitude d’annexes, protocoles et déclarations dont, dès

1956, la Cour d Justice a déclaré « qu’ils avaient la même force juridique impérative

que le traité »112

. Tout en préservant ainsi l’autonomie de chaque traité, la Cour

111

Ibidem. 112 Mais, pour avoir des aspects constitutifs ou, si l'on veut, « constitutionnels », ils n'en répondent pas moins, en tous points, à la définition des traités la plus communément reçue en droit international, celle, par exemple, que l'on trouve dans l'article 2, paragraphe 1(a), de la Convention de Vienne sur le droit des traités du 23 mai 1969: l'expression « traité » s'entend d'un accord conclu par écrit entre Etats et régi par le droit international, qu'il soit consigné dans un instrument unique ou dans deux ou plusieurs instruments connexes.

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considère la construction communautaire comme un tout unique, chacun des éléments

constituants étant appelé, le cas échéant, à éclairer l’interprétation donnée aux autres113

.

Comme le confirme cette forte implication du droit international, par le caractère

orthodoxe du processus de ratification des traites communautaires, qui entrent en

vigueur après que les Etats aient exprimé leurs consentements par le mécanisme de

ratification ; un mécanisme purement propre au droit international. Cette évidence assez

claire suffit à établir la nature non étatique et plutôt internationale de l’ordre juridique

ainsi créé en aval à ce processus international.

Cependant, il est un constat que certes un Etat peut, en apparence, être issu d’un traité et

l’on prend à ce sujet l’exemple de la Belgique en 1830. Toutefois, ce n’est jamais du

traité que l’Etat tire son existence juridique, donc la reconnaissance de l’ordre

juridique ; il est un sujet de droit parce qu’il existe de fait. La commission d’arbitrage de

la Yougoslavie114

l’a rappelé récemment dans son avis du 29 Novembre 1991 :

« l'existence ou la disparition de l'Etat est une question de fait »115

.

Le constat de notre analyse est clair, alors que l’existence de l’Etat s’impose au droit

international, celle des communautés en découle. Elles procèdent de celui-ci, de la

volonté exprimée par les Etats aux traités originaires tels que le droit international

l’organise et en réglemente l’expression. Notre analyse nous permet aussi de conclure

que la Cour de justice s’est constamment montrée tout à fait consciente de ce caractère

fondamental du droit international. En premier dans ces arrêts fondateurs dont émanent

toute la construction de l’autonomie du droit communautaire, ceux de 1963 et 1964116

.

De suite, dans toutes les situations juridiques où il est apparu nécessaire, elle n’a cessé

de se référer à l’importance de la ratification des traités par les Etats membres, leur

rappelant ainsi leurs obligations et le fondement conventionnel de celles-ci117

.

113

C'est cet ensemble complexe de traités que la Cour de Luxembourg a qualifié, notamment dans l'avis 1/91 du 14 décembre 1991, de « charte constitutionnelle d'une communauté de droit ». 114

Commission Badinter. 115

Du moment qu'une entité répond à la définition de l'Etat, c'est un Etat; les conditions de sa création n'importent pas. 116 Elle a insisté sur l'origine conventionnelle des Communautés, point que la doctrine communautariste « militante » se garde de souligner. 117 Ainsi, dans son ordonnance du 22 juin 1965 rendue dans l'affaire des Aciéries San Michele, elle rappelle à l'Italie qu'elle est engagée par le traité CECA qu'elle a régulièrement signé et ratifié ; de tels rappels sont constants dans les arrêts rendus en matière de responsabilité pour manquements.

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Le juge Pescatore en déduira que les traités ont, de ce fait, « amené la création des

rapports juridiques apparentés à ceux du droit international ». Un avis discutable selon

PELLET, qui retiendra que « ce ne sont pas des rapports « apparentés » à ceux du droit

international ; ce sont des rapports de droit international, pour une raison, encore une

fois, « toute bête » et sur laquelle il est superflu de gloser indéfiniment, parce que la

création des Communautés est la manifestation juridique et le résultat de l'expression de

la volonté des Etats parties aux traités de les créer sur le plan international »118

.

Cependant, la question du rapport entre le droit communautaire et le droit international

fut aussi au cœur de ce que l’on appela « le complexe de JIVARO ».

Le « complexe du Jivaro »

A l’issue d’un colloque en 1992, organisé par le centre de droit international de

Nanterre sur les accords de Maastricht et la constitution de l’Union européenne, le

professeur Denys Simon dénonçait le « Jivaro intellectuel » ou complexe de Jivaro.

Ceci consistait à essayer de restreindre par tous les moyens le contenu et les enjeux

dudit traité. Le Jivaro intellectuel avait une allure de mise en garde, pour l’ensemble du

droit communautaire, pour ses acquis et ses objectifs futurs et pour l’effectivité de

l’ordre juridique communautaire, en ce sens que ce n’est pas du fait que la construction

communautaire trouve son sens dans le droit international qu’il n’est un risque fort

important de la considérer comme banale ou anodine.

Il était pour le Professeur Simon, parfaitement stupide et irréaliste de prendre pour

prétexte la création des Communautés par les traités pour en nier l’originalité, avant tout

pour plusieurs raisons. D’une part, le traité est une forme neutre, en principe

indifférente de son contenu, ni des obligations ou objectifs qui en découleraient. On

distingue ainsi traditionnellement l’ « instrumentum » qui est le support formel du traité

et le « negotium » qui en est la substance, l’objet même. Du coup, tandis que le premier

fait l’objet des règles relativement précises et générales du droit international, le second

est presque entièrement laissé à la discrétion et à la volonté des parties. Ainsi, toute

manifestation d’une volonté des parties de créer et d’adhérer à un ordre juridique

118 Pellet A., ibidem.

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nouveau, international, ne devrait en rien être lié à une quelconque considération de

droit international119

.

A cette liberté, le droit international ne fixe qu'une borne, le fameux jus cogens, que

l'article 53 de la Convention de Vienne de 1969 définit comme les normes impératives

du droit international général, acceptées et reconnues par la communauté internationale

des Etats dans son ensemble en tant que normes auxquelles aucune dérogation n'est

permise. Mais, quoi qu'ait pu en dire jadis l'Union Soviétique les traités communautaires

ne contiennent à l'évidence aucune disposition contraire à une norme de ce type120

.

Toutefois, ces traits spécifiques encore une fois très originaux par rapport à ce dont le

droit international a l’habitude méritent d’être quelque peu relativisés, en ce sens qu’ils

ne sont pas tous de totales nouveautés. Ce sont en effet les innovations du droit

communautaire en elles-mêmes qui frappent l’internationaliste plutôt que la massivité

des particularités qui le caractérisent et leur réunion121

. Mais c’est le second facteur qui

fait des Communautés un exemple assez extraordinaire d’intégration car aucune

institution internationale ne concentre comme elles le font, tous ces éléments

d’originalité et une telle autonomie juridique.

En conclusion à cette analyse, l’ordre juridique communautaire tel que le déterminent

les Traités de Rome et de Paris, celui de Maastricht auquel on pourrait ajouter l’Acte

unique, puise sa validité dans le droit international, restant subordonné à ces Traités

internationaux précités. Le professeur J. VOGEL écrit : « C'est le Traité qui est la

source même de la primauté ». Pellet ajoutera qu’ « il est vrai que c'est pour faire

échapper le droit communautaire à l'emprise des droits nationaux ; mais le fait est là : la

construction communautaire est, non pas d'abord mais bien exclusivement, une

119 En d'autres termes, le traité est un moyen juridique à la disposition des Etats pour réaliser les objectifs qu'ils se fixent, mais ces objectifs, et les moyens de les atteindre, peuvent être fixés à peu près sans limites. 120

« Un rôle tout à fait extraordinaire par rapport aux juridictions internationales de type classique, que joue la CJCE dans la vie du droit communautaire et qui se traduit, notamment, par l'importance, exceptionnelle, du contentieux de la légalité et par ses rapports directs avec les juridictions nationales, qui contraste avec le caractère embryonnaire et consensualiste du règlement obligatoire des différends dans l'ordre international » Pellet. 121 « En guise d’exemple, les Communautés ne sont pas les seules organisations internationales à disposer d'un pouvoir de décision obligatoire à l'égard de leurs Etats membres ; l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI), l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ou, de façon plus spectaculaire, le Conseil de sécurité dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, en disposent également mais seulement dans des domaines restreints ou, comme à l'OCDE, à des conditions procédurales extrêmement strictes. » Pellet

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construction juridique internationale ; le fondement de son existence, de l'équilibre entre

la Communauté et ses Etats membres réside dans le droit international »122

.

Comme la Cour elle-même le répète, concernant l’effet direct, la primauté, le recours

préjudiciel de l’article 177, le recours en carence, en manquement ou en responsabilité

ont leur source et leur justification juridiques dans les traités, leurs dispositions et,

puisqu’elle pratique largement l’interprétation téléologique, leurs objectifs. C’est ainsi

par l’entrée en vigueur du Traité comme l’a répété la Cour dans l’arrêt Costa c/ Enel

que toutes ces institutions se sont trouvées intégrées dans le droit, et acteurs de l’ordre

juridique communautaire qui en a résulté123

.

B. Le rapport relatif de l’ordre juridique communautaire et de

l’ordre juridique interne au regard du droit international

Les vérités de la CJCE ne sont pas restées absolues car ce fut une question de

perspective. Ce qui paraissait exact lorsque l’on se place du point de vue du droit

communautaire ne l’est forcément plus lorsque l’on raisonne au regard du droit

international ou des droits nationaux. Ce qui est considéré donc comme l’autonomie

indiscutable de l’ordre juridique communautaire par les communautaristes les plus

avisés, n’a donc pas les mêmes conséquences radicales lorsque l’on se place dans une

perspective internationaliste. Et notre étude ici s’évertuera à en relever et comprendre

les divers contrastes et problématiques.

Parce qu’il constitue un véritable ordre juridique, le droit communautaire est autonome

par rapport au droit international. Le principe étant établi, toutefois, cette autonomie est

relativisée en ce que l’ordre juridique communautaire est une création du droit

international et aussi en ce qu’il continue d’entreprendre avec celui-ci des rapports de

systèmes qui avoisinent remarquablement ceux qu’entretient le droit interne avec le

droit international.

L’Etat tire sa légitimité dans l’assentiment du groupe humain dont il dirige les intérêts

et qu’il intègre bien dans une perspective de contrat social à la Rousseau. A cet effet,

tout ordre juridique étatique est autocréateur et se développe à partir de sources

122

Pellet A., op.cit. 123 Comme la Cour de Karlsruhe l'a rappelé dans son arrêt du 12 octobre 1993 relatif à la constitutionnalité du Traité sur l'Union européenne, l'intégration européenne, pour originale qu'elle soit est un fait du droit international.

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originaires qui lui sont propres et qui n’ont besoin, pour affirmer leur validité, de se

mesurer à aucune autre norme supérieure. Ainsi l’ordre juridique étatique présente la

particularité de se former, d’acquérir toute sa légitimité et son autonomie en dehors du

droit international et de toute considération juridique internationale124

, l’inverse n’étant

pas admis car le droit international quand à lui a besoin du droit interne pour son

fonctionnement.

La doctrine dualiste reconnait ce particularisme, comme l’écrivait notamment Anzilotti

« le droit international présuppose 1'Etat, c'est-à-dire le droit interne, parce que l'Etat,

tout en ne s'identifiant pas avec l'ordre juridique national, n'est pas concevable sans lui

»125

. Il n’en est pas moins évident et important que le droit international n’est pas le fruit

du droit interne ; l’existence de celui-ci étant inhérente à une société composée de sujets

également souverains dont il assure la coexistence. Le droit communautaire ne peut le

prétendre quand à lui, car il ne s’agit pas d’une donnée de fait, inhérente à une société

particulière et présentant une quelconque spécificité. Il est bel et bien une création

juridique résultant d’un ensemble conventionnel complexe qui fait de lui un ordre

juridique sujet au droit international. Il est, à cet égard, pour le moins discutable

d'affirmer que le Traité (de Rome s'agissant de la Communauté européenne), « est en

vigueur par lui-même, de façon autonome »126

; il l’est parce qu’il a été validement

conclu conformément aux règles du droit des traités127

.

Mais il n’en résulte pas moins que la créature n’a pas échappé à son créateur. Une fois

créée, la Communauté s’est irriguée en ordre juridique en développant une logique

juridique propre à elle, en élaborant ses propres règles et le champ de leurs mises en

œuvre conformément aux mécanismes autonomes et spéciaux qu’elle a elle-même

établis et qui se distinguent assez particulièrement de ceux qui caractérisent le droit

interne que le droit international.

En ce qui concerne la formation des normes :

- leur élaboration par des organes permanents dotés de règles de fonctionnement

qui leur sont propres, l'abandon, dans des domaines importants et de plus en plus

nombreux, du consensualisme qui caractérise le droit international général,

124 Convention internationale par exemple 125

Cf. Lasserre V., ibidem 126 Cf. Pellet A., ibidem 127

Sa source, son fondement, n'est pas autonome mais, au contraire, l'ancre dans le droit international dont il est la création

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l'association de représentants des peuples au processus d'élaboration, et la

capacité des Communautés de s'engager au plan international, au même titre que

des Etats mais dans des domaines limités et, pour ce qui concerne l'application

des normes l'importance prise par les « sources autoritaires », qui contraste avec

leur rareté en droit international ;

- la non-pertinence du principe de réciprocité, l'effectivité et l'efficacité de

procédures juridictionnelles de règlement des différends et de contrôle de

l'application du droit, qui excluent tout droit d'action unilatérale des Etats

membres ; et d'une manière générale, le développement d'une « logique de

l'appartenance » à une communauté ;

- la création et l’adoption, l’appartenance à une citoyenneté européenne, une sorte

de fédéralisme comme qualifier par certains auteurs ;

- C’est un système qui se suffit à lui-même en permettant à la communauté

d’élaborer et d’établir les normes jugées nécessaires par elle-même à son

développement, de leur conférer un caractère obligation et une force exécutoire

de mise en œuvre au plan de toute la communauté sans aucune restriction.

La CJCE est donc fondée à estimer à juste titre dans l’arrêt Costa c/ Enel qu’ « en

instituant une Communauté de durée illimitée, dotée d'institutions propres, de la

capacité juridique, d'une capacité de représentation internationale et plus

particulièrement de pouvoirs réels issus d'une limitation de compétence ou d'un transfert

d'attributions des Etats à la Communauté, ceux-ci ont limité, bien que dans des

domaines restreints, leurs droits souverains et créé ainsi un corps de droit applicable à

leurs ressortissants et à eux-mêmes » et qu' il en résulte l'institution d'un « ordre

juridique propre »128

. Cependant, il ne s’agit pas non plus d’un phénomène isolé ou

totalement détaché des règles et principes préétablis. Dans la même affaire Costa c/

Enel, la Cour aurait pu, à raison distinguer les traités communautaires des « traités

ordinaires ». Mais elle péchait par omission en se tenant de rappeler qu’en revanche, ils

ne se distinguaient pas à cet égard de l'acte constitutif de n'importe quelle autre

organisation internationale qui, en créant une institution dotée de la personnalité

juridique, tant en droit international qu'au regard des droits nationaux et de compétences

propres à lui conférées pour atteindre les buts et les objectifs communs fixés qui lui sont

128 CJCE, arrêt Costa c/ Enel, op.cit.

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assignés. Etant ainsi à l'origine d'un « ordre juridique particulier »129

fondé sur un traité

donc d'un « ordre juridique de droit international » mais autonome par rapport au droit

international général et aux droits nationaux des Etats parties ou non de l'Organisation.

Cette considération suscita énormément d’écrits sur le sujet, au point que la doctrine

internationaliste s’interrogeait sur le fait que ce droit propre des organisations

internationales présentait un degré d’autonomie suffisant par rapport au droit

international pour que l’on puisse y voir un véritable « ordre juridique »130

?

Des réponses assez variées y ont été apportées, penchant dans une certaine mesure vers

diverses considérations internationalistes, renvoyant la paternité de cet ordre juridique

au droit international ainsi que celle de ses constituantes. Mais la plus convaincante de

ces réponses est sans aucun doute elle-même assez problématique parce que l’on peut

considérer que toute institution, par essence comporte un ordre juridique ; c’est dire

qu’il y avait autant d’ordre juridique qu’il n’y a d’institutions. La conséquence étant que

l’acte constitutif de toute organisation internationale serait non seulement un traité

constitutif mais aussi une constitution, formant ainsi le fondement de l’ordre juridique

nouveau créé par l’organisation et s’imposant autant à ses organes qu’aux Etats

membres. Cette conception de la chose voudrait donc, à plusieurs égards que l’on

considère l’OHADA en tant qu’organisation issue d’une convention internationale

créatrice d’obligations pour les Etats parties, soit considérée comme créatrice d’un ordre

juridique communautaire131

.

En effet, et ceci dans divers cas, il s’agit bien d’ordre juridique mais partiel ;

l’organisation ainsi créée n’ayant que les compétences qui lui sont nécessaires pour

atteindre ses buts. Dans ces limites, on peut parler, sans craindre un excès de langage,

d'ordres juridiques au sens propre, au sein desquels le processus d'élaboration et

d'application des normes répond à une logique juridique particulière découlant de l'acte

constitutif et que l'institution qu'il crée peut mettre en œuvre132

.

De plus les traités en question réservent expressément le cadre juridique des accords

antérieurs à leur conclusion afin de s’approprier leurs propres espaces de compétences

129

Timsit G., « L’ordre juridique comme métaphore », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 3. 130

Ibidem. 131 Ibidem. 132 Les traités ont doté les Institutions de règles de fonctionnement qui leur permettent d'élaborer des normes et de les faire respecter selon des mécanismes particuliers et en fonction des objectifs qu'ils fixent, étant entendu qu'il s'agit d'un ordre juridique partiel limité aux « domaines restreints » assignés aux Communautés et d'un ordre « de droit international » du fait que le traité lui-même tient sa validité de celui-ci.

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et d’actions. L’on doit ainsi considérer que les traités postérieurs contraires aux traités

constitutifs ne peuvent recevoir application dans l’ordre juridique communautaire133

,

ces traités constitutifs ayant valeur nous le rappelons, de constitution créant et

consacrant l’ordre juridique né134

.

Mais ce simple outil de mesure, cet unique facteur pris en considération ne reflète pas

réellement toutes les considérations et toutes autres constituantes utiles à l’effectivité et

à la reconnaissance d’un ordre juridique communautaire, surtout dans une perspective

d’intégration juridique. Et la suite de notre étude éclairera certainement sur ce sujet,

s’agissant là d’une question fondamentale au cœur de cette étude, celle de l’existence ou

non d’un ordre juridique communautaire OHADA dans la perspective de l’intégration

du droit des affaires en Afrique.

Section II : L’ordre juridique communautaire dans les mécanismes

d’intégration juridique

La doctrine dualiste retient qu’à chaque fois que l’on est en présence d’un ensemble de

normes formant un système ordonné en fonction d'une logique qui lui est propre, tant en

ce qui concerne leur formation que leur application, on est en présence d'un ordre

juridique. La conséquence étant qu’il sécrète lui-même ses propres normes selon un

processus qui lui est propre et en organise par lui-même le contrôle à sa façon et selon

ses propres mécanismes.

A l’opposé, les monistes penchent pour une approche plus simple, résumant l’existence

d’un ordre juridique à un ensemble de normes juridiques y étant organisées en un

système unique et hiérarchisé. Une telle présentation correspond certainement à l’esprit

de système de ceux qui la proposent mais se heurte aux enseignements juridiques, aux

théories générales du droit, à une observation même superficielle de la réalité. Ainsi les

ordres juridiques répondent à des exigences logiques et sociales différentes mais

133

De même, et bien qu'ici non plus, le problème ne se soit pas posé directement 241 un traité conclu par un Etat membre avec un ou plusieurs Etats tiers ne serait pas opposable à la Communauté et ne saurait recevoir application dans l'ordre juridique communautaire s'il est contraire aux traités constitutifs. 134 « Il en va de même s'agissant de la Communauté européenne ; ni plus, ni moins. Il est vrai que le mécanisme de contrôle préventif de l'article 228, paragraphe 6, du traité CE limite les risques d’une telle contrariété puisqu'un accord envisagé par la Communauté et déclaré contraire au Traité par la Cour de Justice ne pourrait entrer en vigueur qu'après une révision de celui-ci Il n'en reste pas moins que ce « filtre » peut très bien ne pas fonctionner puisque la saisine de la Cour sur la base de l'article 228 est facultative » Pellet A.

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n’échappent pas à certains principes généraux qui consacrent leurs existences et leurs

reconnaissances juridiques.

A cet effet, nous étudierons la question en abordant, d’une part, l’insertion des enjeux

d’intégration juridiques dans un ordre juridique communautaire (Paragraphe 1) et,

d’autre part, l’ordre juridique entre complétude et complexité de l’intégration juridique

(Paragraphe 2).

Paragraphe I : L’insertion des enjeux d’intégration juridique dans

un ordre juridique communautaire

L’intégration juridique est le but principal poursuivi par l’œuvre communautaire et les

divers traités constitutifs mis en place jusqu’à ce jour, concernant notamment la création

de l’Union européenne, celle de l’OHADA ou de diverses autres organisations

communautaires visant à harmoniser ou uniformiser les règles juridiques dans les pays

membres. Cette dynamique d’intégration juridique appelle diverses mesures, une

réorganisation hiérarchique, la création et l’uniformisation des concepts généraux135

de

droit régissant les matières concernées par cette intégration. Après quoi seulement, l’on

serait en droit, tenté de parler mais encore avec beaucoup d’attention d’un ordre

juridique communautaire136

. A cet effet, il sera donc question dans un premier temps de

la théorie générale de l’ordre juridique.

A. La théorie générale de l’ordre juridique : L’unité de l’ordre

juridique

Si la construction juridique de la règle de droit se fait sur la base d’un certain nombre de

données et poursuit un but qui met en œuvre un système de valeurs, elle est aussi une

construction technique. Le juriste est certes humaniste mais il est aussi technicien du

droit. Il doit à cet effet savoir manier les concepts de droit, les catégories dans lesquelles

on classe les institutions et les instruments consacrés par la règle de droit, il doit savoir

donc pratiquer le raisonnement juridique. Toutes ces considérations n’existent pas dans

135

Cf. aussi Rabault H., « La nature et la fonction de la théorie du droit dans la sociologie de Niklas Luhmann : vers une rénovation de l’épistémologie du droit ? », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 191. 136 Ibidem.

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le but de lui rendre une quelconque noblesse mais du fait de la dureté et de la

complexité de la tache qui est la leur. Car l’existence d’un ordre juridique appelle à une

aspiration technique très importante, dans le souci majeur de rendre uniques et corrects

les concepts juridiques.

Valérie Lasserre écrivait dans son ouvrage Le nouvel ordre juridique, le droit de la

gouvernance, « l’ordre est le dessein du droit, c’est peut-être aussi sa misère »137

, dans

ce sens où l’ordre juridique doit reposer sur un certain nombre de principes universels et

conventionnels surtout, sur des détails approuvés et reconnus de tous dont ni le bien-

fondé ni la légitimité ne font de doute. A cet effet, il est nécessaire que l’unité soit l’une

des mesures de reconnaissance d’un ordre juridique, surtout dans un contexte

communautaire et eu égard à la technicité du droit.

A partir de ce postulat, toute définition acquiert un aspect de convention, l’important

étant de s’entendre sur la chose qu’elle désigne. C’est encore plus vrai en droit où les

définitions ont un caractère fonctionnel. Il ne s’agit donc pas de répertorier les choses de

façon scientifique et d’après ce qu’elles font mais de façon pratique en vue d’obtenir un

certain résultat social, une certaine unité juridique. Le caractère fonctionnel du concept

juridique suppose que dans son approche, l’ordre juridique crée une parfaite inertie

entre le généralement acquis de tous les acteurs afin de rendre unique et légitime la

définition et l’interprétation commune du concept. C’est dire dans un premier temps

qu’il faut s’entendre, dans une logique de communauté, sur les théories générales, les

définitions communes des concepts, les mesures juridiques et les interprétations

afférentes afin d’éviter tout vide juridique en cas de transposition d’un Etat à un autre.

Il est donc évident que si l’on veut définir un ordre juridique dans son entier, il ne faut

pas avoir égard seulement à ce qu’on croit être ses différentes parties mais au résultat

obtenu dans la logique unique de ce tout, c'est-à-dire non pas les normes qui y sont

édictées pour dire que c’est un ensemble de tous mais partir du tout pour en découvrir

logiquement et justifier ces normes, une unité concrète et réelle.

Quelle que soit la façon dont ils considèrent la nature d’un ordre juridique, la plus

grande partie des auteurs s’accordent lorsqu’il s’agit de décrire les caractéristiques

principales que revêt un ordre de ce type même si des divergences existent sur des

137 Lasserre V., Ibidem.

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points particuliers. C’est là une condition de son existence. Par unité, il faut entendre

aussi efficacité, il faut entendre aussi bien efficacité des règles primaires138

que

l’efficacité des normes secondaires139

. C’est du fait de cette nécessaire unité du droit

que Kelsen140

distingue l’ordre juridique des autres ordres normatifs. Le droit est un

ordre de contrainte et les autres ordres juridiques prescrivent certaines conduites

humaines en attachant aux conduites opposées des actes de contraintes qui sont dirigés

contre ceux qui les adopteraient, d’où le rôle attribué à la sanction et la réécriture de

l’ensemble des normes d’un système en normes primaires de sanctions destinée aux

organes d’application du droit. Il n’est pas nécessaire, néanmoins, d’adopter cette

présentation pour accepter, comme l’écrit Bobbio, que l’ordre juridique « trouve son

fondement en dernière instance dans le pouvoir, entendu comme pouvoir coercitif c’est-

à-dire le pouvoir de faire respecter y compris en concourant à la force, les normes

édictées »141

, autrement dit que le droit « est un ensemble de règles à l’efficacité

renforcée, ce qui signifie qu’un ordre juridique est impensable sans l’exercice de la

force.

On remarquera et tous les auteurs sont d’accord que l’unité doit s’attacher à l’ordre

juridique dans son ensemble. Celui-ci n’est pas atteint par le fait que certaines des

normes ne sont pas appliquées et tombent éventuellement en désuétude. Cependant il

reste à savoir ce que signifient exactement l’efficacité et l’unité de l’ordre juridique. La

problématique peut être poussée plus loin, c’est-à-dire quel pourcentage de normes doit

être respecté pour que l’ordre juridique garde sa validité ? Toutes les violations ont

t’elle la même importance par rapport au système de droit ? Des questions adressées

aussi bien à la sociologie du droit qu’à la théorie générale du droit.

En effet, pour qu’un ensemble de normes constitue un ordre juridique il est nécessaire

qu’il existe un principe unificateur qui ordonne ces normes et les fassent apparaître non

pas comme un simple agrégat disparate de préceptes, mais comme un système structuré

138

Les sujets de droit se conduisent effectivement en gros de la façon prescrite par ces règles. 139 Les organes application du droit agisse effectivement dans le respect des normes secondaires, appliquer le droit de la même passion dans le cas similaires et sanctionne la violation du droit lorsqu’il se produit. 140 Kelsen H., Théorie pure du droit, Neufchâtel, Thévenaz, 1953 et 1988, p. 185. 141

In MORET-BAILLY J., « Ambitions et ambigüités des pluralismes juridiques, Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2 », Editions Puf, 2002, p. 195.

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où chaque norme trouve sa place vis-à-vis d’autres et vis-à-vis du système lui-même.

L’une des solutions les plus marquantes de ce problème a été fournie par Kelsen142

.

En effet, Kelsen donne deux réponses. Dans le premier temps, il examine l’ordre

juridique en tant que celui-ci constituerait un ordre qu’il appelle statique. Dans ce cas,

une norme est dite valide c'est-à-dire existante dans l’ordre juridique si son contenu est

conforme à la norme supérieure143

. Celle-ci sera elle-même valide si son contenu est, à

son tour conforme à sa norme supérieure. Dans un second temps, Kelsen présente

l’ordre juridique en tant qu’il constitue un ordre dynamique. Dans cette optique, une

norme inférieure est valide si elle a été posée conformément aux conditions requises par

la norme supérieure. Il en va de même pour celle-ci jusqu’à ce que de palier en palier on

remonte jusqu’à la constitution, en l’occurrence l’acte constitutif pour l’ordre juridique

communautaire. On voit bien que dans cette présentation la norme fondamentale est le

point de départ des opérations de création du droit. Mais l’acte constitutif étant la norme

suprême dans l’ordre juridique, elle ne peut trouver son fondement dans une norme

supérieure posée par une autorité qui lui serait supérieure. La seule possibilité est donc

de supposer la norme fondement hypothétique144

.

Dans les deux cas, la structuration de l’ordre juridique, ce qui en fait un système, est la

possibilité de rapporter de façon ultime chaque norme à une même norme hypothétique

fondamentale, et d’organiser de façon hiérarchique la totalité des normes appartenant à

l’ordre que ce soit selon le mode statique ou le mode dynamique. Ainsi, il ne s’agira

plus une combinaison farfelue de concepts juridiques pour former un tout mais d’une

organisation structurée de normes, formant une cohérence juridique parfaite145

.

D’autre part, on avait remarqué que les deux visions de Kelsen examinant les ordres

juridiques pouvaient aboutir à des résultats différents s’agissant de la validité des

normes et de l’unité poursuivie. Si une norme est valide parce qu’elle a été posée

conformément aux procédures prévues par la norme supérieure146

, il se peut bien que le

contenu de la norme inférieure ne soit pas conforme à celui de la norme supérieure.

C’est là l’une des plus grandes difficultés de la théorie kelsénienne. Quant à la théorie

de la norme fondamentale, on peut dire qu’aucune des thèses de Kelsen n’a rencontré

142 Kelsen, Ibidem. 143

Ibidem. 144 Ibidem. 145

Ibidem. 146 Ibidem.

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des critiques aussi vives et aucune n’a fait l’objet d’autant de réfutation147

. Kelsen lui-

même donne des justifications qui ont évolué dans le temps : hypothèse nécessaire à la

science du droit, hypothèse logique transcendantale, fiction nécessaire pour comprendre

la façon dont la norme se constitue en ordre. Il n’en reste pas moins vrai que seule la

norme fondamentale permet de répondre à la question de l’appartenance d’une norme

un ordre juridique, et seule elle permet d’unifier les normes d’un système en donnant à

la fois à celle-ci et à l’ordre juridique qui en résulte une validité et une unité vitales.

L’auteur Hart ne diffère guère de Kelsen sur ce sujet sauf en ce qui concerne le

caractère de plus en plus hypothétique de la norme ultime. Celle –ci est appelée par lui

« la règle de reconnaissance » qui, comme on l’a vu est la norme fondamentale chez

Kelsen. Hart148

est parvenu à la conclusion que la règle de reconnaissance tout en

offrant le fondement de validité aux autres règles du système en bénéficie elle-même

puisqu’elle est la règle ultime. Dire d’une norme qu’elle est valide c’est se situer à

l’intérieur d’un ordre juridique et évaluer ces normes avec les outils fournis par celle-ci

et intimement par la règle de reconnaissance149

.

En résumé, l’une des problématiques les plus délicates de la théorie de l’ordre juridique

est la reconnaissance de l’unité comme l’une des conditions d’existence d’un ordre

juridique. En effet, si c’est l’efficacité la contrainte, l’unité confère à l’ordre juridique,

en fin de compte sa réalité. C’est la théorie réaliste défendue par Alf Ross. Une théorie

consacrée par la doctrine communautaire qui nous pousse à relativiser l’existence d’un

ordre juridique OHADA ; en ce sens, bien des auteurs de la doctrine reprochent à

l’organisation, créatrice d’un système juridique d’intégration du droit des affaires,

l’abstraction faite des concepts généraux de droit et d’une uniformisation des théories

communautaires de droit dans le processus de codification introduit par l’organisation.

C’est dire à quel point il est chose difficile à ce jour de concilier le modèle OHADA de

droit communautaire avec les attentes matérielles et la technicité de l’ordre juridique,

non seulement sur le plan de l’unité mais aussi sur divers autres plans comme nous le

verrons par la suite.

147 In Romano S., l’ordre juridique, Dalloz, 2002, 174 pages. 148

Ibidem. 149 Ibidem.

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B. La nécessaire cohérence de l’ordre juridique d’intégration

La cohérence de l’ordre juridique d’intégration est une question fondamentale qui

soulève les problématiques liées à l’antinomie au sein des normes édictées dans un

même ordre juridique. Il est important, crucial, fondamental de déterminer clairement

les terminologies juridiques, les principes fondamentaux et les théories générales afin de

rendre le plus efficace possible l’ordre juridique créé150

.

C'est-à-dire qu’un ordre juridique incohérent perd de son efficacité mais aussi de la

légitimité ; faisant ainsi de la cohérence une des conditions importantes dans la

reconnaissance d’un ordre juridique.

Imaginons qu’à la suite d’un essaimage une république nouvelle se crée sur quelques

terres autrefois déserte et qu’elle se donne une seule loi, avec en tout et pour tout trois

articles. Dans l’instant même, les juristes entreront en action151

. A partir de chaque

règle, ils déduiront ou induiront quelques dizaines d’autres, qu’ils combineront entre

elles selon un agencement de plus en plus complexe, qu’ils complèteront ensuite par le

jeu de l’analogie152

.

Dans un système purement déductif, si l’on arrive à démontrer que deux propositions du

système sont incompatibles, c’est l’ensemble du système qui est ruiné. La contradiction

ainsi intervenue, eu égard à l’importance des principes et des normes concernés est

susceptible de remettre en cause toute la logique du système mais encore l’unité de

l’ordre juridique153

. Ce genre de problème se pose lorsque l’élaboration des normes

communautaires est faite de façon progressive et qu’elle ne prend guère en compte au

fil des temps les dispositions anciennes contenues dans les textes précédents154

.

Le problème se pose dans le cas de l’OHADA à qui bien des auteurs de la doctrine

reprochent d’adopter des textes fragmentés, des actes uniformes donc, épars, qui au fil

de leur élaboration ignorent les dispositions antérieures, ce qui crée évidemment sur

diverses dispositions communautaires des antinomies, des incompréhensions voire des

150

In GRZEGORCZYK C., « L’ordre juridique comme réalité, Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2 », Editions Puf, 2002, p. 10. 151

Cf. HALPERIN J., « L’apparition et la portée de la notion d’ordre juridique dans la doctrine internationale du XIXe siècle », Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1, Editions Puf, 2001, p. 41. 152

Ibidem. 153 Ibidem. 154

Cf. Leben Charles, « De quelques doctrines de l’ordre juridique, Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre juridique ?/1 », Editions Puf, 2001, p. 19.

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définitions absolument différentes pour le même concept. Nous le verrons bien dans la

suite que cet état de choses remet fortement en cause l’existence réelle ou non d’un

véritable ordre juridique OHADA.

Cependant, il est parfaitement concevable et cela existe dans tous les ordres juridiques

que l’on s’aperçoive que deux normes appartenant au système sont incompatibles. Il

existe alors une situation peu heureuse tant pour les justiciables que pour les organes

d’application du droit. Il appartient à ces organes de résoudre ces antinomies qui

apparaissent dans l’ordre juridique155

. Dans certains cas cela ne pose aucun problème

tout système connaissant des maximes qui ont pour fonction la résolution de ces

antinomies comme lex posteriorderogat priori, lex superior derogat inferiori, lex

specialis derogat generali156

.

Il peut arriver cependant qu’une antinomie ne puisse pas être résolue de cette façon, soit

que l’on se trouve devant deux normes de même date ou de même niveau hiérarchique,

soit parce que les résultats obtenus par application des maximes se contredisent :

opposition, par exemple entre le critère tiré de la spécialité157

et celui tiré de la

chronologie ou encore le critère hiérarchique et le critère chronologique158

. Le juge

pourra alors avoir recours à des critères supplémentaires en opérant un choix selon par

exemple que l’une des normes est d’ordre public ou que l’une des normes comporte une

interdiction impérative et que l’autre ne prévoit qu’une permission. Cette situation est

fort dommageable cependant.

Il est souhaitable, que le législateur communautaire ne place pas les juges dans des

situations aussi délicates où ils pourraient être amenés à traiter de façon différentes des

cas semblables du fait de l’existence de normes incompatibles. C’est pourquoi le

principe de cohérence des ordres juridiques, en plus d’être une condition de validité de

ces ordres est une condition de leur justice et de leur effectivité consacrée.

Ce qui précise encore une fois notre scepticisme quant à l’ordre juridique

communautaire OHADA.

155

In Kelsen, op.cit. 156 Cf. Leben C., Ibidem. 157

Ibidem. 158 Ibidem.

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Paragraphe II : L’ordre juridique : entre complétude et complexité

de l’intégration juridique

Les principes de théories générales du droit fondent l’ordre juridique et les divers

mécanismes de sa mise en œuvre mais aussi les divers facteurs de la vérification de son

existence effective. Dans le cadre de notre étude, l’intégration juridique communautaire

est d’une complexité absolue en ce qu’il s’agit de disposer de normes internationales

s’appliquant en primauté dans le système national des Etats membres159

. La difficulté

résultant en partie du fait qu’il soit primordial de convenir, de consentir à une même

approche et à une même définition des principes généraux du droit et des mécanismes

d’intégration, aussi du degré de cette intégration. C’est autant de conditions qui

justifieront à la fin du processus si un ordre juridique a été créé et quel est le degré

d’aboutissement de la perspective d’intégration élaborée. Il est donc primordial pour

cette étude de comprendre les nécessités de complétude de l’ordre juridique ainsi que la

complexité de l’intégration juridique.

A. La complétude de l’ordre juridique

Un ordre juridique est dit complet lorsque pour un cas donné, le juge est toujours

susceptible de trouver une norme qui s’applique aux cas en question. Inversement

l’ordre juridique est incomplet lorsqu’ils comportent une lacune, lorsque pour un cas

donné le juge ne trouve aucune norme autorisant une conduite à tenir où les

interdisant160

.

C'est-à-dire que la complétude de l’ordre juridique suppose que les divers aspects liés à

la matière et au droit soient envisagés dans l’effort d’intégration juridique, afin d’éviter

tout silence du droit ou les imperfections juridiques du système.

Certains droits posent comme une présomption irréfragable le caractère complet de

l’ordre juridique161

. Ainsi, l’article 4 du Code civil français énonce que « le juge qui

refusera de juger sous prétexte de silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi

159 Cf. Cours de Droit des communautés européennes. 160

Cf. sur la question MORET-BAILLY J., « Ambitions et ambigüités des pluralismes juridiques, Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre juridique ?/2 », Editions Puf, 2002, p. 195. 161 Kelsen, op.cit.

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pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice »162

. Le refus de juger est donc

interdit. Le juge à condition qu’il soit compétent doit juger tous les litiges qui lui sont

soumis en application de la norme juridique. Cette présentation de complétude de

l’ordre juridique étatique ne vaut pas forcément pour l’ordre juridique communautaire

dans ces mêmes considérations. Elle est liée à une idéologie du positivisme juridique

étatique. Renoncer à cette présomption, c’est permettre aux juges d’aller chercher les

normes applicables ailleurs, dans le droit naturel autant le droit coutumier voire

l’autoriser à statuer en équité163

. Or la perspective d’une intégration juridique

communautaire suppose logiquement que sur les matières du droit uniformisées ou

harmonisées, il n’y a aucune zone d’ombre, aucun mal dit ou aucune insuffisance qui

soit reprochable, de peur que les juges, par exercice de cette liberté d’appréciation qui

leur est laissée, ne rendent des décisions différentes sur les mêmes faits juridiques. Par

exemple, le juge sénégalais saisi d’un cas similaire à celui dont est saisi le juge malien

devra, par application des principes généraux du droit rendre sa décision en équité ou

selon ses convictions juridiques. Or c’est un risque d’avoir deux solutions différentes

pour les mêmes faits dans un même système étant supposé d’intégration.

Le cas s’est présenté à diverses reprises en droit OHADA où il existe un énorme vide

juridique sur les questions de pénalisation des infractions définies au plan

communautaire. En effet, l’organisation se charge de déterminer les infractions en

matière de droit des affaires en laissant la latitude aux Etats membres de définir les

peines correspondantes. C’est un modèle très risqué d’intégration dans ce sens où la

complétude est totalement impossible. En effet, divers Etats membres n’ont à ce jour,

jamais défini les peines correspondantes dans leur corpus juridique interne. Or les juges

nationaux saisis sur ces chefs d’infractions communautaires, font ainsi face à un silence

total de leur système national concernant les peines à appliquer. Dans ce contexte soit

un déni de justice sera la solution, soit le juge suivra une certaine conviction. Mais dans

ce cas, étant en matière pénale, tout silence du droit crée un état d’impunité pour le mis

en cause.

C’est dire et reconnaitre à quel point le modèle d’ordre juridique et le mécanisme

d’intégration de l’OHADA souffrent encore d’importantes lacunes et d’incohérence,

dues au vide juridique qui y est laissé dans une certaine mesure. En conclusion il est

162

Code civil français. 163 Théorie générale du droit, principes judiciaires d’application du droit.

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donc logique de relativiser énormément l’existence d’un ordre juridique OHADA,

surtout quand l’on se permet, comme nous le ferons dans la suite de notre étude et tout

au long, de comparer le système d’intégration européen, considéré comme l’un des plus

abouti, à celui encore en construction et non sans critiques de l’OHADA. Lançant ainsi

les bases et le cadre de notre étude, la notion d’ordre juridique regroupe donc

énormément de considérations juridiques et de principes et est loin d’être un acquis,

surtout dans une optique d’intégration juridique communautaire.

B. La complexité de l’intégration juridique communautaire

Dans son livre L’ordre juridique, Santi Romano164

aborde la question de la complexité

de l’intégration juridique sous divers angles. Mais il met avant tout l’accent sur la

complexité de la création d’un système juridique ou d’un ordre juridique. Revenant sur

les principes d’unité et de cohérence165

, il soulève essentiellement la nécessité pour les

divers acteurs du système de convenir sur des mêmes définitions et des mêmes

approches pour les concepts juridiques contenus dans le système intégré166

. C'est-à-dire

que l’uniformisation ou l’harmonisation des matières du droit, au cœur du système

d’intégration appelle dans un premier temps à évacuer tous les principes généraux du

droit qui entourent et organisent la matière. Il s’agit d’une façon plutôt logique de partir

d’une vision commune des fondamentaux pour aboutir à une approche plus spécifique

des constituantes juridiques des normes du système.

Il est donc question, d’une part, de comprendre les approches théoriques, de définir les

concepts, afin de rendre plus correcte et plus solide l’intégration. Par exemple,

l’intégration régionale ou communautaire de la vente commerciale nécessiterait que l’on

détermine dans un premier temps une définition commune de tous les concepts et de

tous les principes qui concourent à la matière ; avant de s’intéresser dans un second

temps aux constituantes spécifiques soit la vente de marchandises, la vente de biens, les

services, …

La doctrine communautaire reproche énormément cette insuffisance au modèle

d’intégration OHADA. Il n’est pas question uniquement de déterminer un certain

164 Romano S., ibidem. 165

Ibidem. 166 Ibidem.

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nombre de normes, de les regrouper dans des actes uniformes diversifiés et de les

adopter en toute méconnaissance des principes généraux du droit, abstraction faite de la

nécessité de définir les concepts fondamentaux avant d’aborder les spécificités du droit.

Ainsi dire que l’OHADA saute une étape importante dans le processus d’intégration en

s’abstenant dans cette perspective, de définir les principes généraux du droit et ainsi

d’uniformiser dans un premier temps une approche commune des définitions avant

d’uniformiser de façon plus précise les matières spécifiques du droit des affaires.

Voilà qui donne encore plus de sens et d’intérêts à notre étude, qui s’évertuera dans

l’analyse du communautarisme OHADA, eu égard aux divers mécanismes et

perspectives qui concourent à sa mise en œuvre, de rechercher s’il existe ou non un

ordre juridique OHADA. L’hypothèse de cette existence et les conditions de sa

validation sont aussi confuses et disparates dans les diverses approches doctrinales de la

notion. Il s’agira aussi, en cas de validation ou non, d’apporter des solutions concrètes

pour une nouvelle dynamique de l’organisation et de son droit.

Mais il n’y a nul doute qu’une telle étude, pour être la plus complète, la plus précise

possible, pour garder toute son objectivité et converger vers de réels résultats, doit partir

des prémisses de l’Organisation OHADA, des bases de la coopération initiée, les enjeux

réels de ce développement économique communautaire poursuivi. Il s’agira aussi de

déterminer assez clairement les acquis de l’organisation d’un point de vue juridique,

sans omettre de poursuivre cette étude dans une approche analytique comparative, eu

égard aux similitudes que partage l’OHADA avec la forme actuelle la plus aboutie

d’intégration juridique communautaire, l’Union Européenne.

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64

CHAPITRE II

LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE VIA UN

SYSTEME JURIDIQUE INSTITUTIONNEL OHADA

L’intégration167

présente plusieurs avantages car elle permet au continent africain de

s’insérer dans les circuits des échanges internationaux. Mais surtout elle fonde les bases

de nouveaux mécanismes d’échanges internationaux entre les Etats, qu’elle soit de

nature économique, politique ou juridique. L’OHADA l’a ainsi développé à travers une

politique de coopération effective et un cadre permanent de concertation entre les Etats

et les divers acteurs économiques, marquant aussi la consécration d’un instrument

juridique au service de la performance des entreprises (Section I).

La seconde phase de cette perspective d’intégration fut pour l’OHADA la mise en place

de divers organes afin de rendre plus efficace, plus coordonné et plus dynamique son

action dans l’espace régional, militant ainsi pour une coopération accrue entre Etats

membres afin d’éviter au mieux les conflits en mettant en œuvre un plan d’action

institutionnel plutôt bien élaboré (Section II).

SECTION I : La politique communautaire OHADA au service de la

performance des entreprises

Le besoin d’une instance communautaire qui régularise les rapports et organise

juridiquement les normes au plan de la communauté est l’une des raisons de la création

de l’OHADA. Par conséquent, fallait-il définir une politique de coopération effective et

un cadre permanent de concertation à cet effet (Paragraphe 1), ce qui allait faire du droit

OHADA, un instrument au service de la performance des entreprises (Paragraphe 2).

167 Cf. Lagrange E. et Jean-Marc Sorel, Traité de droit des organisations internationales, LGDJ, p. 4.

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Paragraphe I : Une politique de coopération effective et un cadre

permanent de concertation

L’OHADA, afin de mettre toutes les chances de son côté dans sa perspective d’établir

un droit communautaire168

, a institué une certaine dynamique politique, le but était de

faciliter la coopération (A) et d’installer un cadre communautaire permanent, de

concertation sur les questions de développement économique (B).

A. La politique de coopération169

Pendant longtemps, l’idée d’une coopération n’était pas envisageable à une certaine

époque entre les Etats africains, car ils venaient juste d’acquérir ce que qualifiaient

certains de souveraineté170

de fait171

. Malgré ce statut, les Etats y tenaient et la perdre

tout aussi tôt au profit d’une organisation communautaire dont les objectifs restaient

encore peu clairs ne fut pas chose facile. Cependant, comme y furent contraints les Etats

Européens172

à un moment de leur existence, divers facteurs173

allaient aussi mener ces

pays africains vers cette coopération politique174

, plus nécessaire que souhaitée,

notamment les enjeux de développement économique (1) et la mondialisation ou la

globalisation de l’économie (2).

1. Les enjeux de développement économique

Ils trouvent leur origine dans le concept historique de coopération politique175

à

l’européenne176

, qui constitua la première phase du processus177

, enclenché par le

rapport Davignon178

adopté en 1970 par les 6 États membres de la CEE179

. L'objectif

168 Sur la question, voir aussi Alhousseini MOULOUL, Comprendre l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires, mémoire publié, 2008. 169

Cf. Vogel L., op. Cit, p 11, sur les objectifs de l’intégration de la communauté. 170

A l’opposé, cf. Dictionnaire permanent, droit européen des affaires, op. cit., p.12. 171

En rapport avec la présence très critiquée du droit français dans les dispositions d’ordre national établies au lendemain des indépendances. 172

Moins de conflit d’intérêts et des obligations communes renforcées. 173

Cf. Dictionnaire permanent, droit européen des affaires, op. cit., p.12. 174

Ibidem. 175 Cf. Vogel L., op. Cit, p 11. 176 Ibidem. 177

In Bulletin permanent, droit européen des affaires, juin 2013, p.5. 178 Le 27 octobre 1970, les ministres des Affaires étrangères des Six adoptent à Luxembourg le rapport Davignon qui vise à réaliser des progrès dans le domaine de l'unification politique par la voie de la coopération en matière de politique étrangère.

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66

était de développer la coopération intergouvernementale dans le domaine de la politique

internationale, en vue de parvenir à la définition puis l'adoption de positions communes.

C'etait un espace d'échange diplomatique entre les États appartenant à la communauté.

L’OHADA s’en est inspirée assez largement dans sa perspective quant à elle d’une

coopération plus axée sur des sujets de développement économique et de commerce

international.

Kéba M’BAYE avait exposé, à l’occasion du séminaire sur l’OHADA, tenu à Abidjan

(Côte d’Ivoire) les 19 et 20 avril 1993, plusieurs raisons militant en faveur d’une

coopération économique. Il déclara, entre autres, que l’émiettement du droit commun

africain est un facteur négatif du progrès qui ne peut être que commun, et qu’au plan

national des textes sont ouvertement promulgués alors que d’autres, dans le même

domaine, ne sont pas abrogés. Il en résultait des chevauchements et les opérateurs

économiques restent dans l’incertitude de la règle de droit applicable. Cette insécurité

juridique était un très sérieux handicap pour l’investissement. En sa qualité de Président

de la Mission ayant préparé l’avènement de l’OHADA, Kéba M’BAYE a effectué

plusieurs missions d’études dans les Etats membres ; à l’occasion du séminaire

d’Abidjan, il exposa son constat en ces termes : « Tout le monde est d’accord sur la

nécessité de procéder à l’harmonisation. En effet, tout le monde est d’accord que le

droit en vigueur n’est plus adapté, que les règles varient d’un pays à un autre, qu’il y a

une incertitude indéniable dans le corpus juridique de chaque Etat, qu’une insécurité

judiciaire, dut notamment à la formation insuffisamment spécialisée des magistrats, à

l’absence de système de formation continue, à des questions de déontologie, à

l’indigence de l’information juridique, à la totale insuffisance de moyens mis à la

disposition des services judiciaires et à bien d’autres causes »180

. Il exposait ainsi toutes

ces causes qui rendaient non compétitif le marché intérieur de ces Etats membres et

fragilisaient leur économie et leur développement. Analysant la réglementation

applicable au droit des sociétés dans les pays africains de la Zone Franc181

, Martin

KIRSCH écrivait à son tour que : « le constat unanime de la situation pouvait se

179

La Communauté économique européenne (CEE) était une organisation supranationale créée en 1957 pour mener une intégration économique (dont le marché commun) entre l'Allemagne de l'Ouest, la Belgique, la France, l'Italie, le Luxembourg, et les Pays-Bas.

180 In synthèse des travaux du séminaire d’Abidjan, p. 18.

181 Dictionnaire permanent, op. Cit, p.2.

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67

résumer par la formule suivante : insécurité juridique et judiciaire »182

. Ignorer une telle

réalité aurait été un désastre pour ces Etats qui n’étaient plus dans un système mondial

où les marchés restaient fermés mais plutôt s’ouvraient à tous types d’investissements.

Maintenir le cap d’une action solitaire dans une telle jungle économique aurait été

désastreux pour chacun d’eux183

, surtout avec l’ampleur prise par la mondialisation

économique. A l’image de celui instauré par la Commission Européenne après la crise

économique de 2008, par le « semestre européen »184

en 2010 (il s’agissait pour eux

d’établir un processus de coordination des politiques économiques des Etats membres

de l’UE)185

.

Il est à rappeler aussi que le premier enjeu de la coopération dans le modèle européen

s’inscrit dans le cadre de la coopération judiciaire, pénale et policière186

. C’est un enjeu

de type plus opérationnel, s’agissant de garantir l’application correcte et la pleine

utilisation dans la pratique des instruments européens déjà adoptés mais reste toutefois

contestable187

. Notamment par :

- Le contrôle de la mise en œuvre de la reconnaissance mutuelle des décisions de

justice rendues, par un renforcement des exercices d’évaluation de la qualité de

la justice188

. Le développement des échanges et des actions de formations entre

magistrats et praticiens de la justice constitue également une priorité européenne

en vue de l’avènement d’un authentique espace judiciaire européen189

.

- Le développement des échanges opérationnels entre services de police

nationaux190

, à travers la multiplication des équipes communes d’enquête191

,

182 Kirsch M., « Historique de l’OHADA », Revue Penant n° spécial OHADA n° 827 mai – Août 1998 pp. 129. 183 Cf. Mouloul H., « Comprendre l’organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires », mémoire publié en 2008. 184 Règlement UE du parlement européen portant du 16 Novembre 2011 portant sur le six-pack 185 Dictionnaire permanent, op. cit., p.1. 186

Le mécanisme envisagé par le règlement de « Bruxelles I » n’est toutefois pas conforme à l’ambition proclamée de reconnaissance mutuelle, « pierre angulaire » de la coopération judiciaire, qui implique de rendre directement exécutoire dans un Etat membre, les décisions rendues par une juridiction d’un Etat partenaire. 187

Cf. guide des politiques communes de l’union européenne, op. cit. p. 125. 188

Une idée forte intéressante que devrait copier le droit OHADA en ce qui concerne la problématique de l’impartialité de la justice africaine que nous soulèverons dans notre seconde partie. 189 Marqué aussi par l’entrée en vigueur en janvier 2007 d’une agence européenne des droits fondamentaux, ce qui a contribué à aplanir les difficultés à cet égard et le renforcement de la confiance mutuelle entre les Etats membres. 190 Sur la question, voir aussi Ibrahima Khalil DIALLO, la problématique de l’intégration africaine : l’équation de la méthode, Bulletin de transport multimodal, 2005. 191 Ibidem.

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l’extension des pouvoirs de police transfrontaliers, la généralisation des actions

de formation192

.

Dans le domaine de la coopération européenne judiciaire civile193

, l’objectif est de

poursuivre l’action entreprise sous Tampere194

, notamment en matière de droit de la

famille où celle-ci s’est énormément engagée mais tardivement195

, aussi dans le

domaine du respect des traditions juridiques nationales196

.

Toutefois, le contentieux antidumping197

à l’initiative des pays tiers contre l’UE fit

couler énormément d’encre sur les véritables fondements du modèle européen de

coopération et sur cette forme de domination progressive qu’elle instaurait sur le

marché international198

. Dans le rapport de synthèse des mesures de défense

commerciale des pays tiers, publié en 2012, 138 mesures199

entraient en vigueur contre

146 en 2011, des voies de recours qu’ont largement utilisé le Brésil, l’Inde, la

Turquie200

.

2. La mondialisation ou la globalisation de l’économie201

Depuis plus d’une décennie, les relations internationales sont marquées par la

mondialisation, ou globalisation des échanges, qui se traduit par la construction

d’espaces économiques au sein desquels les frontières géographiques, vestiges de

souverainetés décadentes, n’ont qu’une signification politique. La construction de ces

espaces économiques, qui consacrent le plus souvent l’intégration économique des Etats

membres, vise souvent, d’une part, la promotion du développement économique et

social, d’autre part, celle de l’investissement privé en rendant les marchés plus attractifs

et les entreprises nationales ou communautaires plus compétitives. « A l’heure de la

192 Ibidem. 193 Cf. Vogel L., op. Cit, p 12. 194 Cf. Guide des politiques communes de l’union européenne, ministère des affaires étrangères, direction de la coopération européenne, reflexe Europe, l’espace de liberté de sécurité et de justice, p. 127. 195

En matière de d’harmonisation du droit commercial, les principaux chantiers déjà en cours, tel le projet « ROME II » ou celui sur la médiation ont apporté d’importantes innovations. 196

Des instruments sont ainsi attendu en matière de conflits de lois sur le divorce « ROME III », sur les obligations alimentaires, sur les successions et testaments. 197

In Dictionnaire permanent, op. cit, p.5. 198

Ibidem. 199 Ibidem. 200 Des actions largement remis en cause par l’UE qui déploraient que ces procédures antidumping aient été lancées en rétorsion à des mesures imposées par l’UE et non sur la base de motifs fondés reposant sur une demande dûment justifiée introduite par l’industrie nationale concernée 201

cf. Joël Rideau, Droit institutionnel de l’Union Européenne, op. Cit, p 39 pour la globalisation au centre de la construction européenne dans l’UE.

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mondialisation de l’économie, lorsque les principaux pays du monde se regroupent pour

constituer des unions économiques et le cas échéant monétaires, il était impératif, pour

tous les pays concernés, d’adopter un même droit des affaires moderne, réellement

adapté aux besoins économiques, clair, simple, sécurisant les relations et les opérations

économiques »202

. Ces propos de Jean Paillusseau déterminent clairement le véritable

facteur de coopération économique que constituait la mondialisation économique. Nous

irons jusqu’à retenir la formule « mondialisation économique = coopérer et se

développer ensemble ou disparaitre tout seul du marché mondial ».

Il s’ensuivra un phénomène de « mondialisation du droit » qui se traduit par un

affaiblissement de la souveraineté des Etats par suite du renforcement des facilités

d’établissements, de circulation des personnes, des biens, des services et des facteurs de

production, une concordance plus ou moins grande et nette des régimes juridiques

applicables aux activités économiques, quel que soit le lieu de leur accomplissement.

Aussi, un ensemble de droits et d’obligations communs à tous les acteurs économiques

où qu’ils exercent leurs activités dans l’espace harmonisé (Code de conduite des

entreprises) et une tendance très nette et constante à la dénationalisation du règlement

des conflits de nature économique (arbitrage et procédures non juridictionnelles)203

.

Les Etats africains ne pouvaient rester, eu égard à toutes ces considérations, en marge

de ce processus ; c’est pourquoi des organisations régionales ont été créées204

, avec

comme objectifs de réaliser d’abord la coopération et l’intégration économique, aux

niveaux sous-régional et régional, ensuite l’avènement de la Communauté Economique

Africaine (CEA) et l’Union Africaine (UA)205

.

Certaines de ces organisations ont eu une existence éphémère pour n’avoir pas disposé

de ressources humaines et financières suffisantes, d’autres survivent sous perfusion de

la communauté internationale, car les Etats membres sont souvent, eux-mêmes,

confrontés à des difficultés financières qui se traduisent par des appels aux institutions

202

Paillusseau J., « Le droit de l’OHADA. Un droit très important et original », La Semaine Juridique n° 44 du 28 octobre 2004, Supplément n. 5, pp 1 – 5. 203 ISSA-SAYEGH J., Jacqueline LOHOUES-OBLE, OHADA – Harmonisation du droit des affaires, Ed. BRUYLANT – JURISCOPE, 2002, p. 5 et 6. 204

L’UMA ; la CEDEAO et l’UEMOA pour l’Afrique de l’Ouest ; la GEPGL et la CEMAC pour l’Afrique Centrale. 205

Voir aussi Abdoullah CISSE, L’harmonisation du droit des affaires en Afrique : L’expérience de l’OHADA à l’épreuve de sa première décennie, Revue internationale de droit économique, 2004.

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de Bretton Woods206

. Les Communautés Economiques Régionales (CER)207

sont les

socles sur lesquels devra reposer l’intégration économique du continent africain ; mais il

est apparu que dans la plupart des cas, les CER ne prévoient pas l’intégration juridique

des Etats membres alors que le droit est l’instrument par lequel doit se réaliser

l’intégration économique. Les Traités fondateurs de quelques rares CER ont prévu les

instruments de l’intégration juridique208

, mais dans la grande majorité des cas celle-ci

n’a pas connu les succès escomptés. Finalement, l’intégration juridique, qui devrait

permettre l’intégration économique du continent africain, ne saurait se réaliser à travers

lesdites CER. C’est dans ce contexte que l’expérience d’uniformisation du droit des

affaires des Etats africains a été lancée à travers l’Organisation pour l’Harmonisation en

Afrique du Droit des Affaires (OHADA). Ses atouts sont un gage de réussite car une

intégration ne saurait réussir que si elle repose sur des fondements solides et si elle est

confortée par une réelle volonté politique de régler des problèmes communs. Evoquant

ces atouts, Kéba M’BAYE a écrit : « Il est certain que c’est dans des groupements où il

y a déjà des traditions juridiques communes, une monnaie commune et, dans une

certaine mesure, une histoire commune et une même manière de concevoir et de bâtir

l’avenir, qu’il est plus facile de réaliser l’intégration économique »209

.

C’est bien ce même facteur « mondialisation » qui poussa l’UE à adopter le projet de

mandat concernant la conclusion d’un accord de libre-échange avec les Etats-Unis210

appelé « partenariat transatlantique211

de commerce et d’investissement »212

. Voici à

quel point la mondialisation pousse les Etats mais aussi les organisations

communautaires du monde213

vers des compromis commerciaux mettant la coopération

et l’échange au cœur de leur politique économique et juridique.

206 Les accords de Bretton Woods sont des accords économiques ayant dessiné les grandes lignes du système financier international en 1944. Leur objectif principal fut de mettre en place une organisation monétaire mondiale et de favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre. 207

cf. Rideau J., op. cit, p.37. 208

Cf. CISSE A., ibidem. 209

In Revue PENANT n° 827, Mai – Août 1998, p. 126, N° Spécial OHADA. 210

Dictionnaire permanent, droit européen des affaires, avril 2013, p.3. 211

Ibidem. 212 L’accord en question pourrait se traduire par une hausse de 28% des exportations de l’UE vers les USA, ce qui rapporteraient prêt de 187 milliards d’euros de lus chaque année aux exportateurs européens de biens et de services, selon les chiffres de l’UE. 213 Sur la question il est à noté aussi la communautarisation partielle mise en place par le traité d’Amsterdam, entré en vigueur en Mai 1999 en matière de politique commune d’immigration, de droit d’asile, de protection des frontières surtout en Europe.

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71

En outre, faut-il noter que ce projet, comme l’était encore à l’époque l’OHADA, devait

survivre dans un cadre permanent de concertation, indispensable à sa finalité

d’intégration214

.

B. Un cadre permanent de concertation

Les Etats membres étaient tous conscients, au moment de la création de l’OHADA, qui

était une énième tentative de coopération215

: c’est que celle-ci devait être différente des

autres, plus compétitive au plan international mais surtout que sa survie nécessiterait

une importante implication politique216

. Certes il fallait perdre de sa souveraineté217

mais il fallait aussi et surtout veiller sur cette part perdue afin de la rendre la plus

productive possible. A cet effet, deux facteurs doivent retenir l’attention, la forte

volonté politique des Etats membres (1) et la dynamique permanente du système218

(2).

1. La forte volonté politique des Etats membres219

Divers observateurs et divers analystes soutiennent encore l’idée que la durée de vie de

l’OHADA est conditionnée à la seule volonté des Etats membres. Cela dénote d’une

vision politique qui veut que sur divers plans, notamment budgétaires et d’impact

d’action, la volonté politique soit omniprésente au point d’être un handicap à

l’indépendance de l’organisation220

. Cependant nous voyons plutôt cette forte présente

politique d’un œil plus favorable dans la mesure où tout part de là et aussi au regard de

l’importance du dialogue et de coopération dans ce type de mécanisme juridique

communautaire. Nous sommes effectivement d’avis que l’existence d’une même langue

officielle, le phénomène de l’Islam et l’existence d’un droit africain traditionnel,221

sont

des conditions propices à la réussite d’une intégration, car dans l’espace que constituent

214 Sur la même question, cf. Guide des politiques communes de l’Union Européenne, reflexe Europe, n.43, p. 120. 215

Cf. Rideau J., op. cit, p 37, sur l’émergence de la coopération politique européenne. 216

A l’instar des nombreux efforts européens allant dans le sens d’un assouplissement de souveraineté et d’une innovation communautaire. 217

Cf. pour l’Europe, Guide des politiques communes de l’Union Européenne, ibid. 218

A l’image de l’UE dont les chefs d’Etats se sont réunis à Tampere en Octobre 1999 pour un conseil européen consacré aux questions de justice et d’affaires intérieures. Les conclusions qui y sont retenues forme un ensemble important de codifications diverses afin d’établir un marché unique commun et les nouveaux du nouveau mécanisme de libre échange commercial. 219

Sur le sujet, voir aussi Jean-Jacques RAYNAL, Intégration et souveraineté : le problème de la constitutionnalité du traité OHADA. 220

Cf. Guide des politiques communes de l’Union, op. Cit, p. 119. 221 Des questions qui seront développées dans la seconde partie de notre travail.

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les Etats africains de la Zone Franc la quasi-totalité de ces conditions est réunie222

. Mais

elles ne sont pas suffisantes à elles seules car sans volonté politique, aucune

construction de ce type ne saurait être pérenne. Compte tenu de la célérité avec laquelle

le projet OHADA a été réalisé et l’enthousiasme qu’il a suscité, nous sommes en droit

de penser que la volonté politique est réelle.

En effet, il s’est passé moins de deux ans pour que le « Traité de Port Louis » soit signé,

moins de deux ans pour qu’il entre en vigueur et moins de cinq ans pour que les sept

premiers Actes Uniformes (A. U.) soient adoptés. Ce projet est également sous-tendu

par des programmes ambitieux d’intégration économique dans toutes les régions

africaines ; des organisations furent créées à cet effet (BAMREL, CEAO, CEDEAO, et

UEMOA).

Quand l'Union européenne fut créée le 1er

novembre 1993, la CEE devint

la Communauté européenne (CE), un des trois piliers de l'Union européenne. Avec la

fin de la structure en piliers, les institutions de la CEE perdurent en tant qu'institutions

de l'Union européenne223

mais avec moins de prestige et d’autonomie qu’elles en

avaient. En comparant avec l’OHADA, celle-ci a le mérite de pallier certaines

insuffisances notamment sur la question de la coopération entre les Etats224

mais aussi

sur le statut de chaque Etat dans ce cercle de concertation225

, laissant dehors les égos226

,

les influences politiques et le poids économique227

et privilégiant les difficultés

communes, le développement économique en commun228

, une crédibilité229

dont ne

jouissent plus à ce jour les institutions d’intégration à l’européenne, accusées par bien

des observateurs et analystes d’être sous le joug de la puissance économique franco-

allemande230

. Il faut rappeler aussi que le Conseil Européen a adopté le 4 novembre

2004231

un programme dit de La Haye qui vise à prolonger et compléter l’action

222

Cf. Salvatore MANCUSO, La Chine en Afrique et les mouvements d’intégration juridique africains, Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 121

e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011, p 381.

223 Ibidem.

224 La question du principe d’égalité de traitement fiscal des dividendes mais aussi la charge de la preuve

incombant à la commission en la matière. 225

Cf. dictionnaire permanent, droit européen des affaires, janvier 2013, p.9. 226 Ibidem. 227 Ibidem. 228

Sur la question de la fiscalité des dividendes, la Finlande condamnée, l’Allemagne relaxée. 229 CCJE, 8 Novembre 2012, aff. Commission c/ Finlande. 230

CCJE, 22 Novembre 2012, aff. Commission C/ Allemagne. 231 Cf. guide des politiques communes de l’union européenne, op. Cit., p.125.

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entreprise à Tampere232

pour la construction d’un espace de liberté, de sécurité et de

justice233

, grâce à un système de concertation et d’échanges permanents234

.

2. Une dynamique permanente du système institutionnel235

Toute organisation d’intégration fonde sa légitimé sur l’efficacité des actions qu’elle

mène sur les divers terrains qui sont siens236

. Pour l’OHADA il n’est plus question de

se contenter de pallier les problèmes en organisant des séminaires ou des sommets de

travail sur les questions économiques mais surtout d’agir dynamiquement au fond, c'est-

à-dire au cœur des systèmes juridiques des Etats membres. Cette perspective aura deux

impacts.

En premier lieu elle mettra les acteurs du droit au cœur des ambitions de l’organisation,

pour dynamiser le système, avec une action plus spécifique à l’endroit des magistrats et

personnels judiciaires car la garantie de la sécurité juridique et judiciaire passe par là.

« Si l’on veut que le droit harmonisé s’applique de façon effective et harmonieuse, il est

impératif que les juges nationaux en soient les premiers vecteurs. On conçoit donc que

la formation et en particulier celle des magistrats soit au cœur de la réponse que devra

recevoir le problème de l’insécurité judiciaire »237

, et les auxiliaires de justice, les

juristes et universitaires devront aussi être des vecteurs. La qualité et la quantité de la

doctrine sur l’OHADA et son droit sont autant d’indicateurs de la connaissance de ce

droit. La mesure de l’application du droit OHADA dans ses Etats membres résultera de

l’observation des jurisprudences des tribunaux nationaux de commerce et de l’instance

communautaire notamment.

Dans le modèle européen, cette dynamique d’intégration touche même le statut

communautaire des marchandises. A cet effet, divers échanges entre les Etats ont abouti

à l’adoption d’un règlement européen238

établissant le caractère communautaire des

232

Ibidem. 233

Ibidem. 234

Ce document constitue la référence principale de l’union dans cette deuxième phase de son action 235

Sur le sujet, voir aussi Jean-Jacques RAYNAL, Intégration et souveraineté : le problème de la constitutionnalité du traité OHADA. 236 MANCUSO S., « La chine en Afrique et les mouvements d’intégration juridique africains », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011, pages 381. 237

Document de la 2ème

Conférence internationale sur la formation de la magistrature tenue à préparé pour l’Institut National de la magistrature (Ottawa- Canada) du 31 octobre au 5 novembre 2004, préparé par M. Mathias NIAMBEKOUDOUGOU, directeur général de l’ERSUMA, p.3. 238 Règlement UE, n. 1159/2012 de la commission, publié le 7 décembre 2012, JOUE n. L336.

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marchandises239

qui auront fait l’objet d’un transport d’un point situé dans un pays

membre vers un autre point de cet Etat, avec emprunt du territoire d’un autre Etat

tiers240

. Cela démontre à quel point le droit communautaire européen241

est avancé et ne

cesse d’innover sur les questions d’ordre communautaire242

.

En second lieu, l’assainissement de l’espace économique communautaire243

passe par

des règles claires et précises, écrites, qui s’appliqueraient à tous sans exception et sans

dérogation, cela nous ramène à l’une des épineuses questions que soulève aujourd’hui

l’organisation, celle d’harmoniser le droit ou de l’unifier244

. C’est l’une des

problématiques auxquelles nous nous intéressons étant donné que l’effectivité d’une

dynamique du système de l’OHADA touche aussi la seconde branche d’acteurs, celle

plus économique que juridique des entreprises245

.

Paragraphe II : Le droit OHADA : un instrument au service de la

performance des entreprises

Sur un plan plus pratique, le droit OHADA n’est pas qu’un instrument d’intégration

étatique mais surtout de garantie de la fiabilité et de la sécurité de l’espace économique.

Ce que nous allons appeler dans nos développements le monde des affaires n’est que la

fusion d’un modèle économique, d’un marché régional ouvert à la compétitivité et à

divers acteurs économiques et investisseurs, les entreprises et surtout d’un espace

judiciaire sécurisé246

. Le droit OHADA doit donc favoriser par diverses actions

l’avènement de cet espace d’intégration du monde des affaires (A) et à la même

occasion un espace d’intégration judiciaire renforçant la sécurité juridique (B).

239 In Dictionnaire permanent, op.cit. p.10. 240

Ibidem. 241

Le conseil d’Etat français dans son rapport annuel de 2006 parle d’institutions communautaires présentant « l’avantage d’une réactivité plus rapide aux évolutions internationales et techniques, doublée en général d’une meilleure écoute des milieux professionnels ». 242

Le règlement d’exécution de la commission a ainsi modifié l’article 314 du code des douanes communautaire afin de prévoir la possibilité de ce caractère communautaire des marchandises. 243

Cf. Guide des politiques communes de l’union européenne, op. Cit, p. 123. 244 Cf. David E., op. cit, p. 189. 245 Cf. Cartron A., « La réforme de l’acte Uniforme sur le droit commercial général », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118

e Année, Numéro 865, Octobre – Décembre

2008. 246

L’espace judiciaire sécurisé désigne ici un environnement juridictionnel communautaire, assaini et se fondant sur l’impartialité et la lutte contre la corruption.

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A. Un espace d’intégration juridique du monde des affaires247

L’intégration juridique pensée et réalisée par l’OHADA vise la mise en place d’un

espace économique soumis aux mêmes règles de droit et aux mêmes contraintes et

libertés d’un pays à l’autre248

. Une facilité de taille pour les professionnels du droit,

comme les avocats, mais aussi pour les investisseurs moins exposés ainsi aux aléas de

pratiques juridiques et judiciaires pouvant varier d’un Etat à l’autre. Comme en

témoigne Me Kanjo : « Une fois, j’avais à Dakar un dossier commercial que j’ai dû aller

défendre au Mali. Une fois sur place, je me suis rendu compte que dans ce pays, une

telle affaire pouvait être plaidée au pénal, ce qui était impossible au Sénégal, en plus

d’une caution extrêmement importante dont il fallait s’acquitter préalablement auprès

du greffe ». Bien entendu, l’expérience vécue par cet avocat d’affaires appartient

aujourd’hui au passé. L’image que renvoie virtuellement l’organisation aujourd’hui est

celle d’un vaste marché où il n’existe plus aucune frontière249

, aucune limite douanière,

aucune limite juridique250

et où des personnes et des biens circulent en toute liberté et en

toute sécurité sans craindre d’être soumis à un corpus juridique inconnu ou inadapté. La

solution proposée par l’organisation à sa création fut l’harmonisation. Cependant, eu

égard aux faits251

et à sa mise en œuvre il est important de se demander si elle est restée

sur cette logique d’harmoniser plutôt que d’uniformiser (1) et de voir les implications de

la démarche (2).

1- Les concepts d’uniformisation et d’harmonisation252

Les expériences d’intégration juridique ont souvent varié entre deux techniques

principales : l’harmonisation et l’uniformisation. L’OHADA comme bien des

organisations, se retrouve au cœur de ce dilemme sur la nature de l’intégration qu’elle

prône. En effet, dans sa dénomination, il est question d’une harmonisation du droit des

affaires. Cependant, les divers actes uniformes adoptés par l’organisation qui sont la

247

Cf. Vogel L., op. Cit, p 11. 248

Sur le sujet, voir aussi MONEBOULOU MINKADA H., « L’expression de la souveraineté des Etats membres de l’OHADA : une solution-problème à l’intégration juridique », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition Juris Africa, 125

e Année, Numéro 890, Janvier – Mars 2015.

249 Cf. Vogel L., op. Cit, p 9. 250 Cf. David E., op. cit, p. 189. 251

Le climat des affaires en Afrique était marqué par des marchés internes non attractifs et soumis à des règles ambigües ou inexistantes à la limite. 252

Cf. Jean Combacau et Serge Sur, Droit international public, 11e édition Domat droit public, 2010, sur

l’évolution du droit des traités.

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matérialisation de sa politique visant une sécurité juridique se fondent plus sur une

uniformisation du droit des affaires qu’une harmonisation. La présente étude a pour

objet de démontrer que l’harmonisation et l’uniformisation expriment deux moyens

d’intégration juridiques différents. La définition de chacun de ces concepts permet de

souligner les caractéristiques qui les distinguent les uns des autres. Cette différenciation

tient tantôt au degré d’identité du contenu des normes que produit chacun de ces

moyens, tantôt à sa forme de mise en œuvre.

Du latin harmonia, l’harmonisation désigne « un simple rapprochement entre deux ou

plusieurs systèmes juridiques afin d’en réduire ou d’en supprimer certaines

contradictions »253

. Ainsi, l’harmonisation est un moyen qui sert à établir les grandes

lignes d’un cadre juridique (unité législative de premier degré)254

en laissant aux

différentes parties prenantes à l’intégration le soin de compléter l’ossature commune par

des dispositions qui correspondent mieux à leurs réalités socio-économiques, à leurs

traditions juridiques, à leurs valeurs coutumières255

, à leurs préférences ou à leur niveau

de développement256

. Cependant, l’uniformisation consiste à donner la même forme à

un ensemble d’éléments « dont toutes les parties se ressemblent entre elles 257

». Elle

postule que, pour une matière précise, soit minutieusement élaboré un cadre normatif258

contenu dans un instrument unique auquel les parties prenantes adhèrent sans pouvoir y

déroger ni sur le fond, ni sur la forme. Concrètement, l’uniformisation suppose, par

exemple, que les États impliqués dans une intégration se dotent d’un corps de normes

uniformes et détaillées contenu dans un instrument unique. D’ailleurs, c’est ce support

commun à tous les intervenants à une intégration juridique qui fait la particularité de

l’uniformisation et la distingue de l’harmonisation259

.

Au fil de la comparaison, il nous apparaît qu’une intégration juridique est d’intensité

croissante selon qu’il est question d’une harmonisation260

ou d’une uniformisation. Par

conséquent, le recours à l’un ou à l’autre de ces moyens n’est pas dénué de

253

CORNU G., (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, Quadrige / PUF, 2000, p. 423. 254

Cf. Combacau J. et Serge Sur, op. Cit. p 77. 255 Cf. David E., op. cit, p. 189. 256 Cf. Dictionnaire permanent – Droit européen des affaires, avril 2014, p.1. 257

LITTRÉ E., op. cit., note 24, p. 1450 et 1451. 258 Ibidem. 259

Ibidem. 260 Cf. harmonisation des dispositions sur le crédit immobilier en UE.

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conséquences261

. A cet effet, pour la préparation des instruments juridiques de la

nouvelle organisation, il a fallu choisir entre l’uniformisation et l’harmonisation. Le Pr.

Joseph ISSA-SAYEGH, quant à lui, définit ces deux méthodes en ces termes : «

l’harmonisation ou coordination est l’opération consistant à rapprocher les systèmes

juridiques d’origine et d’inspiration différentes (voire divergentes) pour les mettre en

cohérence entre eux en réduisant ou en supprimant leurs différences et leurs

contradictions de façon à atteindre des résultats compatibles entre eux et avec les

objectifs communautaires recherchés », tandis que « l’uniformisation ou l’unification du

droit est, a priori, une forme plus brutale mais aussi plus radicale d’intégration

juridique. Elle consiste à instaurer, dans une matière juridique donnée, une

réglementation unique, identique en tout point pour tous les Etats membres, dans

laquelle il n’y a pas de face, en principe, pour des différences »262

. Etienne CEREXHE

en parlant de l’intégration des économies des Etats de la CEE263

, écrivait : «

l’intégration des économies des neuf (9) pays de la CEE par la réalisation de libertés

communautaires et le rapprochement des politiques économiques pourrait difficilement

sortir ses effets dans un ensemble dominé par une diversité, voire une divergence des

droits. Un minimum d’unité juridique s’imposait si l’on voulait garantir la fluidité du

marché et l’application uniforme des politiques communes264

. En d’autres termes,

l’intégration économique, et c’est le propre de toute intégration, suppose un

environnement juridique plus ou moins harmonisé »265

A l’occasion du séminaire d’Abidjan, Kéba M’BAYE explique, dans son exposé

introductif, le choix du Directoire : « une convention unifiante peut être applicable sans

entraîner l’obligation d’abroger le droit national dès lors que celui-ci ne lui est pas

contraire ; les lois uniformes contiennent des règles substantielles qui doivent être

introduites dans chaque Etat pour y être applicables. C’est la technique qui semble

rencontrer la faveur des autorités politiques de nos pays… les lois uniformes doivent

261

Magloire H. MONEBOULOU MINKADA, « L’expression de la souveraineté des Etats membres de l’OHADA : une solution-problème à l’intégration juridique », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition Juris Africa, 125

e Année, Numéro 890, Janvier – Mars 2015.

262 ISSA –SAYEGH J., « L’intégration juridique des Etats africains de la zone franc, » Revue. PENANT n°

823 janvier – avril 1997, p. 5. 263 Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, op. cit., « Et si harmonisation rimait avec régression ? », p. 1. 264

Cf. Carpano E., Loi relative à la consommation, la France en conformité avec le droit de l’Union, éditions législatives, avril 2014, p. 5. 265

CEREXHE E., « Problématique de l’entreprise et de l’harmonisation du droit des sociétés », RJPIC. 1978 n°1, p. 15.

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devenir des lois nationales et être aussi complètes que possible afin de ne pas donner

lieu à interprétations divergentes »266

. La doctrine267

fut ainsi très critique sur cet aspect

du droit OHADA. Analysant le modèle d’intégration choisi, Gaston KENFACK

DOUAJNI allait jusqu’à dire que le Traité de l’OHADA vise à doter les Etats parties

d’un droit uniforme dans chacune des disciplines268

énumérées par l’article 2 dudit

Traité. Cette appréciation est également celle de Georges TATY qui écrivait que les

auteurs du Traité mettaient le cap vers un droit unifié 269

plutôt qu’un droit harmonisé

comme l’indiquait sa dénomination. Nonobstant la qualification donnée par ces

éminents jurisconsultes, l’article 1er du Traité dispose que le Traité a pour objet

l’harmonisation du droit des affaires des Etats parties270

. Enfin, Kéba MBAYE,

Responsable de la Mission d’expert puis du Directoire, écrivait : « Finalement, l’option

retenue a été l’harmonisation, bien que l’analyse du système actuellement en vigueur au

sein de l’OHADA, c’est-à-dire l’adoption par le Conseil des Ministres de la Justice et

des Ministres des Finances, d’actes uniformes qui sont immédiatement applicables sur

le territoire de chaque Etat partie, soit véritablement une œuvre d’unification »271

.

Ces déclarations nourrissent autant le doute sur la véritable intention de l’organisation

qu’elles soulèvent la question d’une distinction entre uniformisation et unification272

, un

amalgame qu’occasionnent ces propos du juge Mbaye.

A l’examen du contenu des Actes Uniformes déjà adoptés, on est fondé à conclure qu’il

s’agit plutôt d’une uniformisation, d’où leur appellation « Actes Uniformes ». Cette

266 MBAYE K., in MIKPONHOUE H., « Les enjeux actuels de l’OHADA : le projet d’acte uniforme sur le droit du travail », mémoire de master 2 recherche, 2013, p.25 267 Cf. Carpano E., ibidem 268 KENFACK DOUAJNI G., revue Ersuma, op. cit., n.3, Août 2013, p. 189 269 Ibidem 270 Article 1er du Traité de création de l’OHADA 271 Mbaye K., op. cit, p. 27 272

Elle se présente comme l’action de rendre semblables plusieurs éléments rassemblés pour former un tout unique. De ce fait, l’unification consiste à instaurer, dans une matière juridique donnée, une réglementation détaillée et identique en tous points pour tous les États membres tout en leur laissant le choix de la modalité de mise en œuvre des normes communes. L’unification et l’uniformisation ne laissent guère de pouvoir substantiel aux différents acteurs législatifs nationaux dans les domaines qu’ils entendent encadrer. Contrairement à l’uniformisation qui suppose aussi bien un fond législatif ou réglementaire commun qu’une forme unique erga omnes, l’harmonisation et l’unification aboutissent à des normes dont le support et la procédure d’adoption sont choisis par les différentes parties prenantes. Autrement dit, l’uniformisation participe d’une approche moniste qui, traditionnellement, suppose qu’un texte international dûment ratifié par un État devienne une source directe de droit sans qu’il soit nécessaire d’en reprendre les dispositions dans une loi interne. Par contre, l’harmonisation et l’unification laissent libre cours à la doctrine dualiste en vertu de laquelle une règle internationale ne peut avoir d’effet que si elle a été au préalable incorporée dans une législation nationale.

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uniformisation est réalisée au moyen desdits Actes et par l’institution d’une Cour

Commune qui veille à l’application du droit unifié dans tous les Etats membres.

L’uniformisation étant ainsi largement fondée, elle pose un certain nombre

d’incertitudes et d’implications.

2- L’étendue des implications pratiques273

L’uniformisation à la façon de l’OHADA offre des avantages multiples mais révèle

aussi certaines limites importantes. Il s’agit d’abord des avantages qu’offre un espace

juridiquement intégré, ensuite, comme nous l’avons déjà évoqué, l’intégration juridique

favorise l’intégration économique qui est la voie pour réaliser l’unité africaine. Ces

avantages déterminent les Etats à opter pour l’intégration juridique.

En effet, sur le continent africain, autant qu’elle vise l’amélioration de l’environnement

juridique des entreprises, l’harmonisation juridique (ici uniformisation au sens des actes

uniformes et harmonisation au sens des statuts de l’OHADA) doit être perçue comme

étant un « outil technique » de l’intégration économique qui présente plusieurs

avantages : la mise à la disposition de chaque Etat, de textes juridiques simples et

techniquement performants, ce, quelles que soient ses ressources humaines, la

facilitation des échanges transfrontaliers et la création des conditions de la libre

concurrence, la communication et le transfert des techniques modernes de gestion des

entreprises. A ceux-ci s’ajoutent la restauration d’un climat de confiance par le

règlement du handicap que constitue l’insécurité juridique et judiciaire,

l’encouragement de la délocalisation des grandes entreprises vers l’Afrique, la

promotion de l’arbitrage comme instrument rapide et discret du règlement des

différends commerciaux, l’élimination des conflits de lois dans l’espace juridiquement

harmonisé et enfin le renforcement de l’unité africaine.

Il faut aussi noter qu’en l’état initial274

du droit des sociétés applicable dans les Etats

africains, il est quasiment impossible de transférer une société d’un Etat dans un autre

sans procéder à une dissolution suivie d’une reconstitution275

, situation inconcevable

dans le cadre d’un espace économique intégré. Avec l’harmonisation ou

l’uniformisation juridique, l’existence de sociétés de droit communautaire permet de

273

Cf. David E., op. cit, p. 189. 274 Avant l’entrée en vigueur des Actes Uniformes. 275

Procédure qualifiée de lourde, encore en vigueur il y a quelques années dans divers Etats membres de l’organisation communautaire.

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remédier à ce handicap. En outre, comme l’écrivait Jean PAILLUSSEAU, « il est

évident que pour une entreprise qui exerce ses activités dans plusieurs pays, l’unité des

règles applicables facilite considérablement ses opérations, qu’il s’agisse de son

organisation juridique, de son fonctionnement ou de ses échanges commerciaux et

financiers »276

.

Finalement, les régions intégrées sont plus attractives pour les investisseurs

internationaux et possèdent un éventail d’avantages en termes d’infrastructures et

d’institutions susceptibles de promouvoir un développement durable. Elles constituent

également une voie d’accès plus sûre à la concurrence277

dans une économie globale.

Un droit africain des affaires à l’échelle continentale peut renforcer la voie vers la

crédibilité de l’Afrique, améliorer le flux d’investissement et l’accélération du

développement et avoir une influence sur la globalisation du droit des affaires dans son

ensemble.

L’OHADA ne représente pas qu’une réussite en termes de sécurité juridique, elle est

aussi un gage de sécurité judiciaire des affaires pour les entreprises et investisseurs.

B. Un espace d’intégration judiciaire renforçant une sécurité

juridique278

L’intégration judiciaire au sens de l’OHADA ne fut pas très développée par la doctrine

qui l’a considérait comme une résultante de l’intégration juridique279

déjà très en vogue.

Cependant, la sécurité juridique tant recherchée et poursuivie réside indubitablement

dans la sécurité judiciaire que pourraient offrir les instances judiciaires de l’espace

OHADA. A cet effet, furent mis en place une juridiction communautaire et divers

mécanismes de règlement des litiges280

d’affaires au sein de la zone OHADA, tout ceci

dans le but de garantir une crédibilité de la justice qui fut longtemps absente du fait de

l’ampleur de la corruption et de la partialité qui régnaient au sein des instances

nationales des Etats. Ainsi pour y pallier fut installer mis en place un cadre régional

276 PAILLUSSEAU J., « Le droit de l’OHADA – Un droit très important et original », op cit. p. 13. 277 Cf. DAVID E., op. cit, p. 201. 278

Cf. EDIKO W., « la protection des investisseurs étrangers par les codes des investissements en Afrique francophone », Ersuma, numéro 888, pages 388. 279

Ibidem. 280 Ibidem.

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juridictionnel (1) accompagné d’une forte promotion de l’arbitrage comme mode de

règlement des différends contractuels (2).

1- La mise en place d’un cadre régional juridictionnel

Le professeur Joseph ISSA-SAYEGH définissait l’intégration juridique achevée comme

étant « le transfert de compétences étatiques de deux ou plusieurs Etats à une

organisation internationale dotée de pouvoirs de décisions et de compétences

supranationales ou super-étatiques pour réaliser un ensemble juridique unique et

cohérent dans lequel les législations nationales s’insèrent ou se fondent pour atteindre

les objectifs économiques et sociaux que les Etats membres se sont assignés »281

. Le

cadre régional juridictionnel qui sera mis en place ne sera que la manifestation de ces

objectifs et de cette intégration juridique, elle trouve tout son intérêt dans la force

supranationale reconnue à cette juridiction pour accomplir un idéal commun282

.

Avec l’OHADA, un espace judiciaire s’est ainsi construit, se superposant aux

communautés politiques ou économiques existantes. Au cœur de cet espace, se trouve

une juridiction communautaire, la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage. Celle-ci est

interprète et garant du droit OHADA. Elle apparaît aussi bien comme une juridiction

internationale que comme une juridiction interne spécifique d’intégration. On a affaire à

une juridiction profondément originale qui singularise le modèle OHADA. L’efficacité

de ses décisions est impressionnante, puisque leur force exécutoire est, sur le territoire

de chacun des Etats parties, aussi rigoureuse que celle des décisions des juridictions

étatiques, voire un peu plus. Cette cour régionale de gestion des litiges d’affaires est la

plus haute habileté non seulement à rendre des décisions mais à donner une

interprétation des actes uniformes. On pourrait en tant qu’institution judiciaire

communautaire la comparer à la Cour Européenne qui partage avec elle certaines

prérogatives judiciaires mais non les attributions.

En somme, la suppression du contrôle du juge étatique et l’extension de la force de la

décision de la CCJA à l’espace géographique de l’OHADA mettent en lumière toute

l’originalité de l’institution et son rôle crucial dans l’intégration judiciaire.

281 Pr. ISSA-SAYEGH J. « l’Intégration juridique des Etats Africains de la zone franc », Revue PENANT n° 823 Janvier – Avril 1997 p. 5. 282 Cf. Combacau J. et Serge Sur, op. cit, p 57.

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2- La promotion de l’arbitrage comme mode de règlement des différends

contractuels283

L’arbitrage284

est un mode alternatif, amiable et juridictionnel de règlement d’un litige

par une autorité (arbitre ou tribunal arbitral)285

qui tient son pouvoir de juger non d’une

déclaration permanente de l’État ou d’une institution internationale mais de la

convention des parties286

. Il n’est pas rattaché à une justice étatique et a le mérite de

poursuivre une certaine équité287

pour les parties. Le traité de l’OHADA accorde une

place importante à l’arbitrage contractuel. Il consacre un acte uniforme à l’arbitrage tout

en instituant un arbitrage spécifique au sein de la CCJA288

. Il fait l’objet d’une réelle

promotion au sein de l’espace OHADA au point d’être étendu dernièrement aux

marchés publics289

. Relativement à l’arbitrabilité de tels litiges, l’OHADA a opéré une

mutation importante par rapport aux législations nationales antérieures qui généralement

excluaient du domaine de l’arbitrage les causes qui concernent l’État, les collectivités

locales et les établissements publics, bref toutes les personnes publiques susceptibles

d’être parties prenantes dans les marchés publics290

. L’existence d’un tel régime

juridique unique de l’arbitrage applicable aussi bien à l’arbitrage interne qu’à l’arbitrage

international, combinée avec l’option de l’arbitrabilité de tous les litiges impliquant tant

les personnes privées que publiques, facilite le recours à l’arbitrage au sein de l’espace

communautaire, un objectif majeur du droit OHADA. Le règlement par l’arbitrage des

litiges relatifs aux marchés publics peut emprunter les mécanismes prévus par l’acte

uniforme relatif à l’arbitrage notamment l’arbitrage ad hoc291

et l’arbitrage

institutionnel traditionnel292

qui coexistent avec l’arbitrage sous l’égide de la CCJA. En

283 Cf MASAMBA R., « l’OHADA et le climat d’investissement en Afrique », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, p 137. 284 Sur la question, voir aussi Achille NGWANZA, L’essor de l’arbitrage international en Afrique sub-saharienne : les apports de la CCJA, Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 3, Août 2013. 285

Ibidem. 286

BAYO BYBI B., « l’efficacité de la convention d’arbitrage en droit OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 121

e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011, p 361.

287 Ibidem.

288 Sur l’arbitrage dans le cadre de l’OHADA, voir plusieurs entrées de l’Encyclopédie du droit OHADA,

LAMY, Paris, décembre 2011. 289

Ibidem. 290 OUATTARA A., « De nouvelles tendances pour l’ordre public en droit international privé », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011. 291

« L’arbitrage ad hoc est l’arbitrage qui se déroule en dehors de toute institution permanente d’arbitrage. Il est organisé par les parties elles-mêmes qui choisissent librement les arbitres. ». 292

« L’arbitrage institutionnel est l’arbitrage dont les parties ont confié l’organisation à une institution permanente d’arbitrage, et qui se déroule conformément au règlement d’arbitrage élaboré par cette

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effet l’article 2 de l’Acte uniforme relatif à l’arbitrage a procédé à un élargissement du

champ matériel de l’arbitrage relativement aux personnes publiques et aux marchés

dans lesquels elles sont impliquées en disposant sans équivoque que « Toute personne

physique ou morale peut recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre

disposition. Les États et les autres collectivités publiques territoriales ainsi que les

établissements publics peuvent également être parties à un arbitrage, sans pouvoir

invoquer leur propre droit pour contester l'arbitrabilité d'un litige, leur capacité à

compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage »293

.

Par ailleurs, l’on observe aussi un développement progressif de l’arbitrage dans l’espace

OHADA par la création de nombreux centres d’arbitrage institutionnel294

: Douala,

Dakar, Abidjan, Cotonou, Lomé, Ouagadougou, Brazzaville. Une façon plus efficace

pour le législateur OHADA de rendre effectif ce mode de règlement de litiges

contractuels295

.

En résumé, le Traité de l’OHADA est incontestablement de nature à favoriser

l’émergence au sein de la région d’un véritable droit économique indispensable pour le

développement durable des économies. La pertinence des observations et analyses

publiées par la doctrine ne fait plus de doute car, au-delà de l’uniformisation, il

s’agissait, pour bon nombre de pays aujourd’hui membres de l’organisation, de se doter

d’une législation dans l’air du temps et d’intégrer un système ou les problèmes, les

difficultés économiques ne sont plus des problématiques de chacun des Etats, pris

individuellement mais de tous ensemble. L’idée qu’un ordre juridique d’intégration

communautaire, qu’une organisation, réussisse à pallier la diversité des réalités socio-

économiques et à tendre vers une unanimité sur la conduite des diverses politiques de

développement et d’assainissement du marché régional commun était encore

invraisemblable en Afrique296

. Mais ce ne fut pas chose simple et ceci nécessita surtout

la mise en place d’un plan d’action très structuré, à travers un système institutionnel et

juridique d’actions.

institution. Les parties confient le soin à l’institution d’arbitrage d’organiser tout ou partie de la procédure, et notamment de proposer des arbitres en les choisissant dans une liste de référence déterminée par l’institution ». 293 Art. 2, acte uniforme portant sur l’arbitrage, OHADA. 294

Ibidem. 295 Ibidem. 296

Cf. NGWANZA A., « L’essor de l’arbitrage international en Afrique sub-saharienne : les apports de la CCJA », Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 3, Août 2013.

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Section II : Le système institutionnel297 et juridique d’actions

Au regard de leur dénomination, de leurs objectifs spécifiques et de leur champ

d’action, nous avons trouvé logique de séparer ces organes sous deux axes. Ceux

chargés d’une action à portée politique (Paragraphe 1) et ceux chargés d’une action plus

juridique au sein de l’espace communautaire (Paragraphe 2).

Paragraphe I : L’action des institutions politiques de

l’organisation

Les institutions en charge de cette mission de coopération politique298

sont le Conseil

des Ministres de la Justice et des Finances (A) et le secrétariat permanent (B).

A. Le conseil des Ministres de la Justice et des Finances

Le rôle et le fonctionnement du Conseil des Ministres découlent des articles 3, 4, 6, 8,

11, 27, 28, 29 et 30 du traité de l’OHADA. Le Conseil des Ministres est l’organe

normatif de l’OHADA, chargé d’adopter à l'unanimité les normes juridiques appelées

« actes uniformes », ayant valeur de loi dans l’espace communautaire et directement

applicable dans chacun des Etats membres.

Le Conseil des Ministres de l’OHADA, comparé aux Conseils des Ministres des autres

organisations multinationales, se trouve être original tant par sa composition (1) que par

ses attributions(2).

1- Composition et fonctionnement du conseil des Ministres

Il est composé des Ministres de la Justice et des Ministres des Finances des Etats

membres. Il s’agit là d’une composition originale car en règle générale les Conseils des

Ministres des organisations sous-régionales ou régionales sont composés de Ministres

d’un même département. Trois raisons peuvent expliquer cette composition conjointe :

d’abord une raison historique car d’une part, il s’agit des matières judiciaires et, d’autre

297 Pour le droit européen, cf. Joël Rideau, Droit institutionnel de l’Union Européenne, 6e édition LGDJ, p. 46. 298 cf. Rideau J., op. cit, p 49.

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part, l’idée du projet d’harmonisation est une idée des Ministres de la Justice qui a été

reprise par les Ministres des Finances. Ensuite, les domaines relevant du droit des

affaires ont surtout une prédominance économique et financière et enfin et surtout, à

notre sens, pour responsabiliser des Ministres des Finances quant au devenir de

l’OHADA. En effet, nombre d’organisations ont cessé d’exister par manque de crédits,

les Ministres des Finances étant souvent réticents pour effectuer des inscriptions

budgétaires et/ou débloquer des crédits pour des contributions aux organisations sous-

régionales ou régionales, alors même qu’il existe d’autres urgences ou priorités.

Réticence que l’on comprend aisément quand on sait les difficultés financières

auxquelles sont confrontés ces Etats299

.

Au-delà de ces considérations, la « mixité » de cette composition peut être révélatrice de

la volonté des Chefs d’Etat de faire de cette Organisation un instrument d’intégration

techniquement performant et bien conduit. En effet, la présence du Ministre de la

Justice est un gage du respect des normes juridiques pour l’élaboration des Actes, tandis

que celle du Ministre des Finances est un gage de respect des engagements

économiques et financiers, pris par les Etats membres dans le cadre de leur intégration,

le tout constituant un ensemble cohérent.

La présidence du Conseil est assurée, à tour de rôle et par ordre alphabétique, par

chaque Etat membre pour un mandat d’un an. Toutefois, « les Etats adhérents assurent

pour la première fois la présidence du Conseil des Ministres dans l’ordre de leur

adhésion, après le tour des pays signataires du Traité. Lorsqu’un Etat n’est pas en

mesure d’assurer la présidence, quand elle lui revient, il est remplacé par celui qui vient

immédiatement après lui suivant l’ordre alphabétique, lorsque la cause de

l’empêchement aura cessé, ledit Etat saisit en temps utile, le Secrétariat Permanent pour

décision à prendre par le Conseil des Ministres, relativement à son tour de présidence.

Le Traité OHADA ne mentionne pas lequel du Ministre des Finances ou de celui de la

Justice, d’un même Etat, assure la présidence du Conseil. Dans le silence dudit texte, il

convient de considérer que la présidence est assurée suivant la pratique dans chaque

Etat membre ; aussi, le Conseil sera sans doute présidé par l’un ou par l’autre suivant

que l’Etat qui en assure la présidence considère la prééminence des aspects juridiques

299

La plupart de ces Etats membres survivent sur des emprunts auprès de la Banque Mondiale ou du FMI ou d’autres institutions internationales. Ils disposent pour la plupart de budget déficitaire dont le déficit se creuse de plus en plus au fil des années. Sans compter les malversations financières, les détournements qui gangrènent ces économies.

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ou celle des aspects économiques ou financiers. Cependant, il faut admettre qu’il s’agit

là d’un débat théorique car nos travaux nous ont permis de nous rendre compte qu’en

règle générale, s’agissant surtout de questions judiciaires, le Conseil est présidé par le

Ministre de la Justice.

Le Conseil des Ministres se réunit au moins une fois par an sur convocation de son

Président à son initiative ou à l’initiative d’un tiers des Etats parties. L’ordre du jour de

la réunion est arrêté par le Président du conseil sur proposition du Secrétaire Permanent

de l’OHADA. Lorsqu’il est réuni le Conseil délibère valablement lorsque les deux tiers

(2/3) des Etats parties sont représentés. Chaque Etat dispose d’une voix et les décisions

sont valablement adoptées à la majorité absolue des Etats présents et votants. Toutefois,

les décisions relatives à l’adoption des Actes Uniformes sont prises à l’unanimité des

Etats présents et votants, ce qui constitue une innovation par rapport aux autres

organisations sous-régionales.

2- Les attributions du Conseil des Ministres

Au terme de l’article 4 du Traité révisé, « des Règlements pour l’application du présent

Traité et des décisions seront pris, chaque fois que de besoin, par le Conseil des

Ministres»300

. Celui-ci est ainsi compétent pour : adopter et modifier les Actes

Uniformes, déterminer le domaine du droit des affaires, arrêter les cotisations annuelles

des Etats parties, adopter le budget de Secrétariat Permanent et de la CCJA, approuver

les comptes annuels de l’OHADA. Il l’est aussi pour nommer le Secrétaire Permanent et

le Directeur Général de l’ERSUMA, élire les membres de la CCJA, prendre les

règlements nécessaires à l’application du Traité et approuver le programme annuel

d’harmonisation du droit des affaires.

Finalement, le Conseil des Ministres exerce des fonctions administratives et des

fonctions législatives. En effet, il est un organe législatif en tant qu’il approuve le

programme annuel d’harmonisation du droit des affaires et adopte les Actes Uniformes

aux lieux et place des parlements des Etats parties301

.

300

Le traité révisé apporte quelques aménagements aux dispositions existantes mais surtout renforce les pouvoirs et les attributions des divers organes de l’espace harmonisé 301

Cotonou (Bénin), le 17 avril 1997 : Réunion du Conseil des Ministres de l’OHADA : adoption des projets.

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87

Dans le cadre de la mise en œuvre de cette mission, le Conseil des Ministres de

l’OHADA a adopté, à ce jour, neuf (9) Actes Uniformes302

, plusieurs règlements

OHADA, plusieurs projets de rénovation du système de l’organisation303

. D’autres

Actes Uniformes sont en chantier et restent à ce jour d’adoption très difficile ne faisant

pas l’unanimité au sein du Conseil., l’un des handicaps que l’on reproche encore à

l’organisation, qui n’a trouvé pour l’instant aucune solution palliative. Nous y

reviendrons plus spécifiquement dans nos développements304

.

Au plan européen, deux institutions toutes aussi importantes lui sont assimilées tant

dans leurs attributions que dans leur fonctionnement à savoir le Conseil européen et le

Conseil de l’Union305

. Le premier ayant pour vocation de veiller aux échanges entre les

Etats membres en termes de coopération politique, et le second qui a vocation à adopter

les actes législatifs, un pouvoir qu’il partage avec le parlement européen306

.

B. Le secrétariat permanent

C’est l’organe exécutif de l’OHADA. Il est comme le qualifient certains observateurs le

noyau administratif de la bonne marche et de la poursuite des objectifs de

l’organisation. Le secrétariat permanent se trouve ainsi être le cœur et le garant d’une

bonne direction de l’organisation et de l’espace communautaire. Le 30 juillet 1997, le

gouvernement Camerounais et l’OHADA signèrent un accord de siège307

en vertu

duquel le siège du Secrétariat Permanent est fixé à Yaoundé au Cameroun.

1- L’organisation et fonctionnement du secrétariat permanent

Le rôle et le fonctionnement du Secrétariat Permanent découlent des articles 3, 6, 7, 9,

11, 29, 33 40 et 41 du traité de l’OHADA. Il est dirigé par un Secrétaire Permanent

nommé par le Conseil des Ministres pour un mandat de quatre (4) ans renouvelables une

302

Pour les dates et les lieux d’adoption des Actes, voir introduction. 303

Des chantiers de rénovations, institutionnel, juridique et judiciaire que nous aborderons plus en détail dans la suite de notre analyse. 304

Cf. LOUKAKOU D., De la diversité des sources du droit et quelques implications sur le processus d’intégration juridique dans l’espace OHADA, 2013. 305

Cf. Vogel L., op. Cit, p 7. 306 Cf. Vogel L., op. Cit, p 9. 307 Un accord de siège est un type de traité qu'une organisation internationale conclut avec un État qui l'accueille sur son territoire, afin de définir son statut juridique dans ce dernier. Il a notamment pour but de garantir l'indépendance de l'organisation et de ses agents, ce qui conduit l'État hôte à concéder des privilèges, tels que des immunités pour les agents de l'organisation, ou un statut d'extraterritorialité pour ses locaux.

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fois. Le Secrétaire Permanent est assisté de trois Directeurs, nommés par le Secrétaire

Permanent308

et chargés des affaires suivantes :

- Affaires juridiques et relations avec les institutions ;

- Finances et comptabilité ;

- Administration générale et Journal Officiel de l’OHADA.

Le Secrétariat Permanent a été conçu comme une structure légère composée outre du

Secrétaire Permanent, d’un Secrétaire Adjoint et de deux cadres de formation

supérieurs, l’un qui s’occupe de questions administratives et financières, l’autre des

questions juridiques et judiciaires. Deux cadres de formation supérieurs assurent la

gestion administrative et financière. Il bénéficie par ailleurs, d’un juriste junior mis à sa

disposition par la France et s’apprête à recruter un autre assistant juriste depuis 2000. Le

Secrétaire Permanent nomme ses collaborateurs conformément aux critères de

recrutement définis par le Conseil des ministres et dans la limite des effectifs prévus au

budget. Cependant il rencontre bien des difficultés dans son fonctionnement.

Ainsi qu’il sera décrit dans le diagnostic des pays, tous les interlocuteurs rencontrés par

la mission n’ont exprimé qu’un seul et même besoin : un rôle de coordination du

Secrétariat Permanent. En effet, s’agissant du volet « sensibilisation/formation »309

, un

besoin de promotion uniformisée s’est fait ressentir : des plaquettes d’informations

générales, des fiches pratiques établies sous l’égide du Secrétariat Permanent ne

suffisaient plus à cette cause. Ce même besoin a été exprimé par les praticiens,

s’agissant du volet « application ». Ces derniers se félicitent tous des formulaires

harmonisés du RCCM310

et déplorent le défaut de formulaires harmonisés de procédure

correspondant à l’acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et

des voies d’exécution. Ils souhaitent tous pouvoir établir des forums de discussions avec

le Secrétariat Permanent, afin de lui faire part des difficultés d’application de la

pratique. C’est en effet lui qui prépare l’ordre du jour du Conseil des Ministres, les actes

uniformes et leurs éventuelles modifications. Ce rôle de coordination correspond

d’ailleurs aux attributions du Secrétariat Permanent. Or, il apparaît que ce dernier n’a

308

Dans les conditions prévues à l’article 40 alinéa 2 du Traité de l’OHADA. 309 Sur la question, voir aussi Didier LOUKAKOU, De la diversité des sources du droit et quelques implications sur le processus d’intégration juridique dans l’espace OHADA, 2013. 310 Ibidem.

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pas les moyens de fonctionner et de réaliser pleinement ses activités. Il n’a pas de local

et ne peut donc ni recruter du personnel ni établir un programme d’activités.

En effet, lors des attributions des sièges des institutions de l’OHADA, le Cameroun

s’est engagé à mettre à la disposition du Secrétariat Permanent, institution sise sur son

territoire, des locaux aménagés et équipés, pour lui permettre à son fonctionnement

effectif. Or, à ce jour, le Secrétariat Permanent est installé au domicile du secrétaire

permanent et les cadres sont installés dans des dépendances311

. Du fait de cette absence

de siège, le Secrétariat Permanent n’a pu embaucher le personnel dont il a besoin pour

gérer un programme d’action. L’assistant technique juridique mis à disposition par la

France ne peut donner sa pleine capacité, car il n’est pas installé au même endroit que le

Secrétariat Permanent. N’ayant pas de personnel, il ne peut établir un programme

d’activités qui nécessiteraient les moyens financiers pour la réalisation dudit

programme. Notamment, et à titre d’exemple, les moyens financiers pour organiser une

réunion de tous les huissiers de justice afin de confectionner les formulaires de

procédure de l’acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement et des

voies d’exécution. Nombre d’actions de promotions et de vulgarisation devraient relever

de sa supervision, notamment pour une plus grande efficacité et homogénéité des

informations diffusées.

2- Les attributions du Secrétariat Permanent

Le Secrétariat Permanent est chargé de la mise en place de l’OHADA. Une mise en

place non seulement administrative mais exécutif en vue de l’application effective de

toutes les décisions qui sont prises au sein du Conseil des Ministres. Ainsi, il assure la

coordination et le suivi des travaux de l’OHADA, notamment du Conseil des Ministres.

Il est chargé :

- De la préparation du programme annuel d'harmonisation du droit des affaires,

ainsi que de la préparation des actes uniformes en concertation avec les

gouvernements des Etats membres.

- De veiller à l’édition et à la publication du Journal Officiel de l'OHADA. Il

s’agit de la publication officielle quotidienne de l’OHADA destinée à assurer la

311 Des locaux provisoires qui servent de siège ah doc aux activités de l’organe

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publicité du traité, des actes uniformes312

, ainsi que toutes communications

relatives aux institutions de l’OHADA.

- Enfin il doit assurer la promotion de l’OHADA.

En effet, les activités du Secrétariat Permanent se sont portées sur ses trois domaines

d’activités privilégiés : l’élaboration de la législation communautaire, la publication et

la diffusion des actes uniformes et la promotion de l’OHADA. En effet, le Secrétariat

Permanent depuis son installation, a assuré la coordination et le suivi des travaux du

Conseil des Ministres de l’OHADA. Il a tenu le programme d’harmonisation

conformément à l’article 2 du traité.

Il veille à l’édition et à la publication du journal officiel de l'OHADA dans lequel

figurent le traité et les actes uniformes. Il les a d’ailleurs mis le plus rapidement possible

à la disposition des différentes institutions publiques et privées des Etats membres de

l’OHADA.

S’agissant de la promotion de l’OHADA, un autre point important de ses attributions, le

Secrétariat Permanent s’en est chargé avec les moyens dont il disposait : plaquettes,

séminaires, tendant à faire connaître le plus largement possible les institutions et le

fonctionnement de l’OHADA. Il a ainsi fait procéder à la traduction du traité en langue

anglaise, espagnole et portugaise. Il a traduit tous les actes uniformes en langue

anglaise. Il a participé à l’élaboration d’un CD Rom sur lequel figurent tous ces textes

traduits, mais également des textes de présentation en langue anglaise313

. Il a également,

entre autres actions, organisé avec l’ERSUMA qui lui est rattachée administrativement,

l’assemblée plénière des commissions nationales de l’OHADA au cours de laquelle les

greffiers ont adopté les formulaires du RCCM et y ont été formés à son utilisation314

.

Le Secrétaire Permanent pour se faire une idée de l’avancement de l’OHADA a adressé

en décembre 1998, à chaque Etat membre un questionnaire relatif à l’application du

traité et des actes uniformes315

. Le Directoire a effectué un inventaire exhaustif et

comparatif des textes qui existent dans tous les Etats et a mandaté des experts chargés

de « rechercher la formulation juridique commune la plus simple, la plus moderne, la

312 Cf. LOUKAKOU D., Ibidem 313

Cf. CARTRON A. et Boris MARTOR, Eclairage sur la révision du Traité de l’OHADA, Lexis Nexis, Janvier 2010 314

Ibidem 315 Voir bibliographie : questionnaire du Secrétariat Permanent et notes de synthèse des questionnaires

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mieux adaptée et donc la plus efficace »316

. Ainsi, le domaine du droit des affaires ayant

été circoncis, il appartient désormais au Secrétaire Permanent de proposer chaque année

un programme d’harmonisation317

.

Les institutions de l’OHADA n’ont pas toutes une portée d’action administrative et

politique. Certaines que nous nous permettrons de qualifier de plus actives et plus

présentes sur les questions de la praticité du droit communautaire OHADA vont aussi

motiver notre étude.

Paragraphe II : L’action des institutions juridiques de

l’organisation

Il s’agit ici de la Cour commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA) (A) dont la mission

juridictionnelle reste des plus importantes pour sérénité de l’espace communautaire et

aussi de l’Ecole Régionale Supérieur de la Magistrature (ERSUMA) (B), qui suivant sa

dénomination peut paraitre comme une simple institution éducative mais est aussi et

surtout un centre de recherche très actif, au centre de la doctrine existante sur

l’OHADA.

A. La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage est l’organe principal de contrôle de

l’application et de l’interprétation du droit OHADA318

, conformément aux articles 6, 7,

31 à 39 du traité319

, ainsi qu’aux titres III et IV de ce même traité (articles 13 à 26). Elle

fut créée dans le but de pallier deux préoccupations importantes des Chefs d’Etats, des

opérateurs économiques, des acteurs et praticiens du droit OHADA : il s’agit de

316

KIRSCH M., Revue Penant n° 827, op. cit. 317 A l’instar d’un article très intéressant de Amadou DIOP, Intégrations régionales en Europe et en Afrique : regards croisés. 318

Cf. NDAM I., « l’indépendance de la cour commune de justice et d’arbitrage : un nécessaire affermissement », Ersuma, numéro 888, pages 303. 319

Sur la question, voir Joseph ISSA SAYEGH et Paul POGOUE, « L’OHADA : défis, problèmes, et tentatives de solutions », Revue de droit uniforme, 2008.

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l’uniformisation de la jurisprudence320

des affaires d’une part, et, d’autre part, celle de

l’interprétation des Actes Uniformes321

. A l’occasion du séminaire d’Abidjan, les 19 et

20 avril 1993, les travaux de l’atelier n°3 se sont focalisés sur la question de savoir s’il

n’est pas plus adéquat de créer deux juridictions distinctes : l’une pour la fonction

juridictionnelle et l’autre pour la fonction d’arbitrage. Les participants ont également

émis des inquiétudes quant au coût élevé pour les justiciables322

et ont suggéré de

faciliter l’accès à la Cour en organisant des sessions foraines ou encore en déplaçant les

juges dans les Cours Suprêmes nationales. Finalement, face à ces préoccupations, le

législateur communautaire a trouvé les réponses adéquates.

En effet, il est plus conséquent de créer une seule juridiction eu égard aux problèmes

financiers auxquels sont confrontés les Etats membres et compte tenu de la rareté du

personnel qualifié. La Cour n’interviendrait qu’en lieu et place des Cours Suprêmes ou

Cours d’Etat, d’une part, et, d’autre part, la procédure peut être orale ou écrite.

Enfin l’article 19 du Règlement de Procédure de la CCJA dispose que la Cour peut se

réunir sur le territoire d’un Etat partie, autre que l’Etat du siège. Pour uniformiser la

jurisprudence, la solution consiste désormais à soumettre tout différend relatif à

l’application des Actes d’abord aux juridictions nationales des premiers et seconds

degrés puis à la censure d’une juridiction supérieure commune à tous les Etats

membres. En outre, pour uniformiser l’interprétation des Actes Uniformes, cette

interprétation est désormais confiée à la juridiction commune. Aussi, le souci de

vulgarisation de l’utilisation de l’arbitrage pour le règlement des différends

commerciaux, associé à la volonté de promouvoir une nouvelle conception de

l’arbitrage, qui ne doit plus être perçu comme une défiance au magistrat, amène le

Législateur communautaire à faire intervenir la juridiction communautaire dans le

processus de la décision arbitrale.

C’est en considérant tout ce qui précède que le Conseil des Ministres réuni à

N’Djaména (Tchad)323

le 18 avril 1996, a adopté les textes suivants :

- Le Règlement de Procédure de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

(CCJA) ;

320

Ibidem. 321 Cf. NDAM I., ibidem. 322

Sur les dépens voir Art. 43 du Règlement de Procédure de la CCJA. 323 Cf. POGOUE Paul, « Rapport OHADA : Missions et organisations de l’OHADA », 2012.

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- Les statuts de la CCJA ;

- Le Règlement de Procédure d’Arbitrage.

La Cour fut officiellement installée à Abidjan, lieu de situation de son siège, et devient

rapidement opérationnelle324

. Appréciant la pertinence de la création de la CCJA, le Pr

Gilles CISTAC écrit : « L’attractivité du système OHADA procède largement de la

confiance en une instance judiciaire supranationale, à l’abri de l’incompétence, de la

corruption, des pressions politiques et du trafic d’influence. Ainsi, la création d’une

juridiction supranationale contribue à promouvoir la sécurité judiciaire »325

.

Après 20 ans d’exercice, il est judicieux de se demander si ces objectifs qui ont fondé sa

création sont pour le moins atteints ou en bonne voie de l’être.

1- La composition et le fonctionnement de la CCJA

La CCJA est composée de neuf (9) juges326

; « toutefois le Conseil des Ministres peut,

compte tenu des nécessités de service et des possibilités financières, fixer un nombre de

juges supérieurs »327

. Les juges sont élus au scrutin secret par le Conseil des Ministres

pour un mandat de sept (7) ans non renouvelable. Aux fins d’élection desdits juges le

Secrétaire Permanent invite chaque Etat à présenter ses candidats à la Cour, au moins

quatre (4) mois avant la date des élections. Toutefois, chaque Etat ne peut présenter que

deux (2) candidats, au plus. En outre, ne peuvent être présentées que les personnalités

énumérées par l’article 31 du Traité328

, à savoir les magistrats ayant au moins quinze

(15) ans d’expérience professionnelle et réunissant les conditions requises pour

l’exercice dans leurs pays respectifs de hautes fonctions judiciaires329

, les avocats

inscrits au Barreau de l’un des l’Etats parties et ayant au moins quinze (15) ans

d’expérience professionnelle, et les Professeurs de Droit ayant au moins quinze (15) ans

d’expérience professionnelle.

Une fois élus, les membres de la CCJA jouissent des privilèges et immunités

diplomatiques. Ils sont inamovibles et ne peuvent exercer aucune fonction politique ou

324

Ibidem. 325

CISTAC G., « l’intégration africaine dans l’espace OHADA, revue Ersuma », numéro spécial, Mars 2014, p.93. 326 Art. 31 al 1 du Traité révisé. 327

Art. 31 al 2 du Traité révisé. 328 Sur les conditions d’éligibilité : voir Etienne NSIE, « la CCJA », Penant n° 828, septembre-décembre 1998 p. 308 et suiv. 329 Art. 31 al. 1 du Traité révisé

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administrative. Toutefois, ils peuvent exercer des activités rémunérées après en avoir été

autorisés par la Cour.

Les membres de la Cour élisent en leur sein un Président et deux (2) Vice - Présidents

pour un mandat de trois (3) ans et six (6) mois non renouvelables330

. Le Président de la

Cour nomme le Greffier en Chef de la Cour après avis de celle-ci, parmi des candidats

présentés par les Etats membres et ayant exercé leur fonction pendant au moins quinze

(15) ans. Le Greffier en Chef assure le Secrétariat de la Cour. Enfin, après avis de la

Cour, le Président nomme également le Secrétaire Général chargé d’assister celle-ci

dans l’exercice de ses attributions d’administration de l’arbitrage, selon les critères

définis par le règlement du Conseil des Ministres331

. Le Greffier en Chef et le Secrétaire

Général, selon le cas, peuvent aussi proposer au Président les candidats aux autres

emplois de la Cour332

.

La procédure devant la CCJA est contradictoire et essentiellement écrite ; les audiences

sont publiques et le ministère d’un Avocat est obligatoire. Lorsque la Cour est saisie, «

le Président désigne un juge rapporteur chargé de suivre l’instruction de l’affaire et de

faire rapport à la Cour »333

. Pour le règlement du différend il peut être procédé soit

suivant une procédure écrite, soit suivant une procédure orale334

. Lorsqu’elle prononce

la cassation la Cour évoque l’affaire et statue sur le fond sans renvoi à une juridiction

nationale du fond ; dès lors elle constitue un degré de juridiction. On est donc tenté de

répondre par l’affirmative à toutes ces personnes qui soutiennent qu’il s’agit bien d’un

troisième degré de juridiction. Il présente l’avantage de permettre aux parties un gain de

temps considérable, car plus besoin de retourner devant une Cour d’Appel national pour

rejuger l’affaire.

Par contre, au plan européen, avec l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, la Cour de

justice de l’Union Européenne335

regroupe désormais la Cour de Justice336

, le

330

Les élections se déroulent conformément aux articles 37 et 38 du Traité et 6, 7 et 8 du Règlement de Procédure de la CCJA. 331

Art 39 al 2 du Traité révisé. 332

Sur les nominations et les fonctions du Greffier en Chef : voir article 39 du Traité et 10 à 18 du Règlement de Procédure de la CCJA. 333 Art. 26 du Règlement de Procédure de la CCJA. 334

Sur ces deux procédures : voir articles 27 et suivants du Règlement de Procédure. 335 Traité de l’UE article 13 – 1. 336

Ancienne CJCE et constitué aujourd’hui de la cour de justice de l’UE entend qu’institution et la cour de justice, organe.

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Tribunal337

, et le Tribunal de la fonction publique338

. Cette cour de justice est composée

de vingt-huit juges339

, à raison d’un par Etat, et de neuf avocats généraux. Elle connait

de recours direct mais aussi de renvois préjudiciels en interprétation du droit de l’UE340

.

2- Les compétences et attributions de la CCJA

L’article 14 al. 1 du Traité révisé dispose que la CCJA « assure l’interprétation et

l’application communes du Traité ainsi que des règlements pris pour son application,

des actes uniformes et des décisions »341

.

L’examen des attributions dont la CCJA révèle qu’elle est investie de pouvoirs

juridictionnels et consultatifs et intervient dans les procédures d’arbitrage. Ces

attributions sont à la fois contentieuses et consultatives.

La CCJA, dans sa fonction contentieuse, est juge de cassation pour tout différend relatif

au droit uniforme. Les juridictions nationales connaissent, en première instance et en

appel, des différends relatifs à l’application des Actes Uniformes. La Cour est saisie par

voie de recours en cassation des arrêts d’appel des juridictions nationales « à l’exception

des décisions appliquant des sanctions pénales »342

. Elle est saisie « soit directement par

une des parties à l’instance soit sur renvoi d’une juridiction nationale »343

. Cette saisine

suspend toute procédure de cassation engagée devant une juridiction nationale à

l’exception des procédures d’exécution. Ce qui montre encore une fois la palette de

prérogatives exorbitantes dont jouit la CCJA. De plus, elle peut également être saisie

par le Gouvernement d’un Etat, partie ou par le Conseil des Ministres de l’OHADA.

S’agissant des modalités de la saisine de la CCJA, un auteur écrivait : « c’est par le

mécanisme de la question préjudicielle que les juridictions nationales devraient

interroger la Cour »344

.

L’obligation faite aux parties de se pouvoir en cassation devant la CCJA, et non devant

une juridiction nationale, quand il s’agit des questions impliquant l’application des

337

Ancien tribunal de première instance. 338

La CJCE peut être assistée si nécessaire de tribunaux spécialisés qu’elle peut décider de créer, cf. article 19-1 du Traité. 339

Guinchard S. et al., Procédure civile – Droit interne et droit de l’Union Européenne, 3e éditions Dalloz,

p.27. 340 Ibidem. 341 Les implications techniques de ces dispositions seront abordées dans la suite de notre étude. 342

Art. 14 al.3 du Traité. 343 Art. 15 du Traité. 344

Gervais T. de LAFOND, « Le Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique », G. P. des 20 et 21/09/1995 p.2.

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Actes Uniformes, entraîne un abandon partiel de souveraineté par les Etats parties au

profit de l’OHADA ; cette obligation entraîne aussi une conséquence heureuse à savoir

l’uniformisation de la jurisprudence. A cet égard T.G. de LAFOND écrivait : « un droit

uniforme appelle une jurisprudence uniforme »345

.

Les arrêts de la CCJA jouissent de l’autorité de la chose jugée et de la force obligatoire

à dater de leur prononcé. Ils sont susceptibles d’exécution forcée sur le territoire de

chaque Etat partie suivant les règles de procédure civile applicables dans l’Etat

concerné. Ainsi, les arrêts de la CCJA sont assimilés aux décisions des juridictions

nationales avec toutes les conséquences liées à cette assimilation. Dans chaque Etat

partie la formule exécutoire est apposée sur les arrêts de la CCJA, seulement après

contrôle de l’authenticité du titre, par une autorité désignée par le gouvernement de

l’Etat concerné346

. Toutefois, des voies de recours extraordinaires peuvent être exercées

contre les arrêts de la CCJA ; il s’agit de la tierce opposition347

, de la demande

d’interprétation du dispositif de l’arrêt ou encore de la demande en révision d’un

arrêt348

. La CCJA assure également l’harmonisation de l’interprétation des Actes

Uniformes comme signalé ci-dessous, en matière consultative.

L’article 14 al. 2 du Traité pose le principe du rôle consultatif de la Cour. A cet égard, la

CCJA est compétente pour donner un avis sur les projets d’Actes Uniformes avant leur

présentation au Conseil des Ministres, interpréter et veiller à l’application des Actes

Uniformes dans les Etats parties, interpréter le Traité, les Règlements pris pour son

application, et les Actes Uniformes et rendre des avis consultatifs à la demande des

Etats, du Conseil des Ministres ou des juridictions nationales.

Les articles 53 et suivants du Règlement de Procédure déterminent les modalités

d’exercice de ce rôle. En vertu de ces dispositions, la Cour peut être consultée par tout

Etat partie ou par le Conseil des Ministres sur les questions relatives à l’interprétation et

à l’application du Traité, des Règlements pris pour son application, et des Actes

345

T.G. de LAFOND, in Hervis MIKPONHOUE, op. cit, p. 76 346

TIGER P., op. cit. p. 40 347

Cette voie de recours ressemble à l'opposition puisque le tribunal entend le demandeur et rend un jugement. Mais, son pouvoir est alors limité car il ne peut modifier sa décision que sur les demandes qui sont préjudiciables au requérant. Si des personnes n'ont pas été parties ou représentées à l'instance alors qu'elles avaient intérêt à intervenir (lato sensu et non au sens strict de l'intervention retenue en procédure civile) pour s'y défendre, elles peuvent alors faire juger la ou les parties du jugement qui leur font grief en exerçant une tierce opposition. 348 Pour ces procédures voir articles 47 et suivants du Règlement de Procédure de la CCJA

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Uniformes. Elle peut également être consultée par les juridictions nationales saisies

d’un contentieux relatif à l’application du droit harmonisé. La demande est transmise,

par la juridiction concernée, à la CCJA, avec précision de la question sur laquelle l’avis

de la Cour est sollicité. Il doit être joint à cette demande tout document pouvant servir à

élucider la question.

Lorsque la Cour rend son avis, celui-ci contient les mentions ci-après : « l’indication

qu’il est rendu par la Cour, la date du prononcé, les noms des juges qui y ont pris part,

ainsi que celui du greffier, les motifs, la réponse à la question posée à la Cour »349

. Cette

procédure permet une uniformisation de l’interprétation du droit harmonisé. Elle

présente aussi l’avantage d’impliquer non seulement les parties demanderesses mais

aussi les Etats. Ainsi, l’interprétation donnée, in fine, est le produit d’un consensus

résultant des avis donnés par tous les intervenants ; dès lors, son acceptation, par tous,

ne pose pas de difficultés majeures350

.

La CCJA dispose aussi de prérogatives en matière d’arbitrage au sein de l’espace

communautaire mais cet aspect de ses attributions ne sera pas développé dans cette

partie. Etant l’une des grandes problématiques de l’air de la rénovation de l’ordre

juridique communautaire, nous le développerons par la suite de façon plus spécifique.

B. L’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature

Une partie de nos travaux de recherche sur le terrain fut consacrée à la visite et à l’étude

de l’ERSUMA à Porto-Novo au Bénin, étant au centre de la doctrine communautaire et

de la formation des praticiens du droit, des travaux qui nous ont énormément édifiés sur

les tenants et les aboutissants de la politique menée par cet organe de l’OHADA dans

l’ordre juridique communautaire.

L’ERSUMA est un établissement rattaché au Secrétariat permanent. Le statut qui la

régit a été adopté par le Conseil des Ministres réuni à Bamako (Mali) les 2 et 3 octobre

1995 et détermine son organisation, son fonctionnement, ses ressources et les

349 Article 58 du Règlement de Procédure de la CCJA. 350 Dans l’exercice de ses activités contentieuses et consultatives, la CCJA a rendu, jusqu’à fin juin 2003, 40 décisions judiciaires et 14 avis consultatifs. De 1998 au 19 août 2003, elle a reçu cent soixante deux (162) pourvois et sur l’ensemble des requêtes elle a rendu quarante quatre (44) arrêts et sept (7) ordonnances ; elle a également rendu seize (16) avis suite à des consultations par les Gouvernements des Etats parties.

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prestations qu’elle offre dans l’espace communautaire. Dans le Traité de Port-Louis,

elle devait concourir à la formation et au perfectionnement des magistrats et des

auxiliaires de justice. Ses attributions furent modifiées par l’article 41 dans le Traité de

Québec portant révision du Traité de Port-Louis. Désormais, la vocation de l’ERSUMA

est plus largement comprise. C’est un établissement de formation, de perfectionnement

et de recherche en droit des affaires. L’article 41 prévoit même la possibilité d’un

changement de dénomination et d’orientation par un règlement du Conseil des

ministres.

L’enjeu majeur est le renforcement de ses missions pour accompagner l’œuvre

d’intégration juridique et judiciaire de l’OHADA. A cette fin, les diverses mutations

engagées présentent deux principales facettes. La première concerne le renforcement de

la mission de formation de l’ERSUMA. Il est important que, pour renforcer son

efficience et sa visibilité, l’ERSUMA élargisse ses cycles de formation ratione

personnae et ratione materiae. La seconde a trait au renforcement de l’ERSUMA

comme un centre d’excellence sur l’intégration juridique et le droit uniforme dans

l’espace OHADA. La mutation en cours devra ainsi viser à faire de l’ERSUMA un lieu

d’excellence qui accueille des chercheurs en droit uniforme, sur l’intégration juridique

et en droit comparé des affaires.

Ainsi, pour remédier au faible niveau de spécialisation des magistrats, ainsi qu’à

l’absence de système de formation continue et à l’insuffisance de formation juridique,

entre autres motivations, les parties contractantes ont décidé de créer une école pour la

formation et le perfectionnement des magistrats et auxiliaires de justice.

C’est pour répondre à ces soucis que l’ERSUMA a été créée le 17 octobre 1993 et son

siège est fixé à Porto-Novo (Bénin)351

. L’article 41 al. 1er du Traité révisé dispose : « il

est institué un établissement de formation, de perfectionnement et de recherche en droit

des affaires dénommé Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature (ERSUMA) ».

Cet article montre clairement les deux grands axes qui seront le champ d’exercice de

cette école : la branche formation (1) et la branche recherche (2).

351

ISSA-SAYEGH J., Jacqueline LOHOUES – OBLE, OHADA – Harmonisation du droit des affaires, op. cit, no 492, p 198 et 199.

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1- L’ERSUMA : lieu de formation au bilan impressionnant

le Directeur Général de l’ERSUMA déclarait à l’occasion du séminaire de

sensibilisation au droit harmonisé tenu à Niamey (Niger) les 9 et 10 juin 1998 : « On ne

peut pas réussir l’harmonisation du droit des affaires si l’on ne forme pas des hommes

capables de connaître ce droit, de le faire connaître, de le comprendre, et de l’appliquer

de manière efficace et uniforme dans l’ensemble de l’espace communautaire

OHADA ».

Depuis le 10 mai 1999352

, l’ERSUMA travaille à la formation et au perfectionnement

des magistrats, des auxiliaires de justice, des universitaires, des arbitres investis de

pouvoir juridictionnels, des praticiens du droit par la conception et la réalisation de

programmes de formation et de spécialisation. Pour avoir accès à sa formation, il faut

avoir été accepté par l’ERSUMA qui procède à la sélection des stagiaires en étroite

collaboration avec les ministères de la justice des Etats membres de l’OHADA et les

instituts nationaux de formation judiciaire. C’est une sélection qui tient compte des

responsabilités professionnelles et de la nature des fonctions juridiques du candidat qui

doivent être en étroite relation avec les thèmes des séminaires. La dispersion des efforts

n’est donc pas de mise ; l’efficacité à travers l’application effective des contenus des

formations est prioritaire.

La formation donnée à l’ERSUMA est une formation continue. Il s’agit de former au

droit communautaire des affaires issues de l’OHADA des magistrats et auxiliaires de

justice et autres provenant des écoles et instituts nationaux de formation ou des filières

judiciaires des Ecoles Nationales d’Administration (ENA) et des Ecoles Nationales

d’Administration et de Magistrature (ENAM). Les formateurs sont choisis de manière

rigoureuse, ce qui garantit la bonne qualité de la formation donnée par cette école. Les

critères de choix des candidats formateurs sont : le niveau de diplôme, la diversité des

expériences professionnelles, la participation antérieure ou concomitante au processus

de création d’autres textes, l’expérience d’enseignement, l’expérience d’enseignement

spécifique aux textes de l’OHADA, l’expérience de recherche et de publication,

l’expérience juridictionnelle et la disponibilité. L’ERSUMA vise la formation mais

aussi et surtout elle vise une formation de grande qualité.

352 La date du début des formations et en février 1998 elle fut inaugurer à son siège à Porto-Novo.

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Le programme de l’ERSUMA contient toutes les disciplines du droit des affaires

comme défini par le Traité. Actuellement, à l’examen, ces formations couvrent

principalement le droit OHADA, à savoir les neuf actes uniformes adoptés, les deux

actes révisés, le règlement de procédure de la CCJA, le règlement d’arbitrage CCJA, en

prenant en compte la jurisprudence de la CCJA et celle des juridictions nationales, sans

oublier les aspects institutionnels de l’OHADA. Les formations ont embrassé aussi

d’autres droits communautaires (UEMOA-BCEAO353

, CEMAC-BEAC354

, CIMA,

OAPI355

, CIPRES356

…) mais aussi le droit des affaires hors OHADA. Suivront ensuite

le droit de la vente aux consommateurs, le droit des sociétés coopératives et mutualistes,

le droit de la preuve, le droit de la concurrence, le droit de la propriété intellectuelle et

toute autre matière que le Conseil des ministres déciderait d’y inclure.

L’ERSUMA offre une formation pratique et interactive, particulièrement conçue pour

un public adulte. Théories et pratiques s’y complètent. Les exposés théoriques traitent

de toutes les questions juridiques relatives aux actes uniformes357

: grandes innovations,

principes directeurs, raisons ayant guidé au choix de nouveaux principes. Des études de

cas, des mises en situation, des simulations, des exercices de rédaction ou de résolution

de problèmes, le recensement de nouveaux actes d’intervention, et la conception de

leurs propres outils de travail pour ce qui est des greffiers et des huissiers358

, viennent

compléter les exposés théoriques. Des documents sur les sujets de formation sont

distribués à chaque stagiaire et formateur pour l’accompagner dans la mise en œuvre et

la diffusion des connaissances acquises au cours des sessions de formations359

.

A cet effet, des chiffres nous permettent d’en dire mieux sur la dynamique entretenue en

son sein. Du 10 mai 1999 au 30 septembre 2004, l’ERSUMA a formé deux mille cinq

cent quatre vingt onze (2591) stagiaires. Le Bénin est le pays qui a bénéficié du plus

grand nombre de stagiaires avec 196 stagiaires. Suivront le Togo (189), le Mali (188), le

Niger (178), le Congo (177), le Burkina Faso (174), le Sénégal (172), la Centrafrique

(165), le Tchad (165), la Côte d’Ivoire (162), le Cameroun (159), la Guinée Conakry

353

Portant sur les questions monétaires dans l’espace de l’Afrique de l’Ouest. 354

Sur des questions monétaires dans l’espace Afrique centrale. 355 Pour la propriété intellectuelle. 356 Pour le domaine des assurances. 357

Cf. AHO F., « Rapport OHADA : l’exercice de la coopération avec la communauté internationale », Table ronde OHADA et partenaires techniques et financiers de N’Djamena, 22 septembre 2009. 358

Ibidem. 359 Ibidem.

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(152), le Gabon (148), la Guinée Bissau (146), la Guinée Equatoriale (144). Le

Comores occupe le dernier rang avec 76 stagiaires. En cinquante sessions de

formations, chaque Etat a donc bénéficié en moyenne de 162 stagiaires. Aucun pays n’a

donc été exclu et on peut dire que la connaissance du droit OHADA se diffuse quasi

harmonieusement, ce qui constitue un gage de réussite. Parmi ces stagiaires, certains

avaient pour vocation de redonner à leur tour des formations au plan interne de leur

Etat, ce sont les formateurs. Ils étaient sur la période du 10 mai 1999 au 30 septembre

2004, au nombre de 501 composés comme suit : 166 magistrats, 21 universitaires, 74

avocats, 58 notaires, 57 experts judiciaires, 61 greffiers, 64 huissiers de justice. Ces

formateurs, en 2002, 2003 et 2004 ont organisé quatre-vingt-quinze sessions de

restitution dans les 16 Etats membres au bénéfice de 2943 acteurs judiciaires. Il peut

être donc certain que sur le continent 5534 magistrats, auxiliaires de justice, juristes et

universitaires ont une connaissance appréciable du droit OHADA.

L’ERSUMA est institutionnellement le principal acteur de la formation des

professionnels et enseignants du droit, au droit de l’OHADA sur le continent africain.

Mais plusieurs autres formations au droit OHADA sont régulièrement organisées en

Afrique et ailleurs à leur endroit. Il faut cependant souligner que la qualité de cette

formation d’autant qu’on s’en vante, n’est effective que grâce à des appuis financiers

étrangers, fourmis pour la grande part, par le Fonds Européen de Développement (qui

tient la plus grande part), et d’autres partenaires financiers (PNUD360

, le Canada, la

Suisse, la France).

La connaissance du droit OHADA se diffuse et s’approfondit aussi à travers

l’abondance de la doctrine, seconde branche d’action de l’ERSUMA.

2- L’ERSUMA : centre de recherche et de documentation

L’ERSUMA occupe une place très privilégiée dans la vulgarisation des Actes

Uniformes, dans les recherches visant à l’amélioration du droit communautaire et dans

divers travaux de praticiens du droit quant à son efficacité à répondre aux attentes des

opérateurs économiques, une éternelle problématique à laquelle tente toujours de

répondre l’organisation. Elle a très tôt compris l’étroite liaison qui existe entre la

360 Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), fait partie des programmes et fonds de l'ONU. Son rôle est d'aider les pays en développement en leur fournissant des conseils mais également en plaidant leurs causes pour l'octroi de dons. C'est ainsi que ce programme travaille en collaboration avec de nombreux autres programmes comme l'ONUsida et d'autres organisations internationales (UPU, OMS, etc.)

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formation et la documentation. Elle a constitué un fonds documentaire comprenant les

documents élaborés par les formateurs et toute la documentation disponible sur

l’OHADA et son droit de toutes les sources : lois (Traité, actes uniformes, règlements),

jurisprudence de la CCJA et des juridictions nationales, doctrine (interne émanant

d’auteurs de l’espace, externe provenant de l’étranger). Actuellement, l’ERSUMA est

assurément la structure qui réunit le plus de documents en droit des affaires OHADA

dans le monde et en droit des affaires comparé en Afrique. Le fonds documentaire de

l’ERSUMA est constitué d’environ quatre mille cinq cents (4500) documents361

.

Le Centre de documentation de l’ERSUMA dispose d’environ soixante-dix (70)

périodiques juridiques constitués d’une trentaine de revues françaises, les autres étant

des publications des Etats-parties à l’OHADA acquises à titre onéreux ou gratuit

(abonnement, achat par numéro, don). Le développement de ce fonds documentaire se

poursuit par la recherche et la collecte des références des nouvelles publications en droit

OHADA, en droit communautaire africain en particulier et en droit des affaires en

général (revues, thèses, mémoires, ouvrages, lois et règlements et autres textes officiels

des Etats parties, etc.) et leur acquisition par tous les moyens appropriés. Aussi, en

ligne, l’ERSUMA possède 1582 références bibliographiques enregistrées dans des

catalogues collectifs des bibliothèques de l’OHADA, 414 documents numériques sous

format PDF en accès libre et gratuit, qui constituent la collection de l’ERSUMA dans la

bibliothèque numérique de l’OHADA.

Le centre de documentation de l’ERSUMA travaille en effet à conserver tous les

documents issus des formations, séminaires et autres rencontres OHADA dont il a

connaissance. Ils sont analysés, classés et reliés sur support papier et enregistrés sous

divers formats sur fichiers électroniques et signalés dans des bases de données

361 « Les informations fournies par le Chef du service de la documentation permet de noter que le fonds documentaire de l’ERSUMA comprend la majeure partie des ouvrages parus en droit OHADA, des ouvrages sur les autres droits communautaires africains (UEMOA, CEMAC, CEDEAO, CIMA, OAPI), des ouvrages de référence (français) en droit des affaires (Lamy, Dalloz, Jurisclasseur, LexisNexis), des ouvrages (français) correspondant aux différents thèmes du droit OHADA et du droit des affaires, les actes des sessions de formation organisées par l’ERSUMA depuis mai 1999, des thèses et mémoires en droit OHADA et en droits communautaires africains (UEMOA, CEMAC, OAPI, CIMA), la littérature grise juridique collectée au niveau des formateurs et des participants lors des différentes activités de l’ERSUMA (en technique documentaire, « la littérature grise désigne tout « document dactylographié ou imprimé, produit en dehors des circuits commerciaux de l'édition et de la diffusion et en marge des dispositifs de contrôle bibliographiques ». La littérature grise est tout produit sous un format papier ou numérique, et qui n’est pas contrôlé par l’édition commerciale. Exemples de littérature grise : rapports d'études ou de recherches, actes de congrès), des textes, lois et règlements des pays membres de l’OHADA, quelques documents en anglais, etc. »

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bibliographiques. On pourra aussi parler de la multiplicité des mémoires et thèses sur le

droit OHADA aussi bien dans les universités africaines que dans les universités

françaises, qui intéressent énormément l’organe dans sa perspective de constituer l’une

des plus grandes bases de données documentaires sur le droit communautaire.

A cet effet, le site OHADA.com, le portail du droit des affaires en Afrique362

contribue

énormément à la diffusion de cette doctrine. Nombre d’ouvrages peuvent être connus

grâce aux annonces qu’il passe à leur parution. De nombreux articles sur l’OHADA

peuvent y être consultés. Dans sa bibliographie, on dénombre près de 595 titres

disponibles classés par auteurs. C’est un site qui contribue aussi à faire connaître toutes

les thèses portant sur le droit communautaire africain des affaires soutenues dans les

universités.

La documentation revêt en effet un caractère accessoire en tant qu’elle est liée à la

formation mais elle est indispensable à ce titre. Vue sous un certain angle, elle est aussi

importante, voire plus importante, que la formation quand on considère que les

bénéficiaires de ces formations ont un niveau de base suffisamment élevé qui leur

permet de comprendre, d’exploiter et de tirer parti de la documentation, même sans

l’aide d’un formateur. Il est important de réunir les ressources documentaires au lieu où

se tient la formation pour favoriser les recherches que les bénéficiaires de la formation

ainsi que les chercheurs (confirmés et jeunes, notamment les doctorants, ou les étudiants

des Masters recherches et professionnels) pourraient utiliser.

On retient toutefois que les activités de recherche n’ont pris leur envol au cours des

dernières années qu’avec l’obtention des financements de l’Union européenne, la

création du Centre de recherche et de documentation de l’ERSUMA

(CREDERSUMA)363

et la nomination d’un universitaire de haut niveau364

pour en

assurer la direction. Enfin a aussi été décidée la publication par l’ERSUMA de l’«

Encyclopédie du droit OHADA »365

sous la direction du Professeur POUGOUE, avec

362 L’UNIDA, promoteur de ce site le nomme comme le portail du droit des affaires en Afrique. 363

Cf. MEYER P., la Sécurité juridique et judiciaire dans l’espace OHADA, Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 151. 364

Ibidem. 365 Ibidem.

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qui un contrat de cession des droits a déjà été signé366

. Il faut mentionner aussi la mise

en place du système intégré d’information de l’OHADA (SII-OHADA)367

.

La connaissance du droit OHADA s’améliore considérablement grâce à cette

implication très active de l’ERSUMA. En les amenant à se prononcer sur ce qu’ils

pensent de la promotion et de la connaissance du droit OHADA sur le continent, les

professionnels du droit, juristes et enseignants pensent presque tous que c’est le droit le

plus promu et le plus avancé en Afrique actuellement. Compte tenu du bilan de la

formation à l’ERSUMA, d’autres formations, de la quantité et de la qualité de la

doctrine, il peut être affirmé que la connaissance, par les magistrats, les auxiliaires de

justice et par les universitaires, de l’ordre juridique communautaire368

est assez bonne.

Les efforts doivent cependant continuer surtout dans les Etats comme les Comores, la

Guinée Bissau, la Guinée Equatoriale et la Centrafrique369

.

366

L’ouvrage est paru en 2012 sous les références suivantes : Paul-Gérard Pougoué (sous la direction de), Encyclopédie du droit OHADA, 2012, Paris, Lamy, 2174 p. 367 Ibidem. 368

Cf. Combacau J. et Serge Sur, op. cit, p 5 – 17. 369 Ce sont des Etats dont les réalités socio-économiques empêchent considérablement tout développement juridique et économique. Des considérations plus pratiques que nous aborderons dans la suite de nos travaux.

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TITRE II

L’ETENDUE DES ACQUIS DU COMMUNAUTARISME « OHADA »

Le principe né de la création de l’OHADA est que ses Etats membres élaborent une

réglementation communautaire qui remplace de droit toutes les règles nationales jusque-

là existantes dans les domaines harmonisés. Neuf de ces domaines firent l’objet d’un

d’actes uniformes gouvernant ainsi une matière précise du droit communautaire.

Ce chantier normatif est d’autant plus important que l’œuvre d’unification des règles fût

accompagnée de la création d’une haute juridiction chargée d’assurer le contrôle de

l’application et de l’interprétation des actes uniformes comme nous l’avons vu, la

CCJA, car s’il n’y avait pas une grande défiance vis-à-vis des juridictions de différents

niveaux (première instance, appel cassation) des Etats parties, il était toutefois

nécessaire de veiller au contrôle de l’application des dispositions communautaires au

plan national. Un contrôle qui a certainement nécessité une coopération des plus actives

judiciairement entre la juridiction communautaire et les instances nationales.

Nous avons donc jugé opportun de voir à ce jour les réels acquis de la démarche

communautaire entreprise, d’en étudier les mécanismes de mise en place, les avantages

et les limites d’un tel ordre juridique autant pour le droit communautaire que pour les

Etats membres. Plus encore, une analyse de la cohabitation juridique et judiciaire que

soutient à ce jour l’organisation entre son droit et les droits nationaux nous permettra de

révéler énormément d’indicateurs d’une réussite ou non du modèle normatif de

l’OHADA.

A cet effet, le choix du terme « étendue » dans ce titre n’est pas un hasard étant donné

que nous analyserons d’une part la consécration d’un ordre juridique communautaire

(Chapitre I) et d’autre part les implications de l’abandon des souverainetés législatives

et judiciaires (C).

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CHAPITRE I

LA CONSECRATION D’UN ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE

L’activité normative est au cœur des missions de l’OHADA, à savoir adopter des règles

communes, simples, modernes et adaptées à la situation des économies des Etats

membres comme constituant la base de la sécurité juridique dont l’espace a besoin pour

promouvoir les investissements tant nationaux qu’étrangers et pour promouvoir le

développement économique et social. Ainsi, à l’heure actuelle, sur toutes les questions

qui ont fait l’objet d’un acte uniforme, les mêmes règles sont en vigueur au Gabon, au

Mali, au Tchad ou encore au Sénégal, entre autres Etats membres. Si par exemple le

Code des obligations civiles et commerciales du Sénégal régissait de telle matière, la

plupart de ses dispositions, qui étaient le fruit de la législation interne sénégalaise, ont

cédé la place aux normes communautaires OHADA. Il en est ainsi, par exemple, du

droit des sociétés et des divers autres actes uniformes adoptés.

« Si les personnes interrogées sont unanimes à saluer l’avènement d’un tel espace

juridique harmonisé, il n’en demeure pas moins que quelques insuffisances, telles des

péchés de jeunesse, sont formulées à l’encontre des règles de l’OHADA »370

. Ce que

nous verrons en abordant la consécration d’un ordre juridique communautaire européen

(Section I) ; puis celui du modèle de l’OHADA (Section II), afin de prendre la juste

mesure des avancées juridiques communautaires de ces deux systèmes.

Section I : L’ordre juridique européen dans la réglementation du

droit des affaires

L’éclosion des fondements du droit communautaire371

a connu une importante

impulsion sur le plan mondial et de véritables innovations avec la mise en place du droit

européen. Ce qui n’est plus à ce jour une nouveauté pour personne est tout un même un

exemple très ancien et surtout très réfléchi et réussi d’un modèle d’ordre juridique

370 Cf. David E., op. cit, p. 182. 371

Cf. Benkemoun L., « Sécurité juridique et investissements internationaux », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 193.

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communautaire, avec des impulsions aussi fortes et une ferme détermination de

réglementer à long terme le domaine des affaires en Europe372

.

Bien que les règles de droit de la concurrence373

et de la distribution concernent

directement la réalisation du droit européen des affaires et la mise en place d’un marché

intérieur commun, ils ne seront pas ici au centre de notre étude, malgré qu’ils aient

connu un développement autonome et qui, pour cette raison, font l’objet d’un traitement

spécifique.

L’édification du marché intérieur s’est réalisée plutôt en deux grandes étapes juridiques,

la première consistant à éliminer les cloisonnements, et la seconde à unifier les règles.

C’est à cet effet que nous analyserons d’une part l’étendue du droit européen des

affaires (Paragraphe I) et d’autre part les mesures juridiques d’uniformité du droit

européen des affaires (Paragraphe II).

Paragraphe I : L’étendue du droit européen des affaires

Essentiellement tourné vers la lutte contre les obstacles à la libre circulation des

marchandises, des personnes et services ou des capitaux, l’approfondissement de la

construction européenne s’est rapidement traduit par un ensemble d’actions positives,

tout en délimitant le cadre juridique et les limites du droit européen des affaires.

Jusqu’au Traité d’Amsterdam, les questions de justice et d’affaires intérieures sont

traitées dans un cadre informel à travers des réunions policières du groupe Trevi mise

en place à partir des années 1970, pour lutter contre le terrorisme, ou encore à travers

diverses conventions internationales374

dont la plupart n’entreront jamais en vigueur375

.

372 Cf. Vogel L., Droit européen des affaires, 1ère édition Dalloz, 2012, p. 3. 373 Cf. Vogel L., op. Cit, p. 5. 374

La coopération Schengen qui débute en 1985 représente une avancée majeure, l’une des premières pour le droit communautaire européen. L’objectif premier étant la suppression des contrôles aux frontières intérieures de l’Europe. 375 Cf. Guide des politiques communes de l’Union européenne, op. cit, p. 119.

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A. L’instauration d’un espace économique européen « EEE »376

En 1992, les Communautés européennes et les Etats membres de l’Association

européenne de libre échange « AELE » ont signé un accord sur l’espace économique

européen, qui prit force le 1er

Janvier 1994377

. Il avait notamment pour but de mettre en

place un système de libre circulation des personnes et des marchandises, des services et

des capitaux entre les parties signataires et mettre en place un régime de concurrence. A

la suite de l’entrée de l’Autriche, de la Finlande et de la Suède à la communauté

européenne le 1er Janvier 1995, seul l’Islande, la Norvège et le Lichtenstein sont

demeurés membres de l’EEE. La Suisse qui avait signé l’accord s’est finalement retirée

de l’espace économique européen en raison d’un référendum négatif. Les dispositions

de l’accord EEE ont repris en tout point celle du traité sur le fonctionnement de l’Union

Européenne relatif à la libre circulation et ont permis d’étendre l’ensemble des règles

européennes pour l’application des libertés aux Etats de l’AELE378

.

Au fur et à mesure de l’adoption de nouvelles dispositions par l’Union, des décisions

d’incorporation sont adoptées pour leur intégration, totale ou partielle dans le corpus

juridique des Etats membres379

. Le traité de CEE, d’une forte inspiration économique, à

dès les prémices eu pour objectif d’éliminer les limites juridiques et frontalières à

l’extension d’un espace de libre circulation par la création d’un marché commun. Au

cours des 30 premières années de vie du marché européen ainsi créé, les communautés

ont mis en place un certain nombre de mesures380

, de nature à sécuriser et renforcer le

libre espace économique et commercial. Notamment par la suppression des tarifs de

douanes, tous les quotas et droits relatifs au commerce de marchandises entre pays

membres381

.

376

Cf. Daniel F., Droit pénal européen, les enjeux d’une justice pénale européenne, 2e édition Larcier

Europe, p. 31. 377

Ibidem. 378

Cf. Daniel F., op. cit, p 25. 379

Des lors que l’acte européen est incorporé à l’accord, il peut être transposé dans le droit interne de trois Etats selon leurs normes nationales. Ces décisions d’incorporation ont un caractère purement formel, les Etats ne disposant d’aucune marge d’appréciation eu égard aux textes européens à incorporer. 380 Les objectifs principaux étaient surtout les échanges, la libre circulation des marchandises, services, capitaux, personnes, une politique commune de concurrence qui évidemment allait avec et les diverses protections pour équilibrer le marché notamment celle des consommateurs, des services publics, de la propriété intellectuelle. 381 Intervenues en 1968, ces premières mesures étaient très révélatrices des futures ambitions de l’EEE.

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Néanmoins, ces mesures se heurtèrent à la « frilosité »382

des Etats membres, qui face

aux difficultés économiques nationales en temps de crises383

, n’arrivaient donc pas à

atteindre l’unanimité quand il s’agissait de la mise en œuvre de ces mesures.

Finalement, ni l’objectif annoncé par le traité de Rome, ni le délai prévu pour

l’atteindre, ni l’établissement progressif du marché commun sur une période de douze

années ne seront respectés.

Le conseil avait cependant depuis 1961384

mis en place des programmes généraux

destinés à réduire et à éliminer les divers obstacles liés au libre établissement et à la

libre circulation et prestations de services. Les cadres généraux n’ont plus pas été

respectés par le conseil, qui a adopté les directives annoncées bien plus tardivement que

prévu. « Les premières directives de coordination notamment en matière bancaire ou

d’assurance ont été adoptés entre 1972 et 1979 »385

.

Mais la machine juridique européenne fut relancée avec l’arrivée de nouveaux Etats

membres et l’adoption de l’Acte unique européen en 1986386

. L’avantage de ces

nouvelles mesures était la possibilité de prendre les décisions à la majorité, ce qui allait

débloquer bien des situations restées pendantes. Entre 1986 et 1992, L’Union adopte

280 textes387

sur l’ouverture des marchés nationaux388

, dont certains se sont substitués

aux législateurs nationaux et d’autres ont mis en place le système de reconnaissance

mutuelle des normes et techniques nationales différentes389

.

Le marché unique ne devint qu’une réalité qu’à partir de 1993 et l’intégration s’est

poursuivie de manière organisée et intense. Le nombre de directives en rapport avec le

marché intérieur est passé de 1291 en 1995 à 1475 en 2002390

, ce qui montre bien

l’énorme impulsion de codification et les diverses normes juridiques mises en place

pour rendre effectif et efficace l’ordre juridique communautaire européen qui émergeait.

382

VOGEL L., Traité de droit économique, Droit européen des affaires, Tome 4, Bruylant, p. 13. 383

Notamment au début des années 80, qui secouaient toutes l’Europe. 384

Cf. Daniel F., op. cit, p 21. 385 Vogel L., Ibidem. 386 Cf. Vogel L., op. Cit, p 34. 387

Cf. Vogel L., Ibidem. 388 Cf. David E., Cde de droit des organisations internationales, 1ère édition Bruylant, 2014, p. 237. 389

Ibidem. 390 Cf. document de la commission, le Marché intérieur – dix ans sans frontières.

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Le passage à vingt-sept pays membres a aussi rendu nécessaires une évolution

institutionnelle et la fixation de nouveaux objectifs pour plus d’efficacité391

.

La commission adopta en octobre 2010 l’acte pour le marché unique392

qui développa

les mesures et les normes destinées à relancer l’économie Européenne au lendemain de

la crise financière. Aussi, en raison de législation incomplète et d’une application

défectueuse des règles existantes, la direction générale du marché intérieur relance des

chantiers inaboutis tel que le brevet européen, et envisage aussi l’encadrement plus

stricte et plus spécifique de nouveaux domaines économiques notamment l’achat en

ligne, et renforce sa stratégie dans d’autre tel que la contrefaçon ; ainsi considéré

comme l’un des fléaux de l’ouverture du marché et des nouveaux rapports

concurrentiels. Le marché des services va être aussi tout particulièrement visé par cette

vague de codification européenne, en raison de son potentiel en matière de

développement économique.

A cet effet, la commission adopta le 17 janvier 2011, une communication dénommée

« Vers une amélioration du fonctionnement du marché unique des services »393

, qui

présente de façon très exhaustive les résultats des processus d’évaluations mutuels mis

en œuvre depuis la directive services et proposa de passer à une nouvelle phase de la

construction du marché unique des services. Ce fut un objectif entrepris aussi par la

direction du marché intérieur qui souhaita également accéléré le processus de

normalisation et de réglementation au sein de l’Union, dans le souci de faciliter l’accès

des PME au marché commun394

, des capitaux et améliorer les systèmes de taxes sur la

valeur ajoutée TVA. C’était aussi pour elle l’occasion :

- d’insérer les marchés publics dans une perspective de développement durable et

de protection environnementale ;

- déterminer une assiette commune pour l’impôt sur les sociétés ;

- réformer les directives sur les qualifications professionnelles ;

391 Un véritable modèle d’intégration dont devrait plus s’inspirer l’OHADA dans une perspective d’adaptions et de développement économique. 392 Cf. Vogel L., op. Cit, p 32. 393

Cf. Vogel L., op. Cit, p 26. 394 Cf. Vogel L., op. Cit, p 25.

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- et créer un marché intégré du crédit à la consommation dans l’espace

européen395

.

Cette évolution constante du droit européen des affaires vers des mécanismes plus

évolués et plus efficaces d’intégration se traduit par une modification de la structure et

de la portée des textes de droit dérivés396

. Par conséquent, les directives qui, au départ

visaient une harmonisation minimale, tendent aujourd’hui à réaliser de plus en plus une

harmonisation maximale et devienne des directives d’unifications. De nouveaux textes

ont été mis en place aussi dans le but de supprimer toute différence contextuelle, même

dans un sens favorable, du niveau de la protection octroyé par les législations internes,

susceptibles de créer une charge supplémentaire pour les entreprises et de faire obstacle

au bon fonctionnement et à l’émergence du marché intérieur.

B. La délimitation du domaine du droit européen des affaires397

Dans le souci donc de créer un marché unique, d’abolir les obstacles398

à la libre

circulation et de simplifier les réglementations, l’Europe s’est doté d’un ensemble de

normes en rapport direct avec cette vision et qui concernent principalement les

entreprises, le secteur économique dans le cadre de l’exercice de leur activité

économique. L’ensemble de ces règles ainsi établies constituent le droit européen des

affaires.

Ce corpus juridique est un ensemble comprenant non seulement les dispositions du

TFUE relatif au marché intérieur commun mais aussi des directives et règlements. Les

articles du TFUE399

avaient pour vocation première de supprimer les incompatibilités400

juridiques que présentaient les divers systèmes des pays membres de l’Union, en

instaurant un cadre commun et stable, supprimant ainsi les restrictions à la liberté de

395

Sur la question, voir Bernard REMICHE, Expériences législatives européennes en droit communautaire de la concurrence, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p. 3. 396

Sur la question, cf. aussi Ibrahima SAMBE, La cour de justice de l’union économique et monétaire ouest africaine et le recours préjudiciel, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, p. 86. 397

Cf. Daniel Flore, op. cit, p 21 398 ibidem 399

Cf. David E., Cde de droit des organisations internationales, 1ère

édition Bruylant, 2014 400 Cf. Vogel L., op. Cit, p 21

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circulation, avant d’être utilisés pour harmoniser les législations des Etats parties401

. Les

seconds seront quant à eux employés pour unifier les règles juridiques au sein de

l’Union et servir à la défense du marché intérieur contre les attaques des opérateurs

extérieurs, en considérant l’ampleur et les diverses implications économiques du

phénomène de mondialisation et de la capitalisation de l’économie moniale402

.

« Des lors que les institutions européennes se donnaient pour objectif l’unification des

règles, leur champs d’intervention en devenait limité, d’autant que des considérations

extra économiques sont venues s’y ajoutés, au fur et à mesure de l’adoption des traités

successifs, aux préoccupations à l’origine exclusivement économique des rédacteurs du

traité de Rome »403

. Comme l’exprime bien Louis Vogel, l’Union devait donc s’assurer

d’une délimitation plus exhaustive de son cadre d’affaires. D’autres normes404

, de

nature véritablement économique, ont été prises, soit en-deçà soit au delà des règles

examinées ici405

.

De l’autre côté de la chaine des normes établies, on trouve des règles relatives à la

normalisation, l’étiquetage, la publicité et l’information. La normalisation, en

combinaison avec le principe de la reconnaissance mutuelle joue un rôle essentiel dans

le processus de stabilisation du marché intérieur, bien qu’elle soit accessoire au principe

de libre circulation. Elle présente aussi l’avantage d’accroître la compétitivité des

entreprises406

, surtout lorsqu’elles sont de moyenne ou petite importance et contribue à

une meilleure protection du consommateur407

.

401 Ibidem 402 Cf. Daniel F., op. cit, p 54 403 VOGEL L., op. Cit, p. 17 404 La directive 2003-87 du 13 octobre 2003 modifié par la directive 2009-29 du 23 Avril 2009, qui accorde aux exploitants des installations qui émettent des gaz à effet de serres en rapport avec l’une des activités citées en annexes du texte, l’autorisation d’émettre des gaz à effet de serres à condition qu’il soit en mesure de déclarer et de surveiller les émissions. 405

L’union a mis aussi un place un droit de l’environnement toujours dans le domaine du droit des affaires et concernant les entreprises émettant du gaz à effet de serres, et conformément au protocole de Kyoto du 11 Décembre 1997. 406

Cf. Ibrahima SAMBE, La cour de justice de l’union économique et monétaire ouest africaine et le recours préjudiciel, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 407

Depuis 1992, la Commission a adopté une nouvelle approche en matière d’harmonisation technique et d’utilisation de la normalisation qui consiste à établir des dispositions réglementaires générales applicables à des secteurs ou familles de produits, ainsi qu’à des types de risques, plutôt qu’à régler l’harmonisation technique produit par produit.

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La nouvelle approche des directives prévoit des contrôles avant et après la

commercialisation des produits afin de garantir une meilleure sécurité408

et une qualité

des produits409

, une façon de créer un climat de confiance entre le consommateur ou le

pouvoir d’achat et le marché intérieur commun410

.

Cependant, les Etats conservent une certaine marge de manœuvre. L’article 18 leur

ouvre la possibilité de déroger à l’interdiction d’empêcher le commerce des denrées

alimentaires, conformément à la directive, lorsque la législation en cause poursuit un

objectif de protection de la santé publique411

, de répression des tromperies412

, de

protection de la propriété industrielle et commerciale413

, d’indication de provenance414

,

d’appellations d’origines415

et de répression de la concurrence déloyale416

.

Aussi, la directive 2001-83 du 6 Novembre 2001417

mit en place un code européen des

médicaments à usage humain qui regroupe diverses règles européennes relatifs aux

médicaments et à la posologie à usage humain. Elle fixe les règles communes et

générales en matière de publicité pour les médicaments quel qu’en soit le destinataire et

interdit toute publicité pour des médicaments dont une autorisation de mise en vente sur

le marché européen, conforme aux normes européennes n’a pas été délivrée ou dont

certains éléments ne sont pas conformes aux renseignements fournis dans le résumé des

caractéristiques du produit418

.

La directive 76-768 du 27 Juillet 1976419

sur les produits cosmétiques qui harmonisent

aussi les législations des Etats membres afin de supprimer les obstacles aux échanges et

à la libre commercialisation des produits cosmétiques, résultant des divergences

408 Sont concernés, les secteurs de jouets, de machines, des dispositifs médicaux, ou encore des appareils électroménagers. 409

La directive 2000-13 du 20 Mars 2000 relative à l’étiquetage, à la présentation et à la publicité des denrées alimentaires, texte général d’harmonisation horizontal poursuit une double finalité, dont l’information et la protection des consommateurs. 410

Cf. Vogel L., op. Cit, p 17. 411

Nécessité d’ordre publique d’établir des normes en matière sanitaire. 412

Normes pénales. 413

A l’instar de la codification africaine en la matière. 414 Cf. Djogbénou J., Ibidem. 415 Ibidem. 416

Ibidem. 417 Cf. Davide E., op.cit, p. 211. 418

Cf. Daniel F., op.cit, p 15. 419 Cf. Vogel L., op. Cit, p 13.

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antérieures de législations nationales420

. Il est remplacé depuis le 11 juillet 2013 par le

règlement 1223-2009 du 30 Novembre 2009421

qui a pour objectif d’assurer la

protection de la santé et l’information des consommateurs, en prenant soin de contrôler

la composition et l’étiquetage des produits, tout en prévoyant un système d’évaluation

de la sécurité des produits et l’interdiction des expérimentations sur les animaux.

Enfin, l’Union a délimité un cadre stratégique pour mettre en œuvre un espace européen

unique d’informations et d’échanges qui tend notamment à l’effectivité d’une société de

l’information et des médias fondée sur l’inclusion422

. Pour y arriver, la commission a

défini un cadre de réglementation spécifique pour les services de communications et les

réseaux, qui couvre l’ensemble des réseaux et services de communication et

d’informations électroniques et prône l’indépendance des autorités de la réglementation

nationale, mais aussi, la mise en œuvre d’une obligation de prévoir un droit de recours

pour les utilisateurs, fournisseurs de réseaux ou services de communications

électroniques, devant un organisme indépendant423

.

Paragraphe II : les mesures juridiques d’uniformité du droit

européen des affaires

S’appuyant sur les principes de primauté et d’applicabilité directe, directives et

règlements tendent à uniformiser progressivement les conditions de mise en œuvre de

l’activité économique dans les différents états membres de l’Union.

A. Le principe de primauté des normes européennes424

Quelque soit la place des normes nationales dans la hiérarchie juridique, les normes

européennes (traités, règlements, directives)425

l’emportent en vertu du principe de

primauté. Issus d’une source autonome et indépendante, le droit et les règles mis en

420

Ceci obligeait les entreprises européennes à différencier leur production selon l’Etat membre de destination. 421 Cf. David E., op.cit, p. 189. 422 Communication de la commission du 1er juin 2005, intitulée « i2010 – une société de l’information pour la croissance et l’emploi ». 423 En cas de litige les opposant à une autorité de réglementation nationale. 424

Cf. Dubouis L.et Gueydan C., op. Cit, p 319 – 322. 425 Ibidem.

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place par les traités ou toutes autres dispositions communautaires européennes ne

peuvent se voir judiciairement opposé à un texte interne de droit, quel qu’il soit, ceci

serait d’autant plus grave qu’il reviendrait à remettre en cause la base juridique de

l’Union elle-même426

. Ainsi les règles de droit doivent dès leur entrée en vigueur, faire

l’objet d’une applicabilité uniforme dans tous les Etats membres et ceci durant toute

leur durée de validité. Cependant une des problématiques réside dans le fait que le bon

fonctionnement du système européen et la réalisation des buts du traité européen

suppose que tous les Etats membres établissent des règles nationales identiques, prises

en application des dispositions européennes. Ce qui n’est pas chose aisée et peut même

être apparenté à une aberration juridique. Car si le souci de l’Union est de veiller à ce

que les règles nationales établies par applications des dispositions communautaires, elle

aurait juste veillé à établir des règles générales et particulières transposables sans

modification et sans aucun de craindre des divergences d’un Etat à un autre427

.

Le juge national, doit donc dans un souci de rendre à la norme européenne428

sa

supériorité prononcée429

, avoir la faculté d’écarter les dispositions internes qui font

obstacle à une pleine efficacité des normes européennes et à leur application

uniforme430

.

Le principe de primauté s’applique à toutes les normes européennes, de droit primaire

ou dérivé, dès lors qu’un effet obligatoire leur est reconnu. Il en est ainsi des actes des

institutions et immunités des communautés européennes431

. C’est à cet effet que Louis

Vogel illustrait en soutenant que « les règlements qui en raison de leur nature même et

de leur fonction dans le système des sources du droit européen, produisent des effets

immédiats432

, les directives européennes, qui contiennent des obligations

inconditionnelles et suffisamment précises433

, à la lumière desquelles le droit national,

antérieur ou postérieur, doit être interprété434

ou les décisions de la commission, qui dès

leur notification, sont immédiatement exécutoires dans l’Etat concerné435

ne peuvent se

426

CJCE du 15 Juillet 1964, du 13 Novembre 1964. 427

CJCE du 9 Mars 1978, aff 106-77. 428

CJCE du 21 Février 1991, aff C-143-88. 429

CJCE du 9 Mars 1978, aff. 106-77. 430 CJCE du 13 Février 1969, aff. 14-88 et CJCE du 13 Février 1969, aff 14-68. 431 CJCE du 9 Mars 1978, aff. 106-77 et CJCE du 24 Février 1988, aff. 260-86. 432

CJCE du 14 Décembre 1971, aff. 43-71. 433 CJCE du 7 Juillet 1981, aff. 158-80. 434

CJCE du 13 Novembre 1990, aff. C-130-78. 435 CJCE du 8 Mars 1979, aff. 130-78.

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voir opposer l’application de toute mesure législative, même postérieure, incompatibles

avec leurs dispositions436

»437

.

Diverses autres implications sont nées du fait de l’application de cette primauté du droit

européen notamment en matière de droits fondamentaux438

, dont la sauvegarde, qui

s’inspire énormément des traditions constitutionnelles communes des Etats européens

membres doit être assurée dans le cadre de la structure et des objectifs de l’Union439

. En

effet, une éventuelle atteinte aux droits fondamentaux par un acte institutionnel de

l’Union ne peut être appréciée que dans le cadre du droit européen et non en considérant

les principes constitutionnels propres à l’Etat membre en cause, sous peine de nuire à la

cohésion et à la légitimité de l’Union440

. Aussi, la Cour de justice est tenue de prendre

en compte les instruments internationaux de protection des droits fondamentaux de

l’Homme441

auxquels les Etats membres ont adhéré et coopéré ainsi que les traditions

communes à ces derniers dans toute décision s’y rapportant442

. Mais ceci pose encore

une fois une grande interrogation dans la mesure où le juge national n’est pas tenu de

faire une étude générale des autres textes constitutionnels des autres Etats afin d’en

répertorier les similitudes, ce que porte à croire l’interprétation textuelle de ce principe.

Ce principe de primauté, au national, produit aussi divers effets. Les justiciables, les

entreprises ou les particuliers ont la faculté, sur le fondement du caractère absolu et

inconditionnel de la primauté du droit européen, de contester toute décision nationale,

acte législatif, administratif ou judiciaire qui iraient à l’encontre d’une efficacité

maximal du droit européen. Ainsi, la force exécutoire des dispositions européennes ne

peut varier d’un Etat à un autre ; ceci aurait pour conséquence de créer une sorte

d’inégalité juridique et voir une certaine instabilité du droit européen. C’est ainsi que la

primauté va être étendue même aux dispositions ou mesures de police, ou encore de

sûreté ou de protection de la sécurité publique, qui ne sont pas exclus de cette autorité

436

C’est aussi le cas des délibérations du Conseil de l’Europe, qui contrairement aux recommandations de la commission, entrainent des effets juridiques déterminés dans les relations de l’Union avec les Etats membres et entre les institutions, dont les Etats membres ne peuvent s’affranchir. 437

Vogel L., op.cit, p. 319. 438 CJCE DU 31 Mars 1971, aff. 22-70. 439 CJCE du 17 décembre 1970, aff. 11-70. 440

CJCE du 13 Décembre 1979, aff. 44-79. 441 Les Etats membres sont tenus de respecter aussi, lors de l’application du droit européen, les prérogatives résultant de la protection des droits de l’Homme, dans l’ordre juridique européen. 442 CJCE du 13 juillet 1989, aff. 5-88.

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juridique du droit européen443

. Le juge national est habilité donc à les supprimer,

qu’elles soient postérieures ou antérieures aux dispositions européennes qu’elles

contredisent. Cependant, de simples pratiques administratives, par nature modifiables au

gré de l’Administration et dépourvues d’une publicité adéquate, ne constituent donc pas

une exécution valable des obligations du traité, susceptibles de remédier à

l’incompatibilité d’une législation nationale avec le droit européen444

.

La mise en œuvre de ce principe de primauté est aussi le fruit une coopération effective

et efficace entre la Cour Européenne et les juridictions nationales. Le juge national saisi,

a en effet pour prérogative d’assurer la protection des droits conférés aux justiciables

par le droit européen. La portée procédurale du principe ainsi présenté permet aux

juridictions nationales d’appliquer, parmi les différents procédés offerts par leur ordre

juridique interne, ceux qui sont les mieux à même de sauvegarder les droits des

personnes, conférés aux justiciables par le droit européen. « Le système de protection

mis en place par le Traité du droit européen implique cependant que tout type d’action

prévu par le droit national puisse être utilisé pour assurer le respect des règles

européennes d’effet direct, dans les mêmes conditions de recevabilité et de procédure

que s’il s’agissait d’assurer le respect du droit national »445

.

Toutefois, la sécurité juridique que tend fortement à instaurer l’Union pourrait s’en

trouvé fragilisé, dans la mesure où l’une des constituantes de ce principe est la

reconnaissance d’une autorité de la chose jugée. Or la primauté du droit européen

suppose que toutes les décisions rendues antérieurement sur la page de normes

juridiques nationales rendues caduques par l’avènement de normes européennes

nouvelles, supérieures et imposées entendent que ces décisions antérieures rendues

soient considérées comme contraire au droit existant et en vigueur, ce qui constitue une

sorte de contradiction. Le droit européen règle la question en donnant primauté à la

Cour de justice de l’Union, de rendre nul toute décision rendue qui irait à l’encontre de

normes établies par le droit européen446

. Cette solution nous parait inappropriée dans la

mesure où un défaut dans la décision antérieure ou une simple contradiction dans

l’interprétation du juge serait à l’origine de l’annulation d’une décision rendue

443

CJCE du 23 Novembre 1999, aff. C-285-98. 444 CJCE du 7 mars 2002, aff. 145-99. 445

Vogel L., op. Cit, p. 325. 446 CJCE du 13 Janvier 2004, aff. C-453-00.

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conformément au droit447

. La sécurité juridique si tant prisée, n’en serait pas moins

qu’un mythe ou plus ou moins relative.

C’est ainsi que le principe de coopération posé à l’article 4 du TUE n’oblige pas non

plus les juridictions nationales à « écarter les règles de procédures internes, qui

attribuent force de chose jugée448

à une décision judiciaire449

ou confèrent à une

sentence arbitrale intermédiaire450

le caractère d’une sentence finale451

même si elles

sont contraires au droit européen452

».

Plusieurs principes dérivés vont être aussi élaborés et mis en œuvre par le législateur

européen afin d’assurer la primauté et l’applicabilité du droit européen :

- Le principe d’équivalence et d’effectivité :

Le juge national qui est seul à avoir la connaissance des modalités procédurales de

son droit national doit cependant vérifier la similitude de ces dernières avec les

règles procédurales établies par le droit européen453

. Il faudra ainsi que la règle

concernée s’applique indifféremment aux recours fondés sur la violation du droit

national qu’à ceux fondés sur la violation du droit européen

- Le droit à un recours effectif :

Selon un principe général de droit présent dans les traditions constitutionnelles des

Etats membres et dans la convention européenne de sauvegarde des droits de

l’Homme454

, toute personne a droit à un recours effectif contre toute décision d’un »

autorité nationale devant une juridiction compétente455

. Ainsi, « aucune règle de

procédure ne peut être invoqué pour faire échec à l’action d’un justiciable fondée

sur le droit européen456

».

- L’égalité d’accès au juge national :

447

CJCE du 12 Février 2008, aff. C-2-06. 448

CJCE du 1er

juin 1999, aff. C-126-97. 449

CJCE du 16 mars 2006, aff. C-234-04. 450

Cf. L. Dubouis et C. Gueydan, les grands textes du droit de l’Union Européenne, Traité-droit dérivé-jurisprudence, 8

e édition Dalloz, p. 327.

451 Ibidem. 452 CJCE du 22 décembre 2010, aff. C-507-08. 453

CJUE du 20 Octobre 2011, aff. C-94-10. 454 Articles 6 et 13. 455

CJCE du 15 mai 1986, aff. 222-84. 456 Arrêt CEDH n. 36677-97 du 16 juillet 2002, Dangeville.

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119

Le principe de non-discrimination inscrit à l’article 18 TFUE457

exige la parfaite

égalité de traitement des personnes se trouvant dans une situation régie par le droit

européen, avec les ressortissants de l’Etat membre. Ainsi un droit d’accès égal doit

être accordé aux justiciables du pays membre, et aussi aux ressortissants d’un autre

pays membre.

- Le droit à une protection provisoire

En application du principe de coopération énoncé à l’article 4 TUE, les juridictions

nationales ont le devoir d’assurer la protection juridique découlant de l’effet direct

des dispositions du droit européen458

. Par exemple, dans un souci d’application

uniforme du droit européen, le sursis à exécution, tout en relevant de règles

nationales, est soumis dans tous les Etats membres à des conditions d’octroi

uniformes similaires à celles du référé devant la Cour459

.

- Droit à la réparation du préjudice subi460

C’est l’un des principes les plus protecteurs et les innovants, assurant une certaine

faculté aux justiciables de demander réparation lorsque l’application ou

l’interprétation du droit européen lui cause un préjudice. Ce préjudice peut être

imputable à l’Etat, dans le cas d’une violation de normes européennes, ou à une

juridiction statuant en dernier ressort et nonobstant le droit européen dans son

dispositif. Ainsi la pleine applicabilité et efficacité du droit européen exige que les

justiciables en soient les bénéficiaires en première ligne et soient en mesure de

demander réparation d’un préjudice subi du fait d’un droit à eux octroyé par le droit

européen, et violé par l’application ou l’interprétation faite par le juge national ou

l’Etat membre lui-même461

. C’est l’une des problématiques les plus profondes du

droit OHADA, qui font qu’à ce jour il reste très peu populaire auprès des peuples

africains462

.

A ses diverses règles établies par le droit européen pour s’assurer une certaine légitimité

et une supériorité juridique, il faut ajouter la non-application du droit national non

457 Cf. Dubouis L. et Gueydan C., op.cit, p 326. 458 CJCE du 19 juin 1990, aff. C-213-89. 459

CJCE du 21 février 1991, aff. C-143-88. 460 Cf. David E., op.cit, p. 211. 461

CJCE du 9 novembre 1995, aff. C-334-95. 462 Analyse développée dans la suite de notre étude.

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120

conforme463

et le réexamen du droit national non conforme par les autorités

nationales464

.

B. L’applicabilité directe du droit européen des Affaires465

Louis Vogel écrivait dans son ouvrage Traité de droit économique – Droit européen des

affaires, « Les traités qui gouvernent l’Union constituent plus qu’un accord qui ne

créerait que des obligations mutuelles entre les Etats contractants. Ils revêtent une

autorité qui permet aux ressortissants des Etats membres de l’invoquer devant les

juridictions nationales »466

. L’applicabilité vue dans ce contexte reste très proche du

principe de primauté. Ces principes sont de nature plutôt complémentaire et ont en

commun la forte autonomie et la supériorité qu’ils accordent aux normes qui jouissent

de leurs puissances juridiques.

A cet effet, l’applicabilité directe est l’œuvre et la concrétisation d’un important

processus d’intégration juridique allant d’une perte de souveraineté des Etats membres

de l’Union au profit d’institutions communautaires légitimement installées, d’une cour

de justice aux prérogatives extraordinaires et d’un assouplissement constitutionnel afin

de donner libre court et pleine application à cette vision nouvelle de l’économie, du

commerce et des échanges. Ce que nous qualifierons de « contrat politico-social et

économique » est l’aboutissement de la forte impulsion européenne vers une intégration

juridique mais aussi judiciaire.

Dans sa portée judiciaire, « il incombe aux juridictions des Etats membres d’assurer la

protection juridique découlant, pour les justiciables, de l’effet direct des dispositions du

droit communautaire »467

. L’applicabilité direct signifie donc que les règles européennes

produisent leurs effets de façon identique et uniforme dans tous les Etats membres et

sans aucune nécessité d’avoir recours à un mode alternatif quel qu’il soit de

transposition de normes internationales au plan interne des Etats.

463 CJCE des 9 Septembre 2003, aff. C-198-01 et 25 novembre 2008, aff. C-455-06. 464

CJCE des 11 Juillet 2008, aff. C-207-08 et 28 Février 2012, aff. C-41-11. 465 Cf. Dubouis L. et Gueydan C., op. cit, p 322 – 325. 466

Vogel L., op. cit, p. 341. 467 CJCE du 27 Février 1980, aff. 68-79.

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121

Le juge national, considéré ici comme juge européen de droit commun, a ainsi

l’obligation d’assurer le plein effet des normes européennes en laissant au besoin

inappliquée, de sa propre autorité, toute disposition contraire contenue dans la

législation nationale, qu’elle soit antérieure ou postérieure, sans qu’il n’y ait à attendre

l’élimination par celle-ci par voie législative ou par tout autre procédé

constitutionnel468

.

L’effet direct comporte deux aspects :

- Il est vertical, lorsque le justiciable peut opposer la norme européenne à l’Etat

- Et il est horizontal lorsque le particulier ou l’entreprise est habilité à s’en

prévaloir contre un autre particulier ou entreprise, c’est-a-dire dans un contexte

de droit privé ou droit commun.

Selon la matière, il est à rappeler que la Cour a retenu l’existence d’un effet direct

partiel ou complet, sans compter qu’il ne fait pas toujours l’objet d’une application

automatique. En effet, diverses conditions essentielles doivent être réunies pour

reconnaître un effet direct à une règle européenne : le texte en question doit être clair,

précis et inconditionnel. Par conséquent, l’appréciation de l’effet direct se fera

disposition par disposition, ce qui suppose que certaines dispositions d’un même texte

peuvent être d’effet direct alors que d’autres non.

La règle européenne doit être suffisamment opérationnelle pour faire l’objet d’une

application du juge national et susceptible de régir la situation juridique des

particuliers469

. De plus l’obligation posée par le texte, dans ses dispositions, doit être

claire et inconditionnelle470

.

L’accent ne sera pas mis sur le fait que la disposition soit assortie ou non de réserves ou

d’exceptions, mais il suffit qu’elle soit bien délimitée et que ses constituantes juridiques

précisent de façon claire les diverses règles qu’elle entend mettre en vigueur. En guise

d’exemple, nous évoquerons les dispositions d’une directive qui excluent toute

discrimination fondée sur le sexe d’une manière générale et dont les termes non

équivoques sont suffisamment précis pour être invoqués devant le juge national par un

468 CJCE du 9 mars 1978, aff. 106-77. 469

CJCE du 4 mai 1999, aff. C-262-96. 470 Article 90 CE, et CJCE du 16 juin 1966, aff.57-65.

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justiciable et produire donc l’effet direct471

. De plus, l’article d’une directive peut bien

revêtir l’expression « à condition que », qui dans son contexte textuel vise à établir une

exception ou une condition, sans pour autant perdre son caractère inconditionnel472

. A

l’opposé, le texte qui ne détermine, ni le montant de la rémunération en cause473

, ni le

débiteur de l’obligation, ou qui précise les bénéficiaires d’une garantie et son contenu

mais en ignorant de déterminer l’identité de son débiteur474

est considéré comme

équivoque.

Cependant, il est à préciser que « la règle ne doit être subordonnée, dans son exécution

ou ses effets, à l’intervention d’aucun acte, soit des institutions de l’Union, soit des

Etats membres475

» ce qui n’est guère le cas lorsque son application comporte une

évaluation des exigences incombant à l’aboutissement des objectifs et de la mission

impartie aux entreprises et à la sauvegarde des intérêts majeurs de l’Union.

De même, l’effet direct est exclu lorsque les dispositions en cause revêtent une portée

essentiellement programmatique476

, ou qu’elles ne constituent qu’une délimitation plus

ou moins exhaustive du cadre d’activité des Etats membres, dans la matière concernée

sans imposer l’adoption de mesures concrètes477

ou d’une méthode d’action478

.

En outre, l’effet direct s’apparente certes au principe d’applicabilité immédiate mais ne

se confond pas avec ce dernier, selon lequel le droit européen s’applique dans l’ordre

juridique interne sans qu’il soit nécessaire d’assurer sa réception ou sa transformation.

Si pour certaines normes juridiques, l’effet direct et l’applicabilité immédiate vont de

pair, tels les règlements, d’autres peuvent produire un effet direct sans pour autant

revêtir une applicabilité immédiate. En effet, certains textes prévoit un délai transitoire,

une sorte de « période d’essai », à l’expiration de laquelle l’effet direct est suspendu,

notamment le cas de l’article 49 TFUE479

relatif à la liberté d’établissement qui est

471

CJCE du 26 Février 1986, aff. 152-84 472

CJUE du 24 novembre 2011, aff. C-468-10 473

CJCE du 25 février 1999, aff. C-131-97 474

CJCE du 19 Novembre 1991, aff. C-6-90 475

CJCE du 4 avril 1968, aff. 27-67 476

CJCE du 17 mars 1993, aff. C-72-91 et CJCE du 26 mai 2011, aff. C-165-09 477 Les dispositions du traité qui posent une obligation de faire sans préciser les méthodes applicables laissent aux Etats membres une marge d’appréciation qui exclut la reconnaissance de leur effet direct. Il en est de même de celle qui impose une ligne directrice générale sans indiquer aucune méthode concrète pour s’assurer une codification uniforme pour tous les Etats membres 478

CJCE du 23 février 2004, aff. C-236-92 479 Cf. David E., op. cit, p. 174.

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d’application directe depuis l’expiration de la période de transition, que les directives

aient été ou non adoptées.

Selon l’article 288 TFUE480

, les règlements sont obligatoires et dans tous leurs éléments

et directement applicables dans tout Etat membre, alors que les directives quant à elles,

lient les Etats membres au résultat à atteindre, en laissant aux instances nationales les

compétences quant à la forme et aux moyens de mise en œuvre. Ainsi, une directive

produit, selon l’article 297 TFUE481

, des effets juridiques à l’égard de l’Etat membre

destinataire dès qu’elle est notifiée482

. « L’adoption de dispositions contraires au texte

européen, avant sa transposition expose l’Etat membre qui s’en est rendu coupable à

une action en manquement483

». Il en est de même pour la période transitoire si la

directive en prévoit une à l’expiration du délai de transposition484

.

Les dispositions du droit primaire, selon leurs caractéristiques, entrainent soit un effet

direct vertical, soit un effet direct complet485

. La cour de justice a reconnu, à cet effet,

un effet vertical à certains articles du Traité :

- Article 18 TFUE interdisant les discriminations fondées sur la nationalité486

;

- Article 28 TFUE prohibant les taxes d’effet équivalent à des droits de douane à

l’importation487

;

- Article 30 TFUE prohibant les droits de douane et taxes d’effet équivalent488

;

- Articles 34 et 35 TFUE interdisant les restrictions quantitatives489

;

- Articles 37 TFUE sur l’aménagement des monopoles commerciaux490

;

- Article 63 TFUE sur la liberté de circulation des capitaux491

;

- Article 110 TFUE sur l’interdiction des discriminations fiscales à l’égard des

produits importées492

;

480

Cf. David E., op. cit, p. 166. 481

Cf. David E., op. cit, p. 189. 482

CJCE, 14 juin 2007, aff. C-422-05. 483

CJCE, 8 Octobre 1987, aff. 80-86 et CJCE du 17 janvier 2008, aff. C-246-06. 484

CJUE, 26 mai 2011, aff. C-165-09. 485

L’effet direct complet permet de se prévaloir d’une norme européenne dans un litige entre particuliers grâce à la combinaison d’un effet vertical et d’un effet horizontal. 486 CJCE, 20 Octobre 1993, aff. C-92-92. 487 CJCE, 17 décembre 1970, aff. 18-71. 488

CJCE 5 février 1963, aff. 26-62. 489 CJCE 29 novembre 1978, aff. 83-78. 490

CJCE 15 juillet 1964, aff. 6-64. 491 CJCE 14 décembre 1995, aff. C-163-94.

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Produisent par contre un effet direct complet :

- Article 45 TFUE sur la libre circulation des travailleurs493

;

- Article 49 TFUE sur le droit d’établissement494

;

- Articles 56 et 57 TFUE sur la libre circulation des services495

;

- Article 157 TFUE sur l’égalité des sexes en matière salariale496

;

Par contre, le juge européen renie tout effet direct à un certain nombre de dispositions

du traité, qui sont, soit trop générales ou programmatiques, soit nécessitent l’adoption

de mesures européennes ou nationales pour leur entrée en vigueur497

.

En résumé, il faut retenir que les règlements sont les seuls textes européens auxquels le

Traite reconnait expressément un effet direct. L’article 288 TFUE, alinéa 2, dispose : «

le règlement a une portée générale. Il est obligatoire dans tous ses éléments et il est

directement applicable dans tout Etat membre ». Le même article se contente par contre

de préciser pour les directives qu’elles « lient tout Etat membre destinataire quant au

résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la

forme et aux moyens ».

Le droit européen est un exemple « presque parfait » et un modèle d’intégration

juridique pour toute organisation communautaire sérieuse qui souhaite établir les bases

d’une bonne organisation et consolider un climat de sécurité juridique et de sécurité

judiciaire dans un espace économique à grande échelle. C’est à ce titre que l’OHADA,

nous le verrons dans la suite de notre étude, partage certaines similitudes avec ce droit

européen, tout en gardant certaines particularités juridiques essentielles.

492 CJCE 16 juin 1966, aff. 57-65 493 CJCE 4 novembre 1974, aff. 167-73 494

CJCE 9 juin 1977, aff. 90-76 495 CJCE 9 juin 1977, aff. 90-76 496

CJCE 8 avril 1976, aff. 43-75 497 Notamment les articles 106 et 107 TFUE

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SECTION II : La consécration d’une réglementation OHADA du

droit des affaires

Il faut aussi souligner que l’OHADA a le mérite non seulement d’adopter d’une façon

très originale ses actes uniformes mais aussi de repenser sa politique juridique dans le

but de les rendre plus compétitifs et plus en mesure de répondre aux attentes juridiques

des Etats membres498

mais aussi des acteurs du marché international. Dans cette

dynamique d’innovation, une procédure de révision d’acte uniforme est existante et

effective et a déjà été utilisée notamment concernant l’acte uniforme sur le droit

commercial où des aménagements très louables ont été apportés. Dès lors, il nous parait

nécessaire d’étudier l’adoption et la rénovation des actes uniformes OHADA

(Paragraphe 1).

Etudier l’impact des actes uniformes OHADA revient aussi à soulever diverses

questions et interrogations. Les diverses constatations pratiques font qu’à ce jour, les

mesures normatives entreprises sous l’égide des actes uniformes souffrent encore à

s’imposer totalement dans l’espace harmonisé. Nos travaux au sein de certains organes

de l’OHADA nous ont permis de comprendre et de retenir que tout cela est dû à

certaines difficultés nuisant à la mise en œuvre des actes uniformes et à divers obstacles

ayant réduit l’impact positif de ces actes uniformes (Paragraphe 2).

Paragraphe I : L’adoption et la rénovation des actes uniformes

OHADA

En rappel, l’adoption et la correcte application des actes uniformes constituent la finalité

majeure de l’OHADA. Concernant la procédure d’élaboration et d’adoption des actes

uniformes, elle est originale. A priori, on ne trouve rien de semblable dans le monde,

encore qu’un rapprochement puisse être fait avec l’adoption des règlements et des

directives dans certaines organisations d’intégration comme l’UEMOA499

en Afrique de

l’Ouest ou la CEMAC500

en Afrique centrale.

498 Cf. David E., ibidem. 499

Cf. textes constitutifs et actes de créations des organisations internationales africaines. 500 Ibidem.

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A. La procédure d’adoption des Actes uniformes

Il faut rappeler avant tout que ce nouveau droit s’inspire en général du droit français en

vigueur. Mais celui-ci a été influencé par le droit européen (traités, règlements,

directives). On note aussi la prise en compte du droit comparé, notamment de la

Common Law. Selon un auteur, « le domaine du droit des affaires se prête fort bien à

l’importation de règles de droit étranger, particulièrement de droit international, la

mondialisation y étant plus forte sous la poussée de nombreux facteurs dont l’absence

de référents internes en ce qui concerne les Etats d’Afrique. Pour ces raisons,

évidemment presque aucune règle n’est reprise des coutumes africaines »501

.

Ainsi, s’agissant des actes uniformes adoptés, ceux-ci ont fait l’objet de publications

diverses dont la quasi-totalité est répertoriée dans la bibliographie du Pr Joseph Issa-

Sayegh, régulièrement mise à jour et publiée sur le site ohada.com. Certains juristes et

praticiens relèvent que cette procédure est efficace mais comporte toutefois des

insuffisances notables. La chronologie de l’adoption des actes uniformes est la

suivante :

- le projet d’acte uniforme est préparé par le Secrétariat permanent (SP), qui a

toujours eu recours aux services d’experts ;

- le projet élaboré par le SP est soumis aux Gouvernements des Etats parties qui

disposent d’un délai de 90 jours pour faire parvenir au SP leurs observations

écrites. Ce délai, suite à la révision du Traité, peut être prorogé pour la même

durée. Chaque Etat fait appel à sa Commission nationale pour l’harmonisation

du droit des affaires (CONAHADA)502

;

- l’intervention de la CCJA se situe à la fin du processus : cette cour dispose

depuis la révision du Traité, de 60 jours et non plus de 30 jours pour ses

observations503

;

- le texte définitif du projet d’acte uniforme mis au point par le S.P. fait l’objet

d’une inscription à l’ordre du jour du prochain Conseil des ministres (CM)504

;

501

Onana F., La prise en compte du droit comparé dans l’œuvre d’unification de l’Organisation pour l’harmonisation du droit des affaires en Afrique (OHADA), Revue de droit international et de droit comparé, Bruylant, 2008, n°s 2 et 34, p. 347. 502

Ces sont des commissions installées dans les pays membres pour relayer les actions de l’organisation. Mais ils ont aussi montré leurs limites. 503

Cf. Règlement de la CCJA. 504 Une des limites aussi que nous développerons dans la suite de cette étude.

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- les actes uniformes sont adoptés par le Conseil des ministres à l’unanimité mais

l’abstention d’un Etat n’empêche pas l’adoption d’un acte uniforme.

C’est cette dernière condition qui est jusqu’à ce jour très problématique ainsi que la

grande place qu’occupent des considérations politiques dans des questions juridiques

communautaires. Les nécessités du marché ne sont pas nécessairement celles des Etats

membres, étant eux au centre du vote et de l’adoption des actes uniformes. Nous irons

jusqu’à dire dans une analyse personnelle que les projets d’actes uniformes ne survivent

que s’ils font, dès l’initiative de leur adoption, l’unanimité au sein des divers acteurs et

intervenants. A ce jour, dès que cette procédure dès qu’elle devient un tant soit peu

contradictoire, ou que l’acte lui-même en question ne répond pas aux attentes formulées

par tous les Etats membres, il est presque impossible qu’il voit le jour. Diverses

problématiques restent aussi liées à la place des actes uniformes dans leur mise en

application505

Concernant la place des actes uniformes de l’OHADA dans la hiérarchie des normes

juridiques, on peut d’emblée affirmer que ceux-ci ont un caractère supranational. La

conséquence est qu’ils se situent au-dessus des normes internes et entrainent

l’abrogation des dispositions contraires et l’interdiction d’adoption de dispositions

internes postérieures contraires. Il résulte, en effet, de l’article 10 du Traité, qui n’a fait

l’objet d’aucune révision, que « les actes uniformes sont directement applicables et

obligatoires dans les Etats parties nonobstant toute disposition contraire de droit interne,

antérieure ou postérieure »506

.

A ce jour, neuf actes uniformes ont été adoptés à raison de huit entre 1997 et 2003 et le

dernier en 2010. Ils sont tous en vigueur. Ce sont d’abord :

- trois actes adoptés à Cotonou le 17 avril 1997, à savoir l’Acte uniforme relatif au

droit commercial général (AUDCG), l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés

commerciales et du groupement d’intérêt économique (AUDSC) et l’Acte

uniforme portant organisation des sûretés (AUS) ;

505 Que nous évoquerons dans la seconde partie. 506

Onana Etoundi F., OHADA : Grandes tendances jurisprudentielles de la Cour commune de justice et d’arbitrage en matière d’interprétation et d’application du droit OHADA (1997-2010), Collection Pratique et contentieux des affaires, près de 300 décisions et avis annotés et commentés par thème), Edition spéciale octobre 2011, p. 258 et s.

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- ensuite, deux actes adoptés à Libreville le 10 avril 1998, à savoir l’Acte

uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des

voies d’exécution (AUPSRVE) et l’Acte uniforme portant organisation des

procédures collectives d’apurement du passif (AUPC) ;

- puis, l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage (AUDA) adopté le 11 mars

1999 à Ouagadougou, également, l’Acte uniforme portant organisation et

harmonisation des comptabilités des entreprises sises dans les Etats parties au

Traité (AUOHC) adopté à Yaoundé le 24 mars 2000 ;

- l’Acte uniforme relatif aux contrats de transport de marchandises par route

(AUCTMR) adopté le 22 mars 2003 à Yaoundé ;

- en dernier lieu, l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives

(AUDSCOOP) adopté le 15 décembre 2010 à Lomé.

Il est indéniable que le nombre des actes uniformes adoptés et surtout de leurs

dispositions est appréciable507

. Ce bilan est quelque peu assombri par le nombre de

projets abandonnés ou non aboutis après de nombreuses années, comme le droit des

contrats et le droit du travail.

Il reste à se demander si le choix des matières à harmoniser a toujours été pertinent. On

peut en douter en ce qui concerne le droit des contrats au regard de son impact sur

l’activité de la CCJA et de l’approche adoptée qui ne prend pas en compte la tradition

juridique de la grande majorité des Etats parties au Traité de l’OHADA. A ce sujet, les

dispositions européennes508

ont l’avantage de résoudre des questions cruciales509

que

pose le droit communautaire privé, un droit communautaire en évolution permanente

surtout sur les questions relatives au droit de la concurrence510

, grand chantier de travail

de l’UE511

. Il est à noter que les directives européennes prises512

sont réexaminées afin

507

Les 8 premiers actes uniformes font 2135 articles, soit : AUDCG : 289 articles ; AUSCGIE : 920 articles ; AUS : 151 articles ; AUPSRVE : 338 articles ; AUPCAP : 258 articles ; AUA : 36 articles ; AUDCompt. : 113 articles ; AUCTMR : 30 articles, et le professeur Issa-Sayegh relève avec précision un total de 2290 articles pour les actes uniformes. 508 Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, bulletin de Février 2015, p 1 – 3. 509 Cf. Carpano E., le contentieux privé de la concurrence à l’honneur, éditions législatives, Février 2015, p.2. 510 Ibidem. 511

Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, ibidem. 512 Ibidem.

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de veiller à leur efficacité et à être confiant sur les pistes de solutions qu’elles apportent.

A ce sujet, la jurisprudence européenne joue un rôle très actif513

.

Le besoin d’une rénovation de certains de ces actes uniformes se fait de plus en plus

sentir eu égard aux divers mécanismes d’échanges qui naissent sur le marché

international.

B. Les rénovations juridiques à travers la révision des actes

uniformes OHADA

Un système d’intégration juridique, qui a pour ambition de répondre efficacement aux

attentes de ses Etats parties, doit pouvoir vivre avec son temps, doit pouvoir s’adapter

aux changements du système commercial, doit pouvoir rénover son corpus juridique

afin de garantir une sécurité juridique permanente dans l’espace d’affaires. A cet effet,

le droit doit être évolutif, doit être aménagé si nécessaire au fil du temps et surtout

s’adapter. Le processus de révision des actes uniformes est nouveau pour l’OHADA.

C’est vrai que le besoin de révision des actes uniformes avait été entrevu depuis le début

des années 2000 mais ce n’est que de nombreuses années plus tard qu’il a pris corps. Il

accompagne le processus d’adoption des actes uniformes et peut même se poursuivre

après que le premier soit arrêté. Il convient donc d’aborder la question des actes ayant

subi ce procédé et des implications à venir.

Deux actes uniformes, révisés le 15 décembre 2010 à Lomé retiendront particulièrement

notre attention dans cette étude : ce sont l’Acte uniforme relatif au droit commercial

général (AUDCG) et l’Acte uniforme portant organisation des sûretés (AUS). Le nouvel

AUDCG issu de la révision intervenue à Lomé le 15 décembre 2010 apporte les

innovations suivantes514

:

- le nombre d’articles augmente passant à 307 contre 289 antérieurement avec un

changement de la numérotation, de même que celui des livres qui sont désormais

513

CJUE, 14 Juin 2011, aff. C-360/09 et CJUE, 6 Novembre 2012, aff. C-199/11. 514 Pedro Santos A., « Commentaires de l’Acte uniforme portant sur le droit commercial général du 15 décembre 2010 », in J. Issa-Sayegh, P.-G. Pougoué et F.M. Sawadogo (sous la direction de), OHADA : « Traité et Actes uniformes commentés et annotés », Juriscope, 4e édition, 2012, p. 231 à 363.

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au nombre de neuf contre six antérieurement ; il est à noter une légère

modification de son appellation515

;

- l’introduction du statut de l’entreprenant (art. 30 à 33), qui constitue l’une des

plus grosses innovations de l’AUDCG révisé, ainsi que des règles de calcul de la

prescription (art. 16 à 29) ;

- la modification en profondeur des règles régissant le registre du commerce et du

crédit mobilier (RCCM) ; au lieu du livre unique de l’AUDCG originaire, quatre

livres lui sont consacrés, directement ou indirectement, à savoir le livre II sur le

RCCM (art. 66 à 72), le livre III sur le fichier national (art. 73 à 75), le livre IV

sur le fichier régional (art. 76 à 78) et le livre V sur l’informatisation du RCCM,

du fichier national et du fichier régional (79 à 100) ; tous ces livres auraient pu

constituer un seul livre en raison des liens qui les unissent, lequel serait

subdivisé en quatre titres ;

- le remplacement du bail commercial par le bail à usage professionnel, ce qui

était déjà le cas en pratique dans les anciens textes, même avant l’harmonisation,

sauf l’appellation, et l’abandon de la notion confuse de fonds commercial ;

- le quasi maintien des règles sur les intermédiaires ;

- la refonte de la réglementation de la vente (art. 234 à 302).

Ces divers aménagements apportés dénotent d’une nécessité commune de rendre plus

moderne le corpus de règles juridiques régissant le droit commercial. A ce jour,

l’OHADA peut raisonnablement se vanter de la réussite d’une telle entreprise juridique,

car son aboutissement ne fut pas quant à lui chose facile, au vu des diverses tractations

et de tout l’intérêt que peut susciter la codification du commerce pour les divers acteurs

économiques en jeu.

S’agissant de l’AUS, la révision a entrainé :

- le changement de numérotation des articles dont le nombre passe de 151 à 228.

- un titre préliminaire traite des définitions et du domaine d’application des

sûretés ainsi que de l’agent des sûretés qui est un professionnel de la gestion des

515

Ce n’est plus l’Acte uniforme « relatif au droit commercial général » mais « portant sur le droit commercial général ».

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131

sûretés d’autrui516

et qui constitue une innovation fondamentale du nouvel acte

uniforme (art. 5 à 11) ;

- les autres titres sont les mêmes que ceux de l’Acte non révisé : ils abordent les

sûretés personnelles, les sûretés mobilières, les hypothèques, la distribution et le

classement des sûretés et, enfin, les dispositions finales.

On peut cependant remarquer, en l’étudiant de plus près, qu’aucune modification

substantielle n’a été apportée aux sûretés personnelles. Néanmoins, dans l’ensemble, les

innovations sont nombreuses. Ce sont, outre l’agent des sûretés, la définition nouvelle

de la sûreté517

, la notion de débiteur professionnel, la distinction entre le gage et le

nantissement fondée sur le fait que le gage porte sur des meubles corporels et le

nantissement sur des meubles incorporels518

, la propriété retenue ou cédée à titre de

garantie (réserve de propriété et fiducie), la réglementation de la publication des sûretés

par l’AUS (art. 50 à 66).

Il est à noter que lors de leur adoption, deux autres actes étaient en cours de révision, en

l’occurrence l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du

groupement d’intérêt économique (AUDSC)519

et l’Acte uniforme portant organisation

des procédures collectives d’apurement du passif (AUPC)520

.

La révision de ces divers actes uniformes ne fut pas chose aisée pour l’Organisation

d’intégration. La méthodologie utilisée est scientifiquement correcte : un bilan critique a

été établi de manière contradictoire avec une expertise et une contre-expertise. Mais le

temps et les moyens investis ont été importants et on peut se demander s’il est

envisageable de réunir à nouveau de tels moyens.

516 L’article 5 de l’AUS révisé y relatif est ainsi libellé : « Toute sûreté ou autre garantie de l'exécution d'une obligation peut être constituée, inscrite, gérée et réalisée par une institution financière ou un établissement de crédit, national ou étranger, agissant, en son nom et en qualité d'agent des sûretés, au profit des créanciers de la ou des obligations garanties l'ayant désigné à cette fin ». 517

« Une sûreté est l’affectation au bénéfice d’un créancier d’un bien, d’un ensemble de biens ou d’un patrimoine afin de garantir l’exécution d’une obligation ou d’un ensemble d’obligations, quelle que soit la nature juridique de celles-ci et notamment qu’elles soient présentes ou futures, déterminées ou déterminables, conditionnelles ou inconditionnelles, et que leur montant soit fixe ou fluctuant » (AUS révisé, art. 1). 518 Pedro Santos A., « Commentaires de l’Acte uniforme du 15 décembre 2010 portant organisation des sûretés, in OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et annotés », op. cit., p. 847 à 973. 519

Adopté le 30/01/2014 à Ouagadougou (BURKINA FASO), entré en vigueur le 05/05/2014, publié dans le Journal Officiel n° Spécial du 04/02/2014. 520

Adopté le 10/04/1998 à Libreville (GABON), entré en vigueur : 01/01/1999, publié dans le Journal Officiel n° 7.

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Tout ceci a certes abouti à des textes généralement améliorés sur la forme et sur le fond.

Sur un plan d’ensemble, l’approche actuelle de la révision, telle qu’elle a été appliquée

à l’AUDCG et à l’AUS, ne constitue pas seulement un nettoyage des points flous, une

correction des erreurs ou incorrections, un complément là où il y a des lacunes, ou une

révision portant sur quelques points. Elle confine à une réorientation, ce qui peut

désorienter toute personne de bonne foi qui a suivi l’évolution de l’OHADA, surtout

lorsque l’on abandonne l’ancienne numérotation des articles, que l’on crée de nouveaux

statuts comme celui de l’entreprenant dont on peut discuter de la viabilité521

, et que l’on

multiplie les registres ou les livres relatifs aux registres et qu’on change d’acte uniforme

pour les recevoir. On peut aussi émettre des critiques sur les amendements de pure

forme relatifs à des dispositions qui substantiellement demeurent les mêmes. Autrement

dit, des dispositions ont été modifiées alors qu’il n’y avait pas de nécessité et que leur

rédaction ancienne ne posait pas de problème. On a l’impression qu’il fallait modifier

pour modifier.

L’inconvénient majeur tient dans le changement de numérotation des articles. Bien

qu’un tel changement ne concerne que la forme, il présente le grand inconvénient de

produire un effet de dépaysement pour tous ceux qui connaissaient l’ancien acte

uniforme. L’implication directe est qu’il soit à nouveau nécessaire de former tous les

théoriciens et praticiens afin qu’ils maîtrisent le nouvel acte uniforme.

« On a surtout l’impression aux vues de tout ceci, qu’il y a deux camps : celui de ceux

qui ont élaboré ou adopté les actes uniformes, qui n’a pas de défenseur, et le camp des

« réviseurs » qui se rattrapent en déstructurant le travail réalisé »522

. Ce point de vue du

professeur Sawadogo est certes discutable mais n’est pas moins négligeable, étant

donné qu’à ce jour il reste à prouver les effets positifs de ces révisions surtout sur le

marché économique, pour ne parler que de cela. L’impact négatif de cette révision

pourrait être plus important que ce qu’on pense a priori dans la mesure où il s’agit pour

l’essentiel d’un nouveau départ, d’un nouvel acte uniforme. D’autres auteurs

s’interrogent encore sur le fait qu’il soit reproché à ses projets de révision d’être

521

A priori, « l’entreprenant ne risque pas de se tailler une place au soleil, spécialement au plan fiscal où beaucoup d’Etats ont créé un impôt global unique pour le secteur informel (par exemple, le Burkina Faso a créé la Contribution du secteur informe, en abrégé CSI)) et ne semblent prêts à créer un impôt plus faible pour l’entreprenant, ce qui paraît être l’une des conditions de son succès » Rapport OHADA 2013. 522

Sawadogo F., « L’ACTION DE L’OHADA : La gouvernance du processus et l’harmonisation proprement dite », Rapport sur l’effectivité du droit OHADA, p. 27.

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l’initiative de l’ex puissance coloniale plutôt qu’un besoin opportun pour le marché

communautaire. D’autres, pour confirmer cette thèse, soutiennent que les

aménagements apportés tiennent en rien compte des réalités socio-économiques des

Etats membres mais plutôt de la volonté des organisations européennes de maintenir un

contrôle sur l’économie des Etats membres. Diverses positions qui sont aussi

soutenables que discutables.

Autant d’interrogations qui rendent tout à fait logique et opportun que l’on s’interroge

réellement sur l’impact des actes uniformes sur le climat des affaires dans l’espace

harmonisé.

Paragraphe II : L’impact des actes uniformes sur le droit des

affaires OHADA

La bonne mise en application des actes uniformes nécessite la participation de tous les

acteurs concernés: les Etats parties et les organisations professionnelles. Les Etats

membres de l’OHADA sont les principales parties contractantes au traité relatif à

l’harmonisation du droit des affaires en Afrique523

. Cependant, il est encore triste de ce

rendre compte que malgré toutes les mesures prises via ces actes uniformes, l’insécurité

juridique demeure encore dans certains de ces Etats, soutenue par une mauvaise

gouvernance des affaires internes et communautaires. Cependant, il existe aussi bien des

difficultés au sein des organisations professionnelles.

A. Les difficultés de mise en œuvre des actes uniformes

Ces difficultés sont essentiellement dues à l’absence de sécurité juridique et à la

mauvaise gouvernance524

.

La sécurité juridique est un principe de droit qui vise à protéger les citoyens des effets

secondaires négatifs du droit, en particulier des incohérences ou de la complexité des

lois. Dans l’espace OHADA, ce principe n’est pas encore totalement effectif. La

523

Préambule du traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. 524 Sur la question, cf. Jean Alain PENDA, Les systèmes de Common Law en Afrique sub-saharienne : le cas du Ghana, du Nigéria, du Kenya, la Tanzanie et l’Afrique du Sud, Revue spécial ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro spécial, Mars 2014, pages 99.

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collaboration des Etats-partie est limitée du fait de bien des phénomènes internes

publics.

Notamment, relevons la lenteur des états-partie à compléter la législation pour ce qui

concerne le quantum des peines (sanctions pénales). En effet, parmi les dix-sept états

concernés, quatorze525

tardent encore à mettre sur pied une loi pour fixer les peines

applicables aux infractions contenues dans les actes uniformes. Cette lenteur contribue

dans la pratique à la création de zones d’impunité ou encore à l’augmentation du risque

d’existence de sanctions plus souples dans certains Etats ou plus sévères dans d’autres.

Nous présenterons plus spécifiquement ce que nous qualifierons de « lacune juridique

grave »526

dans la suite de notre analyse.

A ceci s’ajoute l’ignorance partielle de la supranationalité des actes uniformes, du fait

d’un réel problème de vulgarisation des actes uniformes vers les justiciables et même

les acteurs de la justice. Car les chiffres énoncés plus haut le soutiennent, l’ERSUMA

qui est chargée de la vulgarisation fait un réel effort mais couvre moins de 30% des

acteurs concernés par cette codification527

pour tout l’espace OHADA, ce qui paraît très

insuffisant au regard des ambitions et du chantier de l’OHADA. Le pire est que certains

états membre de l’OHADA ignorent volontairement la législation communautaire

quand cela les arrange. Ce fut encore très récemment le cas du Bénin dans une affaire

l’opposant à un homme d’affaires investissant dans le Coton au sein de ce pays. On a pu

ainsi remarquer que certaines entreprises publiques réalisant des opérations528

marchandes qui rentrent normalement dans le champ d’application des actes uniformes

OHADA font l’objet d’une double législation, dans certains cas, les actes uniformes

s’appliquent convenablement. Dans d’autres cas, pour les mêmes entreprises, on écarte

délibérément la législation OHADA, et ceci avec une mauvaise foi déconcertante, par

exemple, notons l’absence dans certains pays des organes de relais prévus par

l’OHADA : tribunal de commerce, conseil national de la comptabilité alors que les

textes l’ont expressément prévu. Certains Etats à ce jour ne disposent même pas

d’infrastructures adéquates visant à la promotion du droit communautaire ou à

525 Le Sénégal, le Cameroun et la république Centrafricaine ont respectivement en 1998,2003 et 2010 mis sur pied une loi fixant les peines applicables aux infractions contenues dans l’acte uniforme. 526 Penda J., ibidem. 527

Ibidem. 528 Ibidem.

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encourager la recherche universitaire dans une perspective de développement, le cas de

la Guinée reste le plus inquiétant.

Tout ceci crée une insécurité réelle pour les dirigeants d’entreprises et leurs partenaires

internes (les employés) et externes (investisseurs étrangers)qui ne sont pas souvent

rassurés sur l’étendue du droit applicable en cas de conflit ou d’insuffisance relevée.

Pour ce qui est de la mauvaise gouvernance, la corruption, le trafic d’influence et

l’impunité en sont les conséquences immédiates529

. Elles ont conduit à une dégradation

de la façon dont est rendue la justice, tant dans le droit que dans la déontologie. A ceci

s’ajoutent d’autres éléments comme la formation insuffisante des magistrats et des

auxiliaires de justice en matière économique et financière, comme nous l’avons

souligné, l’insuffisance des moyens mis à la disposition des juridictions, et surtout

l’imprévisibilité des tribunaux dans la bonne lecture du droit.

Certains analystes africains soutiennent que les questions de bonnes gouvernances ne

sont pas encore le propre de nos dirigeants. Des intérêts personnels sont jusqu’à ce jour

au centre des décisions plutôt que de privilégier l’application du droit communautaire.

Tout ceci ralentit considérablement l’efficacité des actes uniformes au plan interne des

Etats. Les organisations professionnelles n’en sont pas moins responsables.

Par rapport à leur fonction, de nombreuses organisations professionnelles devaient

assurer le relais dans la bonne application des actes uniformes OHADA. Il s’agit

notamment des organes ordinaux (Ordre des experts comptables, Ordre des avocats,

Chambre des notaires, Chambre des huissiers, etc.) et des groupements d’employeurs.

Sur le terrain, on a plutôt relevé une quasi-absence de ces organisations professionnelles

dans la formation des acteurs économiques, dans la communication et surtout dans la

mise en valeur des avantages liés à l’harmonisation du droit des affaires dans les Etats

parties. L’UE par contre laisse une place assez conséquente à l’opinion des divers

acteurs dans son élan de codification530

, notamment sur les droits du consommateur531

et

dans diverses situations spécifiques532

et diverses matières533

, mais aussi en matière de

529

Sur ces questions, voir Abarchi D., « Cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p. 22. 530

Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, op. Cit. 531 Cf. les clauses abusives, le client d’un avocat considéré comme un consommateur comme un autre ?, op. Cit. 532 Ibidem.

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droit du travail, notamment les conventions collectives534

, où il est pris grand compte de

la jurisprudence existante535

et des diverses positions soutenues.

L’ERSUMA reste encore une fois, à ce jour la seule institution la plus active dans la

formation, la vulgarisation et la promotion des actes uniformes, ce qui, l’on se le

demande, va durer combien de temps alors qu’on sait que l’appui des Etats et leur

collaboration active est indispensable à cette fin et qu’à ce jour ils ne sont pas encore

tout à fait effectifs. Il s’agit donc une faiblesse majeure qu’il serait opportun de corriger

pour renforcer l’efficacité du droit des affaires OHADA, dans la perspective du

développement des entreprises, et ainsi éradiquer certains obstacles à un impact positif

des actes uniformes.

B. Les obstacles à l’impact positif des actes uniformes

Quatre obstacles majeurs ont réduit sensiblement l’impact positif des actes uniformes

sur l’amélioration du climat des affaires dans les Etats parties. Ces obstacles sont

notamment une fiscalité répressive, une communication institutionnelle insuffisante,

une absence de législation dans certains secteurs spécifiques touchant au droit

communautaire, et une absence de vigilance du législateur OHADA.

Dans la plupart des pays membres de l’OHADA, les recettes budgétaires sont à 80%

d’origine fiscale. C'est-à-dire que l’économie de ces Etats et leur survie, comme entité

organisée, dépendent des impôts et taxes perçues. C’est notamment le cas du Bénin, qui

ne dispose d’aucune ressource minière conséquente et encore moins exploitée et qui

doit faire avec les recettes fiscales. Ce genre d’Etat, et bon nombre d’Etats de

l’organisation sont dans ce cas, présente peu d’attraction pour les investisseurs étant

donné que leur fiscalité est perçue par l’environnement des affaires comme étant très

répressive. C’est une fiscalité des recettes avec des taux d’impôts très élevés. Il s’ensuit

une répression fiscale caractérisée par des contrôles intempestifs, des sanctions

démesurées et une brimade quasi permanente des contribuables. On peut enregistrer à ce

jour dans le cas du Bénin sur lequel nous avons fondé cette étude que plus de trois

533 Cf. Bridier S., « Saisie des comptes bancaires : des créanciers mieux armés contre le défaut de paiement », éditions législatives, Septembre 2014, p.2. 534 Cf. Carpano E., « la CJUE revient sur l’application du droit de la concurrence aux conventions collectives », éditions législatives, février 2015, p.5. 535 CJUE, 4 décembre 2014, Aff. C-413/13 et le célèbre arrêt ALBANY entre autres exemples.

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grandes entreprises ont fermé pour des raisons de redressement fiscal intempestifs et

tout aussi hasardeux. Le dernier cas en date est celle de l’entreprise CAJAF COMMON,

grand pourvoyeur d’emplois et de recettes à l’Etat qui a dû fermer ses portes après un

redressement de plus de 3 milliards de francs CFA.

Pour ne pas subir les agressions fiscales de l’administration des impôts, le secteur

informel s’est donc renforcé par la non-identification des entreprises. Ce secteur est

resté jusque-là en marge de la réglementation OHADA parce que les entrepreneurs ne

veulent pas subir la répression fiscale. Or, ce secteur informel constitue un véritable

manque à gagner et est extrêmement vaste dans tous les Etats membres de l’OHADA.

Une fiscalité de développement fondée sur les taux d’impositions raisonnables, aurait

permis d’identifier un grand nombre d’entreprises rentrant dans le périmètre de la

réglementation OHADA.

Quant à la communication institutionnelle, ni les Etats parties, ni les organes statutaires

de l’OHADA, n’ont mené une communication forte et soutenue pour promouvoir le

droit des affaires dans les Etats parties. On a pu relever sur le terrain que de nombreux

acteurs publics et privés n’étaient pas informés ou très peu informés de l’existence de

l’harmonisation du droit des affaires réalisée par l’OHADA. C’est une faiblesse majeure

qu’il va falloir corriger536

, car les deux organisations publiques (Ministère en charge des

finances et Ministère en charge de la justice) qui participent aux réunions statutaires de

l’OHADA n’ont pas suffisamment fait connaitre à leur environnement537

tous les

avantages de l’harmonisation mise en œuvre par l’OHADA538

. On a pu relever que les

magistrats, formés à l’école de magistrature de Porto-Novo (Benin), une fois rentrés

dans leurs pays respectifs, n’assuraient pas toujours la formation des autres magistrats

comme cela avait été conçu par le législateur communautaire. Ceci nous ramène encore

une fois à cette question de bonne gouvernance et gestion des Etats.

Une absence de législation539

dans certains secteurs spécifiques et une absence de

vigilance du législateur OHADA540

représentent aussi des inquiétudes réelles. Bien que

536

L’UE est très à cheval sur les considérations visant à garantir la sécurité aux investissements étrangers, contrairement au droit fiscal interne des Etats africains. 537 Cf. deuxième partie. 538 Cf. deuxième partie. 539

Cf. en droit européen, Règlement UE, n. 912/2014 du parlement européen et du Conseil, 23 Juillet 2014, JOUE n. L257 du 28 Août 2014. 540

Cf. Carpano E., « L’UE renforce la protection des investissements étrangers », éditions législatives, septembre 2014, p.4.

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la législation OHADA541

évolue très positivement, on peut néanmoins regretter que

certains secteurs primordiaux de l’économie ne soient pas encore dans le champ de

l’harmonisation542

. Il s’agit notamment du secteur agricole, de la législation sur la

concurrence et d’une législation spécifique pour les toutes petites entreprises. Le

législateur OHADA ne semble pas avoir prévu un processus de vigie ou de surveillance,

permettant de s’assurer que les actes uniformes qu’il produit, soient très bien compris

dans les Etats parties ou encore qu’ils fassent l’objet d’une application cohérente. Si ce

processus avait été prévu, il aurait permis à l’OHADA d’identifier les insuffisances de

leur mise en œuvre et d’y apporter en temps opportun des corrections nécessaires. La

faiblesse du processus provient du fait que le législateur OHADA n’a conservé que son

statut normal de législateur qui ne s’assure pas que les lois promulguées soient

appliquées convenablement.

Cependant, nous savons que ce travail d’assurance de la bonne application de la

réglementation OHADA relève de la compétence des Etats. On peut néanmoins se

demander s’il n’y a pas nécessité de revoir ou de s’interroger sur la façon dont s’est

effectué le partage des compétences entre les institutions communautaires et les Etats.

Ceci semble être non seulement une question très importante mais avec diverses

conséquences, eu égard à ce qui précède et à ce qui constitue à ce jour les raisons d’un

échec, certes pas total mais néanmoins réel de l’harmonisation du droit OHADA, dans

cette logique d’un abandon de souveraineté des Etats membres vers un ordre juridique

et judiciaire commun.

541 Cf. en droit européen, dictionnaire permanent – droit européen des affaires, juillet 2014, p.1. 542

Cf. en droit européen, La banque et la finance vont devoir composer avec quatre nouvelles réformes, Dictionnaire permanent - droit européen des affaires, op.cit. , p. 2.

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CHAPITRE II

LES IMPLICATIONS DE L’ABANDON DES SOUVERAINETES

LEGISLATIVES ET JUDICIAIRES

On a coutume de parler d’un « espace », car l’OHADA n’est ni une union politique ni

une communauté économique. Il est au service des Etats parties et à cet effet son action

profite aux Etats parties. En sondant en profondeur les caractéristiques de cet

« espace », l’on se rend compte que l’OHADA est sur la voie de la constitution d’un

véritable ordre juridique qui coexiste avec les ordres juridiques internes des différents

Etats membres de l’OHADA. Cependant, il est déjà survenu des cas de conflits

juridiques et judiciaires entre les dispositions prises par le législateur OHADA et celles

des législateurs nationaux, ignorant certaines fois la suprématie accordée aux

dispositions communautaires par les textes de l’organisation.

Ce pluralisme pose ainsi inévitablement le problème de rapport entre les deux ordres.

L’on perçoit mieux les diverses possibilités de conflits entre l’ordre juridique OHADA

et les ordres juridiques internes étant donné que l’ampleur du domaine des actes

uniformes et les prérogatives exorbitantes de l’instance juridictionnelle communautaire

sont des limites au libre exercice de leurs souverainetés pour ces Etats membres.

Nous abordons cette question étant donné qu’elle est à ce jour une des grandes

problématiques qui freinent l’éclosion et l’extension du droit OHADA. A cet effet, il

sera question de l’ambigüité de la cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux

(Section I) d’une part et d’autre part, des implications de la cohabitation judiciaire dans

l’espace OHADA (Section II).

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Section I : L’ambigüité de la cohabitation du droit OHADA et des

droits nationaux543

En énonçant que: « Les actes uniformes sont directement applicables nonobstant toute

disposition contraire de droit interne antérieure ou postérieure », l’article 10 du

traité OHADA pose le principe de base de la cohabitation entre le droit uniforme tel

qu’il est établi par les actes uniformes et les textes de droit interne des Etats parties au

traité. A cela il faut ajouter que certains actes uniformes comportent eux-mêmes des

dispositions spécifiques, qui peuvent entrainer plusieurs conséquences, quant à leur

champ d’application. Cependant, la suprématie544

des actes uniformes sur le droit

interne ainsi affirmée, ne fait pas obstacle à la survie, dans les limites fixées par le traité

et les actes uniformes, des textes de droit interne. Ces limites accordent une marge de

compétence aux législateurs nationaux en matière pénale, c’est l’une des autres

problématiques que soulève cette question de cohabitation car un véritable boulevard,

un immense vide juridique découle de ces dispositions au plan interne des Etats.

Dès lors, parler de la cohabitation entre les deux catégories de normes revient à cerner

les contours de la portée abrogatoire des actes uniformes545

(Paragraphe 1). Cependant,

dans sa mise en œuvre, le système implique la coexistence des normes de droit interne

et des règles du droit harmonisé et soulève ainsi certaines limites pratiques qu’il

convient également d’aborder (Paragraphe 2).

Paragraphe I : Les contours de la portée abrogatoire des actes

uniformes

Dans la logique de la doctrine moniste, les normes OHADA font bien partie intégrante

de l’ordre juridique applicable sur le territoire national, mais tout en déployant cet effet,

elles conservent leur nature propre et leur autonomie comme normes de l’ordre

juridique OHADA. L’idée est donc celle de la primauté de l’ordre juridique OHADA.

Cette primauté sur les ordres juridiques nationaux est garantie à travers la

reconnaissance et l’affirmation de la supranationalité des actes uniformes. Celle-ci est

543 Sur la même question au plan européen, Cf. Combacau J. et Sur S., op. cit, p 22. 544

Cf. Combacau J. et Sur S., op. cit, p 24. 545 La question de la portée abrogatoire des actes uniformes avait donné lieu à des clarifications très tôt. Les avis de référence restent certainement l’avis N°002/99/EP du 13 octobre 1999 rendu à la requête du Mali par la CCJA.

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prévue par l’article 10 du Traité de l’OHADA. La CCJA a eu l’occasion de conforter la

position des concepteurs du Traité (avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001). Le principe

énoncé par l’article 10 du traité OHADA emporte deux conséquences : en premier lieu,

les dispositions de droit interne, préexistantes à l’entrée en vigueur du droit

communautaire, doivent disparaître de l’ordre juridique interne et en second lieu, il

n’est pas interdit aux législateurs nationaux de continuer à légiférer dans les matières du

droit harmonisé. Toutefois les dispositions qui viendront à être prises ne sauraient aller

à l’encontre d’un acte uniforme.

La difficulté à élucider réside alors dans le contenu du concept de contrariété. Il est

facile d’affirmer qu’un texte est contraire à un autre, qu’il y a incompatibilité entre eux

ou que l’un va à l’encontre de l’autre. En répondant ainsi, la difficulté n’est pas pour

autant définitivement réglée. Deux questions permettent d’en appréhender les contours :

quand doit-on considérer qu’une disposition est incompatible où va à l’encontre d’une

autre et dans quelle proportion l’acte de droit interne comportant cette contrariété doit-il

disparaître de l’ordre juridique?

A. Des compétences fermes pour le législateur OHADA

Les Actes uniformes sont immédiatement et directement applicables dans les Etats

parties à l’OHADA sans qu’il soit nécessaire de recourir aux procédés habituels de

réception des normes internationales dans l’ordre juridique interne. Il y a là une

différence capitale avec les traités internationaux ordinaires. On peut en tirer trois

conséquences en ce qui concerne les rapports entre l’ordre juridique OHADA et les

ordres juridiques nationaux. Le droit OHADA, parce qu’il ne peut être contesté une fois

adopté et entré en vigueur, a un caractère supranational. Parce qu’il a vocation à être

immédiatement et directement applicable dans l’ordre juridique sans une quelconque

procédure de réception dans le droit interne, il revêt un caractère transnational. Parce

qu’il fixe lui-même sa propre place par rapport aux seuls droits internes, il atteste

l’existence et la primauté de l’ordre juridique OHADA. Dans le prolongement de la

question de hiérarchie, se pose la question de l’effet abrogatoire de la norme OHADA.

Dans son avis n° 001/2001/EP du 30 avril 2001546

, la CCJA clarifie le régime juridique

de l’effet abrogatoire posé par l’article 10 in fine du Traité OHADA. Ce dernier, dit

546 Cf. OHADA, textes révisés 2014

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l’avis, est d’application générale et concerne les seules dispositions législatives ou

réglementaires contraires ou identiques.

Il faut envisager plusieurs cas de figure pour rendre compte de la difficulté :

- Un acte uniforme peut poser une interdiction. La contrariété découlera alors de

ce que le texte de droit interne énonce une permission. L’inverse conduit au

même résultat.

- Un acte uniforme peut imposer une obligation de fond ou de forme. Le droit

interne ne saurait, sans être considéré comme allant à l’encontre du texte

OHADA, alléger, supprimer, en restreindre la portée547

.

Dans tous les cas de figure, il y a lieu de prendre en compte le caractère supplétif ou

impératif de la prescription communautaire pour déduire qu’il y a contrariété, emportant

anéantissement implicite de la règle de droit interne. La certitude sur ce principe de

solution s’effrite lorsque le droit interne comporte une institution non prévue par le droit

OHADA, dans une matière tombant sous le champ d’application d’un acte uniforme. Il

revient donc se demander si l’on doit considérer que nonobstant l’absence de similitude

tant dans les règles de constitution que dans les effets, cette sûreté qui s’apparente au

gage sans s’y confondre, doit être considérée comme incompatible avec le droit

communautaire et disparaître de l’ordre juridique. Divers auteurs pensent et soutiennent

que la contrariété doit se limiter aux institutions qui sont dans les prévisions du

législateur OHADA, à moins que l’institution inconnue du droit uniforme ne perturbe

l’économie générale de l’institution du droit communautaire.

L’appréciation de la contrariété est encore plus délicate en matière pénale où fut

instituée une véritable cohabitation entre les législateurs nationaux et

communautaires548

.

547

Avis N°002/99/EP de la CCJA donné à propos du projet de loi malien, il a été jugé que le fait de restreindre les droits ou d’accorder plus de droit que ne l’accordait l’acte uniforme devrait être considéré comme une incompatibilité avec le droit harmonisé. 548 Cf. seconde partie de notre analyse.

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143

B. Des compétences partagées en matière pénale

Il faut rappeler en effet que dans le système OHADA, la détermination des

incriminations est de la compétence du législateur OHADA, pendant que la

détermination des sanctions applicables est laissée à la compétence des Etats parties.

Parfois, l’ordre juridique OHADA renvoie explicitement à l’ordre juridique interne. Le

Traité de I'OHADA s'est déclaré incompétent dans certains domaines complémentaires

indispensables à l’application du droit OHADA. Il en est ainsi de l’organisation

judiciaire549

et des sanctions pénales pour assurer la répression des incriminations

pénales prises par le législateur OHADA (articles 5 et 13 du Traité de I'OHADA). Les

Actes uniformes renvoient aussi régulièrement au droit interne pour compléter et rendre

opératoires leurs dispositions. On peut notamment citer l’article 253 de I'AUPSVE qui

renvoie au droit foncier national pour la réglementation de l’immatriculation des terres

ou l’article 51 du même Acte uniforme qui renvoie aux droits nationaux pour la

détermination des biens et droits insaisissables. De façon générale, les législations

nationales non contraires ou même compatibles550

aux dispositions des Actes uniformes

restent en vigueur. Ceci met en exergue l'importance d'une concertation entretenue entre

I'OHADA et l’ordre juridique interne.

En fait le droit interne complète le droit communautaire, l’incrimination et la peine qui

lui est applicable devant aller de pair. Cependant, il est logique de constater l’énorme

vide juridique que laisse cette disposition au sein de divers Etats membres, les

législateurs nationaux n’ayant prévu aucune disposition pour compléter certaines

infractions spécifiques551

. Cette répartition des compétences entre le législateur

communautaire et les législateurs nationaux ne doit pas faire oublier le principe de la

survivance des normes non contraires y compris en droit pénal. Mais en droit pénal, il

s’y ajoute un autre élément de complication, la règle de l’interprétation stricte de la loi.

Cette dernière considération commande que l’interprète ne s’en tienne pas à une simple

comparaison de textes pouvant se limiter à rechercher l’esprit de la loi. Pour éviter de

viser des faits ou actes différents caractérisant l’incrimination, le texte communautaire

et le texte de droit interne doivent être rédigés à l’identique. Que dire par exemple du

549 Sur la question, voir Djibril ABARCHI, Cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p. 22. 550

Cf. COMBACAU J. et Sur S., op. cit, p 25. 551 Ibidem.

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sort de l’infraction d’ « abus de bien sociaux »552

nouvellement introduite dans le droit

nigérien à la faveur du droit OHADA, et de l’infraction d’ « abus de pouvoirs »,

contenue antérieurement dans le nouveau code de commerce et qui vise avec beaucoup

de similitude, les faits incriminés. Dans cette matière précise, la sécurité juridique

commande que les législateurs nationaux revisitent systématiquement leurs codes

pénaux et abrogent expressément les incriminations présentant des similitudes pour les

remplacer par les incriminations contenues dans les actes uniformes.

Cette solution ne règle pas pour autant la question des infractions non prévues par le

droit communautaire et contenues dans les codes pénaux nationaux, dans le domaine du

droit des affaires. La question à leur sujet est de savoir si le silence du législateur

OHADA vaut intention de dépénalisation. L’on peut légitimement se poser cette

question surtout lorsque l’acte uniforme, comme c’est parfois le cas, prévoit dans ses

dispositions finales, qu’il abroge toutes dispositions contraires relatives à la même

matière qu’il régit553

. La question fut donc de savoir si le texte de droit interne devait

disparaître totalement ou partiellement dès qu’est relevée une incompatibilité entre l’un

de ses articles, l’une de ses sections, l’un de ses chapitres et le droit uniforme.

Une saine interprétation de la portée des dispositions de l’article 10 du traité OHADA

commande que l’on réponde par la négative, à moins que la disposition contraire ne

ruine l’économie générale du texte de droit interne. Tel serait le cas lorsqu’en

retranchant la disposition contraire, le texte perdrait de sa cohérence dans la forme et

dans le fond, ou verrait son objectif principal remis en cause. En d’autres termes il ne

s’agira pas seulement dans cette œuvre comparative du droit interne et des actes

uniformes, que l’interprète se borne à une simple lecture grammaticale. Pour

circonscrire les limites de l’anéantissement du texte de droit interne, l’on doit vérifier

également si le retrait ou l’ajout de la disposition uniforme laisse intact l’esprit du texte

interne. Au-delà de la prescription de l’article 10 du traité OHADA de laquelle on

déduit les limites de la survie des normes de droit interne, plusieurs actes uniformes

apportent des précisions quant à leur portée abrogative554

.

552

Cf. COMBACAU J. et Sur S., op. cit, p 27, sur la régulation juridique internationale. 553 Exemple de l’article 336 de l’acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution. 554 Cf. COMBACAU J. et Sur S., op. cit, p 30.

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L’exemple le plus marquant est celui de l’acte uniforme sur le droit des sociétés

commerciales et Groupements d’Intérêt Economique. Sans nous attarder sur les

dispositions transitoires dont l’analyse ne présente plus d’intérêt compte tenu de

l’expiration de la période transitoire555

, on peut insister sur la portée de l’article 916 qui

laisse une place importante à la cohabitation des normes, en ce qu’il laisse à la

compétence du législateur national le soin de réglementer les sociétés soumises à un

statut particulier556

.

La notion de « société soumise à un statut particulier » n’étant pas circonscrite, on peut

estimer que la latitude est laissée aux législateurs nationaux de soustraire au droit

communautaire les sociétés qu’il voudra bien désigner, l’essentiel étant, pour atteindre

cet objectif, de leur conférer un statut particulier, on pense surtout aux banques, aux

sociétés d’assurance, aux sociétés d’économies mixtes.

Il faut toutefois rappeler, avant de clôturer cet aspect, que la cohabitation peut aussi être

sollicitée par l’ordre juridique OHADA lui-même. Il en est ainsi chaque fois que celui-

ci utilise des concepts, des notions ou des règles provenant de l'ordre juridique interne.

On trouve de nombreux exemples dans les Actes uniformes : la solidarité557

(article 270

AUSCGIE), la prescription558

(articles 16 et 301 à 302 AUDCG), la compensation559

(article 30 AUVE), AUVE et 67 AUPC),la dation en paiement560

(article 25 AUS),

l’incapacité juridique, l'émancipation, les interdictions et les incompatibilités (articles 7

à10 et 170 alinéa 2 AUDCG et7 et 8 AUSCGIE), la définition des parents et alliées

555 Dans le même esprit on mettra de côté la question de la cohabitation résultant de l’application des textes antérieurs aux procédures en cours ou situations nées avant l’entrée en vigueur des certains actes uniformes. 556 L’article 916 de cet acte dispose que « Le présent acte uniforme n’abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un statut particulier. 557 La "solidarité" est le rapport juridique obligatoire qui lie entre eux, deux ou plusieurs créanciers (solidarité active) à deux ou plusieurs débiteurs (solidarité passive) ayant pour effet, dans le premier cas, de donner à chacun des créanciers le droit d'exiger le paiement entre ses mains et sans la présence des autres, de la totalité de la créance et, dans le second cas, de permettre à chacun des créanciers d'exiger de n'importe lequel des débiteurs solidaires qu'il se libère de la totalité de la dette entre ses mains. 558

En France, le délai de prescription est fixé à 5ans en matière commercial. 559

La compensation est l'extinction simultanée de deux obligations de la même espèce existant réciproquement entre deux personnes. Le plus souvent, la compensation concerne des obligations qui portent sur des sommes d'argent. Si les deux obligations ont le même montant, l'extinction sera totale, sinon l'extinction sera partielle. La compensation apparaît à la fois comme un paiement abrégé et comme un paiement par préférence. Le créancier débiteur d'un insolvable a intérêt à compenser. La compensation est d'abord un mécanisme légal, mais elle peut être conventionnelle ou judiciaire. 560 La "dation en paiement" est une opération juridique par laquelle, en paiement de tout ou partie du montant de sa dette, un débiteur cède la propriété d'un bien ou d'un ensemble de biens lui appartenant.

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(article 44 AUVE), les immeubles et les droits réels immobiliers (article 192-2è AUS),

les meubles corporels ou incorporels561

(article 94 AUS), le mandat562

(article 175

AUDCG), etc. La définition de ces concepts, notions ou règles fut recherchée dans le

droit interne stricto sensu.

Les nombreux renvois au droit interne, comme dans le système européen563

, permettent

également d’élargir le champ de la cohabitation564

. Il est vrai, qu’il s’agit là non pas de

véritable cohabitation, puisqu’il n’y a pas d’existence parallèle de normes. Il s’agit

plutôt de confier au législateur national le soin de compléter, à l’interne, le droit

communautaire pour permettre son application. Si la technique est acceptable dans son

principe, il est certain qu’elle concourt également à rendre moins lisible l’uniformité du

droit harmonisé.

Paragraphe II : Les contours de la cohabitation juridique565

Pour mieux circonscrire les règles de droit interne qui subsistent après l’entrée en

vigueur du droit harmonisé, l’idéal est de passer en revue tout le dispositif juridique

interne pour l’expurger des dispositions contraires, et retenir ainsi les normes qui

peuvent cohabiter avec le droit communautaire. A la mise en œuvre, cet exercice donne

du droit interne une image de « maquis juridique »566

. Certains analystes étendent les

effets d’une telle cohabitation aux considérations constitutionnelles, au cœur même de

la souveraineté des Etats567

.

A. Les implications constitutionnelles

Il est important, en soulevant les questions de souveraineté dans l’espace OHADA, de

se demander si l’effet abrogatoire touche aussi les dispositions constitutionnelles.

561

Relève des innovations inspirées du droit français. 562

Désigne un document par lequel des pouvoirs sont transmis, un ordre de faire, ou une autorisation à exécuter. 563 CJUE, 21 Février 2013, aff. Banif plus Bank. 564

Examen d’une clause abusive, et des orientations procédurales à l’attention du juge national. 565 Cf. COMBACAU J. et Sur S., op. cit, p 28 sur la régulation juridique internationale. 566

Termes utilisés en Afrique pour désigner un lieu de détente, ou règne une ambiance peu sérieuse. 567 Cf. COMBACAU J.et Sur S., op. cit, p 29 sur la dimension juridique de l’intégration juridique.

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Nous savons que dans la hiérarchie des normes, les traités et accords internationaux

occupent une place spécifique. Habituellement, on les situe au-dessous de la

constitution mais au-dessus des lois, sous réserve de réciprocité. Mais, on peut se

demander si une telle analyse est parfaitement ajustée à une œuvre d’unification qui, par

définition, bouleverse considérablement l’environnement juridique et judiciaire des

affaires et ouvre la voie à un véritable ordre juridique OHADA.

Le conseil constitutionnel du Sénégal a été très tôt saisi du problème. Dans sa décision

n° 3/C/93 du 16 décembre 1993, il donne une réponse qui ne laisse pas de doute sur

l’OHADA conçu comme instrument de l’intégration juridique. Il estime que la

constitution n’instaure de monopole juridictionnel que dans l’ordre national et non dans

l’ordre international. Si il est vrai que les articles 14, 15 et 16 du Traité de l’OHADA

confèrent certaines compétences à la CCJA568

réduisant d’autant les attributions de la

Cour de cassation, « il n’en résulte cependant, ni changement du statut international du

Sénégal en tant qu’Etat souverain et indépendant, ni modification de son organisation

institutionnelle ; le dessaisissement de certaines de ses institutions, Cour de cassation,

mais aussi Assemblée nationale, ni total ni unilatéral, mais d’une limitation de

compétences qu’implique tout engagement international et qui, en tant que telle, ne

saurait constituer une violation de Constitution, dans la mesure où celle-ci, prévoyant la

possibilité de conclure des traités, autorise, par cela même, une telle limitation de

compétence »569

. Il en a profité pour esquisser un raisonnement sur la force de

l’OHADA. En effet, selon la même décision, « même si les articles soumis à l’examen

du Conseil constitutionnel avaient prescrit un véritable abandon de souveraineté, ils ne

seraient pas inconstitutionnels » pour la raison que le paragraphe 3 du préambule de la

constitution dispose que : « Le peuple sénégalais soucieux de préparer l’unité des Etats

de l’Afrique et d’assurer les perspectives que compte cette unité ; conscient de la

nécessité d’une unité politique, culturelle, économique et sociale, indispensable à

l’affirmation de la personnalité africaine ; Conscient des impératifs historiques, moraux

et matériels qui unissent les Etats de l’Ouest africain. Décide : Que la République du

Sénégal ne ménagera aucun effort pour la réalisation de l’ « unité africaine ».

568 Sur la question, voir aussi Djibril ABARCHI, Cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p. 22. 569

Conseil constitutionnel sénégalais, 16 décembre 1993, Penant, numéro spécial OHADA, 1998, n° 827 p. 225 note Alioune Sall.

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Le Conseil constitutionnel sénégalais fait ainsi de l’aspiration à l’unité africaine, un

principe général de droit constitutionnel. Il s’ensuit que l’OHADA, engagement

international en vue de l’unité africaine570

, serait conforme à la Constitution. Il faut bien

comprendre la portée de cette force juridique OHADA par rapport à l’ordre

constitutionnel. L’ordre juridique OHADA a ainsi une primauté matérielle sur l’ordre

constitutionnel : aucun Etat partie ne pourrait invoquer les dispositions même

constitutionnelles de son droit interne pour justifier la non-exécution des actes

uniformes.

Cette décision a un double mérite. Elle adopte, fort heureusement, une conception

souple et moderne de la souveraineté. Surtout elle approuve et conforte l’OHADA dans

la voie de l’intégration tout court. La question peut même être plus générale dans

l’hypothèse d’une contradiction entre l’évolution du droit OHADA et les prescriptions

constitutionnelles. En se fondant sur l’applicabilité immédiate et directe des normes

OHADA, l’absence des réserves, l’absence de ratification, d’approbation et de

transcription dans l’ordre interne, on s’aperçoit que l’OHADA porte en réalité les

germes d’une supra constitutionnalité. Cette dernière fournit la meilleure explication

aux moyens et méthodes de l’intégration qu’elle préconise. D’un point de vue théorique,

cette conséquence trouve une explication dans le monisme juridique dans le cadre

duquel s’inscrivent les constitutions des pays571

concernés. Mais elle suppose au

préalable la ratification du Traité OHADA or la Constitution reste seule juge de

l’opportunité et des conditions de la ratification.

En cas de contrariété, la révision de la Constitution s’impose pour lui conserver son

« degré supérieur du droit positif »572

. La primauté matérielle de l’ordre juridique

OHADA laisse ainsi sauve la suprématie formelle de la Constitution comme norme

fondamentale de la République573

. Quoi qu’il en soit, sur les traces du législateur

OHADA, le juge constitutionnel sénégalais, comme le conclut le commentateur de la

décision précitée, « ouvre le boulevard de l’intégration, en adoptant une conception

570

Cf. Abdulqawi Y. et Ouguergouz F., l’Union africaine, cadre juridique et institutionnel, éditions A. PEDONE, manuel sur l’organisation panafricaine, 2013. 571 Par exemple, l’article 45 de la constitution camerounaise, Loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. 572

Kelsen H., Théorie pure du droit, Introduction à la science du droit, Neuchâtel, Ed. de la Baconnière, 1937, p. 123. 573

Tchakaloff M.F., et Cohin, la constitution est-elle encore la norme fondamentale de la République ?, Dalloz, 1999, pp. 120 et s.

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souple et moderne de la souveraineté et en élaguant les obstacles juridiques qui

pourraient se dresser »574

.

Malgré la hiérarchie de l’ordre juridique OHADA, il est un constat que ce dernier aura

souvent besoin de l'ordre juridique interne pour s'appliquer, apparait ainsi l’une des

difficultés de ce processus eu égard aux lacunes dont fait preuve le droit interne.

B. Une lisibilité incertaine du droit interne en vigueur575

Un écheveau juridique difficile à démêler : c’est par cette formule que l’on peut

caractériser la situation qui découle de la cohabitation des normes lorsqu’on tente, dans

une perspective pratique, d’expurger les textes de droit interne des dispositions

contraires qu’ils contiennent pour les rendre plus lisibles. Certains Etats s’y sont

essayés, chacun à leur manière576

.

Pour une meilleure lecture du droit applicable, certains ont en effet procédé à

l’opération dite de « mise en harmonie du droit interne avec les actes uniformes ». Il

s’agit, selon une analyse doctrinale assez récente, d’une opération consistant à

déterminer les dispositions du droit interne qui doivent subsister après l’entrée en

vigueur des actes uniformes, ou qui doivent au contraire disparaître de l’ordre juridique

en raison de leur contrariété aux actes uniformes. L’opération à première vue paraît

facile. Elle appelle pourtant à une démarche très fastidieuse dont l’issue reste incertaine.

La substance du droit interne et sa structure sont telles que le tissu juridique apparaît

comme une étoffe toile. Les principales difficultés à surmonter tiennent d’abord à

l’identification des dispositions contraires. Il faudra ensuite se prononcer sur plusieurs

questions dont les réponses sont encore incertaines. En fin de compte, la question

pratique est de savoir s’il faut, pour une meilleure lisibilité du cadre juridique interne,

abroger expressément l’ensemble des textes touchant aux matières harmonisées ou s’il

faut entreprendre un simple « toilettage des textes »577

sur la base de l’abrogation

implicite découlant de la contrariété avec les actes uniformes et après identification des

574 Sall A., « Note sous Conseil constitutionnel sénégalais », 16 décembre 1993, Penant spécial OHADA, 1988, p. 234. 575 Cf. Abdulqawi Y. et Ouguergouz F., op. cit. 576

La guinée, le Niger, le Sénégal entre autres. 577 Cf. Abarchi D., op. cit, p 9.

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dispositions contraires. L’une ou l’autre des formules comporte des avantages et des

inconvénients.

La première formule facilite l’œuvre de clarification. Il suffit de lister les textes

touchant aux matières régies par l’acte uniforme et de prendre un texte d’abrogation.

Mais elle présente le risque de créer des vides juridiques, certains textes comportant des

questions non prises en charge par le droit OHADA. Il n’y a pas de coïncidence

systématique entre tel ou tel texte et le contenu d’un acte uniforme. Au surplus certaines

dispositions des actes uniformes peuvent avoir un caractère simplement supplétif.

La deuxième formule quant à elle, permet d’éviter le vide juridique, en ce qu’elle

consiste en un examen détaillé des articles pour identifier ceux qui sont entachés de

contrariété pour les expurger du texte. Mais elle présente l’inconvénient de créer des

textes qui perdent de leur cohérence structurelle. Au surplus, et c’est là que réside la

difficulté, la comparaison des articles est une opération fastidieuse578

, leur contenu, tant

dans le fond que dans leur écriture, n’étant pas identique. Même rédigé à l’identique sur

un alinéa, l’article d’un texte de droit interne peut comporter une seconde ou plusieurs

autres idées non contenues dans l’article de l’acte uniforme correspondant. Ces

difficultés rapportées à l’échelle de l’ensemble des actes uniformes et de tous les textes

de droit interne, donnent à l’épreuve l’allure d’un chantier inépuisable à bref délai,

sinon sans fin.

De surcroit, l’interprétation interne de la contrariété ne met pas les plaideurs à l’abri

d’une interprétation différente de la CCJA579

ou d’une juridiction quelconque de l’Etat

partie, puisqu’elle ne saurait lier le juge, sans compter les nombreuses problématiques

que soulèvent la cohabitation judiciaire entre l’ordre juridictionnel communautaire

(CCJA) et les juridictions nationales.

578

Ibidem. 579 Ibidem.

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Section II : Les implications de la cohabitation judiciaire dans

l’espace OHADA

Il faut rappeler au préalable que le droit OHADA ne touche pas, pour l'instant au moins,

à l’organisation judiciaire des Etats et aux règles de procédure en général. Les Etats

conservent leur organisation judiciaire antérieure, mais ils seraient tout aussi libres,

malgré l’avènement de l'OHADA mais probablement en tenant compte de cela, de la

modifier. Si, pour des raisons historiques, cette organisation judiciaire est quasiment

identique pour la plupart des pays membres, quelques disparités persistent malgré tout.

C'est pour tenir compte de ces disparités que le législateur communautaire, chaque fois

qu'il était nécessaire de s'y référer, a choisi d'utiliser des termes très généraux comme

celui de juridiction compétente dans l’Etat partie.

Ce rapport entre le droit OHADA et les règles internes d’organisation judiciaire connaît

une dimension particulière de compétence matérielle entre la CCJA et les instances

juridictionnelles internes. D’où il est judicieux d’étudier la coordination de la

souveraineté judiciaire (Paragraphe 1) et la consécration qui va survenir, de l’organe

juridictionnel communautaire en juridiction de dernier ressort (Paragraphe 2).

Paragraphe I : La coordination de la souveraineté judiciaire

Dans un espace communautaire comme l’OHADA ayant une juridiction supranationale

et des juridictions inférieures, l'effectivité de la sécurité judiciaire dépend largement de

la distinction des rôles fondamentaux des différentes juridictions. Cette distinction des

rôles est une garantie d'une bonne administration de la justice, en ce qu'elle organise

une répartition explicite des compétences (A) afin de protéger les parties contre

l'arbitraire et les surprises. Toutefois, pour assurer une telle sécurité des justiciables, il

faut procéder par la distinction des rôles fondamentaux des juridictions, il faut aussi,

dans le même but, qu'il y ait une certaine collaboration entre ces dernières (B).

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A. La répartition des compétences entre la CCJA et les

juridictions nationales

La coordination de la souveraineté judiciaire a été notamment rendue possible dans le

but d'instituer la sécurité judiciaire car elle était nécessaire pour fonder une relation de

supériorité de la CCJA sur les juridictions nationales afin de permettre à cette dernière

de contrôler l'activité jurisprudentielle des autres et d'asseoir, par conséquent, une

jurisprudence uniforme580

.

La décision d'instituer une communauté entre les Etats membres de l'OHADA aurait

conduit le législateur à déployer dans ces derniers un corps de fonctionnaires

spécifiques, dont les juges, pour assurer l'exécution des missions communautaires. En

revanche, les fondateurs de la communauté ont choisi de s'appuyer sur les institutions

locales, notamment les institutions judiciaires, dont les membres sont désormais chargés

de dire le droit supranational sous le contrôle d'une Cour suprême régionale. Ce choix a

imposé une coordination de souveraineté judiciaire entre les différentes juridictions de

l'espace qui s'est traduite par une répartition explicite de compétence entre la CCJA et

les juridictions nationales de fond et un partage implicite de compétences entre la CCJA

et les juridictions nationales suprêmes. Cependant, pour mieux rendre compte de la

répartition, il convient de distinguer la matière arbitrale de la matière judiciaire.

En matière d'arbitrage, la coordination de souveraineté judiciaire dans l'espace OHADA

s'est opérée à travers la répartition explicite de compétence entre la CCJA, les

juridictions nationales de fond et les centres d'arbitrage. A titre illustratif, le système

d'arbitrage de l'OHADA met en exergue deux séries de recours contre la sentence

arbitrale qui renseignent sur le souci de coordination de souveraineté entre la juridiction

communautaire suprême581

, les juridictions nationales et les juridictions arbitrales.

D'une part, l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage a institué, devant le tribunal arbitral, un

ensemble de voies de recours contre les sentences arbitrales, à savoir la tierce

opposition582

et la révision. Il prévoit, en ce qui concerne les juridictions étatiques, que

la sentence arbitrale n'est pas susceptible d'opposition, d'appel, ni de pourvoi en

cassation. Elle peut faire l'objet d'un recours en annulation, qui doit être porté devant le

580

Sur la question, voir Abarchi D., « Cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation, 24 au 26 janvier 2011. 581

Cf. GATSI J., « la jurisprudence, source du droit OHADA », Juriscope 2012. 582 Art.25 de l'AUA.

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juge compétent dans l'Etat partie583

. L'Acte uniforme ajoute que la décision du juge

compétent saisi par un recours en annulation de la sentence arbitrale ne peut faire l'objet

que d'un pourvoi en cassation devant la CCJA584

.

Le législateur communautaire a procédé à une répartition de compétence entre la CCJA,

centre d'arbitrage et les autres centres d'arbitrage de l'espace OHADA. En tant que

centre d'arbitrage, la CCJA, conformément à son règlement d'arbitrage, exerce les

attributions d'administration des arbitrages585

et des fonctions juridictionnelles586

.

Cependant, l'exercice de ces attributions par la CCJA ne remet pas en cause les

compétences arbitrales des autres centres d'arbitrage car l'arbitrage CCJA est facultatif;

cette Cour ne bénéficiant d'aucun monopole en matière arbitrale587

. Par conséquent,

dans l'espace OHADA, les parties à un litige peuvent recourir à un arbitrage organisé

sous les auspices de toute institution permanente d'arbitrage existante ou à naître. Pour

sceller les domaines de compétences de ces différents centres d'arbitrage, l'article 10 de

l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage prévoit que « Le fait pour les parties de s'en remettre

à un organisme d'arbitrage les engage à appliquer le Règlement d'arbitrage de cet

organisme, sauf pour les parties à en écarter expressément certaines dispositions ».

La réglementation de l'arbitrage a donc permis au législateur africain de coordonner les

souverainetés judiciaires dans l'espace OHADA. Il en va de même de la réglementation

des recours judiciaires.

En matière judiciaire, il est institué un partage de compétences entre la CCJA et les

juridictions nationales de fond. L'article 13 du traité prévoit que « Le contentieux relatif

à l'application des Actes uniformes est réglé en première instance et en appel par les

juridictions des Etats parties », alors que l'article 14 dudit texte retient la compétence de

la CCJA en matière de cassation d'une décision rendue en dernier ressort par un juge

national appliquant le droit uniformisé. Grâce à l'article 13 du traité, les juridictions

nationales de fond, c'est-à-dire les juridictions d'instance et d'appel, conservent la

plénitude de leur compétence d'attribution en matière de droit des affaires, en première

instance et en appel.

583 Ce recours suivrait ainsi la procédure de saisine du juge national et non la procédure communautaire. 584

Sur la question, voir GATSI J., ibidem. 585 Articles 2 à 23 du règlement d'arbitrage de la CCJA. 586

Articles 29 à 33 du règlement. 587 GATSI J., ibidem.

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Le juge national de fond est un rouage essentiel dans la garantie de l'effectivité du

mécanisme d'intégration588

. En recevant le pouvoir de dire le droit communautaire en

plus de ses missions anciennes d'ordre étatique, il se retrouve en situation de

dédoublement fonctionnel589

: sans quitter son assise nationale, il accède à la posture

communautaire et devient le juge communautaire de droit commun590

. Cette position est

tout autant consacrée par le droit européen en la matière591

et surtout par une

jurisprudence européenne592

très active.

En effet, tel est aussi le cas du juge national européen mais avec certaines

considérations procédurales spécifiques au droit communautaire européen. En guise

d’exemple, le droit communautaire européen accorde une attention particulière et une

certaine exclusivité au juge national en matière d’orientations procédurales portant sur

l’examen des clauses abusives593

. Sur ce, la question préjudicielle adressée à la CJCE

n’est pas de savoir si une telle clause est abusive, cette appréciation étant du ressort du

juge national, ce qui place ainsi l’affaire sur le plan procédural594

. Dans un arrêt rendu,

la CCJE estime que le juge national, qui a constaté d’office le caractère abusif d’une

clause contractuelle, n’est pas tenu d’attendre que le consommateur595

demande

l’annulation de cette clause afin de pouvoir tirer les conséquences de cette

constatation596

. La cour fut aussi saisie d’une demande préjudicielle, dans trois autres

affaires sur l’interprétation de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993,

concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs. Les

questions posées avaient toujours trait à l’office du juge national597

.

La Cour de justice de la communauté européenne, devenue Cour de Justice de l’UE

depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, avait érigé une jurisprudence qui avait

588

Cf. Dictionnaire permanent du droit – droit européen des affaires, janvier 2014, p.8. 589

Ibidem. 590

Cf. CARPANO E., « Entente : la CJUE constate la durée excessive de la procédure menée par le tribunal », éditions législatives, janvier 2014, p.9. 591

Ibidem. 592

Cf. CJUE, 26 Novembre 2013, aff. C-40/12P ; CJUE, 26 Novembre 2013, aff. C-50/12P et CJUE 26 Novembre 2013, aff. C-58/12P. 593 Cf. Mathieu D., in Dictionnaire permanent – Droit européen des affaires, éditions législatives, Mars 2013, p.5. 594

Ibidem. 595 Ibidem. 596

CJCE, 21 février 2013, aff. C- 472/11, Banif Plus Bank. 597 Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, éditions législatives, juillet 2013, p.6.

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155

fait du droit communautaire598

une véritable source de la procédure civile599

, en donnant

pleine portée juridique à l’article 5 du traité CE600

qui énonçait que « les Etats membres

prennent toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des

obligations découlant du présent traité ou résultant des actes des institutions de la

communauté »601

. La doctrine602

voit en cet article non pas un simple appel à la

coopération communautaire ou encore un simple article introductif au traité mais surtout

une véritable garantie de voie juridictionnelle accordée au justiciable603

, le droit à un

recours juridictionnel effectif, pour faire respecter les droits qui résultent des

dispositions communautaires de l’UE604

.

Par ailleurs, la cour de justice avait reconnu l’existence de principes généraux du droit

communautaire résultant des traditions constitutionnelles des Etats membres et ayant

inspiré la Convention EDH605

. Le conseil d’Etat français a d’ailleurs reconnu, le 3

décembre 2001, la valeur supra-législative de ce recours juridictionnel

communautaire606

.

Une exclusivité en matière de recours fut accordée aussi à l’instance communautaire

européenne sur le principe de non-discrimination607

. Par un arrêt du 1er

juillet 1993, la

Cour de justice a jugé sur ce fondement qu’il était contraire au principe en question et

au libre accès à la justice d’imposer une caution judicatum solvi608

au prétexte de

l’extranéité du demandeur, alors que ce dernier était ressortissant de l’UE609

. Il faut

retenir que l’article 220 du traité CE610

, engageait les Etats membres à une sorte de

rapprochement pour favoriser la simplification des formalités de reconnaissance et

598 Devenu droit de l’union européenne. 599 Sur le rôle joué par la Cour de justice, cf. Rapport du conseil d’Etat 1992, p. 44 ; aussi rapport de la CJCE, Gazette du palais, du 12 Décembre 1995. 600

Devenu article 10 du nouveau traité. 601

Article 10 traité de Lisbonne. 602

Guinchard S., et al, Procédure civile – Droit interne et droit de l’Union Européenne, 3e éditions Dalloz,

p.26. 603

Ibidem. 604

Ibidem. 605 In Simon D., Y a-t-il des principes généraux du droit communautaire ?, Droits 1991, P.14 – 73. 606 Cf. Rapport du conseil d’Etat, 2001. 607

Article 12, traité CE, aujourd’hui article 18 TFUE. 608 Guinchard S. et al, op. cit., p. 29. 609

CCJE, 1er

juillet 1993, hubbard, aff C 20/92, DIP 1994. 610 Devenu article 293 TFUE.

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d’exécution réciproque des décisions judicaires et des sentences arbitrales, ce que

réalisait auparavant la convention de Bruxelles611

.

Le constat, au niveau de la CCJA, reste que de cette répartition de compétence entre les

juridictions nationales de fond et la Cour régionale, découle la prééminence de la

dernière sur les premières. Avec l'avènement de la juridiction communautaire, l'on n'a

donc pas assisté à la fin du règne des juridictions nationales. Le législateur

communautaire a renforcé encore plus cette la coordination de souveraineté en instituant

une coopération judicaire entre la CCJA et les juridictions nationales.

B. L’institution de moyens de coopération judiciaire

Une coopération judiciaire fut également instituée entre les juridictions nationales de

fond et la Cour commune à travers la réglementation du recours consultatif et fut aussi

établie une collaboration judiciaire entre les juridictions nationales et la CCJA d'une

part, et les juridictions arbitrales, d'autre part.

Le recours consultatif fut un premier moyen de coopération judiciaire afin d'établir et de

maintenir le dialogue et la coopération entre la juridiction supranationale et les

juridictions nationales de fond. Le législateur communautaire a prévu le recours

consultatif sur contentieux. Il ressort de la combinaison des termes des articles 13 et 14

alinéa 2 du traité que ce recours est exercé par les juridictions nationales d'instance et

d'appel saisies d'un contentieux relatif à l'application du droit uniforme, ce qui toutefois

embarrasse sur la possibilité pour les juridictions arbitrales de pouvoir solliciter l'aide de

la Cour supranationale sur le contentieux dont elles sont saisies.

En assurant ainsi une collaboration judiciaire entre les juges du fond et la CCJA, le

législateur communautaire jette les bases du respect de la légalité communautaire car

cette collaboration permet aux juridictions nationales d'être éclairées par l'interprétation

de la Cour commune. A cet effet, le recours consultatif est vu comme un facteur de

respect de la légalité et un instrument de coopération judiciaire.

611 Par conséquent, les dispositions de cette convention ainsi que les dispositions nationales auxquelles elle renvoie sont liées au traité CE, c'est-à-dire entre dans son champ d’application au sens de son article 12, devenu article 18 du TFUE.

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L’autre type de coopération se fera à travers une procédure de renvoi devant la CCJA.

Le renvoi est donc un instrument de coopération judiciaire entre la Cour de cassation

nationale et la Cour commune car il entraine le dessaisissement immédiat de la première

juridiction qui saisit indirectement la seconde d'un pourvoi en cassation avec

l'obligation de transmission de « l'ensemble du dossier de l'affaire, avec une copie de la

décision de renvoi » à la Cour supranationale612

.

Il faut préciser toutefois que le renvoi et le recours consultatif sus évoqués ne sont pas

les seuls facteurs de coopération judiciaire dans l'espace OHADA. Il en va de même de

l'assistance judiciaire à l'arbitrage.

Il s’agit d’une technique de collaboration judiciaire, effectuée par les juridictions

nationales et la CCJA. De façon générale, les juridictions nationales jouent le rôle

d'appui à l'arbitrage traditionnel, c'est-à-dire à l'arbitrage ad hoc et à l'arbitrage des

centres d'arbitrage déjà existants ou à créer, tandis que la CCJA exerce ce rôle en ce qui

concerne l'arbitrage se déroulant sous son égide. Plus spécifiquement, l'Acte uniforme

relatif à l'arbitrage établit une collaboration judiciaire entre la juridiction arbitrale et les

juridictions nationales.

En effet, il en ressort par exemple que la sentence dessaisit l'arbitre du litige, ce dernier

ayant néanmoins le pouvoir de l'interpréter ou de réparer les erreurs et omissions

matérielles qui l'affectent. Lorsque l'arbitre a omis de statuer sur un chef de demande, il

peut le faire par une sentence additionnelle. Dans l'un ou l'autre cas susvisé, la requête

doit être formulée dans le délai de 30 jours à compter de la notification de la sentence.

Le tribunal dispose d'un délai de 45 jours pour statuer. Si le tribunal arbitral ne peut à

nouveau être réuni, ce pouvoir appartient au juge compétent dans l'Etat partie613

.

De même, l'article 14 de cet Acte uniforme prévoit que « Si l'aide des autorités

judiciaires est nécessaire à l'administration de la preuve, le tribunal arbitral peut d'office

ou sur requête requérir le concours du juge compétent dans l'Etat-partie ».

En résumé, il est donc évident que cette collaboration est indispensable pour garantir la

sécurité judiciaire car elle concourt au respect de la légalité en permettant, par exemple,

aux juridictions inférieures de consulter la juridiction suprême avant de trancher un

612

Article 51 du règlement de procédure de la CCJA. 613 Article 22 de l'AUA.

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point de droit qui nécessite une certaine interprétation et à la juridiction suprême de

contrôler l'action des juridictions inférieures. Cependant, de nombreuses critiques

relativisaient très concrètement la place de la CCJA par rapport aux cours suprêmes des

Etats membres. Qualifiant le processus de faillible, il est question surtout d’appréhender

le fait pour le droit communautaire d’avoir érigé une instance juridictionnelle

communautaire en juridiction de dernier ressort.

En droit communautaire européen, depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne614

,

« les restrictions qui avaient été apportées par l’article 68 du traité CE615

au renvoi

préjudiciel dans le cadre du titre IV du traité CE616

ont été levées et désormais, toute

juridiction d’un Etat membre peut opérer un tel renvoi préjudiciel en interprétation des

textes européens en matière de coopération judiciaire civile, en application de l’article

267 TFUE617

, texte général relatif au recours préjudiciel en interprétation des traités et

en validité ou interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de

l’Union618

»619

.

Paragraphe II : La consécration de l’organe juridictionnel

communautaire en juridiction de dernier ressort

La création du droit OHADA par la jurisprudence se fait prioritairement par la plus

haute instance juridictionnelle de la communauté sur la base des arrêts, agissant alors

comme juridiction de cassation. A cet effet, l'examen des dispositions des articles 14 et

15 du traité, permet de réaliser que le contrôle de l'interprétation et de l'application des

Actes uniformes revient exclusivement à la CCJA en matière de cassation au détriment

des juridictions nationales suprêmes qui, saisies à tort de ces questions, doivent se

déclarer incompétentes et renvoyer l'affaire devant la CCJA. Il est resté un nœud dans

cette interprétation, concernant la place des cours suprêmes des Etats dans le processus

judiciaire, voire la supériorité ou non de l’instance communautaire. Car pris en l’espèce,

cela revient à dire que, eu égard aux décisions de l’instance communautaire, il existe

614 1er décembre 2009. 615 Visas, asile, immigration, autres politiques destinées à la libre circulation des personnes. 616

Guinchard S., op. Cit. , p.30. 617 Ancien article 234 du traité CE. 618

Ibidem. 619 Ibidem.

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une autorité de la CCJA sur les instances suprêmes internes (A), malgré certaines

limites pratiques (B).

A. L’autorité de la CCJA sur les Instances suprêmes internes

« Certaines fois, des lois s'imposent, comme pour ce qui est de la détermination de la

juridiction destinée à apposer la formule exécutoire sur les arrêts de la CCJA et les

sentences arbitrales. Dans d'autres cas et de manière générale, c'est la doctrine qui le

suggère. De ce point de vue, il a été plusieurs fois proposé la nécessité de réformer

l’organisation judiciaire des Etats membres comme condition, sinon de mise en œuvre,

du moins d'efficacité du droit OHADA. Sur la question, la CCJA est dans une sorte de

concurrence directe avec les juridictions suprêmes des Etats membres »620

.

La délimitation de compétence matérielle entre la CCJA et les Cours Suprêmes est

abordée par les articles 14 et 18 du Traité OHADA. De façon générale, lorsque l’acte

uniforme est applicable, le juge de cassation est la CCJA. Mais, un problème particulier

de compétence se pose entre la CCJA et le juge de cassation national lorsque le

contentieux est connexe, mettant en jeu à la fois le droit OHADA et le droit interne non

harmonisé. La Cour suprême du Niger, confrontée à ce problème, a reconnu sa

compétence. La solution est délicate. On a alors proposé d’instituer un ministère public

près de la CCJA qui, dans ces hypothèses, pourrait former un pourvoi dans l'intérêt de la

loi. D'autres acteurs du système proposèrent une autre voie, à savoir le recours plus

fréquent des juridictions de fond à la procédure d'avis consultatif de la CCJA.

La lecture combinée des articles 10, 15, 16,17 et18 du Traité suggère une autre piste.

Lorsque le litige comporte un élément faisant hésiter sur la compétence juridictionnelle

au niveau de la cassation, il convient avant tout examen au fond de trancher cette

question de compétence. Puisque le droit uniforme OHADA est nécessairement en

cause, la juridiction nationale saisie devrait, en application des articles 15 et 16 du

Traité, renvoyer l'affaire à la CCJA qui doit alors se prononcer sur sa compétence. Si

une partie a un doute sur la compétence de la CCJA, elle devrait, en vertu des articles 17

et 18, saisir cette Cour qui dispose de trente jours pour se prononcer si l'incompétence a

été soulevée (article 17), et de deux mois si l'affaire avait connu un début d'examen par

une juridiction suprême nationale estimée incompétente (article 18).

620 Cf. Sawadogo F., ibidem.

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A titre transitoire, l'article 9 du traité révisé attribuera implicitement la connaissance des

pourvois aux Cours de cassation nationales au détriment de la CCJA. Il en ressort que «

les Actes uniformes sont publiés au Journal officiel de l'OHADA par le Secrétariat

permanent dans les soixante jours suivant leur adoption. Ils sont applicables quatre-

vingt dix jours après cette publication, sauf modalités particulières d'entrée en vigueur

prévues par les Actes uniformes ». La lecture de cette disposition permet d'établir la

compétence des juridictions nationales suprêmes en ce qui concerne la connaissance des

pourvois mettant en cause l'application du droit des affaires national ou, éventuellement,

d'un Acte uniforme avant les quatre-vingt dix jours après leur adoption. Entre la date de

l'adoption et la date de leur application, l'examen d'un pourvoi soulevant même une

question relative à l'application d'un Acte uniforme, ne relève pas de la compétence de

la CCJA, la compétence de cette dernière Cour étant subordonnée à l'entrée en vigueur

d'un texte communautaire avant la saisine des juridictions de fond d'une affaire

soulevant une question relative à son application. Cette exclusivité de compétence

transitoire est aussi consacrée par certaines dispositions transitoires des Actes

uniformes, notamment l'article 337 de l'AUPSRVE621

qui précise qu'il « sera applicable

aux mesures conservatoires, mesures d'exécution forcée et procédures de recouvrement

engagées après son entrée en vigueur ». Ceci veut dire, a contrario, que les mesures et

procédures engagées avant l'entrée en vigueur dudit texte, restent soumises aux droits et

procédures nationaux et que par conséquent, seuls les juges nationaux suprêmes

demeurent compétents dans ces cas622

. De façon plus évidente, l'article 150 alinéa 2 de

l'Acte uniforme portant organisation des sûretés établit la compétence transitoire des

juridictions nationales de cassation en précisant que « Les sûretés consenties ou

constituées ou créées antérieurement au présent Acte uniforme et conformément à la

législation alors en vigueur restent soumises à cette législation jusqu'à leur extinction ».

Toutefois, cela suppose, d'une part, que l'on soit sensible à un minimum de courtoisie à

l'égard de la CCJA découlant du caractère supranational du droit OHADA et de la

nature quasi - fédérale de cette haute juridiction, d'autre part qu’il, y ait une parfaite

collaboration entre les cours suprêmes nationales et la CCJA. L'enjeu supérieur de

l'harmonie du droit uniforme et de la sécurité des justiciables l'y invite.

621 Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution. 622 De même, l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif, en son article 257, prévoit l'abrogation de toutes les dispositions nationales antérieures et précise qu'il « n'est applicable qu'aux procédures collectives ouvertes après son entrée en vigueur ».

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Des consultations faites, il résulte que certains pensent même qu’il faut reconsidérer la

compétence de la CCJA, soit lui reconnaître le seul recours préjudiciel, soit un rôle de

juge de renvoi après cassation qui serait de la compétence des juridictions suprêmes

nationales.

Une autre difficulté est relative au sursis à exécution en cas de pourvoi en cassation

dans le cadre du contentieux du droit OHADA. Normalement, le pourvoi en cassation

ne suspend pas l'exécution. Mais, un sursis à exécution peut être accordé, il suppose

nécessairement une appréciation d’opportunité. Seul le juge appelé à connaître du

pourvoi pourrait porter un tel jugement. Dans l’hypothèse qui nous intéresse, la CCJA

est le seul juge de cassation. Logiquement, il lui revient d’apprécier et de prononcer le

sursis à exécution à l’exclusion des Cours Suprêmes des Etats parties à l’OHADA.

Malheureusement, les textes actuels de l’OHADA ne consacrent pas ce pouvoir. Mais,

en tout état de cause, un texte interne qui accorderait un tel pouvoir à une juridiction

nationale violerait le Traité de l’OHADA dans ses articles 13 et 16 relatifs à la

compétence exclusive de la CCJA, une compétence exclusive qui confère logiquement à

ses décisions l’autorité de chose jugée.

Il faut aussi ajouter que les juridictions communautaires, européennes et africaines, ont

le mérite d’être une véritable source du droit communautaire sur certaines questions

fondamentales623

qu’elles tranchent. L’exemple le plus récent est celui de la CJUE qui

s’est inscrite en guide de la codification des investissements dans l’espace judiciaire

européen624

, retenant la possibilité d’une action en responsabilité délictuelle625

ou quasi-

délictuelle626

en la matière627

.

Cependant, certaines limites pratiques constitueraient encore une fois une entrave à son

effectivité.

623 In Masmi-Dazi F., « la CJUE guide les investissements lésées dans l’espace judiciaire européen, éditions législatives », éditions revue législative, Mars 2015, p.3. 624

Ibidem. 625 Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, Mars 2015, p.2. 626

Ibidem. 627 Ibidem.

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162

B. Les limites pratiques628

A titre définitif, il existe un partage tacite de compétence judiciaire entre la CCJA et les

juridictions nationales suprêmes. En effet, d'après l'article 14 du traité, la Cour

commune assure l'interprétation et l'application commune du traité, des règlements pris

pour son application et des Actes uniformes629

. S'agissant du droit substantiel, elle est

compétente pour connaître des matières qui ont fait ou feront l'objet d'Actes uniformes.

Si la compétence de la CCJA est ainsi établie en ce qui concerne le droit des affaires

unifié ou à unifier, il y a lieu de noter que les juridictions nationales demeurent

compétentes pour les autres matières, en l'occurrence le droit civil des personnes, des

biens et des incapacités630

.

Aussi, l'exploitation de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées

de recouvrement et des voies d'exécution permet d'établir la compétence implicite, et à

titre définitif, des juridictions nationales suprêmes en ce qui concerne la connaissance

des procédures de droit commun. En effet, en dehors des procédures simplifiées de

recouvrement, d'injonction de payer, de restituer ou de délivrer un bien meuble corporel

prévues par l'Acte uniforme lui-même, les procédures nationales de droit commun

restent non abrogées et relèvent, en cassation, de la compétence des juges nationaux

suprêmes . En précisant en son article 336 qu'il « abroge toutes les dispositions relat ives

aux matières qu'il concerne dans les Etats parties », l'AUPSRVE conforte cette

affirmation631

.

L’autre point essentiel à ce jour est celui de l’exequatur des décisions rendues par la

juridiction communautaire, devant s’appliquer au plan interne d’un Etat. C’est à ce jour

une difficulté pratique étant donné que la volonté politique est très présente surtout

lorsqu’il s’agit de la condamnation de bailleurs de fonds importants qui exercent

d’énormes pressions sur les Etats. La sentence peut aussi toucher l’Etat et dans ce

contexte, son autorité de chose jugée reste encore une fois très relative, ce fut

dernièrement le cas de la condamnation du Bénin dans une affaire qui l’opposait à un

628

Sur la question des limites, voir aussi MOMO J., « Rapport OHADA : L’efficacité des actes uniformes sur le climat des affaires dans les Etats membres de l’OHADA », publié en 2012. 629

Les juridictions nationales suprêmes ont donc encore des compétences propres, notamment les compétences sociales, coutumières, criminelles, correctionnelles, administratives et en matière des comptes 630

La CCJA entérine ce partage de compétence dans son arrêt n° 010/2005 du 29 juin 2006, RJCCJA n' 7, janvier-juin 2006, p. 16 et s. 631

La doctrine communautaire est très divisée sur la question. Certains la présente plus comme une faiblesse qu’un compromis entre instances suprêmes internes et communautaire.

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homme d’affaires béninois. La CCJA a condamné l’Etat à plusieurs milliards de FCFA

en règlement du préjudice subi. A ce jour, cette décision n’a toujours pas été exécutée.

L’Etat menace même de quitter l’organisation en cas de mesures de contraintes plus

lourdes.

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Conclusion de la Partie I

Aux termes de cette première partie de notre étude, nous avons fait le tour de tout ce qui

peut être considéré à ce jour comme les acquis d’une réussite du système d’intégration

de l’OHADA. Nous avons aussi et surtout soulevé diverses limites qui ralentissent son

action et rendent très problématiques l’extension de l’organisation à ce jour et la mise

en œuvre de ses projets et perspectives d’intégration632

.

Au-delà, il faut de façon concrète se demander si l’OHADA atteint son objectif

fondamental qui est de contribuer au développement économique et social et, en

conséquence, assurer plus sensiblement et plus visiblement l’amélioration des

conditions de vie des populations633

. L’on sait que le droit est un instrument efficace et

peu onéreux de promotion du développement économique.

Les actes uniformes nés du Traité de Port-Louis n’ont pas, comme le reconnaît le Pr

Sakho, véritablement été un big-bang pour le corpus du droit des affaires. Ils n’ont pas

véritablement été une avancée notable pour certains Etats déjà très évolués

juridiquement. Dans ce domaine, le Sénégal et le Bénin avaient une longueur d’avance

sur bon nombre de pays fondateurs tels que le Tchad et le Niger par exemple, qui

appliquaient encore les dispositions du Code napoléonien de 1867 dans diverses

matières du droit des affaires. Mais une chose est de mettre en place un nouveau droit,

moderne en l’occurrence, grâce aux actes uniformes afin de stimuler l’investissement,

assurer la sécurité juridique des affaires, assainir le marché communautaire et une autre

est d’avoir une justice crédible pour l’appliquer dans les Etats membres634

.

Tout récemment, un reportage diffusé sur Tv5 faisait part de la justice populaire

expéditive à laquelle les malfrats étaient soumis dans les rues de Douala et Yaoundé.

“C’est parce que la justice est corrompue et que les citoyens ne lui font pas confiance”,

expliquait, sans détours, un avocat interrogé par le reporter. Qu’aurait-il répondu s’il

s’agissait de juger le contentieux commercial ? De surcroît, la lecture du classement

établi par l’indice de perception de la pauvreté publié récemment par Transparency

international montre que parmi les quatre pays membres de l’OHADA pris en compte

632 Cf. Apollinaire A. de SABA, « Le recouvrement de la dette publique intérieure dans les Etats de l’OHADA », Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 3, Août 2013, pages 216. 633

Ibidem. 634 Ibidem.

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165

par l’enquête, aucun n’a vraiment la cote : le Sénégal est le mieux classé avec 3,2 points

sur 10 qui lui confèrent la 76ème

place. Le Cameroun, la Côte d’Ivoire et le Mali sont

classés respectivement 124ème

, 118ème

et 76ème

. Sur 133 Etats auxquels l’enquête s’est

intéressée, il est donc fort probant que la sécurité juridique tend prônée par

l’Organisation est plus une utopie, un mythe, qu’une réalité effective.

Ceci ne jette pas pour autant une absence de crédibilité sur l’avancée de l’ordre

juridique communautaire. Des dispositions uniformes garantissent au moins à ce jour

une certaine crédibilité de l’espace économique, sans compter le travail actif effectué

par les divers organes et institutions de l’OHADA.

Cependant, compte tenu des transformations que subit le marché international et avec

le développement institutionnel et les actions entreprises, se pose la question du

maintien du système OHADA mis en place qui pourrait, si rien n’est fait, si des

solutions adéquates ne sont pas trouvées, voir ses efforts de ses vingt (20) dernières

années tomber à l’eau, et se retrouver totalement impuissant sur un marché qui n’a de

place, ni pour l’incompétence, ni pour les systèmes nonchalants635

.

D’où l’intérêt d’aborder dans la suite de ce travail, notre seconde partie consacrée à la

nouvelle dynamique du droit communautaire OHADA636

, où des solutions637

seront

apportées pour redonner à cet ordre juridique toute sa noblesse et son efficacité

maximale.

635 Cf. NDAM I., « la coordination de souveraineté dans l’espace OHADA », Revue togolaise de droit des affaires et d’arbitrage Les Mercuriales, Trimestrielle numéro 4, Décembre 2011. 636 Sur la question, voir SAWADOGO F., « Rapport de l’OHADA : la gouvernance du processus et l’harmonisation proprement dite », publié en 2012. 637 Ibidem.

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SECONDE PARTIE

LES SOLUTIONS POUR UNE NOUVELLE DYNAMIQUE DE

L’ORDRE JURIDIQUE HARMONISÉ OHADA

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L'OHADA constitue un progrès certain pour la sécurisation des affaires en Afrique. Elle

a permis à ses États membres de se doter d'une législation moderne et attractive pour un

large pan du droit des affaires. Ce succès rend nécessaire une évaluation constante638

de

son fonctionnement et du contenu de son droit afin de le préserver.

A cette étape de notre étude, il n’est plus seulement question de présenter l’OHADA

comme un modèle régional de communautarisme639

mais plutôt de relever très

objectivement les faiblesses et les limites à son ascension. Il est surtout nécessaire de

proposer des solutions et des recommandations pratiques et efficaces afin de faire de ce

modèle d’organisation, non seulement une référence africaine en terme d’ordre

juridique communautaire abouti mais aussi et surtout une organisation incluant toutes

les variantes nécessaires à sa nouvelle perspective d’intégration640

et d’extension641

.

Les objectifs fondamentaux assignés à l’OHADA dans le Traité642

, tels la sécurité

juridique et judiciaire ou encore l’unification643

générale des législations en droit des

affaires, ne se révéleraient-ils pas utopiques si persistent des incohérences et diverses

sources d’hétérogénéité normative et de dissonances ? La survenance du risque de

conflit normatif peut-elle être exclue dans un contexte de disparité644

et d’incohérence645

des sources de la réglementation des affaires au sein de l’espace OHADA646

?

Autant d’interrogations qui montrent tout l’intérêt de cette analyse. En effet, l’OHADA,

comme l’illustre notre première partie, a enregistré d’importantes innovations qui sont

des acquis, des innovations en termes de coopération, d’organisation institutionnelle, de

dispositions juridiques communautaires, d’organisation juridictionnelle et de règlements

de conflits. Elle a aussi annoncé lors de son 20e anniversaire son intention de s’étendre

638 C’est une condition fondamentale dans la mesure où le droit entend que la science est en perpétuelle évolution. 639 Nous sommes passé des acquis et du fonctionnement aux diverses mesures nécessaire pour la rendre plus attractive. 640

Sécurité juridique et ordre juridique étendu. 641

Mise en place d’un système de perspective visant à intégrer d’autres Etats africains 642

Traité créant l’organisation, signé à Port-Louis. 643

C’est une question encore très problématique eu égard à la dénomination et aux actes uniformes OHADA 644

Les Etats membres de l’organisation viennent de divers clivages culturels et de réalités économiques et sociales diverses, ce qui constitue l’une des problématiques du droit de l’OHADA dans son élan de codification 645 Des dispositions contradictoires d’un Etat à l’autre. 646

L’une des nombreuses illustrations de cette primauté de l’OHADA par rapport aux dispositions de droit national est consacrée à l’article 20 du Traité, qui pose le principe de l’autorité de la chose jugée et de la force obligatoire des décisions de la Cour Commune et d’Arbitrage de l’OHADA par rapport aux décisions juridiques nationales.

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vers des Etats africains francophones647

, mais aussi et surtout vers des Etats

anglophones et arabes648

, ce qui justifie des travaux visant à traduire divers textes

importants pour les rendre plus accessibles.

Notre étude trouve aussi son intérêt dans le besoin, voire le devoir, que nous avons en

tant que scientifique africain, en tant que cadre ou élite africaine, de réfléchir aux divers

mécanismes et aux solutions à apporter afin de redynamiser649

juridiquement le droit

communautaire mais surtout d’œuvrer dans cette logique d’un développement

économique650

de nos Etats membres651

. Le monde des affaires aujourd’hui, avec l’essor

de la mondialisation, n’est plus un champ de bataille qui verra surgir un héro sauveur de

l’Afrique. Le développement est l’affaire de tous, et surtout constitue un enjeu commun

auquel nos Etats devront faire face ensemble. Il y va de l’intérêt de tous652

.

A cet effet, voici dans la suite de ces développements notre pierre à l’édifice africain,

notre participation à l’éclosion d’un modèle panafricain de développement juridique et

surtout économique, notre apport à la refondation de l’ordre juridique OHADA.

Il y sera ainsi question, d’une part, de l’analyse critique des acquis du droit uniforme

OHADA (Titre I) et d’autre part, de la présentation de nos recommandations pour la

réussite des nouveaux enjeux et de la nouvelle vision d’intégration africaine de

l’OHADA (Titre II).

647

Constituant plus de 95% des Etats membres actuels. 648

L’adhésion de la République Démocratique du Congo, dont le processus est engagé depuis plusieurs années, porte à dix-sept (17) les États parties et, surtout, compte tenu du poids et de la situation particulière de ce pays situé au carrefour de plusieurs espaces d’intégration régionale, doit renforcer notablement l’influence de l’organisation. 649 Un ordre juridique non exempt de critique et nécessitant des aménagements importants. 650 Ce développement économique qui est la raison numéro 1 de l’existence de l’OHADA. 651

La volonté politique est très forte dans toute œuvre de coopération internationale et juridique aussi élargie 652

C’est plus un appel au conscience et à l’intellect africain afin que nos travaux ne soient vains et apporte un plus essentiel au développement du continent Africain.

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TITRE I

L’ANALYSE CRITIQUE DES ACQUIS DU DROIT UNIFORME OHADA

C’est la base de toute approche de solutions. Dans l’intention de rendre plus efficace

l’ordre juridique communautaire, il est important d’en soulever les insuffisances, à

travers une analyse critique des acquis autant juridiques que judiciaires afin de répondre

au mieux aux attentes de l’organisation653

.

L’approche normative654

et l’approche juridictionnelle655

de l’OHADA nous

intéresserons avant tout dans cette perspective de solutions étant donné que notre étude

reste juridique et s’intéresse peu aux problématiques politiques656

certes pas inexistantes

mais tout de même très controversées et relatives qui alimentent aussi les détracteurs de

l’organisation657

.

Ces derniers, dans la portée juridique des acquis de l’OHADA, s’attardent un peu plus

sur le règlement des litiges économiques658

et sur l’efficacité judiciaire659

du droit

uniforme au plan interne des Etats.

Des considérations et une analyse très objective nous permettent déjà de soutenir que

l’OHADA, sur ces questions, n’est pas indemne de critiques. Des faiblesses et limites

existent auxquelles nous tenterons de répondre objectivement et efficacement à travers

nos essais de solutions et nos recommandations.

A cet effet, nous examinerons, d’une part, les insuffisances des mécanismes

communautaires d’intégration juridique et judiciaire (Chapitre I) et, d’autre part, les

insuffisances matérielles du modèle juridique OHADA, dans sa perspective

d’uniformisation (Chapitre II).

653

Faire le tour des diverses problématiques qui limitent l’action des divers organes et des actes uniformes 654

Adoption des actes uniformes et implications. 655

Les compétences de la CCJA en tant que juridiction communautaire et son rapport avec les juridictions nationales. 656

C’est aussi des questions très importantes qui ruinent à ce jour les œuvres de l’organisation étant donné la place importante qu’occupe la volonté politique dans une telle œuvre d’intégration. 657 Des auteurs militent en effet pour une sorte de séparation des pouvoirs juridiques et politiques au sein de l’organisation car la procédure d’adoption des actes uniformes à ce jour est conditionnée par le conseil des Ministres de l’organisation, qui reste encore un organe très politique. 658

Partage de compétences entre CCJA et juridictions nationales. 659 Exécution des décisions communautaires au plan national.

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CHAPITRE I

LES INSUFFISANCES DES MECANISMES COMMUNAUTAIRES

D’INTEGRATION JURIDIQUE ET JUDICIAIRE

« La contribution de la jurisprudence à l’essor du droit OHADA est réelle et actuelle.

Les décennies d’application et d’interprétation du Traité de Port-Louis ainsi que des

Actes uniformes en témoignent éloquemment. »660

.

Les mécanismes communautaires661

dont il est question ici sont essentiellement ceux

dont l’objectif est l’uniformisation du droit OHADA, et les mesures judiciaires prises

par la création de la CCJA662

, en tant qu’organe communautaire de règlement des

différends et l’ERSUMA en tant qu’organe de formation et de recherche663

sur l’ordre

juridique communautaire.

Si l’œuvre d’intégration juridique engagée est très largement saluée et encouragée, son

aboutissement commande néanmoins, l’adoption d’une démarche cohérente, ainsi

qu’une appréhension globale et homogène du cadre normatif, dans un souci d’effectivité

et d’efficacité. A défaut, ce sont les objectifs du Traité664

qui seraient compromis. Il

convient à cette fin de relever les insuffisances de ces mécanismes communautaires mis

en place, notamment pour les problématiques juridictionnelles (Section I) et sur le plan

de la coopération juridique (Section II).

Section I : Les problématiques juridictionnelles

« L’intégration juridique par l’uniformisation du droit des affaires présente

d’indéniables avantages : elle a pour première conséquence d’éliminer ou d’atténuer les

distorsions juridiques qui peuvent être à l’origine de déséquilibres économiques

660 In Issa S., op. cit. p. 15. 661 Il s’agit des organes mis en place et des diverses politiques de réglementations. 662

Cf. DIALLO B., « Réflexion sur le pouvoir d’invocation de la CCJA dans le cadre du traité de l’OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 117e Année, Numéro 858, Janvier – Mars 2007, pages 40. 663

La double fonction de l’ERSUMA, article MIKPONHOUE H., 2014. 664 Des objectifs qui seront la base de notre analyse, au regard du droit communautaire comparé.

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importants d’un pays à l’autre »665

. Ces propos du professeur Issa-Sayegh illustrent bien

toutes les difficultés qui résulteraient de quelques incompréhensions ou lacunes que

susciterait le droit OHADA. La création d'une juridiction internationale666

, dans cette

optique fut la réponse de l’organisation aux soucis évoqués.

Cependant, diverses incertitudes sur la CCJA seront relevées (Paragraphe 1), dans son

rapport avec les juridictions nationales afin de nous permettre de proposer des solutions

pour rendre plus efficace cette institution judiciaire communautaire (Paragraphe 2).

Paragraphe I : Les incertitudes sur la CCJA

Les incertitudes dont il est question ici concernent le rapport juridictionnel qui existe

entre la CCJA et les juridictions nationales667

, c’est aussi le lieu d’apprécier la portée

des décisions de cette cour. Ces incertitudes sont aussi relatives à la divergence des

textes attributifs de compétences668

et aux difficultés liées au contrôle des législations

nationales par la CCJA669

.

A. La divergence des textes attributifs de compétences et les

cas d’ouverture de cassation

L’effectivité de l’application du droit de l’OHADA est appréciable tout d’abord à partir

de l’organisation judicaire nationale des Etats parties. Ceux-ci ont aisément mis leurs

systèmes judiciaires en conformité avec les exigences prévues au Traité relatif à

l’harmonisation du droit des affaires en Afrique. Ce texte fondateur a pris soin de

désigner « la juridiction compétente ». Au fond cette juridiction, pour l’application de

665

In ISSA-SAYEGH J., « Congrès 2008 de Lomé : Le rôle du droit dans le développement économique, Le bilan jurisprudentiel du droit uniforme OHADA », 2008. 666 Cf. David E., op. cit, p. 174. 667 Cf. DIALLO B., op. cit, p 42. 668

Entre juridictions nationales et communautaires. 669 Sur le sujet, voir aussi MAIDAGI M., « l’organisation et fonctionnement de la CCJA et perspectives d’évolution », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118

e Année,

Numéro 865, Octobre – Décembre 2008.

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tel ou tel acte uniforme, n’est pas différente d’un pays à un autre, du moins sur le plan

fonctionnel670

.

La CCJA est déclarée compétente pour toutes les affaires relevant des questions

relatives à l’application des actes uniformes et des règlements671

prévus au traité

instituant l’organisation. L’article 15 du traité, relatif aux seuls pourvois en cassation ne

fait référence qu’aux seuls actes uniformes. Il va de soi que la CCJA se doit de veiller

au respect des dispositions, des règlements relatifs à la procédure suivie devant elle en

matière de cassation672

et en matière d’arbitrage. Elle s’est même reconnue compétente

pour trancher un litige opposant le directeur des études de l’ERSUMA à son employeur

en application du règlement portant statut des personnels de l’OHADA673

.

Diverses questions ont retenu l’attention de la Cour notamment la recevabilité du

pourvoi en cassation devant la CCJA, la juridiction compétente pour connaître du

contentieux de l’exécution (art. 49 AUPSRVE), le régime juridique des nullités de

procédure en droit OHADA. Il est aussi question de l’injonction de payer qui a connu

un abondant contentieux aussi bien sur les conditions de recevabilité ou de mise en

œuvre de la procédure que sur les voies de recours exercées contre l’opposition à

l’injonction de payer, entrainant, dans presque tous les cas, des limites à l’objectif de

simplicité674

et de rapidité675

. L’immunité d’exécution des personnes et des entreprises

publiques (la saisissabilité ou non de leurs biens)676

, la saisie-attribution des créances et

l’arbitrage677

font aussi parties de ces problématiques.

670 Partant du principe que ces Etats membres disposent tous d’une même organisation judiciaire. ce qui, si ce n’était le cas, serait une problématique importante qui viendrait conforter la question des diversités. 671 Les règlements sont des dispositions communautaires qui régissent l’organisation et le fonctionnement structurel des organes de l’OHADA. 672 Cf. DIALLO B., op. cit, p 45. 673

Cf. annexes. 674

Simplicité de la procédure pour la rendre plus ouverte aux justiciables. 675

Rapidité de la procédure pour la rendre plus efficace et plus crédible. 676

Voir sur cette question les articles sur : « La question de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des biens des entreprises publiques en droit OHADA (A propos de l’arrêt de la CCJA du 7 juillet 2005, affaire Aziablévi YOVO et autres contre Société TOGO TELECOM) », Revue (belge) de droit international et de droit comparé, n° 2007/4, p. 512-554 ; L’immunité d’exécution des personnes morales de droit public, Actes du colloque tenu à Yaoundé les 14 et 15 janvier 2008, Revue camerounaise de l’arbitrage, février 2010, p. 136 à 159. 677

Etoundi Onana F., OHADA : Grandes tendances jurisprudentielles de la Cour commune de justice et d’arbitrage. J. Issa-Sayegh, P.-G. Pougoué, F. M. Sawadogo (sous la coordination scientifique de), OHADA : Traité et Actes uniformes commentés et annotés, Juriscope, 4e édition, 2012, 1460 p., particulièrement les commentaires du Pr Ndiaw Diouf concernant l’AUPSRVE.

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« Qui trop embrasse, mal étreint ». Cet adage de la sagesse populaire va-t-il se vérifier

avec la CCJA de l’OHADA ? On ne saurait répondre de manière définitive à cette

interrogation qui traduit une préoccupation permanente, relative à l’efficacité de la

Cour.

S’agissant tout d’abord de son rôle de Cour suprême internationale, nul doute que si les

différentes Cours suprêmes nationales souffrent déjà d’un certain engorgement, la

situation ne serait que plus grave au niveau de la CCJA. Connaître des pourvois en

cassation contre les arrêts des cours d’appel de l’ensemble des Etats-Parties n’est en rien

une chose simple ou une pratique des plus aisées678

.

Quant à savoir quels sont le ou les domaines de prédilection du contentieux connu par la

CCJA, autrement dit les actes uniformes qui ont le plus fait l’objet de plus de recours

« devant la CCJA, au moins jusqu’en 2010, l’activité juridictionnelle de la CCJA a

intéressé en grande partie l’AUPSRVE679

, peut-être à hauteur de 2/3, voire de ¾, des

saisines contentieuses »680

, du moins pour les décisions qui concernent explicitement

des actes uniformes. « Cela est inquiétant puisque traduisant pour l’essentiel la volonté

des débiteurs de ne pas exécuter les engagements souscrits par tout moyen, y compris

l’usage abusif des voies de droit, dont les voies de recours, et sans que cela soit

sanctionné »681

. Il est vrai que des arrêts en nombre significatif sont rendus sur le motif

que les recours ne sont fondés sur aucun Acte uniforme ou règlement prévu par le Traité

instituant l’OHADA682

ou sur le fait que le recours n’est pas recevable du fait que la

partie requérante n’a pas soulevé l’incompétence de la cour683

ou juridiction de

678 Une problématique en matière de procédure pour laquelle certains auteurs préconisent un acte uniforme harmonisant la procédure judiciaire interne et communautaire. 679 Cf. DIALLO B., op. cit, p 47. 680 Le recueil semestriel de jurisprudence de la CCJA : N° spécial janvier 2003, N° 1 janvier 2003 ; N° 2 juillet - décembre 2003 ; N°3 janvier - juin 2004, N° 4 Juillet - décembre 2004, N° 5 janvier- juin 2005 (vol. 1) ; N° 5 janvier - juin 2005 (vol. 2) ; N° 6 juillet - décembre 2005 ; n ° 7 janvier - juin 2006 ainsi que les numéros ultérieurs. 681

Par exemple, en guise d’illustration l’arrêt de la CCJA n° 044/2005 du 7 juillet 2005, Société de Transport Aérien Middle East Airlines Liban dite MEA contre Madame Kamagate Mangnale. Les faits de l’espèce semblent traduire la mauvaise foi du défendeur à l’injonction de payer, lequel se plaint de ce que le demandeur réclame le paiement du capital sans réclamer aussi celui des intérêts. Pour la CCJA, « en tout état de cause, elle [l’intimée] est en droit de ne demander que le principal » s’agissant certainement de droits dont elle a la libre disposition. 682 Exemples : Arrêts n° 045/2005 du 7 juillet 2005, Etablissements Soules &Cie contre Société Négoce & Distribution dite N & D et Continental Bank Benin ; n° 046 du 7 juillet 2005 avec les mêmes parties que l’arrêt précédent ; n° 047 du 7 juillet 2005 Société Kindy-Mali SARL contre Banque internationale pour le Mali dite BIMA ; n° 051/2005 du 21 juillet 2005, Société TEXACO Côte d’Ivoire contre la Société Groupe Fregate. 683 Soulevé le fait que la cour n’est pas droit à statuer sur la question.

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cassation nationale devant celle-ci et s’est contentée d’attendre que la juridiction de

cassation rende sa décision pour saisir la CCJA684

.

Si l’on veut rentrer dans les détails relatif aux données d’ensemble, on note depuis

« l’installation de la CCJA au 30 juin 2012685

:

- Nombre de pourvois en cassation : 1172 ;

- Arrêts rendus : 485 ;

- Jonctions de procédures : 21 ;

- Ordonnances : 78 ;

- Dossiers retirés provisoirement du rôle pour défaut de provision : 113 ;

- Dossiers retirés du rôle pour erreur de saisine ou radiation à l'audience : 3 ;

- En cours, au stade de l'instruction pour notification et échange de mémoires

entre les parties : 472 ;

Il en résulte que près de 50% des saisines n’ont pas encore traitées, ce qui fait penser, au

regard du nombre moyen de saisines annuelles, que certaines datent de plus de trois ans.

Le faible nombre des assistants juristes, trois au total, accroit les lenteurs : les dossiers

non encore traités sont répartis entre eux en commençant par les plus anciens ; il semble

qu’on en est pas encore aux dossiers de 2014 et de 2015, ce qui confirme l’existence de

délais importants pour que les dossiers soient vidés ».

Tout cela a pour effet de faire perdre tout sens aux procédures simplifiées de

recouvrement686

dès lors qu’un pourvoi en cassation687

est introduit auprès de la

684

Cf. FOKO A., « La rationalisation du domaine de l’arbitrage », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 124

e Année, Numéro 889, Octobre – Décembre 2014, Pages 425 – 465.

685 Nous n’avons pu obtenir des chiffres s’étendant jusqu’en 2015, vu la rareté des travaux statistiques

sur l’efficacité des réformes OHADA. 686 Les procédures simplifiées de recouvrement de créances sont des voies par lesquelles un créancier peut rapidement obtenir un titre exécutoire, une décision judiciaire de condamnation de son débiteur au paiement de la créance due. Ces procédures sont désormais au nombre de deux: L'injonction de payer et l'injonction de délivrer ou de restituer. 687 Appellation du recours introduit devant la cour de cassation contre un arrêt rendu en appel.

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CCJA688

. Les personnes soucieuses d’une évolution heureuse de l’OHADA ne peuvent

pas rester indifférentes devant de telles données quantitatives.

Certains arrêts689

rendus ont fait coulé beaucoup d’encres, comme l’arrêt Epoux Karnib

c/ SGBCI du 11 octobre 2001 par lequel la CCJA déclare solennellement qu’« en

matière mobilière, l’exécution forcée690

pouvant être poursuivie jusqu’à son terme aux

risques et périls du créancier691

en vertu d’un titre exécutoire par provision, la

juridiction supérieure saisie ne peut, se référant au droit national qui organise les

défenses à exécution, en ordonner la suspension sans se mettre en contradiction avec les

dispositions en vigueur du droit uniforme »692

. Le professeur Sayegh pousse son analyse

personnelle plus loin en affirmant dans une étude jurisprudentielle qu’ « A y regarder de

près, la plupart des cas où la CCJA a eu à faire une telle incursion, c’était pour régler le

sort d’une exception mise en travers d’une action en justice. C’est ainsi qu’elle est

conduite à vérifier la validité d’un acte de procédure ou d’un contrat ; la pertinence des

fins de non recevoir d’une action ; de la prescription soulevée ; de l’inopposabilité

d’une convention invoquée par des tiers »693

. Il poursuit en retenant qu’ « une telle

incursion de la CCJA dans le domaine du droit interne risque de façonner ce droit d’une

façon différente de celle pratiquée par les juridictions internes »694

.

En effet, aussi bien dans le Traité que dans le Règlement de procédure de la CCJA695

,

rien n’est prévu pour la détermination des cas d’ouverture à cassation. Devant une telle

discrétion, on peut être tenté de dire qu’il n’en est pas besoin et que « la CCJA est

érigée en juge du droit et du fait comme un troisième degré de juridiction (une super

688 Des inquiétudes demeurent encore sur cette super compétence de la CCJA qui défie celle des juridictions nationales de cassation. 689

Cf aussi en droit européen, CJCE, 26 Mars 2009, SELEX SISTEMI INTEGRATI SPA / Commission et organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne. 690

Ensemble des procédures permettant l’exécution d’une obligation résultant d’un contrat, d’une décision de justice ou de la loi. Le créancier doit obtenir la prestation qui lui est due. A défaut d’exécution spontanée, il peut contraindre le débiteur à exécuter, en principe en nature. C’est une procédure ayant pour objet d’assurer l’exécution d’un engagement ou d’une décision de justice et conduisant à la saisie de biens du débiteur. 691 Personne contre laquelle est due une somme d’argent ou créance. 692 Cf. annexes. 693

Issa S., Bilan jurisprudentiel de la CCJA et des juridictions nationales, revue africaine de droit, p. 15. 694 Ibidem. 695

Cf. FOKO A., « La rationalisation du domaine de l’arbitrage », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 124e Année, Numéro 889, Octobre – Décembre 2014, Pages 425 – 465.

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Cour d’appel, en quelque sorte) et ce, d’autant plus qu’elle peut évoquer l’affaire et

statuer au fond sans renvoi (article 14, alinéa 5) »696

.

Le recours en cassation697

étant une voie extraordinaire, seul un texte peut en déterminer

les conditions d’exercice. On ne peut que se rabattre sur la seconde possibilité, en

l’absence d’un tel texte spécifique du droit uniforme, qui est plus logique et

respectueuse des principes fondamentaux du droit procédural.

Des arrêts du 19 juin 2003 constituent un revirement important ou un cantonnement de

la position précédente de la cour. La CCJA y déclare, en effet, que, « contrairement à ce

que prétend la demanderesse au pourvoi, l’article 32 de l’Acte uniforme portant

organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution n’est

pas applicable en l’espèce, la procédure introduite le 03 février 2001 et qui a abouti à

l’arrêt attaqué n’ayant pas eu pour objet de suspendre une exécution forcée déjà engagée

mais plutôt d’empêcher qu’une telle exécution puisse être entreprise sur la base d’une

décision assortie de l’exécution provisoire et frappée d’appel698

; qu’il s’ensuit que la

Cour de céans doit se déclarer incompétente pour statuer sur le recours en cassation

introduit par SOCOM SARL »699

.

Le droit de l’UE quant à lui ne s’oppose pas au fait que le tribunal saisi, appelé à se

prononcer sur le recours700

visant l’invalidité d’un contrat de crédit701

, se dessaisisse en

696 Ibidem. 697 Cf. Chahira Boutayeb B., les grands arrêts du droit de l’Union Européenne, LGDJ, p.882. 698 A ce sujet, Kenfack Douajni G. a émis l’opinion suivante, dans une communication lors du Conseil des Ministres consacré au 10e anniversaire de l’OHADA les 16 et 17 octobre 2003 à Libreville : « Par un arrêt en date du 19 juin 2003, la CCJA a tranché l’une des questions que l’avènement du droit OHADA a fait naître et qui a longtemps divisé les praticiens du droit. Il s’agit de savoir si les dispositions relatives à l’exécution des décisions de justice et contenues dans le droit interne des Etats parties ont ou non été abrogées par le droit OHADA ». Commentant les faits, il avance que « le risque serait grand pour les banques et plus généralement pour les opérateurs économiques de se voir dépouillés de leur fortune si, sur la base de décisions de justice non définitives, ils ne peuvent pas obtenir la suspension de l’exécution forcée desdites décisions, au motif que le droit OHADA a abrogé les dispositions nationales réglementant l’exécution provisoire des décisions de justice ». 698

Compétente au dessus des Etats en termes plus simples. 699

CCJA, arrêt n° 014/2003 du 19 juin 2003, Affaire SOCOM SARL contre Société générale de Banques au Cameroun (SGBC) et Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC), Recueil de Jurisprudence CCJA, n° 1 janvier-juin 2003, p. 19 à 21. Arrêt n° 013/2003, affaire SOCOM SARL contre Société générale de Banques au Cameroun dite SGBC. 700 Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, mars 2015, p.4. 701

Cf. Guillou F., « la constatation de clauses abusives peut faire l’objet d’un renvoi juridictionnel », éditions législatives, Mars 2015, p.5.

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faveur d’une autre juridiction compétente702

pour constater le caractère abusif du

contrat703

.

Les diverses constatations donnent aussi toutefois lieu à des controverses pratiques non

négligeables.

B. Les incidences pratiques

L’application des dispositions704

de droit de l’OHADA, s’est faite avec une rapide et

constante activité des juges. Sans cette application, l’on serait certainement encore dans

l’incertitude relativement à ce droit « supranational »705

, qui a institué un système

judiciaire supranational en dernier ressort. L’inquiétude devait être renforcée à partir du

moment où la CCJA, d’un point de vue pratique, est investie du statut d’un troisième

degré de juridiction, jamais vu dans l’histoire des Cours communautaires. L’évidence

est surtout à l’heure actuelle que l’application des dispositions du droit de l’OHADA est

d’une effectivité très relative, ce qui peut être vérifié dans divers modes de résolution

des conflits.

Malgré le travail positif accompli par la CCJA et la place qu’elle occupe dans les efforts

d’instauration de la sécurité juridique et judiciaire dans l’espace de l’OHADA, une

réflexion doit être menée sur la situation de la CCJA et des juridictions de cassation

nationales. Ce qui incite à ériger les griefs retenus par les différentes législations, en

principes généraux du droit, pour autoriser les recours en cassation706

.

En outre, l’effectivité de l’application du droit de l’OHADA est appréciable à travers la

diversité des modes de règlement des différends. En effet, le système judiciaire

communautaire est riche d’au moins deux modes de résolutions des conflits à savoir le

mode juridictionnel et le mode arbitral. Dans l’un et l’autre de ces modes, la haute cour

a eu à s’exprimer dans le sens de la production du droit de l’OHADA. Au plan de

702

Ibidem. 703 CJCE, 12 février 2015, aff. C-567/13. 704 Cf. chahira Boutayeb B., op.cit., p.880. 705

Au dessus des dispositions nationales en vigueur, en termes simples. 706Contrariété de jugements ; défaut de base légale ; défaut de motifs ; dénaturation de l’écrit ; dénaturation des faits ; excès de pouvoir ; incompétence ; omission de statuer ; perte de fondement juridique ; ultra petita ; violation de la règle de droit ; violation des formes de procédure.

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l’arbitrage justement, la CCJA a rendu de nombreuses sentences arbitrales707

. L’on

pouvait craindre que la haute Cour soit asphyxiée par ses multiples casquettes, celle de

juridiction et celle du mode non juridictionnel de règlement des différends dans l’espace

OHADA. L’on ne peut non plus ignorer le rôle de l’arbitrage dans l’émergence du droit

de l’OHADA, en raison de ce que les décisions rendues, après exequatur, acquièrent

une portée juridictionnelle et font donc jurisprudence. Les domaines de production du

droit OHADA par la jurisprudence ont ainsi pu être explorés au moyen de divers canaux

juridictionnels et conventionnels.

Toutefois, on ne peut pas non plus fermer les yeux sur les saisines de la CCJA, qui se

limitent, pour la majeure partie, à quelques trois ou quatre Etats sur les 17708

qui

composent l’organisation, près de la moitié des saisines émanant du pays qui abrite le

siège de la Cour. Ainsi, au 30 septembre 2011, sur 1057 saisines contentieuses, 523

émanent de la république de Côte d’Ivoire, soit 49,47%. Au 30 juin 2012, sur 1172

saisines contentieuses, 588 émanent de la république de Côte d’Ivoire, soit 50,17%.

C’est sûr que tous les recours ou simplement la majorité des recours en cassation de la

plupart des Etats parties ne sont pas portés devant elle, à moins que sa création ait eu

pour effet de tarir ce genre de recours.

De manière générale, dans les Etats membres de l’organisation et en particulier la

R.C.A., la saisine de la C.C.J.A, qui est désormais compétente en matière de pourvoi en

cassation s’agissant de tous les contentieux relatifs au droit harmonisé à l’exception de

ceux impliquant des sanctions pénales, est très difficile pour les justiciables. Des raisons

d’éloignement et de coût de procédure sont à l’origine de ce blocage qui empêche

l’enrichissement de la jurisprudence de la C.C.J.A. Or l’abondance des affaires portées

devant cette juridiction supranationale contribue à l’épanouissement fonctionnel de cette

importante institution et favorise par conséquent la vulgarisation de la jurisprudence en

vue de l’harmonisation escomptée.

Rappelons-le, le droit des affaires, socle matériel des normes de l’ordre juridique

OHADA, ne répond à aucune définition d’ensemble. Il constitue cependant le champ

d’action à la fois minimal et maximal de l’OHADA des matières qui doivent être

considérées comme celles qui constituent le plus petit domaine matériel de l’OHADA.

707 Consultable sur le site de l’organisation www.ohada.com. 708

Le 17e Etat, la République Démocratique du Congo, a adhéré seulement le 13 juillet 2012. Le Traité et

les actes uniformes y sont entrés en vigueur le 12 septembre 2012.

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S’agissant ensuite de la compétence quant au fond, le Traité OHADA a fait de la CCJA

un troisième degré de juridiction, ce qui constitue une cause supplémentaire

d’encombrement et de difficultés. La perspective du coût élevé d’un nouveau procès à

l’étranger, pour les justiciables ne résidant pas en Côte-d’Ivoire, ne sera pas très

dissuasive (même si elle l’est pour certains contribuables709

), eu égard aux montants

importants de certains litiges. On peut donc légitimement s’attendre à un

développement croissant du contentieux devant la Cour.

C’est sûr aussi qu’avec le nombre actuel des juges, elle aura et avait déjà des difficultés

pour trancher les recours dans des délais raisonnables, surtout si toutes les affaires lui

sont portées alors que les Etats ne semblent pas prêts à accroître sensiblement le nombre

des juges, ce qui signifierait un accroissement important du budget qui est alloué à la

Cour710

. Des auteurs notent que l’ « on ne peut, ne pas tenir compte des critiques plus ou

moins voilées que la Cour suscite parfois, qu’il s’agisse de son encombrement et de son

fonctionnement, de son éloignement ou de la mise à l’écart des juridictions suprêmes

nationales »711

. Le risque ne concerne pas que l’encombrement et les lenteurs. Il y a

aussi la baisse de la qualité des décisions rendues. On cite à cet égard certains arrêts où

la position adoptée parait juridiquement difficile à soutenir. Une réflexion courageuse et

réaliste s’impose tendant à explorer les différentes pistes de réformes possibles. Mais

probablement, l’on sera limité dans les choix de solution tant que les juridictions

internes ne seront pas réformées de manière à donner davantage confiance712

aux

justiciables, particulièrement ceux du monde des affaires. A ce sujet, un observateur

note que « les juridictions nationales des premiers et deuxièmes degrés, qui tranchent

les litiges relatifs au droit uniforme, n’inspirent guère confiance, ce qui est d’autant plus

grave qu’elles connaissent du plus gros volume de contentieux. En effet, la part des

709

Compte tenu du niveau de pauvreté et surtout de l’absence de foi en la justice africaine. 710

Le Traité révisé à Québec le 17 octobre 2008 a seulement prévu l’augmentation du nombre de juges de deux, ce qui donne un total de neuf, et la possibilité de relever ce nombre sans passer par une modification du Traité, ce qui devrait faciliter les choses. Ainsi, l’alinéa 2 nouveau de l’article 31 dispose que « le Conseil des Ministres peut, compte tenu des nécessités de service et des possibilités financières, fixer un nombre de juges supérieur à celui prévu à l’alinéa précédent [c’est-à-dire au nombre de neuf] ». Mais on aura noté la référence ‘‘limitante’’ faite aux possibilités financières. 711 Bourgeois C., Ben Kemoun L., Thouvenot S., « Pérenniser le succès de l’OHADA : Pistes de réflexion », Revue de droit des affaires internationales (RDAI), n° 2, 2006, p. 235. 712 Cf. titre 2, Seconde partie de nos travaux.

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litiges qui cheminent jusqu’à la cassation est relativement faible. Cette situation ne

garantit pas la sécurité juridique et judiciaire »713

.

Ainsi, à défaut d’augmenter le nombre de juges siégeant à la CCJA et de créer des

chambres spécialisées, notamment en matière de droit commercial des affaires, droit

civil des affaires, droit comptable et financier des affaires, la prévention de

l’encombrement de la CCJA passera sans doute par la consécration de la technique de

cassation par renvoi pour les affaires nécessitant un examen approfondi. Il faudra

simplement admettre dans un tel cas que l’interprétation et les orientations données par

la CCJA s’imposent à la juridiction de renvoi qui peut être aussi bien une autre cour

d’appel du même État que celle dont la décision est contestée ou la Cour suprême

nationale. Ce serait une extension utile du principe de la force exécutoire des arrêts de la

CCJA dans les Etats-Parties. Ce qui ne suffira cependant pas à résoudre tous les

problèmes que rencontre l’instance communautaire.

Paragraphe II : Une reforme recommandée du domaine de

compétences et de l’action de la CCJA714

L’examen des diverses considérations, des diverses limites et ambigüités évoquées ci-

dessus montrent bien la nécessité et l’opportunité d’une réflexion sur une éventuelle

réforme sur le fond et la forme de la CCJA. Cette recommandation pour qu’elle trouve

toute son efficacité appelle avant tout à revisiter les accords de N’Djamena, créant et

instituant l’instance communautaire juridictionnelle.

A. La révision des arrangements de N’Djamena

La procédure devant la cour, juridiction supranationale de l’espace intégré est fixée par

le règlement du 18 Avril 1996 adopté par le Conseil des Ministres à N’djamena au

Tchad, conformément à l’article 19 du traité de l’OHADA. Ce règlement avait été

adopté, suivi d’un consensus politique dans le but de faire fonctionner l’organisation715

.

713 Masamba R., in Bourgeois C., op. cit., p. 9. 714

Sur le sujet, voir aussi MAIDAGI M., « l’organisation et fonctionnement de la CCJA et perspectives d’évolution », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008. 715 Une fois encore la forte présence du politique dans la mise en place d’un ordre juridique.

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Les circonstances qui avaient commandé l’adoption d’un tel règlement dit « les

arrangements de NDJAMENA » sont telles qu’à ce jour, ils ne peuvent plus continuer à

être appliqués en l’état, d’où l’intérêt de leur révision.

En effet, la lourde mission confiée à la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage716

ne

pouvait être accomplie sans l’adoption d’une feuille de route. Les Ministres de la Justice

et des Finances de la communauté OHADA717

, ayant reçu des lettres de missions de

leurs gouvernements respectifs, réunis à Ndjamena au Tchad le 18 Avril 1996 ont

adopté le règlement de procédure de la C.C.J.A. A l’occasion il était décidé la

répartition des sièges des institutions ainsi que des postes de directions, car il fallait

trouver des animateurs pouvant faire fonctionner l’institution. Comme son nom

l’indique, les arrangements de N’djamena, consensus hautement politique entre les Etats

avaient donné lieu à des négociations pour le partage. Quel pays devra abriter quel

siège, quel pays devra occuper quel poste ? L’importance des Etats présents à Ndjamena

sur la scène internationale avait grandement joué, la répartition étant faite en fonction de

la situation des Etats, d’où une répartition inégalitaire. En guise d’exemple, le poste de

Secrétariat Permanent initialement octroyé à la RCA est finalement revenu à la

République du Togo. En échange, la RCA devra désormais occuper le poste de Vice

Présidence de la CCJA. Avec une telle répartition si on peut le dire immuable, les postes

ainsi octroyés doivent revenir inévitablement aux représentants des Etats à qui ils

reviennent de droit de sorte que le plus jeune peut commander les plus anciens ; ce qui

ne permet pas l’observation de la déontologie. A la CCJA par exemple où la présidence

revient d’office au Sénégal, à un moment où le poste était vacant, le représentant de la

RCA en sa qualité de Vice Président de la cour a longtemps assuré l’intérim.

Cependant, lorsqu’il était question de désigner un nouveau président, deux (2) blocs

s’étaient crées. Un premier bloc autour duquel s’étaient réunis les Etats membres de

l’Afrique centrale, favorables à la désignation du représentant de la RCA et un second

bloc réunissant les Etats membres ouest africains, favorables à la désignation du

représentant du Sénégal, conformément à la répartition issue des arrangements de

Ndjamena, nonobstant son âge. Par conséquent, la dernière tendance l’avait emporté.

Mais cette situation a malheureusement entrainé des graves frustrations entre Etats. De

716

Sur la question, voir aussi NGWANZA A., « L’essor de l’arbitrage international en Afrique sub-saharienne : les apports de la CCJA », Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 3, Août 2013. 717 Ibidem.

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façon globale, faut-il le réitérer, seulement douze (12) Etats étaient présents aux

arrangements de Ndjamena, alors qu’aujourd’hui, dix sept (17) Etats sont membres de

l’organisation. Avec la répartition inégalitaire des postes de direction et des sièges des

institutions, les arrangements, si on ose l’avouer, violent le traité lui-même. La révision

a donc toute son importance.

Les Arrangements de Ndjamena718

sont des mesures initiées par consensus dans le but

d’asseoir rapidement et avec une capacité opérationnelle immédiate les institutions de

l’OHADA. Cependant, quelle crédibilité peuvent avoir les institutions de l’organisation

qui sont supposées appliquer le droit si elles ne sont pas conformes aux dispositions du

traité719

?

La révision de telles mesures contribue alors à résoudre l’épineux problème d’inégalité

issu de la répartition des postes de direction et des sièges des institutions de

l’organisation qui est à l’origine des frustrations et qui bloque l’application de

l’instrument juridique communautaire. Cela pourrait occasionner l’éclatement de

l’institution régionale si elle persiste encore sur un long terme.

De ce point de vue, la nécessité de donner pleinement force aux dispositifs

institutionnels afin de conforter l’élan de l’OHADA en faveur de la sécurisation720

des

activités économiques doit déterminer les Etats à entreprendre la modification du

contenu des arrangements de Ndjamena. Car l’apport du dynamisme des institutions de

l’OHADA aux progrès substantiels accomplis dans le processus de l’harmonisation du

droit des affaires africain contribue à rendre l’environnement des affaires propice à

l’essor des investissements et à une meilleure performance des entreprises721

.

A ce jour, lesdits arrangements, forts critiquables méritent d’être révisés pour plusieurs

raisons :

- La principale raison de ce réexamen est que ces arrangements violent le droit qui

émane du traité de l’OHADA. Or celui-ci est non seulement l’accord conclu

entre les parties souveraines qui ont convenu des règles obligatoires aux

718 Cf. TOE J., « la problématique actuelle de l’harmonisation du droit des affaires OHADA », Revue de droit Uniforme, 2008. 719 Ibidem. 720

Ibidem. 721 Déclaration de Québec du 17 Octobre 2008 sur « les Arrangements de NDJAMENA ».

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institutions qu’elles soumettent à leur compétence, mais également, il est relatif

au droit722

;

- Ensuite, la C.C.J.A., en tant que gardienne de la bonne application du traité et

des actes uniformes, devait dénoncer toute pratique qui serait en contradiction

avec la lettre et l’esprit de ces textes, dont la conséquence serait de fragiliser

l’institution723

, ce qu’elle n’a pas fait ;

- Par ailleurs, la contribution à l’OHADA étant fonction du Produit Intérieur Brut

(PIB), les Etats absents au consensus de Ndjamena et donc n’ayant pas de

pouvoir de décision, sont ceux qui contribuent énormément eu égard à leur PIB.

Ils sont donc fondés aujourd’hui à demander que soit remis en cause ledit

consensus724

;

- Enfin, ces arrangements qui instituent une répartition inégalitaire des postes et

engendrent des frustrations font courir un risque majeur de blocage de

l’OHADA et appellent par conséquent une révision725

. Les chefs d’Etats réunis à

Québec au Canada le 17 octobre 2008, ont décidé que soient mis à candidature

les postes de l’OHADA. Ainsi, le Conseil des Ministres, organe normatif de

l’organisation, doit à cet égard adopter des règles appropriées prenant en compte

les critères prévalant en matière de Droit International pour l’ensemble des

Organisations Internationales726

mettant particulièrement en valeur le critère de

compétence et d’intégrité attendu des responsables des institutions.

Aussi, fort du principe de siège qui primera sans doute avec le réexamen des

engagements de Ndjamena où chaque Etat membre sera représenté à la Cour et vu que

c’est parmi les juges représentants les Etats que seront élus les responsables, la R.C.A. a

de quoi rester optimiste pour les candidatures futures ; étant aussi aujourd’hui certes

nouveau mais acteur important de la politique de l’organisation. Ces diverses

considérations permettront d’entreprendre et d’analyser au mieux une réforme

structurelle de la CCJA.

722 L’OHADA y puise toute sa légitimité. 723Cf. « Les institutions de l’OHADA » de DJAH S., discours du Président du Club OHADA de Côte d’Ivoire 724

Dans un élan souverain, certains de ses Etats ont déjà fait part d’une telle intention. 725 L’OHADA est encore sous forte influence politique et le moindre conflit entre les Etats parties ne seraient qu’un frein à son effectivité. 726 Cf Titre 2, Deuxième partie.

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B. La réforme structurelle de la CCJA

La CCJA fait en effet l’objet d’une remise en cause sur deux plans : celui de sa

composition et celui de sa compétence. La majorité de la doctrine semble être en faveur

de cette solution. Les conditions pour ce faire sont : plus de juges, voire même un juge

par Etat partie (ce qui aurait l’avantage de faciliter la connaissance par la CCJA des

différents droits nationaux en cas d’évocation727

et l’inconvénient de donner

l’impression que chaque juge représente l’Etat dont il est ressortissant et est là pour

défendre les intérêts de celui-ci), mais des juges compétents, travailleurs et de bonne

moralité ; plus de chambres pour traiter plus d’affaires ; de manière générale728

, un

rythme soutenu de travail, une coordination au sein de la juridiction pour que les

chambres n’adoptent pas des solutions contradictoires qui contrarieraient la sécurité

juridique et judiciaire recherchées. L’OHADA et les Etats parties doivent veiller au

respect de ces critères dans le choix des juges. Cette solution est toutefois discutable et à

juste titre. Elle aurait tendance à dénaturer la CCJA en la transformant en un organe de

représentation des intérêts des Etats. De plus, dans la perspective d’un élargissement de

l’OHADA, cette Haute juridiction se transformerait en une assemblée pléthorique.

Certes, l’alinéa 2 prévoit la possibilité de fixer un nombre de juges inférieur à celui des

Etats parties ; mais cette précaution n’est nullement une garantie d’adéquation du

nombre de juges aux besoins réels de la Cour dans la mesure où les Etats ne renonceront

probablement pas au principe de l’alinéa 1er qui leur garantit un siège729

. Seule une

augmentation raisonnable du nombre des juges et une rotation effective entre les Etats

parties permettrait de faire face aux besoins accrus de la CCJA en lui laissant bien

entendu un statut juridique.

C’est presque sûr que l’incidence financière que cela va entraîner amènera les Etats à

être réticents. Mais tout le monde convient que le succès de l’OHADA, autrement dit

l’atteinte des objectifs poursuivis par sa création, dépend de l’efficacité de la CCJA à

727 Mesure prise par les cours d’appel. 728

La création d’une chambre pénale des affaires, que nous aborderons plus en détail par la suite. 729 Ce qui montre bien que certaines ambigüités sont à relever dans le Traité.

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accomplir sa mission. Tout est une question de volonté politique et des ambitions que

l’on a pour cette organisation730

.

A ce titre, la doctrine proposait déjà certaines solutions assez pertinentes et à

privilégier :

- Faire connaître des recours en cassation intéressant des litiges d’un montant

faible ou moyen aux juridictions nationales de cassation, tel est d’ailleurs le cas

actuellement, à moins que les parties ne renoncent à tout recours ; mais l’on

pourra rétorquer que l’importance juridique d’une question n’est pas liée au

montant financier en jeu. Dans le même sens, permettre la saisine de la

juridiction nationale de cassation lorsque les parties décident librement de lui

soumettre leur pourvoi. Il est probable qu’un tel accord concernera en grande

partie les litiges de faible montant ;

- Faire en sorte que, dans la plupart des cas, la saisine de la CCJA soit à titre

préjudiciel, comme c’est le cas de la Cour de Justice de l’UEMOA731

ou celle de

l’Union européenne732

;

- Situer le recours en cassation auprès de la CCJA après que la juridiction

nationale de cassation se sera prononcée, même si cela déroge aux règles

classiques de procédure733

; en droit comparé, l’on sait que certains recours ne

sont ouverts qu’après épuisement des voies de recours internes734

;

Par ailleurs, surtout dans le cas de maintien de la situation actuelle, il urge de clarifier

les cas dans lesquels, lorsque le pourvoi concerne le droit OHADA et le droit interne

d’un Etat partie, la CCJA ou la juridiction nationale de cassation est compétente et, en

cas de compétence concurrente, l’ordre dans lequel elles devront être saisies et le rôle de

chacune d’elles. Actuellement, la CCJA reconnait sa compétence quasi exclusive dans

ce cas mais la situation n’est pas satisfaisante en termes de maîtrise du droit applicable

730

Sur la question, voir ISSA SAYEGH J., « Le bilan jurisprudentiel du droit uniforme OHADA, Congrès de Lomé : le rôle du droit dans le développement économique », 2008. 731

Cf. Titre 2, Deuxième partie. 732

L’Union européenne qui, pourrait intervenir un peu plus dans le domaine de la procédure civile interne afin de rapprocher les législations par la voie de directives en utilisant les possibilités ouvertes par les articles 114 et 115 du TFE, ancien articles 94 et 95 du traité CE. 733

Sur le sujet, voir aussi DJOGBENOU J., « A la recherche des principes directeurs spécifiques au procès devant la cour commune de justice et d’arbitrage », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition Juris Africa, 125

e Année, Numéro 890, Janvier – Mars 2015.

734 Cf. Titre 2, Deuxième partie.

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et de célérité735

. La solution adoptée par la Cour suprême du Niger paraît à priori

recommandable. Elle « préconise de reconnaître la compétence de la juridiction

nationale de cassation lorsque le pourvoi est fondé à titre principal sur des moyens tirés

du droit national et la compétence de la CCJA lorsque le pourvoi est fondé titre

principal sur le droit OHADA736

».

Fort de ces raisons, il est aujourd’hui indéniable que la relecture du traité et des

règlements737

qui le complètent dans le sens du démembrement de la CCJA, avec les

conséquences inhérentes, est nécessaire. Ainsi, pour une justice de proximité738

souhaitée par toute la communauté internationale en général et en particulier par la

R.C.A. et pour minimiser les coûts de procédure souvent très élevés, il est important que

les membres de la C.C.J.A. puissent se déplacer à intervalle régulier fixé par la cour

dans chaque Etat membre739

.

Rappelons aussi qu’actuellement, la CCJA remplit le rôle d’une cour de cassation, avec

le pouvoir d’évocation du fond qui dispense d’un renvoi, en cas de cassation, à une

juridiction nationale de dernier ressort dans toutes les affaires mettant en cause les

dispositions du droit uniforme OHADA. Cette compétence juridictionnelle

supranationale dépouille ainsi d’autant les juridictions nationales d’appel et de cassation

qui, dans le cadre de l’Association africaine des Hautes juridictions francophones (AA-

HJF) ont fait onze recommandations portant, de façon quasi exclusive, sur les rôles

respectifs de la CCJA et des juridictions suprêmes nationales des Etats parties.

L’essentiel de ces recommandations consiste dans la rétrocession des compétences aux

juridictions nationales de cassation en matière de droit OHADA, assortie, toutefois

d’une précaution ainsi exprimée : « La formule envisagée est celle de la rétrocession de

la compétence avec précision d’un délai “raisonnable” dans lequel les juridictions

nationales auront à rendre leurs décisions ». En référence aux statistiques de la CCJA, il

est proposé « un délai de douze (12) mois au bout duquel la juridiction nationale

pourrait être dessaisie par pourvoi du justiciable. Cette formule qui paraît

735

Cf. Guinchard S., op. cit., p.26. 736

Cour suprême du Niger, Chambre judiciaire, 16 août 2001, arrêt n°01-158/C du 16/08/01 : SNAR Leyma et Groupe HIMA Souley Oumarou. 737 Une révision qui constitue une nécessité aujourd’hui pour l’efficacité de toute organisation communautaire, chose qu’a su bien comprendre et mettre en œuvre opportunément l’UE. 738 Cf. la question de l’efficacité des directives européennes telle que abordée par Guinchard S., Ibidem. 739

Un concept très novateur de « justice vers le justiciable » et non plus l’inverse, que nous défendrons dans nos futurs travaux scientifiques avec grand intérêt.

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manifestement idoine permettrait en même temps la célérité des affaires, la réduction

des coûts liés aux procédures et offrirait au justiciable la possibilité de se faire rendre

justice dans un délai acceptable. »

Cette formule, non seulement ne supprime pas les inconvénients de la formule actuelle

dénoncés par l’AA-HJF, mais en comporte elle-même de très graves740

. En premier lieu,

elle consacrerait le retour pur et simple aux systèmes judiciaires nationaux antérieurs et

aux maux auxquels les créateurs de l’OHADA et de la CCJA voulaient remédier741

:

absence de publication des décisions, contrariété des décisions et opacité de la

jurisprudence, lenteur des procédures de cassation par le système du renvoi à une

juridiction nationale. Ces inconvénients d’opacité et de diversité de la jurisprudence

selon les Etats se manifestent actuellement de façon dommageable pour la sécurité

juridique dans tous les domaines du droit uniformisé non soumis à la compétence de la

CCJA : droit de la propriété intellectuelle (droit uniforme porté par les annexes de

l’OAPI), droit des assurances et des entreprises d’assurances du Code CIMA, droits

uniformes résultant des Règlements de l’UEMOA et de la CEMAC sur les instruments

de paiement, les établissements bancaires et financiers. Nous aborderons plus

précisément cet aspect dans la suite de nos développements.

En conclusion, en faisant la balance des avantages et des inconvénients de la formule

actuelle et de celle proposée par l’AA-HJF742

, il nous semble que la meilleure solution

reste le maintien des compétences de la CCJA telles qu’elles sont actuellement définies

par l’article 14 du Traité. A cette fin, nous proposons une formule qui concilierait la

rétrocession et l’objectif d’unification jurisprudentielle. Cette formule reprend la

proposition de l’AA-HJF de ne recourir à la CCJA qu’après épuisement des voies de

recours devant les juridictions nationales mais en introduisant quelques correctifs. En

cas de rétrocession, toutes les décisions adoptées par les Cours suprêmes en matière de

droit OHADA seraient soumises obligatoirement à validation par la CCJA. Sans entrer

dans le détail du régime juridique de cette formule, voici quels pourraient en être les

principes fondamentaux :

- les décisions rendues par les Cours suprêmes nationales ne seraient exécutoires

qu’une fois validées par la CCJA ;

740 Cf. DJOGBENOU J., ibidem. 741

Les maux qui ruinent la justice des Etats, cf. Titre 2, Deuxième partie. 742 Des propositions jugées trop contraignantes et surréalistes par la doctrine.

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- en cas de non validation par la CCJA, celle-ci révoquerait l’affaire ;

- tout pourvoi en cassation devant une Cour suprême nationale, non vidé dans le

délai de douze mois, serait déféré à la CCJA.

Cette question du choix entre le maintien ou non des compétences de la CCJA ou leur

rétrocession aux juridictions nationales de cassation est éminemment politique.

Toutefois, il nous paraît indispensable de rappeler que l’unification de la jurisprudence

est la raison d’être de l’OHADA et de la CCJA743

parce qu’elle conditionne la sécurité

juridique et judiciaire qu’elles sont chargées de garantir.

Ainsi, cette garantie nécessite tout autant l’entretien d’un espace communautaire

d’échanges juridiques et de recherche dans le sens de l’amélioration des acquis de

l’ordre juridique communautaire744

. Dans cette logique, l’idée d’un cadre de

coopération juridique est possible et bien réelle dans l’espace harmonisé, toutefois avec

certaines difficultés745

.

Section II : L’étendue de la coopération juridique dans l’espace

harmonisé

La réussite d’une intégration juridique communautaire n’est pas seulement pour

l’OHADA, le fait de mettre en place un corpus juridique communautaire (Actes

uniformes) destiné à s’appliquer au sein de tous les Etats. C’est aussi essentiellement

tout le travail effectué en aval pour veiller à la mise en œuvre de ces actes uniformes746

,

à leur effectivité au plan national des Etats membres. Ceci, dans le cas, regroupe aussi

bien la formation des divers acteurs (magistrats, auxiliaires de justice, avocats, juristes

d’entreprises) mais aussi la promotion de la recherche dans le souci de rendre plus

efficace et plus attractif l’espace harmonisé par des réformes à mettre en œuvre747

.

Cependant, la même réussite est conditionnée par l’aboutissement des objectifs réels de

l’organisation. Ce qui à ce jour est loin de faire l’unanimité. En effet, les divers pays

743

Cf. ONANA ETOUNDI F., « L’état de la jurisprudence de la CCJA de l’OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008. 744 Cf. Guide des politiques communes de l’union européenne, op. Cit, p. 122. 745

Ibidem. 746 Par la vulgarisation et la promotion des dispositions communautaires. 747

Cf. ISSA SAYEGH J., « Le bilan jurisprudentiel du droit uniforme OHADA, Congrès de Lomé : le rôle du droit dans le développement économique », 2008.

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membres de l’organisation ont opté pour un ordre juridique communautaire dans un

souci de croissance et de développement économique. Un développement qui devrait

normalement se sentir au niveau interne, au niveau des peuples africains de l’espace

harmonisé. Cela est-il effectif ? l’OHADA jouit-elle d’une telle popularité et est-elle

venue sauver et sortir ces peuples de la pauvreté ? Ce sont des questions dont la

résolution ne saurait que consolider la coopération et conforter la place de l’OHADA et

l’effectivité de son droit.

Au vue de ces problématiques et pour y apporter des solutions efficaces, il sera question

d’envisager une réforme de l’ERSUMA (Paragraphe 1) qui est à ce jour cet organe

facilitateur de la coopération juridique et ensuite d’étudier les autres facteurs qui

limitent l’étendue de cette coopération (Paragraphe 2).

Paragraphe I : La réforme de l’ERSUMA748

Notre intérêt ici portera sur la mission de formation et de recherche que s’est confié

l’OHADA, dans le but de valorisation de son droit et de le rendre plus effectif. Cette

mission fut confiée à l’ERSUMA, qui jusque là, il faut le reconnaitre, la remplit avec

plus ou moins de réussite.

Mais une organisation comme l’OHADA, avec de telles ambitions et comptant

s’imposer en Afrique comme une référence, doit pouvoir mieux faire, doit pouvoir

améliorer ses performances, doit pouvoir sentir l’opportunité de certaines réformes

quand il est une urgence vitale pour l’espace harmonisé de les faire.

A cet effet, il sera question de révéler les contraintes à la mission de l’ERSUMA et

d’envisager si nécessaire une réforme dans le fonctionnement de cet organe

communautaire.

A. Les contraintes à la mission de l’ERSUMA

Diverses investigations avaient déjà été mises en œuvre sur les missions de l’OHADA,

depuis plus d’une décennie. Il était question, d’évaluer l’efficacité du processus mis en

748

Sur le sujet, voir aussi MODI KOKO BEBEY H. D., « L’harmonisation du droit des Affaires en Afrique : regard sous l’angle de la théorie générale du droit », Revue ERSUMA, 2007.

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place par l’organe dans sa mission de formation749

, de documentation et de recherche.

Ainsi les Rapports AMADY BA de Mars 1999 et de LOHOUES-OBLE, d’Octobre

2002 soulignaient le caractère souple et évolutif des divers programmes entrepris par

l’organe communautaire.

Cependant, le rapport d’évaluation entrepris par l’Union Européenne, faisait état d’une

autre déficience dans l’action de l’ERSUMA, à savoir, l’inefficacité de l’activité de

recherche et l’insuffisance des mécanismes de vulgarisation du droit communautaire750

,

qui ensemble constituaient un frein à la politique de formation de l’organe.

La recherche est l’une des composantes les plus importantes de l’œuvre communautaire,

dans le souci de nourrir la connaissance et les réflexions sur le droit des affaires

africain. Malheureusement, l’on a plus tendance à penser, eu égard à l’analyse faite des

priorités de l’ERSUMA, que la formation est au cœur de sa mission. Comme le

soulignait l’excellente « Etude diagnostique de l’ERSUMA »751

réalisée en 2008, à la

demande de l’Union Européenne, par le Professeur Jean Jacques Raynal, « l’orientation

donnée à l’École lors de sa mise en place et les moyens humains qui lui avaient été

affectés depuis son ouverture ne permettaient pas qu’une telle activité s’y développe

»752

.

Pour permettre à l’ERSUMA d’y remédier, l’UE concluait, dans le cadre du Programme

Indicatif Régional (PIR), une convention de financement dans le but de mettre en œuvre

l’action intitulée « Soutien technique et pédagogique à l’ERSUMA et appui

institutionnel à l’OHADA ». Ce projet permit la mise en place d’un centre de recherche

et de documentation, doté d’un personnel et de la logistique nécessaire et l’édition d’une

revue communautaire de droit des affaires. A cet effet, un comité d’experts fut réuni en

Juin 2011 à Cotonou afin de tracer la ligne éditoriale, le contenu juridique et les

diverses perspectives pour la pérennisation de la dite revue. Lors de ces travaux, furent

prise d’importantes décisions notamment celle de faire de cette revue communautaire le

relai des travaux scientifiques sur le droit africain, et de l’ouvrir aux universitaires,

praticiens, professionnels des secteurs d’affaires, afin qu’elle soit une référence

juridique en Afrique.

749

Ibidem. 750 Ibidem. 751

Cf. Annexes. 752 Cf. Annexes.

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L’accent fut aussi mis sur la formation, dans le souci de rendre légitime et effectif

l’application du droit communautaire au plan national des Etats parties.

Son programme prévoit six différentes activités de formations : la formation des

formateurs magistrats, celle des formateurs auxiliaires de justice, la formation

continue753

spécialisée des magistrats, celle complémentaire des auditeurs de justice, la

formation continue spécialisée des auxiliaires de justice et celle des acteurs nos

directement judiciaires.

Cependant, divers facteurs ruinent encore la réussite effective et durable des diverses

mesures et initiatives prises dans le but de réussir ces missions communautaires.

En effet, l’un des objectifs de l’école est de former les magistrats et praticiens du droit

des affaires dans l’espace harmonisé. Une première mission qui s’étend au plan interne

des Etats, dans le souci d’une bonne promotion et de la vulgarisation des actes

uniformes OHADA. Le nombre de ces acteurs étant impressionnant, il fut institué que

l’école forme des formateurs qui, une fois dans leurs pays d’origine transmettent leur

savoir à leurs homologues. Cependant, force est de constater que cette perspective

souffre, du fait de l’insuffisance matérielle et des ressources limitées de l’organe pour

remplir au mieux cette mission de formation, l’école ne disposant que d’un budget de

fonctionnement n’incluant pas la documentation nécessaire à cet effet. Cette mission

dépendra donc essentiellement des bailleurs de fonds, notamment le PNUD, qui finança

entre autres la première session de formation. Malgré ces divers soutiens, l’ERSUMA

continue toujours de souffrir d’un manque cruel de financement pour ses diverses

missions754

.

De ces constations, on dénote un échec puisant en matière de vulgarisation du droit

communautaire. Aujourd’hui l’intégration juridique755

telle qu’elle est souhaitée par

l’OHADA ne peut être effective si des acteurs publics ou privés ignorent encore

753

La formation continue qui est une formation postscolaire, destinée aux personnes déjà engagées dans la vie active est en principe la mieux appropriée pour les praticiens déjà actifs dans l’Administration. Ils doivent pour ce faire bénéficier des congés de formation pris en charge par l’Etat. 754

Les colloques étant des réunions organisées pour débattre des questions relatives au droit des affaires entre spécialistes sont des occasions de partage d’expériences qui doivent permettre aux praticiens de se rendre à l’évidence sur les facteurs qui entravent l’effectivité de l’application, saine aussi soit-elle de l’OHADA. 755 La formation ainsi envisagée vise à favoriser chez les Magistrats du rang supérieur en l’occurrence de ceux de la cour de Cassation l’adoption et l’adaptation progressive des pratiques juridictionnelles, favorables à la réalisation de l’objectif fondamental du traité de l’OHADA.

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192

certaines dispositions communautaires importantes756

. En guise d’exemple, les

personnels de diverses institutions étatiques concernées par le droit communautaire

(commerce, finances, industrie, justice) n’ont été recensés, ni inclus dans le programme

de formations de l’ERSUMA, ni sensibilisés donc sur la réforme des textes

communautaires. De ce fait, il n’y a aucune répercussion des nouvelles dispositions, des

aménagements apportés au droit communautaire sur ces acteurs publics et privés. Au

Bénin, les sociétés d’Etat refuseraient d’être soumises aux dispositions de l’OHADA,

alors même qu’aux termes de l’article 1er de l’acte uniforme sur le droit des sociétés

commerciales et du GIE, « toute société commerciale, y compris celle dans laquelle un

Etat est associé, est soumise aux dispositions du présent acte uniforme »757

. Les

magistrats chargés du contrôle de l’application de ces réformes ne sont déjà eux-mêmes

pas formés, ou ceux l’ayant été, ont été remplacés par d’autres qui sont toujours en

attente.

Il faut ajouter à cela le fait que les professionnels du droit n’ont aucun accès à la

formation, ni aux textes annotés et commentés. De ce fait, le traité offre des solutions

dans le cadre de procédures totalement ignorées, du coup, des divergences apparaissent

dans l’interprétation des textes, qui semblent ne pas trouver d’issue. Il n’est même pas

prévu des mesures de contrôle ni d’évaluation de la restitution des enseignements reçus

par les formateurs. Le gouvernement Centrafricain, par exemple, a envoyé quatre

formateurs à l’ERSUMA en 1999. Suite à quoi il organisa un premier séminaire758

de

sensibilisation les 18 et 20 Octobre 1999 qui rassemblait 40 magistrats. Il est impossible

à ce jour, en 2015, de dire avec précision si cette première initiative et encore moins

celles qui l’ont suivie ont véritablement impacté sur les instances centrafricaines eu

égard à l’application du droit OHADA. Et plusieurs autres Etats membres se trouvent

être dans la même situation.

En résumé, les véritables contraintes aujourd’hui qui réduisent l’efficacité des actions

de l’ERSUMA relèvent d’un manque de ressources pour ses diverses missions, d’un

756

En guise d’exemple, la cour de Cassation n’étant plus juge de droit dans les contentieux relatifs au droit harmonisé à l’exception de ceux qui appellent des sanctions pénales selon les termes de l’article 14 du traité, elle doit rendre systématiquement des arrêts d’incompétence lorsqu’il est évident que sa compétence ne peut être retenue. 757 Article 1, AUDSCGIE, www.ohada.org. 758

Les séminaires de formation sont des groupes de travail au cours desquels des séries de conférences sont organisées avec des thèmes différents sur le traité, ses objectifs, ses institutions, les règles issues du traité, leur protée, les difficultés liées à leur application, les solutions plausibles à leur bonne application.

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manque d’infrastructures structurelles, d’un manque d’organisation interne d’actions et

surtout d’une absence de modules de contrôle de l’efficacité des acquis. Des problèmes

assez importants auxquels il urge de proposer des solutions.

B. Les solutions de renforcement pour l’ERSUMA

La réflexion sur une éventuelle réforme et un renouvellement des contenus et méthodes

d’actions de l’ERSUMA pour la rendre plus efficace avait débuté depuis quelques

années déjà. Il s’était déjà fait ressentir les divers maux qui ralentissaient et réduisaient

considérablement les acquis du droit communautaire.

Les rapports AMADY BA et LOHOUES-OBLE précités, recommandaient déjà à

l’époque, que les programmes de l’ERSUMA soient rendues plus attractifs, en incluant

non plus que le droit uniforme OHADA dans sa branche de formation et d’études mais

aussi d’autres droits communautaires comme le droit des assurances de la CIMA759

, le

droit de la propriété intellectuelle de l’OAPI760

, le droit de la sécurité sociale de la

CIPRES761

, et le droit bancaire de l’UEMOA762

et de la CEMAC763

.

En l’analysant de plus prêt les détails pratiques, cette solution a le mérite de résoudre

deux problèmes importants : celui du financement des activités de l’ERSUMA, qui alors

bénéficierait de l’appui de ces diverses autres organisations communautaires mais aussi

celui de la coopération plus accrue avec ses organisations. Une façon plus pratique de

rendre plus légitime et plus populaire l’œuvre communautaire de l’OHADA.

Cependant, cette solution implique la couverture d’une plus grande zone

communautaire, donc que le nombre de magistrats, de praticiens ou d’acteurs

économiques à former soit multiplié. Certes un avantage mais aussi une contrainte

supplémentaire pour un organe qui a déjà énormément de mal dans sa gestion et doit

faire avec le personnel réduit qui lui est attribué.

759

Conférence Interafricaine des Marchés d’Assurances créée en 1962. 760 Organisation Africaine de la Propriété Intellectuelle créée le 02 mars 1977 par l’Accord de Bangui pour prendre la suite de l’Office Africain et Malgache de Propriété Industrielle (OAMPI) qui fût créée par l’Accord de Libreville le 13 septembre 1962. 761 Créée en 2000. 762

Créée à Dakar au Sénégal le 10 Janvier 1994. 763 Créée le 16 Mars 1994.

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Cette proposition fut tout de même mise en œuvre mais cependant sous l’aspect de la

recherche et de la documentation et non celui de la formation, faisant ainsi de

l’ERSUMA, une institution sans pareille dans l’espace harmonisé mais aussi au plan

africain, qui intègre l’idée d’une étude sur des modèles d’intégration autres que le sien.

Cela n’a cependant pas résolu tous ces problèmes. C’est ainsi qu’un projet de réforme

de l’ERSUMA est à l’ordre du jour et fait l’objet d’importantes discussions sur le

nouveau visage et les nouvelles attributions et prérogatives à donner à cette institution

de l’OHADA.

En effet, il nous semble primordial que l’ERSUMA élargisse ses propositions en terme

de formation. Un élargissement ratione personae qui implique que les cycles de

formation prennent en compte tous les corps, tous les personnels judiciaires et

parajudiciaires dont il faut assurer la spécialisation et l’information. Pour ce, sa mission

de formation doit toucher : les personnes du secteur privé qui se trouvent confrontées

aux droits uniformes des affaires (chefs d’entreprise; cadres ; membres d’organismes

professionnels)764

et les fonctionnaires chargés d’œuvrer dans les organisations

internationales.

Par conséquent, elle devrait agir en collaboration avec les écoles nationales

d’administration, les écoles nationales de magistratures, l’ordre des avocats et les écoles

de formations des métiers juridiques765

. Evidemment il faut préciser que le contenu de

ces cycles de formation divergera pour le personnel judiciaire et le parajudiciaire.

« Aussi, un élargissement ratione materiae, étant donné que le droit OHADA n’est pas

le seul en matière de droit uniforme des affaires. Il faudra ainsi envisager, comme nous

l’avons souligné plus haut la coopération avec les autres organisations qui produisent

des normes ayant des connexions avec le droit OHADA telles que l’OAPI (Annexes au

Traité), CIMA (Code CIMA annexé au Traité), UEMOA et CEMAC (Règlements) ».

Ainsi, l’ERSUMA veillerait à ce que les divers acteurs aient une connaissance plus

approfondie non pas que du droit uniforme OHADA mais aussi de l’ensemble des

dispositions du paysage juridique harmonisé.

764

Ce sont ces personnes qui sont le plus touchées par l’œuvre communautaire. 765 C’est ce que recommande, à juste titre, l’article 4, paragraphes 2 et 4 du projet de Règlement.

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Concernant sa mission d’information, et toujours dans la même logique, l’ERSUMA, en

tant qu’institution autonome, devrait rendre disponible sur son site internet

www.ohada.org, toutes les parutions, les informations diverses sur la tenue des

colloques, des cycles de formation, des opérations et travaux scientifiques en son sein,

des actualités sur le droit communautaire, de l’évolution de la doctrine communautaire.

Cette mission est déjà assez bien remplie mais peut encore être améliorée et rendue plus

effective. Elle doit aussi veiller à la publication continue de l’autre source du droit

communautaire qu’est la jurisprudence. L’ERSUMA doit être au centre de la

communication et veiller à la mise en place d’une véritable base de données

jurisprudentielles, ce qui constitue à ce jour une véritable carence pour les travaux

scientifiques sur les questions communautaires, du fait de l’accès encore très

problématique à ces décisions. Par sa position, l’ERSUMA est toute proche de la

CCJA766

et des Centres nationaux de formation judiciaire (CFJ). Il lui est donc possible

et facile de collecter les décisions des juridictions nationales en s’alliant aux CFJ qui les

collecteront pour elles, les trieront, voire en élaboreront les abstracts et les sommaires

de façon à assurer une information jurisprudentielle régulière et massive, constituant la

seule base de mesure de l’incidence et de l’impact du droit communautaire, et ainsi en

relèverait les difficultés d’interprétation. L’intérêt d’une telle démarche est de faire la

promotion du droit uniforme mais aussi de lever les équivoques pour d’autres juges

soumis à des conditions déjà relatées antérieurement devant une autre juridiction ou

dans une autre affaire. C’est dire, et c’est important, qu’une telle mesure a le mérite de

participer aussi à la formation des magistrats, des avocats et des autres acteurs

judiciaires, via l’accès à cette jurisprudence communautaire.

En ce qui concerne sa mission de recherche, elle constitue un complément indispensable

à toute activité d’enseignement et de formation comme le précise et le soutient le

professeur SAWADOGO : « En constituant une bibliothèque et une base de données

jurisprudentielles abondante et sans cesse mise à jour, l’ERSUMA ne manquera pas de

susciter des sujets de réflexion chez les enseignants, les chercheurs et les praticiens du

droit. C’est auprès d’elle que les chercheurs viendront trouver l’inspiration et la

documentation. Dans cette perspective, pourquoi ne pas imaginer des accords de

coopération avec des structures universitaires de recherche pour susciter de telles

766

Cf. ONANA ETOUNDI F., « L’état de la jurisprudence de la CCJA de l’OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008.

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vocations et actions ? »767

. Dans cette perspective, le professeur Sawadogo propose que

l’école organise des conférences, des rencontres scientifiques, des colloques et des

séminaires, pour voir accueillir des chercheurs et des universitaires, mais aussi des

étudiants afin de favoriser plus spécialement l’engouement autour du droit OHADA et

promouvoir la recherche. L’ERSUMA dans la logique de cette coopération évoquée

plus haut, avec la CCJA et les CFJ, pourrait donc établir chaque année des rapports de

contrôle et de remise à niveau de son action au plan interne des Etats mais aussi au plan

communautaire, notamment par l’étude des résultats relatifs à la formation des acteurs

judiciaires, les résultats sur les apports de la doctrine communautaire et sur les impacts

de ses travaux sur l’amélioration des avancées de l’OHADA. Une façon indirecte de

s’attribuer le rôle de diffuseur et de contrôleur du droit uniforme.

La doctrine768

est unanime sur la nécessité d’une réforme de certains organes de

l’OHADA, notamment l’ERSUMA. A cet effet, il est aussi jugé nécessaire :

- de procéder à un contrôle et une réduction des coûts (mêmes les Etats parties y

sont astreints) : faire le maximum avec les maigres ressources disponibles,

bannir tout gaspillage769

;

- de sélectionner les formations à dispenser en raison de leur impact sur

l’application du droit, comme leur nouveauté, leur technicité, les difficultés

d’application rencontrées770

;

- d’utiliser davantage les DVD de formation, la visioconférence, des moyens

informatiques à la pointe de la technologie pour rendre plus faciles et ouvertes

au plus grand nombre les formations771

;

- de contribuer à l’élaboration, à la confection, à la diffusion de la

documentation772

;

767

In SAWADOGO, Rapport sur le droit OHADA, 2012, Revue ERSUMA. 768

Conférence des forces vives de l’OHADA, Cotonou, Bénin, 2013. 769

Ibidem. 770 Ibidem. 771 Sur le sujet, voir aussi TIGER P. et KEMOUN B., « Les rapports entre les juridictions de cassation nationales et la CCJA de l’OHADA : Aspects conceptuels et évaluation – 8

e assises statutaires de l’AA-HJK

à Lomé du 6 au 9 Juin 2006 », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 117

e Année, Numéro 860, Juillet – Septembre 2007.

772 Ibidem.

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197

- de rendre électronique la documentation disponible et les mettre en ligne pour

les usages de la science773

.

En résumé, les diverses solutions évoquées œuvrent dans le sens d’une réforme de

l’ERSUMA, afin d’atteindre les objectifs fixés par l’organisation. Cependant, cet organe

n’est certainement pas le seul vecteur de la réussite de la coopération juridique et de la

consécration des acquis de l’OHADA.

Paragraphe II : Les facteurs internes limitant la réussite de

l’intégration communautaire

L’OHADA, nous le soulignons encore est une organisation qui se veut être l’acteur et le

principal vecteur de 3 facteurs d’intégration :

- L’intégration économique, qu’elle poursuit depuis 20 ans et qu’elle va continuer

à organiser et dynamiser durant des années encore774

.

- Le développement économique des Etats membres, qui est conditionné à

énormément de facteurs économiques, notamment la baisse certaine de la

pauvreté, le développement de la sécurité judiciaire dans l’espace harmonisé,

l’ouverture des frontières entre Etats membres et le libre échange économique.

Tout ceci sous l’égide de la codification de l’OHADA et sous la surveillance des

mécanismes communautaires de règlement des litiges et des institutions

communautaires775

.

- La coopération communautaire776

, qui certes relève d’une notion politique mais

reste un véritable aspect de la réussite d’une intégration ou d’un ordre

juridique777

.

Ces divers facteurs aujourd’hui sont au centre de la politique d’extension778

de

l’organisation. Mais en poussant plus loin notre analyse, il est judicieux de se demander

773

Ibidem. 774

Sur un plan purement juridique par contre et exclusivement au plan communautaire, l’une des limites à son action comme nous l’expliqueront dans cette partie. 775 Qui ont eux aussi montré leurs limites en matière d’efficacité au plan national. 776 Les divers échanges de tout ordre entre Etats membres. 777

La future célèbre question de la séparation des pouvoirs au plan communautaire car à ce jour, aucune législation communautaire ne survie dans l’emprunte du politique. Une problématique que nous développement dans nos futurs articles et travaux de recherches. 778 Une politique d’extension qui nécessite aujourd’hui d’être redynamiser eu égard à tous ces facteurs.

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à quoi riment ces diverses politiques ? A quoi servirait réellement l’OHADA ? C’est

aussi dire, qui est censé être le dernier bénéficiaire ou le principal bénéficiaire779

de

l’œuvre OHADA ? Et à ce jour, quel bilan retenir de l’action communautaire eu égard à

cette considération780

?

A. Les peuples africains bénéficiaires de l’œuvre

communautaire

« Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite »781

.

« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »782

Montesquieu.

Il n’y a nul doute qu’aucun chef d’Etat, aucune organisation communautaire, aucune

institution communautaire, aucun acteur de la vie communautaire ne prétendra un jour

que l’OHADA est l’œuvre d’un tel ou tel ou d’un groupe de tel dans le souci de garantir

une prospérité personnelle ou de satisfaire une envie ou un idéal personnel783

. C'est dire

que l’œuvre de l’organisation communautaire vise le développement non pas des

dirigeants africains ou d’un groupement spécifique mais des peuples africains784

. Le but

étant de les sortir de la pauvreté, en leur garantissant un espace économique plus

favorable et plus viable, en leur assurant une prospérité et surtout des possibilités

communautaires d’échanges, censées surpasser le cadre de la mauvaise gouvernance

interne785

souvent remarquée. Les options juridiques et judiciaires qu’il urge à ce jour

d’étudier afin d’évaluer en quoi l’œuvre communautaire de l’OHADA a pu ou non

changer la vie de ces honnêtes populations. Et à l’heure d’établir ce bilan, il est assez

mitigé.

779

Tout porte à croire que l’œuvre de l’organisation communautaire est destiné aux entreprises et aux acteurs économiques mais en ignorant bien entendu diverses implications internes que nous avons jugé nécessaire de soulever. 780

Cf. Bérenger Y, MEUKE B., « observations sur les démembrements des droits sociaux dans l’espace OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 117

e Année, Numéro 858, Janvier – Mars 2007,

pages 97 – 104. 781 Rapport public annuel du Conseil d’Etat, « De la sécurité juridique », la documentation française, 1991. 782

In Rapport public annuel du Conseil d’Etat, op. Cit, p. 25. 783 Cf. Bérenger Y et MEUKE B., op. cit, p 100. 784

Victimes des fléaux de la pauvreté. 785 Une mal gouvernance qui ronge encore l’économie de ses Etats africains.

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Notre approche dans cette partie est assez critique, nous tenons à le souligner, car nous

reconnaissons certes les acquis de l’ordre juridique OHADA mais nous ne sommes pas

partisans de la logique de réglementer pour réglementer ou d’organiser pour

organiser786

. A cet effet, c’est l’impact de la mission de l’OHADA au plan interne qui

nous intéresse. C’est le succès auprès du citoyen lambda qu’il soit localisé aux

Comores, à Dakar, à Yaoundé, au fond de la forêt du Congo, ou encore au sein d’une

famille de pêcheurs ou d’agriculteurs, de simples commerçants787

à une petite échelle

économique dans l’une ou l’autre des régions de ces 17 Etats conquis par l’œuvre

communautaire.

A cet effet, notre approche touche dans un premier lieu la vulgarisation788

non

seulement des actions de l’OHADA mais aussi du bien fondé et des avantages de

l’organisation pour les peuples africains.

A ce jour, ce bilan est des plus critiques car l’OHADA reste une grande ignorance dans

l’esprit de ces honnêtes citoyens, qui croupissent sous le poids de la pauvreté et de la

misère et n’ont de temps ni d’interlocuteurs pour leur expliquer l’intérêt encore moins

l’impact d’une telle organisation sur leurs quotidiens789

. C’est dire que l’OHADA à ce

jour n’a aucune politique efficace qui vise à garantir la vulgarisation de ses œuvres et

des avantages, aux populations. Quant on compare sur ce point l’organisation africaine

OHADA à l’Union Européenne par exemple, l’on se rend nettement compte de la

grande différence et du grand pas qu’il y a à faire.

En effet, les populations européennes, même dans les régions les plus reculées des

centres de prises de décisions790

, connaissent toutes, l’existence et la prérogative de

l’UE. Elles en connaissent les attributions, les organes décidant et mieux encore suivent

régulièrement l’évolution des débats et l’actualité européenne791

. Certes ce n’est pas le

même type d’intégration mais l’UE a le mérite en tant qu’ordre juridique

communautaire, d’avoir veillé et avec la participation active des Etats, à s’accorder une

786

Toute démarche d’instauration d’un ordre juridique communautaire doit être une œuvre utile, justifiée mais surtout réaliste et à cet effet, vecteur de résultats conséquents. 787

De l’informel. 788 Cf. Bérenger Y etMEUKE B., op. cit, p 102. 789 Des personnes aujourd’hui en Afrique, après 20 ans ne savent toujours pas ce qu’est l’OHADA alors qu’en Europe par exemple, l’UE n’est plus une ignorance pour personne. 790 Bruxelles, Luxembourg, Strasbourg pour ne citer que ces quelques sièges des organes de l’UE. 791

Diverses chaines de télévisions Européennes sont très portées sur les débats communautaires et permettent ainsi la vulgarisation des échanges au plan communautaire de l’UE.

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certaine légitimité dans ses actions et surtout de la crédibilité à ses institutions. Ce qui

n’est certainement pas le cas de l’OHADA qui souffre encore de telles insuffisances.

S’il était question à ce jour d’organiser une élection nationale au sein de chaque Etat, un

référendum afin de juger de la nécessité ou non de rester dans cette organisation

communautaire africaine, le taux d’abstention serait extraordinaire792

.

Il faut le dire, et insister sur ce, lorsque l’on a pour ambition en tant que organisation

communautaire de se développer, de s’étendre à d’autre Etats, les meilleurs

ambassadeurs pour une telle cause sont les bénéficiaires des actions mises en œuvre,

c'est-à-dire les populations. Et pour ce, il urge de repenser la politique de vulgarisation

et de promotion de l’OHADA au plan interne des Etats.

Il faut aussi souligner dans notre analyse que si l’organisation en est encore à ce taux

négligeable de popularité au plan national des Etats, c’est aussi la faute des dirigeants

qui limitent leurs actions à la prise de décisions au plan communautaire. C'est-à-dire

qu’à ce jour, très peu de colloques, de séminaires ou d’ateliers de vulgarisation ou

d’information sur le droit communautaire, ses avantages et sa politique sont organisés

au plan national ou véritablement médiatisés. L’on nous dira, dans diverses enquêtes793

que nous avons réalisé au sein de l’ERSUMA à cet effet, en Juin 2014, que la raison

principale est le manque de ressources financières pour de tels projets. Mais nous avons

déduit une autre raison. La source même de ce problème provient de la mauvaise foi des

politiques africains794

en matière d’alphabétisation et d’émancipation des populations

pauvres et les plus reculées. C’est dire, et admettre avec regret certes mais il faut le dire

et insister là dessus, que le politique africain, le gouvernement tire plus de profits d’une

population ignorante et indigène, qui se révélerait ainsi plus facile à manipuler que

d’une population émancipée et souveraine, maître de son destin et de ses choix

économiques et politiques795

. Car il sert absolument à rien de financer des projets

d’informations et de sensibilisation pour des populations qui savent déjà rien de ce

qu’est un acte uniforme, ni des attributions de la CCJA, ni des avantages qu’apporte

l’OHADA, ni d’un quelconque ordre juridique communautaire. Pire, des populations

792 Eu égard à l’incroyable impopularité auprès des peuples africains. 793 Cf. Annexes : détails sur l’enquête, les critères d’évaluation, les résultats obtenus. 794

Cf. NDAM I., « l’invocation en matière judiciaire : obligation ou simple faculté pour la cour commune de justice et d’arbitrage », Revue Ersuma numéro 886, page 89. 795

Un facteur crucial du recul économique africain, comme nous le présenterons dans nos prochains travaux.

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que cela n’intéresse certainement pas, vu que l’impact sur leur vie est presque

inexistant796

.

Poussons plus loin la réflexion en nous demandant combien de ce type de citoyen,

combien de ses personnes ont déjà eu à recourir à la juridiction communautaire, voire à

une instance judiciaire nationale, dans leur activité commerciale et sur la base de tel ou

tel autre acte uniforme ?

Ces chiffres sont inexistants tellement le résultat est mitigé. C'est-à-dire qu’à ce jour, les

seuls qui ont déjà bénéficié des voies de recours ou des mécanismes mis en place par le

législateur communautaire sont des entreprises soit internationales soit nationales mais

avec des ressources financières et un capital assez conséquent. Comparativement à

l’UE, dont la juridiction n’a certes pas les mêmes attributions et prérogatives que la

CCJA mais qui à ce jour a enregistré des milliers de cas de saisine de divers Etats et de

diverses populations, le gage du bon fonctionnement de l’institution et de la crédibilité

et de la légitimité dont elle jouit auprès des populations de ses Etats membres797

, c’est

aussi le gage d’une certaine organisation juridique et judiciaire que cet ordre

juridique798

a su mettre en place pour s’assurer la réussite de ses missions dans l’espace

européen. Par contre, seuls les grosses pointures du commerce africain, les acteurs

économiques majeurs, sont les utilisateurs les plus aguerris du droit OHADA799

. Alors

que l’on sait que l’un des soucis majeurs manifesté par les Etats membres de

l’organisation était de pouvoir sortir divers petits commerces de l’informel800

. Des petits

investisseurs qui ensemble, constituent une véritable puissance économique et surtout

un manque à gagner important pour les Etats, étant donné qu’il échappe à toute

imposition. Il faut reconnaitre avec tristesse que toutes les mesures prises et envisagées

par l’OHADA ne semblent pas porter encore leur fruit sur le plan pratique et que ses

Etats souffrent encore de ce phénomène africain.

C’est dire et reconnaitre aujourd’hui que quelque part, l’OHADA dans sa perspective

d’intégration, souffre d’un véritable problème de proximité avec les populations dont

796

Des populations qui ont des soucis de survie plus importants que de s’informer et de s’instruire sur le droit des affaires communautaire. 797 L’accès du justiciable à la justice est très importante dans toute œuvre de sécurité judiciaire. 798 L’UE. 799

Il est très incertain à ce jour pour un justiciable africain lahnda d’avoir recours à un avocat n’ayant pas les moyens pour faire valoir ses droits. 800

La vraie raison n’étant pas de leur assurer des droits mais juste de les rendre imposable et constituer de nouvelles recettes pour l’Etat.

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elle est censée défendre et garantir les intérêts dans l’espace harmonisé. C’est surtout

reconnaitre qu’il est impossible pour l’organisation de s’étendre à d’autres Etats, et pour

cela même, d’intéresser d’autres Etats si elle ne fait pas l’unanimité et ne gagne pas la

légitimité nécessaire auprès de ces peuples en soif et en quête d’idées novatrices pour

sortir de la pauvreté.

B. Des solutions pour la vulgarisation de l’intégration OHADA

vers les peuples africains

Comme l’a souligné Luc Marius IBRIGA, Professeur de Droit à l’Université de

Ouagadougou à propos de l’U.E.M.O.A « Une institution supranationale conçue dans la

perspective d’un véritable dépassement des organisations internationales traditionnelles

de type international, c’est une technique d’intégration fondée sur la supranationalité de

l’organisation chargée de réaliser l’harmonisation du droit des affaires801

». Ces propos

trouvent tout leur sens dans la logique actuelle dans laquelle s’inscrit l’œuvre de

l’OHADA. Comme toute organisation internationale, régionale, communautaire, elle

doit s’adapter aux réalités de chacun et de tous et réussir l’œuvre d’intégration qui est la

sienne. Pour ce, l’OHADA doit à ce jour cibler les peuples africains dans cette

perspective802

.

Il est donc question de sensibiliser le plus grand nombre sur le bien fondé de l’action

communautaire mais aussi et surtout de ressortir les intérêts de cette action pour eux,

pour leur développement personnel, pour leurs besoins économiques et la sécurité de

leurs investissements quel qu’en soit la teneur803

.

L’OHADA doit réussir à sortir ces peuples de leur clivage traditionnaliste et leur faire

comprendre l’urgence de nouer avec le modernisme et les nouvelles réalités socio-

économiques.

801

IBRIGA L., « spécial thème : Régional Economic Intégration in Africa Part I », Revue Ersuma, 2012, P.163. 802

SALEY SIDIBE H., « la durée des sociétés commerciales en droit OHADA », numéro 888, pages 335. 803 De nouveaux enjeux pour l’OHADA dans sa perspective d’intégration.

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Le professeur Dieunedort NZOUABETH, nous racontait durant un cours, en Master 1,

droit comparé portant sur le Droit communautaire804

, que lors d’une mission de

sensibilisation effectuée dans une zone reculée en Afrique, que l’une des intervenantes

leur répondait sur la question des droits de la femme, « qu’il est bien beau de leur dire

qu’elles ont des droits mais quitte à s’en servir où ? Devant qui ? Ou face à qui ? Qu’il

leur est déjà très difficile voir impossible de tenir tête à leur mari ou même de songer à

se plaindre, même battue. »805

Ceci montre clairement les dures réalités auxquelles font

face ces femmes, mais aussi ces populations, qui vivent encore dans une sorte de

tradition, qui n’admet de place à la justice, à l’équité ou encore moins au droit des

affaires. C’est dire et surtout comprendre quel lourd travail attend l’OHADA dans un

souci de vulgariser son action.

Les solutions que nous proposerons se veulent aussi être un appel à la conscience et à

relativiser aujourd’hui les vraies raisons de l’harmonisation806

. D’abord pour l’OHADA,

il sera question de repenser les objectifs pour qu’ils soient bien clairs qu’il n’est pas

seulement question d’édicter des actes uniformes, de créer des juridictions mais qu’il est

avant tout question de trouver des solutions juridiques, pour une sortie de la pauvreté,

par les garanties du droit des affaires, c'est-à-dire qu’a ce jour, l’OHADA doit

certainement reconsidérer sa politique807

.

Sur un plan plus pratique, il serait nécessaire et comme le proposent certains auteurs que

soit créé un parlement régional OHADA afin d’impliquer au mieux les populations aux

prises de décisions communautaires. Ce parlement aurait ainsi la particularité de

représenter toutes les classes sociales concernées par les actions du droit harmonisé

mais aussi toutes les populations de l’espace harmonisé afin, non seulement que les

questions communautaires soient débattues en considération des réalités de tous mais

aussi que les décisions prises soient répercutées sur tous, afin de garantir une certaine

publicité. L’autre avantage d’une telle mise en place est d’assurer à l’OHADA une

certaine popularité, de la crédibilité et une légitimité auprès de ces populations, des

choses qui lui manquent cruellement. L’Organisation va ainsi s’assurer une certaine

prospérité et surtout une attractivité pour les autres Etats n’y étant pas encore.

804 Cf. EYANGO DJOMBI D., « la nouvelle définition du commerçant dans l’acte uniforme OHADA au regard de la théorie juridique de l’acte de commerce », Revue Ersuma numéro 888, pages 372. 805 Dieunedort M., Cours de droit communautaire, Cotonou, 2011. 806

Ibidem. 807 Cf. Titre 2, Deuxième partie.

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L’autre solution à préconiser serait d’assurer, auprès de chaque Etat des délégations

communautaires pour assurer la communication sur les questions qui touchent ou

intéressent le droit communautaire, une façon non seulement de recueillir les avis, les

opinions, les difficultés de ces populations mais de les impliquer plus spécifiquement

dans le processus décisionnel, ce qui constituerait un atout majeur.

Enfin, l’OHADA, doit impérativement insuffler à ses acteurs politiques, scientifiques et

juridiques, la nécessité que des réflexions soient menées sur l’opportunité des actes

uniformes envisagés et sur les nécessités les plus pratiques des Etats808

. C’est dire par

exemple que l’on ne conçoit pas encore qu’à ce jour un acte uniforme sur le droit du

travail ne soit pas encore adopté alors que les populations souffrent d’un besoin cruel de

telles dispositions pour garantir la sécurité du travail et les droits des travailleurs809

.

Diverses réflexions devraient aussi être menées dans le sens de garantir une accessibilité

facile aux instances judiciaires sur les questions touchant à l’ordre juridique harmonisé,

ce qui constitue à ce jour un luxe pour une certaine tranche de la population africaine810

.

Des justiciables qui, en grande partie, ignorent encore tout ou presque des voies de

recours, des textes communautaires existants, aussi et surtout, nourrissent encore

d’énormes suspicions sur l’impartialité de nos juridictions nationales et sur leur

efficacités. Des inquiétudes qui, nous le verrons par la suite, sont tout à fait fondées

dans la pratique. Des inquiétudes qui ruinent encore l’éclosion de l’OHADA et sa

perspective d’extension.

Mais l’éclosion de l’OHADA n’est certainement pas due qu’à des facteurs d’ordre

national. Son modèle d’intégration souffre encore de bien des insuffisances au plan

matériel.

808 Question que nous aborderons plus spécifiquement dans la suite. 809

Le travailleur est le citoyen par excellence, le plus proche de la société, du peuple mais aussi le plus proche du politique et des décisions sociales et économiques mis en œuvre. Un atout majeur pour toute politique d’extension, comme nous l’expliquerons. 810 Eu égard au coût très élevé de la procédure.

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CHAPITRE II

LES INSUFFISANCES MATERIELLES DU MODELE JURIDIQUE

OHADA

Les problématiques liées à l’effectivité du droit communautaire touchent

essentiellement ses organes les plus actifs comme nous l’avons précédemment relevé.

Toutefois, il reste contextuellement une énorme différence entre être effectif et être

efficace. L’efficacité est l’apanage et le meilleur ami des organisations communautaires

ayant su pallier intégration juridique et nécessité ou opportunité des mesures matérielles

prises811

. A ce jour, et sur ces questions, l’OHADA peine à faire l’unanimité, surtout

quant on sait que l’organisation souffre d’une carence matérielle dans certains domaines

du droit des affaires qui méritent toute son attention812

.

Il urge de se demander si, les actes uniformes adoptés ont toujours été les meilleurs ou

les plus nécessaires, si les divers projets d’actes uniformes n’ayant jamais connu le jour

ne justifiaient pas d’un besoin et d’une opportunité de codification de ces domaines, si

l’OHADA dispose réellement d’une bonne politique dans le choix et la mise en place

des matières à harmoniser (Section I).

Ces diverses interrogations, une fois résolues ne seraient qu’un atout certain à la

perspective d’un droit OHADA plus efficace mais aussi d’un espace harmonisé plus

sécurisé et plus fiable pour les divers acteurs économiques.

Cette sécurité juridique, il en est bien question dans toute l’œuvre communautaire de

l’OHADA. Sur la question, l’on n’ignore pas que les mesures répressives ont le mérite

d’avoir un caractère dissuasif. Cependant, la répression des incriminations prévues au

plan communautaire est encore un réel casse-tête pour l’intégration813

. Sur ce, il urge

aussi d’entreprendre des démarches dans ce sens afin de promouvoir et d’envisager

l’opportunité d’un acte uniforme spécifiquement porté sur la répression des infractions

prévues par le législateur OHADA (Section II).

811

Exemple de l’UE dans la réglementation et la sanction des clauses pénales abusives : CCJE, 30 Mai 2013 aff. C-397/11 812

Exemple du droit du travail et du droit pénal que nous aborderons dans cette partie 813 Cf. Mathieu D., in Dictionnaire permanent-droit européen des affaires, juillet 2013, p.7

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Section I : Les insuffisances des mécanismes d’adoption des actes

uniformes

La question de l’élaboration des actes uniformes intervient dans le contexte précité,

comme une réponse aux besoins non seulement du marché, du droit des affaires, à une

nécessité de sécuriser tel ou tel autre domaine, mais surtout de répondre à un besoin

commun. Vu de la sorte, notre analyse personnelle nous laisse penser que certains actes

uniformes méritent un plus que d’autres de voir le jour. Quand on raisonne en termes de

besoins, on ne comprend pas en effet le fait que le projet d’acte uniforme sur le droit du

travail, souffre de difficultés et le fait que son adoption pose encore des problèmes.

Surtout quand on sait que des milliers de travailleurs en Afrique, dans l’espace

harmonisé, travaillent sans être protégés par aucune législation, dans une totale

ignorance de leurs droits et libertés syndicales et en toute impunité des éventuels

employeurs adeptes de pratiques d’influences et de pression visant à maintenir ces

personnes sous le joug d’une forme d’esclavage, ayant pour cheval de bataille le

chômage sévissant en Afrique. C’est aussi se demander quel politique effectif

l’OHADA propose pour sortir toutes ces entreprises enfouies dans l’informel, afin de

les rendre imposable et en règle juridiquement dans ces Etats. C’est autant de chantiers

aussi importants que ceux déjà élaborés, qui nous poussent à ne poser la question de

savoir comment l’OHADA choisit-elle ces matières du droit uniforme.

Elle nous laisse aussi nous demander si la solution aux problèmes de l’organisation

réside vraiment dans la diffusion d’autant d’actes uniformes que possible ! Est-ce

qu’éventuellement un corpus juridique plus important et plus imposant est la solution à

tous les maux dont souffre non seulement l’OHADA mais l’économie de ses Etats

membres ?

Ces diverses problématiques sont ici au centre de notre analyse et nous les aborderons

en voyant d’une part la problématique de l’élaboration des actes uniformes (Paragraphe

1) afin d’en envisager d’autre part les solutions pour l’efficacité des dispositions

matérielles uniformisées (Paragraphe 2).

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Paragraphe I : La problématique de l’élaboration des actes

uniformes

Cette problématique se situe sur deux plans, celui du choix des matières à harmoniser814

et celui des limites de la procédure d’élaboration.

A. Le choix des matières à harmoniser

Au regard des démarches déjà entreprises dans ce sens par l’organisation, il est à

déplorer le vide juridique que laisse l’OHADA en matière pénale, en laissant la

lassitude aux Etats membres de remplir les types de répression aux infractions prévues

communautairement. D’autres organisations communautaires comme l’OAPI, la CIMA,

l’UEMOA, la CEMAC, n’ont cependant pas adopté la même démarche en matière

pénale, jouissant ainsi pleinement de la supranationalité du droit communautaire sur les

législations internes. Malheureusement pour l’OHADA, de nombreux Etats n’ont pas

encore déterminé à ce jour le complément répressif aux infractions communautaires.

Mais cette question étant d’un grand intérêt pour nos travaux, nous y reviendrons plus

spécifiquement dans la suite.

En outre, malgré la formule largement « compréhensive » de l’article 2 du traité qui ne

détermine aucun critère dans l’élaboration du droit des affaires à harmoniser mais se

contente juste de citer les matières qui selon les auteurs de ce dispositif entre dans le

domaine en question815

il est judicieux d’envisager quelles sont les éventuelles

frontières du droit harmonisé.

La question se pose comme nous l’avons souligné, du fait de la largesse dont fait preuve

l’article 2 en question. En donnant la liberté au conseil des ministres d’inclure toute

autre matière du droit, le traité donne donc la possibilité au législateur communautaire

d’entrer dans tous les domaines du droit qu’il jugerait nécessaire, notamment le droit

civil816

, puisqu’il n’indique aucun critère d’inclusion. A cet effet, ne nous étonnons pas

de voir un jour surgir un projet d’acte uniforme sur le droit de la famille ou portant code

814 Comme évoquer plus haut, plutôt uniformiser. 815

Ces matières font partie du domaine juridique uniformisable par l’OHADA ; en dehors d’elles, il appartient au Conseil des ministres de choisir celles qui subiront le même sort. Actes du Colloque sur l’harmonisation du droit OHADA des contrats – Ouagadougou 2007 468 Unif. L. Rev. 2008. 816 Cf. Mathieu D., ibidem.

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des personnes, les successions, les libéralités, malgré que cela n’est aucun rapport avec

le droit des Affaires OHADA. Ceci serait toutefois contraire, logiquement au traité.

Il n’est donc pas exagéré de relever que la rédaction de cet article 2, in fine, constitue

une imprudence de la part des signataires du traité puisque, en principe, sa mise en

œuvre peut conduire, aux dépens des parlements nationaux, à un abandon total de

souveraineté dans le domaine du droit privé817

. Ce qui en la forme serait non seulement

désastreux mais aussi aurait le risque de causer à la longue une implosion de l’OHADA.

De plus, l’on a pris l’habitude de voir le droit communautaire envisager des projets

d’actes uniformes soient trop vastes, soient trop retrayants ne prenant en compte tous les

aspects juridiques et les besoins du droit des affaires et du domaine concerné818

. Pour le

droit du travail communautaire par exemple, il n’était pas nécessaire d’élaborer un

véritable code du travail uniforme de plusieurs centaines d’articles alors qu’il était juste

question d’uniformiser uniquement les règles indispensables au fonctionnement de

l’entreprise819

, à travers les contours820

du contrat de travail821

.

Il a été ainsi reproché à l’OHADA, de ne pas tenir compte des réalités socio-

économiques et culturelles des marchés économiques de ses Etats membres. Ce qui

constitue le siège, le centre de l’application de ces actes uniformes, devraient être pris

en compte pour assurer une certaine unanimité sur le contenu des projets éventuels. A

cet effet, la question de la participation des acteurs économiques et civils des Etats

membres à l’élaboration des projets d’actes uniformes trouvent tout son sens et sa

pertinence. En effet, qui, mieux que ces personnes connaissent les besoins du marché,

connaissent les réalités de chaque marché, connaissent l’état des mécanismes déjà en

place et les besoins nouveaux. C’est aussi l’un des aspects qui ruinent considérablement

l’effectivité des actes uniformes.

817

Cf. Mathieu D., Ibidem 818 Voir ISSA SAYEGH J. et LOHOUES-OBLE J., Harmonisation du droit des affaires, éd. Bruylant (2002), n° 93 et s. 819

Envisagée comme acteur économique 820 Signalons d’ailleurs que dans les années 1990, la plupart des Etats parties avaient (sans concertation apparente mais sous la férule bienveillante du BIT) harmonisé leurs codes du travail sur ces points. 821 Formation, exécution, fixation des indemnités de licenciement, clarification des droits du travailleur

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B. Les limites de la procédure d’élaboration des actes

uniformes

La procédure d’élaboration des actes uniformes est très insuffisante et critiquable à ce

jour. En effet, telle qu’elle est décrite par le traité, cette procédure souffre de certaines

carences notamment, le besoin et l’importance qu’elle accorde à la notion d’unanimité

dans l’adoption des actes uniformes. Ainsi, comme en témoigne la fâcheuse expérience

de l’élaboration des actes uniformes sur le droit du travail et celui des contrats, il est

évident que des conclusions soient tirées et que la question de l’efficacité des

mécanismes de vote et d’adoption des actes uniformes soit d’actualité822

.

En effet, dans le processus d’élaboration des projets d’actes uniformes, il n’est apporté

aucune information assez précise sur l’étendue juridique de la réforme à envisager. Ce

qui a donné dans la plupart des cas d’actes uniformes non adoptés, des dispositions très

éparses et très étendues, ne rassurant pas vraiment sur la prise en compte des réalités

socio-économiques des Etats parties.

La doctrine relevait dans ce sens, que « même si le choix de la matière à uniformiser est

déterminé (droit du travail, par exemple), il faut que le Conseil des ministres (à

l’instigation du Secrétariat permanent, nous semble-t-il) indique à l’expert, dans un

document portant les termes de référence, le périmètre et la profondeur du domaine

juridique à uniformiser. »823

Si cette mesure avait été envisagée et prise en compte pour les deux actes uniformes

précités824

, il nous semble que l’OHADA aurait évité une impasse sur cette question.

Au nombre des actes uniformes en cours de préparation, il y a celui concernant le droit

du travail précité825

, ceux relatifs au droit des coopératives et des mutuelles, au droit de

la consommation, au droit bancaire, au droit de la concurrence, au droit des contrats et

de la preuve, qui soulèvent autant les uns que les autres les questions relatives à leur

adoption, à leur efficacité et surtout à leur opportunité826

. Des questions auxquelles il

822

Sur la question, voir aussi ISSA SAYEGH J., La portée abrogatoire des actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne des Etats-parties, Revue Burkinabé de droit, numéro spécial, 2002. 823 FOKO A., La négociation collective en droit du travail : contribution à l’analyse prospective des normes applicables à la veille de l’adoption d’un nouvel acte uniforme OHADA, revue Penant, numéro 858, Janvier-Mars 2007, P. 28. 824 Ibidem. 825

Ibidem. 826 Cf. FOKO A., op. cit, p. 30.

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n’est pas facile de répondre, voir même inutile d’ailleurs étant donné que certains

d’entre eux ne verront peut-être jamais le jour, ou alors ne seront en aucune mesure

porteur de l’idéal et de la sécurité juridique qu’ils étaient censé garantir827

.

A ce titre et eu égard à tout ceci, il urge d’envisager des solutions pour garantir la

pérennité du droit OHADA mais surtout de l’efficacité de ses mesures, d’où il tire toute

sa légitimité, comme il peut être noté une telle avancée828

en droit européen829

.

Paragraphe II : Les solutions pour l’efficacité des dispositions

matérielles uniformisées

Nos suggestions sont avant tout élaborées dans le souci de conforter les acquis déjà

réels du droit uniforme OHADA mais aussi, de solutionner la question de l’adoption

d’actes uniformes nouveaux.

A. L’efficacité des actes uniformes

Dans son ouvrage intitulé « Essais sur les lois »830

, Jean Carbonnier a écrit : « N’accepte

de faire de loi que si tu y crois, non pas à la loi, mais à la nécessité d’en faire une ».

Pour rendre plus efficaces et plus opportuns l’élaboration et l’adoption des actes

uniformes, il est primordial que la recherche systématique et systémique du droit des

affaires uniformisable soit faite autour des acteurs831

du marché communautaire, à

savoir :

- Les commerçants, les entreprises, les PME, dans le but de comprendre et de

prendre en compte leurs besoins, leurs difficultés juridiques quant à la bonne

conduite de leur affaire. Car ce sont eux qui sont aux premières logent de

l’application des actes uniformes ;

827

Cf. Issa S., ibidem. 828

CJCE, 30 mai 2013, aff. C-488/11. 829 Cf. Dictionnaire permanent - droit européen des affaires, op. cit., p.7. 830 Carbonnier J., Essais sur les lois, Répertoire du notariat latin, 2ème édition, Paris, 1995, p. 225. 831

Il s’agit de recenser les personnes physiques et morales susceptibles de constituer des acteurs économiques de premier plan et incontournables tels que les commerçants personnes physiques, les sociétés commerciales et les groupements d’intérêt économique ainsi que les intermédiaires du commerce dont le statut uniforme a déjà été élaboré par l’OHADA.

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- Les magistrats et acteurs de la justice, dans le souci de connaître les difficultés

que ceux-ci rencontrent dans l’application du droit communautaire afin de

mieux rendre les décisions et consacrer l’application des actes uniformes.

- La société civile832

, en tant qu’acteur aussi de la vie sociale et économique833

et

vecteur de développement de l’économie des Etats. L’opinion de la société

civile est importante dans le souci de comprendre au mieux les réalités

socioculturelles et économiques et d’en tenir compte dans la mise en place du

corpus juridique OHADA ;

- les actes économiques834

; les biens économiques835

; les procédures

économiques836

dans le but de respecter la spécificité du droit des affaires837

qui,

d’une part, ne doit pas empiéter sur la théorie générale du droit ou du droit

commun et, d’autre part, son utilité ou sa pertinence eu égard à l’importance de

la matière à uniformiser pour faciliter les échanges ;

Remarquons cependant que l’harmonisation de certains domaines du droit des affaires

appelle nécessairement à la coopération avec d’autres organisations communautaires.

Une coopération qui, nous le verrons par la suite, doit être plus effective pour

l’OHADA, dans sa perspective d’extension.

832 « En effet, il faut regretter qu’aient été omises, jusqu’à présent, les sociétés civiles qui ont une activité économique lucrative aussi importante que les sociétés commerciales. On s’étonne qu’à l’inverse, les associations, les coopératives et les mutuelles, qui n’ont aucune activité lucrative aient été l’objet d’une attention particulière de l’OHADA ». 833 Les sociétés civiles avec toutes leurs déclinaisons (sociétés civiles immobilières, sociétés professionnelles). 834 « Hormis la théorie de l’acte de commerce, acte économique générique par excellence, l’OHADA s’est préoccupée d’actes économiques spécifiques tels que le contrat de vente entre professionnels, le bail commercial, le courtage, la commission, le contrat de transport. Mais il en est bien d’autres à réglementer pour en harmoniser le régime juridique dans l’espace OHADA. Ainsi en est-il du crédit-bail, du franchising, du factoring, du contrat de concession exclusive, de tous les contrats de distribution. Ils n’ont fait l’objet d’aucune manifestation d’intérêt de la part de l’OHADA jusqu’à présent ». 835 « Le fonds de commerce, déjà traité dans l’acte uniforme sur le droit commercial général, est le bien économique prépondérant du monde des affaires ; mais il en existe d’autres tels que ceux qui constituent la propriété intellectuelle. Certes, celle-ci est déjà réglementée par un texte de droit uniforme (OAPI) ». 836

Outre l’arbitrage, il existe d’autres modes de règlement des litiges que le recours aux juges étatiques ou à l’arbitrage, qui mériteraient une uniformisation. Il en est ainsi de la médiation et de la conciliation 837

« L’OHADA peut s’intéresser à elle à deux égards : en déterminant le régime du gage des éléments de la propriété intellectuelle qui est simplement annoncé par les annexes du Traité OAPI mais non défini et cela, par une adjonction de cette garantie à l’acte uniforme et sur les sûretés en s’appropriant le contrôle de l’application du droit uniforme de la propriété intellectuelle par la CCJA, une telle opération ne pouvant se faire que par modification du Traité OHADA (il en serait de même pour le droit uniforme des assurances du code CIMA) ; une telle appropriation aurait le mérite de rendre transparente l’application de ces deux importantes législations uniformes, transparence nécessaire à la sécurité juridique et judiciaire ».

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212

Par exemple, en matière d’activité bancaire de réglementations sur les établissements

financiers838

où l’OHADA doit faire avec les mécanismes de réglementations de la

CEMAC en la matière ou encore de l’UEMOA.

De plus, il est important de résoudre la question du vide juridique que laisse l’article 2

du Traité, évoqué. Sur ce, il faut préciser que le droit des affaires n’est pas un droit

spécifiques et qu’à cet effet, il peut t’intervenir des interférences avec des régimes du

droit commun et des règles de la théorie générale du droit839

. Il en est ainsi du statut du

commerçant ou de l’entreprenariat et le droit des personnes, ou encore le droit des biens

ou du droit des contrats et la notion de faits et actes juridiques.

Cette intervention de l’OHADA devrait avoir bien des implications et nous le

soulignerons notamment eu égard au projet d’acte uniforme sur le droit des contrats.

Mais les similitudes évoquées s’étendent aussi à d’autres actes uniformes déjà adoptés

et présentent les mêmes implications. C’est l’exemple des questions à portée générale

(civile et commerciale) comme les sûretés, ainsi que les procédures simplifiées de

recouvrement et les voies d’exécution.

Un acte uniforme portant théorie générale des contrats concernera aussi bien les contrats

civils que commerciaux. La doctrine souligne qu’il en résulte que : « la CCJA sera

compétente pour connaître, en cassation, de tous les contrats civils y compris ceux qui

n’ont rien à voir avec le droit des affaires tels que le bail à usage d’habitation, un contrat

de régime matrimonial, un prêt ou une location entre voisins, un mandat entre un père et

ses enfants »840

. Cette omni-compétence de la CCJA841

en ce domaine de droit général

conduira à son engorgement et au dépouillement, voire au dénuement des cours de

cassation nationales842

.

La doctrine souligne aussi quelques suggestions, que nous épousons, auxquelles doivent

répondre les nouveaux actes uniformes :

838

Etablissement de crédit. 839 Gatsi J., la jurisprudence source du droit OHADA, Juriscope, 2012, p. 15. 840 Issa S., op cit. 841

Cf. Guinchard S., op. cit., p.27. 842 Si des techniques (harmonisation souple) ou une organisation soulevant moins de difficultés, c’est-à-dire qui n’encombrerait pas la CCJA, sont trouvées, cela pourra ouvrir largement la voie à des actions d’harmonisation de grande envergure.

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- être conformes à l’évolution du droit des affaires dans le monde, notamment

dans les principaux Etats avec lesquels les Etats parties au Traité de l’OHADA

entretiennent des relations d’affaires ;

- être adaptés à la situation économique des Etats parties ; il ne doit pas s’agir de

règles trop sophistiquées qu’il serait difficile de mettre en œuvre au sein des

Etats ;

- tenir compte de l’impact recherché, à savoir le développement économique et

social ; l’on sait par exemple qu’une société au capital ridicule (un euro) aura un

impact économique équivalent, c’est-dérisoire ou inexistant ;

- prendre en compte les actes uniformes déjà adoptés pour ne pas entrainer des

contradictions ; toutefois, si des contradictions venaient à naître, elles pourraient

être résolues en recourant aux principes d’interprétation classique en droit

interne comme : la supériorité de la loi nouvelle ; le fait que la loi spéciale

subsiste malgré l’adoption d’une nouvelle loi ;

- reconnaître un rôle central aux commissions nationales d’harmonisation du droit

des affaires conformément au « Texte d’orientation relatif à la création, aux

attributions, à l’organisation et au fonctionnement des commissions nationales

de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires

(OHADA) » adopté à Brazzaville et, éventuellement, des recommandations de la

réunion de Dakar des 29 et 30 mai 2008 « sur la redynamisation des

commissions nationales ».

En conclusion, il faut retenir que le choix d’une matière à uniformiser doit être envisagé

avec prudence et après mûre réflexion et débats sérieux entre tous les organes de

l’OHADA, échanges nombreux entre les Etats et l’OHADA, et entre cette dernière et

les autres organisations internationales. Ceci dans le but de prendre une décision

largement acceptée, nécessaire, efficace et légitime.

B. Les solutions procédurales

Concernant la procédure, il est primordial aujourd’hui, qu’à l’issue de telles

concertations et des échanges entre les divers protagonistes du droit des affaires, que la

rédaction des projets d’actes uniformes ne soit plus l’œuvre d’une seule entité. Nous

privilégions ici l’idée de mettre en place des commissions de rédaction, assez

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spécifiques au type de domaine à uniformiser et aux attentes définies non seulement par

l’organisation communautaire mais par les divers acteurs économiques843

.

Tout ceci prenant en compte des mesures d’accompagnements depuis le début de

l’avant-projet jusqu’à son dépôt au conseil des Ministres.

Aussi, une attention particulière doit être portée sur la délimitation du champ de l’acte

uniforme à adopter844

. C'est-à-dire l’étendue de la codification uniforme, dans le souci

de veiller à ne pas prendre en compte des considérations inutiles qui rendraient plus

lourds et plus longs la procédure d’adoption mais aussi le contenu du texte à adopter.

On peut d’ailleurs suggérer, si ce n’est déjà fait, de cadrer l’acte relatif au droit du

travail sur le contrat de travail et le régim e des conventions collectives845

et non

s’aventurer dans des domaines de politique sociale (hygiène, sécurité, économats,

représentation du personnel ou du syndicat dans l’entreprise). A supposer que cette

mesure de délimitation soit prise en compte, il faudra veiller à ce que l’expert chargé de

la rédaction de l’acte uniforme se soit conformer au cahier des charges, ce qui conforte

encore une fois notre proposition de mise en place de commission ah doc pour un

contrôle tout au long du processus. La doctrine retient qu’ « Il ne suffit pas de donner

mandat à un expert pour conduire la rédaction d’un avant-projet d’acte uniforme. Il faut

également donner un contenu précis à sa mission. Dans la pratique, cette précision est

donnée dans les termes de référence que doit élaborer celui qui commande l’étude et qui

indique ainsi à l’expert non seulement l’objet de sa mission, mais aussi les contours

précis du travail attendu. L’OHADA doit se soumettre à cette procédure si elle veut

gagner en efficacité dans l’élaboration des actes uniformes. »846

L’autre précaution à prendre est de ne pas entreprendre d’uniformisation en droit

général comme nous l’avons signalé plus haut pour le droit des contrats sauf à y voir

une loi modèle que les Etats parties peuvent adopter comme loi nationale (en l’état ou

modifiée) par leurs propres parlements847

. Le problème que pose l’applicabilité de

843

Cf. ISSA SAYEGH J., « La portée abrogatoire des actes uniformes de l’OHADA sur le droit interne des Etats-parties », Revue Burkinabé de droit, numéro spécial, 2002. 844 Des mesures importantes pour toutes les futures démarches de codification communautaire. 845Notamment les conventions collectives d’entreprise et les conventions collectives nationales interprofessionnelles. 846 Propos du professeur Issa S. lors d’une conférence régionale sur le droit OHADA, 2012. 847

Cela serait profitable pour tous les pays qui en sont restés au Code Civil de 1804 et au Code de Commerce de 1807. On peut même songer à renouveler l’expérience pour d’autres domaines du droit

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215

certaines règles uniformes a été mis en exergue par un auteur848

qui cite notamment les

articles 28849

, 29850

, 30851

, 32852

et 49853

de l’Acte uniforme portant organisation des

procédures simplifiées de recouvrement et des voies d’exécution. Il mentionne

également les règles uniformes sur l’exéquatur854

, le sursis à l’exécution855

, la nullité

des actes de procédure856

. C’est un appel à la relecture et au perfectionnement des Actes

uniformes : « Le droit OHADA se réduirait-il finalement à une réforme qui pose plus

de problèmes qu’il n’entendrait en résoudre ? », s’interroge le juge Maïnassara

Maïdagi857

.

En conclusion, mettons l’accent sur le besoin pour le secrétariat permanent, dans

l’intérêt de l’OHADA, de contrôler l’ensemble du processus d’harmonisation, depuis le

choix des matières à harmoniser jusqu’à l’adoption des actes uniformes. Cependant le

professeur SAWADOGO fait bien de souligner aussi qu’ « Il serait donc sage que

l’OHADA puisse s’imposer des limites à l’harmonisation et ne pas tomber dans la

frénésie de légiférer. »858

.

général afin de moderniser l’arsenal juridique de ces Etats. C’est ainsi que procédait le BAMREL (Bureau africain et malgache de recherches et d’études législatives). 848 Maïnassara M., « Le défi de l’exécution des décisions de justice en droit OHADA », Penant, 2006, n° 855, p. 176 et s. 849 Qui subordonne l’exécution forcée et les mesures conservatoires au défaut d’exécution volontaire, sans préciser si une mise en demeure est requise et quelle est la sanction de l’absence de cette mise en demeure. 850 Qui oblige l’Etat à concourir à l’exécution des décisions de justice et des autres titres exécutoires sous peine d’engager sa responsabilité, sans que pareil prescrit n’effraie les parquets et policiers qui interfèrent parfois indument dans le processus d’exécution. 851 Sur l’immunité d’exécution dont jouissent les personnes morales de droit public et entreprises publiques, sans définition de ces concepts. 852 Sur l’exécution forcée d’un titre exécutoire par provision, sans régler le sort des défenses à exécution provisoire organisées par certains droits nationaux. 853 Sur la notion générique de « président de la juridiction statuant en matière d’urgence », alimentant la controverse sur le point de savoir s’il s’agit du juge des référés ou d’un juge de l’exécution autonome. 854 Les arrêts de la CCJA sont dispensés de l’exéquatur. L’exéquatur des sentences arbitrales rendues sous l’égide de la CCJA est accordé par le président de la Cour et est valable dans l’espace OHADA. Le silence règne encore au sujet de l’exécution dans l’espace OHADA des décisions rendues par les juridictions des premier et deuxième degrés d’un Etat partie en matière de droit uniforme. 855

« Il peut être sursis à l’exécution de la décision contre laquelle le pourvoi en cassation est porté devant la juridiction de cassation nationale alors qu’il ne peut en être de même si le pourvoi est porté devant la CCJA », ce qui peut pousser à préférer saisir la juridiction de cassation nationale même si elle n’est pas légalement compétente pour connaître du recours. 856 Au régime « pas de nullité sans grief » connu pour sa simplicité, le droit OHADA introduit un système plus complexe : la preuve d’un grief est requise dans les cas de nullité expressément visés par l’article 297 de l’AUPSRVE. Dans les autres cas, l’inobservation des formalités prescrites à peine de nullité est de plein droit. 857

Masamba R., op. cit., p. 10. 858 SAWADOGO P., « Rapport sur l’état du droit OHADA », Ersuma 2014, p. 18 – 20.

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« Il ne faut pas que l’OHADA éprouve un sentiment de désœuvrement ou d’inutilité

parce qu’à un moment donné elle n’aurait pas de projets d’actes uniformes en chantier.

L’harmonisation tous azimuts pourrait transformer les systèmes juridiques nationaux en

un écheveau juridique difficile à démêler. »859

.

Il est encore plus important de rappeler cela, eu égard à l’énorme vide juridique que

laisse à ce jour l’OHADA en matière de droit pénal et de répression des infractions

prévues au plan communautaire. Une problématique des plus importantes à ce jour,

auquel il urge de répondre efficacement.

Section II : L’intégration juridique en matière pénale

« Le droit pénal est l’un des domaines dans lesquels l’Etat est particulièrement jaloux de

sa souveraineté. C’est l’une des branches du droit qui réside « au cœur même du

sanctuaire de la souveraineté »860

. L’intrusion du droit international en la matière ne

peut que s’en trouver gênante. »861

. Ces propos du magistrat Henri Tchantchou montre

bien en quoi, à heure de sa création, l’OHADA pouvait difficilement envisager

d’étendre son intégration juridique à répression législative des infractions pénales, la

dernière chose qui restait aux Etats dans leur besoin de maintenir un peu de contrôle et

de souveraineté862

.

Pourtant, le besoin d’assainissement de l’environnement économique mondial, les

enjeux de protection des droits de l’homme et de la moralité de la société

internationale863

justifient le développement du droit pénal international et,

corrélativement, le recul de l’absolutisme des souverainetés étatiques864

.

859

Le ralentissement ou le stop et non l’arrêt semblent a priori souhaitable. Cela va dans le sens de la décision n° 005/2009/CM/OHADA du 22 mai 2009 portant orientation stratégique quinquennale pour l’harmonisation du droit des affaires. On verra qu’il se peut qu’il y ait des matières qui auraient dû être touchées par les premiers mouvements d’harmonisation et qui demeurent hors de la sphère du droit uniforme. 860

VIRALLY M., Cours général de droit international public, RCADI, 1983, t.183, p. 124, cité par Michel MAHOUVE, « le système pénal OHADA ou l’uniformisation à mi-chemin », Penant, n° 846, 2004, p. 87. 861 TCHANTCHOU H., « Etat du droit pénal dans l’espace Ohada », revue spéciale Ersuma, 2011, p.23 862

Sur le sujet, voir aussi TCHANTCHOU H., « La supranationalité judiciaire dans le cadre de l’OHADA, études à la lumières du système des communautés européennes », Revue Ersuma, 2012 863

Ibidem 864 Ibidem

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Cependant en droit pénal, l’ordre international fait bien en avançant avec énormément

de précautions. Le pouvoir de répression est reconnu comme le reflet de l’identité

nationale et la législation en la matière reste fortement marquée de l’empreinte de

l’exercice interne de la souveraineté étatique.

Généralement, au sein des ensembles intégrés ou à l’échelle mondiale, des directives

peuvent être adressées aux Etats dans le sens de la pénalisation de certains agissements,

notamment dans le cas de diverses organisations communautaires voisines, en Europe et

en Amérique. Mais les Etats ont toujours eu du mal à envisager le transfert de

législation pénale aux institutions ou organisations internationales.

Pourtant, il urge aux regards des chantiers et des attentes de l’OHADA qu’il soit mis en

place un cadre tout aussi uniforme en matière de responsabilité pénale en droit des

affaires. D’où la l’importance de notre étude sur la question afin d’en envisager la

faisabilité. A cet effet, il sera question de la mise en place d’un système pénal général

OHADA (Paragraphe 1) et d’un système plus spécifique pour les infractions prévues

dans les actes uniformes OHADA (Paragraphe 2).

Paragraphe I : La mise en place d’un système pénal général

OHADA865

De nombreux travaux doctrinaux ont été présentés dans le but de favoriser

l’aboutissement d’un tel idéal communautaire. Le plus objectif de notre point de vue fut

celui réalisé par le Docteur Henri Tchantchou, qui présente et soutient diverses théories

assez intéressantes sur la question. Le développement d’une théorie générale du système

pénal OHADA se traduit d’abord par une volonté d’uniformiser l’assiette d’agissements

punissables dans le périmètre OHADA et une remarquable concession est faite aux

Etats membres qui gardent le pouvoir de rendre effectives les normes d’incriminations

communautaires, en déterminant les sanctions applicables866

.

865 Cf. Daniel F., Droit Pénal européen, les enjeux d’une justice pénale européenne, 2e édition Larcier Europe, p 15 – 30. 866 Cf. Bedel J. et TCHOUAMBIA T., « la poursuite des infractions pénales OHADA devant les juridictions d’instances camerounaises : où est passé le Ministère public ? », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 124e Année, Numéro 889, Octobre – Décembre 2014, Pages 531 – 560.

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La Cour de Justice des Etats membres de l’Union Européenne a eu l’occasion

d’approuver cette option en décidant à plusieurs reprises que cette législation relève de

la compétence des Etats membres867

. La décision d’harmoniser le droit des affaires en

Afrique rendait inévitable cette délicate rencontre entre le droit pénal et le droit

communautaire868

. L’enjeu d’une protection pénale uniforme ouvrait le choix entre

l’élaboration du droit pénal OHADA dans l’ordre supranational, en conjurant la

souveraineté des Etats parties, et la sauvegarde de l’entièreté de ladite souveraineté, en

éloignant le droit pénal du champ du droit communautaire. Ce choix était difficile :

d’une part, parce que l’OHADA n’est qu’un instrument juridique dont la vocation

avouée n’est pas l’intégration politique ou économique ; mais aussi, d’autre part, parce

que le droit pénal est un complément nécessaire à l’efficacité des normes uniformes, ce

que l’on pourrait traduire en disant que « la loi OHADA ne vaut que la mesure de la

sanction pénale »869

. L’option était pourtant obligatoire870

.

Les organisations africaines d’intégration devancières de l’OHADA lui proposaient une

ligne de conduite mitigée. Une compétence d’édiction des normes de comportements

punissables qui relève de l’ordre supranational, et une compétence complémentaire

d’élaboration des normes de répression qui demeure dans les ordres juridiques

nationaux.

A. La part de l’OHADA : l’harmonisation des qualifications

pénales871

Il apparaît, en effet, que la répartition des compétences pénales dans le cadre de

l’OHADA est toute originale mais de mise en œuvre embarrassante. La traduction

pratique du régime pénal OHADA se montre donc problématique872

.

867

CJCE, 2 février 1977, Amsterdam Buld, Rec., p. 137 ; 11 novembre 1981, aff. Casati, Rec., p. 2595. 868

NDIAW D., « Actes uniformes et Droit pénal des Etats signataires du Traité de l’OHADA : La difficile émergence d’un droit pénal Communautaire des Affaires dans l’espace OHADA », Revue Burkinabé de Droit, 2001. 869 Tchantchou H., op.cit, p. 25. 870 Cf. Daniel F., op. cit, p 21. 871

Sur le sujet, voir aussi ONANA ETOUNDJI F., « La révision du traité OHADA de Port-Louis », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008. 872 Ibidem.

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L’immixtion du droit de l’OHADA dans l’articulation du droit pénal des affaires, dans

les Etats nationaux, a été négociée. Une voie de compromis fut trouvée et présentée

sous l’article 5 du traité de l’OHADA. Ce texte consacre un principe de compétence

supranationale dans la définition des infractions communes et, en conséquence, apporte

une limitation systémique du pouvoir de législation pénale des Etats parties.

La règle est simple : les Etats membres de l’OHADA sont engagés à déterminer les

sanctions pénales applicables aux incriminations que peuvent prévoir les Actes

uniformes délivrés par les instances communautaires873

. La notion d’incrimination ainsi

distinguée de la sanction pénale doit être entendue dans un sens strict. Elle n’est pas, ici,

« le fait d’ériger un comportement en infraction en l’assortissant d’une sanction pénale

»874

mais tout simplement la définition des agissements constitutifs d’infractions

communautaires. Les Actes uniformes qualifient les attitudes sujettes à répression et les

textes nationaux indiquent le régime de ladite répression. C’est dans ce cadrage que la

troisième partie de l’Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du

groupement d’intérêt économique est consacrée à la qualification des infractions

pénales. Il en est de même de nombreuses dispositions d’Actes uniformes dont celui

portant sur le droit commercial général, ceux organisant les procédures collectives

d’apurement du passif875

, la comptabilité des entreprises, les sûretés, les sociétés

coopératives.

Cependant, ce régime clairement établi ne s’est pas traduit par une pratique aisée. Il

s’est posé notamment la question des contours de cette délimitation. Sur un autre plan,

l’incompétence des Etats parties dans la définition des infractions pénales fut aussi une

problématique importante876

.

Le juge MAHOUVE estime qu’en application du principe de subsidiarité du droit

national par rapport au droit communautaire, chaque Etat partie garde la latitude

d’incriminer des comportements qui, à ses yeux, sont d’une gravité telle qu’ils méritent

une sanction pénale. Selon cet auteur, tout fait qui rentrerait dans les catégories de «

873

Cf. MAÎDAGI M., « le défi de l’exécution des décisions de justice en droit OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 176. 874 CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF, 3è édition, 2012. 875

KANGANBEGA E.L., « Observations sur les aspects pénaux de l’OHADA », revue Ersuma, p. 308. 876 Cf. Bedel J. P. TCHOUAMBIA T., « la poursuite des infractions pénales OHADA devant les juridictions d’instances camerounaises : où est passé le Ministère public ? », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 124e Année, Numéro 889, Octobre – Décembre 2014, Pages 531 – 560.

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punissabilité »877

d’un Etat peut être incriminé car, dit-il, « dans la sphère nationale, le

droit interne bouche les trous d’impunité laissés par le droit communautaire »878

.

« Cette approche est difficilement compréhensible dans l’espace OHADA ainsi que l’a

relevé l’auteur lui-même. L’orientation ainsi donnée à la subsidiarité879

, concevable

dans le cadre de l’Union européenne où le droit pénal est essentiellement directif880

,

l’est moins dans le contexte de l’OHADA où le Traité originaire881

a pris la peine de

procéder à une répartition matérielle de compétences entre le droit communautaire

institutionnel et le droit pénal national complémentaire ». Ce concours de compétence,

douloureux et inconfortable, ne devrait pas être violé. Le droit pénal national ne supplée

point le droit de l’OHADA, qu’il a mission d’exécuter ou de compléter. Il ne lui est pas

subsidiaire mais complémentaire. Un Etat ne pourrait par conséquent se substituer au

législateur OHADA pour incriminer une action ou omission communautaire sans violer

le principe de l’uniformisation des incriminations acquis et inscrit dans l’article 5 du

Traité. Il le ferait que la norme produite ne serait pas introduite dans l’ordre juridique

communautaire882

.

Bien plus, l’Etat national n’est pas autorisé à reprendre dans « sa loi » interne la norme

de comportement incriminée par les actes communautaires, ainsi que le postule la règle

du monisme communautaire. C’est donc en violation de la délimitation des

compétences de l’article 5 du Traité et en déphasage avec le principe de l’effet direct et

immédiat de la norme OHADA que les législateurs camerounais et centrafricain, à la

différence de leur homologue sénégalais883

, ont cru devoir « recopier » les termes des

877 Cf. Daniel F., op. cit, p 23. 878 MAHOUVE M., « Le système pénal de l’OHADA… », revue Ersuma 2011, p. 92. 879 Selon le Professeur Fernand BOULOUIS J., le principe de subsidiarité en droit communautaire signifie que « La communauté (et l’Union) n’est justifiée d’agir que si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par une action des Etats membres, partant être mieux réalisés par une action de la Communauté (ou de l’Union) » : Droit institutionnel de l’Union européenne, Paris, Montchrestien, 6ème édition, n° 205, p. 141. 880

BOULOC B., « L’influence du droit communautaire sur le droit pénal interne », Mélanges Georges LEVASSEUR, Litec, 1992 ; ROBERT (J-H.), « L’incrimination par renvoi du législateur national à des règlements communautaires futurs », GRASS (R.) et SOULARD (Chr.), « Droit communautaire et matière pénale », Jurisclasseur 1, livre1, n° 8, 2005, pp 1- 20. 881 Cf. MAÎDAGI M., « le défi de l’exécution des décisions de justice en droit OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 116

e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 176.

882 Cf. Daniel F., op.cit, p 27. 883

Le législateur Sénégalais de la loi n° 98-22 du 22 mars 1998 s’est limité à fixer les sanctions pénales sans reprendre les incriminations.

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incriminations contenus dans les Actes uniformes, avant de les assortir de pénalités884

.

En outre, il faudra reconnaître que la question dominante, dans pareilles lois étatiques

concernent les normes de sanctions pénales et que celles d’incriminations ne constituent

tout au plus qu’un droit national d’accompagnement du droit communautaire885

.

Parallèlement, le législateur OHADA ne semble pas avoir reçu le pouvoir de

détermination des peines, tant et si bien que la pratique communautaire de fixation des

limites de la peine ou de prescription de peines accessoires pose un véritable problème

de légalité. Ainsi en est-il des articles 199, 203 et 246, de l’Acte uniforme portant sur

l’organisation des procédures collectives d’apurement du passif qui établissent des

peines, des dispositions similaires se retrouvent dans les articles 10 et 11 de l’Acte

uniforme relatif au droit commercial général.

Une question récurrente retient toutefois notre attention. Eu égard à son importance, il

est tout de même surprenant de se rendre compte du silence de la doctrine sur cette

question de pénalisation des infractions communautaires. En effet, sur les 17 Etats

membres de l’organisation, plus de la moitié de ces Etats appliquent encore dans leur

corpus juridique le code napoléonien de 1807, en dispositions pénales. C'est-à-dire qu’à

ce jour, certains de ces Etats n’ont introduit aucune réforme visant à actualiser les

peines et les infractions existantes depuis leur accession à l’indépendance et

l’acquisition de leur statut d’Etat indépendant. Cette constatation à l’effet d’une grande

frayeur juridique, quand l’on sait que les infractions prévues par le droit communautaire

sont très actualisées et en conformité avec les exigences actuelles du marché

international et de la mondialisation économique. Alors la question qui reste dans les

esprits serait de savoir quel serait le sors d’une telle infraction prévue dans un Etat

n’ayant prévu aucune peine équivalente ou encore, ne l’ayant même pas prévu

juridiquement.

884 Loi Camerounaise n° 2003/008 du 10 juillet 2003, chapitres I, II, III et IV, juridis périodique, n° 55, 2003, p. 5. 885 Sur la distinction droit national d’accomplissement et droit national d’accompagnement du droit communautaire, voir TCHANTCHOU H., « La supranationalité judiciaire dans le cadre de l’OHADA », Thèse, Poitiers, 2006, p. 266 et s, éditée par L’Harmattan, 2009, p. 203-205.

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222

B. La détermination nationale des infractions communautaires

Rappelons-le, en se reconnaissant une compétence de législation en matière pénale,

l’OHADA n’est pas allée bien loin pour s’attribuer à la fois le pouvoir de définition des

infractions et celui de fixation du quantum des peines y afférentes. Elle ne s’est

reconnue compétente que dans la description des éléments matériels et moraux de

l’infraction, en laissant aux Etats parties, qui s’y sont engagés, le soin d’annoncer les

doses de sanctions conséquentes. Cette réserve dans l’élaboration des normes de

sanctions répressives apparaît de plus en plus comme porteuse de doute ; la mise en

œuvre pratique de cette concession révèle un malaise occasionné par l’action ou,

davantage, l’inaction des Etats membres886

.

A titre illustratif, plusieurs facteurs permettent de relativiser l’implication effective de

ces Etats membres dans le processus de codification. Déjà les Etats qui ont pris

l’engagement de prendre des textes étatiques consécutifs aux incriminations

supranationales ne se sont point assignés de délai d’exercice. De la sorte,

l’accomplissement des normes constitutives aux infractions communautaires reste

finalement dépendant des volontés nationales, ce qui ramène encore une fois la question

à des considérations purement politiques et de lenteur administrative. Et l’observation

pratique rend compte d’une certaine lassitude des Etats dans l’accomplissement de leur

engagement communautaire. Ce manquement pourrait même s’interpréter comme une

inertie délibérée dans le dessein de conjurer l’effectivité de la norme pénale OHADA.

En effet, presque tous les Actes uniformes adoptés à ce jour contiennent, même

implicitement, des dispositions d’incriminations pénales. Certains, tels l’Acte uniforme

sur le droit commercial général ou celui organisant les procédures simplifiées de

recouvrement et des voies d’exécution sont en vigueur depuis une dizaine d’années.

Pourtant trois pays seulement, le Sénégal, le Cameroun et la République

Centrafricaine887

, ont élaboré et publié des lois portant répression des infractions

contenues dans lesdits Actes uniformes. Les autres Etats888

ne se sont pas encore

exécutés quant à la fixation des peines applicables aux incriminations définies par le

législateur OHADA.

886 Cf. Daniel F., op. cit, p 30. 887

Loi sénégalaise n° 98-22 du 22 mars 1998, op cit. ; Loi Camerounaise n° 2003/008 du 10 juillet 2003, op cit. ; Loi n°10.001 du 06 janvier 2010 portant code penal centrafricain, JORCA,n° spécial, 2010. 888

Les 16 autres Etats sauf le Bénin qui envisage dans un projet de réforme du code Pénal la répression des incriminations prévues au plan communautaire.

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223

Ces hésitations ou retards d’exécution ont la conséquence de créer implicitement des

dysfonctionnements dans l’administration de la justice communautaire889

. En effet, les

textes nouveaux sont inapplicables parce qu’ils sont incomplets et ceux anciens ne le

sont plus parce qu’ils ont été abrogés. Ce qui judiciairement risque d’être un souci

permanent pour les juges internes, en crainte de déni de justice890

. Elle a aussi le

fâcheux avantage de créer des sortes de « paradis pénal »891

au sein de certains Etats où

des individus commettent ces infractions sans aucunes inquiétudes et dans une totale

impunité. Un point sur lequel il est évident que l’OHADA n’a guère réussi.

Cette léthargie ravive les critiques sur la fragmentation du pouvoir d’édification des

infractions pénales considérée comme menace pour l’unification des Droits, donnée

fondamentale à l’institution de l’OHADA.

Elle se double d’une autre lacune d’importance, tenant au défaut de cohésion entre les

politiques nationales quant aux sanctions adoptées. Le danger se situe à deux niveaux :

la diversité des techniques de réception interne de l’initiative supranationale de

pénalisation et la disparité des quanta de peines applicables.

D’une part, les Etats qui ont légiféré révèlent la diversité de techniques nationales de

traduction du choix communautaire. On peut par exemple relever que l’article 6 de la loi

Sénégalaise du 26 Mars 1998892

sur l’abus des biens et du crédit de la société dispose

que « l’infraction prévue par l’article 891 de l’Acte uniforme relatif au Droit des

sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique est puni d’un

emprisonnement d’un à cinq ans et d’une amende de 100.000 à 500.000 Francs CFA,

les deux peines étant obligatoirement prononcées l’une et l’autre ». De manière

distincte, l’article 9 de la loi Camerounaise893

n°2003/008 du 10 Juillet 2003 prévoit que

: « en application de l’article 891 de l’Acte uniforme du 17 avril 1997 relatif au Droit

des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique, sont punis d’un

emprisonnement de un à cinq ans et d’une amende de 2.000.000 à 20.000.000 de franc

889

SOCKENG R., « Droit pénal des affaires OHADA », ouvrage précité, p. 39. Cet auteur parle de « chaos judiciaire » ; et FOKO A., « Analyse critique de quelques aspects du droit pénal OHADA », Penant, 2007, n° 859, p. 195 et s. 890 Justifié par le silence de la loi sur certaine question du droit soumis au juge. 891 Espace totalement dépourvu de mesures répressives ou d’infractions punies, du célèbre adage « nullum crimen nulla poena sine lege ». 892 Cf. ONANA ETOUNDJI F., « La révision du traité OHADA de Port-Louis », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118

e Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008.

893 Ibidem.

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CFA, le gérant de la société à responsabilité limitée, les administrateurs, le président

directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint qui, de

mauvaise foi, ont fait des biens ou crédits de la société un usage qu’ils savaient

contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles, matérielles, morales, ou pour

favoriser une autre personne morale dans laquelle ils étaient intéressés, directement ou

indirectement ». De la même façon, l’article 215 du Code pénal centrafricain dispose : «

encourt une peine d’emprisonnement d’un à cinq ans et/ou d’une amende de 1.000.000

à 5.000.000 de francs, tout gérant de la SARL, l’administrateur, le président directeur

général, le directeur général, l’administrateur général ou l’administrateur général adjoint

qui, de mauvaise foi, aura fait des biens ou du crédit de la société un usage qu’ il savait

contraire à l’intérêt de celle-ci, à des fins personnelles matérielles ou morales ou pour

favoriser une autre personne morale dans laquelle il était intéressé, directement ou

indirectement ».

A voir juste, les législateurs Camerounais et centrafricain, comme tout autre qui

viendrait à suivre cette voie, n’auraient pas dû transposer dans « leur loi », les termes

d’incriminations contenues dans les Actes uniformes qui avaient déjà rejoint l’ordre

juridique interne et n’attendaient plus que leurs compléments étatiques. La technique

nationale d’accomplissement du droit pénal communautaire de l’OHADA se doit d’être

celle de fixation de la sanction pénale en renvoyant à la norme conventionnelle pour ce

qui est de l’incrimination. De manière systématique et simplifiée, la loi nationale

décidera qu’ « est punie de telle peine celui qui se sera rendue coupable d’infraction aux

dispositions de tel article de tel Acte uniforme. »894

.

D’autre part, l’homogénéité recherchée dans la technique de réception ne résoudra pour

autant pas le problème d’un besoin d’harmonisation des quanta même des peines. On

peut constater, à la lumière des textes de lois cités ci-dessus que les chiffres des peines

sanctionnant des contraventions communautaires peuvent varier d’un Etat à l’autre.

C’est le lieu de rappeler que dans l’exposé des motifs de la loi 98-22 du 26 Mars 1998,

le législateur sénégalais signalait que la pénalisation était faite pour se conformer au

Traité OHADA mais que les peines se devaient d’être conformes au système pénal

sénégalais.

894 Rédaction type prévue et envisagée par la doctrine.

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A la disparité des techniques d’accueil des normes d’incrimination peut donc se greffer

le danger de la variété des systèmes, chiffres et politiques pénaux nationaux895

. Un fait

déclaré délictueux par la norme communautaire peut être puni des peines criminelles

graves dans un Etat et de sanctions délictuelles vénielles dans un autre. Au Cameroun,

déjà, la qualification délictuelle ou criminelle d’une incrimination peut être influencée

par la qualité de la victime ou la nature des biens objet de l’infraction896

. L’Organisation

court ainsi le risque de construire, dans le même « territoire pénal », des « paradis

pénaux » comme nous l’avons évoqué mais aussi des « enfers pénaux »897

, selon que

l’Etat prenant l’acte complémentaire sera plus ou moins répressif.

La question de la pertinence du modèle pénal OHADA en termes de distribution de

pouvoirs à conjuguer entre l’ordre supranational et les instances nationales refait ainsi

surface ; ce questionnement redonne matière à ceux qui pensent que cette manière de

voir ou de faire ne sert pas forcement les intérêts de l’intégration898

. Il y a donc urgence

à ce qu’une politique de coordination des sanctions pénales soit élaborée.

C’est dans ce sens que certains ont proposé la construction d’un espace judiciaire pénal

africain complet899

, qui dépasse le simple « minimum commun »900

constitué en

incriminations. Cette approche de codification limitera les risques de constitution de ce

que M. DELMAS-MARTY a appelé « pays refuge » ou « forum shopping »901

. Ce

rapprochement rendra plus aisément compte du droit pénal spécial de l’OHADA.

Par conte, les jalons de l’émergence du droit pénal européen ont été posés depuis le

traité de Rome, courant 1958 et 1985. Il a connu une évolution très conséquente dans la

mesure où l’Union a été très présente et très active dans sa perspective de sécurisation et

de stabilisation de son marché unique de libre échange. Ensuite, de 1985 à 1993, le

concept va évoluer et être réaffirmé dans l’Acte unique européen qui constitue un

895

Cf. Daniel F., op. cit, p 30. 896

Ainsi, par exemple, l’abus de biens sociaux puni de peines délictuelles de la loi 2003/008 du 10 juillet 2003 devient criminel pouvant être condamné de peine perpétuelle de l’article 184 du Code pénal, lorsque les biens distraits appartenaient en tout ou en partie à l’Etat. 897

ANOUKAHA F. et al., OHADA, Société Commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 237. 898

MAHOUVE M., article précité, p. 96. 899

FOMCHIGBOU MBANCHOUT J. J., « De quelques réflexions sur la codification pénale communautaire du législateur OHADA », in L’effectivité du droit de l’OHADA, ouvrage collectif, Presses Universitaires d’Afrique, Yaoundé, 2006, p. 63 ; DE GOUTTES (R.), « Variation sur l’espace judiciaire européen », Recueil Dalloz Sirey, 1990, 33ème cahier, p. 245. 900 POUGOUE P. G. et al., OHADA, Sociétés commerciales et GIE, Bruylant, Bruxelles, 2002, p. 225. 901

DELMAS M., Droit pénal des affaires, t.1, partie générale : Responsabilité, Procédure, Sanction, Paris, PUF, 3ème édition, 1990.

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moment charnière du développement de l’Europe, dans tous les domaines et a joué un

rôle fondamental dans la perspective de l’émergence d’un droit pénal européen, a un

double titre. D’une part, ce fut le fruit des réflexions sur les implications et les

conséquences en termes de sécurité publique de l’ouverture des frontières au commerce

européen et d’autre part, la nouvelle architecture institutionnelle créée par par l’Acte

unique européen a donné un ancrage institutionnel aux réflexions des Etats en matière

de coopération judiciaire et de textes réglementant le droit pénal au plan

communautaire902

.

Paragraphe II : Un système plus spécifique pour les infractions

prévues dans les actes uniformes OHADA

L’idée ici est d’envisager une possible harmonisation des infractions pénales dans

l’espace OHADA et de les circonscrire dans un acte unique, spécial et assez

représentatif, qui ferait aussi par la même occasion le tour des peines répressives aux

infractions903

, afin de rendre plus uniforme le droit pénal harmonisé, de juguler les

insuffisances relevées plus hauts et de garantir la sécurité juridique et judiciaire. Mais

cette perspective de solution nécessite un travail préalable.

La nomenclature des infractions spécifiques relevant du champ de pénalisation

OHADA904

présente un schéma législatif protéiforme. L’ordre communautaire s’est

même abstenu de procéder, comme d’usage, à une désignation par appellation

simplifiée des actes répréhensibles905

. Dès lors, l’inventaire des normes du droit pénal

spécial inhérent à ce droit communautaire n’est pas aisé car leur systématisation appelle

une recherche de dispositions éparses contenues dans divers Actes uniformes instituant

des incriminations et ayant intégrés l’ordre juridique. Sur neuf Actes uniformes906

en

vigueur à ce jour, six ont établi des agissements punissables que les Etats se doivent de

compléter ; il en est ainsi de l’Acte uniforme sur le droit commercial général, de l’Acte

uniforme sur le droit des sûretés, de celui portant organisation et harmonisation des

comptabilités des entreprises, de l’Acte relatif au droit des sociétés commerciales et au

902 Cf. Daniel F., op. cit, p 30. 903 Cf. BENKEMOUN L., « Sécurité juridique et investissements internationaux », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 116

e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 193.

904 Ibidem. 905

Ibidem 906 Cf. annexes

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Groupement d’intérêt économique, de l’Acte uniforme régissant l’organisation des

procédures collectives d’apurement du passif et, enfin, de l’Acte sur les sociétés

coopératives. L’opérationnalité des dispositions pénales contenues dans l’Acte

uniforme sur les sociétés coopératives n’est pas évidente parce que cet Acte n’est entré

en vigueur que très récemment907

et, surtout, aucun Etat n’a eu le temps d’en édicter des

textes nationaux complémentaires.

En retrouvant et identifiant les incriminations ainsi dispersées dans les Actes uniformes,

on peut dire que le fil directeur de la pénalisation OHADA reste l’exigence d’honnêteté

et de liberté dans l’exercice des activités économiques mais surtout la garantie d’un

droit uniforme « pour tous et partout » au sein de l’espace harmonisé. Avant les

développements proprement dits, exposons quelques tableaux indicatifs de cette grille

de lecture.

A. Tableaux indicatifs des grilles des infractions

communautaires908

Infractions au

commencement de

l’activité

Défaut et/ou fraude aux formalités par le commerçant ou

l’entreprenant art. 69 AUDCG

Manquements d’immatriculation Art. 886 AUSCGIE

Simulation de souscriptions et de versements Art. 887,

3°, 4° AUSCGIE

La publication de faits faux Art. 887, 2°, 4° AUSCGIE

La surévaluation des apports en nature Art. 887, 4°

AUSCGIE

Défaut de publicité du locataire gérant art. 140 AUDCG

907

L’Acte uniforme relatif aux Sociétés coopératives, adopté à Lomé le 15 décembre 2010 et publié au Journal Officiel de l’OHADA le 15 février 2011 est entré en vigueur le 17 mai 2011 908

Cf. DEBRE J., Abus de marché : la législation européenne est refondue, éditions législatives, juillet 2014, p.11

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Infractions de

Fonctionnement

Inscriptions frauduleuses de sûretés mobilières art. 65

AUS

Défaut d’établissement ou de présentation de documents

comptables art.111 AUDC

Faux bilans art.111 AUDC ; art. 890 AUSCGIE

Abus de biens et de crédit sociaux

Art. 891 AUSCGIE

Art. 387 AUSC

Distribution de dividendes fictifs

Art. 889 AUSCGIE

Art. 387 AUSC

Variations irrégulières de capital

Art. 893, 896 AUSCGIE

Art. 387 AUSC

Entrave à la participation à une AGE Art. 896

AUSCGIE

Art. 387 AUSC

Défaut de commissaire aux comptes

Art. 897 AUSCGIE

Art. 387 AUSC

Infractions de

Violation des incompatibilités

Art. 898 AUSCGIE

Entrave aux fonctions du commissaire aux comptes

Art. 900 AUSCGIE

Art. 387 AUSC

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fonctionnement Informations mensongères et non révélation

Art. 899 AUSCGIE

Art. 387 AUSC

Usurpation d’appellation de sociétés coopératives

Art. 386 AUSC

Infractions liées à la

cessation d’activité

Abaissement de capital

Art. 901 AUPC

Non publication de décision

Art. 901 AUPC

Abus de biens et de crédit sociaux

Art. 904 AUPC

Cession d’actifs interdits

Art.904 AUPC

Banqueroute simple et Infractions assimilées

Art. 227,228, 230 et s. AUPC

Banqueroute frauduleux et Infractions assimilées

Art. 227, 229, 230 et s. AUPC

Non publication de l’acte de nomination du liquidateur

art. 902 (2) AUPC.

Manque d’informations et entrave aux droits des associes

art. 903 (2) AUPC

Clôture occulte de la liquidation

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art. 902 (2) AUPC

Les délits du syndic

Art. 243 AUPC

Infractions de créanciers909

Infractions de proches du débiteur

Art. 241 AUPC

Infractions de tiers

Art. 240 AUPC

On s’aperçoit bien que le cadre de la présente étude ne permet pas des développements

sur l’ensemble du droit pénal spécial de l’OHADA. En choisissant de nous focaliser sur

l’entreprise en activité, il est apparu nécessaire d’insister sur un champ de pénalisation

délicat910

et opportunément mis en relief par le législateur OHADA911

. Un choix surtout

motivé par le fait que l’entreprise soit le principal acteur de la vie économique et ainsi le

premier destinataire des mesures répressives ou non prises au plan nationale que

communautaire.

Il nous revient cependant d’examiner les incidences pratiques des limites ainsi

soulevées plus haut afin d’en déduire tout le bien fondé de la solution recommandée.

B. Les incidences pratiques et recommandations

L’ODAHA, nous le proposons doit à ce jour réfléchir à une nouvelle politique qui

viserait à lui attribuer en plus de l’identification des infractions, la part pénalisation, la

fixation des peines, ceci dans un souci de garantir l’intégration juridique et surtout

909

Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, septembre 2014, p. 2 910 Cf. règlement UE, n.596/2014, du parlement européen et du Conseil, 16 Avril 2014, JOUE n. L173, 12 Juin 2014 911 Ibidem

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l’uniformisation. Des mesures urgent d’être prises912

. Si elles ne sont pas vite

envisagées, les juridictions nationales en pâtiraient.

En effet, selon une terminologie chère au doyen Jean Carbonnier, le législateur doit

faire œuvre de pédagogie913

. Evidemment, les législateurs contemporains essaient,

autant que faire se peu, d’apporter des définitions aux concepts contenus dans les lois914

.

Mais, il demeure évident que la loi, dans son abstraction, ne peut pas tout prévoir si elle

ne prévoit pas plutôt, « des normes dont le contenu lui échappe »915

. C’est dans ce

contexte, suivant l’article 4 du Code civil Napoléon, qui punit le déni de justice, que les

juges interviennent pour faire parler la loi silencieuse, en exposer la lumière en cas

d’obscurité, ou les compléments en cas d’insuffisance916

. Ces réflexes animent les

magistrats dans tout système juridique. Dans le cadre de l’OHADA, ils sont notamment

intervenus pour préciser certains concepts et même en créer d’autres afin de pallier aux

insuffisances des codes nationaux en matière de répression.

Une infraction se caractérise par l’existence cumulative d’une incrimination et d’une

sanction. Dans cette veine, l’infraction est régulièrement constituée lorsque la sanction

complète l’incrimination. A l’inverse de cette approche classique, le Traité OHADA

procède tout autrement comme nous l’avons souligné.

Aux titres de ces incidences pratiques, l’idée de paradis pénaux, encore appelé « pays

refuge » ou « forum shopping » a souvent été avancée pour traduire la disparité entre les

différentes législations et les conséquences qui en résultent, notamment les divergences

de solutions auxquelles elles aboutissent. Ces divergences conduisent à retenir un

comportement comme constituant une infraction grave en certains lieux, alors que le

même comportement est considéré comme licite ou comme une infraction bénigne dans

d’autres. En guise d’exemple, pour que tous les délinquants d’affaires soient soumis aux

mêmes sanctions pénales, il faut que tous les Etats adoptent les mêmes gammes de

sanctions. Ce point intéresse la nature des peines prévues dans les deux pays différentes.

Alors que le droit sénégalais considère toutes les infractions commises par les dirigeants

sociaux comme étant des délits, le droit camerounais soumet certains actes commis par

912 A l’image de la directive 2014/57/UE du parlement européen et du conseil, Avril 2014, JOUE Avril 2014. 913

Œuvre de professionnalisme et recherché la meilleure approche possible. 914 Cf. Annexes. 915

La problématique de l’interprétation des normes juridiques. 916 Le principe de la légalité des normes juridiques.

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les dirigeants des sociétés publiques ou parapubliques non seulement à des textes

spéciaux (la loi de 2003), mais aussi l’article 184 du code pénal relatif au détournement.

Si la loi de 2003 punit des peines correctionnelles, l’article 184 du code pénal

sanctionne des peines criminelles, les abus commis par les dirigeants de certaines

sociétés commerciales.

Toutefois, les difficultés relatives au fait que certains Etats de l’OHADA n’aient pas

édicté des sanctions aux incriminations, ressuscitent des conflits de lois. Une

appréciation du conflit de lois est plausible au regard de l’exigence de la double

incrimination et de la règle non bis in idem. Relativement à l’exigence de la double

incrimination, elle intervient lorsque l’infraction poursuivie présente un élément

d’extranéité. La poursuite d’une telle infraction exige la réciprocité des incriminations.

Cette condition ne devrait pas poser de problème au sein de l’OHADA, car ces

incriminations existent dans tous les Etats parties. Cependant, le principe de la double

incrimination n’a de sens en droit pénal international que lorsqu’il est apprécié en même

temps que les sanctions. Ainsi, la loi camerounaise traitant des conditions d’extradition

exige un minimum de deux ans d’emprisonnement (article 642 CPP). Cela amène à

parler de la double répression et non de double incrimination. Dans ces conditions, seuls

le Cameroun et le Sénégal pourront faire jouer le principe de la double incrimination.

Jusque là, la solution est fragile car, par exemple, si les peines au Sénégal sont

majoritairement pécuniaires (peines correctionnelles), le Cameroun a adopté des peines

d’emprisonnement (peines criminelles). Ce qui ruine la réciprocité des incriminations.

Quant à la règle non bis in idem, elle est invoquée pour designer l’autorité de la chose

jugée au pénal sur le pénal917

. Elle désigne le principe selon lequel l’individu ayant fait

l’objet d’une décision répressive irrévocable ne peut plus être poursuivi en raison des

mêmes faits. Etant donné que deux seulement des dix sept pays ont institué des peines,

il n’est pas exclu qu’un fait soit poursuivi comme délit dans un de ces pays et que le

même fait soit poursuivi comme contravention dans un des Etats n’ayant pas encore

prévu de sanction aux incriminations OHADA. Le reflexe des délinquants sera d’aller

commettre des infractions dans les « pays refuges »918

. On se demande si le Cameroun

917

Eloi K. YAO, « Uniformisation et droit pénal : esquisse d’un droit pénal des affaires dans l’espace OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011, pages 292. 918 Ibidem.

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qui considère certaines infractions d’affaires919

comme des crimes pourra engager des

poursuites contre une personne condamnée à des peines correctionnelles ou

contraventionnelles dans un autre Etat. De telles poursuites sont interdites par la règle

non bis in idem. De ce fait, certaines législations nationales paralyseront le droit pénal

OHADA.

Dans un autre type d’hypothèse, un conflit de lois pénales dans le temps supposerait

l’existence de deux normes pénales : une ancienne et l’autre récente. La solution

classique est le recours au principe de la non rétroactivité, suivi de sa dérogation920

: la

rétroactivité in mitius. Ces principes s’appliqueraient facilement si les Actes uniformes

portant incriminations étaient assorties de sanctions. De la sorte, on procéderait à une

comparaison entre les sanctions anciennes et celles récentes pour déterminer la loi

pénale la plus douce. En l’état actuel, le principe de non rétroactivité921

est inopérant

pour les Etats qui ont accompagné les incriminations communautaires des lois pénales

nationales. La raison repose sur la substitution de la loi nouvelle communautaire par la

loi nationale ancienne ou postérieure contraire. Pour les Etats qui n’ont pas encore

complété les incriminations communautaires par les sanctions pénales nationales, on

observe un vide juridique. Ce vide crée une zone de non droit, car les textes répressifs

nationaux anciens sont inopérants. Qui plus est, l’absence de nouvelles sanctions

nationales prolonge indéfiniment la période transitoire vers un droit pénal

communautaire multiple. Cette configuration n’est pas de nature à servir

l’uniformisation répressive.

Cependant, il faut retenir en résumé que le conflit de lois dans l’espace OHADA est

perceptible par le biais de l’exigence de la double incrimination d’une part et de la règle

non bis in idem922

d’autre part. Ce conflit de lois n’est pas détachable de la crise

d’uniformisation de l’OHADA et donc de l’intégration juridique. Des interrogations

auxquelles il urge de proposer des solutions communautaires.

919

Ibidem. 920

Ibidem. 921 La loi nouvelle ne peut rétroagir si elle prévoit des mesures nouvelles plus répressives ou plus contrayantes. 922

La règle « non bis in idem » (ou « ne bis in idem ») est un principe classique de la procédure pénale, déjà connu du droit romain, d'après lequel nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement à raison des mêmes faits. C’est donc l'autorité de la chose jugée au pénal sur une matière pénale qui interdit toute nouvelle poursuite contre la même personne pour les mêmes faits déjà antérieurement jugé.

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A ce sujet, nous n’avons pas la prétention d’être les premiers à proposer, comme ce fut

le cas un peu plus haut, une uniformisation de la répression dans l’espace OHADA.

Certains ont proposé l’harmonisation d’un droit pénal de fond et de forme OHADA.

Sans exclure ces considérables propositions, on adopte une approche plus simple. C’est

dans cette veine qu’une uniformisation répressive dans l’espace OHADA impose une

uniformisation normative et judiciaire.

- Les solutions923

:

Il importe de saluer l’effort consenti par les Etats membres de l’OHADA, qui ont

surmonté leurs égoïsmes nationaux en faveur des incriminations communautaires.

Cependant, la technique consistant à séparer les éléments de l’infraction de la sanction,

a plombé l’intégration juridique. Il convient donc d’achever l’œuvre commencée par la

communautarisation des sanctions uniformes. Qui plus est, le pouvoir de prévoir les

sanctions est inhérent à celui de fixer les règles et ne peut pas en être dissocié. Si les

disparités dans l’appréciation du quantum de la sanction sont effectives, il n’est pas

impossible de trouver une moyenne commune à tous les Etats de l’OHADA ou de créer

les sanctions communautaires au prorata de l’ordre public des affaires à protéger. Un

recours aux experts en pénologie n’est pas exclu pour éclairer le législateur OHADA sur

l’adéquation entre la typologie des sanctions pénales et la réduction de la délinquance

d’affaires. A l’instar des sanctions pénales nationales, les sanctions OHADA devraient

avoir un minimum et un maximum communs à tous les Etats membres. Des lors qu’un

droit pénal communautaire sera mis sur pied, restera l’épineuse question de

l’uniformisation judiciaire. Il s’agit maintenant de se demander s’il est nécessaire de

créer une juridiction communautaire pénale ou d’en adjoindre aux compétences de la

CCJA, cette matière pénale.

Dans la même lancée que celle proposée d’un démembrement de la CCJA en des

chambres et selon les matières où elle est compétente, on peut adjoindre à cette lancée,

la création d’une chambre pénale au sein de l’instance communautaire. Sa composition

sera, comme dans nos précédentes recommandations, laissée aux magistrats les plus

923 MBARGA A., « Pour la généralisation des tribunaux de commerce dans la zone OHADA et l’adoption d’un acte uniforme portant organisation des juridictions et de la procédure commerciales », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 123e Année, Numéro 882, janvier – Mars 2013, pages 28.

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235

expérimentés des pays membres, sans but représentatif bien sûr mais dans une

perspective d’intégration judiciaire pénale924

.

Bien plus, la création d’une juridiction pénale communautaire, est avantageuse à

plusieurs égards. En effet, elle supprime les conflits de lois dans le temps et dans

l’espace d’une part et garantit une répression uniforme supprimant les paradis pénaux

d’autre part. C’est l’idée qui a sous-tendu la création de la CCJA. Toutefois, il s’est

posé la question de l’appropriation de ce mécanisme d’intégration judiciaire par les

Etats membres de l’OHADA. En effet, les Etats se comportent comme si la CCJA leur a

été imposée. On en veut pour preuve la réflexion de Joseph Fometeu925

sur la question.

Or la CCJA n’est que le fruit de la volonté des Etats dans l’optique de garantir une

uniformisation judiciaire et jurisprudentielle. L’idée d’une juridiction pénale

communautaire, bien que théoriquement plausible, peut faire face à des difficultés

pratiques. Au nombre de ceux-ci, il convient de mentionner les difficultés de transport

de tous les délinquants devant le siège de la cour pénale communautaire, la saturation

des rôles au regard du volume quantitatif du contentieux et le difficile financement de

cette justice pénale communautaire. On dénonce simplement la lourdeur d’un tel

système pénal. Au regard de ces difficultés, il n’est pas exclu de recourir à la répression

étatique des infractions communautaires. Disposant des mêmes incriminations et

sanctions, les juges pénaux nationaux des Etats membres du Traité OHADA pourront

aisément satisfaire au principe. Le juge doit choisir la sanction applicable dans une

fourchette légale, qui oscille entre un minimum et un maximum. Des disparités peuvent

exister dans l’appréciation entre le minimum et le maximum de la peine. On retrouve les

aspérités propres à l’appréciation humaine diverse d’une même situation. Ce qui

humanise la justice pénale à défaut de la robotiser. Il s’agit donc d’une solution de pis-

aller.

924 Moyen L., « Les nouvelles conventions franco-africaines relatives à la circulation des personnes : évolution ou statu quo ? », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114e Année, Numéro 849, Octobre – Décembre 2004, pages 501. 925 Fometeu J., « Le clair-obscur de la répartition des compétences entre la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA et les juridictions nationales de cassation », in Les mutations juridiques dans le Système OHADA, revue Ersuma 2007.

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Jean Carbonnier a écrit : « N’accepte de faire de loi que si tu y crois, non pas à la loi,

mais à la nécessité d’en faire une »926

. Et il urge d’en faire sur la répression des

infractions communautaires.

En conclusion, il est à retenir que l’OHADA avant d’aller plus loin dans son œuvre

législative, pourrait marquer une pause afin d’évaluer ses acquis et se réaffirmer ses

objectifs et sa vision de l’ordre juridique communautaire. Ceci reviendrait à évaluer le

travail accompli et apporter des correctifs et des compléments nécessaires. En effet,

c’est un constat général que les actes uniformes déjà adoptés ne sont pas exemptes de

critiques dans leur contenus.

En outre, l’OHADA n’a jusque-là uniformisé que les règles matérielles du droit des

affaires, sans s’être pratiquement jamais préoccupée de la question des conflits de lois,

pourtant essentielle dans la mesure où les actes uniformes laissent subsister les

dispositions du droit national, mais aussi touchent à certains domaines du droit qui sont

partagés avec d’autres organisation communautaires. Dans sa perspective d’extension et

du fait de la nécessité pour elle de s’imposer au plan régional, il urge d’élucider ces

questions afin de mieux entrevoir les nouvelles perspectives d’intégrations de

l’OHADA et leurs implications théoriques comme pratiques927

.

926

Carbonnier J., in Rapport du Professeur POGOUE sur l’OHADA, op.cit, 2013, p 26. 927 Moyen L. S., « Les nouvelles conventions franco-africaines relatives à la circulation des personnes : évolution ou statu quo ? », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114

e Année, Numéro 849,

Octobre – Décembre 2004, pages 501.

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237

TITRE II

L’OHADA FACE A SES NOUVEAUX ENJEUX ET SA VISION

D’INTEGRATION AFRICAINE

Dans un contexte de mondialisation, où le secteur privé devient progressivement et

dorénavant le véritable moteur de développement, les Etats n’ont pas la totale maîtrise

de leur souveraineté, notamment en matière économique928

. Les opérateurs

économiques tant nationaux qu’internationaux n’investissent que là où l’environnement

juridique et judiciaire leur est favorable.

« Une des particularités du mouvement actuel de la mondialisation de l’économie est la

polarisation qui se manifeste dans la constitution et l’élargissement de puissants sous-

ensembles dits pôles économiques. Cette évolution conduit à un partage, de facto, des

zones d’influences et une répartition des marchés entres trois zones : Américaines,

Européennes et Asiatiques. Dés lors, l’intégration régionale et la constitution des grands

ensembles indiquent la voie à suivre pour les pays Africains confrontés à l’étroitesse des

marchés nationaux, l’influence en capitaux et en technologie, à la faible productivité des

industries et au déficit des balances des paiements tels que l’UEMOA et l’OHADA »929

.

Ainsi, pour abonder dans ce sens, les pays africains, nous le rappelons ont opté pour la

mise en place de plusieurs organisations d’intégrations dont les plus efficaces, à l’heure

actuelle sont l’Union Economique Monétaire Ouest Africaine (UEMOA),

l’Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires (OHADA), la Communauté

Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), la Communauté

Economique des Etats de l’Afrique Ouest (CEDEAO), la Communauté Economique

Africaine (CEA).

Il va donc être question pour l’OHADA, dans les prochaines années à venir, si ce n’est

déjà le cas pour certaines problématiques urgentes, de s’adapter et d’améliorer ses

infrastructures institutionnelles mais aussi sa vision du futur régional africain afin de

928

La Banque mondiale et le FMI jouent un rôle prépondérant dans la gestion des économies. 929 In Pougoué, Ibidem.

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rester dans la course et de s’imposer comme un acteur des relations économiques

mondiales.

Par conséquent, il sera question dans cette partie de notre étude d’aborder la question de

l’intégration africaine et la persistance des conflits communautaires (Chapitre I).

Ensuite, d’examiner les besoins et les réformes nécessaires à l’OHADA pour

l’aboutissement du projet d’intégration panafricaine (Chapitre II).

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239

CHAPITRE I

L’INTEGRATION AFRICAINE ET LA PERSISTANCE DES CONFLITS

COMMUNAUTAIRES

« Les Organisations d’intégration coexistent les unes par rapport aux autres dans les

espaces économiques des Etats membres de manière apparente, mais on peut en déduire

qu’elles fonctionnent de manière correcte »930

.

Dans leur fonctionnement, ces organisations sont amenées à adopter des normes plus ou

moins liées au droit des affaires et au droit économique. Si chaque organisation légifère

à partir des compétences explicites, qui lui sont reconnues par ses textes constitutifs et

fixant ainsi ses objectifs, les dispositions mises en place en matière de droit des affaires

et droit économique931

, qu’elles soient de nature public ou privé viennent quelque fois

s’embraser, d’autant plus que les Etats sont membres de plusieurs organisations

régionales en même temps. « En effet, l’apparente cohérence dans le fonctionnement

cache une autre réalité relative aux conflits potentiels qu’engendrent les normes édictées

par celle-ci »932

.

La réussite de l’œuvre d’intégration de l’OHADA passe aussi par la sainteté des

relations qu’elle entretient avec les autres organisations communautaires933

. Car il s’est

avéré par le passé, la persistance de questions de conflits entre des organisations

africaines, soit dans le champ et la matière de leurs dispositions, soit sur les questions de

juridictions compétentes entre deux juridictions communautaires sur une matière ayant

fait l’objet d’une uniformisation par les deux. Cette problématique est d’autant plus

importante qu’elle constitue à ce jour, un frein à la politique d’intégration de l’OHADA

et surtout à son extension934

.

930

Cf. SAWADOGO F., Ibidem. 931

Cf. SOH FOGNO R., « L’assainissement de la profession commercial dans l’espace de l’OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118

e Année, Numéro 862,

2008. 932 Cf. SOH FOGNO R., Ibidem. 933

Ibidem. 934 Cf. GNIMPIEBA TONNANG E., « Recherches sur le nouvel encadrement communautaire des ententes anticoncurrentielles des entreprises en Afrique centrale », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 862, 2008.

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240

Nous avons donc jugé nécessaire d’établir de nouvelles bases à la cohabitation, non

seulement entre l’OHADA et les Etats membres mais aussi entre elle et les

organisations communautaires l’entourant935

.

A cet effet, celle avec laquelle l’OHADA a le plus de similitudes et donc de difficultés

de délimitation des champs d’actions et de codification, reste l’UEMOA. Il est donc

important d’aller au fond de la question et de découvrir les réelles implications de ce

mécanisme de cohabitation et surtout les causes des conflits existants936

, des mesures

doivent être prises pour permettre à ces organisations d’atteindre leurs objectifs dans un

espace communautaire de partages de compétences et d’autonomie institutionnelle.

Ce qui nécessite avant tout de comprendre l’ambigüité de la question de la cohabitation

régionale (Section I) afin de proposer les solutions adéquates à une nouvelle dynamique

communautaire d’intégration juridique (Section II).

Section I : L’ambigüité de la cohabitation régionale

On dit souvent des traités communautaires d’intégration qu’ils sont pétris de téléologie.

Il s’agit, en général, de traités cadres formulant des objectifs précis à atteindre grâce à

une instrumentation juridique appropriée. Ainsi, selon Denys SIMON « c’est la

réalisation de l’Union douanière et du marché commun qui apparaît comme le

fondement direct de la règle essentielle d’unité et d’uniformité de l’application du droit

communautaire sur l’ensemble du territoire de la communauté, laquelle est la base des

doctrines de l’effet direct et de primauté du droit communautaire »937

. Les exigences qui

s’attachent à l’application des règles communautaires dans les ordres juridiques internes

des Etats imposent, en effet, des raisons plus économiques que proprement juridiques,

dans la mesure où l’absence d’uniformité des règles communes est de nature à

provoquer des détournements de trafic, des distorsions de concurrence, et le cas échéant,

de la délocalisation d’activités.

935 Ibidem. 936

Sur le sujet, voir aussi PRISO-ESSAWE S., « L’inamovibilité de l’exécutif dans les communautés économiques d’Afrique francophone : de la maîtrise politique au respect du droit », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118

e Année, Numéro 864, 2008.

937 D. SIMON, in Colloque Ohada, 2012, p. 30.

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Notre analyse in fine nous permettra d’en venir à envisager et examiner les implications

d’une complémentarité ou d’une coexistence entre ces organisations communautaires de

droit privé, ce qui à première vue peut sembler impossible au regard de toutes les

problèmes que soulève la question de la concurrence des Organisations

communautaires938

.

Nous constaterons donc, que dans une certaine mesure, ces organisations peuvent être

complémentaires dans leur fonctionnement, car chacune peut apporter son concours à

l’autre. Mais peuvent surtout mettre à mal l’ordre juridique communautaire qui se met

en place progressivement. Pour mieux la comprendre, nous examinerons les sources du

conflit communautaire (Paragraphe I) et les implications d’une cohabitation entre les

organisations régionales (Paragraphe II).

Paragraphe I : Les sources du conflit communautaire

Le but poursuivi par les deux organisations reste la promotion du développement

économique des Etats membres. Les besoins liés à l’insertion dans les échanges

économiques mondiaux, de participation effective à l’aboutissement des flux

commerciaux et financiers et ceux liés à la mise en place pour chaque Etat d’un panel de

moyens de développement sous le soutien et l’appui indéfectible d’une institution

régionale supra étatique sont les réponses qu’apportent en général toutes ces

organisations à leurs divers Etats membres. Cependant, l’insuffisance des moyens

humains, des ressources économiques et financières des Etats africains, la faible

organisation du cadre de leur intervention et d’activités expliquent bien qu’aucune de

ces organisations ne puissent atteindre tout seul, cet « idéal économique et social

panafricain ».

Ainsi, les institutions de l’UEMOA et de l’OHADA réagissent t’elles pour l’essentiel,

de la même façon quand il est question de la nécessité de coordonner leurs efforts de

développement en soumettant, totalement ou partiellement la gestion de leur domaines

938 Cf. PRISO-ESSAWE S., Ibidem.

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de compétences et de leurs outils de travail à un « cadre de politiques communes,

harmonisées et cohabitant »939

.

Ainsi, lors de divers colloques, notamment, celui intitulé « de la concurrence à la

cohabitation des droits communautaires », chacune des deux organisations a réadapté

ses objectifs à son cadre d’actions. Pour l’UEMOA et conformément au traité

l’instituant940

, il s’agit principalement de renforcer l’économie des Etats membres en

étendant au domaine économique la solidarité qui l’amène, depuis 1962941

, dans une

sorte de gestion unique et de responsabilité partagée, une sorte d’Etat unique. Pa contre

pour l’OHADA, il est question de stimuler le développement économique des Etats

membres qui, par leur appartenance à une même zone monétaire, la Zone Franc942

,

caractérisée par une forte stabilité monétaire, disposerait d’un cadre approprié pour la

réalisation progressive de son modèle d’intégration économique régional puis au plan de

toute l’Afrique. Comme on peut le constater, les deux organisations ont les mêmes

objectifs de développement économique et social des Etats membres. L’atteinte de ces

objectifs passe nécessairement par un partage de domaine de compétences entre les

deux organisations.

C’est à ce niveau que surgit la problématique des risques de conflits car ces deux

organisations n’ont procédé à aucun partage de compétences943

. Car il est évident que

ces deux organisations entreront en conflit soit sur leurs domaines matériels ou encore

au niveau juridictionnel rapporté ainsi aux compétences des deux cours de justice. Ces

conflits sont donc perçus, soit au plan du droit matériel, qu’il soit originaire ou dérivé,

soit au niveau des compétences des deux juridictions communautaires sur les matières

communautaires944

.

939

Cette problématique apparait bien aussi bien dans le préambule de Dakar que dans celui de Port-Louis. 940

David F., ibidem. 941

Sortie du colonialisme et indépendance des Etats africains. 942 Une autre problématique que soulève la question de l’extension de l’OHAD A, prenant compte de la diversité monétaire de certains Etats. 943

Chacune, en fonction des objectifs qu’elle veut atteindre, envahit son champ dans des domaines variés soit du coté du droit des affaires soit de celui du droit économique. Chacune des organisations vise la compétitivité et le développement des entreprises africaines. 944 Cf. DAVID E., op. cit, p. 167.

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A. La similitude des domaines de compétences et les risques de

conflits normatifs

L’identité d’objectifs entre les deux organisations est une source réelle de conflits, étant

donné que les deux organisations sont orientées vers l’uniformisation des règles de droit

applicables aux activités et opérations économiques. Il y a donc une confusion de

domaines matériels et normatifs945

entre les deux organisations communautaires946

.

En effet, l’adoption de dispositions nouvelles est une véritable source d’inquiétudes

pour les praticiens et les théoriciens du droit, dans la mesure où elle peut générer un

bouleversement des habitudes et des pratiques juridiques déjà existantes. Les traités

OHADA et UEMOA ont tous les deux prévus de manière arbitraire les champs

d’application et les domaines de leurs codifications. Le domaine de l’harmonisation du

droit des affaires envisagé par les Etats membres est défini comme étant toute discipline

du droit des affaires de nature à promouvoir et faire prospérer les échanges régionaux et

internationaux.

Le traité OHADA en son article 2 en a fait une priorité assez ambigüe. Ses rédacteurs se

sont chargés non pas de définir le droit des affaires afin d’en délimiter le cadre mais ont

énuméré des matières à insérer renvoyant au concept. Le choix s’explique notamment

par la réelle difficulté que l’on rencontre à définir avec précision une catégorie juridique

de façon précise et explicite. Quant au traité de l’UEMOA, en son article 4, il dispose :

« sans préjudice des objectifs définis par le traité de l’UEMOA, l’Union poursuit dans

les conditions établies par le présent traité, la réalisation des objectifs ci-après :

- renforcer la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres

dans le cadre d’un marché ouvert concurrentiel et d’un environnement juridique

rationalisé et harmonisé ;

945

La conséquence qui en découle, c’est la difficulté de répartir leur domaine matériel ; ce qui entraînera des risques de conflits de compétences tant au niveau choix des matières à harmoniser ou uniformiser qu’à celui des risques de conflits au niveau de l’insertion de ces normes dans les ordres internes. 946 Ces compétences exclusives sont jurisprudentielles et reconnues par la CJCE dans un arrêt du 08 décembre, Deutschetche BAKELS / Rec. 1001, sur les compétences exclusives de la CEE en matière douanière. Dans le cadre de l’UEMOA, la Cour de justice de l’UEMOA a rendu un avis dans le même sens relatif à l’interprétation de l’article 84 du traité UEMOA portant sur les compétences en matière d’accord commercial et l’interprétation des articles 88, 89 et 90 du traité portant sur les compétences en matière de règles de concurrence.

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- assurer la convergence des performances et des politiques économiques des Etats

membres par l’institution d’une procédure de surveillance multilatérale ;

- créer entre les Etats membres, un marché commun basé sur la libre circulation des

personnes, des biens, des services, des capitaux et le droit d’établissement des personnes

exerçant une activité indépendante ou salariée, ainsi qu’un tarif extérieur commun et

une politique commerciale commune ;

- instituer une coordination des politiques sectorielles nationales par la mise en œuvre

d’actions communes et éventuellement de politiques communes, notamment dans les

domaines suivants : ressources humaines, aménagement du territoire, transport et

télécommunication, environnement, agricultures, énergie, industrie et mine ;

- harmoniser dans la mesure nécessaire au bon fonctionnement du marché commun, les

législations des Etats membres et particulièrement le régime des fiscalités ».

L’analyse de cet article 4 permet de comprendre et de déduire que le traité UEMOA947

s’est fixé comme objectif, l’intégration des espaces économiques. Il vise aussi la mise

en place de politiques sectorielles, qui seront les vecteurs du développement,

l’émergence d’entreprises communautaires948

, aptes à relever les défis de compétitivité

internationale. Son article 60 renforcera cette vision, en disposant « dans le cadre des

orientations prévues à l’article 8, la Conférence des Chefs d’Etat établit des principes

directeurs pour l’harmonisation des législations des Etats membres. La Conférence des

Chefs d’Etat tient compte des progrès réalisés en matière de rapprochement des

législations des Etats de la région dans le cadre d’organismes poursuivant les mêmes

objectifs que l’Union », et l’article 61 de préciser « le Conseil statuant à la majorité des

deux tiers 2/3 de ses membres sur proposition de la Commission, arrête les directives ou

règlements nécessaires pour la réalisation des programmes mentionnés à l’article 60 ».

Eu égard à ces dispositions, il est évident qu’il existe déjà des traits de similitudes entre

les deux organisations dans leurs missions mais aussi dans leurs domaines de

compétences et dans le statut et les attributions de leurs organes exécutifs. Mais cette

similitude s’étendra encore plus loin.

947

Cf. DAVID E., op. cit, p. 189. 948 Ibidem.

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245

La dénomination qui fut donnée à l’outil de réglementation prévu aux articles 1er

et 2 du

traité OHADA est « Actes uniformes ». « Les Actes uniformes peuvent inclure des

dispositions d’incrimination pénale. Les Etats membres s’engagent à déterminer donc

les sanctions pénales encourues ». Quant à l’article 42 du traité UEMOA il dispose «

pour l’accomplissement de leur mission et dans les conditions prévues, par le présent

traité, la Conférence prend des Actes additionnels conformément aux dispositions de

l’article 19 ».

Ainsi, les dispositions prévues dans le cadre de l’OHADA ou de l’UEMOA visent les

mêmes objectifs et couvrent le même domaine qui se traduit par le droit des affaires ou

par le droit économique ou le droit des entreprises, d’autant plus que la frontière entre

ces concepts est très difficile à établir ce qui crée une véritable confusion juridique, très

difficile à cerner. Plusieurs auteurs ont d’ailleurs théorisé ces conceptions sans qu’une

unanimité ne soit trouvée et dégagée. « L’analyse des dispositions de ces deux traités

permet d’affirmer que l’UEMOA comme l’OHADA, peuvent intervenir chacun que ce

soit dans le domaine du droit des affaires, du droit économique, ou du droit des

entreprises. Ainsi, à l’instar du droit des communautés européennes »949

.

L’UEMOA et l’OHADA ont consacré un droit communautaire des affaires, qui

regroupe donc plusieurs matières, partageant un même domaine matériel, via la mise en

place pour l’UEMOA de textes harmonisés950

qualifiés de règlements et directives,

recommandations ou d’avis tandis que pour l’OHADA, il s’agit d’actes uniformes et de

règlements.

Ces deux ordres juridiques communautaires ainsi créés sont constitués de normes

intégrant un système normatif, qui est la source du conflit951

. Il en résulte que le

développement des deux processus d’intégration comporte un risque sérieux de conflits,

d’une émergence de règles contradictoires.

La doctrine sera unanime sur le fait que « L’Acte juridique communautaire qu’il

s’agisse de celui de l’UEMOA ou de l’OHADA outre leur source d’élaboration par un

exécutif délibérant présente une nature juridique, mieux une même force de pénétration

dans le droit interne des Etats membres respectifs des deux organisations, même

949

GAVALDA G. et PARLEANI G., Traité de droit communautaire des affaires, 2e édition, Litec, p. 3. 950 Cf. DAVID E., op. cit, p. 169. 951

Chacune des deux organisations a la liberté d’éditer des normes juridiques dans les domaines qu’elle choisit d’investir.

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l’organisation d’intégration économique présente un parapluie d’instruments juridiques

plus variés, qui va de l’Acte additionnel pris par la Conférence des Chefs d’Etat, aux

règlements, directives, décisions, là où l’OHADA ne connaît que l’Acte uniforme

communautaire »952

.

Il est ainsi une remarque pertinente, que l’étude de ces deux organisations dans leur

conception et leur fonctionnement montrent bien que les premières difficultés sont nées

des chevauchements de compétences de leurs organes institutionnels, avec comme

illustration, la même force d’intégration et les mêmes règles de transposition dans le

droit interne des Etats membres, qui leurs sont communs, des normes communautaires

respectivement élaborées et mises en vigueur indépendamment les unes des autres.

C’est notamment le cas des dispositions concernant l’Acte uniforme OHADA portant

organisation des procédures simplifiées, de recouvrement de créances et les voies

d’exécution, qui autorise la compensation d’office entre les dettes publiques, avec les

créances détenues par tout particulier, contre l’Etat et les entreprises publiques953

et les

dispositions de la directive n° 06/97/CM/UEMOA qui interdit la compensation d’office

entre les dettes réciproques de l’Etat et les particuliers954

. Il se pose ainsi un problème

de conflit de loi communautaire qui n’est pas évident à résoudre, en considérant l’article

10 du traité OHADA955

qui dispose que « les Actes uniformes sont directement

applicables et obligatoires dans les Etats parties, nonobstant toute disposition contraire

de droit interne antérieure ou postérieure », alors que l’article 6 du traité UEMOA

prévoit quant à lui que « les actes arrêtés par les organes de l’Union pour la réalisation

des objectifs du présent traité et conformément aux règles et procédures instituées par

celui-ci sont appliqués dans chaque Etat membre nonobstant toute législation nationale

contraire, antérieure ou postérieure ».

Quelque part, cette situation est aussi regrettable qu’incompréhensible, surtout quand on

sait que ce sont les mêmes conseils des Ministres dans le cadre de l’UEMOA qui

participent à l’élaboration de la directive, et le même, constitué des mêmes ministres de

952 In Colloque sur «De la concurrence à la cohabitation des droits communautaires », Septembre 2012, p. 42. 953 Traité OHADA, Acte uniforme sur le recouvrement des créances et voies d’exécution, art. 30. 954

Traité UEMOA, Directive n° 06/97/CM/UEMOA. 955 Cf. DAVID E., op. cit, p. 171.

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gouvernement des Etats membres qui siègent et décident dans les instances de

l’OHADA956

.

En matière de droit de la concurrence, des risques de conflits peuvent également naître.

En effet, l’article 88 du traité de l’UEMOA pose les principes fondamentaux du droit de

la concurrence de l’UEMOA qui a été interprété dans les dispositions de la Cour de

justice de l’UEMOA dans son avis n° 003 /2000, comme donnant compétence exclusive

à l’Union, pour élaborer les normes en cette matière du droit communautaire interdisant

ainsi l’application du droit national de la concurrence existant dans les Etats membres.

La conséquence qui en découle est l’effet bloquant de ces dispositions communautaires

originaires957

interdisant aux Etats membres sous peine de manquement à leur

engagement communautaire de participer à une élaboration quelconque d’un autre droit

de la concurrence en dehors de l’espace communautaire de ce traité.

C’est dire que le droit de la concurrence, tel que visé par le traité, ne peut normalement,

en aucune façon coexister avec le droit de la concurrence de l’UEMOA, cette situation

étant inenvisageable quant on sait que le droit de la concurrence est une intégrante du

domaine du droit des affaires, reconnu à l’OHADA.

« Il ne serait pas justifié, du fait de l’autonomie des deux ordres juridiques, et leur

vocation à insister sur leurs domaines respectifs, en vue d’atteindre leur objectif,

d’empêcher l’OHADA de prendre des Actes uniformes sur la matière du droit de la

concurrence. Et si cet Acte uniforme était pris, car rien n’interdit au Conseil des

Ministres de prendre un tel Acte uniforme s’il le juge nécessaire, un risque de conflit

pourrait naître entre les deux systèmes normatifs958

»959

. A cet effet, et comme le

souligne si bien la doctrine, l’OHADA est aujourd’hui tout autant en droit d’uniformiser

le droit de la concurrence compte tenu de l’importance de cette matière dans le domaine

des affaires et la réglementation du cadre des entreprises960

.

956

Ce qui rejoint notre théorie d’une inconscience africaine, dépourvu de toute logique et de tout esprit de critique ou d’idée constructive. 957

Dans le cadre communautaire, il est imposé aux Etats membres d’une organisation de tout faire pour mettre en œuvre les actions communautaires. 958 L’imprécision des domaines matériels aura comme conséquence les risques de conflits dans les systèmes normatifs. 959

In Colloque OHADA, op. cit. , p. 42. 960 D’ailleurs, le conseil des ministres de l’OHADA réunie les 11 et 12 mars 1999 à Ouagadougou, dans le cadre du programme annuel d’harmonisation du droit des affaires a décidé d’inclure parmi les matières à harmoniser, le droit de la concurrence.

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En plus du droit de la concurrence, d’autres matières peuvent aussi être source de

conflits entre les deux ordres juridiques. En effet, en matière de liquidation des

établissements bancaires, il faut noter l’existence d’une dualité de procédures. L’une des

procédures est prévue par l’Acte uniforme de l’OHADA sur le redressement judiciaire,

l’autre est prévue par la loi portant convention bancaire. Bien que les deux textes soient

complémentaires, sur autant de points, ils cachent aussi des réelles sources de conflit,

car l’article 63 de la loi bancaire dispose « l’administrateur provisoire ou le liquidateur

nommé par le Ministre des Finances peut saisir la juridiction compétente afin de faire

déclarer la banque ou l’établissement financier en état de cessation de paiement. Les

fonctions de l’administrateur provisoire prennent fin dès la nomination d’un syndic ou

d’un administrateur judiciaire ». Il pose un problème juridique entre l’UEMOA et

l’Acte uniforme OHADA car dans le cadre de l’OHADA, il est possible qu’il nomme

un syndic. En cas de redressement judiciaire, le problème peut donc se poser. On note

ainsi une contrariété de textes pouvant conduire à un conflit de normes. Ce conflit est

d’ailleurs inévitable, car les deux organisations ont mis en place ces textes961

. Il

appartiendra aux juridictions de régler ce conflit962

.

C’est aussi le cas du conflit né de l’acte uniforme relatif au droit commercial général,

qui a réglementé la vente commerciale et a fixé les obligations du vendeur dans

certaines de ses dispositions963

. Il peut entrer en conflit avec les dispositions de l’article

11 du code communautaire des investissements de l’UEMOA. Cet article fixe les règles

de production devant être observées par les entreprises en soumettant celles-ci à

l’obligation de se conformer aux règles et normes exigées pour les produits identiques

dans leur pays d’origine. Il est évident que le contentieux qui naîtra de l’application de

ces dispositions pose le problème du droit applicable car la vente est régie par l’Acte

uniforme sur le droit commercial général.

La doctrine soutient cet état de chose en retenant que « les autres obligations qu’impose

l’article 11 du code des investissements relatif à « l’investisseur producteur » et d’une

manière générale, toutes celles qui pourraient être exigées par l’UEMOA dans le cadre

961 L’Acte uniforme sur les entreprises en difficulté est entré en vigueur. Il en va de même de la loi portant sur la réglementation bancaire. Ainsi, les risques de conflits ne sont plus potentiels mais réels. 962 La Cour de justice de l’UEMOA et la cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA peuvent chacune se déclarer compétence régissent du conflit et relatif à a liquidation d’une entreprise. 963 Traité OHADA, acte uniforme sur le droit commercial général, art. 202 et 288.

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d’une politique de normalisation des produits et services sont susceptibles de créer ou

de favoriser un conflit de normes entre les deux ordres juridiques964

»965

.

Ces conflits de normes peuvent aussi naitre en matière de fiscalité. En effet, l’alinéa 1er

de l’article 4 du traité UEMOA dispose : « harmoniser dans la mesure nécessaire au bon

fonctionnement du marché commun, les législations des Etats membres et

particulièrement le régime de la fiscalité ». L’UEMOA a donné une importance capitale

à la réglementation de la fiscalité966

, qui est au cœur du droit des affaires et présente

surtout un avantage certain pour les Etats membres967

. Il en est de même pour le droit

OHADA car l’harmonisation du droit fiscal des affaires dans le cadre de l’OHADA est

une impérieuse nécessité car laisser aux Etats la lassitude de déterminer leur propre

régime de fiscalité directe pourrait constituer une entrave au développement des affaires

et à l’intégration juridique968

. Ainsi, dans le cadre de son programme d’harmonisation,

l’OHADA comme d’ailleurs l’UEMOA, procédera à l’harmonisation du droit fiscal des

affaires. Cette matière ne saurait être exclue du domaine de l’harmonisation969

.

Il est à préciser à cet effet que le Conseil des Ministres de l’OHADA, lors d’échanges à

Bangui les 22 et 23 mai 2012, a décidé d’inclure dans le domaine du droit des affaires à

harmoniser, voir uniformiser les matières suivantes : le droit de la concurrence, le droit

bancaire, le droit de propriété intellectuel, le droit des sociétés civiles, le droit des

sociétés coopératives et mutualistes, le droit des contrats et de la preuve.

En décidant ainsi d’harmoniser toutes ces matières970

, l’on remarque bien que le

domaine du droit des matières à harmoniser s’étend de plus en plus, ce qui risque

d’entrer en conflit avec les matières que l’UEMOA décidera d’harmoniser. L’autre

risque de conflit est relatif à l’intégration de leurs normes juridiques dans ceux des Etats

964

Il sera inévitable que les Hautes juridictions soient en conflit pour trancher les litiges qui pourraient naître dans ces situations. 965

In Colloque OHADA, op. Cit., p. 44. 966

« La fiscalité des affaires est une matière fondamentale dans le cadre du droit des affaires. L’UEMOA a procédé par une directive à l’harmonisation de la TVA. Cette directive est appliquée dans l’espace UEMOA. Le projet d’harmonisation de la fiscalité directe est très avancé, son application ne saurait tarder ». 967 L’importance du régime de la fiscalité pour les entreprises est capitale. La fiscalité peut même orienter la forme de la société que le chef d’entreprise souhaite mettre en place. 968 C’est dire à l’uniformisation des règles. 969

L’importance de la fiscalité dans la vie de l’entreprise justifie celle accordée à cette matière. 970 Il est évident que toutes ces matières sont au cœur du droit des affaires.

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membres, eu égard à la primauté que se sont attribués les traités créateurs de ses deux

organisations d’intégration du droit privé.

B. Les conflits liés à l’intégration des normes juridiques dans le

droit interne des Etats

L’OHADA et l’UEMOA sont des organisations de nature identique, eu égard au

contenu de leurs traités de création, de leurs modèles d’intégration et de leurs

mécanismes de mise en place. Leur supranationalité est une caractéristique principale

dans leur politique de transfert de souveraineté et le modèle de transposition qu’ils

imposent à leurs Etats membres. Cette supranationalité confère donc à leurs règles les

caractères fondamentaux à l’instar des autres organisations internationales.

Le premier est celui de la primauté du droit communautaire sur le droit national des

Etats parties971

. C’est une caractéristique fondamentale du droit communautaire positif

de l’UEMOA et de l’OHADA, de nature générale et absolue, malgré que le droit

communautaire reconnaisse une certaine autonomie tant institutionnelle que procédurale

aux Etats972

. Ce principe de primauté relève d’une jurisprudence européenne973

célèbre.

En effet, dans l’arrêt SIMMENTHAL, le juge communautaire estimait : « en vertu du

principe de primauté du droit communautaire, les dispositions du traité et les actes des

institutions directement applicables ont pour effet dans leur rapport avec le droit interne

des Etats membres, non seulement de rendre inapplicable de plein droit dès leur entrée

en vigueur toute disposition contraire de la législation nationale existante, mais encore,

en tant que ces dispositions et actes font partie intégrante au rang de priorité de l’ordre

juridique applicable sur le territoire de chacun des Etats membres, d’empêcher la

formation de nouveaux actes législatifs nationaux dans la mesure où il serait

incompatible avec les normes communautaires ».

Ce principe de primauté aura des conséquences importantes dans la mise en place du

droit OHADA et UEMOA, mais sera aussi la source du conflit existant dont il est

971 Art. 10 traité OHADA et art. 6 du traité UEMOA. 972

« Il se réserve cependant un droit d’encadrement de cette autonomie afin de préserver de façon égale et effective le processus de primauté du droit communautaire, lequel relève fondamentalement d’une plus haute mission confiée aux institutions communautaires ». 973 CJCE, arrêt SIMENTHAL ,09 mars 1978/106/77/, Rec. 629.

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question, une problématique importante dans l’extension et l’effectivité du droit

d’intégration africaine. Les normes UEMOA et OHADA ont en effet la même

hiérarchie, aucune n’étant supérieure à l’autre ; chacune jouissant de la même

reconnaissance dans le droit interne des Etats974

. Leurs cours respectives auront à ce

sujet énormément de contentieux à régler sur la question975

, à l’instar des juridictions

européennes976

.

Ces règles uniformes de l’UEMOA et de l’OHADA se présentant avec un même degré

d’importance et la même portée dans les ordres juridiques nationaux, il est évident que

des contraintes verront le jour. Pour atteindre leurs nobles objectifs, le processus

d’intégration économique de l’UEMOA et celui d’intégration juridique de l’OHADA

reposent sur un même système constitutionnel communautaire, essentiellement

caractérisé par une autonomie du système juridique aussi bien par rapport au droit

international général qu’au droit interne des Etats membres.

En effet, l’un des fondements de l’ordre juridique communautaire est son autonomie et

sa spécificité, une autonomie qui fait que chaque ordre juridique à ses caractéristiques et

pouvoirs, et implique que leur coexistence est tout aussi problématique au plan interne

des Etats membres que supra étatique. Elle est due à la dualité de leur source juridique

et à celle de leurs organes institutionnels.

Ce conflit prendra ensuite l’allure d’un conflit juridictionnelle car chacune des

juridictions saisies auront possiblement une approche différente, favorisant à tort ou à

raison son organisation, et faisant ainsi face au refus de l’autre organisation de céder.

Lors du colloque de 2012 sur la cohabitation des deux ordres juridiques

communautaires, les organisateurs retenaient à cet effet qu’« Il appartient aux juges des

deux Hautes juridictions de trouver des solutions. Il en ressortira que chaque juge

donnera sa position et en fonction des attributs qui lui sont dévolus. A ce titre, des

problèmes insolubles pourront apparaître car les deux ordres juridiques, du fait de leur

974

L’autonomie des ordres juridiques de l’UEMOA et de l’OHADA est une caractéristique fondamentale de ces deux organes. 975 Des virtualités conflictuelles commencent à se faire voir et prennent la forme de réalité au niveau de l’élaboration de certaines normes communautaires avant que la justice communautaire n’en connaisse les premières manifestations. 976

La jurisprudence des deux hautes juridictions tranchera en faveur de l’un ou l’autre des deux ordres juridiques.

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autonomie, ne feront pas de concession, d’où la relativité de cette notion dans l’espace

communautaire UEMOA, OHADA »977

.

Aussi, le droit communautaire issu des œuvres normatives des instances

communautaires, qu’il soit primaire, dérivé ou conventionnel ne revêt cette qualité que

s’il remplit les conditions existentielles énumérées dans l’avis 1/91 de la Cour de justice

des communautés européennes978

. Selon le juge, « le traité CEE bien que conclu sous

forme d’un accord international, n’en constitue pas moins la charte constitutionnelle

d’une communauté de droit »979

. Les caractéristiques essentielles de l’ordre juridique

communautaire sont donc en particulier la primauté par rapport au droit des Etats

membres ainsi que l’effet direct de toute une série de dispositions applicables à leurs

ressortissants et à eux-mêmes980

. Aussi, dans l’arrêt Van Gend en Loos, une entreprise

néerlandaise avait intenté une action devant la Cour. Il en résulte la possibilité pour le

particulier de se prévaloir d’un droit devant leur juridiction nationale981

.

Ce principe qui a permis aux particuliers de se prévaloir d’un droit communautaire pose

toute la problématique des risques de conflits entre le droit communautaire de

l’UEMOA et celui de l’OHADA dans le cadre de leur intégration dans les ordres

juridiques nationaux. Devant cette situation, un conflit de normes se posera et les

solutions dépendront de l’interprétation des juges qui pourront interpréter en leur

faveur, en fonction de la lecture du texte, car il peut arriver qu’une matière soit

réglementée et par l’UEMOA et par l’OHADA et que les dispositions soient

concurrentes en fonction des objectifs visés pour les deux organisations, ce qui ramène

aussi à la question de l’immédiateté du droit communautaire, dans son caractère

obligatoire devant les juridictions982

. « Les normes communautaires, sont

automatiquement valables dans les ordres juridiques nationaux, il est non seulement

inutile mais également prohibé de recourir à une quelconque procédure de

977

In Colloque OHADA, op. Cit., p. 46. 978

CJCE du 19 décembre 1991, Rec. 1. 60. 79. 979

Les traités communautaires ont institué un nouvel ordre juridique au profit duquel, les Etats ont limité dans les domaines les plus étendus, leur droit souverain et dont les sujets sont non seulement des Etats membres, mais également, leurs ressortissants. 980

Ce sont ces principes d’effet direct et de primauté qui ont été consacrés par l’ articles 43 qui énumère les actes juridiques que peuvent prendre les organes de l’Union et l’article 9 du traité de Port Louis qui qualifie les actes juridiques et fixe leurs conditions d’entrée en vigueur une fois remplies les formalités de publication et de délai. 981 Le principe de l’effet direct impose aux juridictions nationales, l’application du droit communautaire. 982

L’ordre juridique communautaire comme tout ordre juridique a pour objectif de réglementer des situations juridiques.

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transformation ou de réception. C’est le noyau dur de l’immédiateté du droit

communautaire »983

.

Il s’agira ainsi d’une véritable révolution dans les relations entre ordres juridiques. Pour

la communauté européenne, la Cour de justice a condamné toute récemment ce

dualisme. Dans les relations entre normes communautaires et ordre juridique interne les

Etats demeureront totalement libres quant à la nature de leurs rapports avec l’ordre

international984

.

En résumé, les traités UEMOA et OHADA occupent un même degré de hiérarchie par

rapport au droit interne des Etats qu’au droit international985

. Ce principe hiérarchique

définit la position que ces deux ordres juridiques occupent par rapport à

l’ordonnancement juridique et présente également des conséquences, dans l’application

de ces normes. Ayant la même position l’une par rapport à l’autre et face à un problème

que ce soit dans le cadre interne ou international, les risques de conflits sont

perceptibles, car les deux normes UEMOA, OHADA, si elles couvrent une même

matière, que ce soit dans le cadre du droit fiscal, du droit de la concurrence ou de toute

autre matière qui s’applique directement, le risque de conflit sera réel et permanent tant

que ces deux organisations réglementeront des matières qui s’interpénètrent, soit par des

similitudes ou surtout des antinomies. Comme le rappelle la doctrine, « celui-ci se

réalisera toutes les fois où, en vue de régler une situation relevant de leur large domaine

d’action commune, le droit communautaire de l’UEMOA et le droit uniforme de

l’OHADA, proposent des solutions radicalement différentes dont les ultimes effets ne

s’harmonisent pas ».

Cependant, nous pouvons heureusement relativiser un peu la question car les risques de

conflits, au sens large, existeront dès lors qu’il subsiste une divergence dans la solution

retenue par l’un ou l’autre des deux ordres juridiques986

.

983

In Colloque OHADA, op. Cit., p. 46. 984

Le principe de l’immédiateté postule des conflits entre le droit communautaire et les droits nationaux mais également des conflits entre l’ordre juridique de l’UEMOA et celui de l’OHADA car les normes juridiques s’appliquent immédiatement sur les ordres juridiques nationaux. 985 La hiérarchie du droit communautaire peut s’analyser autant au niveau des ordres juridiques nationaux qu’au niveau des ordres juridiques internationaux. 986 Ce qui rend encore plus importante et opportune la solution que nous proposerons par la suite, qui consistera à la création d’une super organisation communautaire, qui coifferait les organisations déjà existantes et favoriserait ainsi plus de cohésion, une cohabitation plus facile et une organisation plus

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Paragraphe II : les implications d’une cohabitation entre les

organisations régionales987

L’impact négatif que cause la coexistence de ces deux ordres juridiques dans les

différents Etats membres justifie largement la nécessité de trouver des solutions et des

atténuations à ces divers conflits nés de cette situation988

. Ce qui justifie que des

solutions rapides et pertinentes aient été envisagées pour résoudre la question. Mais

quand à la suffisance et l’efficacité de ces solutions, les problématiques existent encore.

A. Des solutions apportées en faveur d’une collaboration et

d’une concertation

Nos développements précédents nous ont permis de constater que les deux traités

créateurs de ces organisations poursuivent les mêmes objectifs989

: le développement

économique et juridique des Etats membres, la sécurité juridique et judiciaire et

l’intégration africaine pour la compétitivité internationale. Il était donc nécessaire de

rechercher des solutions dans les deux traités, ou dans les solutions préconisées par le

droit international.

La rationalisation du processus d’intégration s’est donc imposée comme une solution

thérapeutique aux risques de conflits entre l’UEMOA et l’OHADA990

, sous un aspect

préventif991

. Il s’agit de mettre en place des procédés et des mesures aptes à réduire

considérablement les risques, les divergences, les contradictions et les doubles emplois

entre les dispositions des deux organisations. Cette prévention sera donc recherchée

aussi bien sur le terrain procédural d’élaboration des règles juridiques992

des deux

organisations et l’opportunité d’une réadaptation des organisations.

claires des domaines de compétences de chacune d’elle. Une solution aussi efficace aux risques de conflits communautaires. 987

Sur la question, voir aussi YAYA SARR A., « Conflits entre normes communautaires : aspects négatifs, aspects positifs et solutions », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p. 29. 988 Ibidem. 989

Ibidem. 990 Ibidem. 991

Afin d’éviter les risques de conflits, il est utile de les prévenir. 992 La favorisation des échanges et la collaboration dans la phase de préparation des règles juridiques.

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En effet, afin d’aplanir les risques de conflits entre les deux ordres juridiques, les

organes des deux organisations doivent collaborer et se concerter dans le processus

d’élaboration de leurs corpus juridiques. Dans le cadre de l’UEMOA, l’article 42 du

traité indique « pour l’accomplissement de leur mission et dans les conditions prévues

par le présent traité :

- la Conférence prend des Actes additionnels, conformément aux dispositions de

l’article 19 ;

- le Conseil édicte des règlements, des directives, et les décisions ; il peut

également formuler les recommandations et/ ou des avis ;

- la Commission prend des règlements pour l’application des actes du conseil et

édicte les décisions, elle peut également formuler les recommandations et/ou des

avis. »

S’agissant de l’OHADA, il ressort des dispositions qu’il revient au Secrétariat

Permanent993

de préparer les Actes uniformes en concertation avec les Etats parties et

soumis à la Cour de Commune et de Justice pour avis avant la délibération du Conseil

des Ministres. A cet effet, il a été institué des Commissions nationales composées de

représentants, de l’administration et d’experts, censés être, en quelque sorte « la

courroie de transmission » entre chaque Etat partie et le Secrétariat Permanent pour

aider à tenir compte des préoccupations nationales dans les Actes uniformes. A l’instar

de l’UE, les organes de l’UEMOA et plus particulièrement le Conseil des Ministres et la

Commission ont un rôle crucial dans la procédure d’édiction des normes

communautaires consacrées par l’UEMOA.

Afin d’éviter des risques de conflits et du fait que les deux organisations évoluent dans

un même espace économique994

, la concertation est un moyen sûr d’éviter les risques de

conflits. A ce titre, nos développements précédents, en faveur d’une complémentarité

entre les deux ordres juridiques peuvent illustrer que les normes déjà élaborées par les

deux organisations peuvent constituer une base de solutions.

Ainsi, il est vérifié que le droit uniforme OHADA, dans la mise en place et la mise en

œuvre de ses actes uniformes constitue un apport certain pour le droit des entreprises au

993

Traité OHADA, articles 29 et 40. 994 Il faut noter que les états membres de l’UEMOA sont également membres de l’OHADA.

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sein de l’UEMOA. Il en va de même pour le droit de la concurrence, des normes

relatives au marché commun et au marché financier par exemple pour l’UEMOA qui

sont un apport certain pour la sécurité juridique entreprise sous l’empire de l’OHADA.

A ce niveau, la solution qui est retenue, dans ce contexte de cohabitation est le modèle

d’une concertation permanente entre les diverses organisations impliquées afin de

répondre au mieux aux attentes et aux insuffisances les une des autres.

C’est à ce titre, que la proposition est faite lors du Colloque sur la Cohabitation entre les

ordres juridiques de préconiser995

« la création d’un cadre de concertation entre la

CEMAC et l’UEMOA, en vue de faire du droit uniforme de l’OHADA une base de

régulation et permettre aux organes de la CEMAC également de se concerter avec les

organes de l’OHADA, du fait que dans la même région, les deux organisations CEMAC

et OHADA coexistent de la même manière que l’UEMOA et l’OHADA. Ainsi, le

principe de complémentarité entre l’UEMOA, la CEMAC et l’OHADA, permettra

d’éviter les risques de conflits, car que ce soit le traité de Dakar ou celui de Port Louis,

certaines de leurs dispositions permettent d’éviter les risques de conflits »996

.

Cependant, pour ce qui est du traité UEMOA, au stade de la procédure d’élaboration

des règles, il a été prévu un moyen permettant l’encadrement de l’exercice, par la

Conférence des Chefs d’Etat, de sa fonction en matière d’harmonisation de la législation

communautaire. A ce titre, l’article 60 alinéa 2, est en soi une réponse en ce qu’elle

dispose : « la Conférence tient compte des progrès réalisés en matière de rapprochement

des législations des Etats de la région dans le cadre d’organismes poursuivant les

mêmes objectifs »997

. Les termes de cette disposition permettent de comprendre aussi

que la Conférence des Chefs d’Etats, qui est chargée de définir aux termes de l’article

17 du traité UEMOA les grandes orientations de la politique doit tenir compte, elle

aussi, de toute tentative régionale d’uniformisation ou d’harmonisation du droit

économique, quelque soit la portée des démarches entreprises antérieurement998

.

995

Sur la question, voir aussi BANGOURA O., « Interfaces institutionnelles et réglementaires de l’arrec : risques de chevauchement et de conflits de compétences avec les institutions de la région ayan des domaines de compétences similaires », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 996

Colloque OHADA, op. Cit., p. 76. 997 Traité OHADA, art. 60. 998

Dans la mise en œuvre donc de l’article 60 du traité de Dakar, la Conférence des Chefs d’Etats doit tenir compte des Actes uniformes adoptés par l’OHADA. Ainsi, elle doit dans le cadre de sa politique

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Etant donné que le droit uniforme OHADA constitue un complément indispensable aux

entreprises, créées dans le cadre de la CEMAC ou de l’UEMOA, le conseil des

Ministres, la Commission en application des dispositions de l’article 42 éviteront donc

de prendre des actes additionnels, des règlements, des directives ou encore des avis et

recommandations qui entreront en conflit avec ce droit uniforme OHADA999

.

De ce fait, l’action des deux organisations apparaît très complémentaire et bien

coordonnée. L’une prévenant en amont et l’autre résolvant en aval le problème

d’incompatibilité et de double emploi, une solution très importante dans la prévenance

des conflits. En combinant ces dispositions avec celles de l’article 27 alinéa 2 et 3 de

l’Acte additionnel n° 10/96 portant statut de la Cour de Justice de l’UEMOA, on

admettra donc assez logiquement que les organes de l’UEMOA pourront saisir la Cour

de Justice en vue de recueillir son avis et ses recommandations sur tout projet d’Acte

uniforme entrepris sous l’égide de l’OHADA.

Dans le même ordre d’idées, en coordonnant leur position dans la procédure d’adoption

des actes uniformes, les Etats membres de l’UEMOA et de la CEMAC pourront

contribuer à réduire les risques d’incompatibilités, dans la mesure ou une telle ouverture

et un droit de parole sur le droit uniforme de l’OHADA leur donne une sorte de pouvoir

pour faire échec à l’entrée en vigueur d’un acte uniforme qu’il jugera contraire à leur

attentes ou source potentielle de conflit communautaire1000

. Soit en votant contre, du fait

de l’exigence de l’unanimité, soit en pratiquant la politique de la « chaise vide »1001

, leur

absence ne permettant pas d’atteindre le quorum qui requiert les deux tiers.

En outre, les dispositions de l’article 13 du traité de l’UEMOA1002

nous confortent dans

cette position, en prévoyant une coopération entre l’UEMOA et les autres organisations.

d’orientation, tenir compte des progrès déjà réalisés par l’OHADA afin d’éviter des risques de conflits entre les deux ordres juridiques. 999

Dans ce cadre, le référentiel sera pour l’UEMOA et la CEMAC de s’abstenir d’adopter des normes juridiques contraires aux normes édictées par l’OHADA. La Conférence des Chefs d’Etat devra également avoir un égard par rapport à l’OHADA, d’autant que l’article 14 du traité de Dakar suggère au Conseil des Ministres, l’opportunité d’éliminer les incompatibilités et les doubles emplois dans les dispositions communautaires d’intégration. 1000

Cf. BANGOURA O., « Interfaces institutionnelles et réglementaires de l’arrec : risques de chevauchement et de conflits de compétences avec les institutions de la région ayan des domaines de compétences similaires », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 1001 Consiste à être absent au moment des votes important et des décisions pour les boycotter. 1002

Cet article 13 constitue un fondement important pour les organes de l’UEMOA, pour des concertations avec les organes de l’OHADA. Elles doivent être mises en œuvre afin de permettre aux

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Ainsi, cette disposition prévoit : « l’Union établit toute coopération utile avec les

organisations régionales ou sous régionales existantes. Elle peut faire appel à l’aide

technique ou financière de tout Etat qui l’accepte ou d’organisations internationales,

dans la mesure où cette aide est compatible avec les objectifs définis par le présent

traité. Des accords de coopération et d’assistance peuvent être conclus avec des Etats

tiers ou organisations internationales, dans la mesure où cette aide est compatible avec

les objectifs définis par le présent traité. Des accords de coopération et d’assistance

peuvent être conclus avec des Etats tiers ou organisations internationales selon les

modalités prévues à l’article 84 du présent traité »1003

.

Cette coopération a été illustrée dans le cadre du statut que le gouverneur de la BCEAO

a obtenu des Chefs d’Etat qui souhaitent une étroite collaboration dans la conduite des

chantiers entre son institution et le directoire de l’OHADA. C’est ainsi qu’aux termes

des consultations, la Banque Centrale est admise comme Commission nationale au sein

des structures de l’OHADA pour l’examen des projets d’Actes uniformes qui

constituent après leur adoption, le socle du droit applicable dans ce domaine. « La

Banque Centrale peut aussi s’assurer que les orientations et les prescriptions arrêtées,

concordent avec les objectifs, qu’elle entend poursuivre de façon générale, et plus

spécifiquement dans le cadre des chantiers ayant trait à la centrale des bilans et au

marché financier »1004

.

La Commission de l’UEMOA a obtenu le statut d’observateur auprès de l’OHADA

pour mieux assurer la coordination des actions des deux organisations. Dans ce cadre, la

Commission de l’UEMOA participe aux réunions techniques et à celles des instances de

l’OHADA. La Commission de l’UEMOA et le Secrétariat Permanent de l’OHADA

communiquent régulièrement d’un côté le bulletin officiel de l’UEMOA et de l’autre le

deux organisations de se compléter mutuellement dans l’évolution de leur système d’intégration juridique. 1003

Cet article permet aux Etats membres de l’UEMOA de définir des axes de coopération avec l’OHADA, ce qui permettra une coopération nationale dans le cadre de l’édiction des normes communautaires, afin d’éviter les risques de conflits entre les deux ordres juridiques. Ainsi, à l’occasion des rencontres périodiques entre les organes des deux organisations, des possibilités de discuter des ordres juridiques pourraient être d’un apport considérable. 1004

Le gouverneur de la BCEAO de par son statut pourra, dans le cadre de l’élaboration des Actes uniformes, formuler des observations, qui permettront d’éviter des risques de conflits.

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bulletin officiel de l’OHADA dans lequel sont publiés les actes adoptés par les

différents organes des deux institutions1005

.

Ces diverses solutions en faveur d’une coopération sont aussi intéressantes

qu’insuffisantes, en ce qu’elles posent aussi d’autres problématiques relatives non

seulement à la légitimité des organisations communautaires mais à la souveraineté de

leur pouvoir de décisions et à la portée de leurs normes communautaires

d’intégration1006

.

B. Les limites du modèle de coopération envisagé entre les

organisations communautaires

La coopération telle qu’elle est envisagée n’est pas aussi simple à mettre en œuvre et

présente ses limites organisationnelles et structurelles.

En ce qui concerne l’OHADA, dans la procédure d’élaboration des Actes uniformes,

tous les Etats parties ont la possibilité de formuler les observations, et plus

particulièrement les Etats membres de l’UEMOA ou de la CEMAC qui sont, en même

temps, partie de l’OHADA. Dans cette procédure, les organes des Etats membres

peuvent, durant les concertations, tenir compte des normes juridiques qui ont été

édictées et faire opposition aux dispositions en cours d’études.

En effet, ces organisations communautaires sont le fruit d’un transfert de souveraineté

des Etats membres vers elles mais aussi et surtout, jouissent d’une certaine légitimité et

d’une souveraineté de ce fait qui leur donne plein pouvoir d’actions dans leurs domaines

et dans leur vision du droit communautaire et de leurs objectifs. C’est aussi un pouvoir

suprême qui leur est donné, une liberté et une autonomie totale d’actions, conforté par la

supranationalité de leurs dispositions au plan interne des Etats.

1005

Dans la recherche de solutions préventives à la problématique des risques de conflits, les articles 6, 7 et 8 du traité de l’OHADA déterminent la procédure d’élaboration et d’adoption des Actes uniformes. Elles se déroulent en plusieurs étapes et permettent aux différents organes d’effectuer leurs attributions en la matière. Ainsi, selon l’article 6 « les Actes uniformes sont préparés par le Secrétariat Permanent en concertation avec les gouvernements des Etats membres. Ils sont délibérés et adoptés par le Conseil des Ministres après avis de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage». Cette disposition permet aux Etats membres de l’OHADA qui regroupent en leur sein huit, 8 Etats membres de l’UEMOA de mettre en place le principe de la concertation dans le cadre de l’élaboration des Actes uniformes afin qu’ils n’entrent pas en conflit avec les normes UEMOA pris dans la même matière. 1006 Cf. BANGOURA O., ibidem.

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L’article 11 permet au Conseil des Ministres d’approuver sur proposition du Secrétariat

Permanent, le programme annuel d’harmonisation du droit des affaires. Cette

disposition permet à ces organes, dans le cadre de leur collaboration et de la

concertation, de tenir compte dans le programme annuel des matières qui sont déjà

uniformisées dans le cadre de l’UEMOA1007

. Ceci entend donc, non plus une

collaboration ou des concertations au sens simple mais une comparaison des textes, un

examen plus approfondi des dispositions souveraines sur la base de textes extérieurs,

étrangers, c’est dire une limite à la supériorité et à l’autonomie des dispositions

communautaires. L’on s’imagine bien alors que les textes adoptés ne sont plus le fruit

d’une seule organisation ou la matérialisation de ses missions personnelles ou de ses

objectifs, ayant été aussi le fruit de l’avis et de l’opinion d’autres organisations. Il

n’existe plus dans ce contexte une quelconque autonomie des organisations

internationales.

En effet, le fait d’impliquer d’autres organisations communautaires dans l’adoption d’un

acte uniforme est déjà quelque peu une perte de légitimité pour l’organisation et une

perte de sa souveraineté aussi. Pire encore, donner le pouvoir à une organisation

régionale tierce de bloquer l’adoption et l’élaboration de normes et règles de

l’organisation est aussi une véritable ambigüité dans la conception que l’on à de

l’autonomie des organisations internationales et de la légitimité dont elles jouissent.

C’est dire que si l’OHADA aujourd’hui doit voir bloquée l’adoption d’un acte uniforme

parce que l’UEMOA ou la CEMAC pense qu’elle entre dans son champ d’actions, dans

sa mission, c’est admettre que l’on est plus sur un registre de souveraineté

internationale, de légitimité des actes communautaires entreprises et encore moins

d’autonomie des organisations régionales. Cette première problématique trouve tout son

sens lorsque l’on sait surtout qu’une telle implication, si elle n’est pas limitée et

encadrée constitue une violation des traités constitutifs de chacune de ces organisations.

De plus, les implications néfastes sont diverses et de divers ordres. En effet, l’on sait

déjà que l’OHADA, en tant qu’organisation unique, jouissant de prérogatives et

d’institutions fonctionnelles1008

, éprouve déjà énormément de mal dans la procédure

1007

Ibidem. 1008 Le transfert de compétences au Conseil des Ministres résulte de la volonté des Etats de confier leur souveraineté à un organe supranational au nom du principe tendant à la réalisation de l’unité et de l’intégration africaine.

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d’adoption interne de ses actes uniformes. L’adoption des Actes uniformes se fait

conformément aux dispositions des articles 2 et 8 du traité. Ainsi, selon l’article 8 «

l’adoption des actes uniformes par le Conseil des Ministres requiert l’unanimité des

représentants des Etats parties présents ou votants. L’adoption des Actes uniformes

n’est valable que si les deux tiers au moins des Etats parties sont représentés.

L’abstention ne fait pas obstacle à l’adoption des Actes uniformes ». Alors imaginons

que l’UEMOA ou encore la CEMAC ou tout autre organisation communautaire ait un

droit de regard et une opposition à faire valoir lors des débats d’adoption1009

. D’une part

cela entend des procédures plus longues et voire inabouties, des débats interminables et,

d’autre part, des projets ou avant projets d’actes uniformes sans cesse remis en cause et

modifiés, et donc jamais adoptés puisque dans ces considérations, le consensus et

l’unanimité sur les objectifs du texte et sur son contenu deviennent de mise1010

.

Cela entend aussi que les organisations impliquées dans le processus feront intervenir

leurs organes fonctionnels, c'est-à-dire donc un chevauchement entre les diverses

institutions communautaires et tout un mélange de décisions et de discussions, qui

pourraient s’avérer infructueuses et sans aucun aboutissement. En effet, les processus

d’élaboration des règles dans cet espace, prévoient le droit de consultation des Etats

membres et des institutions auprès des juridictions communautaires1011

, sur la validité et

l’applicabilité potentielle entre les divers ordres juridiques. Les dysfonctionnements

relevés dans les législations respectives des communautés ne peuvent provenir que d’un

manque de vigilance des Etats membres.

Le régime juridique des Actes uniformes pourra être ainsi rapproché de celui des

accords liant la communauté européenne au titre de l’accord 228 du traité CE ou de

celui des traités multilatéraux conclus antérieurement par les Etats membres avec des

Etats tiers.

Il est aussi un constat que la procédure et les diverses démarches d’adoption des actes

uniformes ont un coût considérable pour l’organisation. S’il est question d’envisager

une coopération dans ce cadre avec d’autres institutions, d’autres organes, d’autres

organisations régionales, il est ainsi question d’augmenter les dépenses, une chose

1009 Sur la question, voir aussi Marius IBRAGA L., « Etats des lieux de la problématique de la cohabitation des droits communautaires : cas de l’Afrique », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 1010

Ibidem. 1011 Ibidem.

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qu’aucune organisation communautaire africaine ne peut se permettre à ce jour, surtout

lorsque l’on sait déjà que le financement de leurs activités et travaux est encore à ce jour

une problématique des plus importantes pour leur survie.

Envisager une coopération et une concertation1012

aussi poussées entre les Etats

reviendrait à les traiter alors comme une seule et même ou des démembrements d’une

même et unique. Etant donné que chacune d’elles poursuit des objectifs

communautaires déjà similaires à ceux des autres et que pour l’OHADA par exemple,

pour qui faire de l’uniformisation juridique des législations est essentiel, toute

participation à ce processus très sensible relève d’une appartenance à cette organisation.

Il est inenvisageable du point de vue de l’autonomie, de la souveraineté et de la

légitimité que doit maintenir chacune de ces organisations par rapport à ses missions et

ses objectifs d’intégration1013

.

Il est donc important de relativiser l’opportunité des solutions apportées jusqu’à présent

et de songer à des solutions plus efficaces et plus respectueuses des prérogatives de

chacune de ces organisations communautaires d’intégration juridique et économique1014

.

1012 Il faut noter que l’illustration de la politique de concertation et de collaboration a été consacrée à l’occasion de l’élaboration de l’Acte uniforme sur le droit comptable. En effet, pendant l’élaboration de cet Acte uniforme toutes les dispositions ont été prises pour que ses dispositions n’entrent pas en contradiction avec le règlement SYSCOA. Ainsi, certaines dispositions du règlement ont été abrogées pour tenir compte des préoccupations de l’Acte uniforme. 1013

La doctrine préconise à cet effet, pour mieux mettre en pratique cette politique de collaboration et de concertation, il serait opportun d’attribuer expressément à l’OHADA la fonction du centre principal de législation en matière de droit des affaires et de mettre en place, en son sein, une structure même. Cette institution Ad Hoc de liaison entre l’organisation et les autres organes d’intégrations économiques régionales notamment l’UEMOA et la CEMAC, aura pour mission de prévenir les risques de conflits entre les deux organisations. 1014 Une répartition rationnelle de compétences normatives voire judiciaire est parfaitement concevable au sein de cette organisation d’intégration juridique. Il suffira au préalable, que ces deux organisations d’intégration économique instituent une coopération bilatérale en vue d’harmoniser leurs droits communautaires respectifs, et que des accords de coopération soient conclus en ce sens entre l’UEMOA, la CEMAC et l’OHADA.

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Section II : Les solutions pour une nouvelle dynamique

communautaire d’intégration juridique

Notre étude n’a pas vocation qu’à soulever les insuffisances des mécanismes

communautaires mis en place et fonctionnels, mais aussi d’apporter des solutions plus

efficaces et plus adaptées aux réalités socioculturelles et au modèle institutionnel de ces

divers ordres juridiques communautaires africains1015

.

Au-delà des organisations régionales, ce que nous cherchons donc à appréhender ce sont

les processus à l’œuvre. En effet, à l’instar de l’intégration européenne qui a subi

plusieurs changements liés au processus intégrationniste, l’UEMOA, l’OHADA et la

CEMAC du fait de leur réussite, la portée économique de la Zone Franc n’est plus à

démontrer. Ainsi, l’UEMOA, la CEMAC, et l’OHADA doivent coexister de la plus

belle manière, afin de permettre à leurs Etats parties ou membre de tirer le meilleur

profit qui soit.

A cet effet, la résolution et la prévention de ces divers conflits communautaires sont

aussi une source d’impact et de géodynamique du droit communautaire africain, donc

du développement économique africain car telle est la finalité commune de ces

organisations. Les traités, du fait qu’ils poursuivent les mêmes objectifs et évoluent sur

un même espace et partagent les mêmes domaines matériels, ne doivent pas s’ignorer

dans l’exercice de leurs missions respectives. Comme nous l’avons relevé, il convient

de se concerter et collaborer dans l’élaboration mais aussi dans l’application de leurs

normes juridiques. Mais pour prévenir ces conflits, il est aussi important de réadapter

les ordres juridiques, dans leurs textes constitutifs.

Ces solutions tourneront donc autour de l’opportunité d’une réadaptation des deux

organisations (Paragraphe I) et la nécessité d’une réadaptation de l’espace

communautaire (Paragraphe II).

1015 Sur la question, voir KALIEU ELONGO Y., « L’expérience législative du droit communautaire de la concurrence en Afrique centrale », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011.

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Paragraphe I : L’opportunité d’une réadaptation des deux

organisations

« L’harmonisation du droit ne doit pas être forcément limitée à la solidarité inter

communautaire ou intra communautaire. La tendance actuelle à la globalisation et à la

mondialisation recommande une connexion des espaces intégrés sous régionaux ou

régionaux entre eux d’abord, puis avec les systèmes planétaires intégrés d’où l’intérêt

des Etats membres ou même des communautés d’intégration à adhérer aux Conventions

internationales à vocation universelle et à caractère économique, surtout lorsqu’elles

prennent en compte les intérêts des pays en voie de développement »1016

.

Cette évolution présentera un double avantage. Elle permettra d’intégrer les normes

juridiques mises en place dans les sources du droit communautaire, ce qui est de nature

à réduire les conséquences néfastes de l’autonomie dont semble jouir les deux corps de

règles l’un à l’égard de l’autre1017

.

En effet, les mouvements d’intégration sont conduits de façon à apporter une certaine

visibilité aux organisations régionales. L’idée d’intégration régionale est associée à la

fois à de nombreux enjeux mais aussi à une dimension de transformations et de

réorganisation de l’existant juridique. Ainsi, le caractère statique d’une simple

description à travers des objectifs, des institutions et des résultats ne rendrait compte

que très imparfaitement des évolutions en cours1018

.

1016

La Convention de VIENNE du 11 août 1980 sur les contrats de vente internationale de marchandises et son protocole d’application, la Convention de GENEVE de 1978 sur le transport international de marchandises par Mer communément appelée règles de Hambourg, la Convention de GENEVE de 1980 sur le transport multimodal international de marchandises, la Convention de New York 1988 des nations unies sur les lettres de change internationales et les billets à ordre internationaux, la Convention des Nations Unies sur la responsabilité des exploitants de terminaux de transport dans le commerce international. 1017 Cf. KALIEU ELONGO Y., « L’expérience législative du droit communautaire de la concurrence en Afrique centrale », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011 1018

Dans le contexte actuel, les intégrations régionales peuvent constituer des compléments importants au processus de mondialisation.

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A. La réadaptation institutionnelle1019

Selon les termes de son préambule, le traité de l’UEMOA s’inscrit dans un vaste

mouvement d’intégration régionale : fidélité aux objectifs de la communauté

économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) créée en 1975, appel aux

autres Etats de l’Afrique de l’Ouest et aux signataires, évocation de la Communauté

Economique Africaine vers les horizons 2005 conformément aux stipulations du traité

d’Abuja de 1991. Quant à l’OHADA, c’est une organisation régionale sans précédent

dans l’histoire des mouvements d’intégration1020

. Elle consacre une intégration juridique

d’un vaste territoire composé de dix sept (17) Etats qui ont accepté d’harmoniser leur

droit des affaires, et de s’unir autour d’un traité fondateur. Ce même traité qui nécessite

à ce jour une réadaptation pour répondre à la cohabitation communautaire.

En effet, en l’absence d’organes de régulation chargés de prévenir les risques de

conflits, l’intégration juridique peut ne pas atteindre ses objectifs. Ainsi, devant le

mouvement de mondialisation, ces organisations doivent être complémentaires au lieu

d’entrer en conflit. A ce titre, l’évolution de l’intégration européenne1021

surtout en

matière organisationnelle pourrait inspirer les pères fondateurs des organisations de

l’UEMOA, la CEMAC et l’OHADA. Afin de prévenir des risques de conflits, un

aménagement institutionnel1022

pourrait être envisagé par la relecture des traités. Cette

relecture des traités constitutifs tels que ceux de l’UEMOA, de la CEMAC et de

l’OHADA sera l’occasion de faire intervenir dans la réflexion commune d’autres

organisations communautaires, sous régionales comme la CIMA ou l’OAPI, qui sont

elles aussi impliquées dans l’œuvre d’uniformisation du droit ou d’intégration

économique1023

.

La relecture de ces traités ira dans un premier temps, dans le sens d’une création ou

d’une réadaptation du système institutionnel existant.

1019

Sur la question, cf. KOUMBA MESMIN E., « Libre propos sur la commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale : COSUMAF », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 123

e Année,

Numéro 882, janvier – Mars 2013, p 120. 1020

C’est la première fois à travers le monde qu’une organisation de ce type a été consacrée. 1021

Évolution des traités : - 1950 – 1951, Création de la CECA ; - 1957, Signature des traités CEE et Eurofom ; - 1982, Traité de Maastricht et de l’Union européenne ; - 1986, Acte unique européen ; 1022 Sur la question, voir aussi NGOM M., « Concurrence des droits communautaires UEMOA/CEDEOA », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 1023 Ibidem.

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A ce titre et en plus des organes qu’elle a institué pour élaborer les Actes uniformes,

l’OHADA doit également prévoir la création d’un Parlement en son sein à l’instar de

l’UEOMA1024

. Il en est de même pour la CEMAC, à l’instar de celui de l’Union

européenne, dont les Parlements jouissent d’un rôle fondamental en matière de

régulation des conflits. Ainsi, une intégration régionale n’a de chances de succès que si

elle s’appuie non seulement sur les institutions mais également sur les acteurs

économiques et sociaux auxquels elle donne vie. Dans le cadre de l’OHADA, le fait de

confier la fonction législative à un Conseil des Ministres sans l’intervention des

Parlements nationaux a été critiqué par une bonne partie de la doctrine1025

. Celle-ci

considère ainsi que les Parlements nationaux ont été dépouillés de leur attribution

originelle, créant ainsi une sorte de fragilisation de la théorie de la séparation des

pouvoirs et une prise de puissance évidente dé l’exécutif sur le législatif, surtout au plan

communautaire des décisions1026

.

Le Parlement de l’OHADA serait ainsi, à notre sens, une instance de régulation, chargée

à cet effet de contrôler au même titre que le Parlement de l’UEMOA, les organes

chargés d’élaborer les Actes uniformes. Dés lors, il sera utile de créer une Commission

ad hoc qui regroupera les membres des Parlements de l’UEMOA, de la CEMAC et de

l’OHADA afin de vérifier le contenu des normes communautaires et leur portée sur les

législations des autres organisations en vue de pallier tout risque de conflits1027

, ce qui

constitue déjà une solution à l’épineuse question de la souveraineté1028

, de

l’autonomie1029

et de la légitimité des organisations communautaires dans l’élaboration

de leurs dispositifs1030

.

L’idée de restructuration une fois retenue, se pose donc la question des voies et moyens

de sa matérialisation. A ce propos, le professeur Rousseau nous invite à la prudence

1024

Qui l’a fait bien que disposant d’un Conseil des Ministre, d’une Commission et d’une Conférence des Chefs d’Etat chargés d’élaborer soient des règlements, soient des directives ou encore des recommandations ou des avis. 1025

Sur la question, cf. Mbissane NGOM, ibidem. 1026

Ibidem. 1027

L’intérêt de la création de cette institution est de permettre une passerelle entre les organisations qui pourront alors prévenir les risques de conflits en leur sein afin de s‘armer pour affronter la mondialisation, qui frappe à la porte de leurs Etats. 1028 Sur ces questions, voir BOY L., « Etat des lieux de la problématique de la cohabitation des droits communautaires : cas de l’Europe », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 1029

Ibidem. 1030 Ibidem.

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quand il écrit « à beaucoup d’égard, le problème de contrariété des règles

conventionnelles est encore largement dominée par des facteurs d’ordres politiques et

son règlement est fonction du progrès, du sentiment, du droit des Etats contractants

»1031

. La réadaptation institutionnelle doit également intéresser les organes chargés

d’appliquer ce droit en matière de contentieux communautaire, en plus des organes

chargés d’élaborer le droit communautaire. En effet, les organisations telles que

l’UEMOA, la CEMAC et l’OHADA ont chacune mis en place des Cours de justice

pour l’application du droit communautaire. Ces Cours, dans leur compétence

d’attribution, sont chargées d’interpréter et d’appliquer le droit communautaire qui est

soumis par chacune des organisations.

Cependant, les participants au colloque sur la cohabitation des organisations

communautaires relevaient dans leurs conclusions que « la coexistence des Cours peut,

dans certaines situations, entraîner des risques de conflits. Ainsi, du fait que l’OHADA

est une organisation transversale issue d’un traité qui a été signé par un grand nombre

d’Etats parties, il serait souhaitable que la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage soit

réadaptée afin de lui faire jouer le rôle d’une cour suprême pour toutes les organisations

telles que l’UEMOA et la CEMAC, car ces organisations sont en même temps membres

de l’OHADA »1032

.

B. La nécessité d’une réadaptation judiciaire

Comme nous avons eu à le démontrer dans nos précédents développements, le statut de

la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage de l’OHADA pourrait être revu. Cela

permettra ainsi aux organisations qui coexistent dans la Zone Franc, telles que

l’UEMOA, la CEMAC ou d’autres encore, de confier certaines compétences

d’attributions qui leur sont dévolues à la Cour de l’OHADA1033

. Car il faut le

reconnaitre, la réadaptation des statuts de la Cour1034

devrait permettre d’étendre les

compétences qui engloberaient aussi le droit uniforme élaboré par les autres

1031 ROUSSEAU C., Droit international public, 11e édition Dalloz 1987, p. 55. 1032 Colloque, op. Cit. , p. 84. 1033

Sur la question, voir SAKHO A., « le règlement du contentieux communautaire par la méthode du recours préjudiciel dans l’espace CEMAC », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 1034 Ibidem.

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organisations d’intégration juridique qui n’ont pas de juridiction supranationale dans

leur système institutionnel1035

.

Aussi, cette extension de compétences permettra ainsi à l’UEMOA, à la CEMAC de

soumettre leur contentieux en matière d’arbitrage à cette Cour qui a largement consacré

cette institution qu’est l’arbitrage dans ses compétences d’attribution. Cette extension

des compétences de la Cour lui permettra également de servir de passerelle entre les

cours de l’UEMOA et de la CEMAC1036

.

L’idée est à première vue bonne et semble résoudre le problème de conflit judiciaire,

surtout qu’elle serait un peu à l’image de la Cour des communautés européennes1037

qui

est une institution chargée d’appliquer le droit issu de plusieurs organisations qui

constitue la communauté1038

. Mais à y voir de plus près, ce serait aussi une source de

diverses autres problématiques. En effet, une certaine suspicion pourrait pousser à

relativiser sur l’impartialité des décisions de cette cour, nouvelle version, étant

consciente qu’elle est sous le contrôle de l’OHADA et donc potentiellement plus acte à

lui donné raisons surtout en matière d’interprétation du droit communautaire. Aussi, les

autres organisations, d’un point de vue stratégique, pourraient bien s’y opposer. Sans

compter aussi la question de la composition de cette nouvelle cour suprême, entre les

Etats membres des trois organisations, chose qu’il serait difficile à mettre en œuvre.

Aussi, cette extension pour être efficace devrait toucher aussi la composition des

membres de la Cour et son statut, car le contentieux futur qui doit lui être soumis exige

la refonte de cette institution1039

. Dans notre proposition, il serait judicieux que le

nombre soit augmenté de sorte qu’a l’instar de l’UEMOA et de l’UE chaque Etat soit

représenté au sein de la Cour afin que les ressortissants de ces Etats puissent faire

confiance à cette institution chargée de la cassation et que la jurisprudence ainsi rendue

1035

Ibidem. 1036

C’est là une idée qui ne doit pas poser de problèmes majeurs, car il suffit simplement d’une volonté politique de tous les Etats membres de l’OHADA qui sont soit membres de l’UEMOA, soit membres de la CEMAC, mais ce à quelques considérations prêts. 1037 Ainsi d’une manière harmonieuse, cette cour applique le droit communautaire issu de ces organisations sans trop de difficultés. 1038 CECA, CEE, UE. 1039

L’article 31 du traité fixe à sept (7) le nombre de juges composant la CCJA, alors que le volume du contentieux a augmenté.

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soit acceptée par tous.1040

Un prix fort à payer, entre la légitimité et l’impartialité car

une représentation de tous les Etats membres des organisations réunies autour de cette

refondation de la CCJA est déjà très abusée et absurde pour une juridiction et pire, ne

constitue en rien une garantie d’impartialité1041

.

A ce sujet, selon Maître Doudou Ndoye, « l’harmonisation du droit des affaires

n’implique pas nécessairement les institutions qui l’accompagnent et qui dénient aux

peuples africains non pas leur souveraineté qui n’est qu’une expression abstraite, mais

leur vocation à un minimum de contrôle sur les choix relatifs à leur destin, ainsi qu’a

une justice impartiale et égale pour tous et à la portée de tous »1042

.

Il faut noter que certains Etats qui ont signé l’Accord de Bangui ne sont pas membres de

l’OHADA. Toutefois, du fait du caractère ouvert de l’organisation1043

, ces Etats peuvent

adhérer à l’OHADA car le contexte de la mondialisation devrait les contraindre à être

membre de l’OHADA. Cependant, pour réaliser l’extension des compétences de la

CCJA il faudrait modifier certains articles1044

des traités de la CIMA et de l’OAPI qui

ne contiennent aucune disposition spéciale concernant le contentieux relatif à leur

législation unique. Ainsi, ces traités pourraient édicter une disposition leur permettant

de réguler les contentieux relatif à l’interprétation et à l’application de leur législation

tout en les soumettant aux dispositions des articles 13 à 20 du traité OHADA.

Cependant, ces diverses interrogations ne doivent pas nous éloigner de toute la

pertinence et de l’intérêt d’une telle solution, qui réduirait ainsi considérablement les

risques de conflits et aussi leur résolution judiciaire.

Pour conclure, il est également important pour la vulgarisation du droit communautaire

de l’UEMOA, la CEMAC et l’OHADA, ainsi que des autres organisations impliquées

dans l’œuvre de développement communautaire, de créer au niveau des Ministère de la

justice, un service des affaires internationales qui sera chargé du suivi du droit

communautaire. Tous les Etats parties doivent également adhérer au traité de New York

1040

Une solution qui soulève aussi d’autres problématiques déjà relevées sur l’organisation de la CCJA et le fait de donner une représentation pour chaque Etat, qui en ferait plus un parlement qu’une juridiction impartiale. 1041

Les décisions de la Cour étant prises à la majorité des juges, selon l’article 19 alinéa 4. 1042 Maître NDOYE D., EDJA n° 22, juillet – Août - Septembre 1994, p. 16. 1043

Une autre problématique que nous éluciderons dans la suite de nos développements. 1044 Articles 13 à 20 du traité OHADA.

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270

de 19581045

, relatif à l’exécution des sentences. Ainsi, ceci constituerait une garantie car

les Etats membres de l’UEMOA, de la CEMAC et de l’OHADA doivent également

consacrer la reconnaissance pour chaque organisation, des sentences rendues par leur

Cour de justice respectives.

En plus de la réadaptation institutionnelle, il est aussi souhaitable de procéder à une

réadaptation des normes communautaires.

Paragraphe II : La réadaptation de l’espace communautaire

Le traité instituant la Communauté Economique des Etats africains CEA créé le 03 juin

1991 à Abuja et entré en vigueur en mai 1994, est considéré comme un code

institutionnel continental pour promouvoir l’intégration économique et renforcer l’unité

politique de l’Afrique. Ensuite, les deux traités communautaires s’agissant de celui de

l’OHADA et de l’UEMOA seront très exclusifs dans leurs domaines de compétences et

vont attribuer des prérogatives très importantes à leurs institutions1046

. Quant à la

CEDEAO, créée en 1975 à Lagos et modifié le 24 juillet 1993 au Bénin, elle constitue

une véritable organisation d’intégration. L’objectif du nouveau traité est également

l’accélération du développement économique de la région1047

.

C’est dire et constater clairement que la vision de développement et l’intégration

économique à une plus grande échelle est l’objectif premier et majeur de toutes ces

organisations communautaires, crées dans la même vague, et destiner à fonctionner et

établir leurs actions sur un même espace communautaire, plutôt centralisé. Mais le

risque de conflit1048

croissant qui s’étend a ce jour en Afrique n’est pas que le fruit de la

cohabitation de ces diverses organisations1049

, mais d’un point de vue plus personnel le

problème se pose bien au-delà et d’une autre façon. Il s’agit avant tout et surtout des

sources du droit communautaire1050

mis en place, car si l’on reproche à ses diverses

organisations de se répéter au point de se contredire sur certains principes du droit, c’est

1045

Cf. DAVID E., op. cit, p. 247. 1046

Sur la question, voir TATY G., « le règlement du contentieux communautaire par la méthode du recours préjudiciel dans l’espace CEMAC », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 1047 Ibidem. 1048

Ibidem. 1049 Cf. M’BALOULA M., « Les autres droits communautaires : le droit de la CIPRES », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 1050 Ibidem.

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271

bien parce qu’elles ont en commun des sources de leurs codification, qui ne sont autres

que des dispositions européennes transposées, pour la plupart1051

.

A. Les incidences de la transposition des dispositions

européennes

L'élaboration des textes de droit communautaire ne saurait certainement pas échapper à

l'emprunt aux expériences et réglementations existantes ailleurs car il ne s'agit pas de

réinventer la roue. Toutefois, il est reproché aux organisations de ne pas prendre en

compte les réalités socio-économiques et culturelles dans la perspective d’une

réadaptation de tels textes venus d’ailleurs.

En effet, les rédacteurs se contentent souvent de reproduire, mutatis mutandis, le texte

d'origine. Ainsi, l'Acte uniforme sur les voies d'exécution a-t-il repris, sans quasiment

rien changer, les réformes françaises de 1992 ; le Règlement relatif à l'agrément de

transporteur aérien a repris le Règlement de la CEE1052

relatif aux licences de Transport

aérien adopté le 23 juillet 1992 ; et bien d’autres textes communautaires africains ont

suivi la lancée. Mais, là où cette méthode d'emprunt pose de sérieux problèmes c'est

lorsqu’elle concerne les Conventions internationales et surtout à la cohabitation des

organisations communautaires.

La reproduction d'une Convention internationale sans adaptation dans un Acte

uniforme, un Règlement ou autre texte de droit communautaire parait inconcevable car

ces textes de droit communautaire ne sont pas des Conventions internationales et cette

différence de nature juridique exige normalement de l'expert rédacteur du projet d'éviter

une reproduction mutatis mutandis1053

. Malheureusement ces graves erreurs d'approche

se retrouvent dans beaucoup de textes de droit communautaire et leurs répétitions sont

aussi des sources de conflits communautaires et ne répondent même pas aux besoins en

termes de développement économique1054

.

1051

Ibidem. 1052 Cf. DAVID E, op. cit, p. 189. 1053 La méthode de rédaction d'un texte communautaire voire d'une loi nationale n'obéit pas aux mêmes critères et exigences que ceux d'une Convention internationale. 1054 Les Conventions internationales comportent de façon pertinente des dispositions relatives à la compétence juridictionnelle pour le règlement des contentieux entre parties. Exemples: articles 26 et 27 de la Convention internationale du 24 Mai 1980 précitée ; articles 31 ; 33 et 39 de la Convention dite

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En guise d’exemples :

- Dans la CEMAC, la Convention inter-états de transport multimodal de

marchandises en UDEAC adoptée 1e 16 juillet 1996 a textuellement repris la

Convention des Nations Unies1055

sur le transport multimodal international de

marchandises du 24 Mai 19801056

; il en est de même du Code de la Marine

Marchande qui reproduit intégralement des textes de Conventions

internationales notamment en matière de transport maritime1057

;

- Dans l'OHADA, l'Acte uniforme sur le transport de marchandises par routes

adopté 1e 22 Mars 20031058

a repris la Convention de Genève (CMR)1059

de

1956 ayant le même objet1060

; aussi, l'Acte uniforme sur le droit commercia1

général a pratiquement repris dans ses dispositions concernant la vente

commerciale tout le texte de la Convention de Vienne du 11 Avril 1980 sur la

vente internationale de marchandises ;

Des exemples du genre sont existants dans chaque ensemble sous-régional1061

. La

doctrine en a justement déduit qu’on aurait dû se garder de telles dispositions dans ces

textes. Pour la simple raison que, « dans l'OHADA, il y a un arsenal juridique cohérent

dans lequel chaque texte a un objet précis. Et dans ce sens, s'agissant du règlement des

contentieux, il existe un acte uniforme spécialement consacré à l'arbitrage et de ce point

de vue, il est inutile que chaque Acte uniforme comporte une disposition relative à ce

sujet. Ce qui est vrai pour la Convention internationale ne l'est pas de ce point de vue

pour les Actes uniformes. En conséquence, l'Acte uniforme sur l'arbitrage du 11 Mars

CMR précitée ; Articles 21 et 22 de la Convention sur le transport international de marchandises par mer signée à Hambourg le 31 Mars 1978. Il se trouve que la reproduction de telles règles dans un texte de droit communautaire est simplement superfétatoire. C'est ce qui s'est pourtant produit dans beaucoup de textes actuels. 1055

Les articles 26 et 27 de la Convention inter-états de transport mu1timodal de marchandises en UDEAC a repris les articles 26 et 27 relatifs à la compétence juridictionnelle et à l'arbitrage de la Convention des Nations Unies du 24 Mai 1980. 1056

Avec d'ailleurs beaucoup de formulations malheureuses. 1057

Cf. art. 395 et suivants. 1058

Les articles 26 et 27 de 1'Acte uniforme sur 1e transport routier de marchand1ses dans l'OHADA ont reproduit les articles 33 et 31 de la CMR de 1956. 1059 Cf. DAVID E., ibidem. 1060 Encore que ce texte définitif de l'Acte uniforme est largement amélioré par rapport à l'avant-projet qui, lui, était identique à tout point de vue à la CMR. 1061 Les préoccupations des plénipotentiaires élaborant une Convention internationale ne sont pas les mêmes que celles qui doivent habiter un expert commis pour concevoir un texte de droit communautaire.

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1999 suffit largement » et rend ainsi superfétatoires les dispositions correspondantes

prévues dans un quelconque autre texte de droit communautaire OHADA.

Par ailleurs, s'il n'existe pas encore un acte uniforme sur la compétence de droit

commun des juridictions étatiques, il se trouve que les dispositions actuelles susvisées et

reprenant les Conventions sur ce sujet sont également inutiles dès lors que ces textes ont

adopté la primauté de l’autonomie de la volonté du demandeur à l'action. Cela donne à

ce dernier la liberté entière de saisir la juridiction de son choix. C’est ainsi que d’autres

dispositions contenues dans les textes sont simplement incompatibles avec le droit

communautaire1062

.

La transposition de ces textes en droit communautaire a ainsi crée diverses

contradictions non seulement entre les organisations mais aussi entre les textes d’une

même organisation. C’est dire par exemple, au sujet de la supranationalité dont

jouissent les actes adoptés par les organisations communautaires1063

sur le droit national

des Etats, que des divergences existent d’un acte à l’autre.

En effet, prenant l’exemple de l’OHADA, son traité constitutif précise clairement en

son article 10 que « les Actes uniformes sont directement applicables et ob1igatoires

dans 1es Etats-parties nonobstant toutes dispositions contraires, antérieures ou

postérieures »1064

. Si certains Actes ont adopté une formulation très proche de celle de

1'article 10, d'autres par contre s'en sont totalement éloignés1065

.

A titre illustratif et pour une bonne compréhension du lecteur, il ne serait pas superflu

de reproduire, ici, in extenso, les différentes formules utilisées dans le Traité et les

Actes uniformes.

1062

S'agissant de l'OHADA, l'article 18 actuel de l'Acte Uniforme sur le transport routier de marchandises a finalement retenu le FCFA car tous les Etats membres de l'OHADA exceptée la République de Guinée Conakry sont en zone franc et de ce point, cette monnaie (FCFA) devrait être la seule référence. Ensuite, cela est encore davantage plus vrai dans l'UEMOA qui est d'abord une Union Monétaire. Le DTS étant une monnaie internationale constituée fictivement à partir d'un panier de monnaies servant de référence ne peut valoir qu'entre Etats ne partageant pas la même monnaie. Ainsi, aucun texte de l'Union Européenne ne viendrait à se référer au DTS en lieu et place de l'Euro. 1063 Sur la question, voir Maurice BATANGA, Le droit de l’OAPI : accord de Bangui du 24 Février 1999, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 1064 Cf. BATANGA M., « Le droit de l’OAPI : accord de Bangui du 24 Février 1999 », Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011. 1065 Du moins dans la lettre du texte et par voie de conséquence dans sa compréhension.

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- article 10 (Traité de 1'OHADA) : « Les Actes uniformes sont directement applicables

et obligatoires dans les Etats Parties nonobstant toute disposition contraire de droit

interne, antérieure ou postérieure ».

- article 1er Acte uniforme sur le droit commercial général : « Tout commerçant

physique ou morale y compris toutes sociétés commerciales dans lesquelles un Etat ou

une personne de droit public est associé, ainsi que tout groupement d'intérêt

économique, dont l'établissement ou le siège social est situé sur le territoire de l'un des

Etats-parties au Traité relatif à l'harmonisation du Droit des Affaires en Afrique (ci-

après dénommés Etats-parties), est soumis aux dispositions du présent Acte uniforme.

En outre, tout commerçant demeure soumis aux lois non contraires au présent Acte

uniforme, qui lui sont applicables dans l'Etat-partie où se situe son établissement ou son

siège social ».

- article 919 (Acte Uniforme sur les Sociétés commerciales et les GIE) : « Sont

abrogées, toutes les dispositions légales contraires aux dispositions du présent Acte

uniforme ».

- article 150 (Acte Uniforme portant organisation des sûretés) : « Sont abrogées toutes

les dispositions antérieures contraires à ce11e du présent Acte Uniforme ».

- article 336 (Acte uniforme portant Organisation des procédures simplifiées de

recouvrement et des voies d'exécution) : « Le présent Acte uniforme abroge toutes les

dispositions relatives aux matières qu'il concerne dans les Etats-parties ».

- article 257 (Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement

du passif) cf. article 150 Acte uniforme relatif aux sûretés (supra).

- article 35 (Acte uniforme sur le Droit de l'arbitrage) : « Le présent Acte uniforme tient

lieu de loi relative à l'arbitrage dans les Etats-parties ».

- article 1er et article 30 (Acte Uniforme relatif aux Contrats de transports de

marchandises par routes) : « Le présent Acte Uniforme s'applique à tout contrat de

transport de marchandises par routes lorsque le lieu de prise en charge de la

marchandise et le lieu prévu pour la livraison, tels qu'ils sont indiqués au contrat, sont

situés soit sur le territoire d'un Etat membre de l'OHADA, soit sur le territoire de deux

Etats différents dont l'un au moins est membre de l'OHADA. L 'Acte Uniforme

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s'applique quels que soient le domicile et la nationalité des parties au contrat de

transport ».

- article 30 (même Acte) : « Les contrats de transport de marchandises par routes

conclus avant l'entrée en vigueur du présent Acte Uniforme demeurent régis par 1es

1égislations applicables au moment de leur formation ».

De la même manière, certains d'entre eux ne comportent aucune véritable formule

d’abrogation1066

, alors que ceux qui l’ont, ne sont pas rédigés de la même manière. Ce

qui donne lieu à une confusion remarquable du fait de la divergence inévitable dans

l'interprétation des formules1067

.

Tout ceci nous montre bien l’ampleur et la complexité de la problématique du conflit

communautaire entre les dispositions mis en place par les diverses organisations et

l’urgence qui est aujourd’hui le fait de réadapter l’espace communautaire pour résoudre

ces questions de conflits et rendre plus efficace la perspective d’intégration régionale.

B. Les mesures de réadaptation de l’espace communautaire1068

La réadaptation de l’espace communautaire, comme nous le préconisons dans cette

partie, revient à remettre en conformité les champs et les domaines d’actions des

diverses organisations communautaires, à donner la possibilité à leurs organes de mettre

en place un espace de coopération organisé et structuré autour des enjeux de

développement qui sont les leurs.

Le conseil des Ministres de l’UEMOA ou de l’OHADA qui, par exemple, dispose de

pouvoir lui permettant d’éliminer des incompatibilités entre les dispositions de

l’UEMOA et celles de l’OHADA qui pourraient entrer en conflit1069

, c’est l’organe qui

1066

cf. article 1er

AUDCG, articles 1er

et 30 AUTMR. 1067

cf. Rousseau C., De la compatibilité des normes juridiques contradictoires dans l'ordre international, RGDIP 1932.177 et Paul Lescot, L’interprétation judiciaire des règles de droit uniforme, JCP 1963, doct., 1756 ; aussi, Lagarde P., « Les interprétations divergentes d'une loi uniforme donnent-elles lieu à un conflit de lois : à propos de l'arrêt HOCKE (com. 4 Mars 1963) », in RCDIP 1964.235. 1068 Cf. BIKECK MBANG A., « La saisie des droits d’associés et des valeurs mobilières de la législation OHADA : une réforme inadaptée au droit des sociétés commerciale »s, Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 123e Année, Numéro 882, janvier – Mars 2013, pages 5. 1069

Sur la question, voir KOUADIO K., « Conflits de normes et application du droit communautaire dans l’espace OHADA », Revue Ersuma, 2012, p 21.

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est au centre de l’opportunité ou non de la mise en place1070

d’une nouvelle norme

communautaire. Il est à noter que l’UEMOA et l’OHADA partagent un même domaine

matériel, et doivent mettre en place un système qui puisse permettre à leurs dispositions

d’être complémentaires plutôt que contradictoires.

Comme évoqué, les chevauchements de compétences sont multiples entre diverses

organisations d’intégration régionale et notamment entre différentes Cours de justice

communautaires évoluant au sein de la zone OHADA1071

. Il y a lieu de relever que les

recoupements de compétence sont particulièrement marqués entre, d’une part,

l’OHADA, qui œuvre à titre principal pour la sécurité juridique et judiciaire des

investissements et l’unification générale des législations en droit des affaires et, d’autre

part, la CEMAC et l’UEMOA, ces deux organisations ayant également vocation à

encadrer de nombreux volets du droit des affaires. A ce titre, le professeur

SAWADOGO optait pour un partage des compétences entre les deux organisations, à

l’instar de la plupart de la doctrine1072

.

Notre approche ira au-delà, préconisant une délimitation plus stricte du champ d’actions

de chacune des organisations sur l’échiquier communautaire et une stricte application

des traités existants par les organes compétents1073

. « L’application stricte des traités ou

autres textes communautaires en vigueur est d’autant plus justifiée que dans la plupart

des cas, des dispositions prévoient la conclusion d’accords de coopération avec d’autres

organisations communautaires ou internationales »1074

et donc une réorganisation plus

structuré de l’espace communautaire africain. Ces accords doivent donc porter sur les

1070

KOUMBA MESMIN E., « Libre propos sur la commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale : COSUMAF », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 123

e Année, Numéro 882,

janvier – Mars 2013, pages 120. 1071

BOUMAKANI B., « La coexistence de la Cour commune de justice de l’OHADA et de la Cour de justice de la CEMAC : bilan et perspectives », Revue de droit des affaires internationales 2005, pp. 86-98. 1072

SAWADOGO F., « Les conflits entre normes communautaires : aspects positifs et prospectifs, communication à la 2e Rencontre Inter-juridictionnelle entre les Cours communautaires de la CEDEAO, de l’OHADA, de la CEMAC et de l’UEMOA », Bamako, Mali, février 2009, p. 20. 1073 Cf. SAWADOGO F., op. cit., p. 15. 1074

Art. 12 du Règlement du Comité Ministériel de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale n°06/03-CEMAC-UMAC du 12 novembre 2003. Cette disposition autorise la COSUMAF à conclure de tels accords de coopération ; Art. 27 de l’Annexe à la Convention portant création du Conseil Régional de l’Epargne Publique et de Marchés Financiers autorisant ledit Conseil à conclure de tels accords.

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questions judiciaires1075

, la concertation permanente, la coordination des compétences,

le dialogue entre organisations d’intégration1076

, et le dialogue des juges1077

.

Dans la forme préventive de nos solutions, la priorité devrait être accordée à celles

instaurant une spécialisation des organisations1078

. Elle parait d’une part assainir le droit

communautaire, l’espace régional, en éliminant d’une part les risques d’incertitudes sur

les textes applicables en présence de dispositions concurrentes sur le même point et

d’autre part, de réduire le risque d’insécurité juridique.

En guise d’exemple, l’appel public à l’épargne est l’une de ces matières, source

conflictuelle, que ces diverses réformes proposées pourront résoudre valablement. En

effet, l’appel public à l’épargne était traditionnellement considéré, en France, comme

une notion de droit des sociétés et sa définition, contenue dans la loi du 24 juillet 1966

sur les sociétés commerciales1079

. Il apparaît cependant, dorénavant, que l’établissement

d’une situation d’appel public à l’épargne suppose, en règle générale, l’intervention de

l’autorité de régulation du marché financier. Or les critères de la notion, comme ils sont

énoncés aux articles 81 de l’Acte uniforme et dans les réglementations des zones

UEMOA et CEMAC1080

, supposent l’existence d’un marché financier et d’une autorité

de régulation et de contrôle dudit marché.

Cela a conduit d’ailleurs, en France, à une évolution de ce régime. L’on observe

désormais que « la notion d’appel public à l’épargne a quitté la sphère du droit des

sociétés pour devenir une notion clef en droit financier, car elle conditionne la mise en

œuvre des règles visant à la protection des investisseurs et du marché qui se traduisent

1075 COSSI SOSSA D., « Les concurrences de compétence entre les hautes juridictions communautaires de l’Afrique de l’ouest et du centre : réalités et approches de solutions », communication OHADA 2014, p. 16. 1076

Cf. PRISO-ESSAWE P., « L’hypothèse d’un dialogue préjudiciel entre juridictions régionales africaines, communication au Colloque organisé par la Cour de Justice de la CEMAC sur la vulgarisation des textes communautaires de la CEMAC », actes du colloque, N’Djamena, 7-12 février 2011. 1077

Cf. TATY G., « Pluralité des juridictions régionales dans l’espace francophone et unité de l’ordre juridique communautaire : problématique et enjeux », communication précitée, p. 6 et suivantes. 1078 Cf. FELIHO G. S., « La coexistence textuelle dans l’espace UEMOA : cas de l’appel public à l’épargne », Actes du Séminaire de sensibilisation au droit communautaire de l’UEMOA, oct. 2003, p. 8, publiés ensuite aux éd. Giraf, 2005 ; et cf. SAWADOGO F., op.cit., p. 17. 1079 Cf. GRANIER T., « La notion d’appel public à l’épargne », Revue des sociétés, 1992, p. 687. 1080

Notamment inscription des titres à la cote de la bourse et diffusion de titres dans le public au moyen de procédés de sollicitation faisant un large recours à la publicité.

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essentiellement par la mise en place d’obligations d’information à la charge des

différents acteurs »1081

.

Par conséquent il nous parait opportun et nécessaire de transférer à la CEMAC et à

l’UEMOA des compétences normatives et juridictionnelles en matière d’appel public à

l’épargne, surtout lorsque l’on considère que ces deux zones ont conféré à leurs propres

autorités de régulation des pouvoirs exclusifs en la matière1082

.

En conclusion, rappelons que l’avènement de l’OHADA a constitué pour les États

membres de cette organisation une véritable révolution. Rompant avec le paysage

disparate, illisible et quelque peu vétuste qui avait longtemps caractérisé la

réglementation des affaires dans la zone, les pays considérés ont pris le parti de

consacrer, avec le Traité de L’OHADA, non seulement une réelle codification,

réduisant notablement « l’éparpillement des textes jadis déploré, mais également une

authentique modernisation du droit des affaires, par le biais d’un profond toilettage de la

réglementation et une mise en conformité avec les standards internationaux », assurant,

de la sorte, une meilleure lisibilité du régime des affaires et davantage de sécurité

juridique et judiciaire.

C’est la réussite quelques peu controversées mais plus ou moins effectives de cet ordre

juridique communautaire qui conduira à envisager l’idée de cette extension à d’autres

Etats africains, afin de consacrer et d’étendre au mieux et de la meilleure des manières

« l’œuvre d’intégration juridique à portée économique ». Mais cependant ceci ne se

ferait pas sans incidence et encore moins sans certaines contraintes spécifiques pour les

divers acteurs du modèle communautaire dont se veut être le promoteur et le principale

instigateur l’OHADA.

1081 COURET A., Le NABASQUE H. et al., Droit financier, coll. Précis Dalloz, 2008, n° 268, p. 144. 1082

Ce changement de régime devrait permettre d’entrevoir davantage de lisibilité dans la réglementation applicable et de renforcer la sécurité juridique des opérations.

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CHAPITRE II

L’ABOUTISSEMENT DU PROJET D’INTEGRATION PANAFRICAINE

L'ouverture des pays de la zone OHADA aux investisseurs africains et internationaux

est l’épine dorsale de toute la politique juridique et communautaire, construite autour

par cette organisation. Mais il est vrai que les gouvernements des Etats membres de

l'OHADA se retrouvent aujourd'hui entre « le marteau et l'enclume », entre des textes

dont la mise en application est très problématique du fait des réalités socio-

économiques, et la forte pression exercée par les instances régionales. Il est une

évidence à ce jour que plusieurs Etats membres de l’OHADA se posent la question de la

nécessité de rester dans cette organisation. Etant donné que la sécurité juridique dont il

était question au moment de sa création à vite fait comprendre que d’autres facteurs,

d’autres phénomènes empêchaient un plus encore le redressement économique africain.

L’intégration africaine OHADA était-elle vraiment la réponse ? L’OHADA est-il

encore aussi attractif pour les nouvelles entrées ? Ses objectifs et sa façon de penser le

développement africain ne mérite-il pas d’être revu ?

C’est autant d’interrogations, d’inquiétudes qui nous ont donc poussé à réfléchir plus

sérieusement sur l’avenir de l’intégration africaine1083

, l’avenir de l’OHADA dans sa

perspective d’intégration, les besoins actuels de l’espace juridique et économique

africain mais aussi et surtout ses aspects, ses fléaux qui ralentissent considérablement le

développement africain et pire, ont l’air de passer inaperçu et de n’interpeller aucune

conscience.

1083

Aujourd’hui énormément de difficultés dans sa perspective d’intégration juridique mais aussi et surtout dans sa volonté de sortir ses pays de la pauvreté, ces peuples de la misère et de guerre.

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Section I : Les solutions aux problématiques liées à l’extension de

l’OHADA

Le meilleur moyen, de réussir est de s’unir tous autour de valeurs communes, de

besoins et d’intérêts communs dans un cadre institutionnel régional approprié où

l’économique, la création de richesses, sont les maîtres mots. A cet effet, l’OHADA

doit définir une véritable politique d’extension et de coopération.

Nous étudierons donc les nouveaux facteurs de l’extension de l’OHADA (Paragraphe

I) et la rénovation générale de l’espace communautaire (Paragraphe II).

Paragraphe I : les nouveaux facteurs de l’extension de l’OHADA1084

Les institutions de l’OHADA, bien qu’efficaces dans leurs configurations actuelles, ne

permettent pas d’envisager une véritable perspective d’extension de l’organisation.

Cette contradiction majeure se reflète à travers la langue de travail mais aussi aux

implications de nouvelles adhésions à l’OHADA.

A. L’extension linguistique du droit communautaire

L'article 42 du Traité OHADA dispose que « le français est la langue de travail de

l'OHADA »1085

. Cette disposition était sans doute initialement compréhensible et

justifiée, puisqu’elle était pour une large partie composée de pays francophones1086

, à

l'exception de la Guinée Bissau1087

, de la Guinée Equatoriale1088

et du Cameroun1089

. A

ce propos, Souleymane TOEY relève qu’ « C’était une position irréaliste et inefficace

car l’OIF est une organisation politique dont certains des membres ne sont francophones

1084

Cf. BOYE M., « la formalisation de l’informel : des systèmes financiers décentralisés à l’entreprenant », numéro 886, pages 58. 1085

En partant de cet élément formel qu’est l’appartenance à l’OIF, les concepteurs de l’OHADA ont considéré que le français pouvait être la seule langue de travail. 1086

La question des langues a été ignorée dès le départ, certainement en partie du fait de la constatation que tous les Etats parties au Traité de l’OHADA sont membres de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) qui regroupe au son sein les Etats ayant en partage la langue française. Le Traité de l’OHADA a d’ailleurs été signé en marge du Sommet des chefs d’Etat et de gouvernement de l’OIF. 1087 Lusophone. 1088

Hispanophone. 1089 Bilingue français-anglais.

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qu’au titre de la deuxième, voire de la troisième, langue parlée. Malheureusement,

personne n’a eu le courage de soulever cette question en son temps. D’ailleurs, les Etats

non francophones réels, c’est-à-dire n’ayant pas le français comme langue officielle, ont

rejoint l’organisation en cours de route, sauf le Cameroun, Etat bilingue français-

anglais »1090

.

C’est bien plus tard que des considérations pratiques ont soulevé la question. Il

s’agissait alors de l’application des textes écrits en français dans un pays où la langue

officielle ou de travail est autre que le français. Aussi, fallait-il juger, plaider, appliquer,

rendre exécutoire, suivre les formations sur le droit communautaire, dans une langue

que l’on ne comprend pas. Une importante problématique à laquelle l’OHADA a trainé

à répondre.

En se limitant au français comme langue officielle, l’organisation donnait l’impression

de restreindre l’adhésion aux seuls Etats francophones d’Afrique. Hors, dans son élan

de communautarisme, elle doit réussir à rendre le plus attractif possible son système

communautaire.

Ce que certains appelleraient un « bon projet de communication » serait dans ce cas une

bonne politique de vulgarisation de ses actes uniformes, des textes et de toute la

documentation portant sur le droit communautaire. Une façon d’atteindre et de susciter

l’intérêt non plus que des Etats francophones d’Afrique, mais aussi anglophones et

lusophones. Il est évident que l’adhésion d’un pays comme le Nigéria1091

, à cette

organisation ne serait que bénéfique quand on connait le poids économique et

l’influence d’un tel Etat1092

sur le marché africain. Mais ceci ne se fera qu’en instituant

d’autres langues de travail, en plus du français.

Le projet de révision du traité contenait une réforme de l’article 42 du traité qui

comportait désormais, en plus du français, trois autres langues de travail : le portugais,

l’anglais et l’espagnol. Cette décision d’instaurer quatre langues de travail au sein de

l’espace communautaire avait d’énormes incidences sur la structure même de

l’organisation et sur son fonctionnement mais aussi soulève une autre problématique.

Celle de la forte impulsion politique qui guide les objectifs du droit communautaire. Si

1090 BOYE M., ibidem. 1091

Considéré comme deuxième plus grande puissance économique après l’Afrique du sud. 1092 La forte place de la puissance économique dans des considérations juridiques.

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l’on peut ainsi comprendre que c’est une mesure qui vise à ouvrir les portes de

l’OHADA à d’autres Etats, on doit cependant soulever que la plupart des

communautaires ne retiennent pas pour langues de travail, la totalité des langues

officielles de leur Etats membres ou de leur potentiels futurs adhérents. C’est dire que la

question de la variété des langues de travail est tout aussi importante qu’elle ne devrait

pas non plus être un facteur important d’adhésion à l’organisation1093

.

De plus, sans remettre en cause le bien-fondé de cette réforme, il faut relever que

l’instauration de quatre langues de travail serait un véritable facteur de ralentissement

des travaux communautaires, d’augmentation des coûts de fonctionnement. Elle ferait

aussi apparaitre d’importantes problématiques relatives à l’interprétation du droit

communautaire, la mise en œuvre des actes uniformes, l’effectivité du droit

communautaire et naitre des conflits juridiques complexes.

Il est déjà un véritable challenge pour l’organisation de réussir son œuvre

d’uniformisation et mettre en œuvre ses objectifs avec une langue de travail. Eu égard

aux difficultés déjà existantes, il serait énormément contrayant d’utiliser ainsi quatre

langues de travail. Mais il serait aussi tout intéressant d’étendre l’OHADA via ce

multilinguisme qui ne serait que bénéfique à sa vulgarisation surtout au plan interne de

certains Etats membres non francophones.

On est ainsi en face d’une bonne politique d’extension, mais impliquant d’énormes

contraintes. C’est pourquoi il urge de proposer des solutions pour garantir au mieux les

effets positifs de cette mesure et résoudre les difficultés juridiques susceptibles d’en

résulter.

La doctrine1094

retient quant à elle, qu’il serait donc souhaitable de compléter cette

réforme en posant deux conditions : avant traduction dans les autres langues, les

documents publiés en français produisent tous leurs effets et en cas de divergence entre

les différentes traductions, seule fait foi la version publiée dans la langue originelle de

l’OHADA.

1093

Le droit communautaire y perdrait tout son sens si la motivation n’est plus de cadre l’espace harmonisé plus sure et plus réglementé mais de laisser place à des caprices politiques visant à imposer telle ou telle autre langue nationale. 1094 Cf. TOE S., ibidem.

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Ces conditions semblent totalement logiques et avérées. Elles résolvent ainsi la question

de l’interprétation du droit communautaire mais aussi celle des conflits éventuels qui

pourraient en résulter.

La question linguistique a été discutée lors des concertations sur la révision du Traité et

a été prise en compte, apparemment de manière satisfaisante par la révision du Traité

opérée à Québec en 2008. C’est ainsi que la nouvelle formulation de l’article 42, dans le

traité révisé dispose : « les langues de travail de l'OHADA sont : le français, l'anglais,

l'espagnol et le portugais. Avant traduction dans les autres langues, les documents déjà

publiés en français produisent tous leurs effets. En cas de divergence entre les

différentes traductions, la version française fait foi » ; laissant une prééminence au

français en cas de désaccord entre les différentes versions.

Cette réforme est à saluer mais à ce jour, au delà des nouvelles publications et des

travaux récents qui ont fait l’objet d’une publication dans plus de deux langues, les

textes anciens n’ont pas encore été officiellement traduits. Cette nouvelle disposition

n’a aussi pas pris en compte les problématiques soulevées quant à la lourdeur que cela

engendrerait et encore moins aux implications financières d’un tel changement.

D’autres problématiques plus pratiques furent aussi soulevées, notamment les échanges

dans l’espace harmonisé, les formations communautaires ou par vidéoconférences, les

audiences de la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage (CCJA).

Aussi, sur ce point les efforts de l’OHADA, comparés à ceux de l’Union Européen

paraissent clairement très limités et peu coordonnés. Il est en effet à saluer la réussite de

l’intégration linguistique par l’UE avec la reconnaissance des 23 langues officielles

constituant l’Union1095

. Mais ceci fit soulever d’autres problématiques. Il était en effet

reproché à l’UE, le fait de publier exclusivement en allemand, en anglais et en

français1096

les avis de concours sur la fonction publique européenne et les épreuves de

sélection1097

, ce qui était constitutif d’une discrimination1098

. L’Italie avait d’ailleurs

1095

In Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, éditions législatives, janvier 2013, p.4. 1096

Ibidem. 1097 L’EPSO, chargé de l’organisation des concours de recrutement des fonctionnaires de l’Union, a publié un avis de concours au JOUE en langues allemande, anglaise et française. Une connaissance satisfaisante de l’une de ces langues était également exigée en tant que deuxième langue. Il était aussi prévu que les communications entre l’EPSO et les candidats et les tests d’accès, se déroulent dans l’une de ses trois langues, de même pour les épreuves écrites du concours. 1098 Carpano E., Ibidem.

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contesté cet état de chose devant le tribunal, qui rejeta ses prétentions1099

. La Cour1100

annula, saisie par la suite, annula l’arrêt du tribunal et l’avis de concours mais sans

remettre en cause les résultats afin de préserver la légitimité des candidats

sélectionnés1101

.

La Cour considérait en effet que le tribunal avait commis une erreur en ne tirant pas les

conséquences logiques de la combinaison des règles établies en la matière, qui imposent

effectivement de publier au journal officiel de l’Union Européenne, les avis de concours

dans toutes les langues officielles de l’UE. Il y a donc bien eu discrimination en raison

de la langue selon la Cour1102

.

Ce n’est certes pas les mêmes réalités sociopolitiques mais l’avancée est grande et

considérable et tout aussi impossible à l’heure actuel pour l’OHADA, au regard des

problématiques déjà pendantes, juste pour trois langues de travail.

Actuellement, la solution adoptée à cet effet fut de recruter trois spécialistes des langues

de travail de l’OHADA, autres que le français, siégeant à l’ERSUMA, mais également à

la CCJA et auprès du Secrétariat permanent. Il est cependant évident qu’un si petit

nombre de traducteurs-interprètes ne peut assumer l’ensemble de la tache

communautaire. Et l’augmentation des ressources humaines de l’organisation

appellerait aussi à des efforts budgétaires que l’organisation ne peut à ce jour se

permettre.

Voilà ainsi de nouvelles langues de travail adoptées, un traité réformé pour ouvrir les

portes de l’espace harmonisé à d’autres Etats et une telle perspective d’extension est

importante pour toute œuvre communautaire mais non pas sans implication. L’adhésion

de nouveaux membres est certes une bonne chose et un élan très positif pour la

consécration de l’OHADA au plan du continent entier mais soulèvent néanmoins autant

de problématiques néfastes.

1099

Cf. Carpano E, Ibidem. 1100

CJCE, 27 novembre 2012, aff. C-566/10 P, Italie c/ Commission Européenne. 1101

Une position justifiée qui cependant laisse subsisté certains doutes sur la valeur de la décision rendue, par rapport à la discrimination reprochée car si les résultats sont maintenues, cela confirme toujours que les candidats des divers pays de l’UNION n’ont pas eu les mêmes chances de réussite, donc que la discrimination est restée impunie. 1102

Cette combinaison peut être résumée au syllogisme suivant : les 23 langues actuelles de l’UE sont toutes des langues officielles et de travail de l’Union, sans aucune primauté ni aucune autorité d’une sur les autres ; le JOUE doit paraitre dans toutes les langues officielles de l’UE ; un avis de concours général doit être publié dans toutes les langues officielles de l’UE

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B. L’impact de nouvelles adhésions à l’OHADA1103

L’uniformisation du droit communautaire s’est faite jusque là sans trop de difficultés,

étant donné que les divers acteurs ont en partage certains fondements non seulement

juridiques mais aussi socio-économiques1104

.

Dans sa perspective d’extension, l’organisation ouvre cependant la porte à tous les

autres Etats, ne fixant ainsi aucune limite ni aucune condition restrictive à cette

adhésion. Il parait donc logique de réfléchir sur les implications1105

de telles adhésions

sur le système déjà mis en place quand on sait qu’en Afrique, les Etats sont encore sous

l’empire et l’influence du vestige colonial, des fondements juridiques du pays

colonisateur.

En effet, jusque là, les Etats francophones, représentant la grande part de l’OHADA, ont

en commun un même tronc législatif hérité de la France, sous impulsion du système

romano-germanique1106

. Cette communauté de concepts juridiques a considérablement

facilité la préparation et l’adoption des actes uniformes jusque là. Mais ils se perdent à

coup sûr avec l’extension de l’organisation à des pays de tradition juridique différente,

en raison de la diversité des réalités et de la démarche juridique mais aussi des

antinomies qui peuvent exister d’une famille juridique à l’autre. Ainsi, voyons ce qu’il

en serait si l’OHADA faisait l’objet d’une adhésion massive d’autres Etats, à tradition

juridique anglo-saxons par exemple1107

. Ceci impliquerait deux risques majeurs pour

l’organisation : l’alourdissement du fonctionnement de l’OHADA et une fracture du

droit uniforme.

L’alourdissement du fonctionnement de l’OHADA résulterait de la participation de

nouveaux Etats au processus décisionnel et aux institutions de l’organisation, tel que le

conseil des Ministres et la CCJA. Les exigences d’une plus grande représentation se

sont déjà fait sentir déjà avec les 17 Etats membres. S’il faut imaginer une adhésion

1103

Cf. COFFY M. J. de BOISDEFFRE, « le rapprochement des normes de l’OHADA avec la législation des pays africains anglophones à la lumière de l’expérience de l’harmonisation du droit des Affaires des pays de l’Union Européenne », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114e Année, Numéro 849, Octobre – Décembre 2004, pages 42 1104

Ibidem 1105 Ibidem. 1106

Ibidem. 1107 Cas du Nigéria, du Ghana, de l’Afrique du sud.

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massive et que chaque nouvel Etat ait ce genre d’exigence, la CCJA ne serait plus une

cour mais un « parlement juridique »1108

, ce qui serait tout à fait nuisible et suicidaire

pour une juridiction impartiale. Il n’est pas non plus possible d’accorder un privilège de

représentation à des Etats au détriment d’autres Etats.

Le coût du fonctionnement s’en trouverait tout aussi affecté, car si l’organisation peine

encore à ce jour à s’assurer une présence dans les 17 Etats membres et à répondre

financièrement aux besoins pratiques de son fonctionnement, le coût de tout ceci ne

ferait que grimper avec de nouvelles adhésions. La mise en œuvre du multilinguisme

nous l’avons souligné représente déjà une augmentation très conséquente du coût de

fonctionnement. Et c’est sans compter qu’une nouvelle réforme du traité, dans le futur,

y joigne l’Arabe comme cinquième langue officiel, en fonction de l’adhésion de pays

arabes. La traduction des textes et des documents officiels en quatre déjà puis cinq

langues, a un coût peu négligeable.

Il sera aussi question d’un ralentissement des procédures de concertation et de

négociation mais aussi des conditions d’élaboration et d’adoption des actes uniformes.

Nous l’avons dit, l’organisation jouit à ce jour d’un avantage certain : celui de la

tradition juridique commune de ses Etats membres. Mais envisageons un scénario ou

des Etats d’origine juridique anglo-saxons ou arabes intègreraient l’espace harmonisé.

Et qu’il faille rédiger et adopter de nouveaux actes uniformes.

Jusqu’à présent, l’homogénéité du droit uniforme et la cohérence des décisions prises

par l’OHADA ont été assurées et préservées malgré la différence linguistique des Etats

parties1109

. Ce résultat est certainement dû à la commune appartenance de ces pays au

système juridique romano-germanique qui y prédomine et en assure la cohésion. Mais

l’adhésion de pays anglophones comme le Nigéria, le Ghana, le Kenya donnerait lieu à

une diversité d’approche juridique au sein du système communautaire. De nombreux

concepts juridiques sont loin d’être communs avec ceux du droit OHADA ou leur font

défaut sans parler de ceux qui peuvent être antinomiques. C'est-à-dire que des difficultés

se feront ressentir dans la rédaction des projets d’actes uniformes, dans les

amendements et les corrections proposées par chaque intervenant, des discussions

1108 La question d’une représentation limite politique au sein d’un organe judiciaire soulève l’inquiétude quand à la séparation des pouvoirs au plan communautaire. Une problématique que nous aborderons. 1109 Français, anglais, portugais, espagnol.

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interminables au sein de l’organe décidant, des procédures d’adoptions donc

interminables.

L’autre conséquence d’une telle adhésion massive serait de revoir en substance les

actes uniformes déjà adoptés, ainsi plus de 3000 articles seraient revus, réexaminés voir

modifiés si nécessaire afin de répondre aux attentes et aux exigences juridiques de

tous1110

. C’est limite de l’ordre de l’impossible car ceci reviendrait à réécrire tout le

droit OHADA. Au-delà de cela, il n’est même pas évident que sur certains concepts du

droit uniforme1111

, ces Etats en viennent à un consensus. Au-delà de quoi, certains Etats

imposeront leurs poids économiques ou leur participation financière pour faire pencher

les décisions en leur faveur. Une autre problématique que rencontre à ce jour toutes les

formes d’organisations communautaires1112

.

C’est pourquoi divers travaux de la doctrine, proposaient : « il nous semble que

l’adhésion des Etats dont le système est inspiré du Common law1113

doit être

sérieusement et longuement préparée par une réduction ou une suppression de toutes les

différences qui peuvent empêcher cette adhésion avant. Cela ne peut se faire sans la

mise en place d’une commission d’experts qui fera cette comparaison de façon

exhaustive et minutieuse »1114

.

Tout en œuvrant à la promotion de son droit, l’OHADA doit être réceptive à l’apport

des autres familles juridiques. On comprend, dans ces conditions, tout l’intérêt que

présente l’enseignement du droit comparé1115

et les avantages qui résulteraient d’une

étude des avancées dans le domaine1116

. Cependant, toutes ces réformes institutionnelles

ont pour ambition de donner plus d’efficacité à l’OHADA dans la conduite de ses

actions, dont la principale est bien évidemment l’harmonisation du droit des affaires1117

.

1110

Cf. en droit européen, les incidences des nouvelles adhésions. 1111

Ibidem. 1112

Cf. Carpano E., « L’adhésion de la Croatie à l’UE ouvre-t-elle la voie aux Balkans ? », éditions législatives, Novembre 2013, p. 4. 1113

Ibidem. 1114

Cf. BOYE M., « la formalisation de l’informel : des systèmes financiers décentralisés à l’entreprenant », numéro 886, pages 58. 1115 Cf. Dictionnaire permanent – Droit européen des affaires, Novembre 2013, p. 5. 1116

Ibidem. 1117 Le droit européen sur la question des adhésions a connu d’importantes tractations politiques notamment avec les négociations d’adhésion de la Serbie en juin 2013, du Monténégro en 2012, portant sur un accord de stabilisation et d’association entre l’UE et le KOSSOVO.

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« Nous n’entendons nullement soutenir que l’OHADA doit vivre replier sur elle-même.

Elle le voudrait que la nécessité des échanges économiques l’obligerait à s’ouvrir au

reste de l’Afrique. Pour cette raison, elle doit plutôt définir et mener une politique

dynamique de promotion de son droit qui semble exercer tant d’attrait sur les Etats non

parties au Traité et de fascination au-delà du continent africain »1118

.

Ceci nous amène à conclure qu’au-delà de toutes ambitions et aussi fortes que soient les

motivations, tout œuvre communautaire tel que l’OHADA, nécessite énormément de

ressources, pour aboutir. Mais plus important encore, l’OHADA a aujourd’hui besoin

d’une prise de conscience africaine générale, dans tous les domaines, toutes les couches

sociales, tous les acteurs impliqués de prêt ou de loin dans l’œuvre communautaire.

Une œuvre communautaire panafricaine qui alors pourrait être envisagée à une échelle

plus grande.

Paragraphe II : La rénovation générale de l’espace

communautaire

L’extension de l’OHADA1119

englobe divers facteurs et appelle aussi à une rénovation

de l’espace communautaire. Mais la solution que nous affectionnons le plus dans nos

études est celle d’une super organisation communautaire. C'est-à-dire une organisation

commune, qui engloberait toute l’œuvre communautaire et les divers enjeux africains

sous une même politique de développement, une même impulsion, des moyens et un

champ d’action plus étendus et un véritable mécanisme d’harmonisation et

d’uniformisation. Il n’est certes pas envisageable sans contrainte mais mérite bien qu’on

y réfléchisse plus sérieusement.

1118 Cf. KENFACK DOUAJNI G., « les Etats parties de l’OHADA et la convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, p. 198. 1119

NGUEMEGNE J., « Du multipartisme vers le « one party democracy », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114e Année, Numéro 849, Octobre – Décembre 2004, pages 488.

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A. La conception d’une super organisation communautaire

L’Afrique aujourd’hui compte plusieurs organisations communautaires qui

interviennent dans divers domaines du droit et réalisent des codifications

communautaires. L’OHADA et l’UEMOA1120

en sont les exemples les plus aboutis.

Cependant, envisageons un instant une organisation communautaire qui engloberait

toutes ces organisations indépendantes. C'est-à-dire quitter le cadre régional des actions

individuelles et l’étendre au cadre africain globalement. C’est aussi la possibilité de

pallier à divers conflits de compétences et de textes au sein de l’espace

communautaire1121

.

Elle aurait ainsi vocation à abriter toutes les organisations régionales impliquées dans le

développement africain sous un même toit et avec une même politique1122

d’intégration

en leur laissant bien-sûr toute leur autonomie et leur indépendance dans le cadre de

leurs actions mais en veillant cependant à une cohésion et un partage légal des

compétences et aussi en veillant à une coopération plus accrus entre ceux qui consistent

à ce jour les vrais acteurs du développement africain.

D’un point de vue plus pratique, elle s’inspirerait d’organisation comme les NATIONS

UNIES, qui se présente comme une super organisation, plus générale et incluant des

organisations internes, c'est-à-dire des démembrements qui ont chacun leurs champs

d’actions, leur politique d’intervention, leurs objectifs et leurs modèles de coopération.

Mais tout ceci sous l’égide de l’ONU.

Notre organisation communautaire y ressemblerait un peu, conciliant les actions de

l’OHADA, de l’UEMOA, de la CEMAC, de l’OAPI, du CIPRES, et bien d’autres

organisations communautaires, en leur permettant d’étendre leurs actions non plus à un

champ régionale mais au plan africain.

Ce serait aussi le siège de la promotion du droit africain, du droit communautaire, par la

vulgarisation des œuvres communautaires déjà accomplies et une participation générale

de toute l’élite africaine aux questions cruciales qui touchent le droit

1120 Cf. KENFACK DOUAJNI G., « les Etats parties de l’OHADA et la convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages 198. 1121

Ibidem. 1122 Ibidem.

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communautaire1123

. Cependant la réussite d’une telle œuvre appelle un certain nombre

de conditions pratiques et générales :

- Une prise de conscience générale sur les besoins africains en termes de

coopération, en termes d’échanges et surtout de développement ;

- Une forte volonté politique et une forte implication des divers Etats membres

dans le processus de la création, en prenant le soin de mettre de coté les

ambitions personnelles et la prise en compte de la valeur économique des plus

pauvres dans le panel décisionnaire ;

- Créer un cadre permanent de coopération et d’échanges entre les diverses

institutions de l’organisation car la communication et le dialogue sont les

vecteurs d’un bon fonctionnement et de solutions communes approuvées ;

- Poser des bases solides concernant la limite des compétences des divers

organisations-démembrements afin d’éviter au mieux les conflits ;

- Mettre en place une base juridique confortant la théorie de la séparation des

pouvoirs afin d’éviter la forte présence du politique dans les affaires juridiques

ou judiciaires du droit communautaire ;

- La mise en place d’un mécanisme de contrôle et d’évaluation de l’impact des

actions communautaires au plan interne des Etats. L’accent est à mettre sur cette

condition car il est triste de se rendre compte que diverses organisations mettent

en place des mesures et des soit disant solutions qui ne sont soit pas effectifs au

plan national, soit sans aucune incidence positive sur le développement ou la

croissance.

Sur le plan judiciaire, la solution sera de créer une unique juridiction communautaire,

intégrant en son sein les juridictions communautaires déjà existantes comme la CCJA,

la cour de justice de l’UEMOA, et créant aussi d’autres matières judiciaires. Ces cours

existantes abandonneraient leur statut pour intégrer des matières du droit au sein de la

juridiction commune. Nous mettons aussi l’accent sur le fait que cette cour puisse

1123

Par rapport aux matière retenues par la décision n°011/2011/CM/OHADA du 17 juin 2011 autorisant une étude sur la faisabilité et la possibilité d'extension du domaine du droit des affaires de l'OHADA à de nouvelles matières (crédit-bail, affacturage, sous-traitance, franchise, contrats de Built Operate and Transfer ou Partenariats Public Privé, médiation commerciale, règlement des conflits de lois et circulation des actes publics), on peut dire que, pour la plupart, elles correspondent à des préoccupations des Etats parties ou à des lacunes relevées dans l’œuvre d’harmonisation. Des projets de textes de qualité élaborés en ces matières, avec la participation active des organisations intéressées comme les banques centrales, pourront être adoptés soit par lesdites organisations, soit par l’OHADA, soit par les Etats parties intéressés.

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garantir aux justiciables africains un accès facile à ses juridictions et aussi innoverait en

étant compétente pour des plaintes sur des cas de malversations financières et de

corruption au sein des Etats membres, même si cela s’avérait être l’œuvre des

dirigeants. Nous mettons l’accent sur ce dernier point car non seulement il aurait le

mérite de garantir une certaine prise de conscience des politiques africains mais aussi ne

laisseraient plus impunis les fautes graves dont ils se rendent coupables chaque jour

dans l’exercice de leurs fonctions. Ce serait aussi une façon de garantir la sécurité

juridique si tant désiré surtout par rapport aux capitaux étrangers. Car en effet, de

nombreux Etats ont pour intention d’aider au développement africain mais reste une

véritable crainte que les fonds alloués à certains projets disparaissent de façon régulière

et dans une totale impunité.

Toujours sur le plan judiciaire, elle aurait le mérite de résoudre une question importante,

celle de l’exéquatur des décisions internes rendues sur le droit communautaire devant

être exécutée dans un autre Etat membre. Une reconnaissance et une exécution des

décisions judiciaires rendues dans les Etats parties qui nous semblent constituer des

questions d’intérêt. Il parait raisonnablement urgent que soit instauré dans un espace

juridique plus étendu communautairement, des règles uniformes favorisant la

reconnaissance et l’exécution1124

des décisions judiciaires rendues dans les Etats

parties1125

. D’ailleurs, de nombreux Etats de l’espace OHADA n’ont aucune législation

sur l’efficacité des jugements étrangers. Comme le constate aussi la doctrine OHADA,

« l’absence de législation et de jurisprudence publiée et connue rend incertain et

quasiment divinatoire le sort susceptible d’être réservé aux décisions judiciaires

étrangères dans ces pays »1126

. On note cependant que quelques Etats, comme le

Burkina Faso, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Sénégal, disposent d’une législation

organisant la reconnaissance et l’exequatur des actes judiciaires étrangers1127

.

1124

Les sentences arbitrales rendues sous l’égide de la CCJA reçoivent un traitement dont ne bénéficie aucune décision d’une juridiction des Etats parties alors que ce sont avant tout des décisions de personnes privées. 1125

Il est curieux et presque anormal que l’on soit plus avancé en ce qui concerne la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales avec l’adoption de l’Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage alors que les jugements rendus par les juridictions étatiques peuvent également concerner les litiges qui naissent dans les relations d’affaires. 1126 Meyer P., « La circulation des jugements en Afrique de l’Ouest francophone », Revue Burkinabè de droit, numéro spécial 20

e Anniversaire, 2

e semestre 2001, p. 110.

1127 Meyer P., op. cit., p. 111.

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Diverses considérations plus pratiques, qu’elles soient financières ou organisationnelles

entrent en cause dans l’aboutissement d’une telle initiative communautaire. Mais cela

ne rend pas pour autant cette vision de l’ordre juridique communautaire trop idéaliste ou

trop surréaliste. Il est opportun, eu égard aux maux dont souffre l’espace africain d’y

songer au plus vite.

B. Les contraintes

Cependant, notre regard critique sur ce modèle d’intégration soulève bien quelques

réticences.

Ainsi, la mise en place d’un tel système demande avant tout énormément de volonté

politique, c'est-à-dire une perte de souveraineté des Etats africains au profit de systèmes

de plus en plus régionaux et communautaires. Ce qui n’est pas tout à fait évident ou ne

saurait avoir un écho favorable auprès de tous.

L’autre risque est de voir des Etats puissants comme le Nigéria ou l’Afrique du sud en

cas d’adhésion, chercher à imposer leurs politiques, leur poids économiques, leurs

visions communautaires à de petits Etats qui dépendent pour la plupart économiquement

d’eux. Le risque serait encore plus grand dans les procédures d’adoptions de textes, de

vote de lois communautaires, de décisions politiques importantes. Tout ce que l’on

reproche par exemple à ce jour à la France et à l’Allemagne au sein de l’Union

Européenne.

Des difficultés persisteraient aussi concernant la lourdeur des procédures au plan

communautaire. C’était des procédures déjà très complexes pour chaque organisation-

démembrement et qui vont connaitre d’énormes facteurs de ralentissement en incluant

les lourdes négociations et la recherche du consensus avant toute décision.

La problématique d’une adhésion massive est aussi présente. Une solution-problème car

le but est d’impliquer le maximum d’Etats dans le développement communautaire mais

aussi avec mêmes risques déjà évoqués plus haut dans le cas de l’OHADA. Les

questions internes de transpositions du droit communautaire général, ou d’exécution ou

de mise en œuvre des décisions communautaires. Il reviendrait tout aussi cher à

l’organisation communautaire de mettre en place des moyens de contrôle de l’impact

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des décisions au plan interne. Car il est très important d’effectuer une telle évaluation

pour être sûr d’être sur la bonne voie avec les bons moyens d’actions.

La problématique commune à l’Afrique, du financement de l’œuvre communautaire,

cette question fâcheuse qui est à l’origine du désistement de bien des Etats. Il serait

important que les cadres africains réfléchissent à une politique de financement plus

solide, sur le long terme et un contrôle de la gestion des ressources existantes pour

apporter aux bailleurs de fonds et aux partenaires publics, privés internationaux, des

garanties d’une bonne gestion des ressources octroyées et des financements des projets

communautaires et nationaux.

L’extension de l’OHADA doit entendre l’extension du droit communautaire et

développement africain à terme. Ainsi, l’ordre juridique communautaire doit développer

la plus solide des politique non plus seulement sur le plan juridique mais surtout en y

intégrant les questions de mise en œuvre, de réalités socio-économiques et culturelles,

d’impacts économiques et de développement.

Tous nos arguments finissent toujours par le mot : « développement africain » car il est

évident à ce jour que le plus gros enjeu de tous les systèmes communautaires, la

motivation première de tous les Etats, le besoin de tous les peuples africains, la raison

de vivre du droit communautaire, c’est la poursuite de ce développement économique

africain.

Toutefois, au-delà des suggestions et des améliorations, des innovations de l’ordre

communautaire pour l’atteindre, voir s’en rapprocher, il est nécessaire de réveiller les

consciences africaines, d’envoyer un message fort à la jeunesse africaine, aux politiques

africaines, à l’élite africaine.

Ce qui justifie le fait que la suite et fin de cette étude soit un appel à la prise de

conscience collective, à un réveil général de la conscience africaine sur ce qui est

aujourd’hui les enjeux de développements économiques et juridiques.

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Section II : L’émergence d’un véritable développement

communautaire africain

Le continent africain peine énormément sous divers fléaux, diverses questions d’ordre

juridique, sociale, qui ruinent l’existence et le développement de ce continent1128

.

Cette partie de notre travail est le fruit d’énormément de réflexions et de

questionnements personnelles sur l’identité africaine1129

, le futur de ce continent qui

court elle-même toutes seules à une implosion1130

. Ainsi notre devoir en tant

qu’africain, en tant qu’élite et scientifique est de lancer un appel aux diverses entités au

cœur de ce malaise général1131

. Nos recherches, nos travaux et les informations et les

choses qui nous ont été donné de lire n’ont fait que ressortir en nous une révolte

personnelle, un besoin de réveiller les consciences. A l’image de ces mots de Eric

David, introductif à son ouvrage « Principes de droit des conflits armés » ou il rend un

poignant hommage à un de ses étudiants en ces 1132

termes : « aux victimes des conflits

armés auxquelles cette matière n’a pas toujours servi à grand-chose, en particulier à la

mémoire de mon ancien étudiant, Vincent Tollet, 1er Lauréat du concours de droit

humanitaire de la Croix-Rouge de Belgique 1985, abattu le 22 Mars 1993 lors d’une

mission humanitaire pour handicap international »1133

. Nous nous devons à travers cette

œuvre de l’esprit, de poser les bases d’un développement durable, qui rime surtout avec

paix1134

et stabilité1135

. « Une vie ne vaut rien mais rien ne vaut une vie »1136

.

C’est aussi le fruit de convictions personnelles, de valeurs qui nous tiennent à cœur de

défendre, de besoins « primordiaux » du continent africain, selon notre analyse. Aussi

dans un souci d’optimiser conséquemment l’efficacité de l’OHADA et de toute l’œuvre

communautaire. Des besoins qui tournent autour de la nécessité de la sortie d’ « une

1128

NGUEMEGNE J., « Du multipartisme vers le « one party democracy », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114

e Année, Numéro 849, Octobre – Décembre 2004, p. 488.

1129 Ibidem.

1130 D’importants conflits armés qui ruinent l’Afrique.

1131 Ibidem.

1132 « il n’y a jamais eu de bonne guerre ou de mauvaise paix » disait Benjamin Franklin.

1133 Eric David, principes de droit des conflits armés, quatrième édition bruylant, Bruxelles, 2008, p.1. 1134 « Les guerres prenant naissance dans l’esprit des homes, c’est dans l’esprit des homes que doivent être élevées les défenses de la paix » Al. 1

er, constitution de l’UNESCO.

1135 « Il n’est pas de paix aussi désavantageuse soit-elle qui ne soit preferable à la guèrre, même la plus juste » Erasme. 1136 Malraux A., in Eric David, op. cit., p.2.

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indigénisation de la justice africaine » (Paragraphe I) et surtout qui entourent le

concept de « limite consciente de l’inconscience africaine » (Paragraphe II).

Paragraphe I : La sortie d’ « une indigénisation de la justice

africaine »1137

L’OHADA, pour réussir son élan de communautarisme et faire aboutir sa politique

d’extension, doit résoudre avant tout certaines problématiques importantes comme nous

l’avons relevé jusque là1138

. L’une de ces problématiques aussi réside dans l’efficacité

de la justice africaine1139

et appelle à une rénovation importante.

En effet, c’est ici toute une chaine d’impacts qui est concernée par la question car la

réussite de l’organisation communautaire entend une confiance et une totale foi des

justiciables en la justice de leur pays mais aussi en la justice communautaire. Ceci aura

pour effet de rendre véritablement effectif non seulement l’application du droit

harmonisé mais plus l’effectivité de sa mise en œuvre à travers les décisions rendues.

Mais malheureusement, sur la question, la justice africaine n’est pas encore prête à un

tel enjeu, elle n’a pas encore le potentiel et les aptitudes pour conduire une si grande

politique communautaire. Au vue de l’ampleur du problème, nous approuvons l’avis du

professeur Le Roy1140

qui parle d’une justice africaine encore indigène.

A. L’indigénisation de la justice africaine1141

« Depuis plus d'un siècle, la justice souffre en Afrique d'un mal mystérieux, comme si

quelque magie noire pesait sur son exercice ou sur ses représentants. »1142

. C’est ainsi

que le professeur Le Roy débute son analyse de la justice africaine, en reconnaissant un

1137

Cf. LE ROY E., « Contribution à la refondation de la politique judiciaire en Afrique francophone », Africa Spectrum, 1997. 1138

Cf. CUNIBERTI G., « Les caractéristiques prêtées classiquement à la tradition juridique continentale », Revue spécial ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro spécial, Mars 2014, pages 7 1139 Cf. David E., op. cit., p.1041. 1140 Professeur à l’Université Panthéon-Sorbonne Paris 1, Directeur du Laboratoire d’Anthropologie Juridique de Paris (LAJP), il est à l’origine d’importants travaux sur les perspectives d’intégration du droit et la notion de justice dans le droit. 1141

Cf. Le Roy E., Ibidem. 1142 Ibidem.

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véritable mal et un dysfonctionnement profond dans ce qui constitue les fondements

mais aussi la mise en œuvre de cette justice africaine.

En effet, la corruption, l’abus de pouvoir et les considérations d’ordre traditionnel sont

autant de maux qui gangrènent cette justice africaine depuis le début des indépendances

en 1960. Elle a tout connu. Toutes les frasques possibles, les exécutions sur la base de

faux jugements ou de jugements erronés, des interpellations arbitraires, des abus de

pouvoirs, des exécutions de politiques ou des incarcérations sans aucun fondement légal

et sans procès juste impartial et public, des décisions sans aucune motivation juridique

ni aucun fondement, en gros tout ce qui pouvait salir le judiciaire à servi en Afrique. Au

cours des années, elle est passé de l’outil de vengeance du politique, de l’exécutif, à

l’outil de financement des comptes personnels des acteurs judiciaires, puis à l’outil

d’assujettissement des classes moyennes ou du pauvre justiciable sans pouvoir. Le pire

de tous ces constats est de malheureusement se rendre compte et de façon très

regrettable qu’après 55 ans, elle n’a presque rien perdu de tout ceci.

Pourtant des esprits forts, des intellectuels africains essayaient d’en sortir, de

promouvoir la séparation des pouvoirs de Montesquieu et de veiller à l’impartialité de

cette justice africaine1143

. Des efforts de coopération fut entrepris avec la France et des

pays d’autres régions d’Afrique pour une meilleure formation des magistrats, des

salaires furent augmentés, des mesures furent prise par les nouvelles procédures

judiciaires pour redonner à la justice ses lettres de noblesse. Par exemple, le Mali a

initié le 10 novembre 1997, avec un certain courage, des concertations régionales

devant aboutir à un « forum de la justice ». Le journal Cauris hebdo1144

qui a rendu

compte de cette initiative sous la plume d’Aliou Maiga, présente ainsi les objectifs

immédiats : « l’identification et la correction des dysfonctionnements de la justice et la

définition d’un plan d’action, cette rencontre tentera de trouver quelques solutions à la

crise profonde que traverse la justice de notre pays, crise qui selon le Ministre garde des

sceaux s’est installée entre la justice et les justiciables tant en milieu rural qu’en milieu

urbain avec des effets pernicieux et imprévisibles »1145

. Les propos du ministre d’entre

1143 Sur le sujet, voir aussi SAWADOGO F., « la question de la saisissabilité ou de l’insaisissabilité des biens des entreprises publiques en droit OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 117e Année, Numéro 860, Juillet – Septembre 2007. 1144

Ibidem. 1145 Le Roy E., ibidem.

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temps, Me Hamidou Diabaté, dans son allocution d’ouverture mettent l’accent sur les

problèmes rapportés de la manière suivante :

« Les maux sont assez graves : ils vont de l’incompréhension par le justiciable des

décisions rendues (dont il conteste très souvent les exécutions et qui a recours à la

justice privée comme mode d’expression) en passant par des problèmes rencontrés par

les opérateurs économiques du fait de décisions contradictoires émanant souvent de la

même juridiction. Toutes choses, qui apportent de l’eau au moulin des investisseurs

privés étrangers et de nos partenaires au développement qui n’hésitent pas de plus en

plus à se détourner de notre pays, arguant de l’absence de fiabilité des décisions de

justice »1146

.

Mais c’était sans compter sut les origines traditionnalistes et les pratiques corruptibles

de certains acteurs, sur le désengagement du politique africain, qui lui-même n’avait

intérêt à perdre son influence sur le judiciaire. Même le Sénégal et le Bénin, réputés

pour l’intégrité de leurs juges sont aussi l’objet de tentatives de corruption, la plupart du

temps abouties.

Il faut croire que de ces pays d’Afrique, deux groupes se distinguent : ceux qui ont

choisi de se plaire dans un état de chose, d’y prendre goût et d’en tirer profit,

malheureusement au détriment de ses peuples marginalisés. Et ceux qui ont choisi la

voix des réformes, portant sur le droit pénal, les procédures judiciaires, les mesures

disciplinaires contre les magistrats, la lutte contre la corruption. Mais nous regrettons

aussi que la plupart de ces nobles initiatives ne portent pas leur fruit sur le terrain.

Serait-ce la preuve encore une fois que le problème n’est pas traité à la bonne échelle,

c'est-à-dire à la source1147

?

A y voir de plus près, on se rend bien compte que le problème se situe à divers

échelons, voir à tous les échelons du système judiciaire et crée une sorte de spirale

cyclique avec des répercutions. C'est-à-dire qu’avant tous, les écoles de formation et de

préparation des magistrats souffrent d’un véritable manque de professionnalisme et

rencontrent d’énormes difficultés liées à la formation des magistrats et auxiliaires de

justice. Ce qui a pour effet de rendre les décisions quelques fois peu fiables et même

pire dépourvues de fondements juridiques. Ce qui à son tour a pour effet de faire naitre

1146

Ibidem. 1147 Cf. paragraphe 2 de la section.

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un sentiment d’injustice chez le justiciable. Ce sentiment qui fait que même quand par

un miracle quelconque un juge est surpris à rendre droit, de façon impartial et correct,

l’on préfère se dire encore une fois que la justice à mal tourné, surtout du côté du

perdant.

L’autre chaine de raisons réside dans la pauvreté et le manque d’investissements dans ce

domaine de l’Etat. On constate aujourd’hui une insuffisance du personnel et une

absence de politique de recrutement de nouveaux magistrats afin de permettre à la

justice de se désengorger et aux juges de mieux dire droit. La conséquence de cet

engorgement, c’est des juges avec des tonnes de dossiers différents à traiter en un temps

record, un salaire piteux et des conditions de travail déplorables. Ce qui a pour effet de

favoriser la corruption, qui ôte à la justice toute son impartialité et par la même occasion

sa crédibilité. Le ministre malien1148

mettait ainsi l’accent sur « la mise en cause des

lenteurs de procédure en matière pénale et souligne que “ les juges sont très souvent

accusés de prendre des libertés avec les règles élémentaires de la déontologie, parlant

plus généralement à propos des auxiliaires de justice de déloyauté. Je souhaite ainsi

rompre définitivement avec les expédients et les solutions de replâtrage. Il s’agira pour

la commission en charge des concertations régionales de réconcilier les attentes et les

besoins des usagers de la justice, dans les hameaux de culture, les usines, ateliers,

boutiques, bureaux et supermarchés car le plan d’action doit permettre de sortir des

sentiers battus des résolutions et séminaires et des succédanés de solutions

miraculeuses »1149

.

Preuve en ai qu’à ce jour, il existe très rarement des recueils de décisions judiciaires

nationales rendues, que ce soient sur le droit national que le droit communautaire. Les

décisions n’étant pas dignes de présenter une argumentation juridique solide et encore

moins d’être exempte de critique. Même auprès des juridictions, nos travaux et nos

déplacements à la cour d’appel de certains Etats de l’espace harmonisé nous ont permis

de nous rendre compte de tout le scepticisme dont font preuve ces acteurs de la justice

quand il s’agit de mettre à disposition des décisions rendues par leurs juridictions. Nous

nous sommes heurtés soit à des refus catégoriques, soit à des procédures de mise à

disposition, interminables juste dans le but de décourager les curieux et les critiques. Le

professeur Le Roy confirme en relevant qu’« on peut s'étonner que les décisions ne

1148

Ibidem. 1149 Ibidem.

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soient pas publiées, que la jurisprudence et la doctrine, sources secondes du Droit

positif, soient cherchées dans les ouvrages de Droit publiés à Paris à Montréal ou à

Liège et qu'ainsi l'internationalisation du Droit précède son unification nationale »1150

.

Une autre difficulté réside dans la lenteur administrative de la justice africaine. En effet,

tout ordre juridique communautaire pour être efficace et rapide doit s’appuyer sur une

justice tout aussi rapide et efficace. Avec des procédures simplifiées et rapides pour

désengorger la justice et soulager au plus vite non seulement les juges mais aussi les

justiciables1151

. Force est de constater cependant que dans la plupart de ces Etats, des

personnes accusés pour des délits ou des crimes passent des mois d’incarcération sans

être présenter à un juge ni même eu droit à l’assistance d’un avocat1152

. Ce qui est

logique quand on sait que des codes de procédures pénales datant de plus d’un demi-

siècle, existent encore et sont en vigueur de surcroit, dans certains pays d’Afrique. Il

n’existe aucune forme de développement économique et encore moins juridique

communautaire qui puissent exister sous de telles pratiques archaïques. Le journaliste

Diabaté affirmait dans son article avec une once de mépris : « Peut-on véritablement

prétendre à une justice crédible lorsqu’elle est rendue dans des palais décrépis et

lézardés avec un matériel de travail inexistant ou obsolète ? Doit-on encore se complaire

à contempler les anciens premiers présidents de cour suprême réduits à arpenter les

couloirs du tribunal et des bureaux à la quête de leur pitance quotidienne? Si les juges et

les applicateurs du droit doivent s’attendre à une réhabilitation de leur cadre de vie et à

l’amélioration de leur condition de travail ils doivent en retour avoir à l’esprit le

sacerdoce que requièrent leur charge et l’existence d’impartialité et d’équité qui doit

sous-tendre leur décision »1153

. Des propos aussi crus qu’avérés qui démontrent bien

l’énormité des problèmes qui ruinent la prospérité de cette justice africaine1154

.

L’auteur soulève ainsi les nombreux heurtes et l’égarement de cette justice africaine

dans le grand champ de la normalisation communautaire mais aussi sous l’influence

d’autant de pratiques encrées dans les esprits et présent dans ce que nous qualifierons de

1150

Ibidem. 1151

Sur le sujet, voir aussi AQUEREBURU A. C., « L’état justiciable de droit commun dans le traité de l’OHADA », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118

e Année,

Numéro 865, Octobre – Décembre 2008. 1152 Ibidem. 1153

In Le Roy E., op.cit, p 24. 1154 Sur la question, cf. CUNIBERTI G., « Les caractéristiques prêtées classiquement à la tradition juridique continentale », Revue spécial ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro spécial, Mars 2014, pages 7.

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« quotidien de la justice africaine ». Plus loin dans l’analyse, on se rend bien compte

que la justice africaine1155

est un moteur de développement et qu’à ce jour elle ralentit

plus ce développement qu’elle ne la booste. Il urge à cet effet de réfléchir sur la

démarche à adopter pour la sortir de cette paralysie et de cette suffisance nocive pour les

justiciables, la justice elle-même, le développement, l’Etat et surtout pour les nouveaux

courants d’intégration communautaire qui apparaissent en Afrique et sont en quête

d’extension et de légitimité.

B. La renaissance de la justice africaine1156

A l’heure d’y apporter des solutions, les approches s’avèrent totalement différentes. En

effet, le professeur Le Roy, dans son analyse personnelle soulève et soutient un besoin

pour la justice africaine de retourner à ses sources. D’où son concept

d’« indigénisation ». Il soutient avec de forts arguments et une bonne logique que la

justice africaine s’est longtemps cramponnée à un idéal1157

, une vision de son

organisation et de son fonctionnement totalement inspiré de l’ex puissance coloniale

française1158

. Ce qui n’est pas du tout faux surtout quant on sait que dans certains pays

d’Afrique à ce jour, c’est encore des codes français qui sont en vigueur, sans aucune

adaptation ni aucune modification substantielle. Ainsi à juste titre, il relève que « si on

cherche à démêler dans l'écheveau des facteurs celui qui serait surdéterminant doit-on

souligner le caractère doublement exogène du Droit et de l'organisation judiciaire

officiels. L'un et l'autre sont en effet étrangers par leur origine. Introduits par le

colonisateur et avec le système colonial, ils ont été l'instrument privilégié du contrôle

des populations aux mains de ces administrateurs appelés "empereurs sans sceptre" et

qui, par le régime de l'indigénat jusque 1944, ont fait régner un régime juridique

discriminatoire et "l'Etat de non-Droit"1159

. Puis, l'un et l'autre ont été utilisés

politiquement pour transmettre au moment des Indépendances le pouvoir d'Etat aux

élites sélectionnées par le colonisateur et pour protéger le pouvoir naissant de toute

1155

Cf. MANCUSO S., « la coexistence du droit civil et du Common Law en Afrique », Revue spécial ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro spécial, Mars 2014, pages 169. 1156 Sur le sujet, voir aussi COUSIN B., « OHADA, un correctif au fonctionnement de la justice », Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008. 1157 Ibidem. 1158

Ibidem. 1159 Voir Le Roy et Kuyu 1997.

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tentative de confiscation. De là est née une association forte entre l'autoritarisme et le

Droit, association qui pose de vrais problèmes de crédibilité en phase de

démocratisation »1160

. Cette illustration est fort intéressante faisant l’état des origines du

droit africain mais surtout ciblant par la suite les difficultés de la justice africaine à cet

emprunt du Droit au colon.

A cet effet, le professeur Le Roy milite pour que la justice africaine retrouve ses réalités

socioculturelles, épouse le traditionalisme des anciennes sociétés africaines et fasse

ressortir de ce mélange, une justice certes indigène mais plus réflectrice des

considérations sociales africaines, plus crédible, plus souveraine et plus légitime. Il

émet en guise d’hypothèse-proposition : « Ne doit-on pas opérer un renversement de

tendance et opter pour une voie, certes plus difficile, mais autrement opératoire,

remettant en question le fétichisme du texte codifié et la schizophrénie des acteurs niant

cet abîme entre les discours juridiques et les comportements au quotidien ? Ne doit-on

donc pas faire coller les dispositifs aux pratiques des agents et non imposer une

conversion à "l'empire du Droit", un Droit si étranger aux citoyens qu'ils en deviennent

“ gauches ”, comme s'ils étaient tenus à l'écart de leur propre histoire, donc de leur

propre devenir ? »1161

.

Cette option nouvelle en faveur d'une endogénéité de la justice africaine peut se

présenter sous deux politiques et ainsi suggérer deux types de solutions selon lui. La

première est abordée comme une réindigénisation de la justice. Si l'idée peut paraître

judicieuse dès lors qu’elle ne signifie pas la recherche de quelque retour vers un âge d'or

qui n'a jamais existé, elle est toutefois eu égard à notre analyse personnel dépassée et

inefficace. La seconde, est présentée sous la forme d’une « refondation »1162

de la

justice africaine, celle-là qui nous parait la plus opportune au regard de divers facteurs

et du cadre institutionnel et communautaire dans lequel nous fait évoluer à ce jour la

mondialisation ou globalisation économique.

En effet, réindigéniser la justice africaine et corrélativement le droit africain nous parait

être un pari trop risqué car le monde n’a pas attendu l’Afrique et a poursuivi son

développement. C’est dire à ce jour que si le continent se veut être encore au rendez-

vous des nouveaux enjeux mondiaux, à l’air de la mondialisation, du capitalisme et de

1160Le Roy E., ibidem. 1161

Ibidem. 1162 Ibidem.

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l’essor économique, revenir à une justice indigène ou un droit ancestral est constitutif

d’un retour dans le passé. C’est un risque trop grand à prendre et pire sans aucune

garantie réelle de réussite et de prospérité. L’Afrique doit être à l’heure, non pas une

heure africaine, non pas se refermer sur elle-même mais à l’heure du monde. A l’heure

de l’essor du droit international, à l’heure du communautarisme et de l’intégration

internationale, à l’heure de la compétitivité et de la guerre économique1163

. Aujourd’hui,

il n’est plus question pour un Etat d’envisager une forme de développement possible

seul et sans aucune coopération communautaire ni internationale.

L’autre incidence d’une telle manœuvre serait de ramener les Etats africains vers une

codification nationale et non plus communautaire. Car comme le soutient le professeur

Le Roy, si les Etats aujourd’hui devraient réformer leur justice en considérations de

facteurs traditionnelles et de pratiques africaines, il est évident que la chose est d’or et

déjà vouée à l’échec. Car un seul Etat africain, c’est plus de 50 ethnies différentes, donc

autant de pratiques, autant de modes de gestion des conflits, autant de cultures et de

richesses. L’on se doit donc de faire le tour pour en examiner les bonnes et les moins

bonnes pratiques, ce qui s’avère déjà être un travail impossible. Ensuite l’envisager, si

l’on reste dans une politique de communautarisme, à une échelle régionale serait tout

aussi impossible et hasardeux.

Tout ceci justifie le fait que nous n’options point pour cette première solution.

La seconde nous parait cependant plus judicieuse mais appelle à une forte implication et

une prise de conscience générale1164

.

Nous transposons ici, des travaux à l’échelle de la justice africaine, des débats ayant

trait à l’Etat africain sur l’ensemble du continent à partir d’un programme de recherche

associant les chercheurs du CODESRIA (Dakar) à ceux du GEMDEV (Paris) et de

l’Association Canadienne des Etudes Africaines (Montréal) et cherchant à faire la part

de l’indigénité et de la modernité dans la formation de l’Etat contemporain. , ainsi que

les divers arguments soutenus par le professeur Le Roy dans l’introduction de son

1163

Ibidem. 1164 Ibidem.

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ouvrage qui en présente les résultats ; où il prononce un « adieu à la notion

d’indigénisation »1165

.

La refondation du droit africain comme elle fut déjà mise en œuvre par le traité

OHADA appelle nécessairement à une refondation de la justice africaine. La justice

africaine doit aujourd’hui pallier modernité et compétitivité. Elle doit satisfaire les

attentes du contribuable national, du justiciable étranger, de l’investisseur ou de

l’entreprise, des divers acteurs économiques pour résumer. C’est dire que la garantie

d’une sécurité judiciaire dont pourrait se vanter des organisations d’intégrations comme

l’OHADA n’a de valeur si elle n’est accompagnée d’une sécurité judiciaire. Celle-ci ne

peut se faire que par cette refondation et cette réforme de la justice africaine.

Ainsi, certains auteurs parlent déjà de l’opportunité d’un acte uniforme portant code de

procédure communautaire, qui serait en vigueur dans tous les Etats parties et viendrait

ainsi pallier aux insuffisances des codes nationaux en la matière. L’idée est noble et

intéressante mais sa mise en œuvre parait assez problématique et ambigüe quand on sait

que les réalités sociales sont différentes1166

et que les Etats ont énormément de mal à

l’abandon d’une part de souveraineté. Mais cette solution nous parait être la plus

plausible, ayant le mérite de résoudre la question une fois pour de bon, au plan

communautaire et sans laisser de place aux lacunes internes quand il s’agit de réformes

législatives et éviter ainsi la forte impulsion du politique. L’idée se soutient encore plus

quand on songe à la conception d’une organisation communautaire générale, comme

nous l’avons proposé dans nos précédents développements.

Il s’agira aussi dans cette refondation de la justice, de pallier à d’autres problématiques

majeures notamment la corruption, les abus de pouvoirs1167

afin de garantir l’exercice et

la mise en œuvre des réformes1168

dans un climat propice et dans les meilleures

conditions1169

.

Notre esprit critique nous impose cependant de relativiser, de remettre en cause les

fondements de cette approche et de ce point de vue, faisant ainsi notre les inquiétudes

1165

Ibidem. 1166 Tribunal de prud’hommes y trouve leur sens. 1167 Cf. CARPANO E., « La CJCE valide une inspection sur une entente à la portée « probablement mondiale », Editions législatives, Septembre 2014, p. 5 1168 Cf. Dictionnaire permanent – droit européen des affaires, septembre 2014, p. 3 - 6 1169

A l’image d’une Europe qui donne libre accès à certains documents de négociations internationales, dans un souci de clarté et de légalité, chose louable

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du professeur Le Roy en ces mots : « Il est donc concevable d’accepter de se plier aux

pratiques du plus grand nombre. Mais ne risque-t-on pas, par la négation du mot de

dénier une certaine réalité et, selon une image familière, de ‘’jeter le bébé avec l’eau du

bain’’? La bonne raison de récuser un passé honni doit-elle conduire à récuser toute

référence au passé ? »1170

.

Mais en conclusion, l’Afrique doit répondre aux besoins et aux exigences du fait

d’appartenir au monde, à un espace internationalisé très attractif et changeant, à un

marché international en permanentes mutations, qui n’a de place pour les faibles ; mais

aussi et surtout elle se doit de répondre à ses propres besoins, aux besoins de son

peuple, aux besoins de développement de ses pays, aux besoins d’une population

pauvre, affamée et décimée par les guerres et les conflits. C’est ainsi que le dernier

développement de ce travail scientifique se veut être un appel à la conscience, un coup

de gueule à l’élite africaine et aux politiques africains, une doléance et une exhortation à

la remise en cause, à la critique personnelle, au déclenchement urgent de ce que nous

avons nommé « la limite consciente de l’inconscience africaine ».

Paragraphe II : Le concept de « limite consciente de l’inconscience

africaine »

« Quand le droit bavarde, le citoyen ne lui prête plus qu’une oreille distraite »1171

,

effectivement, quand le droit, la justice, les acteurs ne donnent plus aucune certitude,

aucune garantie, aucune crédibilité, le citoyen perd toute foi en un avenir meilleur.

Cheibane Coulibaly, directeur de rédaction d’un journal malien disait qu’ : « un

intellectuel doit être une conscience quelle que soit par ailleurs sa position

institutionnelle et ses choix politiques : une conscience qui aide à la prise de conscience

générale et qui, par conséquent, doit garder une position critique »1172

.

Avant toute chose, il est important de préciser que notre étude ici cible véritablement les

réalités africaines, qu’elle n’est que la résultante d’expériences personnelles, de

connaissances de faits réels et déplorables qui ruinent non seulement l’économie

1170

Cf. DAVID E., op. cit, p. 189 1171 Rapport public annuel du Conseil d’Etat, « De la sécurité juridique », la documentation française, 1991. 1172 Ibidem.

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africaine, l’aboutissement de toute œuvre de développement et surtout la mise en œuvre

et l’efficacité de toutes les formes de solutions entreprises jusque là.

Ainsi, avant de développer ce concept, d’en présenter tout l’intérêt et les raisons qui ont

motivé une telle conception, représentons les difficultés et les raisons des échecs, non

seulement de toute tentative communautaire de développement, de toute œuvre de

codification abouti et de toute noble initiative de développement dans le contexte

africain.

A. Les fondements du concept de limite consciente de

l’inconscience

René Descartes disait dans le discours de la méthode1173

, tout au début de son analyse

que « la raison est la chose du monde la mieux partagée »1174

. Il soulève l’idée avérée

d’une conscience humaine, au-delà de toute connaissance et de tout intellect, qui non

seulement différencie l’être humain de l’animal mais assure le discernement entre le

bien et le mal.

Selon nous, c’est le fondement même de la justice, du droit, de la répression, en

considérant justement que tout œuvre humaine est accomplie en partant du principe que

son auteur avait cette faculté de savoir si l’acte en question relevait du bien ou du mal.

Ce qui rendait donc punissable ce dernier en considérant que sa mauvaise foi ait pu

motiver un acte, qui jugé par tous passait pour le mal. C’est aussi l’idée de rendre

justice sur le fondement que le juge, fait une saine distinction entre ce qui constitue le

mal et le bien. Une faculté très importante dans la conception que l’on se doit d’avoir de

la justice.

Cependant, un facteur ne fut pas laisser à l’écart, celui de l’intervention de

l’inconscience dans le jugement humain. C’est dire que certains actes peuvent être

accomplis dans une totale ignorance de leurs réelles implications et effets à court ou

long terme. Une limite à cette conscience et cette faculté de discernement du bien et du

mal étant donné que l’acte posé tient compte d’un état d’esprit et d’une analyse

1173

Descartes R., introduction au Discours de la Méthode, version électronique, 2014. 1174 Ibidem.

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personnelle de l’individu en un temps T. voisin de sa commission, sans pour autant y

introduire, dans ce raisonnement les conséquences futurs ou les évaluer à juste titre.

Restons néanmoins dans ce contexte ou l’individu est bien conscient des effets négatifs

de sa démarche. Nous soutenons l’idée, pas totalement objective certes mais tout aussi

fondée, que l’être humain, à un moment ou à un autre dans sa chaine de décisions, est

rattrapé par cette conscience. Ceci va se déclencher sous la forme d’une remise en cause

personnelle où sa conscience, à un moment ou l’autre relèvera tout le mal de l’acte posé.

En termes plus clair, c’est ce moment où l’individu se pose intérieurement la question :

« mais qu’est ce que je viens de faire ? Ou qu’est ce que j’ai fait, je n’aurais pas dû ? Ou

encore est ce que c’est bien ce que je viens de faire ? ». Ces diverses questions

surviennent au moment où la conscience humaine reprend enfin le dessus, délivre l’être

de toute emprise négative. Ce que nous avons appelé la « limite consciente de

l’inconscience ».

Ce moment peut intervenir la minute d’après, l’heure qui suit ou même des jours après,

quand l’individu prend réellement la mesure des implications de son acte. Le but de

notre analyse ici est d’interpeller cette limite consciente, de la déclencher non pas après

la commission de l’acte mais bien avant, dans le but de l’éviter.

En droit pénal, ceci reviendrait à parler non plus de répression mais de prévention des

actes pénaux, sous la forme d’un appel à la conscience collective, un processus qui

déclencherait le raisonnement humain. En droit des affaires et en droit communautaire,

c’est plutôt un appel adressé aux acteurs juridiques et politiques de l’espace harmonisé

afin qu’ils prennent conscience des enjeux, des besoins et des défis du développement

africain. Ce qui, au regard des réalités socio-économiques et culturelles et des

mentalités, n’est pas encore le cas.

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B. Le contexte africain et les fondements du concept

« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »1175

, Montesquieu.

« Les hommes sont très rarement dignes de se gouverner eux-mêmes »1176

, Voltaire.

Notre étude nous a permis de parcourir énormément de travaux de recherche sur le droit

africain, sur le droit communautaire, sur les implications juridiques du développement

africain qui ont été le cadre de diverses propositions, de solutions de développement et

de diverses mesures et approches pour rendre plus attractifs et plus efficace le marché

économique africain. De ces constatations, nous tirons une première conclusion : le

continent africain dispose à ce jour de toutes les ressources humaines et financières, de

tout le savoir et de tout l’intellect pour être elle-même acteur de son développement et

de son éclosion au plan international.

Alors la question que l’on se pose est de savoir à ce jour où se situe le problème, qu’est

ce qui maintient encore ce continent, ces peuples africains dans un tel état de pauvreté ?

C’est avant tout une question de prise de conscience, une question de sensibilisation des

africains. Il est évident qu’à ce jour, les divers acteurs nationaux comme communautaire

ignore presque tout de l’importance et de la portée de la notion de l’ « intérêt général ».

Car il est regrettable de se rendre compte à ce jour que des politiques africains, des

hommes d’affaires, des chefs de gouvernements, des acteurs décisionnaires auprès des

instances communautaires, des représentants politiques, privilégient encore des intérêts

personnels dans les décisions qui engagent tout un Etat, tout un peuple et des centaines

de millions de vies, de foyers, d’enfants, l’élite africaine de demain.

Notre but est donc de déclencher dans l’esprit de toutes ces personnes une petite

conscience, une petite lueur d’espoir pour l’Afrique. Il est tant que nous nous remettions

en cause, que nos décisions, nos actions nous interpellent personnellement, que nous

nous demandons si ce sont les bonnes décisions, les meilleures pour l’intérêt général.

En Afrique aujourd’hui, certains politiques détournent encore des fonds et des

ressources destinées à des projets sociaux, d’électrification, d’accès à l’eau, de

construction d’écoles ou d’hôpitaux, destinés aux populations les plus reculées, au plus

1175 In Rapport public annuel du Conseil d’Etat, op. Cit, p. 25. 1176

Voltaire, Dictionnaire philosophique, in YACOUB J., Les Minorités dans le monde, faits et analyses, Desclée de Brouwer, 2006.

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démunis et visant à réduire la pauvreté. Il y a moins d’un mois encore au Bénin, la

presse nationale et internationale faisait état d’un détournement de prêt de 3 millions

d’euros pour un projet d’accès à l’eau financé par les Pays-Bas. Une somme détournée

par certains membres du gouvernement à des fins personnelles. C’est le sort

d’énormément de ressources et de projets de financement à l’endroit des plus pauvres

qui finissent dans des comptes personnels des dirigeants. Ceci a fait de l’Afrique à ce

jour le siège de toutes les incertitudes et de l’incompétence, le lieu de toutes les

malversations financières et des détournements, de la corruption et d’autant de pratiques

qui ruinent le développement et appauvrit les peuples.

C’est évident que tout œuvre de communautarisme, toute instauration d’un ordre

juridique communautaire soit disant dans un souci de rendre plus sécurisé l’espace

économique et de garantir le développement soit voué à l’échec et ne connaisse aucune

fin heureuse. A ce jour, ni l’OHADA, ni les organisations communautaires régionales

ne peuvent se vanter d’avoir réussi le moindre essor économique africain. C’est

conclure en constatant que l’extension et la réussite des objectifs du droit

communautaire, l’aboutissement des ambitions juridiques, économiques dépendent à ce

jour d’une prise de conscience, d’un déclenchement de cette limite consciente de

l’inconscience.

Car oui, nous voulons bien croire que ces politiques, qui ruinent l’économie africain

sont inconscients des implications de leurs actes sur des familles et des familles. Qu’ils

ignorent qu’ils réduisent ainsi les rêves de milliers de jeunes prometteurs, en soif de

savoir et pleins d’idées novatrices pour le continent1177

, d’enfants à scolariser1178

, de

populations à sortir de la misère1179

; qu’ils ruinent l’avenir de ces peuples. Il est temps

que l’Afrique soit un acteur, l’acteur de son développement. Il est temps que l’on cesse

de servir des ambitions personnelles, pour laisser lieu à l’intérêt général. Il est important

que le continent sorte ses fils et filles et leur donne les moyens de leurs rêves.

Nous considérons, et d’un avis personnel, que l’aboutissement de tout œuvre

communautaire repose avant tout sur ces considérations fondamentales et cruciales.

Pour songer à se développer ensemble, il faut avant tout être convaincu de partager la

1177

Des bourses d’études sont détournées ou accorder non plus en fonctions de critères d’excellence mais d’affinité avec le politique. 1178

La scolarisation des filles qui est encore un mythe dans certaines régions d’Afrique. 1179 Des familles vivent encore en Afrique avec moins d’un euro au quotidien.

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même vision, de rechercher les mêmes résultats, de partager la même conviction et la

même motivation.

Aussi, cette démarche se veut être un appel à l’intellectuel africain, à la doctrine, aux

chercheurs qui écrivent énormément, mais se contentent de proposer des solutions, étant

conscient que la plupart ne verront jamais le jour. Il est important à ce jour que

l’intellect africain prenne la mesure de ses responsabilités et s’irriguent en acteur du

développement juridique et économique.

Nous devons aujourd’hui avoir à l’esprit, dans tout œuvre de réflexion, dans tout travail

scientifique, dans toute prise de décisions, dans toute démarche impliquant un intérêt

général ces quelques mots : « Le réel développement de l’Afrique doit commencer

aujourd’hui et ce sera par moi ».

C’est l’aboutissement de ce concept de limite consciente de l’inconsciente, c’est le

déclenchement de notre conscience africaine. Il est évident aujourd’hui, bien au-delà de

notre approche juridique, que le continent africain pour se développer à besoin de tous

ses fils et toutes les connaissances, dans tous les domaines.

Nous conclurons notre étude en disant que la première réforme pour l’efficacité, la

consécration, le développement et l’extension du droit communautaire est une réforme

générale mais surtout personnelle de la « conscience africaine ».

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Conclusion de la seconde partie

Le bilan de cette partie de notre étude est aussi positif que négatif dans la mesure où

l’OHADA fait toujours l’unanimité au niveau des Etats membres et est toujours un

acteur très influent dans le processus d’uniformisation juridique du droit des affaires en

Afrique. « Le premier indice tendant à prouver que les Etats membres de cette

organisation ont conscience du potentiel qu’offre l’OHADA à leurs citoyens, réside

dans le paiement par la moitié de ces Etats, de l’intégralité de leurs cotisations. A

l’exception du Congo (qui vient de ratifier le traité) et des Comores, les six autres ont

versé une partie de leur contribution. Quand on sait les difficultés financières auxquelles

ces Etats sont confrontés, on ne peut que noter leurs gestes ». Le démontre aussi la forte

implication de ces Etats dans le processus de formation des magistrats chargés

d’appliquer le nouveau droit uniformisé.

Nombre de ces derniers ont été formés à l’ERSUMA1180

et disposent non seulement des

textes, mais également des codes annotés. Ces magistrats restituent l’enseignement dont

ils ont bénéficié dans leurs écoles nationales d’administration et de la magistrature1181

.

Les auxiliaires de justice (avocats, huissiers de justice, notaires) disposent des textes.

Les grandes entreprises, les banques, les organisations professionnelles ont mis leurs

conditions d’exercice en conformité à l’OHADA. Le RCCM a été mis en place au Togo

sur support papier. C’est dire et reconnaitre les efforts et la qualité du dispositif mis en

place pour atteindre les objectifs fixés.

Cependant, un certain nombre de difficultés persistent, des difficultés qui existaient

pour la plupart bien avant la création de l’OHADA. Ils restent à résoudre, tant s’agissant

de la sensibilisation, de la formation que de l’application des textes et des compétences

de la CCJA, l’organe juridictionnel.

S’agissant aussi de l’application et de l’efficacité des normes OHADA, le retard d’une

mise en place du registre du commerce et du crédit mobilier et la lourdeur

1180

La priorité du programme de formation de l’école est donnée à la celle des formateurs qui devront restituer dans leur pays, l’enseignement qu’ils auront acquis à Porto Novo. Ainsi, la Commission européenne sera assurée d’atteindre ces objectifs : la formation de tous les acteurs concernés. 1181

« Les personnels des ministères ne sont pas sensibilisés et ne peuvent répercuter les nouvelles dispositions à leurs interlocuteurs. Les PME sont peu informées. Un grand nombre de magistrats reste à être formé. De même que les auxiliaires de justice. De cette carence de formation, apparaissent des divergences dans l’interprétation des textes ».

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procédurale1182

suscite de grosses inquiétudes aux sociétés et banques supposées y

accomplir des formalités1183

.

A ce jour, il est notoire qu’en dépit de l’existence de l’OHADA en sus d’autres

organisations communautaires sous régionales telles que la CEMAC, la CEDEAO et

l’UEMOA auxquelles appartiennent ces Etats membres, « il est regrettable de constater

la persistance des frontières administratives et politiques lesquelles ne favorisent pas la

mise en œuvre effective des objectifs communautaires à savoir l’union économique et

ou l’union monétaire dont la réalisation exige au préalable le respect des quatre libertés

fondamentales notamment : la libre circulation des personnes, la libre circulation des

marchandises, la libre circulation des capitaux et services ».

Les conclusions d’une étude récente organisée retenaient qu’ « Aux termes de cette

enquête qui fait apparaître l’état d’avancement ainsi que les contraintes de la réforme à

travers le diagnostic des institutions et des Etats, la mission pense avoir fourni à la

Commission européenne des éléments objectifs sur lesquels elle pourra fonder sa

décision d’apporter un soutien financier à l’OHADA. La mission a tenu compte des

exigences de la Commission européenne et des priorités de l’OHADA pour lui proposer

d’apporter un appui financier à la formation ». Nous ne devons pas avoir peur

d’enfoncer des portes déjà ouvertes disait le Professeur MEYER.

Cependant, force est de relever que la construction de l’édifice de l’OHADA semble

n’avoir que très faiblement pris en compte l’environnement institutionnel africain et la

présence d’ordres juridiques voisins avec lesquels il eût sans doute fallu rechercher une

meilleure articulation. Mais aussi la persistance de divers facteurs sociaux, de pratiques

diverses, qui ruinent la construction et la stabilisation de l’édifice communautaire et

rend presque impossible le rêve, qu’un jour l’OHADA et tout ce qui constitue à ce jour

des modèles d’intégrations voisins, impliqués dans les ambitions de développement des

peuples africains, arrivent réellement à bon port. Que tout cet élan et cet engouement

autour de l’intégration communautaire ne soit enfin que de pures illusions.

1182

Doivent également y être inscrites certaines sûretés constituées depuis le 1er janvier 1998. Les banques sont dans l’impossibilité matérielle de respecter ces dispositions qui sont pourtant d’ordre public. 1183

« En effet, bien que les formulaires du registre aient été adoptés par l’OHADA, les ministères de la justice ne les ont pas encore mis à la disposition des greffiers. Or au 31 décembre 1999, les modifications statutaires imposées par l’OHADA (augmentation de capital par exemple), doivent y être enregistrées. A défaut, les sociétés sont susceptibles d’être dissoutes de plein droit ».

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CONCLUSION GENERALE

L’histoire de l’humanité nous enseigne énormément sur l’évolution de notre

monde, des sociétés, et l’émergence des droits des affaires, s’étant placé au cœur de

toute la construction communautaire. Diverses organisations internationales ont, à cet

effet, apporté des aménagements, dans le souci d’adapter leurs règles communes aux

réalités d’un marché sans cesse en mutations et de plus attractifs et concurrentiels.

L’évolution des sociétés commerciales, le développement et la mondialisation1184

, le

libre échange ont permis l’émergence d’une nouvelle organisation du monde des

affaires en Afrique à travers uniformisation des règles afin de garantir une certaine

sécurisation du marché régional. De nouvelles dénominations vont naître comme le

concept d’entreprises1185

, d’entreprenant, les conventions collectives1186

.

Un droit des affaires, qui se veut protecteur des intérêts des investisseurs mais

aussi de l’équilibre des rapports contractuels1187

, progressiste, évolutif. De ce fait,

chaque Etat est tenu par ces dispositions supra législatives et adopte une politique

nationale en tenant grand compte des contingences économiques1188

communautaire.

L’exemple de cette politique visant à une réglementation des secteurs du droit du travail

qui est parti d’une conception totalement nationale, prenant en compte les réalités

économiques de chaque Etat pour entrer, avec le phénomène de la mondialisation,

l’ouverture des frontières et le libre-échange dans une perspective d’intégration

régionale1189

. D’ailleurs, selon le Professeur Joseph Issa-Sayegh, « Si l'on raisonne par

analogie avec l'intégration économique qui consiste en une unification des politiques

conjoncturelles, sectorielles et structurelles sous l'égide d'une autorité supranationale, on

1184

Élargissement du champ d'activité des agents économiques (entreprises, banques, Bourses) du cadre national à la dimension mondiale. 1185

Affaire agricole, commerciale ou industrielle, dirigée par une personne morale ou physique privée en vue de produire des biens ou services pour le marché ; unité économique de production ; firme. 1186

Accord relatif aux conditions d'emploi et de travail ainsi qu'aux garanties sociales, conclu entre un employeur ou un groupement d'employeurs et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives des travailleurs. 1187 Le caractère protecteur se justifie par la protection que le législateur OHADA accorde au salarié économiquement faible par rapport à l’employeur économiquement puissant. 1188

Les réalités économiques, son pouvoir d’achats, la conjoncture économique nationale sont des facteurs qui entrent en jeu dans l’élaboration de ces normes au sein des Etats. 1189

L’établissement de dispositions qui ne régissent pas qu’un Etat mais toute une communauté internationale.

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est incité à dire que l'intégration juridique doit tendre à une unification des politiques

législatives dans les matières juridiques en relation avec l'intégration économique »1190

.

Ainsi, au nombre de toutes ces institutions ayant vue le jour dans ce concept

d’intégration juridique et économique, chacune apporta, à sa façon sa pierre à la

construction d’un ordre juridique communautaire, supprimant les frontières, instaurant

un marché unique ou une monnaie unique, des dispositions, des règles communes, un

cadre institutionnel et un système judiciaire commun. Ainsi, autant l’Union Européenne,

la CEDEAO1191

, la CEMAC1192

, UEMOA1193

, l’OHADA, ont été de véritables acteurs

du droit communautaires.

A l’issue de cette étude menée, en considérant les acquis, les difficultés, les

réaménagements, les autres difficultés nouvelles ou persistantes, on peut valablement

reconnaître qu’il est un mérite que l’OHADA ait réussi l’intégration juridique du droit

des affaires. des textes très importants ont été adoptés, la doctrine a été des plus active

et diverses réformes sont venues consolidées la nouvelle construction du droit des

affaires OHADA.

Cependant, en cette fin du vingtième siècle et de la quatrième décennie des

indépendances africaines1194

, « on peut tirer de l’histoire récente, outre le rappel

constant de la très grande diversité des Afriques rendant toute généralisation délicate,

voire abusive, une leçon relative à la grande originalité des évolutions constatées sur le

plan social alors le mimétisme l’emporte sur le plan institutionnel et que l’entropie

1190 Issa-Sayegh J., « L'intégration juridique des États africains de la Zone franc », Recueil Penant, n° 823, p. 5. 1191 Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest créée le 28 Mai 1975. C'est la principale structure destinée à coordonner les actions des pays de l’Afrique de l'Ouest. Son but principal est de promouvoir la coopération et l'intégration avec pour objectif de créer une union économique et monétaire ouest-africaine. 1192

Communauté Economique Monétaire de l’Afrique Centrale. Le Traité instituant la CEMAC a été signé le 16 mars 1994 à Ndjamena (Tchad). Il est à ce jour ratifié par Décrets Présidentiels par le Cameroun, la Guinée Équatoriale et le Tchad. Ces décrets concernent également l'additif au traité relatif au régime juridique et institutionnel de la CEMAC, ainsi que la convention régissant l'Union économique de l'Afrique centrale (UEAC) et la convention régissant la Cour de justice de la CEMAC, signés le 5 juillet 1996 à Libreville. 1193

L’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA) a été créée par le Traité signé à Dakar le 10 janvier 1994 par les Chefs d’Etat et de Gouvernement des sept pays de l’Afrique de l’Ouest ayant en commun l’usage d’une monnaie commune, le F CFA. 1194

« Cette vitalité protéiforme qui s’exprime principalement dans une nouvelle culture relationnelle, où les innovations sont remarquablement rapides a cette particularité de se situer, à cette phase de l’histoire, entre les divers éléments ou facteurs qui se sont confrontés sur le continent depuis plusieurs siècles. »

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guette la vie économique ». Comme le relève Ph. Engelhard, « L’Afrique, en dépit des

séismes subis, produit en certaines de ses parties le seul bien rare de l’avenir, dont elle

constitue une sorte de laboratoire : la capacité relationnelle. Les civilisations

occidentales et asiatiques vont peut-être finir dans l’autisme (...) Le continent africain en

fabrique l’antidote sous nos yeux, mais nous ne le voyons pas. Ce qu’on a appelé l’afro-

pessimisme est sans doute une des plus grandes fautes de jugement de ces vingt

dernières années. La vitalité protéiforme du continent noir pourrait bien produire, en

quelque jour, le miracle africain. Ce n’est pas une certitude, seulement un pari et un

espoir. Ils ne sont pas dénués de raisons ».

Le monde des affaires aujourd’hui s’est inscrit dans une politique de dynamisation des

modes d’échanges ce qui à pour conséquence d’obliger les Etats à prendre en compte

les divers flux économique mais aussi ces diverses réalités nouvelles des marchés. Sur

la question, la doctrine s’accorde à reconnaître que le droit OHADA est un droit

uniforme. Selon le Professeur Santos et Souleymane Toe : « le procédé utilisé pour cette

harmonisation est celui de l'uniformisation des règles matérielles »1195

. Les divers

instruments installés par l’OHADA vont donc consacrer cette intégration juridique. Ce

qu’ont repris F. Anoukaha1196

, F. M. Sawadogo1197

et P.G. Pougoué1198

.

Issa Sayegh et J. Lohoues-Oble déclare que « l'objectif fondamental de l'OHADA est de

réaliser une unification »1199

. « Il n'y a pas de loi commune lorsque l'unification ne s'est

pas accompagnée d'une unification juridictionnelle. Le droit vu du côté des sujets, ne

s'identifie pas à l'ordre du législateur; il est composé de règles que les tribunaux

appliquent en fait. Autant d'ordres juridictionnels, autant d'ordres juridiques »1200

,

explique Domat Montchrestien.

Tirant les leçons des échecs du passé, les Etats africains aux économies

particulièrement fragiles, n’ont guère d’autres choix que de se rassembler pour relever

1195

Cf. Santos A. P. et Toe J., OHADA, Droit commercial général, coll. Droit uniforme africain, Bruylant, 2002, n°7, p.5. 1196

In Anoukaha F. et autres, OHADA, Sociétés commerciales et G.I.E., coll. Droit uniforme africain, Bruylant, 2002, p. 25. 1197

Sawadogo F., OHADA, Droit des entreprises en difficulté, coll. Droit uniforme africain, Bruylant, 2002 p. 16 1198Cf. Pougoué P. « OHADA, Instrument d'Intégration Juridique » Revue Africaine des sciences juridiques, vol. 2, n° 2, 2001, p. 11 et s. 1199 In Issa Sayegh J. et Lohoues-Oble J., Harmonisation du droit des affaires, coll. Droit uniforme africain Bruylant 2002, n° 198, p. 98. 1200 Cf. Droit international privé, Paris, Domat Montchrestien, 9e édition, 2007, n° 93, p. 71.

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le défi du développement économique tant aspiré par leurs peuples1201

. Pour y parvenir,

ils doivent s’atteler à l’instar des autres régions du monde à construire et consolider des

grands espaces économiques. Le défi du développement étant à la foi difficile et

impossible, cependant, ceux qui le relèvent ont une vie rude mais épanouissante et

restent inscrits dans les mémoires. L’Afrique restera dans l’histoire si elle relève le défi

du développement qui se présente plus comme un obstacle à ce jour.

Somme toute, cette étude retiendra essentiellement que l’OHADA est un modèle

d’ordre juridique d’intégration juridique qui mérite encore de connaitre des jours plus

glorieux Il conviendra pour ce faire d’aménager son système institutionnel, et le

fonctionnement de ses organes de sorte à éloigner et à séparer de façon clair les

questions politiques, les attentes des Etats, des nécessités d’ordre juridique et

juridictionnelle de l’espace communautaire.

Il sera aussi nécessaire de redynamiser ses organes en prenant bien le soin de redéfinir

les nécessités, les besoins des peuples africains, les besoins des acteurs économiques et

du marché commun, afin de faire correspondre les actions de l’organisation aux

nécessités du droit des affaires africain.

L’autre question épineuse à résoudre est celle de la sécurité judiciaire que doit aussi

garantir l’organisation, à travers son organe juridictionnel, la CCJA, mais aussi via la

mise en place de diverses réformes importantes afin de redynamiser la procédure

judiciaire devant cette cour communautaire mais aussi songer à une réglementation des

dispositions nationales des Etats membres, en termes de mesures juridictionnelles et

procédurales1202

. La justice africaine doit retrouver, ou plutôt trouver, son impartialité,

son indépendance et une pleine possession de son pouvoir de décisions judiciaires et la

force exécutoire qui leur est due1203

.

1201

Un tel contrôle permettrait d’enjoindre aux Etats parties ou à un Etat partie de prendre certaines mesures en vue de l’application des prescriptions des textes de l’OHADA. Il permettrait également de sanctionner les actes pris par un Etat partie ou une institution de l’OHADA en violation d’une disposition obligatoire des textes de l’OHADA. 1202

Puisqu’il est question d’un espace judiciaire, il paraît judicieux de favoriser le plus possible la circulation des décisions de justice. L’on saisit du coup l’urgence et l’opportunité d’un acte uniforme sur cette question. 1203 Une autre idée, proposée par la doctrine serait d’organiser, dans le cadre de l’OHADA, des avis à effet obligatoire en plus des avis actuels purement consultatifs. On pense alors à l’instauration dans les textes du recours préjudiciel à la CCJA pouvant être déclenché en instance comme en appel. Le recours préjudiciel permet à la CCJA de donner un avis pour orienter le procès sur une question de droit dont est saisi le tribunal ou la cour d’appel. Il ne s’agit pas, comme certains le pensent, de réduire la CCJA à cette

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Aussi, et surtout, les africains, les peuples, doivent prendre conscience des enjeux de

l’intégration et de l’énorme atout qu’il constitue pour la richesse africaine et la sortie de

la pauvreté. L’exemple européen doit leur servir et nous faire comprendre assez

clairement que le développement, passe par l’abandon de certaines vieilles et nocives

pratiques, notamment la corruption, la mauvaise gestion des ressources, le

détournement, la lenteur de l’administration, l’inégalité sociale, autant de maux qui

ruinent l’économie africaine et tous ses élans de développement. Il est temps que les

dirigeants, la société civile, les entreprises et les acteurs économiques, les diverses

couches sociales, prennent véritablement conscience des enjeux du monde actuel.

C’est dans cette prise de conscience que notre concept de « limite consciente de

l’inconscience » trouvera son sens et aussi toute son utilité. Il est primordial que l’œuvre

d’intégration se poursuive dans d’autres conditions et avec des acteurs convaincus de

son importance et sa véritable destination.

La coopération est aussi une condition très importante pour la réussite de l’intégration et

elle entoure autant les échanges entre les Etats, mais aussi la cohabitation des

institutions communautaires d’intégration.

Le monde aujourd’hui doit être perçu comme un géant lieu de partages et d’échanges de

valeurs culturelles, sociales, économiques mais aussi religieuses. Des valeurs qui nous

inculquent le respect de l’autre, la tolérance, l’acceptation de vivre avec nos diversités

mais aussi nos points communs, l’amour et le partage communautaire. Aujourd’hui

nous devons nourrir et défendre des convictions nobles rimant avec justice, égalité,

paix, dialogue, cohésion sociale, communautarisme, intégration. Nous sommes les

vecteurs et les acteurs de ce que sera le monde de demain donc nous avons le choix, la

liberté de prendre le bon chemin pour nos générations futures. Ce chemin qui n’est non

pas celui de la guerre, des conquêtes économiques, du capitalisme aveugle, de pratiques

douteuses et dangereuses, du terrorisme mais celui d’un communautarisme international

emprunt à définir les bases d’une paix et d’une sécurité universelle, à définir un ordre

juridique équitable et stable qui gouvernerait les échanges et surtout, à apporter des

solutions à des problèmes que certes nous affrontons seul en tant qu’entité souveraine,

en tant que citoyen lambda mais qui reste des problématiques communes. Laissons le

compétence préjudicielle. Celle-ci doit se combiner avec la compétence contentieuse de la CCJA. Le but est de dispenser dans de nombreux cas le plaignant de devoir se pourvoir devant la CCJA ultérieurement, puisque certains points de droit pourraient être tranchés par la CCJA préalablement.

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droit, ses valeurs sociales, sa portée codificatrice et son pouvoir de stabilisation essayer

là où les autres ont échoué. Elle réussira sans nul doute si notre limite consciente nous

interpelle et suscite en nous la ferme volonté de changer les choses, de changer le

monde.

C’est loin d’être un discours idéaliste, c’est plus une exhortation à la prise de conscience

collective et une volonté de participer, de servir, et de sauver une communauté humaine

qui court, pour le plus d’avis, à sa propre perte1204

.

Aujourd’hui nous devons nourrir et défendre des convictions nobles rimant avec justice,

égalité, paix, dialogue, cohésion sociale, communautarisme, intégration. Nous sommes

les vecteurs et les acteurs de ce que sera le monde de demain. Ce chemin qui est celui

d’un communautarisme international emprunt à définir les bases d’une paix et d’une

sécurité universelle, d’un ordre juridique équitable et stable qui gouvernerait les

échanges et surtout, apporterait des solutions à des problèmes que certes nous affrontons

seuls en tant qu’entité souveraine, en tant que citoyen lambda mais qui reste des

problématiques communes.

1204

Le mot de fin peut sembler être une conclusion négative à l’issue de cette étude mais bien au contraire, c’est notre façon d’exhorter à aller plus de l’avant, d’interpeller les consciences pour œuvrer ensemble à une amélioration des acquis actuels du droit communautaire mais aussi du développement économique africain.

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Conflits entre normes communautaires : aspects négatifs, aspects positifs et

solutions, Revue spécial ERSUMA, Colloque « de la concurrence à la

cohabitation », 24 au 26 janvier 2011, Cotonou, p. 29

Page 347: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

347

YOUMBI FASSEU F.,

La sanction pénale du non-respect des formalités relatives au RCCM dans

l’espace OHADA : le cas du Cameroun, Revue ERSUMA, Droit des Affaires –

Pratiques professionnelles, numéro1, Juin 2012, page 189

ETUDES JURISPRUDENTIELLES

ANOUKAHA F.,

Commentaire d’arrêt : cour commune de justice et d’arbitrage, Arrêt n. 005/2006

du 30 Mars 2006, Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition

spéciale Juris Africa, 118e Année, Numéro 862, 2008, pages 111

Décision n.004/99/CCJA du 3 Février 1999 relative aux frais d’arbitrage

DELABRIERE A.,

Commentaire d’arrêt / Communauté Economique monétaire de l’Afrique

Centrale, Cour de justice, arrêt n. 004/CJ/CEMAC/CJ/03 du 17 juillet 2003,

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114e Année, Numéro 849,

Octobre – Décembre 2004, pages 53

DIALLO B.,

Commentaire d’arrêt : cour commune de justice et d’arbitrage, Arrêt du 26 juin

2006, Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris

Africa, 118e Année, Numéro 863, 2008, pages 227

Commentaire de l’arrêt : cour commune de justice et d’arbitrage, Arrêt n.

42/2005 du 7 juillet 2005, Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition

spéciale Juris Africa, 117e Année, Numéro 860, Juillet – Septembre 2007, pages

399

Commentaire de l’arrêt : cour commune de justice et d’arbitrage, Arrêt n.

062/2005 du 22 Décembre 2005, Revue trimestrielle de droit africain PENANT,

Page 348: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

348

édition spéciale Juris Africa, 117e Année, Numéro 860, Juillet – Septembre

2007, pages 408

Commentaire de l’arrêt : cour d’appel de Ouagadougou, Arrêt n. 52/2004 du 16

Avril 2004, Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris

Africa, 117e Année, Numéro 860, Juillet – Septembre 2007, pages 380

Cour d’appel de Dakar, arrêt n. 186/2005 du 18 février 2005, Revue trimestrielle

de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages

250

Cour d’appel de Dakar, arrêt n. 384/2005 du 7 Avril 2005, Revue trimestrielle

de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin 2006, pages

255

Cour de cassation du Sénégal, arrêt n. 36 et 37 du 19 Janvier 2005, Revue

trimestrielle de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril – Juin

2006, pages 238

EKOLLO F.,

Commentaire N° 1 : ARRET CCJA, 2E CH. 26 FÉVR. 2009, N° 11,

OHADATA N° J-09-284, COMMENTAIRE N°2 : ARRET CCJA, 2E CH. DU

26 FÉVR. 2009, N° 13, OHADATA J-09-286, COMMENTAIRE N° 3 :

ARRET CCJA 1ÈRE CHAMBRE DU 5 FEVRIER 2009, N° 3, OHADATA J-

09-276, Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles,

numéro1, Juin 2012, page 441

FRANDJIP O.,

Commentaire du jugement du Tribunal de première instance de Dschang,

Ordonnance n. 03/ORD du 7 Janvier 2010 : contentieux de l’exécution d’une

décision de justice relative à un accident de circulation, Revue trimestrielle de

droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet – Septembre 2011,

pages 405

GAMALEU K.,

Page 349: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

349

Commentaire arrêt CCJA du 28 février 2008, Revue ERSUMA, Droit des

Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 3, Septembre 2013, page 267

Commentaire de l’arrêt CCJA du 28 Février 2008, le contentieux de la clause

résolutoire devant le juge communautaire, Revue ERSUMA, Droit des Affaires

– Pratiques professionnelles, numéro 3, Août 2013, pages 267

KAMWE MOUAFFO M.,

Commentaire d’arrêt : arrêt n°001/CJ/CEMAC/10-11 du 25 novembre 2010,

Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro1, Juin

2012, page 411

PRISO-ESSAWE S.,

Chronique des activités de la cour de justice de la communauté économique et

monétaire de l’Afrique centrale, Revue trimestrielle de droit africain PENANT,

117e Année, Numéro 858, Janvier – Mars 2007, pages 105 – 125

TCHABO SONTANG H.,

Tribunal de grande instance du Mfoundi, commentaires des jugements civils n.

179 du 23 janvier 2003, numéro 888, pages 406

WAMBO J.,

Brèves sur la jurisprudence de la CCJA pour l’année 2011, Revue ERSUMA,

Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro1, Juin 2012, page 468

Les récents développements de la jurisprudence communautaire OHADA en

matière d’injonction de payer, Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques

professionnelles, numéro 3, Août 2013, pages 273

Les récents développements de la jurisprudence communautaire Ohada en

matière d’injonction de payer, Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques

professionnelles, numéro 3, Septembre 2013, page 273

Page 350: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

350

COLLOQUES ET COMMUNICATIONS

Actes du 33e Congrès de l’Institut du Droit d’Expression et d’Inspiration

Françaises, Montréal les 16 – 17 Mai 2013, Revue spéciale ERSUMA, Mars

2014, 200 pages

Actes du 33e congrès de l’Institut du Droit d’Expression et d’Inspiration

Française, Montréal du 16 – 17 Mai 2013, Revue ERSUMA, Droit des Affaires

– Pratiques professionnelles, numéro spécial Mars 2014, 202 pages

Aperçu de la réforme du droit OHADA des sociétés commerciales du 5 Février

2014, numéro 887, pages 151

Colloque bicentenaire du Code de commerce, Revue trimestrielle de droit

africain PENANT, 117e Année, Numéro 858, Janvier – Mars 2007, pages 126 –

128

Colloque « de la concurrence à la cohabitation », 24 au 26 janvier 2011,

Cotonou

Congrès de Lomé « le rôle du droit dans le développement économique », Lomé,

2008

Colloque « Modernisation du droit des Affaires en Afrique : bilan d’une

décennie d’harmonisation », acte publié le 16 Octobre 2003, 14 pages

REVUES

Centre de droit économique de l'Université Paul Cézanne d'Aix-Marseille.-

Recueil d'études sur l'OHADA et l'UEMOA : Volume n° 1.- Aix-Marseille :

Presses Universitaires d'Aix-Marseille (P.U.A.M), 2011.- ISBN : 978-2-7314-

0741-9.- 690 p.

Collection du « Journal officiel de l’OHADA », Vol. 1, numéro 1 à 17, OHADA,

2007, 1264 pages

Page 351: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

351

REVUE CAMEROUNAISE DE L’ARBITRAGE, KENFACK DOUAJNI,

Gaston.- L’arbitrage en Afrique : questions d’actualité : Actes du colloque tenue à

Yaoundé (Cameroun) les 14 et 15 janvier 2008.- Yaoundé : RCA, 2010.- 253 p.

Recueil des Cours, Académie de Droit international, Tome 297, Editions Martinus

Nijhoff Publishers, 2003, 489 pages

Revue de droit uniforme, 2008

Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 3, Août

2013, 283 pages

Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro spécial

Mars 2014, 202 pages

Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro1, Juin

2012, 554 pages

Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 2, Mars

2013, 391 pages

Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro 3,

Septembre 2013, 285 pages

Revue ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro spécial,

Novembre Décembre 2011, 194 pages

Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 33 ; Ordre

juridique ?/1, Editions Puf, 2001, 216 Pages

Revue française de théorie, de philosophie et de culture juridiques, n. 35 ; Ordre

juridique ?/2, Editions Puf, 2002, 221 Pages

Revue internationale de droit économique, 2004, 225 pages

Revue spécial ERSUMA, Droit des Affaires – Pratiques professionnelles, numéro

spécial, Mars 2014, 200 pages

Revue togolaise de droit des affaires et d’arbitrage Les Mercuriales, Trimestrielle

numéro 4, Décembre 2011, 14 pages

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352

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 114e Année, Numéro 849, Octobre

– Décembre 2004, pages 421 – 547

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 116e Année, Numéro 855, Avril –

Juin 2006, pages 133 – 267

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 117e Année, Numéro 858, Janvier –

Mars 2007, Pages 1 – 128

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 121e Année, Numéro 876, juillet –

Septembre 2011, pages 285 – 424

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 123e Année, Numéro 882, janvier –

Mars 2013, pages 1 – 130

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 124e Année, Numéro 889, Octobre

– Décembre 2014, pages 521 – 563

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, 124e Année, Numéro 888, juillet –

Septembre 2014, pages 277 – 420

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition Juris Africa, 125e Année,

Numéro 890, Janvier – Mars 2015, pages 1 – 143

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 117e

Année, Numéro 860, Juillet – Septembre 2007, pages 281 – 419

Revue trimestrielle de droit africain PENANT, édition spéciale Juris Africa, 118e

Année, Numéro 865, Octobre – Décembre 2008, pages 393 – 434.

TEXTES LEGISLATIFS ET TRAITES

Accord de coopération entre l’OHADA et la CEMAC

Accord entre la République du Cameroun et l’OHADA relatif au siège du

Secrétariat permanent de l’Organisation, signé a Yaoundé le 30 Juillet 1997

Page 353: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

353

Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d’apurement du

passif

Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement

et des voies d’exécution,

Acte uniforme portant organisation des sûretés du 15 Mai 2011

Acte uniforme portant sur le droit commercial général

Acte uniforme relatif au droit de l’arbitrage

Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement

d’intérêt économique

Acte Uniforme relatif au droit des sociétés coopératives du 15 Février 2011

Acte uniforme relatif aux contrats de transports de marchandises par route

Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de

leurs biens

Rapport d’activité de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA,

exercice 2002, 2007, 2010, 2011

Règlement d’arbitrage de la Cour commune de Justice et d’Arbitrage de

l’OHADA

Règlement de procédure de la cour commune de justice et d’arbitrage, adopté le

18 Avril 1996

Règlement intérieur de la Cour commune de justice et d’arbitrage de l’OHADA,

en matière d’Arbitrage adopté le 2 juin 1999

Règlement n.001/98/CM portant règlement financier des institutions de

l’OHADA, adopté le 30 Janvier 1998

Règlement n.002/98/CM portant statut des fonctionnaires de l’OHADA, adopté

le 30 Janvier 1998

Page 354: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

354

Statut de l’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature, adopté par le Conseil

des Ministres le 3 Octobre 1995

Texte d’orientation relatif à la création, aux attributions, à l’organisation et au

fonctionnement des commissions nationales OHADA, adopté en 2002

Traité relatif à l’harmonisation du droit des Affaires en Afrique de Port-Louis du

17 Octobre 1993

Traité « OHADA » du 17 Octobre 1993

Traité portant révision du traité OHADA » du 17 Octobre 2008

Traité CEMAC

Traité UEMOA

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355

ANNEXES

Rapport sur les divers aménagements apportés à la démarche de travail et au

contenu

Nos travaux de recherche effectués au cours de cette année ont apporté en effet diverses

modifications substantielles et importantes non seulement sur notre démarche de

recherche mais aussi sur le contenu et la qualité de travail. Il s’est agi surtout de la

récupération d’une importante documentation, au siège de la Commission Européenne à

Bruxelles, d’une analyse de toute cette documentation afin de redéfinir au mieux les

divers contours du plan de travail et notre approche juridique des questions et des

diverses problématiques élaborées. Une importante bibliographie fut ainsi mise à notre

disposition et exploité conséquemment, ce qui justifie assez bien le fait qu’à cette heure,

notre rédaction soit plus ou moins achevée, sous réserve des corrections et remarques de

nos directeurs et des divers enseignants ( dont l’avis et les remarques nous sont

nécessaires et nous importent au plus haut point), qui suivent ce travail. Ce qui ne que

parfaire et améliorer la qualité du travail déjà abattu.

Ces travaux ont été encore plus bénéfiques dans notre perspective de comparaison

juridique, dans la mesure où la redéfinition de la notion d’ordre juridique

communautaire nous a laissé envisager la démarche européenne sur la question, qui est

totalement différente de l’approche africaine OHADA.

Aussi et surtout, une fois ces diverses modifications apportées, les recherches, les acquis

de nos travaux, la consistance et les approches doctrinales nous ont aussi permis de

réaménager le cadre juridique de notre recherche doctorale et ainsi de reformuler notre

thématique de recherche.

Nous débuterons par ce dernier point.

Sur la reformulation de la thématique de recherche

Notre approche initiale tournait essentiellement autour d’une étude du corpus juridique

communautaire OHADA, donc des actes uniformes déjà en vigueur afin d’en estimer

scientifiquement la qualité, l’effectivité et l’efficacité au plan national des Etats

membres. Cette démarche n’a pas pour autant changé mais notre étude n’est plus

recentrée sur cette question. Nous avons choisi de l’étendre sur diverses autres

Page 356: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

356

considérations juridiques, notamment les fondements de la notion d’ordre juridique

communautaire, les avancées apportées par le droit communautaire européen sur cette

question afin de mieux la comparer à celle africaine.

Ainsi, notre ancienne thématique, formulée en ces mots : « LES ENJEUX ACTUELS

DE L’OHADA : REFLEXION SUR LES DIFFERENTS ACTES UNIFORMES

ET LES PERSPECTIVES D’INTEGRATION », fut remplacée et améliorée, en

considération des nouveaux apports de nos recherche et d’une intention de recadrage du

cadre juridique de travail.

Ainsi, notre nouvelle thématique de recherche s’intitule : « L’ORDRE JURIDIQUE

COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX D’INTEGRATION DU

DROIT DES AFFAIRES ».

Il était aussi question pour nous et ceci pour des considérations véritablement

personnelles, d’apporter des solutions nécessaires à l’éclosion de cet idéal que défend

l’OHADA mais aussi à favoriser et rendre réel le développement économique africain.

Une réaffirmation des attentes personnelles de la recherche

L’œuvre communautaire, dont l’OHADA se veut aujourd’hui être l’un des acteurs les

plus privilégiés n’est que le fruit d’une ferme volonté mais surtout d’une nécessité des

peuples africains à faire face à la pauvreté, aux guerres, à la corruption, à la partialité de

la justice, à tous ces fléaux qui ruinent le développement africain. Il est donc question

pour nous, entend qu’africain, entend que scientifique et une élite africaine, que notre

travail de recherche, au-delà de ses apports juridiques, soit aussi le cadre de propositions

concrètes pour ce continent africain.

Nous sommes au plus près des réalités socio-économiques que vivent ces populations

africaines et d’importantes problématiques d’ordre juridique qui touchent au

développement économique par l’intégration juridique africaine. Le commerce et ces

divers démembrements sont véritablement la source de l’économie africaine, mais il est

important de résoudre avant tout, certaines difficultés d’ordre social, juridictionnel et

éventuellement politique. Notamment la mauvaise gouvernance, l’indigénisation de la

justice, le non-respect des textes nationaux et pire, communautaire, la corruption, les

détournements de fonds de soutien internationaux dédiés aux peuples les plus démunis,

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357

la matérialisation d’une poursuite de l’intérêt personnel plutôt qu’un intérêt général et

commun1205

.

Notre démarche juridique garde ainsi donc une part d’humanisme et de compassion

pour ses peuples, à qui l’on laisse croire qu’unir les forces dans une perspective

d’intégration juridique communautaire est la solution aux difficultés économiques qu’ils

combattent au quotidien1206

. D’ailleurs, le Professeur Joseph Issa-Sayegh, le souligne

assez bien : « Si l'on raisonne par analogie avec l'intégration économique qui consiste

en une unification des politiques conjoncturelles, sectorielles et structurelles sous

l'égide d'une autorité supranationale, on est incité à dire que l'intégration juridique doit

tendre à une unification des politiques législatives dans les matières juridiques en

relation avec l'intégration économique »1207

.

C’est aussi le fruit de nos convictions personnelles et des valeurs que nous jugeons

louables de défendre que nous avons choisi cette dernière approche, étant plus dans un

souci de produire des solutions pour œuvrer au développement juridique et économique

africain mais aussi veiller, être responsable et prendre conscience des enjeux qui sont

notre afin d’être fier, à l’issue de ce noble et humble travail scientifique d’avoir apporté

une pierre à l’édifice du droit, du droit communautaire mais aussi et surtout au

développement panafricain.

Rabelais disait que « science sans conscience n’est que ruine de l’âme », et René

Descartes dans le discours de la méthode, tout au début de son analyse soutenait que

« la raison est la chose du monde la mieux partagée »1208

.

Il est donc tant que ces citations, source véritable inspiration, soient notre et nous

accompagne dans notre vie sociale et intellectuelle.

Le monde aujourd’hui doit être perçu comme un géant lieu de partages et d’échanges de

valeurs culturelles, sociales, juridiques, économiques mais aussi religieuses. Des valeurs

qui nous inculquent le respect de l’autre, la tolérance, l’acceptation de vivre avec nos

diversités mais aussi nos points communs, l’amour et le partage communautaire.

Aujourd’hui nous devons nourrir et défendre des convictions nobles rimant avec justice,

1205 « Les hommes sont très rarement dignes de se gouverner eux-mêmes »1205, Voltaire. 1206

« Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires »1206

, Montesquieu. 1207 Issa-Sayegh J., « L'intégration juridique des États africains de la Zone franc », Recueil Penant, n° 823, p. 5. 1208 ibidem

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358

égalité, paix, dialogue, cohésion sociale, communautarisme, intégration. Nous sommes

les vecteurs et les acteurs de ce que sera le monde de demain donc nous avons le choix,

la liberté de prendre le bon chemin pour nos générations futures. Ce chemin qui n’est

non pas celui de la guerre, des conquêtes économiques, du capitalisme aveugle, de

pratiques douteuses et dangereuses, du terrorisme mais celui d’un communautarisme

international emprunt à définir les bases d’une paix et d’une sécurité juridique

universelle, à définir un ordre juridique équitable et stable qui gouvernerait les échanges

et surtout, à apporter des solutions à des problèmes que certes nous affrontons seul

entend qu’entité souveraine, entend que citoyen lahnda mais qui reste des

problématiques communes. Laissons le droit, ses valeurs sociales, sa portée

codificatrice et son pouvoir de stabilisation essayer là où les autres ont échoué. Elle

réussira sans nul doute si notre limite consciente nous interpelle et suscite en nous la

ferme volonté de changer les choses, de changer le monde.

C’est loin d’être un discours idéaliste, c’est plus une exhortation à la prise de conscience

collective et une volonté de participer, de servir, et de changer et de sauver notre

communauté humaine.

Comme le relève Ph. Engelhard, « L’Afrique, en dépit des séismes subis, produit en

certaines de ses parties le seul bien rare de l’avenir, dont elle constitue une sorte de

laboratoire : la capacité relationnelle. Les civilisations occidentales et asiatiques vont

peut-être finir dans l’autisme (...) Le continent africain en fabrique l’antidote sous nos

yeux, mais nous ne le voyons pas. Ce qu’on a appelé l’afro-pessimisme est sans doute

une des plus grandes fautes de jugement de ces vingt dernières années. La vitalité

protéiforme du continent noir pourrait bien produire, quelque jour, le miracle africain.

Ce n’est pas une certitude, seulement un pari et un espoir. Ils ne sont pas dénués de

raisons ».

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359

Rapport sur les travaux effectués au sein de la Commission Européenne (pour

l’UE) / et de l’ERSUMA (pour l’OHADA)

Au mois de Juillet 2015, nous avons effectué une mission de recherche au sein de la

Commission Européenne, Direction Générale Education et Culture, Bibliothèque et

centre de ressources électroniques.

Nous sommes de ceux qui pensons avec grande fermeté qu’au-delà de la considération

théorique des sciences juridiques, il est un apport majeur et des moins négligeables que

des travaux soient effectués sur le terrain, afin de prendre au mieux la mesure des

réalités et d’être ainsi au plus près des réelles problématiques que pose la mise en œuvre

du droit en général, et du droit communautaire en particulier, dans le cadre spécifique

de cette étude.

Notre approche est encore plus justifiée par notre mission de recherche sur le terrain,

effectuée lors de notre première année de thèse au sein de l’ERSUMA, organe

important de l’OHADA, dans la recherche, la documentation, la production de la

doctrine sur le droit communautaire. Ce fut à l’époque l’occasion pour nous de toucher

du doigt diverses réalités et difficultés que rencontre le droit OHADA notamment sa

perspective de vulgarisation, de promotion et de formation des acteurs du droit des

affaires. Des questions qui furent soulevées lors de notre précédant Comité de suivi de

thèse.

Cette année donc, notre choix fut porté sur une instance communautaire voisine, la plus

proche disons, qu’est l’Union européenne. Et sa direction de recherche et de

documentation, assez voisine de celle de l’OHADA n’a pas non plus été choisi au

hasard mais aussi en tenant grands comptes des considérations soulignées au-dessus.

Ces travaux ont consisté pour nous à recueillir une importante documentation, et une

étude plus spécifique des divers démembrements de la CE, des objectifs et des

politiques communes des Etats membres et une étude très fructueuse sur l’évolution de

l’intégration européenne et la mise en place de l’ordre juridique communautaire

européen.

Ce fut aussi l’occasion pour nous de nous entretenir avec diverses personnes-ressources

notamment Monsieur Jean Herdies, chef de l’Unité de recherche et divers de ses

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360

collaborateurs sur les perspectives futures et la promotion de la recherche scientifique

au sein de l’Union. Des politiques très élaborées et structurées qui devraient constituer

une source d’inspiration pour l’OHADA, comme nous en avons fait état et vivement

développer dans notre travail.

Ce fut aussi l’occasion de comprendre le concept de « nationalité européenne » qui est

une véritable innovation juridique, qui n’a aucune similitude avec l’approche

d’intégration du droit OHADA et qui selon nous est la matérialisation la plus poussée

d’une intégration régionale. C’est aussi une question importante que nos travaux sur le

terrain nous ont permis de comprendre et de développer de façon plus argumenté dans

notre thèse.

En résumé, les vecteurs d’une intégration réussie sont avant tout l’organisation juridique

et structurelle qui entoure les objectifs, et les fondements de sa mise en place. Dans ce

sens, les efforts et les acquis de l’Union Européenne sont assez révélateurs de la qualité

de la réflexion sur les contours de son intégration mais aussi la matérialité d’un droit

européen en pleine et permanente effort d’extension et d’efficacité. Des mots dont

devraient sérieusement s’allier l’OHADA pour la réussite de son œuvre communautaire.

Les résultats obtenus au cours de ces travaux de terrain, la doctrine et la documentation

mise à disposition ont considérablement motivé les diverses articulations et les diverses

problématiques développer dans notre étude. En témoigne le plan sommaire présenté

plus haut, et la bibliographie ci-dessous.

Page 361: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

361

Annexe 1 :

Etats des lieux du droit OHADA

Interlocuteurs

Activités Problèmes Besoins

Nombre

Administration Ministère de la Justice

140 magistrats 250 greffiers

Publication du traité et des AU au JO national ; Réécriture des certaines dispositions des AU Organisation du RCCM ; Recensement des dispositions nationales renvoyant à une disposition nationale ; Fixation des sanctions pénales correspondant aux infractions de l’OHADA

Les mesures d’accompagnement (activités) sont en cours. Non installation du RCCM – non évaluation technique des besoins du greffe – non réception des formulaires du RCCM

Formation des magistrats, greffiers et autres personnels Continuité de l’institution OHADA Evaluation technique des besoins du greffe (locaux, supports papier, informatique, ...)

Ministère de

l’industrie

15 Information des PME PMI

en collaboration avec la CCIB et la CAT

Manque de sensibilisation des

fonctionnaires concernés Peu d’impact des informations sur les PME/PMI

Formation ciblée Distribution de

supports (plaquettes, fiches pratiques)

Auxiliaires de Justice

Ordre des avocats

102 (stagiaires

inclus)

Conseil de leur clientèle relatif

à l’application

Formation par la pratique

Interprétation des AU

Restitution des mesures

d’accompagnement du MJ Formation ciblée Distribution de codes annotés

Chambre des notaires

13 notaires 10 stagiaires

Conseil de leur clientèle relatif à l’application

Formation par la pratique Interprétation des AU Monopole de la création des sociétés

Restitution des mesures d’accompagnement Formation ciblée distribution des codes annotés

Secteur Privé Chambre de Commerce et d’industrie

3.500 membres (affiliation obligatoire)

Conseil des PME /PMI relatif à l’application

Faible information des PME/PMI Faible assistance au niveau de l’application Monopole des

Mise en place d’un dispositif d’assistance OHADA pour les opérateurs économiques

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362

Interlocuteurs

Activités Problèmes Besoins

notaires pour la création des sociétés

Restitution des mesures d’accompagnement Distribution de supports (plaquettes, fiches pratiques)

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363

Etats des lieux Bénin Application et Mise en Place du Droit OHADA

Tableau 1

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes

Besoins

Nombre concerné

Administration

Ministère de la Justice

140 magistrats 250 greffiers

Oui Oui Séminaire de 5 jours pour les magistrats section commerciale + formation en France + formateurs nationaux et greffiers à l’ERSUMA 300 codes annotés

Mutation de magistrats formés. Insuffisance de codes annotés

Formation ciblée Continuité de la section Codes annotés

Ministère de l’industrie et des PME

15 Oui Non Aucune Méconnaissance de leur rôle et non transmission vers les PME

Formation Codes annotés

Auxiliaires de Justice

Ordre des avocats

102 Oui Non Sensibilisation interne

Formation Interprétation

Formation ciblée

Chambre des notaires

13 notaires 10 stagiaires

Oui Non Participation active au séminaire de la CCIB/PNUD/USAID

Formation Interprétation

Formation ciblée

Secteur Privé

Chambre de Commerce et d’industrie du Bénin (CCIB)

3.500 membres (affiliation obligatoire)

Oui Non 2 séminaires de sensibilisation de 150 membres à Cotonou Campagne

nationale de vulgarisation des AU de 4 semaines avec l’appui du PNUD et de l’USAID Distribution AUDCG, AUDSCGIE, et

Pas d’invitation systématique de tous les membres aux

séminaires Diffusion d’informations non conformes à l’OHADA

Réalisation et distribution de supports de vulgarisati

on Mise en place d’un dispositif d’assistance OHADA pour les opérateurs économiques Vulgarisati

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364

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes

Besoins

documentation

on médiatique

Conseil National pour l’Exportation

50 Oui Oui Sensibilisation des membres Mise en conformité des conditions d’exercice des membres

Supports de vulgarisation Mise en place d’un dispositif d’assistance OHADA pour les coopératives

Association Béninoise des Experts comptables

15 Oui Non Sensibilisation et conseils aux clients

Formation ciblée Supports

Société de Gestion et d’Intermédiation

Oui Non Aucune Absence de dispositions OHADA larges relatives aux marchés financiers

Formation Eclaircissement sur le champ d’application de l’OHADA (forum de discussion)

Ecobank Oui Oui Formation du personnel

juridique par leur notaire habituel Sensibilisation de la clientèle

Absence de RCCM

Rallonge du délai

pour l’installation du RCCM par les Etats

PME Faible Non Aucune en

dehors de la faible participation aux séminaires CCIB

Pas ou peu

de connaissance de l’OHADA

Larges

actions de sensibilisation par mass media

Bailleurs de fonds

Banque Mondiale

Aucune

Coopération Canadienne

Séminaire de 3 semaines fin novembre 99 à l’ERSUMA : 2 représentants par Etats membre (investissement +

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365

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes

Besoins

commercial)

Coopération française

Formation de 60 magistrats + greffier RCCM Distribution de 300 codes annotés

PNUD Campagne nationale de vulgarisation des AU de 4 semaines de la CCIB en collaboration avec l’USAID

Absence de connaissance du traité et des AU par les ministères

Formation des personnels ciblés des administrations

USAID Campagne nationale de vulgarisation des AU de 4 semaines de la CCIB en collaboration avec le PNUD

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366

Etats des lieux CAMEROUN

Application et Mise en Place du Droit OHADA

Interlocuteurs

Activités Problèmes Besoins

Nombre concerné

Administration Ministère de la

Justice

700 magistrats

2000 greffiers

Publication du traité et des AU

au JO national Réécriture des certaines dispositions des AU Organisation du RCCM

Recensement des dispositions nationales renvoyant à une disposition nationale Fixation des

sanctions pénales correspondant aux infractions de l’OHADA

Les mesures d’accompagnement

sont en cours (non installation du RCCM, common law)

Formation des magistrats,

greffiers et autres personnels Distribution des textes an anglais et en français (traité, AU et commentaires)

Auxiliaires de Justice

Ordre des

avocats

1300 Conseil de leur clientèle relatif à

l’application

Formation par la pratique

Interprétation des AUs

Restitution des mesures

d’accompagnement du MJ Formation ciblée en anglais et en français Distribution des textes en anglais et

en français (traité, AU et commentaires)

Chambre des huissiers

250 Exécution des décisions de justice de leur clientèle

Formation par la pratique Interprétation des AU

Restitution des mesures d’accompagnement du MJ

Formation ciblée en anglais et en français Distribution des textes en anglais et en français (traité, AU et commentaires)

Chambre des notaires

48 Conseil de leur clientèle relatif à l’application

Formation par la pratique Interprétation des

Restitution des mesures d’ accompagnement

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367

Interlocuteurs

Activités Problèmes Besoins

AU du MJ Formation ciblée en anglais et en français Distribution des textes en anglais et en français (traité, AU, …)

Secteur Privé

CCIM 120 membres élus (18 000 entreprises)

Conseil des PME /PMI relatif à l’application

Faible information des PME/PMI Aucune assistance au niveau de l’application

Restitution des mesures d’accompagnement du MJ Distribution de supports en anglais et en français (plaquettes, fiches pratiques)

GICAM 191 Conseil de ses membres

Distribution de supports en anglais et en français (plaquettes, fiches pratiques)

ONECCA 57 experts comptables 40 agréés

Conseil de leur clientèle relatif à l’application

Formation ciblée Restitution des mesures d’accompagnement du MJ Distribution de supports en anglais et en français (plaquettes, fiches pratiques)

APPECAM 8 établissements de crédit

Conseil de ses membres

Coût élevé d’information de la caution Enregistrement des sûretés sous l’ancien régime

Restitution des mesures d’accompagnement du MJ Installation du RCCM

PME Pas d’information Activités en contradiction avec l’OHADA

Distribution de support en français et en anglais (plaquettes, fiches

pratiques) Appui technique pour la mise en conformité à l’OHADA

Divers FAECAC 50 établissements

de crédit

Conseil de ses membres

Coût élevé d’information de la

caution Enregistrement des sûretés sous l’ancien régime

Restitution des mesures

d’accompagnement dans chaque Etat Installation du RCCM

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368

Etats des lieux CAMEROUN

Sensibilisation, Vulgarisation et Formation du Droit OHADA

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes

Besoins

Nombre

Administration

Ministère de la Justice

700 magistrats 2000 greffiers

Non Non 1 séminaire Cour d’Appel francophone 1 séminaire Cour d’Appel anglophone

Insuffisance de textes en français Absence de textes en anglais

Formation ciblée en anglais et en français Adaptation/common law Textes (traité, AU et commentaires) en anglais et en français

Auxiliaires de Justice

Ordre des avocats

1300 Non Non Aucune Formation Interprétation

Formation ciblée en anglais et en français Textes (traité, AU et commentaires) en anglais et en français

Chambr

e des huissiers

250 Non Non Aucune Formation

Interprétation

Formation

ciblée en anglais et en français Textes (traité, AU et commentaires) en anglais et

en français

Chambre des notaires

48 notaires sur 122 charges

Non Non Aucune Formation Interprétation

Formation ciblée en anglais et en français ; Textes (traité, AU et commentaires) en anglais et en français ; Site web

Secteur Privé

CCIM 120 membres élus (18 000 entreprises)

Non Non Aucune Restructuration de la chambre

Distribution de supports de vulgarisation en anglais et en français

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369

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes

Besoins

GIECAM 191 Oui Non Séminaire Supports de vulgarisation (plaquettes, …) en anglais et en français

Ordre national des experts comptables

57 experts comptables 40 agréés

Oui Oui Sensibilisation des membres Mise en conformité des conditions d’exercice des membres

Supports de vulgarisation Textes (traité, AU et commentaires) en anglais et en français

APECCAM

8 établissements de crédit

Oui Oui Formation du personnel juridique des banques Sensibilisation de la clientèle

Absence de RCCM

Rallonge du délai pour l’installation du RCCM par l’OHADA Supports de vulgarisation en anglais et en français

PME Faible Non Pas ou peu de connaissance de l’OHADA

Larges actions de sensibilisation par mass media

Bailleurs de fonds

Coopération française

Formation greffier RCCM Evaluation des besoins technique

s du RCCM

Divers FAECAC 50 établissements de crédit

Formation du personnel juridique des

banques Sensibilisation de la clientèle

Rallonge du délai pour l’installation du RCCM par l’OHADA

Supports de vulgarisation

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370

Etats des lieux CENTRAFRIQUE

Application et Mise en Place du Droit OHADA

Interlocuteurs

Activités Problèmes Besoins

Nombre concerné

Administration Ministère de la Justice

200 magistrats 22 greffiers 5 agents d’exécution

Publication du traité et des AU au JO national Réécriture des certaines dispositions des AU Organisation du RCCM Recensement des dispositions nationales renvoyant à une disposition nationale

Fixation des sanctions pénales correspondant aux infractions de l’OHADA

Aucune mesure d’accompagnement Toit du Tribunal non étanche

Mesures d’accompagnement Formation des magistrats, greffiers, agents d’exécution et autres personnels Distribution des textes (traité, AU et commentaires) Réparation du toit du Tribunal Evaluation technique des besoins du greffe

(support informatique)

Ministère

du Commerce

/ Transfert vers

les PME des informations les concernant

Manque de

sensibilisation des fonctionnaires concernés Aucune mesure d’accompagnement Aucun transfert vers les PME

Formation ciblée

Distribution de supports (AU, plaquettes et fiches pratiques)

Ministère de l’Economie et des Finances

/ Transfert vers les justiciables des informations les concernant

Manque de sensibilisation des fonctionnaires concernés Aucune mesure d’accompagnement Aucun transfert vers les justiciables

Formation ciblée Distribution de supports (AU, plaquettes et fiches pratiques)

Auxiliaires de Justice

Ordre des avocats

60 Conseil de leur clientèle relatif à l’application

Formation par la pratique Interprétation des AU

Restitution des mesures d’accompagnement du MJ Formation ciblée Distribution de supports (traité, AU et commentaires) Réparation du toit

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371

Interlocuteurs

Activités Problèmes Besoins

du Tribunal

Chambre des notaires

4 Conseil de leur clientèle relatif à l’application

Formation par la pratique Interprétation des AU

Restitution des mesures d’accompagnement du MJ Formation ciblée Distribution de supports (traité, AU et commentaires) Réparation du toit du Tribunal

Secteur Privé PME PMI / Aucune information Activités en contradiction avec l’OHADA

Distribution de support (plaquettes, fiches pratiques) Appui technique pour la mise en conformité à l’OHADA

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372

Etats des lieux CENTRAFRIQUE

Sensibilisation, Vulgarisation et Formation du Droit OHADA

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes Besoins

Nombre concerné

Administration

Ministère de la Justice

200 magistrats 22 greffiers 5

agents d’exécution

Non Non Séminaire de 3 jours pour les magistrats Formateurs

nationaux et greffiers à l’ERSUMA 60 codes annotés

Défaut d’application de l’OHADA Insuffisance de codes annotés

Formation ciblée Codes annotés

Ministère

du Commerce

/ Non Non Aucune Méconnaissa

nce de leur rôle et non transmission vers les PME

Formation

Distribution de supports (plaquettes, fiches pratiques)

Ministère de l’Economie et des Finances

/ Non Non Aucune Méconnaissance de leur rôle et non transmission vers les justiciables concernés

Formation Distributions de supports (plaquettes, fiches pratiques)

Auxiliaires de Justice

Ordre des avocats

60 Non Non Aucune Formation Interprétation

Formation ciblée Distribution de supports (traité, AU, commentaires)

Chambre des notaires

4 Non Non Aucune Formation Interprétation

Formation ciblée Distribution de supports (traité, AU, commentaires)

Secteur Privé

PME PMI

Non Non Aucune Ignorance des dispositions les concernant

Larges actions de sensibilisation par mass média

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373

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes Besoins

Mise en place d’un dispositif d’assistance OHADA pour les opérateurs économiques

Enseignement

Etudiants Non Non manque des ouvrages et matériel d’enseignement pédagogique manque de formation

Formation approfondie distribution des ouvrages

Bailleurs de fonds

Coopération française

Sensibilisation de 40 magistrats + 1 greffier RCCM Distribution de 60 codes annotés

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374

Etats des lieux CÔTE D’IVOIRE

Application et Mise en Place du Droit OHADA

Interlocuteurs

Activités Problèmes Besoins

Nombre concerné

Administration Ministère de la Justice

368 magistrats

Publication du traité et des AU au JO national Réécriture des certaines

dispositions des AU Organisation du RCCM Recensement des dispositions nationales renvoyant à une

disposition nationale Fixation des sanctions pénales correspondant aux infractions de

l’OHADA

Aucune mesure d’accompagnement (non installation du RCCM )

Formation des magistrats, greffiers et autres personnels

Mesures d’accompagnement Installation du RCCM support papier puis informatique

Ministère de l’économie

et des finances

Information des PME PMI Manque de sensibilisation des fonctionnaires concernés

Peu d’impact des informations vers les contribuables concernés

Formation ciblée Distribution de supports (plaquettes, fiches

pratiques)

Commission nationale

9 membres

Examen des avants projets d’AU, pour avis et recommandation Elaboration des projets d’actes réglementaires

nécessaires à l’application des AU Proposition de lois et actes réglementaires

dans les domaines du droit des affaires non couverts par l’OHADA Diffusion auprès des

opérateurs économiques et de tous les acteurs du monde juridique et judiciaire de l’OHADA

Absence d’indemnités forfaitaires

Indemnités forfaitaires Distribution de supports (plaquettes, fiches pratiques)

Auxiliaires de Justice

Ordre des avocats

337 (stagiaires

inclus)

Conseil de leur clientèle relatif à l’application

Formation par la pratique Interprétation des AU

Restitution des mesures d’accompagnement du

MJ Formation ciblée

Distribution de supports (traité, AU, commentaires)

Chambre

des huissiers

500 Exécution des décisions

de leurs clients

Formation par la pratique

Formulaire de procédure Interprétation des AU

Restitution des mesures

d’accompagnement du MJ Formulaires de procédure par le SP

Formation ciblée Distribution de supports (traité, AU, commentaires)

Chambre des notaires

62 Conseil de leur clientèle relatif à l’application

Formation par la pratique Interprétation des AU

Restitution des mesures d’accompagnement Formation ciblée

Distribution de supports

(traité, AU, commentaires)

Secteur Privé Chambre de

90 membres

Conseil des PME /PMI relatif à l’application

Faible information des PME/PMI

Vulgarisation des 3 premiers AU de l’OHADA

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375

Interlocuteurs

Activités Problèmes Besoins

Commerce et

d’Industrie

(CI)

/ 8000 sociétés

Faible assistance au niveau de l’application

pour les cadres et dirigeants de grandes

entreprises, PME,

coopératives Distribution de supports (plaquettes, fiches

pratiques)

PME Pas d’information Activités en contradiction avec l’OHADA

Sensibilisation Distribution de support (plaquettes, fiches

pratiques) Appui technique pour la mise en conformité à l’OHADA

Divers Chambre Consulaire Régionale de l’UEMOA

Peu d’information des PME Sensibilisation par la rédaction d’un vade mecum

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376

Etats des lieux CÔTE D’IVOIRE

Sensibilisation, Vulgarisation et Formation du Droit OHADA

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes

Besoins

Nombre concerné

Administration

Ministère de la

Justice

368 magistrat

s

Oui En cours Séminaires à Yamoussoukro,

Abidjan, Bouaké, ENA Codes annotéss

Insuffisance de codes

annotés

Codes annotés

Ministère de l’économie et des

finances

Commission nationale

9 membres

Examen des avants projets d’AU, pour avis

et recommandation Elaboration des

projets d’actes réglementaires nécessaires à l’application

des AU Proposition de lois et actes réglementaires dans les

domaines du droit des affaires non couverts par

l’OHADA Diffusion auprès des opérateurs

économiques et de tous les

acteurs du monde

juridique et judiciaire de l’OHADA

Défaut de documentation

Documentation

Auxiliaires de

Justice

Ordre des

avocats

337

(stagiaires inclus)

Oui Non Aucune Formation

Interprétation

Formation

ciblée Supports (traité AU, commentaires

) Site web

Chambre des

huissiers

500 Oui Non Un séminaire Formation Interprétation

Absence de formulaires

Formation ciblée

Supports (traités, AU, commentaires

)

Formulaires de procédure/SP

Chambre 62 Oui Non Aucune Formation Formation

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377

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes

Besoins

des notaires

Interprétation ciblée Supports

(traité, AU, commentaires)

Secteur Privé Chambre de Commerce

et d’Industrie (CI)

90 membres / 8000

sociétés

Oui Non Séminaires de sensibilisation de 120

entreprises en 1998 Revue RIDA

Moyens d’organiser des

séminaires pour les cadres et dirigeants d’entreprises

Organisation d’un e série de séminaires

spécifiques pour les cadres et dirigeants

PME Faible Non Aucune en dehors de la faible

participation aux séminaires CCICI

Pas ou peu de connaissance de l’OHADA

Larges actions de sensibilisation

par mass media

Enseigneme

nt

Etudiants Oui Non manque

d’ouvrages et de matériels d’enseignement

pédagogique

Ouvrages et

matériels d’enseignement pédagogique

formation, séminaires etc.

Bailleurs de

fonds

Banque

Mondiale

Appui au

développement du secteur privé, projet d’appui au

renforcement des capacités

Coopération française

Evaluation technique du

RCCM + greffier RCCM Distribution de codes annotés

Divers Chambre Consulaire Régionale de

l’UEMOA

Aucune Vademecum OHADA

Page 378: L’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ‘’OHADA’’ ET LES ENJEUX … · 5 REMERCIEMENTS Ma profonde gratitude s'adresse particulièrement à mes professeurs Madame Evelyne MICOU

378

Etats des lieux TOGO

Application et Mise en Place du Droit OHADA

Interlocuteurs

Activités Problèmes Besoins

Nombre concerné

Administration Ministère de la Justice

123 magistrats 30

greffiers

Publication du traité et des AU au JO national Réécriture des certaines

dispositions des AU Organisation du RCCM Recensement des dispositions nationales renvoyant à une

disposition nationale

Fixation des sanctions pénales correspondant aux infractions de

l’OHADA

Mesures d’accompagnement

Formation des greffiers et autres personnels Mesures

d’accompagnement Installation du RCCM support informatique

Commission nationale

23 membres

Examen des avants projets d’AU, pour avis et recommandation

Auxiliaires de Justice

Ordre des avocats

100 Conseil de leur clientèle relatif à l’application

Formation par la pratique Interprétation des AU

Restitution des mesures d’accompagnement du

MJ Formation ciblée Distribution de supports (traité, AU, commentaires)

Chambre des huissiers

101 Exécution des décisions de leurs clients

Formation par la pratique Formulaire de procédure Interprétation des AU

Restitution des mesures d’accompagnement du MJ

Formulaires de procédure par le SP Formation ciblée Distribution de supports (traité, AU,

commentaires)

Chambre des

notaires

60 Conseil de leur clientèle relatif à l’application

Formation par la pratique Interprétation des AU

Restitution des mesures d’accompagnement

Formation ciblée Distribution de supports (traité, AU, commentaires)

Secteur Privé Chambre de Commerce et

d’Industrie

Conseil des PME /PMI relatif à l’application

Aucune information des PME/PMI Aucune assistance au niveau de l’application

Sensibilisation Distribution de supports (plaquettes, fiches pratiques)

PME Pas d’information Activités en contradiction avec l’OHADA

Sensibilisation Distribution de support (plaquettes, fiches

pratiques) Appui technique pour la mise en conformité à l’OHADA

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379

Etats des lieux TOGO

Sensibilisation, Vulgarisation et Formation du Droit OHADA

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes

Besoins

Nombre concerné

Administration

Ministère de la

Justice

123 magistrat

s 30 greffiers

Oui En cours Séminaires à Lomé de

janvier à décembre 1999 123 codes

annotés

Insuffisance de codes

annotés

150 codes annotés

Commission nationale

23 membres

Examen des avants projets d’AU, pour avis

et recommandation

Défaut de documentation

Documentation

Auxiliaires de

Justice

Ordre des

avocats

100 Oui Non Aucune Formation

Interprétation

Formation

ciblée Supports (traité AU, commentaires

)

Chambre des huissiers

101 Oui Non Aucune Formation Interprétation Absence de

formulaires

Formation ciblée Supports

(traités, AU, commentaires) Formulaires

de procédure/SP

Chambre des

notaires

60 Oui Non Aucune Formation Interprétation

Formation ciblée

Supports (traité, AU, commentaires)

Secteur Privé Chambre de

Commerce et

d’Industrie (CI)

Non Non Aucune Moyens d’organiser

des séminaires

pour les cadres et dirigeants d’entreprises

Organisation d’une série de

séminaires spécifiques

pour les cadres et dirigeants

PME Non Non Aucune Pas ou peu de connaissance de l’OHADA

Larges actions de sensibilisation par mass

media

Enseignement

Etudiants Oui Oui manque d’ouvrages et de matériel

d’enseignement pédagogique

Ouvrages et matériels d’enseigneme

nt pédagogique formation, séminaires

etc.

Bailleurs de fonds

Banque Mondiale

Appui au système judiciaire,

projet d’appui

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380

Interlocuteurs

Sensibilisation

Formation

Activités accomplies

Problèmes

Besoins

à la restructuration

et à la privatisation des entreprises

publiques

Coopération française

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381

Annexe 2

Organisation pour l’Harmonisation du Droit des Affaires en

Afrique

Tableau de synthèse

Etat des lieux Besoins Niveau intervention

Interventions des bailleurs de fonds

Actions Coût estimatif (F CFA) Euro

Institutions de l’OHADA

Cour Commune de Justice et d’Arbitrage

Fonct

ionnem

ent

Absence de siège

Siège : locaux opérationnels

Côte d’Ivoire Livraison des locaux opérationnels :

Bâtiment Installation électrique

Pas de

bibliothèque

Installation de la

bibliothèque

Fiche projet

proposée à la Table Ronde Belgique

Acquisition d’un fonds

documentaire Equipement informatique et matériel de bureau

Formation

CFA 123 475

000 E 188 237

Absence d’un

centre de recherche juridique

Recrutement de

juristes

Recrutement de 2

juristes en 2000 (puis 2 de plus par an)

CFA 52 476

656 par an E 80 000 par an

Nécessité d’une information complète du

fonctionnement d’une Cour Commune de Justice

Sensibilisation au fonctionnement

d’une Cour Commune de Justice

Voyage d’étude des juges et du greffier en chef à la Cour de

Justice de Luxembourg

CFA 30 174 022 E 46 000

Défaut greffe dont le RCCM

régional

Installation du greffe +

Evaluation

technique et installation du RCCM régional

France Mission d’évaluation Acquisition et

installation de

l’équipement informatique Formation

Coût à définir

Absence de promotion

Missions de formation

France Coût à définir

Absence d’un service d’arbitrage

fonctionnel

Mise en place d’un centre d’arbitrage

Belgique Recrutement du personnel et formation Acquisition d’ouvrages

spécialisés sur l’arbitrage

CFA 202 564 110 E 308807

Total 1 : CFA 408 689 700 Euro 623 044

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382

Ecole Régionale de la Magistrature

Fonct

ionnem

ent

Insuffisance d’équipement

du centre de documentation et de recherche

Mise en place d’un centre

documentaire fonctionnel

Fiche proposée à la

Table Ronde Canada

France Francophonie

Equipement bureautique et informatique + fonds documentaire + logiciel et formation

- Fonds documentaire + besoins immédiats et futurs

Photocopieuse + 2 portables

CFA 82 422 700

E 125 652

Act

ivités

Activités

réduites de formation

Appui aux

programmes de formation

La France se

propose d’assurer la formation des

greffiers (CFA 49 000 000 / E 74 700) et des acteurs non judiciaires (CFA

17 000 000 / E 25 916), pour un an

Fiche projet

proposée à la Table Ronde Union

européenne

Programme de formation

de l’ERSUMA sur 3 ans formation de formateurs magistrats/auxiliaires de

justice formation continue des magistrats/auxiliaires de justice formation

complémentaire des auditeurs de justice formation des acteurs non judiciaires

CFA3 403 533

600 Pour 3 ans E 5 188 653

CFA 3 337 533 600 E 5 088 037 (déduction faite

des formations assurées par la France)

Absence du suivi national

de la formation des formateurs

Appui à la restitution de la

formation au niveau des pays

Union européenne

Fonds d’appui à la restitution de la formation

financement des intervenants dans les pays distribution de support

pédagogique

Coût à définir

Total 2 : CFA 3 485 953

000 Euro 5 341 305

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383

Secrétariat Permanent

Fonct

ionnem

ent

Absence de

siège

Siège : locaux

opérationnels

Cameroun Cameroun Cameroun

Francophonie

Livraison des locaux

opérationnels : Bâtiment Mobilier + splits Installation téléphonique Equipement informatique

Magnétophone Relieur

(CFA 32 M / E 48 784) (CFA 3 500 000 / E 5 336) CFA 15 000

000 / E 22 867 CFA 500 000 / E 763 CFA 450 000 / E 687

Act

ivités

Promotion insuffisante de l’OHADA

Appui à la sensibilisation et à la vulgarisation de l’OHADA

UNIDA

France

logo OHADA mise en place d’un site internet Appui aux campagnes régionales et nationales

d’information (déplacements du SP, campagne médiatique, préparation et diffusion de plaquettes

générales et de plaquettes spécialisées, publication des JO et généralisation des dépôts vente)

Assistant technique gestionnaire du programme d’activité

CFA 40 000 000 / E 60 980 CFA 204 225 000 / E 311 339 Coût à définir

Absence de coordination dans la mise

en place du RCCM

Harmonisation et coordination de la mise en place du

RCCM dans les 15 pays

Appui à la sensibilisation des greffiers depuis l’adoption des formulaires du RCCM

(séminaires de formation des autres greffiers, diffusion du formulaire)

Coût à définir

Problèmes

communs dans

l’application de l’OHADA

Recensement des

difficultés d’application au

niveau des opérateurs économiques et des praticiens

Propositions de solutions communes aux difficultés d’application

Organisation du suivi de

l’état d’avancement de la réforme (convocation de

groupes de travail, financement d’études, …) Fonds d’expertise technique (fonds de ressources

particulières)

Coût à définir Coût à définir

Absence de moyens

financiers pour l’élaboration des actes

uniformes

Acte uniforme relatif au droit :

De la vente Du transport Du travail

Canada +

France Canada + France France

Appui à la préparation des avant-projets et à la

participation active des Etats-parties

CFA 97 032 000 / E 147 925

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384

Total 3 : Total 1,2,3 :

CFA 361 257 000 Euro 545 145 CFA 4 252 238 200 Euro 6 482 494

Pays membres de l’OHADA

Etat des lieux Besoins Niveau intervention Interventions des bailleurs de fonds

Actions Coût estimatif (CFA)

Pays Institutions

Info

rmat

ion, vu

lgar

isation e

t fo

rmation

Manque de

sensibilisation des ministères concernés

Activer le rôle

des ministères dans l’information et l’appui aux

opérateurs économiques

X Renforcer les capacités

humaines et financières des ministères impliqués par une politique nationale cohérente

Manque de formation ciblée des auxiliaires de justice et des magistrats

Assurer leur formation

X X Appui aux programmes de formations à l’ERSUMA (PM) Appui à la distribution des textes commentés

de l’OHADA

Manque de

connaissance ou connaissance incorrecte sur

l’OHADA des PME

Mieux informer

les PME (diffusion de l’information)

X X Campagne d’information

et de vulgarisation Distribution de plaquettes préparées par le SP (PM)

Ignorance de la procédure d’arbitrage

Sensibiliser les opérateurs à l’arbitrage

X X Actions spécifiques de sensibilisation à l’arbitrage (distribution

des clauses types

d’arbitrage)

Manque de support

pédagogique pour les enseignants

Support pédagogique

X Mise à disposition des manuels

d’enseignement et ouvrages spécialisés dans les bibliothèques

Applic

atio

n d

e l’

OH

AD

A

Absence du RCCM

Etre en conformité avec la législation

OHADA

X Etablissement du RCCM sur support papier puis sur support

informatique

Mauvaise

interprétation des actes uniformes

Interprétation

cohérente des actes uniformes

X X Activités de formation

Saisine de la CCJA pour avis

Pas de mise en

conformité du droit interne

avec le droit OHADA

Recensement

des domaines du droit interne

concernés

X X Mesures

d’accompagnement avec la coordination du

SP

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385

TABLEAU RECAPITULATIF

Activités Nombre de Sessions

Nombre de Stagiaires

Coût en CFA Résultats Attendus en Nombre de Personnes Formées

I. Formation des

Formateurs Magistrats

2 concernant le même

groupe de personnes

60 226.735.200 60

II. Formation des Formateurs Auxiliaires de Justice

1 session pour Avocats, Notaires,

Experts Judiciaires 1 session pour greffiers et

Huissiers

90 x 1= 90 60 x 1 = 60

166.566.000 148.226.000

150

III. Formation Continue Magistrats

4 30 x 4 = 120 134.896.000 120

IV. Formation Complémentaire Auditeurs de Justice

2 60 x 2 = 120 245.664.000

120

V. Formation Continue Avocats Notaires, Experts,

Greffiers, Huissiers

1 session pour avocats, Notaires et Experts 1session pour greffiers

1 session pour huissiers

45 x 1 = 45 30 x 1 = 30 30 x 1 = 30

111.701.000 49.698.000 33.724.000

105

VI. Formation Acteurs

non judiciaires

- 1 session 15 x 1 = 15 17.301.000 15

Total Annuel 14 sessions 570 1.134.511.200 570

Total sur 3 Ans 42 sessions 1710 3.403.533.600 1710

VII. Equipement de l’Ecole 103.000.000

Total Général pour 1 an 1.237.511.200 FCFA

Total Général pour 3 ans 3.506.533.600 FCFA

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386

Etat des dossiers de la CCJA en matière contentieuse : de

l’installation de la CCJA au 30 juin 2012

Années Nbre total

des

saisines

Nbre

d’arrêts

rendus

Nbre

d’ordonnances

rendues

Total des

affaires

vidées

Nbre des

affaires

non

tranchées

% des

affaires non

tranchées

par rapport

au nbre des

saisines

2006 105 32 5 37 68 64,76

2007 113 39 4 44 69 61,06

2008 109 63 5 68 41 37,61

2009 131 53 20 73 58 42,27

2010 109 47 3 50 59 54,12

2011 126 40 7 47 79 62,69

2012* 72 65 11 77 -5 0

Total** 1172 485 78 563 609 51,96

* Du 1er janvier au 30 juin 2012.

** De l’installation de la CCJA au 30 juin 2012.

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387

Sites d’intervention

Partenaires impliqués

Au niveau des

institutions

(CCJA,

ERSUMA, SP)

CNUDCI,

UNIDROIT,

FRANCOPHONIE,

UNESCO, Japon,

Suisse, UNIDA,

Belgique, France,

PNUD, Union

Européenne, BAD,

Canada, Banque

Mondiale,

BIT/BCEAO,

Juriscope

Au niveau des

États parties

USAID, Banque

Mondiale, PNUD,

France

PARTENARIATS TECHNIQUES INFORMELS

Partenaires

CNUDCI, JURISCOPE

Activités financées

• Mise en œuvre de nouveaux avant-projets de textes uniformes

Forces

Impact positif et appréciable au niveau de la contribution à l’harmonisation

du droit des affaires en Afrique et à sa vulgarisation

En effet, ils ont permis la rédaction de l’avant-projet d’Acte Uniforme sur les contrats de transport de marchandises par route, la production du Code

vert et la collection Bruylant.

Faiblesses

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388

ƒ Absence de coordination entre les PTF d’une part et l’OHADA d’autre part,

se traduisant par une absence de plan d’action commun des partenaires

ƒ Non appropriation de l’expérience dans la rédaction des actes uniformes

ƒ Absence d’un cadre juridique d’intervention

ƒ Absence d’évaluation financière des appuis techniques

Faiblesses

ƒ Absence de coordination entre les PTF d’une part et l’OHADA d’autre part,

se traduisant par une absence de plan d’action commun des partenaires

ƒ Non appropriation de l’expérience dans la rédaction des actes uniformes

ƒ Absence d’un cadre juridique d’intervention

ƒ Absence d’évaluation financière des appuis techniques

PARTENARIATS FINANCIERS INFORMELS

Partenaires

Belgique, PNUD, Suisse , UNIDROIT, FRANCOPHONIE, UNIDA, UNESCO,

USAID, Japon, BIT/BCEAO

Activités financées

• Mise en chantier de nouveaux avant-projets de textes uniformes

• Fonctionnement des institutions

• Contribution à la mise en place des institutions

• Mise en place du centre de documentation

• Promotion de l’OHADA

• Vulgarisation des activités de la CCJA

• Mise en place du RCCM

• Appui à la fonction d’arbitrage

• Formations des formateurs en droit OHADA

Forces

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389

Au niveau de la mise en place des institutions et du centre documentaire et d’arbitrage :

équipement en matériels de bureau et informatique

Au niveau de l’harmonisation du droit des affaires en Afrique :

prise en charge du consultant chargé de rédiger l’avant-projet d’Acte

Uniforme sur le droit du contrat

Au niveau de l’application, la vulgarisation et la promotion du droit des affaires :

financement des formations, des réunions, des campagnes de sensibilisation,

etc.

Faiblesses

ƒ Absence de traçabilité des fonds mis à disposition

ƒ Inefficience dans l’utilisation des fonds

ƒ Absence d’indicateurs de performance

ƒ Absence de critères d’évaluation

ƒ Le PTF se soucie peu des résultats du partenariat

ƒ Absence de suivi du partenariat

ƒ Absence d’un cadre logique d’intervention

PARTENARIAT FINANCIER FORMEL

Partenaire

BAD

Activité financée

• Mise en place du RCCM régional à la CCJA

Forces

Impact fort au niveau de la contribution à l’assainissement et la

sécurisation juridique et judiciaire de l’environnement des affaires en

Afrique

En effet, le partenariat avec la BAD a permis le financement de la mise

en place du fichier régional du RCCM à la CCJA.

Faiblesses

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ƒ Absence de coordination interne à l’OHADA

ƒ Inefficience dans l’utilisation des fonds

ƒ Lourdeur administrative

ƒ Absence de transparence

ƒ Procédures contraignantes du bailleur

PARTENARIATS MIXTES FORMELS

Partenaires

Union Européenne, Banque Mondiale, France

Activités financées

• Formation des formateurs et magistrats en droit des affaires

• Mise en place du centre de documentation juridique et judiciaire

• Equipement des salles d’enseignement

• Production / vulgarisation des programmes de formation

• Contribution à la mise place des institutions

• Mise en place du RCCM régional à la CCJA

• Renforcement de la communication

• Edition des JO

• Promotion de l’OHADA

• Évaluation et amélioration des Actes Uniformes

Forces

Au niveau de l’évaluation des Actes Uniformes :

lancement du projet d’évaluation et amélioration des Actes Uniformes

Au niveau du renforcement des capacités :

financement de plusieurs sessions de formation et mise à disposition

d’assistants techniques au niveau des institutions

Au niveau de la communication :

réhabilitation du site officiel de l’OHADA

Faiblesses

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ƒ Absence de transfert de compétence

ƒ Forte dépendance au financement des bailleurs

ƒ Mauvaise évaluation des budgets des activités à financer

ƒ Absence de pertinence

ƒ Relative passivité au niveau de l’OHADA se traduisant par une adoption

sans contre-étude des accords de partenariat

PARTENARIAT MIXTE INFORMEL

Partenaire

Canada

Activités financées

ƒ Formation des formateurs

ƒ Mise en chantiers de deux nouveaux avant-projets de textes uniformes

(consommation et transport)

• Contribution à la mise en place des institutions

Forces

Au niveau de l’harmonisation du droit des affaires :

rédaction de l’avant-projet d’Acte Uniforme sur les contrats de transport

de marchandises par route

Au niveau de la mise en place des institutions :

équipement des institutions

Au niveau de la vulgarisation du droit OHADA :

financement de sessions de formation à l’ERSUMA

Faiblesses

ƒ Manque d’expérience dans la rédaction des Actes Uniformes

ƒ Manque de pertinence dû à la non priorisation des activités par l’OHADA

ƒ Absence de traçabilité des fonds mis à disposition

ƒ Inefficience dans l’utilisation des fonds

ƒ Absence d’un cadre juridique dans lequel évolue ce partenariat

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Annexe 3

Organisation communautaire européen

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DROIT DES AFFAIRES

L'Ohada fête 20 ans de bouleversement de l'environnement des affaires

Jeudi, 17 Octobre 2013 17:27

PAR

JOËL ASSOKO

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Mots clés:

CCJA,

Droit Des Affaires,

Evelyne Mandessi Bell,

Jacques Alexandre Genet,

Ohada

La RD Congo est le dernier pays à avoir rejoint l'OHADA, en 2012. © Ohada

Le traité de Port-Louis (Maurice), signé le 17 octobre 1993, a donné naissance à

l'Organisation pour l'harmonisation en Afrique du droit des affaires. En vingt ans,

l'Ohada a bouleversé l'environnement du droit des affaires au sein des pays membres.

Même les observateurs les plus critiques de l'Organisation pour l'harmonisation en

Afrique du droit des affaires (Ohada) l'admettent, le traité de Port-Louis qui l'institue, a

permis de donner un coup de jeune aux normes encadrant le droit des affaires dans les

États-parties de la Convention. Pour beaucoup d'entre eux, le cadre juridique imposé par

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l'Ohada s'est substitué à un droit commercial datant parfois du XIXe siècle. Vingt ans

après la signature de la convention instituant l'Organisation, elle a créé un espace de

droit uniforme et moderne comprenant 17 États-membres (les 14 pays de la Zone Franc,

ainsi que la Guinée, la RD Congo et les Comores) et plus de 250 millions d'habitants.

Les Actes uniformes de l'Ohada

- Acte uniforme relatif au droit commercial général, adopté le 17 avril 1997 - révisé en

2010

- Acte uniforme relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt

économique, adopté le 17 avril 1997

- Acte uniforme portant organisation des sûretés, adopté le 17 avril 1997 et révisé en

2010

- Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des

voies d'exécution, adopté le 10 avril 1998

- Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif,

adopté le 10 avril 1998

- Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, adopté le 11 mars 1999

- Acte uniforme portant organisation et harmonisation des comptabilités des entreprises,

adopté le 23 mars 2000

- Acte uniforme relatif au droit des sociétés coopératives, adopté le 15 décembre 2010

Uniformisation

Dans cet espace et pour la plupart des questions relatives au droit des affaires*, une

seule institution, le Conseil des ministres de la Justice et des Finances possède le

pouvoir de légiférer et d'adopter des dispositions légales (les Actes uniformes)

directement applicables dans l'ensemble de la zone Ohada.

Aussi, une seule instance, la Cour commune de justice et d'arbitrage (CCJA), basée à

Abidjan, sert à la fois de Cour de cassation et de Cour suprême pour les questions

relatives au droit des affaires: elle intervient en dernier recours pour les décisions de

justice (sauf en matières pénales) rendues dans la zone Ohada. Comme l'indique l'avocat

Jacques-Jonathan Nyemb : "Les arrêts de la CCJA sont finaux. Ils sont directement

exécutoires, s'imposent aux juridictions internes des pays membres et ne sont

susceptibles, pratiquement, d'aucun recours."

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La CCJA joue aussi le rôle de centre d'arbitrage [voir l'interview de Benoît Le Bars ci-

contre]

Architecture institutionnelle

Dans une analyse pourtant sévère de l'Ohada, réalisée en 2011 pour la Banque

mondiale, l'avocat français Renaud Beauchard le concède "en un laps de temps

remarquablement court, l'Ohada a créé une nouvelle organisation supranationale - une

réussite en soi - (…) qui a largement rempli l'objectif qu'elle s'était fixé en matière de

production d'un droit uniforme. L'Ohada a produit neuf Actes uniformes [voir encadré]

couvrant, à l'exception du droit du travail, l'ensemble des sujets énumérés dans l'article

2 du traité l'instituant."

En plus de fixer ce cadre juridique uniforme et évolutif, d'avoir établi des institutions

fonctionnelles et respectées, il convient d'ajouter à l'actif de l'Ohada de véritables

innovations comme le statut de "l'entrepreunant", introduit par l'Acte Uniforme révisé

portant sur le Droit commercial général de 2010, ou l'informatisation du registre du

commerce et du crédit mobilier. Pourtant, en vingt ans, des failles notables ont été mises

en évidence dans l'édifice de l'Ohada.

Fragilités

L'avocat Jacques-Alexandre Genet résume d'une formule ironique l'une des faiblesses

majeures du droit uniforme : "il est important de localiser le droit de l'Ohada." En effet,

malgré les efforts entrepris par l'Organisation, l'intégration des normes de l'Ohada dans

les juridictions nationales a du mal à se faire. Jacques-Alexandre Genet se souvient : "Il

y a cinq ans encore, il était possible de se retrouver face à des magistrats qui n'étaient

pas nécessairement informés du fait que certaines dispositions des codes commerciaux

nationaux avaient été supplantées par des normes Ohada".

Benoît Le Bars : "Les hommes d'affaires africains doivent être respectés"

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400

Benoît Le Bars. DR

Dans cette interview l'avocat revient, entre autres, sur le fonctionnement de la CCJA et

la place de l'arbitrage dans le cadre Ohada. Extrait :

Revenons un instant sur la CCJA. C’est une institution probablement unique en

Afrique. Le pouvoir dont elle dispose est très important. Ses décisions ne sont

pratiquement susceptibles d’aucun recours dans les systèmes juridiques nationaux.

Il faut bien comprendre ce que fait la CCJA. Elle sert de Cour de cassation et de Cour

suprême pour toutes les juridictions des différents pays, comme cela existe dans tous les

systèmes de droit uniforme. Elle interprète les lois et peut aussi délivrer des avis et des

recommandations. Elle est aussi un centre d'arbitrage. Mais ce n'est pas la cour qui rend

les sentences, elle administre des procédures arbitrales qui sont jugées par des arbitres

nommés par les parties au litige ou par la Cour elle-même, quand les parties ne

désignent pas d'arbitre.

C'est à peu près le même système que la Chambre de commerce internationale. La

mécanique est la même, simplement la portée est plus large. Près de 150 pays adhèrent à

la convention fondatrice de la CCI de 1924.

Lire la suite...

Même écho chez l'avocate camerounaise Evelyne Mandessi Bell, curatrice du site

internet ohadalegis.com : "Malgré les efforts de diffusion, les acteurs locaux ont du mal

à 's'imprégner' du droit Ohada". Elle ajoute : "il ne s'agit pas seulement des avocats et

des magistrats, mais le droit commercial concerne aussi les huissiers, les notaires. Cela

va au delà de l'application des décisions de justice. La rédaction des contrats, la qualité

des conseils donnés aux clients, la sûreté des bails commerciaux, tout cela dépend de la

maîtrise que les acteurs locaux ont des innovations introduites par l'Ohada"

La lenteur "d'ingestion" du droit de l'Ohada est liée, aux yeux d'un avocat africain

familier de la procédure Ohada, "aux origines mêmes du traité de Saint-Louis". Son

diagnostic est sec : "À écouter les promoteurs du droit Ohada, on croirait qu'il ne vise

qu'à attirer les investissements étrangers. Pourquoi pas? Mais dans ce cas des traités

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bilatéraux d'investissement auraient pu suffire. Bousculer toute l'architecture de ces

pays dans ce seul but, était-ce nécessaire?".

Sur la même veine il élargit l'analyse à d'autres ensembles régionaux africains : "La

SADC a connu des échanges commerciaux intenses et fructueux sans avoir eu besoin

d'harmoniser le moindre aspect de son droit des affaires". Il est vrai que le cadre Ohada

s'étend de plus en plus vers des sphères qui concernent d'autres aspects du droit.

Qui trop embrasse

Ainsi, en ce qui concerne l'appel public à l'épargne, "il existe le risque que les

dispositions prises dans le cadre de l'Ohada soient en opposition avec celles dictées par

une autre organisation régionale, l'UEMOA par exemple", relève un juriste africain qui

s'empresse néanmoins d'insister sur l'adaptabilité du droit de l'Ohada. Cette question des

conflits de juridiction supranationale est également levée dans l'étude de Beauchard de

2011.

Le défaut de "coordination" n'existe pas seulement entre instances régionales, il

concerne aussi les liens entre l'Ohada et les états-membres. Comme le soulève une

juriste ivoirienne basée à Paris : "Les Actes uniformes ont beau être applicables

directement dans les États, ces derniers ont souvent besoin de prendre des mesures

d'accompagnement sans lesquelles les textes de l'Ohada resteront lettre morte."

L'exemple pas tout à fait hypothétique qu'elle donne suffit à révéler l'ampleur du

problème : "Imaginez que l'Ohada veuille inciter à la création de sociétés et adopte des

textes en conséquence. Quid des incitations fiscales? Quid des questions pénales ?" Le

statut de "l'entreprenant" adopté par l'Ohada sur le modèle de l'auto-entrepreneur

français semble emprunter cette voie.

Evelyne Mandessi Bell se veut, en revanche, plus optimiste : "Bien sûr qu'il y a encore

du chemin à faire. Si on prend l'exemple de l'Acte uniforme sur les sûretés, évidemment

qu'en l'absence de cadastre, il est difficile de protéger la propriété commerciale. Mais si

l'Acte uniforme est de qualité et si les notaires y sont formés, il est clair qu'avec le

temps la formalisation se fera".

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402

Le test ultime du droit de l'Ohada reste néanmoins celui-ci : aura-t-il permis de favoriser

l'activité économique en Afrique ? À cette question il n'existe pas encore de réponse. Le

secrétariat de l'Ohada a commandé en 2013 une étude sur l'impact du droit uniforme sur

les investissements. Quels qu'en soient les résultats, ce rapport laisse ouverte la question

de l'appropriation par les Africains de ce droit qui, après tout, est le leur.

* L'article 2 du traité relatif à l'Harmonisation du Droit des Affaires en Afrique stipule :

"Pour l'application du présent traité, entrent dans le domaine du droit des affaires

l'ensemble des règles relatives au droit des sociétés et au statut juridique des

commerçants, au recouvrement des créances, aux sûretés et aux voies d'exécution, au

régime du redressement des entreprises et de la liquidation judiciaire, au droit de

l'arbitrage, au droit du travail, au droit comptable, au droit de la vente et des transports,

et toute autre matière que le Conseil des Ministres déciderait, à l'unanimité, d'y inclure

(...)"

Droit: L’OHADA célèbre ses 20 ans d’existence

Par Kpoumie Hamed - 21/08/2013

L’organisation dont le siège est basé à Yaoundé au Cameroun débute dès le 22

août une série d’activités d’échange et d’information

L’Organisation pour l’Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)

débute le 22 août 2013 une série d’activités marquant la célébration au Cameroun de

ses 20 ans d’existence. « La philosophie de ces activités couplées est de mettre en

contexte la dynamique du rapport entre le droit et l’économie en questionnant

l’efficacité du droit OHADA du point de vue des acteurs économiques et des

professionnels du droit réunis dans le cadre du Forum économique OHADA –

ENTREPRISES d’une part et, d’autre part, de formuler des pistes de solutions

appropriés dans le cadre de la manifestation scientifique. », peut-on lire dans la fiche

technique d’annonce de l’évènement. Selon une source interne au sein de

l’organisation, le but recherché par les activités est surtout de resserrer les liens qui

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403

naissent progressivement avec les entreprises. Il est précisément question de

consolider et renforcer le pont établi par le droit OHADA entre les entreprises et les

acteurs clés de l’environnement des affaires que sont l’Etat), les Partenaires

techniques et financiers, les Groupements patronaux, les Chambres consulaires, les

Institutions partenaires de promotion et de développement des investissements, pour

une meilleure appréciation du niveau de pénétration et d’appropriation du droit

OHADA dans les Etats membres. L’organisation espère aussi réaliser une évaluation

des résultats qu’elle a atteints en 20 ans et poser le cas échéant les bases nouvelles

nécessaires à l’équilibre entre exigences de croissance, compétitivité économique et

impératif de sécurité juridique des entreprises dans l’espace où ses textes

s’appliquent.

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Les activités de la célébration tourneront autour d’un forum et d’un colloque

international. Le forum sera une occasion véritable de présenter l’OHADA et

l’opportunité qu’elle représente pour le renforcement de la compétitivité

économique dans son espace d’intervention. Le deuxième jour du Forum apportera

des réponses à la contribution de l’OHADA. Le Colloque organisé par la suite aura

un objectif similaire. Il reste cependant difficile d’évaluer le niveau d’impact que

l’OHADA aura sur des entreprises notamment camerounaises. Par essence les

activités économiques au-delà du Droit écrit développent ses propres pratiques pour

s’adapter. Au-delà de ce caractère des activités commerciales, les dispositions de

l’OHADA comme l’ensemble de l’arsenal juridique au Cameroun souffrent d’une

participation de ses bénéficiaires. Pour remotiver les destinataires des textes

OHADA, l’organisation partagera avec les participants les résultats de ses

différentes recherches et des efforts de travail réalisés avec la contribution des

universités des pays membres.

Les chefs d'Etat ce jeudi à Ouagadougou -

Ouagadougou, 17 octobre 2013 @koaci.com - La conférence des chefs d’Etat et de

gouvernement des 17 pays membres de l’Organisation pour l’harmonisation en Afrique

du droit des affaires (OHADA), qui commémore ses vingt ans d’existence, s’est ouvert

jeudi à Ouagadougou, a-t-on constaté.

Cette commémoration, placée sous le thème : «OHADA, 20 ans déjà, bilan et

perspectives», est une occasion pour les huit chefs d’Etat -Côte d’Ivoire, Niger,

Centrafrique, Congo Brazzaville, Bénin, Togo, Mali, Burkina Faso- présents dans la

capitale burkinabè et aux autres chefs de gouvernement de revisiter le passé et

d’envisager l’avenir de l’institution.

Selon le président burkinabè Blaise Compaoré, la rencontre première rencontre

statutaire de ce jour «traduit notre volonté de conférer à notre Organisation, les atouts

essentiels pour aborder l’avenir avec sérénité et impulser la réalisation des missions qui

lui sont assignées, dans un contexte de compétition où les pays en développement

doivent prendre pleinement leur place dans le jeu économique mondial».

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«Il s’agit de travailler à relever avec succès les nombreux défis imposés à notre

continent par la désorganisation du tissu économique de nos pays, consécutive à la crise

économique mondiale dont la persistance affecte l’élan de développement, mais

également de créer les conditions pour des investissements encore plus intenses et

sécurisés, en renforçant la confiance des acteurs économiques vis-à-vis de nos systèmes

juridiques», a-t-il poursuivi.

Pour le président du Congo Brazzaville, Dénis Sassou-Nguesso «c’est dans le souci

d’assainir le monde des affaires, consolider la justice, encourager les investissements

extérieurs en Afrique que les 17 pays membres de l’OHADA sont aujourd’hui réunis au

Burkina Faso pour renforcer davantage les acquis de l’organisation».

«Nous sommes contents du progrès réalisé par notre organisation ces 2O dernières

années. Cependant, l’organe demeure avant tout un projet et d’autres pays pourront, par

notre travail, intégrer l’espace », a-t-il ajouté.

«L’OHADA est une institution importante pour le droit des affaires. Il y a des progrès

considérables en Afrique et nous en sommes très heureux. (…) nous devons voir si nous

devons renforcer notre engagement dans ce domaine», a soutenu le président ivoirien

Alassane Dramane Ouattara.

Selon le chef de l’Etat nigérien, Mahamadou Issoufou, les pays africains sont en plein

boom économique, et il est nécessaire de mettre, de commun accord, l’accent sur

l’harmonisation du climat des affaires.

Au lancement des festivités, le 10 octobre dernier, le Secrétaire permanent (SP) de

l’organisation, Pr Dorothé Kossi Sosa, a rappelé les progrès enregistrés dont l’adoption

de neuf actes uniformes et qui constitue, selon lui, une «jurisprudence déjà

considérable», et un «intérêt évident chez les acteurs économiques» pour le droit

OHADA.

«L’OHADA nous a permis de réinventer le droit pour faire avancer nos économies et

tenir notre place dans la marche aux forceps du monde contemporain», s’est-il réjouit.

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Pour M. Compaoré, président de la conférence des chefs d’Etat de l’OHADA, deux

décennies après la création de cette institution, «le constat est encourageant en termes

de promotion de la croissance économique et de l’emploi, d’amélioration de

l’environnement juridique pour la création des entreprises, d’accroissement de

l’accessibilité au crédit, de sécurisation des investissements étrangers directs et

d’impulsion du progrès social dans nos pays».

Portée sur les fonts baptismaux et sur la base du Traité de Port-Louis du 17 octobre

1993, l’OHADA s’était fixée pour ambition de faciliter les échanges commerciaux et les

investissements sur le continent en Afrique et au-delà.

Lancement officiel des activités commémoratives des 20 ans de l'OHADA à

Ouagadougou - Burkina Faso

17 octobre 1993 - 17 octobre 2013 : l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du

Droit des Affaires aura 20 ans ! Age de la maturité, âge de la sagesse comme le disent

certains observateurs. Les institutions de l'OHADA ont placé cette événement sous

l'angle du « bilan et des perspectives », d'où le thème officiel : « L'OHADA, 20 ans

déjà : bilan et perspectives ».

Prévues du 10 au 17 octobre 2013, les activités commémoratives de cet important

instant particulier de la vie de l'OHADA a été lancé officiellement par Monsieur le

Premier Ministre du Burkina Faso. Avant son allocution de lancement, le maire de

Ouagadougou a souhaité la bienvenue à tous les participants à cet important événement.

Le Secrétaire Permanent de l'OHADA, a salué les différents acteurs et partenaires

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techniques et financiers de l'OHADA pour leur accompagnement et investissement

constants aux côtés de l'Institution. La substance des différentes allocutions se résume

comme suit :

Monsieur le Maire de Ouagadougou s'est réjoui de voir sa

municipalité recevoir cet évènement majeur dans la vie de l'OHADA que sont les

activités commémoratives des 20 ans de l'OHADA. Soulignant la « vision de départ »

du droit harmonisé, il relève que ce droit est une réalité aujourd'hui et prie de toutes les

parties prenantes du train de l'OHADA de toujours tirer les leçons utiles de la vie de ce

droit pour permettre son bon enracinement. En conclusion, il a souhaité une « longue

vie à l'OHADA ».

Monsieur le Secrétaire Permanent, pour sa part, a souligné la reconnaissance des

organes de l'OHADA au Président du Faso pour les hautes instructions qu'il a bien

voulues donner aux autorités burkinabé pour la bonne préparation et le bon déroulement

des activités commémoratives de l'anniversaire de l'OHADA. Il a également remercié

Monsieur le Premier Ministre du Faso qui a tenu à ouvrir lui-même les travaux de

lancement de ces activités. Il a souligné, afin que nul n'en ignore, que c'est à

Ouagadougou en 1991 qu'est né l'idée de l'OHADA, 20 ans après, on se retrouve à

Ouagadougou pour célébrer la maturité de cette institution dont le droit régit la vie des

affaires dans 17 Etats d'Afrique et d'Océan indien, pour un total de près de 225 millions

d'habitants et un PIB d'environ 275 milliards de dollars US. Il a salué l'enthousiasme

jamais démenti chez les juristes qui analysent au quotidien les structures de l'OHADA et

son droit. Il a également salué l'intérêt évident chez les acteurs économiques qui sont les

destinataires de ce droit. Il a souligné que malgré les crises de nature diverse que

connaissent les Etats parties, les progrès connus par l'espace de l'OHADA sont plutôt

fabuleux : on peut conclure depuis lors les réalisations économiques exceptionnelles. La

confiance progressivement retrouvée à la qualité de nos systèmes juridiques et

judiciaires a contribué notamment à ce résultat.

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Il invité les participants à cette cérémonie et au colloque à

poser un regard sans complaisance sur le chemin parcouru. C'est même le sens du

colloque qui s'est ouvert à la suite de cette cérémonie de lancement autour du thème :

L'OHADA 20 ans déjà : bilan et perspectives.

Il a également salué avec « force et sincérité » les Etats et les institutions qui n'ont

jamais marchandé leur soutien à l'OHADA : L'UEMOA, la France, la BAD, le PNUD,

l'OIF, le groupe de la Banque Mondiale, la BCEAO, la Banque Ouest africaine de

développement, l'UNIDA, Juriscope, Jusrisafrica. Il a salué la présence des anciens

chefs d'institutions de l'OHADA à cette cérémonie.

Monsieur le Premier Ministre a souligné que le Faso s'honore

d'abriter les activités de lancement des activités commémoratives des 20 ans de

l'OHADA. Au nom du Président du Faso, il a relevé la légitime fierté du peuple du Faso

de recevoir les acteurs de l'OHADA à Ouagadougou pour célébrer l'OHADA et à

travers elle l'intégration africaine. Il a indiqué que l'OHADA est promis à des

lendemains meilleurs en ce sens qu'elle suscite l'intérêt un peu partout en Afrique. Il a

souligné qu'avec l'OHADA, l'Afrique réunit les compétences pour assurer son destin.

Il a rendu un hommage mérité à ceux qui ont cru et conçu et élaboré l'OHADA à sa

création (le juge Kéba M'BAYE et toutes les personnes qui ont œuvré à ses côtés). Il a

également salué le soutien indéfectible des différents partenaires techniques et

financiers qui ont œuvré sans relâche pour aider l'OHADA à atteindre les objectifs que

les pères fondateurs lui ont assigné.

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Il a assuré, au nom du Président du Faso et du Gouvernement

de son pays, que le Faso ne ménagera aucun effort pour accompagner l'OHADA dans

l'accomplissement de sa mission. A la fin de son allocution, il a lancé officiellement

l'ouverture des activités de commémoration des 20 ans de l'OHADA.

Après ces allocutions, le Premier Ministre, accompagné du Ministre de la justice du

Faso, le Secrétaire permanent de l'OHADA et la délégation officielle a coupé le ruban

de lancement de la foire du droit des affaires OHADA qui a vu la participation de plus

de 20 exposants parmi lesquels les partenaires techniques et financiers de l'OHADA

ainsi que les institutions de l'OHADA : CCJA, ERSUMA, UNIDA, UEMOA,

Juriscope, Notariat francophone, Conseil national des barreaux (France), Librairie

Jeunesse d'Afrique, La Maison de l'entreprise, les éditions Jurisafrica etc.

Après la phase protocolaire de lancement, le colloque officiel

organisé par les institutions de l'OHADA s'est ouvert sous la supervision scientifique de

Monsieur le Recteur Filiga Michel SAWADOGO. Le thème « L'OHADA, 20 ans

déjà : bilan et perspectives » servira le fil conducteur aux communications et échanges

dont les recommandations seront transmis au Conseil des Ministres. Nous reviendrons

plus amplement sur les détails et les moments forts de ce riche colloque.

Lancées le 10 octobre 2013, les activités commémoratives des 20 ans de l'OHADA

prendront fin le 17 octobre prochain avec la conférence des chefs d'Etats de l'OHADA.

L'association UNIDA et le site www.ohada.com salue le travail abattu par les autorités

du Burkina Faso et les institutions de l'OHADA pour permettre que ces activités

d'anniversaire officiel se déroulent dans de bonnes conditions.

Joseph KAMGA.

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Table des matières

AVERTISSEMENT.................................................................................................................................... 2

DEDICACES ........................................................................................................................................ 4

REMERCIEMENTS .................................................................................................................................. 5

SIGLES ET ABBREVIATIONS .................................................................................................................... 6

SOMMAIRE .......................................................................................................................................... 12

INTRODUCTION ................................................................................................................................... 13

PARTIE I ........................................................................................................................................... 30

L’AVENEMENT D’UN ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ............................................................. 30

TITRE I ......................................................................................................................................... 32

L’EMERGENCE D’UN NOUVEL ORDRE JURIDIQUE POUR LE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE EN

AFRIQUE PAR L’OHADA ................................................................................................................ 32 CHAPITRE I ............................................................................................................................................. 34 LE CONCEPT D’ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE DANS LA PERSPECTIVE D’INTEGRATION JURIDIQUE

.............................................................................................................................................................. 34 Section I : Les fondements de la théorie de l’ordre juridique communautaire .................................... 35

Paragraphe I : Le concept de « désinternationalisation » du droit communautaire ....................... 36 A- Les fondements jurisprudentiels de l’ordre juridique communautaire ............................. 37 B- L’apport de la doctrine communautariste ........................................................................ 40

Paragraphe II : L’ordre juridique communautaire : un ordre juridique de droit international......... 43 A. Le droit international, fondement du droit communautaire ............................................ 44 B. Le rapport relatif de l’ordre juridique communautaire et de l’ordre juridique interne au

regard du droit international .................................................................................................... 48 Section II : L’ordre juridique communautaire dans les mécanismes d’intégration juridique ............... 52

Paragraphe I : L’insertion des enjeux d’intégration juridique dans un ordre juridique

communautaire ............................................................................................................................ 53 A. La théorie générale de l’ordre juridique : L’unité de l’ordre juridique .............................. 53 B. La nécessaire cohérence de l’ordre juridique d’intégration .............................................. 58

Paragraphe II : L’ordre juridique : entre complétude et complexité de l’intégration juridique ....... 60 A. La complétude de l’ordre juridique.................................................................................. 60 B. La complexité de l’intégration juridique communautaire ................................................ 62

CHAPITRE II ............................................................................................................................................ 64 LA POLITIQUE DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUE VIA UN SYSTEME JURIDIQUE INSTITUTIONNEL OHADA

.............................................................................................................................................................. 64 SECTION I : La politique communautaire OHADA au service de la performance des entreprises ......... 64

Paragraphe I : Une politique de coopération effective et un cadre permanent de concertation ..... 65 A. La politique de coopération ............................................................................................. 65

1. Les enjeux de développement économique .................................................................. 65 2. La mondialisation ou la globalisation de l’économie ..................................................... 68

B. Un cadre permanent de concertation .............................................................................. 71 1. La forte volonté politique des Etats membres .............................................................. 71 2. Une dynamique permanente du système institutionnel ............................................... 73

Paragraphe II : Le droit OHADA : un instrument au service de la performance des entreprises ...... 74 A. Un espace d’intégration juridique du monde des affaires ................................................ 75

1- Les concepts d’uniformisation et d’harmonisation ....................................................... 75 2- L’étendue des implications pratiques ........................................................................... 79

B. Un espace d’intégration judiciaire renforçant une sécurité juridique ............................... 80 1- La mise en place d’un cadre régional juridictionnel ...................................................... 81 2- La promotion de l’arbitrage comme mode de règlement des différends contractuels ... 82

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Section II : Le système institutionnel et juridique d’actions ...................................................... 84 Paragraphe I : L’action des institutions politiques de l’organisation .............................................. 84

A. Le conseil des Ministres de la Justice et des Finances ...................................................... 84 1- Composition et fonctionnement du conseil des Ministres ............................................ 84 2- Les attributions du Conseil des Ministres ..................................................................... 86

B. Le secrétariat permanent ................................................................................................ 87 1- L’organisation et fonctionnement du secrétariat permanent ........................................ 87 2- Les attributions du Secrétariat Permanent ................................................................... 89

Paragraphe II : L’action des institutions juridiques de l’organisation ............................................. 91 A. La Cour Commune de Justice et d’Arbitrage .................................................................... 91

1- La composition et le fonctionnement de la CCJA .......................................................... 93 2- Les compétences et attributions de la CCJA .................................................................. 95

B. L’Ecole Régionale Supérieure de la Magistrature ............................................................. 97 1- L’ERSUMA : lieu de formation au bilan impressionnant ................................................ 99 2- L’ERSUMA : centre de recherche et de documentation ............................................... 101

TITRE II ...................................................................................................................................... 105

L’ETENDUE DES ACQUIS DU COMMUNAUTARISME « OHADA » .................................................. 105 CHAPITRE I ........................................................................................................................................... 106 LA CONSECRATION D’UN ORDRE JURIDIQUE COMMUNAUTAIRE ......................................................... 106

Section I : L’ordre juridique européen dans la réglementation du droit des affaires ......................... 106 Paragraphe I : L’étendue du droit européen des affaires ............................................................. 107

A. L’instauration d’un espace économique européen « EEE » ............................................ 108 B. La délimitation du domaine du droit européen des affaires ........................................ 111

Paragraphe II : les mesures juridiques d’uniformité du droit européen des affaires..................... 114 A. Le principe de primauté des normes européennes ........................................................ 114 B. L’applicabilité directe du droit européen des Affaires .................................................... 120

SECTION II : La consécration d’une réglementation OHADA du droit des affaires ............................. 125 Paragraphe I : L’adoption et la rénovation des actes uniformes OHADA ...................................... 125

A. La procédure d’adoption des Actes uniformes ............................................................... 126 B. Les rénovations juridiques à travers la révision des actes uniformes OHADA ................. 129

Paragraphe II : L’impact des actes uniformes sur le droit des affaires OHADA ............................. 133 A. Les difficultés de mise en œuvre des actes uniformes.................................................... 133 B. Les obstacles à l’impact positif des actes uniformes ...................................................... 136

CHAPITRE II .......................................................................................................................................... 139 LES IMPLICATIONS DE L’ABANDON DES SOUVERAINETES LEGISLATIVES ET JUDICIAIRES ....................... 139

Section I : L’ambigüité de la cohabitation du droit OHADA et des droits nationaux ............. 140 Paragraphe I : Les contours de la portée abrogatoire des actes uniformes .................................. 140

A. Des compétences fermes pour le législateur OHADA ..................................................... 141 B. Des compétences partagées en matière pénale ............................................................. 143

Paragraphe II : Les contours de la cohabitation juridique ............................................................ 146 A. Les implications constitutionnelles ................................................................................ 146 B. Une lisibilité incertaine du droit interne en vigueur ....................................................... 149

Section II : Les implications de la cohabitation judiciaire dans l’espace OHADA ............................... 151 Paragraphe I : La coordination de la souveraineté judiciaire ........................................................ 151

A. La répartition des compétences entre la CCJA et les juridictions nationales ................... 152 B. L’institution de moyens de coopération judiciaire ......................................................... 156

Paragraphe II : La consécration de l’organe juridictionnel communautaire en juridiction de dernier

ressort ........................................................................................................................................ 158 A. L’autorité de la CCJA sur les Instances suprêmes internes.............................................. 159 B. Les limites pratiques ..................................................................................................... 162

CONCLUSION DE LA PARTIE I ............................................................................................................. 164

SECONDE PARTIE ........................................................................................................................... 166

LES SOLUTIONS POUR UNE NOUVELLE DYNAMIQUE DE L’ORDRE JURIDIQUE HARMONISÉ OHADA ... 166

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TITRE I ....................................................................................................................................... 169

L’ANALYSE CRITIQUE DES ACQUIS DU DROIT UNIFORME OHADA ................................................ 169 CHAPITRE I ........................................................................................................................................... 170 LES INSUFFISANCES DES MECANISMES COMMUNAUTAIRES D’INTEGRATION JURIDIQUE ET JUDICIAIRE

............................................................................................................................................................ 170 Section I : Les problématiques juridictionnelles ............................................................................... 170

Paragraphe I : Les incertitudes sur la CCJA ................................................................................... 171 A. La divergence des textes attributifs de compétences et les cas d’ouverture de cassation

171 B. Les incidences pratiques ................................................................................................ 177

Paragraphe II : Une reforme recommandée du domaine de compétences et de l’action de la CCJA

................................................................................................................................................... 180 A. La révision des arrangements de N’Djamena ................................................................. 180 B. La réforme structurelle de la CCJA ................................................................................. 184

Section II : L’étendue de la coopération juridique dans l’espace harmonisé ..................................... 188 Paragraphe I : La réforme de l’ERSUMA ....................................................................................... 189

A. Les contraintes à la mission de l’ERSUMA ...................................................................... 189 B. Les solutions de renforcement pour l’ERSUMA .............................................................. 193

Paragraphe II : Les facteurs internes limitant la réussite de l’intégration communautaire ........... 197 A. Les peuples africains bénéficiaires de l’œuvre communautaire ..................................... 198 B. Des solutions pour la vulgarisation de l’intégration OHADA vers les peuples africains ... 202

CHAPITRE II .......................................................................................................................................... 205 LES INSUFFISANCES MATERIELLES DU MODELE JURIDIQUE OHADA ...................................................... 205

Section I : Les insuffisances des mécanismes d’adoption des actes uniformes .................................. 206 Paragraphe I : La problématique de l’élaboration des actes uniformes ........................................ 207

A. Le choix des matières à harmoniser ............................................................................... 207 B. Les limites de la procédure d’élaboration des actes uniformes ...................................... 209

Paragraphe II : Les solutions pour l’efficacité des dispositions matérielles uniformisées ............. 210 A. L’efficacité des actes uniformes ..................................................................................... 210 B. Les solutions procédurales ............................................................................................ 213

Section II : L’intégration juridique en matière pénale ....................................................................... 216 Paragraphe I : La mise en place d’un système pénal général OHADA ........................................... 217

A. La part de l’OHADA : l’harmonisation des qualifications pénales ................................... 218 B. La détermination nationale des infractions communautaires ........................................ 222

Paragraphe II : Un système plus spécifique pour les infractions prévues dans les actes uniformes

OHADA ....................................................................................................................................... 226 A. Tableaux indicatifs des grilles des infractions communautaires ..................................... 227 B. Les incidences pratiques et recommandations .............................................................. 230

TITRE II ...................................................................................................................................... 237

L’OHADA FACE A SES NOUVEAUX ENJEUX ET SA VISION D’INTEGRATION AFRICAINE ................... 237 CHAPITRE I ........................................................................................................................................... 239 L’INTEGRATION AFRICAINE ET LA PERSISTANCE DES CONFLITS COMMUNAUTAIRES............................. 239

Section I : L’ambigüité de la cohabitation régionale ......................................................................... 240 Paragraphe I : Les sources du conflit communautaire .................................................................. 241

A. La similitude des domaines de compétences et les risques de conflits normatifs ........... 243 B. Les conflits liés à l’intégration des normes juridiques dans le droit interne des Etats ..... 250

Paragraphe II : les implications d’une cohabitation entre les organisations régionales ................ 254 A. Des solutions apportées en faveur d’une collaboration et d’une concertation ............... 254 B. Les limites du modèle de coopération envisagé entre les organisations communautaires

259 Section II : Les solutions pour une nouvelle dynamique communautaire d’intégration juridique ..... 263

Paragraphe I : L’opportunité d’une réadaptation des deux organisations .................................... 264 A. La réadaptation institutionnelle .................................................................................... 265 B. La nécessité d’une réadaptation judiciaire..................................................................... 267

Paragraphe II : La réadaptation de l’espace communautaire ....................................................... 270

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A. Les incidences de la transposition des dispositions européennes .................................. 271 B. Les mesures de réadaptation de l’espace communautaire ............................................. 275

CHAPITRE II .......................................................................................................................................... 279 L’ABOUTISSEMENT DU PROJET D’INTEGRATION PANAFRICAINE .......................................................... 279

Section I : Les solutions aux problématiques liées à l’extension de l’OHADA .................................... 280 Paragraphe I : les nouveaux facteurs de l’extension de l’OHADA ................................................. 280

A. L’extension linguistique du droit communautaire.......................................................... 280 B. L’impact de nouvelles adhésions à l’OHADA .................................................................. 285

Paragraphe II : La rénovation générale de l’espace communautaire ............................................ 288 A. La conception d’une super organisation communautaire .............................................. 289 B. Les contraintes .............................................................................................................. 292

Section II : L’émergence d’un véritable développement communautaire africain ............................. 294 Paragraphe I : La sortie d’ « une indigénisation de la justice africaine »....................................... 295

A. L’indigénisation de la justice africaine ........................................................................... 295 B. La renaissance de la justice africaine ............................................................................. 300

Paragraphe II : Le concept de « limite consciente de l’inconscience africaine »............................ 304 A. Les fondements du concept de limite consciente de l’inconscience ............................... 305 B. Le contexte africain et les fondements du concept ........................................................ 307

CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE ............................................................................................... 310

CONCLUSION GENERALE.................................................................................................................... 312

BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................. 318

ANNEXES ........................................................................................................................................... 355

TABLEAU DE SYNTHESE ....................................................................................................... 381

L'OHADA FETE 20 ANS DE BOULEVERSEMENT DE L'ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES

.......................................................................................................................................................... 397

DROIT: L’OHADA CELEBRE SES 20 ANS D’EXISTENCE ..................................................................... 402 Par Kpoumie Hamed - 21/08/2013 ................................................................................................. 402

L’organisation dont le siège est basé à Yaoundé au Cameroun débute dès le 22 août une série

d’activités d’échange et d’information ............................................................................................... 402

LANCEMENT OFFICIEL DES ACTIVITES COMMEMORATIVES DES 20 ANS DE L'OHADA

A OUAGADOUGOU - BURKINA FASO ....................................................................................... 406

TABLE DES MATIERES ........................................................................................................................ 410