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L a petite ville de Vernon, première ville normande que l’on rencontre en descendant la Seine après avoir passé Mantes et la Roche-Guyon, conserve de ses fortifications médiévales deux monuments assez souvent cités et qui n’ont pourtant jamais été étudiés réelle- ment : le château royal, implanté en rive gauche de Seine, dont l’élément le plus em- blématique est l’ancienne tour maîtresse, dite tour des Archives, attribuée en géné- ral à Philippe Auguste, et le fort des Tou- relles, situé à Vernonnet en rive droite de Seine, demeuré dans une sorte de purga- toire, tant ses modifications externes ap- portées à l’époque classique et moderne ont pu dérouter les spécialistes 1 . Ces édifices méritent une attention particulière, en raison de leurs caractéris- tiques architecturales et de leur décor, remarquables, qui en font des témoins tout à fait privilégiés de l’architecture royale de l’extrême fin du XII e siècle. LE CONTEXTE HISTORIQUE ET TOPOGRAPHIQUE Rappel historique Si la ville de Vernon est sans doute d’origine purement médiévale 2 , le site de traversée de la Seine a vraisemblablement existé d’antiquité. En rive droite, face à l’agglomération moderne, le plateau porte les restes d’un oppidum qui fut le plus étendu en superficie de tous les oppida des Veliocasses ; des fouilles récentes ont permis de dégager des parties importantes de son enceinte – tout particulièrement les restes de sa porte monumentale ; elles ont montré que son utilisation s’est sans doute main- tenue jusqu’au I er siècle de notre ère. À son extrémité fut implantée une chapelle dédiée à saint Michel, devenue prieuré au Moyen Âge 3 . Ce n’est cependant qu’à la fin du X e siècle que Vernon apparaît dans l’his- toire 4 ; le noyau de population s’établit en rive gauche de Seine, contrôlant le chemin de Mantes à Rouen longeant la Seine et la traversée du fleuve ; la région était particu- lièrement prospère du fait de l’existence d’un vignoble réputé, le vignoble de Longueville, qui se développait sur les coteaux occidentaux de la vallée, de Vernon à Gaillon 5 . Le castrum de Vernon est mentionné dès avant les années 1040 ; le roi-duc Henri I er y construisit une tour maîtresse en 1123, lors de la grande campagne de fortification qu’il mena en Normandie à cette époque 6 . Le site de traversée était doté d’un pont avant le milieu du XII e siècle, si l’on en croit Robert de Torigni qui relate la traversée de la Seine en 1144 par l’armée de Geoffroy d’Anjou, puis cite le pont en évoquant la traversée par l’armée du duc Henri Plantagenêt, futur Henri II, en 1152 7 . Dès cette époque, le bourg castral était devenu une ville à part entière : une collégiale dédiée à Notre-Dame y avait été fondée dès le troisième quart du XI e siècle et une seconde église, dédiée à sainte Geneviève, y existait peut-être dès le XII e siècle. Vernon était donc un site majeur, à quelques kilomètres de la frontière avec l’Ile-de-France ; château, ville et pont furent en conséquence un enjeu permanent dans le conflit franco-anglo-normand dans la seconde moitié du XII e siècle. Le bourg situé à l’extérieur des murs fut incendié par Louis VII, en avril 1153, en représailles aux exactions de Richard I de Vernon ; la même année, en juillet, le roi, aidé par le comte de Flandre Thierry d’Alsace et son armée, assiégea le castrum. Selon Robert de Torigny, le castrum aurait résisté pendant quinze jours à tous les assauts et à diverses machines de guerre ; le roi, inquiet du départ annoncé de Thierry d’Alsace, aurait alors négocié avec Richard I de Vernon un compromis. L’oriflamme royal devait être hissé à la tour du château et celle-ci confiée à la garde de Goël, fils de Baudry de Baudemont, déjà vassal du roi en raison de la remise du Vexin normand par le duc Henri en 1150, ainsi que de Richard de Vernon. Quoi qu’ait pensé et écrit le chro- niqueur à propos de cet épisode, le castrum demeura sous contrôle de Louis VII jusqu’en août 1154, date à laquelle, à l’oc- casion de la trêve signée entre les deux princes, il réintégra l’orbite ducale ; on notera qu’il était qualifié à cette époque de « château extrêmement fort » (firmissimum castrum) 8 . Quarante ans plus tard, Philippe Auguste, déjà maître de Gisors par traîtrise en 1193, 291 LA TOUR DES ARCHIVES ET LE FORT DES TOURELLES DE VERNON (EURE) DEUX ÉDIFICES ROYAUX EXCEPTIONNELS ÉDIFIÉS VERS 1200 Jean MESQUI Bulletin Monumental Tome 169-4 • 2011

LATOUR DES ARCHIVES ET LE FORT DES TOURELLES DE … · 2018-10-25 · Dominique Pitte, après les fouilles de sauvetagemenéesen1986-198917.Onse contenteradoncderappelersescarac-téristiques

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Lapetite ville de Vernon, premièreville normande que l’on rencontreen descendant la Seine après avoirpassé Mantes et la Roche-Guyon,

conserve de ses fortifications médiévalesdeux monuments assez souvent cités et quin’ont pourtant jamais été étudiés réelle-ment : le château royal, implanté en rivegauche de Seine, dont l’élément le plus em-blématique est l’ancienne tour maîtresse,dite tour des Archives, attribuée en géné-ral à Philippe Auguste, et le fort des Tou-relles, situé à Vernonnet en rive droite deSeine, demeuré dans une sorte de purga-toire, tant ses modifications externes ap-portées à l’époque classique et moderne ontpu dérouter les spécialistes 1.

Ces édifices méritent une attentionparticulière, en raison de leurs caractéris-tiques architecturales et de leur décor,remarquables, qui en font des témoins toutà fait privilégiés de l’architecture royale del’extrême fin du XIIe siècle.

LE CONTEXTE HISTORIQUEET TOPOGRAPHIQUE

Rappel historique

Si la ville de Vernon est sans douted’origine purement médiévale 2, le site detraversée de la Seine a vraisemblablementexisté d’antiquité. En rive droite, face àl’agglomération moderne, le plateau porteles restes d’un oppidum qui fut le plus

étendu en superficie de tous les oppida desVeliocasses ; des fouilles récentes ont permisde dégager des parties importantes de sonenceinte – tout particulièrement les restes desa porte monumentale ; elles ont montréque son utilisation s’est sans doute main-tenue jusqu’au Ier siècle de notre ère. Àson extrémité fut implantée une chapelledédiée à saint Michel, devenue prieuré auMoyen Âge 3.

Ce n’est cependant qu’à la fin duXe siècle que Vernon apparaît dans l’his-toire 4 ; le noyau de population s’établit enrive gauche de Seine, contrôlant le cheminde Mantes à Rouen longeant la Seine et latraversée du fleuve ; la région était particu-lièrement prospère du fait de l’existenced’un vignoble réputé, le vignoble deLongueville, qui se développait sur lescoteaux occidentaux de la vallée, de Vernonà Gaillon 5.

Le castrum de Vernon est mentionnédès avant les années 1040 ; le roi-ducHenri Ier y construisit une tour maîtresseen 1123, lors de la grande campagnede fortification qu’il mena en Normandieà cette époque 6. Le site de traverséeétait doté d’un pont avant le milieu duXIIe siècle, si l’on en croit Robert de Torigniqui relate la traversée de la Seine en 1144par l’armée de Geoffroy d’Anjou, puis citele pont en évoquant la traversée par l’arméedu duc Henri Plantagenêt, futur Henri II,en 1152 7. Dès cette époque, le bourgcastral était devenu une ville à part entière :une collégiale dédiée à Notre-Dame yavait été fondée dès le troisième quart du

XIe siècle et une seconde église, dédiée àsainte Geneviève, y existait peut-être dès leXIIe siècle.

Vernon était donc un site majeur, àquelques kilomètres de la frontière avecl’Ile-de-France ; château, ville et pontfurent en conséquence un enjeu permanentdans le conflit franco-anglo-normand dansla seconde moitié du XIIe siècle. Le bourgsitué à l’extérieur des murs fut incendié parLouis VII, en avril 1153, en représailles auxexactions de Richard I de Vernon ; lamême année, en juillet, le roi, aidé par lecomte de Flandre Thierry d’Alsace et sonarmée, assiégea le castrum. Selon Robert deTorigny, le castrum aurait résisté pendantquinze jours à tous les assauts et à diversesmachines de guerre ; le roi, inquiet dudépart annoncé de Thierry d’Alsace, auraitalors négocié avec Richard I de Vernon uncompromis. L’oriflamme royal devait êtrehissé à la tour du château et celle-ci confiéeà la garde de Goël, fils de Baudry deBaudemont, déjà vassal du roi en raison dela remise du Vexin normand par le ducHenri en 1150, ainsi que de Richard deVernon. Quoi qu’ait pensé et écrit le chro-niqueur à propos de cet épisode, le castrumdemeura sous contrôle de Louis VIIjusqu’en août 1154, date à laquelle, à l’oc-casion de la trêve signée entre les deuxprinces, il réintégra l’orbite ducale ; onnotera qu’il était qualifié à cette époque de« château extrêmement fort » (firmissimumcastrum) 8.

Quarante ans plus tard, Philippe Auguste,déjà maître de Gisors par traîtrise en 1193,

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DEUX ÉDIFICES ROYAUX EXCEPTIONNELS ÉDIFIÉS VERS 1200

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s’empara de la vallée de l’Eure en 1194. Àla fin de 1195, le rapport de force était telautour de Vernon que le roi de France futen situation d’imposer un abandon par leseigneur titulaire, Richard II de Vernon ;en échange, Philippe Auguste lui donnaitle château de Montmélian situé au nord deParis (commune de Saint-Witz, Val-d’Oise)et les droits afférents, ce qui était autre-ment moins valorisant mais dut paraître uncompromis acceptable par Richard II quise voyait, par ailleurs, confirmer la seigneu-rie de Néhou en Cotentin par Richard Ierd’Angleterre 9.

Dès lors, Vernon demeura châtellenieroyale, particulièrement fréquentée parPhilippe Auguste, puis par tous les rois oules princesses apanagistes 10. À partir duXVIe siècle, la châtellenie fut systématique-ment aliénée au profit de princes de lamaison royale ou de grands dignitaires 11.C’est sous les deux derniers d’entre eux, lemaréchal de Belle-Isle et le duc dePenthièvre, que le château commençad’être démantelé (1752), puis l’enceinte dela ville (1779). Cependant la disparition decelle-ci fut plus rapide que celle de l’en-ceinte castrale dont l’arasement ne seproduisit que dans les années 1950, lors dela Reconstruction.

Les composantes de l’agglomérationfortifiée

Le développement du castrum, puis dela ville fortifiée, fut évidemment intime-ment lié au croisement entre la traversée dela Seine de direction sud-ouest–nord-estfaisant partie d’un itinéraire Beauvais-Évreux et la route de Paris à Rouen enrive gauche qui lui était perpendiculaire.Dans sa forme définitive, qui prévalut àpartir du XIIIe siècle, la ville était formée detrois composantes imbriquées : l’enceinteurbaine enveloppant les deux bourgs primi-tifs, formant un grand triangle rectangleappuyé sur la Seine, interceptant les deuxrues majeures ; la deuxième enceinteovalaire, englobant les développementsurbains intervenus au XIIe siècle, et, à la char-nière entre les deux enceintes, le châteauroyal qui avait une courtine commune avecla première enceinte (fig. 3). Nous revien-drons dans un autre article sur la genèse,semble-t-il complexe, de cet urbanisme etsur l’emplacement du castrum primitif 12.

La fortification de la ville fut ainsi fixéedans son extension maximale au cours duXIIIe siècle ; elle ne varia plus après cettedate, seuls des aménagements ponctuels yintervenant au cours du XVIe siècle 13.

Aux fortifications de la ville strictosensu s’ajoutaient évidemment celles dupont de Vernon sur la Seine. Celui-cidébouchait au sud sur une des portes de laville – la porte du Pont ; au nord, sur la rivedroite de la Seine, il était placé sous lasurveillance d’une fortification particulière,le fort des Tourelles, appelé au Moyen Âgetour ou château de Vernonnet (fig. 1, H) 14.

En plus de cette tête de pont fortifiée, futconstruite à une époque indéterminée, unetour-porte située sur l’île du Talus au milieude la Seine. Cette île abritait primitivementl’Hôtel-Dieu de Vernon avant qu’il ne soittransféré, après 1256, sur le site de l’anciencastrum. La tour-porte est mentionnée ànotre connaissance pour la première fois en1426 et elle est qualifiée à cette époque deneuve, soit qu’elle ait été construite a nihiloà cette date, soit encore reconstruite 15. Elleest encore figurée dans les dessins des années1650-1660 (fig. 4), mais elle était en ruinesdès 1718 et disparut avant 1780 16.

LE CHÂTEAU ROYAL

Le château royal est connu parplusieurs anciens plans et descriptions ; il afait l’objet d’une notice assez complète par

Fig. 1 - Vue de la ville de Vernon, par Joachim Duviert vers 1610 (B.n.F., Vx23 rés.). On reconnaît de gauche à droite le fort des Tourelles, la section norddu pont, la porte du Pont sur l’île du Talus, la section sud du pont, la porte du Pont de l’enceinte urbaine, et à droite le château royal. La légende donne :A – Notre-Dame . B – Le cimetière. C – La séparation de la France d’avec la Normandie. D – Ste-Geneviève. E – Le chasteau. F – Les Cordeliers.G – L’ôpital. H – Le vieux chasteau. I – St-Nicolas. K – St-Michel.

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Dominique Pitte, après les fouilles desauvetage menées en 1986-1989 17. On secontentera donc de rappeler ses carac-téristiques principales avant de décrireles éléments encore conservés. L’enceinteformait une sorte de fer à cheval raccordé àses deux extrémités à la première enceinte

de la ville : au nord, la jonction s’effectuaitpar l’intermédiaire de la Grosse tour, diteaujourd’hui tour des Archives, alors qu’ausud-est se trouvait une tourelle d’angle,au-delà de laquelle l’enceinte allait rejoin-dre la porte de la première enceinte dispa-rue dès le XVIIIe siècle (fig. 5).

L’enceinte était flanquée sur son ovaleoccidental par cinq tourelles-contrefortssemi-circulaires, entre lesquelles s’interca-laient irrégulièrement de grandes tourscreuses ; selon le plan de 1779, il existaitsept de ces grandes tours, en y incluant latourelle d’angle mentionnée ci-dessus et lesdeux tours de la porte sud, mais on sait parle plan de 1593 qu’il existait, en outre, unetour-porte supplémentaire vers le nord,donnant sur le boulevard rectangulaireseptentrional (fig. 5, n° 5) 18. Cette portefut probablement supprimée lors de l’amé-nagement des Grandes écuries en 1752.

L’enceinte en fer à cheval et la tourellesemi-circulaire pleine

De l’arrondi formant autrefois le dessusdu fer à cheval dessiné par l’enceinte nesubsiste qu’un moignon de courtine d’unedizaine de mètres de longueur, encore flan-qué par une tourelle semi-circulaire pleine.Lors des fouilles préventives, les archéo-logues avaient exhumé un fragment decourtine adjacent, long d’une vingtaine demètres, conservé depuis le fond du fosséjusqu’au niveau du sol 19. Il s’agissait d’unmur rectiligne pourvu d’un léger fruit, neprésentant l’appareil médiéval primitif qu’àpartir de – 2 m sous le sol environnant ; leparement est construit dans un appareilassisé de petits mœllons équarris. Au-dessus se superposent un niveau faisantalterner des assises irrégulières, et un pare-ment supérieur très irrégulier moderne. Ledégagement des fossés n’a pas livré decouches archéologiques, de telle sorte quela datation de la courtine ne repose que surdes céramiques, trouvées à l’intérieur del’enceinte, qui remonteraient à la secondemoitié du XIIe siècle au plus tôt 20.

Le fragment de courtine flanqué parune tourelle semi-circulaire qui subsiste enélévation en fait partie ; il a conservé uneélévation d’une dizaine de mètres mais lesparements ont été altérés et remaniés à denombreuses reprises jusqu’à l’époquemoderne, au point qu’il est vain de tenterde les analyser précisément. On décèled’ailleurs la présence au sud de la tourd’une poterne, percée manifestement à la

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Fig. 2 - Plan de Vernon en 1752 (Arch. dép. Eure). Le contour de l’enceinte urbaine est encoreparfaitement reconnaissable, ainsi que celle du château. Le pont apparaît avec ses deux sections surles deux bras de Seine, séparées par l’île du Talus : au sud, il est encore en état de fonctionnement,alors qu’au nord, la seconde section est largement ruinée et remplacée par un bac. Au bout de ladeuxième section se trouve le fort des Tourelles, intitulé « Château ».

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Fig. 3 - Plan synoptique de la ville de Vernon d’après le cadastre de 1829 et les plans anciens (voir note 17).

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Fig. 4 - Vernon, plan et élévation du pont après les crues catastrophiques de 1658 et après la construction de travées en charpente sur lebras sud en 1662 (Arch. nat., F14 10196-13-04).

Fig. 5 - À gauche : « Plan geometrial de la ville de Vernon sur Seyne avec l’elevation des bastimentz publiques » (1593) (d’après l’originalconservé à la B.n.F.). À droite : « Plan d’une partie de la ville de Vernon, avec l’emplacement où sont construites les écuries pour les chevauxdes Gardes du Roy » (1779) (d’après l’original conservé au musée de Vernon). Le plan de 1593 représente le château encore entièrementenclos, avec son boulevard et sa tour bastionnée. Le plan de 1779 a le grand avantage de figurer l’enceinte du château dans son état antérieurà la destruction des tours sud-ouest, c’est-à-dire vers 1752, alors qu’était prise la décision de construire les grandes Écuries et de percer lanouvelle rue au milieu du château.

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fin du Moyen Âge pour faciliter la circula-tion entre le château et son fossé, qui futsans doute murée au XVIIIe siècle.

La tourelle semi-circulaire pleine, d’undiamètre d’environ 4 m, était marquée pardeux assises en glacis l’amincissant àmesure de sa hauteur ; la première se trou-vait juste au-dessus du talus de base très

remanié qui la garnissait, la seconde à sixmètres. Au-dessus de cette seconde assisede retrait, le parement de la tour, jusque làtrès irrégulier, se transforme en un appareilréglé de mœllons équarris.

On peut supposer que les autrestourelles pleines de l’enceinte avaient lamême facture ; mais celle qui est conservée

ne donne aucun renseignement sur la datede construction possible. Dominique Pitteavait proposé de les attribuer à la secondemoitié du XIIe siècle, datation que nousavions reprise en la justifiant par la simili-tude de parti avec les tourelles semi-circu-laires attribuées à Henri II dans lesenceintes de Poitiers et de Loches, auxtours maîtresses de Niort, etc. ; cetteproposition est désormais courammentadmise 21. Pour autant, elle doit être utili-sée avec une grande prudence : le manquetotal d’éléments architecturaux – hormisles deux assises en ressauts à glacis quimarquent son élévation – pourrait justifiertoute datation comprise entre le début duXIIe siècle et la fin du XIVe siècle.

Aucun indice d’aucune sorte n’existeplus sur les tours flanquant autrefois cetteenceinte en fer à cheval. Le plan de 1779représente des tours en U collées aux cour-tines, confirmant en cela le plan moinsprécis de 1593 ; la salle basse de chacuned’elles était desservie par un escalier en visménagé dans l’angle intérieur entre tour etcourtine. Ce plan ne donne cependant pasle moindre élément d’information sur lespercements éventuels des salles basses,peut-être bouchés à l’époque où on lelevait.

Malgré cette absence d’éléments dedatation, on peut suggérer – sous touteréserve – une datation tardive pour cestours collées aux courtines, dont l’alluregénérale pourrait accuser plutôt le XVe

siècle, époque d’adaptation précoce auxarmes à feu.

La tour nord-est, dite Tour ovaleou tour des Farines (n° 2) etles courtines adjacentes

La Tour ovale, dite tour des Farinesdepuis 1932 22, est l’unique tour flan-quante conservée sur les sept qui garnis-saient autrefois l’enceinte ; elle est encorebordée au nord-ouest comme au sudpar les courtines originelles, aujourd’huitotalement engoncées dans les parcelleshabitées. Ces murs sont rectilignes, leurélévation interne ne présentant que des

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Cl. J. Baboux.Fig. 6 - Vernon, vue de la tourelle semi-circulaire pleine, prise depuis le sud-ouest.

Fig. 7 - Vernon, plans de la tour des Farines (dessin J.Mesqui).

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faces enmédiocre appareil assisé demoellonséquarris.

De façon assez curieuse, il s’agit de laseule tour représentée comme cylindriquepar le plan de 1779 23 ; pourtant son planest parfaitement elliptique 24. Ses diamètresextérieurs sont d’environ 6,4 m par 8,5 m ;elle est entièrement saillante sur l’anglenord-est entre les courtines du château, nedébordant aucunement à l’intérieur del’enceinte. On peut supposer que son tracécurieux a été causé par le souci de ne pasconsommer trop d’espace dans le fossé versle nord-est et la ville.

En partie cachée par les constructionsadventices qui s’appuient sur elle, la tourprésente extérieurement un parement enappareil moyen régulier sur sa moitié sud ;ce parement a été remaillé ultérieurement

en maçonnerie assisée de petits mœllonsallongés, sans néanmoins que la ruptureentre les deux appareils soit nettementmarquée. À mi-hauteur de son élévation,on remarque une assise en glacis assezfortement érodée qui permettait un légerretrait de la maçonnerie et servait d’appuià la fente des archères du premier étage.

On accède à la tour par un couloiraménagé à l’angle intérieur des deux cour-tines ; malgré les nombreux remaniementsqu’il a subis, on reconnaît sa voûte enberceau plein cintre et l’ébrasement d’unefente d’éclairage haut placée regardant lenord. À une époque inconnue, le sol dupassage, comme celui de la tour, ont étéabaissés par rapport au sol d’origine d’unmètre environ, de telle sorte que le linteaude la porte d’accès, soutenu par deux cous-sinets en quart de rond inversé, se trouve

aujourd’hui à plus de trois mètres dehauteur. Le rez-de-chaussée de la tour,couvert d’un simple plancher, était pourvude quatre fentes d’archères aux ébrasementscouverts de dalles soutenues par des cous-sinets, dotées d’une plongée.

Du couloir d’accès, quelques marchesconduisaient vers le sud à un escalier en visdont ne subsistent que la base du noyau etles trois premières marches ; la disparitionde l’angle des deux courtines, sans douteau début du XIXe siècle, a conduit à desréparations de fortune, réalisées en mauvaisappareil enduit de plâtre pour recréer unescalier et une porte à la salle du premierétage. Celle-ci est voûtée en coupole réali-sée en mœllons de petit appareil ; elle étaitpourvue de cinq archères couvertes devoûtes en plein cintre intersectant la voûtecentrale, malheureusement extrêmementaltérées.

Éléments de datation

Les caractères de cette tour sont extrê-mement proches de ceux des tours duchâteau royal de Guainville, construit àpartir de 1192 pour faire pièce au châteaud’Ivry, à une trentaine de kilomètres au sudde Vernon 25. On notera tout particulière-ment le voûtement unique du premierétage par une coupole où s’insèrent lesvoûtes des ébrasements d’archères ; cettedisposition se retrouve également à l’iden-tique dans les tours du Diable et duGouverneur de Gisors. Il est vraisemblableque Philippe Auguste mit en chantier cettetour, comme les autres tours de l’enceinte,très rapidement après la prise de possessionde Vernon, soit dès le début de 1196.

La Grosse tour, tour de la Cigogneou tour des Archives (n° 1)

L’élément le plus spectaculaire duchâteau est la tour dite, depuis le XIXe siècle,tour des Archives, du fait qu’elle abritaaprès la Révolution les archives de la ville.Elle était appelée couramment Grosse toursous l’Ancien Régime mais semble égale-ment avoir porté le nom de tour de la

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Cl. J. Mesqui.

Fig. 8 - Vernon, vue de la tour des Farines prise depuis l’est.

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Cigogne au début du XVe siècle 26. L’édificen’a été que très peu remanié depuis lesannées 1800, malgré les tribulations de sonhistoire moderne. On notera cependantune restauration consistant en des remail-lages de pierres, intervenue en 1838-1840,concernant probablement la réfectioncomplète du parapet sommital et la cons-truction d’une dalle de béton armé, indé-pendante de la voûte du premier étage 27.

Élévation extérieure et couronne de mâchi-coulis

La tour était primitivement isolée descourtines ouest et sud, comme de l’en-ceinte urbaine qui partait au nord-ouest ;elle était défendue, côté cour du château,par un fossé propre qu’on voit figurerdans le plan de 1593, communiquant avecles fossés extérieurs du château, suivantune disposition coutumière dans les toursmaîtresses de Philippe Auguste. Son diamè-tre extérieur s’établit à 11,44 m au niveaudu sol extérieur ; la base enterrée était vrai-semblablement pourvue d’un talus englacis. Bien que, de loin, l’édifice donneune impression de grande homogénéitépour ce qui concerne ses parements, l’ana-lyse rapprochée montre l’utilisation dedeux types de pierres : celles qui formentl’encadrement des baies du premier étagesont en grand appareil, alors que le reste dela tour est en moyen appareil réglé, auxassises variables en hauteur. Cependant, iln’existe aucune raison de douter de leurcaractère contemporain.

En revanche, les parties hautes de latour ont fait l’objet de remaniementsfaciles à déceler (fig. 12). On décèle enpremier lieu une assise marquée régulière-ment par des blocs cubiques : ceux-ci résul-tent manifestement du bouchage desanciens trous de boulin d’un hourdage debois qui garnissait le couronnement primi-tif de la tour (fig. 10). Au-dessus, on recon-naît par endroits la trace d’anciens créneauxmais la maçonnerie originelle a été rempla-cée par des grandes pierres formant l’enca-drement de trois fenêtres rectangulairesqu’on décrira plus loin. Ces modificationssont contemporaines de la création d’unecouronne de mâchicoulis à trois assises,

ainsi que de la surélévation de la tour parun chemin de ronde assis sur cettecouronne de mâchicoulis.

La date de réalisation de ce couronne-ment de mâchicoulis est fournie par unequittance datée du 6 mai 1415 28 ; il a étéconstruit alors que le péril anglais serapprochait dangereusement et que l’onmettait hâtivement en défense les placesnormandes.

L’accès primitif et la distribution des étages

L’accès primitif à la tour se pratiquaitdepuis la courtine sud-est, au premierétage. On remarque encore sur l’élévationinterne de cette courtine l’arrachementdes marches de pierre qui conduisaientdepuis le niveau du sol jusqu’à la portionde courtine placée face à la porte de latour. L’escalier enjambait une ouverturevoûtée ménagée dans la courtine (fig. 11),

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Cl. J. Mesqui.Fig. 9 - Vernon, la Grosse tour, vue depuis le sud-est en 2010.

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peut-être une poterne donnant sur la ruePotard directement ; il s’appuyait sur unmassif perpendiculaire à la courtine dontsubsiste également l’arrachement.

De là, une passerelle menait à la portede la tour. Il s’agissait d’un pont de boispivotant sur deux consoles à deux assisesqui ont été conservées ; le tablier venaits’insérer en position haute dans une feuil-lure rectangulaire dont la bordure hauteétait ménagée en quart de rond. La remon-tée s’en effectuait par une chaîne quicoulissait apparemment au travers dutympan de la porte elle-même de façon peugracieuse (fig. 13).

La porte était décorée de façon peuusuelle dans une tour maîtresse royale :sa bordure décrivait une succession decourbes pour dessiner un trilobe se déta-chant de deux coussinets, encadrantun tympan plein aux faces indentées enescalier. La maçonnerie conserve parailleurs les stigmates de fermetures à char-nières modernes, encore visibles au débutdu siècle dernier.

On entrait ainsi dans un couloir voûtéen berceau conduisant à la salle circulairedu premier étage, seul niveau voûté surcroisée d’ogives, d’un peu plus de neufmètres de hauteur à la clef. Elle possède

trois petites fenêtres rectangulaires dont lesébrasements externes se prolongent classi-quement par des arcs brisés encadrant destympans pleins, au fond de voûtes en pleincintre ou brisées ; il n’existait en revanchequ’une ouverture défensive, une archèreà forte plongée couverte de dalles,aujourd’hui bouchée. Enfin, cet étage étaitpourvu d’une grande cheminée dont lahotte conique a disparu ; en revanche, lecontrecœur d’origine existe toujours.

Dans l’ébrasement de la fenêtre orien-tale se trouve la porte conduisant à l’esca-lier en vis desservant les autres étages ;curieusement, la cage de cet escalier

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Fig. 10 - Vernon, plans et coupes de la tour des Archives ou Grosse tour (dessin J. Mesqui).

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déborde légèrement dans la salle dupremier étage, sans doute parce que l’ar-chitecte avait légèrement surdimensionnéle diamètre intérieur de cet étage (5,38 mcontre 4,62 au rez-de-chaussée).

L’escalier en vis est à noyau portantmarches, reposant sur un socle mouluré auniveau du rez-de-chaussée. La vis s’éclairepar des jours en archère ; l’ébrasement dupremier d’entre eux, au rez-de-chaussée, a

été évasé au XVe siècle afin de permettre lamanœuvre d’une arme à feu dont demeu-rent les accroches latérales, la fente ayantété elle-même agrandie par un trou circu-laire à mi-hauteur.

La salle du rez-de-chaussée pouvait êtreisolée par une porte fermant de l’extérieur,suggérant son utilisation comme cachotdès l’origine. Ceci est confirmé par laprésence d’une latrine à fosse dans unepetite chambre située à l’opposé de l’esca-lier en vis, pourvue d’une archère élargie enfenêtre et d’une petite fente d’aérationcouverte d’un plein cintre à côté du siège.C’est à ce niveau que se trouvait le puits dela tour, dans une haute niche voûtée enberceau, percée d’un jour élargi dans sonmur de fond. Enfin, la salle possédait deuxarchères complémentaires à celle de lalatrine, couvertes de dalles amorties par descoussinets en quart de rond inversé.L’archère sud-ouest a été élargie et trans-formée en porte d’accès moderne, l’accèsoriginel du premier étage ayant été désaf-fecté.

Les deux portes médiévales, ainsi quela baie ouvrant sur le puits, ont reçu unedécoration peu usuelle dans un niveau à

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Cl. J. Mesqui.

Cl. J. Mesqui.

Fig. 11 - Vernon, vue intérieure de la courtine sud-est du château. Noter l’arrachement de l’ancien escalier.

Fig. 12 - Vernon, identification des reprises de maçonneries dans le haut de la tour (demi-circonférence sud-est). En bas, ligne d’assise des poutres de l’ancien hourd ; en haut à droite,trace d’un ancien créneau ; au centre, insertion de maçonnerie contemporaine de la fenêtrerectangulaire.

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vocation carcérale (fig. 13) ; chacune d’en-tre elles est, en effet, surmontée d’untrilobe encadrant un tympan pleindécaissé.

L’escalier en vis permet de remonterjusqu’au deuxième étage ; on peut voir, peuavant d’arriver à ce niveau, grâce à un trou

d’homme donnant dans l’escalier, un videaccessible entre l’extrados de la voûte dupremier étage et la dalle de béton arméconstruite sans doute sous l’occupationallemande. Ce deuxième étage était,comme on l’a vu plus haut, le niveau supé-rieur primitif, pourvu d’un hourd de boisen encorbellement : les murs y sont donc

bien plus minces qu’aux étages inférieurs,la salle intérieure ayant un diamètre de8,80 m. Cet étage était couvert d’un toit àlucarnes, surmonté d’une « échauguette »consistant en un lanternon central 29.

En 1415, le parapet fut modifié par lepercement de trois fenêtres rectangulaires,dont deux à meneau, s’ouvrant au fond deniches pourvues de coussièges ; il futsurélevé et pourvu d’une couronne demâchicoulis supportant le nouveau cheminde ronde. Il ne semble pas pour autant quela toiture ait été refaite : la vue de la tourpar Duviert au début du XVIIe sièclemontre, en effet, que la toiture à lucarnesétait entourée par le chemin de ronde àmâchicoulis qui était, quant à lui, à cielouvert (fig. 1).

Les sculptures du premier étage

La voûte sur croisée d’ogives dupremier étage est quadripartite ; les arcsd’ogives ont un profil à double tore séparépar une simple gorge, alors que les arcsformerets sont constitués d’un tore unique.Ces arcs retombent sur des consoles rectan-gulaires aux tailloirs reliés par une cornichecontinue ceinturant la salle ; la particula-rité est ici que les tailloirs reposent sur dessculptures anthropomorphes de grandedimension, d’une qualité d’exécution etde conservation sortant de l’ordinaire(fig. 14). À droite de la cheminée, face àl’entrée de la tour, un personnage courbésemble amorcer un salut à l’entrant enposant la main sur son chapeau qui couvresa chevelure bouclée ; le visage orné d’unbouc et d’une moustache est pourvu d’unnez légèrement camus, à la racine épaisse.

Cette sculpture tranche avec les troisautres consoles, qui représentent toutes destêtes juvéniles. À gauche de la cheminée,on a représenté un jeune clerc tonsuré, auvisage encore poupin et aux joues bienpleines ; au-dessus de la porte, c’est levisage souriant d’un enfant de sept à huitans, lui aussi bien en chair et à la chevelurebouclée. Enfin, la dernière console figuredeux têtes d’adolescents aux traits plusdécouplés, le plus âgé souriant légèrementalors que le cadet regarde au loin.

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Fig. 13 - Vernon, élévations des portes de la tour maîtresse (dessin J. Mesqui). En haut, portesintérieures du rez-de-chaussée. En bas, porte extérieure du premier étage de la tour, dans sonétat actuel.

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À ces quatre consoles vient s’ajouterune clef de voûte qui n’est guère plususuelle dans une tour maîtresse (fig. 15) :en effet, le motif central est constitué pardes feuilles de chêne délicatement sculp-tées, s’enroulant autour d’une fleur auxpétales déployés ; il est complété par quatretêtes de jeunes hommes aux cheveux longs,malheureusement assez érodées par rapportaux consoles de la voûte. L’un d’entre euxporte un chapeau, apparemment unebarrette tricorne ; un autre porte unbonnet fixé par un ruban orné d’un joyauau-dessus du front, alors que les deuxderniers ont les cheveux libres.

La datation de cet ensemble sculpté depremier ordre repose surtout sur la facture

de la première console 30. Le mouvementd’ensemble de celle-ci, la manière dontl’étoffe moule la jambe droite, les plisvallonnés du drapé s’arrondissant sur leventre suggèrent un rapprochement avec lestyle en usage dans la sculpture des années1180-1230 ; mais le crochet figurant au-dessus du personnage permet vraisembla-blement de resserrer l’intervalle aux annéesantérieures à 1210 31 (fig. 16). Les autressculptures sont probablement contempo-raines ; cependant, les figures rebondies deces enfants adolescents et de jeunes hommestranchent avec les visages émaciés et allongésdes sculptures contemporaines de l’art reli-gieux, contribuant à donner l’image d’unesociété toute en bien-être et en quiétude, auxrejetons pleins de santé – presque de volupté.

S’il n’y avait guère de doute sur la data-tion de la tour de l’époque de PhilippeAuguste, ces sculptures viennent le confir-mer de façon éclatante ; on peut penserqu’elle fut mise en chantier dès la prise depossession royale et le fait qu’elle ne soit pasmentionnée dans le compte de 1202-1203pourrait laisser penser qu’elle était terminéeà cette date 32. La fréquence avec laquellePhilippe Auguste résida à Vernon 33 permetde penser qu’il donna lui-même les instruc-tions relatives au programme sculpté ou, àtout le moins, que ce programme fut réaliséavec son accord express. Désira-t-il fairefigurer des enfants et des jeunes gens de sonentourage ? Louis VIII avait 13 ans en 1200mais il n’eut qu’une demi-sœur et un demi-frère,Marie née en 1198 et PhilippeHurepelné en 1201, qui ne peuvent être les enfantsfigurés ici ; de plus, on ne voit guère qui eûtété le jeune clerc tonsuré s’il s’était agi de lafamille royale. S’agissait-il alors d’enfants etd’adolescents présents à la cour de France oune doit-on voir dans cette série de têtessculptées qu’une sorte d’allégorie ou de flori-lège ? La question demeure posée, commecelle de la coexistence entre ces sculpturesfiguratives et celle, plus symbolique ouplus humoristique, du personnage courbésaluant l’entrant.

Un château vidé de sa substance depuisle XVIIIe siècle

Au-delà de ces restes, dont certains sontprestigieux, rien ne demeure des ancienslogis du château qui accueillirent rois etapanagistes ; seuls le plan de 1593 et la vuede Chastillon peuvent donner une idée dece qu’ils étaient vers 1600 – à vrai dire, lepremier représente une série de bâtimentsaccolés aux courtines sans grande homogé-néité, alors que la seconde met en exerguele grand et haut bâtiment situé à l’ouest,peut-être la grande salle. Quoi qu’il en soit,ceci n’autorise pas à restituer les bâtimentsdu Moyen Âge, que mentionnent quelquesrares quittances qui émergent des Quittanceset pièces diverses de la Bibliothèque natio-nale de France.

On peut donc considérer comme unpetit miracle que la tour des Archives

Jean MESQUI

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Cl. J. Mesqui.

Fig. 14 - Vernon, les quatre consoles sculptées du premier étage de la tour maîtresse. De gauche àdroite et de haut en bas : nord-est, sud-est, sud-ouest, nord-ouest.

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ait survécu – malgré les velléités qu’eutla municipalité de la faire détruire auXIXe siècle – et si l’on peut avoir bien desdoutes sur les qualités architecturales du« Jardin des arts » qui a été mis en œuvredans l’ancienne cour intérieure du château,on souhaitera ici que les deux courtinesrestantes et la tour des Farines, ultimesvestiges de l’enceinte, soient classées etmises en valeur.

LE « FORT DES TOURELLES »

C’est en tant que « tour du pont » quele « fort des Tourelles », appelé plutôt tourou château de Vernonnet au Moyen Âge 34,fait son apparition dans le compte royal de1202-1203 ; elle y apparaît comme confiéeà la garde d’un certain maître Hugues 35. Ellene cessa, tout au long de l’Ancien Régime,d’appartenir au titulaire de la châtellenie deVernon, qu’il s’agisse du roi ou de l’un desapanagistes ; le 18 décembre 1759, elle sortitnéanmoins du domaine direct du titulaire,Charles-Louis-Auguste Fouquet, duc deBelle-Isle et de Gisors, au profit de Jean-Baptiste Lemoyne de Bellisle, intendant duduc Louis d’Orléans, en tant que monnaied’échange pour des terres que Lemoyne deBellisle céda afin d’agrandir le domaine deBizy 36. Lemoyne de Bellisle, après l’avoirrestaurée de fond en comble, l’affieffa parbail emphytéotique en 1765 à l’entrepre-neur en meunerie Planter 37.

La disposition généraleet l’enceinte sud

Les plans dressés vers 1670 pour illus-trer l’état du pont après sa chute et sa répa-ration partielle permettent d’en restituer ladisposition 38 (fig. 4 et 17) : un grand brasmort de la Seine délimitait une sorte d’îlemarécageuse traversée par la chaussée dupont, ouvrage constitué d’une sorte delongue digue percée de quatre petitesarches. En aval de cette chaussée futconstruite la fortification qui consista,jusqu’aux années 1760, en une tour carréeflanquée par quatre tourelles circulaires,prolongée vers le sud-ouest par uneenceinte rectangulaire rejoignant la Seine.

Cette enceinte rectangulaire, garnie àses angles dominant la Seine d’échau-guettes en encorbellement, fut transforméeaprès 1765 en un haut bâtiment à troisniveaux en colombage, couvert d’un toit àdeux niveaux de combles, qui servait d’en-trepôt à grain pour la minoterie Planter 39 ;il fut détruit après 1854 pour laisser placeaux bâtiments d’une tannerie, eux-mêmesrasés à la fin du XIXe siècle 40. Aujourd’hui,il ne demeure plus en élévation que labase talutée d’un mur de terrasse longeantl’ancien cours de la Seine, de directionsud-est – nord-ouest ; il marque un retourau nord en direction de la tour et semblereprendre partiellement le tracé de l’an-cienne enceinte, sans pour autant qu’onpuisse le dater de façon certaine.

L’enceinte sud était accessible depuis lachaussée du pont par un pont dormantreposant sur une pile de pierre et un pont-levis. La première mention certaine trou-vée dans les pièces comptables pour cetouvrage date seulement de 1445 : en effet,on peut l’identifier avec le boulevard de latour de Vernonnet dont on refaisait alorsle pont-levis et le pont dormant 41. Proba-blement existait-elle dès avant 1439 42 maiselle devait être relativement récentepuisqu’en 1377 il n’en est aucunementmention dans un récapitulatif de travaux,qui signale l’existence d’une salle pour-vue de greniers et la construction d’unepalissade en bois entre cette salle et latour 43.

L’ensemble était entouré de fossés eneau, signalés tout au long de l’AncienRégime ; ils étaient déjà presque comblésdu temps de Lemoyne de Bellisle qui dutles supprimer totalement 44.

La tour de Vernonnet.Les élévations externes

Seule demeure en élévation la tour deVernonnet elle-même, édifice de plan carréde 10,50 m de côté, flanqué par quatretourelles circulaires de 6,3 m de diamètre,entièrement bâti en appareil régulier decalcaire de Vernon. Ses trois faces nord-ouest, nord-est et sud-est demeurent dansl’état immédiatement postérieur à larestauration menée en 1760-1765 parLemoyne de Bellisle, ainsi que les tourellesqui les séparent.

Cette restauration, attestée par uneinscription gravée sur une plaque de pierreen haut de la face sud-est 45, est tout à faitremarquable dans sa qualité de mise enœuvre, presque indécelable sans un examenfin et rapproché : plusieurs anciennesarchères ont ainsi été bouchées en partie ou

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Cl. M. Camille.

Cl. J. Mesqui.

Fig. 16 - Laon, gargouille de la cathédrale (ancienmoulage du Musée de sculpture comparée, voirnote 31). On peut la comparer avec l’homme àbarbe de la tour des Archives (fig. 14, en haut àgauche). Si la situation particulière des sculpturesexplique certaines de leurs ressemblances formelles– en particulier les torsions imprimées au corps,les similitudes dans l’arrangement des plis de larobe jusque sur le poignet, les yeux en amandeau canal lacrymal affirmé, indiquent un mêmestyle et une même époque.

Fig. 15 - Vernon, clef de voûte du premierétage.

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en totalité, voire gommées, grâce à l’utili-sation de pierres de même module et demême taille que les anciennes. L’architectea procédé par ailleurs à la transformationde la majorité des ouvertures nonbouchées ; les archères conservées ont étépour les unes élargies et surmontées defausses archivoltes en bosse inspirées desanciennes, pour les autres transformées enfenêtres couvertes de linteaux échancrésdécorés de larges moulures à angles arron-dis (fig. 18 et 20).

On retiendra, de cette phase de restau-ration, les modifications fonctionnellessuivantes :

- percement dans la face nord-est de latour d’une porte d’entrée au rez-de-chaussée, et dans la tourelle nord d’uneautre porte directe à ce niveau (fig. 18 et 20) ;

- percement d’une grande fenêtre dansla face nord-est, au-dessus de la ported’accès (fig. 18) ;

- aménagement de la tourelle sud pouraccueillir un escalier en vis monumentalafin de desservir les étages (fig. 21) ;

- remplacement du couronnementprimitif par un nouveau parapet crénelésupportant la charpente et le toit qui n’exis-taient plus depuis le début du XVIIe siècleau moins 46.

La transformation de l’enceinte sud enentrepôt à blé par aménagement d’étagesau-dessus des maçonneries médiévales, quiintervint après 1765, fut menée de façonbien moins soignée que la restaurationprécédente. En effet, la façade sud-ouest etles tourelles attenantes furent repercéespour laisser place à des portes de commu-

nication desservant les nouveaux planchers(fig. 20, fig. 21, fig. 24) ; de plus, des talonsde maçonnerie verticaux furent ménagés lelong des tourelles sud pour recevoir les mursde colombage de la surélévation. Contrai-rement à Lemoyne de Bellisle, qui avaitveillé à ce que les reprises de maçonneriesoient les plus harmonieuses possibles,Jean-Michel Planter, dit Planter le jeune,tailla dans les maçonneries existantes sansavoir ce genre de délicatesse. Un peu moinsd’un siècle plus tard, l’industriel FrédéricOgereau, lorsqu’il eut fait détruire l’entre-pôt de la minoterie Planter, aménageades passerelles le long de la tour ouest ; c’estde son époque sans doute que datent lesrenforcements de maçonnerie par despoutres métalliques visibles dans la façadesud-ouest.

Jean MESQUI

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Fig. 17 - Vernon, plan de la seconde section du pont et du fort desTourelles sur la rive droite dans son état restitué à la fin du XVIIe siècle,d’après le plan des années 1670 (dessin J.Mesqui).

Fig. 18 - Vernon, fort des Tourelles, la tour, état actuel vu du nord-est. Noterau sommet de la tour orientale, au premier plan, le panneau de bois del’ancienne horloge placée au XVIIIe siècle.

Cl. J. Mesqui.

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Après la destruction de la toiture par lesbombardements de la Luftwaffe en juin1940, une bombe alliée eut raison de latourelle ouest le 6 août 1944. La tour futreconstruite en deux étapes, d’abord en1984 pour les deux niveaux inférieurs(architecte des Monuments historiquesGuy Nicot), puis en 1997 pour les niveauxsupérieurs (architecte des Monumentshistoriques Bruno Decaris) [fig. 20]. Lapremière restauration a été menée enfaisant du « faux ancien », au point demarquer le départ primitif du mur de l’en-ceinte sud par un arrachement verticaldont on n’avait aucune certitude. Quant àla restauration de 1997, elle a été pour sapart menée sans restituer les ouverturesmais en intercalant entre les pierres de lapartie haute de petites ouvertures carréesen plexiglas.

Les passerelles de la façade sud-ouestfurent enlevées à la suite du bombarde-ment de 1944, laissant béantes des ouver-tures tant sur la façade que sur le côté de la

tourelle ; ces ouvertures ont été bouchéesde façon disgracieuse en 1997, sans doutedans l’attente d’une restauration définitivequi n’a pas eu lieu à ce jour.

Le programme architecturalprimitif de la tour

Le programme de la tour consistait enun pavillon carré de trois niveaux seule-ment – rez-de-chaussée, premier étagevoûté sur croisées d’ogives, combles avecchemin de ronde, desservis par un escalieren vis situé dans l’angle sud, la cage débor-dant légèrement sur le volume intérieur dessalles. À chacun des angles se trouvait unetourelle circulaire (fig. 21 et 24).

Le premier étage

La porte primitive de la tour se trou-vait au premier étage, dans la face sud-ouest. Malgré les repercements et le

remplacement des maçonneries intervenusaprès 1765, on matérialise encore fort bientout le côté gauche (sud-ouest) de cetteancienne porte (fig. 22) et, intérieurement,les tableaux du couloir d’accès ; l’ouverturerectangulaire, surmontée d’un tympansemi-circulaire plein, était ménagée dansun encadrement rectangulaire où venaits’encastrer le pont-levis d’accès. On recon-naît même, au-dessus de la porte à gauche,une pierre semblant marquer l’issue de lagoulotte où coulissait la chaîne permettantde remonter ce pont-levis, qui devaitretomber sur une pile de pierre ou plutôtun bâti de bois 47.

À gauche du couloir d’entrée se trouveun petit réduit rectangulaire couvert d’unevoûte d’arêtes, dont le mur de fond a étébouché sans doute en 1765 et le mur defaçade sud reconstruit plus récemment ; lalarge ouverture, franchie par un linteau surcoussinets, en était primitivement ferméepar une cloison délimitant la latrine de latourelle ouest.

On débouche ainsi dans la salle dupremier étage, la « haute chambre » 48,formant un carré de 5,80 m de hauteur,surmonté d’une voûte sur croisée d’ogivesmontant à 8,20 m de hauteur. Cette sallepossédait sur son mur nord-ouest unegrande cheminée monumentale dontdemeure une partie du contrecœur originel,appareillé en tuileaux minces, disposés encouches appareillées en arêtes de poisson,séparées les unes des autres par un ranghorizontal de tuileaux ; elle était encadréepar deux fentes de jour situées de part etd’autre. À l’époque de la minoterie Planter,la salle a été subdivisée en deux sous-niveaux par un plancher intermédiaire encohérence avec les niveaux adjacents del’entrepôt.

L’éclairage était fourni par des fenêtresménagées à l’intérieur d’étroites niches,hautes de 5,10 m et couvertes de voûtes enberceau brisé (fig. 24). Lors de la restaura-tion de 1760-1765, les voûtes des niches ontété défoncées pour ménager des couvre-ments par des plates-bandes appareillées ;pour autant, leurs naissances ont été laisséesen place dans les maçonneries, permettantd’en restituer le dessin. En revanche, aucuneindication n’existe plus sur le type de

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Fig. 19 - Vernon, plan et élévation du pont après 1658. Agrandissement sur la fortification deVernonnet du plan reproduit en figure 4.

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fenêtres qui s’ouvraient au fond de cesniches ; au XVIIIe siècle, une grande et hautefenêtre rectangulaire surmontée d’une fentede jour a été percée dans la niche nord-est,alors qu’au contraire, l’ouverture de la nichesud-est était remplacée soigneusement parune maçonnerie continue et un soupirailpercé en haut de cette niche.

Dans les deux tourelles du côté nord,des couloirs voûtés d’arêtes et des petitsescaliers permettaient d’accéder aux deuxniveaux superposés d’entresol haut et bas ;seuls les entresols hauts étaient voûtés encoupole. Chacun de ces deux sous-niveauxétait pourvu de cinq archères décalées d’unétage sur l’autre. L’intérieur des petitessalles des tours a fait l’objet de remanie-ments considérables depuis 1760 jusqu’àl’abandon de la tour ; on distingue desaménagements liés à la transformation àusage d’habitation pour Lemoyne deBellisle (amincissements de murs pour

créer des surfaces planes, placards ou éviersdans les ébrasements d’archères).

Côté sud, vers la Seine, les dispositionsétaient assez différentes : les murs destourelles étaient nettement plus minces etles archères moins nombreuses. La ruine dela tourelle ouest et la transformation de latourelle sud en escalier en vis – aujourd’huicondamné – empêchent malheureusementde restituer avec certitude les dispositionsd’ailleurs profondément modifiées auxXVIIIe et XIXe siècles. On peut affirmer néan-moins que dans la tour ouest, le premierétage était de niveau avec la salle et qu’uncouloir conduisait de la tourelle dans unréduit de latrines situé dans le mur sud-ouest, aujourd’hui accessible par le couloird’entrée : la fosse de ces latrines existeencore au rez-de-chaussée, aujourd’huisimple renfoncement latéral dans le couloird’accès sud de la tour, repercé au XIXe siècle.Il est probable que cette tourelle était

celle désignée en 1377 comme conte-nant la chambre à coucher du châtelain ;symétriquement, on peut penser que latourelle contenait la chapelle de la tour 49.

Le rez-de-chaussée

Le couloir menant autrefois à la tou-relle sud donne accès également à l’escalieren vis primitif, conservé sur toute sahauteur ; cet escalier a été doublonné auXVIIIe siècle par la grande vis, aujourd’huiruinée, aménagée dans cette tourelle sudqui a été condamnée de ce fait. La visprimitive est couverte par une voûte enberceau hélicoïdal rampant ; elle est éclai-rée par des fentes de jour ébrasées,couvertes de voûtes en plein cintre seprolongeant jusqu’à l’extérieur. Au niveaudu rez-de-chaussée, elle donne sur un petitcouloir d’accès qui pouvait être fermé parun vantail pour isoler la salle, prouvant que

Jean MESQUI

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Cl. J. Mesqui. Cl. J. Mesqui.Fig. 20 - Vernon, fort des Tourelles, la tour de Vernonnet vue depuis l’ouest. À gauche, vue en 1973, à droite vue en 2010 après restauration de la tourelleouest (deux premiers niveaux en 1984, le reste en 1996-97) et murage des ouvertures béantes.

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celle-ci pouvait servir de prison ; l’anciennefente de jour qui éclairait ce couloir a étérepercée pour créer une porte à l’époque dePlanter.

De là, le couloir perpendiculaire voûtéde la tourelle sud, pourvu d’une archère,conduit à la salle du rez-de-chaussée. Celle-ci était couverte par un plancher dontsubsistent sept solives courantes portantsur des corniches à deux assises en encor-bellement ; devant la cheminée existaitune trémie de 2,50 m, limitée par unchevêtre sur lequel portaient deux solivesbâtardes.

La salle était éclairée primitivement parune grande fente de jour dans chaque face,ménagée au fond d’un haut et spacieuxébrasement voûté en arc brisé. Les ébrase-ments du nord-ouest et du sud-est sontconservés mais seule la fente de jour dunord, repercée au XVIIIe siècle, subsisteaujourd’hui, sa symétrique ayant étémurée ; les restaurateurs de 1760-1765 ontlaissé néanmoins en place extérieurementle linteau en arc monolithe à bossage platdit « à la florentine », l’extrados étant encintre brisé (fig. 23).

Depuis la salle, on accède aux tourellespar des couloirs voûtés : comme auxniveaux supérieurs, celles du nord sontpourvues d’archères à ébrasement simplecouvert en berceau, alors que celles du sud,aux murs plus minces, n’étaient percéesque de quatre archères chacune.

Il faut noter, avant de quitter ce rez-de-chaussée, que le sol intérieur actuel est plushaut d’environ 90 cm que le sol primitif ;il est aujourd’hui de niveau avec le sol exté-rieur nord, qui résulte lui-même d’unremplissage des anciens fossés. On netrouve le niveau de sol intérieur originelque dans la tourelle ouest, par suite de larestauration de 1984. Cette surélévationintérieure a certainement eu pour causel’intention de se mettre à l’abri du toutvenant des crues de la Seine ; elle a eu pourconséquence de diminuer la hauteur desouvertures, obligeant ainsi à se courberpour accéder au couloir de l’escalier en vis.

LA TOUR DES ARCHIVES ET LE FORT DES TOURELLES DE VERNON (EURE)

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Fig. 21 - Vernon, fort des Tourelles, plans de la tour de Vernonnet (dessin J. Mesqui).En rouge, restaurations et transformations des XVIIIe et XIXe siècles.

Fig. 22 - Vernon, fort des Tourelles, élévation de la face sud-ouest de la tour deVernonnet (dessin J. Mesqui).

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Le niveau sommital

L’escalier en vis conduit vers le haut auchemin de ronde dont le parapet a étéentièrement reconstruit en 1760-1765.L’état actuel consiste en une plate-formechaulée établie sur l’extrados de la voûte dupremier étage ; on note, au voisinage dudébouché de l’escalier, une marche enremploi dans cet extrados, montrant quecelui-ci fut remanié à de multiples reprises.Cette plate-forme est encadrée par lesquatre tourelles ; de façon très curieuse, lesdeux tourelles de la face nord présententun niveau totalement aveugle au-dessus del’extrados de l’entresol (fig. 24), inutilepuisque inaccessible.

Ce niveau était couvert d’une char-pente dès l’origine ; la première quittance

de travaux à l’attester date de 1373 50. En1377, la charpente fut entièrement démon-tée, puis remontée, afin de construire un« gariteis », c’est-à-dire un hourdage défen-sif périphérique ; après ce chantier, il fallutrefaire la chape de plâtre couvrant l’extra-dos de la voûte et formant plancher pour lecomble 51. Il ne reste plus aucune trace desdispositifs d’encastrement de ce hourdagedans la maçonnerie : la ligne de trous deboulins carrés existant en partie sommi-tale de la face sud-ouest, seule trace d’unencastrement sommital, ne date que duXIXe siècle, marquant l’existence passéed’une toiture en auvent au-dessus despasserelles desservant cette façade.

Il est vraisemblable que le hourdagefaisait partie du programme originel dela tour. Il avait disparu en tout cas auXVIIe siècle, de même que la charpente et lacouverture d’essaune : à cette époque,Chastillon figurait un couronnement à

mâchicoulis entourant un pavillon enretrait, alors que Duviert représentait uncouronnement plat en terrasse, encadréd’un parapet haut percé de créneaux(fig. 1). L’élévation postérieure à la ruinedu pont après 1658 représente, elle aussi,un couronnement à mâchicoulis ; cepen-dant son exactitude est sujette à caution(fig. 19).

Les sculptures du premier étage

Comme la tour des Archives, la tour deVernonnet offre en son premier étage undécor sculpté exceptionnel, malheureuse-ment dans un état de conservation plusque préoccupant, à l’image de l’état sani-taire de la tour (fig. 25). Ce sont d’abordles trois culots sculptés supportant lesretombées des arcs ogives : à l’ouest, il s’agitd’un chapiteau à crochets de facture assezsèche mais, en revanche, les chapiteaux de

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Cl. J. Mesqui.Fig. 23 - Vernon, fort des Tourelles, face sud-estde la tour : visualisation des restaurations de1760-1765.

Fig. 24 - Vernon, fort des Tourelles, coupes de la tour de Vernonnet (dessin J. Mesqui).

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LA TOUR DES ARCHIVES ET LE FORT DES TOURELLES DE VERNON (EURE)

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la face nord sont figuratifs. Au nord, enca-dré par deux crochets, on trouve unpersonnage moustachu, aux pommettesproéminentes, couvert d’un chapeau àpointe encadrant sa chevelure bouclée ; sesdeux bras sont brisés mais il tenait l’und’entre eux posé sur le genou, l’autresemblant brandir une arme. Au sud, c’estune tête de prophète ou de roi barbu etmoustachu, couvert d’un bonnet côteléorné d’une pierre, aux traits pleins et au nezépais, sous un front haut.

La quatrième branche d’ogive retom-bant sur la cage de la vis d’angle, il n’étaitpas possible d’aménager un culot pouraccueillir sa retombée qui s’effectuait enpénétration ; en revanche, l’architecteaccola à cette retombée la sculpture en piedd’un homme, privé de sa tête, terrassant unmonstre. Le personnage s’appuie du dos àl’arc sur lequel il pose la main gauche ; samain droite, presque disparue, paraîtappuyée sur une sorte de lisse horizontaleallant rejoindre le formeret mais il n’est pasimpossible qu’elle ait tenu une épée. Il esthabillé d’une robe aux longs plis verticaux,maintenue par une large ceinture. Lemonstre – sans doute une figure du diable– y est représenté de façon assez naïve,encore dans une inspiration romane ; lepersonnage se tient carrément debout surson dos.

La sculpture était encore entièrementconservée en 1932 52 ; elle a été décapitéedepuis, sans que l’on en connaisse lescirconstances. Alphonse-Georges Poulainnotait seulement que cette tête étaitimberbe. Il est probable qu’il s’agissaitd’une représentation de saint Michelterrassant le dragon : en effet, la tour deVernonnet était située sous la protectiontutélaire de la chapelle et du prieuré deSaint-Michel, situés à la pointe du plateaunord-est dominant la Seine.

L’ensemble sculpté comprend en outreun élément tout à fait particulier : une têted’homme engoulant à pleines dents le tored’un arc formeret, au coin ouest de la cagede l’escalier en vis. Il s’agit d’une fantaisietout à fait étonnante de la part de l’archi-tecte qui a dessiné ici une tête aux trèslongues oreilles et aux cheveux bouclés

retombant dans le cou ; l’inspiration est icià nouveau romane, rappelant les nombreuxmonstres ou diables engoulant des colon-nettes aux encadrements de baies d’églises,mais l’utilisation du motif dans un telcontexte demeure inédite. Enfin, la clef devoûte était, elle aussi, délicatement sculptéede feuilles allongées s’allongeant en spiraleautour du centre, alors que les angles entreles arcs ogives sont occupés par des têteshumaines aux pommettes proéminentes etaux traits marqués, malheureusement assezfortement abîmées par les dépôts liés àl’humidité et aux suintements.

Ces sculptures sont évidemment demême type que celles qui décorent la tourmaîtresse, sans pour autant être nécessaire-ment de la même main, ni répondre à lamême inspiration. L’exécution révèle desdifférences appréciables : ainsi le profil desogives dessine-t-il un tore en amande auxTourelles, alors qu’il est circulaire auxArchives ; le profil des tailloirs de culots estnettement plus sophistiqué aux Tourelles,alors qu’en revanche les feuilles de chêneutilisées aux Archives pour amortir la tran-sition entre chapiteau et mur n’y apparais-sent pas.

Cl. J. Mesqui.Fig. 25 - Vernon, fort des Tourelles, sculptures de la tour de Vernonnet. De gauche à droite et de hauten bas : La grande sculpture en pied à la naissance de l’ogive sud ; la clef de voûte ; le visage engoulantle tore de l’arc formeret sud-ouest ; la console ouest ; la console nord ; la console est.

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L’inspiration est radicalement diffé-rente : alors qu’à la tour des Archives estprivilégiée une représentation quasi inti-miste de personnages du quotidien d’unecour noble, celle de la tour de Vernonnetparaît plus symbolique et d’essence peut-être moins courtoise en apparence. Pourautant, dans l’une comme dans l’autre, ontrouve un personnage énigmatique à l’al-lure presque grotesque représenté en entiersur un chapiteau – le sens nous en échappemalheureusement.

Hors contexte historique, ces diffé-rences pourraient inciter à dater la tour deVernonnet de quelques bonnes années aprèsson vis-à-vis de rive gauche. Cependant, lacoexistence dans cette tour d’un gothiquedéjà bien ancré dans le début du XIIIe siècle,avec des usages du siècle précédent – vis àvoûte hélicoïdale sur couchis, linteaux d’ar-chères en arcs monolithe à fausse archivolteen bosse- montre qu’il convient d’êtreprudent sur l’utilisation de critères tropdifférenciant les deux tours. La mentionexplicite d’une tour de tête de pont dans lecompte de 1202-1203 ne laisse guère dedoute : il s’agit bien de la tour que nousexaminons.

LES RESTES DE L’ENCEINTE URBAINE

Il resterait, avant de tenter de replacerles ouvrages vernonnais dans le contexte deleurs contemporains, à décrire les ouvragesde l’enceinte urbaine ; ceux-ci sont impor-tants encore malgré la destruction quasisystématique qui a eu lieu au XIXe siècle. Enfait, de longs éléments de courtines ont étépréservés lorsqu’ils constituaient des limitesde propriétés mais cette situation leur asouvent valu de subir des restaurations oudes transformations ; certains forment desalignements encore spectaculaires, commeau sud-est près de la route de Paris, ou aunord-est au voisinage du château, le longde la rue Potard.

On se contentera ici d’évoquer cesrestes encore en élévation, qui appartien-nent tous à la première enceinte urbaine.Celle-ci était, sur tout son tracé ne regar-dant pas la Seine, constituée d’une muraillede plus de deux mètres d’épaisseur, percéecontinûment de grandes niches d’archèresdoubles dotées d’une légère plongée. Cettedisposition permettait d’obtenir une

capacité de couverture de tir extrêmementimportante, tout en économisant forte-ment le matériau grâce aux arcatures. Àl’inverse, ce percement régulier au traversd’un mur assez mince (1,2 m) avait pourgrand désavantage d’affaiblir considérable-ment la muraille.

Ce type de défense, certainement attri-buable au XIIIe siècle, ne semble guère dansla lignée de la fortification de PhilippeAuguste, où les courtines ne sont quasi-ment jamais percées d’archères, si ce n’estdans les parapets de chemins de ronde.On peut s’interroger si cette enceinte,avec ses percements, ne remonte pas au-delà du règne de saint Louis et l’on peutmême proposer, plus prudemment, unedatation dans la seconde moitié du XIIIe

siècle, en comparant par exemple avec unegrande enceinte urbaine telle que celled’Aigues-Mortes.

L’homogénéité remarquable des vestigesde la première enceinte visibles au sud-estet au sud-ouest sur de longues sectionsmontre que la partie terrestre de celle-cifut édifiée en une seule campagne. En

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Cl. J. Mesqui.Fig. 26 - Vernon, enceinte urbaine, vue intérieure le long de la rue Potard, au nord-est.

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LA TOUR DES ARCHIVES ET LE FORT DES TOURELLES DE VERNON (EURE)

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revanche, on sait par d’anciennes photo-graphies ou descriptions que la partielongeant le fleuve, ainsi que la secondeenceinte, furent le fruit de restaurations oureconstructions mais leur étude relève d’unautre article 53.

LES OUVRAGES VERNONNAIS DANS LAPRODUCTION ROYALE CONTEMPORAINE

DU DÉBUT DU XIIIe SIÈCLE

L’architecture

Les tours de Vernon comptent doncparmi les ouvrages royaux les plus certai-nement attribuables à la décennie 1190-1200, plus précisément encore à lacharnière entre XIIe et XIIIe siècles. Elles ontété élevées probablement alors que s’ache-vait, un peu au sud-est, le chantier duchâteau de Guainville édifié à partir de1192 sur les anciennes terres de Simond’Anet, récupérées par le roi ; ces deuxchantiers sont donc les premiers d’une séried’autres que le roi allait développer sur sesterres normandes à partir de la conquête de1204. Pour autant, il y eut certainementd’autres chantiers royaux dès avant cettedécennie – seul l’un d’entre eux est attesté,celui de la tour Neuve de Bourges qui étaitterminée en 1190, mais je pense pour mapart que la tour du Palais de Paris avait étélancée à la même époque et que ces deuxtours furent les premières à marquer leterritoire d’un roi, parti désormais vers uneguerre totale de conquête 54.

La tour maîtresse que le roi fitconstruire à Vernon, première villenormande qui lui appartienne en propre, àla suite d’un échange qui en faisait lepropriétaire légitime en dehors de touteconquête, fait figure d’exception dans lasérie de 25 tours que nous avons recenséesen France 55. Elle était l’une des plus petitesen diamètre mais ce n’était pas là son carac-tère discriminant, puisqu’elle n’était pas siloin de celle du Palais de Paris : 11,4 mpour 12,7 m de diamètre extérieur, 5,4 mpour 5,6 m de diamètre intérieur. Onrappellera que la tour de Bourges, la

première mentionnée par les textes, fut laplus vaste de toutes les tours royales(19,8 m de diamètre extérieur pour 9,5 mde diamètre intérieur) 56.

C’est avec la tour de Vernon quesemble, en revanche, apparaître pour lapremière fois le concept de tour maîtresseisolée sur une enceinte, avec la particula-rité insigne d’un isolement tant par rapportà l’enceinte de ville qu’à celle du château. ÀBourges, la tour était tangente intérieure-ment à l’enceinte gallo-romaine mais futentourée par une petite enceinte proprepeut-être bien plus tardive ; au Palaisde Paris, comme au début du XIIIe siècleau Louvre, la tour fut construite isolée àl’intérieur et non sur le pourtour del’enceinte.

L’accès de la tour par la courtine n’estpas non plus la moindre des particularités,la majorité des tours maîtresses royalesétant accessibles depuis la cour du châteauou depuis l’intérieur de la ville, au niveaudu sol. On trouve cependant une disposi-tion analogue à la tour du Prisonnier deGisors, sans doute contemporaine de cellede Vernon – elle ne dut pas être antérieureau traité du 14 janvier 1196, même siGisors avait été conquise en 1193 parPhilippe Auguste ; dans ce dernier cascependant, elle n’était pas isolée de l’en-ceinte castrale et sa position par rapport àl’enceinte urbaine était très particulière, ensurplomb très marqué.

Enfin, le programme de distributionintérieure est exceptionnel, avec un très

Fig. 27 - Vernon, enceinte urbaine, plan, élévation et coupe d’une archère type (dessin J. Mesqui).

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grand étage voûté à la décoration sculptéeremarquable, au-dessus d’un rez-de-chausséeplanchéié pourvu de latrines et d’un puits.Le caractère unique d’un tel décor, ainsique sa qualité qui s’étend jusqu’auxlinteaux surmontant les portes, montrentqu’il fut prévu et mis en place à l’attentionpersonnelle du souverain ; on aimerait àpenser que la tour maîtresse lui servit d’es-pace privatif lorsqu’il résida à Vernon, enparticulier pendant les épisodes de laconquête de la Normandie, mais, si ce futle cas, cette fonction n’a évidemment paslaissé de trace.

De l’autre côté du fleuve, la tour deVernonnet venait apporter un contrepointtout aussi remarquable. Contrairement àbeaucoup d’ouvrages formant tête de pont,

qui étaient en fait des tours-portes, cettetour était une véritable tour maîtressecontrôlant l’ouvrage mais isolée de lui ;jamais aucune tour maîtresse attribuée àPhilippe Auguste n’avait jusqu’à présent étéidentifiée qui ait un tel plan carré cantonnéde tourelles circulaires. Ceci montre pourle moins que le champ des possibles resteencore largement ouvert dans l’évaluationde l’architecture royale et que le paradigmede la tour maîtresse circulaire dut coexisteravec d’autres formes, utilisées dans lecontexte de la fortification urbaine, toutparticulièrement.

Un tel plan ne peut apparaître commeune nouveauté à l’époque où il fut mis enœuvre ; bien des auteurs ont déjà tracé lecheminement du concept, avec ses jalons

que furent Étampes, Houdan, Provins,Mez-le-Maréchal. En revanche, ce qu’ondoit remarquer à propos de Vernonnet estla mise en œuvre systématique de tourellesflanquantes à archères multiples de type« philippien » dans une tour maîtresse.D’une certaine manière, l’architecte acombiné ici un plan déjà connu et utilisé,avec l’usage systématique de l’archère.À l’époque exactement où la tour deVernonnet était construite, se construisait àune cinquantaine de kilomètres au nord, surl’Andelle, une tour conçue exactement surle même principe, à Douville-sur-l’Andelle,succédané ou concurrente, on ne sait 57.

Et pourtant, la tour de Vernonnet fut,à n’en pas douter, une tour à vocation rési-dentielle : l’aménagement de la salle du

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Fig. 28 - Vernon, plans et coupes comparatifs des tours maîtresses « philippiennes » en Normandie (dessin J. Mesqui).

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premier étage, l’existence de deux tourellesplus spacieuses, dont une disposant delatrines, le prouvent et la présence du décorsculpté le confirme s’il le fallait. On peuten revanche s’interroger sur la raison d’untel décor sculpté, inconnu dans la produc-tion royale contemporaine. Faut-il penserque la tour était supposée pouvoir accueil-lir le roi lui-même en certaines occasions ?Ou doit-on penser qu’il s’agit ici toutsimplement d’une fantaisie du maître d’ou-vrage délégué, qu’il ait été le châtelain deVernon ou un autre officier ?

Enfin, pour terminer cette évocation dela place occupée par ces ouvrages vernon-nais dans l’ensemble de la productionroyale, on ne manquera pas d’y soulignerla coexistence de formes et de conceptshérités avec des usages architecturauxjusque-là peu utilisés dans l’architecture dela fortification. Ainsi en est-il, par exem-ple, du contraste entre la vis à voûte héli-coïdale de Vernonnet et la vis à noyauportant marches de la tour de Vernon ;ainsi en est-il également de la coexistenceentre les voûtes en coupole sur couchis avecles voûtes sur croisées d’ogives. On segardera d’y voir, comme le prétendaientautrefois les auteurs, le rattrapage chao-tique d’un « retard » de l’architecture de lafortification par rapport à l’architecturecivile ou religieuse ; au contraire, on peut yvoir les tâtonnements qui allaient débou-cher sur la mise au point d’un véritablecahier de spécifications types, propres àl’architecture de la fortification royale.

On en voit déjà les prémisses àGuainville, Vernon et Vernonnet, avec lapratique systématique des tours voûtées decoupoles exclusivement au niveau dudeuxième étage, percées d’archères à ébra-sement simple sous voûte plein cintre oulégèrement brisée. Ce caractère se mani-feste également dans une fortification à peuprès contemporaine développée à Gisors(tour du Diable, tour du Gouverneur) 58.

En somme, les tours de Vernon et deVernonnet constituent un jalon exception-nel de l’architecture royale française àla charnière entre XIIe et XIIIe siècle ; onpeut regretter que leur méconnaissancepuisse conduire l’une d’entre elles à unepoursuite inéluctable de la dégradation

qui l’affecte depuis la Seconde Guerremondiale, malgré les restaurations qui l’ontconcernée.

La maîtrise d’œuvre et les artistes

L’architecture déployée à Vernon invite àse reposer la question de la maîtrise d’œu-vre des chantiers royaux trop souvent dits« militaires ». Depuis une trentaine d’an-nées, s’est répandue l’idée que PhilippeAuguste organisa la maîtrise d’ouvrage et lamaîtrise d’œuvre de ses châteaux et fortifi-cations autour d’un ensemble d’ingénieursqui auraient diffusé la normalisation, aupoint qu’on a employé le concept moder-niste de « corps d’ingénieurs militaires dePhilippe Auguste » 59.

En fait, les documents administratifspubliés de longue date, consistant en devisde construction ou plutôt en baux à la tâche,permettent d’identifier un certain nombrede « maîtres » qui œuvrèrent sur deschantiers de fortification royaux, certainsd’entre eux intervenant sur des sites éloignésles uns des autres 60. Rien ne permet dans lesdocuments de leur donner le titre d’« ingé-nieurs », et moins encore celui de fonction-naires royaux.

En effet, ces pièces administrativespermettent clairement d’identifier leur rôle :il s’agissait bel et bien d’« entrepreneurs »chargés de travaux à la tâche, on diraitaujourd’hui au marché forfaitaire. Chacund’entre eux était rémunéré pour un ouvragedéterminé : une certaine longueur de mursou de fossés, une ou plusieurs tours, une ouplusieurs portes, etc., suivant des devisétablis par l’administration royale, ce qui esttraduit par les textes : sicut rex divisit. Cetteréférence directe au roi comme donneurd’ordre ne doit pas ici tromper : il s’agit biend’une formule destinée à montrer que l’or-dre est passé au nom du roi directement,non pas en celui d’un officier local, mais onne peut en tirer la conclusion que le roilui-même établissait programmes et devis.D’ailleurs dans deux des descriptionssommaires de ces contrats à la tâche, c’estun certain maître Amaury qui est désignécomme ayant dressé le devis ; ce maîtreAmaury ne fut titulaire d’aucun des contratsconservés, confirmant qu’il faisait partie del’échelon de la maîtrise d’ouvrage 61.

Le rôle de ce maître Amaury se déduitdu contenu même des marchés : il s’agissaitde celui qui établissait le programme – plande l’ouvrage, nombre de tours, largeur etprofondeur des fossés, dimensions desouvrages. Quant à la définition précise de

LA TOUR DES ARCHIVES ET LE FORT DES TOURELLES DE VERNON (EURE)

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Fig. 29 - Vernon, juxtaposition de la tête de l’allégorie de l’architecture de Laon et de la tête del’homme courbé de Vernon.

Cl. I. Kasarska, J. Mesqui.

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ceux-ci, elle devait être laissée à chacundes maîtres retenus. Comme de coutume auMoyen Âge, ceux-ci étaient des artisans-entrepreneurs, le plus souvent des maîtresmaçons (mais aussi, dans les comptes,maîtres terrassiers) ; comme de coutumeégalement jusqu’à la Renaissance, ilspouvaient assurer une partie ou même latotalité de la maîtrise d’œuvre, assumantune partie de la mission de l’architecte.

Récemment, Yves Gallet a proposéd’identifier l’un de ces maîtres, Gautierde Meulan, avec le maître maçon homo-nyme qui intervint pour terminer lesparties hautes de la nef de l’abbatiale duBec-Hellouin avant 1223 62. Une telleidentification permet d’évacuer définitive-ment la trop hypothétique spécialisationen « architecture militaire » des maîtres

employés par Philippe Auguste ; les ouvragesde Vernon et de Vernonnet en apportentune preuve tangible, montrant que le ou lesmaîtres employés ici intervenaient couram-ment sur des bâtiments religieux ou civils.L’inté-gration entre le programme architec-tural et le programme sculpté – on penseraen particulier à l’engoulant de Vernonnet –ne laisse aucun doute sur ce point : il nes’agit pas seulement ici de sculptures réali-sées indépendamment, puis incorporéesdans les ouvrages, mais bien d’élémentspensés avec ces derniers.

On a déjà souligné la parenté entrela sculpture mise en œuvre à la cathédralede Laon et celle de Vernon ; qu’il noussoit permis d’y ajouter un clin d’œilqui répond peut-être à ceux que nousadressaient les artistes eux-mêmes. La cathé-

drale de Laon conserve une représenta-tion de l’architecture sous des traits mas-culins, qui avait déjà été remarquée parViollet-le-Duc ; Dany Sandron, puisIliana Kasarska, ont proposé d’y voir l’ar-chitecte lui-même 63. En juxtaposant la têtede ce personnage avec celle du personnagecourbé de la tour maîtresse, il est amusantde constater des ressemblances manifestes,qu’il s’agisse de la représentation de la barbe,du bonnet recouvrant la tête, jusqu’auxcheveux bouclés qui débordent de cebonnet. Coïncidence sans doute, si l’on enjuge par les traits eux-mêmes, plus émaciésdans la sculpture de Laon, mais on aimeraità penser, en définitive, que c’est le maîtremaçon qui présida à la construction de latour de Vernon qui se représenta s’inclinantdevant le roi…

Jean MESQUI

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ANNEXE

1377 N.ST. COMPTE DE TRAVAUX FAITS AU CHÂTEAU DE VERNONNET (CHARPENTE, COUVERTURE, PLÂTRERIE)

Source : B.n.F., ms.fr. 26015, n° 2386.Analysé dans Nortier 2000, n° 1551 (dateproposée environ 1380). Le document n’estpas daté mais la référence au terme de Pâques1377 échu permet de proposer cette année,d’autant que deux quittances pour couverturedes tourelles et du pavillon et pour travauxsur les gouttières sont conservées pour les 14et 16 avril de 1377 (B.n.F., ms.fr. 26013,n° 1900 et 1905)

Ou chastel de Vernonniel.

Pour une tasche de charpenterie :- C’est assavoir pour avoir fait et mis en

chascun post de la salle dudit chastel oucosté devers l’eaue corbeaux de deux piezet demi de long et bons liens par dessouzqui portent iceulx corbeaux ;

- Pour avoir fait et mis une perne toutau long sur quoy se ferment petiz chevron-neaux qui ont esté couverts d’essende, et achascun chevron six piez de long ;

- Et afin que les eaues ne pourrisissentles mesriens, pour avoir mis semblable-

ment ou pignon devers Vernon corbeauxet liens cxcc comme en droit la cheminéequi y est ñe a mil [ ?] ;

- Et pour avoir clos de liches depuis lasalle jusques à la tour ou costé deversl’eaue ;

- Et pour avoir mis une poutre de XXIIpiez de long ou comble de la tour, laquelleestoit arse par feu d’aventure ;

- Et pour avoir fait deux entretoises quise ferment entre deux tyrans qui portentles solleaux des garites, pour y mettre IIIIsoleaux et troiz coulombes qui semblable-ment on esté arses ;

- Pour avoir abatu la closture de la vuyset avoir estayé le comble dessus dit jusquesà ce que ladite besongne fut parfaite ;

- Et pour avoir emploié quarteron d’aesou planchié d’un des gariteis d’icelle tour ;

- Et pour avoir fait et assis uneémeneure en la cheminée du pignon de lahaulte chambre, et pour avoir clos la vuysde la salle au rez des greniers, et esligier unehuisserie et faire un huis tout neuf ;

- Et pour avoir mis et emploié demiquarteron d’aes sur le planchié des garitesoù mestier estoit.

Baillé en tasche à rabès accoustumé àPierre Cugeron charpentier pour le pris deL l.t, et a trouvé charroy, seage et toutesautres choses à ce nécessaires excepté quele roy messire lui a trouvé bois en estant,tant eullement. Et à lui demouré par leditpris. Pour ce L l.t.

Pour une tasche de couverture d’es-sende :

- C’est assavoir pour avoir fait etemploié XXIIIIm d’essende et un millierde late sur les couvertures des quatre tourset du paveillon dudit chastel, et oultre ceque avoit esté appointé au terme dePasques LXXVII derrenier passé.Lesquelles tours et paveillon avoient estédescouvers pour cause du gariteys qui y aesté fait.

Baillé en tasche à abrès à GuillaumeQuathelier et a trouvé charroy, seage, clouà asseoir ladite essende et late ainsi commedit est, excepté bois en estant.. C’est assa-voir chascun millier d’essende pour le prisde XL s.t. et le dit millier de late par le prisde IIII l.t.. Et pour ce pour tout LII l.t.

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- À Guillaume de Lulli, fèvre, pouravoir fait une chaenne de quatre piez delong et un estrieu pour retyrer la plan-quette dudit chastel, et pour une serreure etla caenne de pié et demi de long pourfermer à ladite serrure, pour ce XL s.t.

Pour une tasche de plastre :- C’est assavoir pour avoir refait tout de

neuf le planchié de la grosse tour lequelavoit esté rompu tant pour cause d’unepoutre qui avoi esté mise en icelle tour,comme pour cause du gariteiz d’icelle quia esté fait nouvellement ;

- Pour avoir refait les aumures d’icelletour afin que l’on y puist mettre des garni-sons ;

- Pour avoir refait le planchié de latourelle où gist le chastelain ;

- Et pour avoir clos de plastre unemaison qui a esté faite nœuve sur laporte de Vernonniel, et fait le planchiéd’icelle ;

- Pour avoir fait et haulchié de pierre lemuret que est au costé de la porte devers lasalle jusques à une poutre qui a esté faitenœuve qui soustient ladite maison afin quel’en ne puisse passer et entrer en laditeporte.

Cette tasche baillée à rabès à GuillaumeArragon et Jehan le Brioiz par le pris deXXIIII l.t. et ont trouvé pierre, plastre,mortier et toutes autres choses à ce

nécessaires excepté que le Roy messire atrouvé boiz en estant pour escharfauderseullement. Rabaissé par Guillaume ( ?) etJehan Mesnage et mise à XIX l. VIII s.t.Pour ce XIX l. VIII s.t.

À Guillaume de Lulli fèvre dessus ditpour avoir fait la penthure d’un huis pourles greniers de la salle haulte et y avoir aitune serreure à clef et un tyreur par marchéà lui fait, pour ce XXIIII s.t.

S. CXIIII l. XII s.

M° XVc XXVII l. XV s. VII d.t. »

LA TOUR DES ARCHIVES ET LE FORT DES TOURELLES DE VERNON (EURE)

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BIBLIOGRAPHIE

Je remercie vivement Pierre-Yves LePogam, conservateur en chef au musée duLouvre, d’avoir bien voulu me faire béné-ficier du dépouillement exhaustif qu’il aeffectué des quittances et pièces diversessous le règne de Charles VII, conservées àla Bibliothèque nationale de France dans lecadre de sa thèse de l’École nationale deschartes.

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Jean MESQUI

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LA TOUR DES ARCHIVES ET LE FORT DES TOURELLES DE VERNON (EURE)

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NOTES

Je tiens à remercier ici très vivement Jean Baboux,éminent membre du Cercle d’études Vernonnais, quim’a fait bénéficier de son érudition et m’a apporté unprécieux concours pour l’accès aux documentshistoriques concernant Vernon. Je remercie égalementJean Castreau de m’avoir ouvert sa vaste documen-tation iconographique.

1. Il n’existe strictement aucune étude de fond de latour des Archives qui n’a fait l’objet que de mentionsdans les ouvrages consacrés à l’architecture « militaire ».En revanche, le fort des Tourelles a bénéficiérécemment de l’attention de Jean Baboux qui y aconsacré un article historique et en a mis en exerguel’intérêt archéologique : Baboux 2001. Voir égalementla brève notice du même auteur sur les deux édifices :Baboux 1995.

2. Voir Pitte 2006, en particulier p. 144-145. Bauduin2006, p. 232, reprend l’opinion ancienne suivantlaquelle une agglomération gallo-romaine exista àVernon mais en remarquant qu’aucun indicearchéologique n’en a été exhumé.

3. Dechezleprêtre 1998. Sur la chapelle Saint-Michel,voir Meyer 1874-1876.

4. Bauduin 2006, p. 232-242.

5. Le premier érudit à avoir mis en valeur ce vignobleest Delisle 1851. Voir depuis par exemple Dion 1959,p. 218-219, etc.

6. Cartulaire Saint-Père, t. I, p. 178-179. ChroniqueRobert de Torigni, t. I, p. 165.

7. Chronique Robert de Torigni, t. I, p. 233, 268.

8. Ibid., p. 277, 285. Firmissimum castrum :Chronique de Lambert de Waterloo, dans Recueil desHistoriens de France, XIII, p. 509.

9. Ces événements sont suffisamment connus pourqu’on se contente de donner ici une des références lesplus récentes : Power 2007, en particulier p. 420-421.

10. Philippe Auguste y fut tous les ans de 1196 à la finde la conquête de la Normandie ; par la suite, sesséjours semblent s’être espacés puisqu’on n’établit saprésence qu’en 1205, 1207, 1215 et 1219 (voirCartulaire Normand, passim ; Catalogue PhilippeAuguste, itinéraire, p. CIII et suiv.). Pour Saint Louis,qui y passa en 1227, 1231-1232, 1239, 1256-1257,1259, 1261 et 1269, voir Cartulaire Normand, passim.On consultera avec fruit l’ouvrage, un peu dépassé,d’Alphonse-Georges Poulain : Poulain 1957.

11. Sur l’histoire générale de Vernon, voir Meyer1874-1876. Pour les périodes plus récentes, on lacomplètera en consultant les excellents Cahiersvernonnais publiés par le Cercle d’études vernonnais ;voir aussi Goudeau 2002.

12. Voir Mesqui 2012 (à paraître).

13. Bastion dit de l’Éperon à l’ouest, double bastionde la tour du Vieux-René au sud-ouest, visibles dansles plans anciens de la ville. Voir Meyer 1874-1876,t. I, p. 374-402 sur l’histoire des fortifications de laville, en particulier à partir du XVIe siècle.

14. « Ceste vile est une moult bonne place et forte,car il y a ung petit chastel moult fort nomméVernonnet, et ung autre très fort dedens la ville dontestoit capitaine le filz du conte d’Ormont d’Irlandequi avoit en sa compaignie xii vingtz combatans,lesquels composèrent à rendre ladicte place lendemainou cas qu’ilz ne seroient les plus fors dedens le samediensuivant heure de prime. Mais ilz ne furent pointsecouruz pour ce que les autres Englois n’osoient eulxpartir de Rouen. » (Les Cronicques de Normendie parGuillaume le Talleur, 1487, éd. A. Hellot, Rouen,1881, p. 112-113).

15. Meyer 1874-1876, t. II, p. 307 : « une maisonétait placée, en 1426, « jouxte la porte neuve dupont » ».

16. Meyer 1874-1876, t. I, p. 398, en donne lesdimensions (26 pieds de longueur, 22 de largeur et28 à 30 de hauteur). Voir le lavis de Nicolas dePlattemontagne, daté de 1654, publié dansBrugerolles-Guillet 2001, qui donne une excellente vueprise du sud-ouest. Une vue de Samuel HieronymusGrimm prise en 1767 montre que la tour-porte avaitdisparu (H. Plaideux, « Samuel Hieronymus Grimm(1733- 1794), ses œuvres en Normandie et l’icono-graphie authentique de l’abbaye de Cherbourg », Actesdu 45e Congrès des Sociétés historiques et archéologiquesde Normandie, à paraître).

17. Pitte 1990. Voir aussi Meyer 1874-1876, t. I,p. 381-384 et p. 390-397. Concernant les plansanciens, les plus importants sont :- le plan de 1593 conservé à la B.n.F. : « Plangeometrial de la ville de Vernon sur Seyne avecl’elevation des bastimentz publiques » : B.n.F., Est.,Coll. Gaignières, n° 5191 (accessible en ligne surGallica).- le plan de 1779 conservé au musée de Vernon.

18. Le plan de 1593 faisait aussi apparaître unetourelle circulaire entre la Grosse tour et la tourd’angle sud-est mais il ne pouvait s’agir que d’unélément adventice qui a disparu depuis.

19. Pitte 1990, p. 24, photographie n° 12.

20. Pitte 1990, p. 25-28 et planche 1.

21. Datation proposée par Pitte 1990, p. 13 ; Mesqui1991-1993, I, p. 260-262.

22. Castreau 2010 : la dénomination a été donnée parle père du propriétaire actuel du jardin et de la maisonattenants. En 1911, elle était appelée « Tour ovale »dans une délibération de la ville (Arch. mun.Vernon,1D38, 31 mars 1911).

23. Très curieusement, cette tour est décrite comme« ayant des angles » par les visiteurs du château en1719 (Meyer 1874-1876, t. I, p. 390-391, reproduitdans Pitte 1990, p. 14 n.8). Ceci a conduit E. Meyerà représenter une tour à la circonférence formée d’unesuccession d’angles droits dans sa mise en troisdimensions du plan de 1593 (Meyer 1874-1876, II,p. 30). Cette vue cavalière faussement ancienne a étéinspirée, pour la restitution des élévations, de lagravure de Claude Chastillon ; elle n’a aucun caractère

authentique (reproduction dans Pitte 2010, p. 22,photographie 11, qui s’interroge sur son origine…).

24. Outre notre plan, dressé à l’aide de nos propresrelevés en 2010, voir le plan de 1907 dressé parl’architecte Gouchot pour le propriétaire du jardin etmaison attenants, maître Grimpard (Castreau 2010,p. 68) ; voir aussi le plan dressé par l’architecte en chefdes Monuments historiques Ruprich-Robert, en 1909(Médiathèque de l’Architecture et du Patrimoine,1996/025/361)

25. Voir Mesqui 2012.

26. Grosse tour : voir par exemple quittance du 4juillet 1405 pour couverture de l’échauguette et lalucarne de la « grosse tour » (B.n.F., ms. fr. 26034,n° 3738). Tour de la Cigogne : voir quittance du 2septembre 1403 la mentionnant (B.n.F., ms. fr.26033, n° 3518) : « pour avoir esquis jusques au viffons XX toises d’autres tallus qui sont l’endroict de latour nommée la Segongne, autour de la barrière duditchastel ». Voir aussi la quittance de 1415 en note 28.

27. Nombreux détails sur les événements ayantmarqué la tour aux XIXe-XXe siècles dans Baboux 1995,p. 21-35. L’auteur publie l’élévation de l’architecte etrestaurateur Bourguignon en 1838 (les archives de laville contiennent également une excellente coupe dumême architecte).

28. B.n.F., ms. fr. 26040, n° 4937 : « Premièrementpour avoir osté tous les gravoiz de la tour nommée laSigongne derrainement faite devers l’ostel RobertBelle, et avoir osté hors de tous les estages et portéhors de ladite tour et dudit chastel ; et pour avoirvuidié l’alée de haut de devers la rue Potart et avoirmis les caillous encontre la visz derrainement faite etencontre les murs emprès icelle visz et pour avoir misl’engin de ladite tour à couvert, LII s.p. ».

29. B.n.F., ms. fr. 26034, n° 3738 ; Quittance deVincent le Roy, estainier de Vernon : « - pour avoirplommé et couvert de plon l’eschauguette de la grossetour dudit chastel et plommé tout autour icelleeschauguette tant en posts cille en coulombes avecl’espy d’icelle où la bande siet avec le basin dudit espy(…) ; pour avoir plommé les quatre lucarnes de laditetour, les espis d’icelle avec les justes et bacins, et aoivrplommé en front de devant et ès posts desditeslucarnes (…) ». (1405, 4 juillet)

30. Les sculptures ont été révélées pour la premièrefois par l’écrivain-poète atypique que fut EdmondSpalikowski, fils du docteur homonyme, qui écrivitentre les deux guerres : voir Spalikowski 1918.Cependant, l’auteur voyait dans cette sculpture unensemble du XIIe siècle, se fiant à l’attribution de latour à Henri Ier vers 1123, courante à l’époque (etencore de nos jours).

31. Je remercie très vivement Éliane Vergnolle, YvesGallet, Philippe Plagnieux et Iliana Kasarska d’avoirbien voulu me faire profiter de leur expertise et dem’avoir fait part de leur sentiment sur ces sculptures.Sur la sculpture des années 1200, voir Kasarska 2008,p. 203 et suiv. ; on peut trouver de fortes analogiesentre la sculpture de l’homme barbu de Vernon et, par

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exemple, l’homme pris dans les griffes de la gargouillede la cathédrale de Laon, que Iliana Kasarska attribueà une « manière B » dans la sculpture de cettecathédrale (Kasarska 2008, Corpus, p. 596, à partirde M. Camille, « Gargouilles : fantômes du patri-moine et avenirs des monuments médiévaux », LeMusée de sculpture comparée. Naissance de l’artmoderne, 1999, p. 91).

32. Lot-Fawtier 1932. Le compte de 1202-1203 nementionne des travaux à Vernon que de façon assezannexe (p. CLXVI : fossés et bretêches – « pro fossatisVernon et breteschiae cooperire » ; p. CLXX : curage delatrines – « pro cameris privatis apud Vernonem curan-dis » ; p. CCIX : couverture de la barrière – « pro garro-lio Vernonis cooperiendo » ; couverture des salles,construction d’un appentis et réfection d’un murtombé – « pro aulisVernonis cooperiendis et pro uno apen-ticio faciendo et pro muro caso reficiendo »).

33. Voir note n° 10.

34. Premiers exemples : B.n.F. : ms. fr. 20012,n° 1525 « tour de Vernonniel » (1372) ; 26011,n° 1342 : « chastel de Vernonniel » (1373). Nombreuxautres exemples dans les quittances et pièces diverses.

35. Lot-Fawtier 1932, p. CXLVII : « Magister Hugo,pro custodia turris, XXX l. » ; p. CCIX « MagisterHugo, pro custodia turris de ponte, XX l. ». On peutavec certitude identifier cette tour du pont au fort desTourelles : en effet, les deux inventaires d’armementfaits durant le règne de Philippe Auguste (Cartulairenormand, n° 214, 215) mentionnent l’un : « in capitepontis IIII balistas ad estrif et XXIX lorcias et IIIIloriculas et XXXII galeas duplices », l’autre : « in turrepontis Vernonis XIIII lorice, II habergeons, V coiffeferree, XIIII helmi ». Il s’agit bien dans les deux cas dela tour située à la tête du pont, c’est-à-dire la tour deVernonnet.

36. Goudeau 2010, p. 52.

37. L’histoire moderne des Tourelles de Vernon, àpartir du XVIIe siècle, a été brillamment synthétisée parBaboux 2001. On n’y reviendra donc pas ici. Voir,pour plus de détails, les différentes études historiquesd’André Goudeau, en particulier Goudeau 1990 quiretrace l’histoire de la minoterie ; Goudeau 2002,Goudeau 2011, passim, qui donnent diversesanecdotes relatives aux différents industriels qui sesuccédèrent à partir de la Révolution sur le site desTourelles. Voir aussi Poulain 1982, p. 48-53.

38. Voir le plan conservé aux Arch. nat., F14 10196-13-04, publié ici en figure 4. Un autre plancontemporain, dressé de la même main, est conservéau musée de Vernon : il montre un projet derestauration des arches de rive droite par des travées debois sur piles de pierre, projet qui fut réalisé.

39. Voir la reproduction photographique d’un tableaude 1843 représentant le bâtiment Planter au-dessusde l’ancienne enceinte depuis le sud, dans Baboux1999 ; autre reproduction de la même dans Goudeau2011, pl.h.t. face à la page 16. Autre vue trèsintéressante, prise depuis le sud-ouest à l’époquerévolutionnaire, en p. 94 de la même publication.

40. Voir l’histoire de la tannerie Ogerau dansGoudeau 2002, p. 157-171.

41. B.n.F., ms. fr. 26073, n° 5133 : « C’est assavoirau bout du pont de Vernon au bollevert de la tour deVernonniel, mis et assis au pont-levis dudit chastel sixaez de la laise du pont, par ce que ceulx qui y estoientestoient tous démis et n’y povoit l’on mès passer queà grant péril et dangier » (5 janvier 1445 n.st.).

42. B.n.F., ms. fr. 26066, n° 3908 : travaux faits sur« une garde faite sur le pont dormant entre la herse etle pont-levis » ; nouvelle porte faite dans cette« garde » (11 décembre 1439).

43. Annexe 1 : « pour avoir clos de liches depuis lasalle jusques à la tour ou costé devers l’eaue »(« liches » pour lices, au sens de barrières, palissades).

44. Voir par exemple en 1589, le bail d’une arche etpêcherie sous le pont de Vernon, nommée « l’Archedu Chastel », avec les fossés de la tour de Vernonnet(Arch. dép Eure, E 1389, fol. 105). Voir l’acted’échange du 18 décembre 1759 : « un petit châteauappelé le château de Vernonnet dont il ne reste qu’unetour quarrée flanquée de quatre petites tourellesrondes et d’une partie de mur de clôture, le tout enreuine, autour duquel château il y a des vestiges defossés presque comblés, isles et pescheries (…) », citépar Goudeau 2010, p. 52.

45. « RESTA[UR]ATU[M] A[NNO DOMINIMDC]CLXV ». C’est de façon erronée que Poulain1982 donne la lecture « Restauravit anno domini1763 ».

46. La gravure de Chastillon, comme celle de Duviertpubliée ici, qui datent toutes deux du début duXVIIe siècle, représentent la tour avec un parapetcrénelé, sans toit ni sur le pavillon central ni sur lestourelles.

47. Les mentions de réfections du pont-dormant, dupont-levis, et de la planchette de la tour ou du châteausont extrêmement fréquentes dans les quittances detravaux de la fin du XIVe et du XVe siècle mais il estpratiquement impossible de déterminer si ellesconcernent l’accès direct à la tour ou l’accès àl’enceinte sud. Voir par exemple B.n.F., ms. fr. 16011,n° 1422 ; « pour avoir ralongné les qeennez [chaînes]du pont de la tour de Vernonniel » (1373) ; 26031,n° 3269 : « pour avoir fait et mis une solle séant surla machonnerie de VIII piez de long ou environ et deI espine de reffais et se ferme au post qui porte laplanchette et d’autre bout à la machonnerie de dessusladite sole » ; « et avoir clos le pont de bonnez et parcosté devers la planchete d’une toise de hault ouenviron et avoir renformé ledit pont-levis » ; « et pouravoir renformé le pont dormant » (1401) ; 26066,n° 3908 : « pour avoir fait IIII bougons de fer lesquelzsouspendent une garde de nouvel faite sur le pontdormant entre la herse et le pont-levis » ; « pour deuxgons et deux vertevelles, ung touroule, une clicquetteet ung tireur en un huis nouvellement fait en ladictegarde » ; « pour une clef pour la serrure de laplanchette de la tour » (1439), etc.

48. Annexe 1 : « pour avoir assis une emeneure en lacheminée du pignon de la haulte chambre » (1377 n.st.).

49. Annexe 1 : « pour avoir refait le planchié de latourelle où gist le chastelain » (1377 n.st.). B.n.F., ms.fr. 26031, n° 3269 : « pour avoir rechangé soleaux desix pieds de long ou environ soubs la chapelle de la

tour, chascun solel d’un pied de refèt ou environ. »(1401).

50. B.n.F., ms. fr. 26011, n° 1421 : « pour avoircouvert la salle de la tour de Vernonniel » (1373).

51. Annexe 1 : « Lesquelles tours et paveillon avoientesté descouvers pour cause du gariteys qui y a estéfait ».

52. Poulain 1982, p. 50 (description de la tour en1933).

53. Les plans anciens montrent que Vernon reçutdans la seconde moitié du XVIe siècle une fortificationde transition ; mais il est probable aussi que la tourdu Vieux-René, disparue aujourd’hui, ne fut édifiéequ’à la fin du XVe siècle. On conserve par ailleurs desvues fiables de l’ancienne porte de l’Eau,probablement attribuable au XVIe siècle également.On peut espérer qu’une étude y soit consacrée un jourprochain.

54. La datation de Bourges est suffisammentdocumentée depuis longtemps pour que l’on n’yrevienne pas ; en revanche, concernant la tour duPalais de Paris, nous épousons totalement la thèse deJean Guerout suivant laquelle c’est cette tour, et noncelle du Louvre, qui est mentionnée dans le comptede 1202-1203, alors que celle du Louvre n’estentamée qu’un an plus tard (Guerout, p. 138-142).Les similitudes entre la tour du Palais et les autrestours de Philippe Auguste incitent par ailleurs às’interroger sur l’attribution classique à Louis XVI,reprise par Guerout p. 125-126.

55. Il n’entre pas dans l’objet du présent article detraiter de l’ensemble de la fortification de PhilippeAuguste. En attendant une étude renouvelée de celle-ci, on consultera avec fruit Châtelain 1991.

56. Paris : Mesures calculées à partir du plan cadastraldu XVIIIesiècle (B.n.F., Est., Coll. Destailleur, t. 6,n° 1218) et le plan de Delagrive de 1754. Bourges :Mesures données par G. Thaumas de laThaumassière, Histoire du Berry, éd. Chevalier deSaint-Amand, Bourges, 1865, t. I, p. 208-209.

57. Château mentionné et rapidement décrit parCorvisier 2004, Corvisier 2006.

58. Voir J. Mesqui, Les seigneurs d’Ivry, Bréval et Anetaux XIe et XIIe siècles, Caen, Société des antiquaires deNormandie, 2011, p. 171-209.

59. A. Erlande-Brandenburg a formalisé cette idée enavançant l’existence d’un « conseil d’architecturemilitaire » et d’un « corps de spécialistes », souvent repriseensuite sous l’appellation de « corps d’ingénieurs »par référence aux corps d’ingénieurs-fonctionnairesspécialisés qui naquirent aux XVIIe et XVIIIe siècles dansla France absolutiste. Erlande-Brandenburg 1980 ;Erlande-Brandenburg 1983. Voir aussi Baldwin 1991,p. 378-387, qui reprend l’idée.

60. La publication la plus récente et complète est cellede John Baldwin dans Registres Philippe Auguste,p. 245-250.

61. Registres Philippe-Auguste, p. 247, nos 14 et 15.

62 Gallet 1997.

63. Sandron 1999. Kasarska 2008, p. 104-105.