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UM2 F´ evrier-Mars 2001 1 Universit´ e Paul Sabatier, UFR Physique-Chimie-Automatique Maˆ ıtrise de Physique-UM2 ecanique Statistique des Syst` emes Hors d’ ´ Equilibre Cours de Jean BELLISSARD Avertissement : ce texte constitue une s´ erie de notes de cours qui ne sont pas en- core d´ efinitives.De plus elles contiennent encore des erreurs de toute sorte, (orthographe, ´ equations, etc.). Les ´ etudiants sont incit´ es ` a v´ erifier le texte et ` a signaler les erreurs qu’ils auraient vues aux enseignants du module UM2-PIR. Table des mati` eres 1 Introduction 3 1.1 Retour ` a l’´ equilibre ............................... 3 1.2 Dissipation et Irr´ eversibilit´ e: ......................... 4 1.3 Perte d’information et Dissipation : ...................... 5 1.4 Quelques Exemples : .............................. 6 1.5 Le Principe de Curie : ............................. 7 2 Rappels de Thermodynamique Statistique : 10 2.1 Micro-´ etats : ................................... 10 2.2 Int´ egrales premi` eres : .............................. 10 2.3 Ensembles thermodynamique : ......................... 11 2.4 ´ Etats de Gibbs : ................................. 12 2.5 Calcul des ´ etats de Gibbs : ........................... 13 2.6 Thermodynamique et multiplicateurs de Lagrange : ............. 14 3 Aspects Macroscopiques du Transport : 16 3.1 L’Approximation d’ ´ Equilibre Local : ..................... 16 3.2 Courants et Flux : ............................... 20 3.3 ´ Equations de Continuit´ e: ........................... 22

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UM2 Fevrier-Mars 2001 1

Universite Paul Sabatier, UFR Physique-Chimie-Automatique

Maıtrise de Physique-UM2

Mecanique Statistique des Systemes Hors d’Equilibre

Cours de Jean BELLISSARD

Avertissement : ce texte constitue une serie de notes de cours qui ne sont pas en-core definitives. De plus elles contiennent encore des erreurs de toute sorte, (orthographe,equations, etc.). Les etudiants sont incites a verifier le texte et a signaler les erreurs qu’ilsauraient vues aux enseignants du module UM2-PIR.

Table des matieres

1 Introduction 31.1 Retour a l’equilibre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31.2 Dissipation et Irreversibilite : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41.3 Perte d’information et Dissipation : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51.4 Quelques Exemples : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61.5 Le Principe de Curie : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7

2 Rappels de Thermodynamique Statistique : 102.1 Micro-etats : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102.2 Integrales premieres : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102.3 Ensembles thermodynamique : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112.4 Etats de Gibbs : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 122.5 Calcul des etats de Gibbs : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 132.6 Thermodynamique et multiplicateurs de Lagrange : . . . . . . . . . . . . . 14

3 Aspects Macroscopiques du Transport : 163.1 L’Approximation d’Equilibre Local : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 163.2 Courants et Flux : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 203.3 Equations de Continuite : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

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4 Phenomenologie et Reponse lineaire : 254.1 Loi de Fourier : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 254.2 Loi d’Ohm : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 274.3 Loi de Fick : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 284.4 Reponse lineaire et coefficients d’Onsager : . . . . . . . . . . . . . . . . . . 294.5 Une application : effets thermoelectriques. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32

5 Modeles Cinetiques et Processus Stochastiques : 365.1 Le modele de Drude : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 385.2 Le Modele de Langevin du mouvement brownien : . . . . . . . . . . . . . . 47

6 Processus Stochastiques 516.1 Le Theoreme de la Limite centrale : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 516.2 Le Processus Brownien : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 546.3 Chaınes de Markov : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 576.4 Equation Maıtresse : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 606.5 Equation de Fokker-Planck : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

7 Equations Cinetiques : 677.1 Densite Monoparticulaire : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 677.2 Section Efficace : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 697.3 L’approximation de collisions a deux corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . 737.4 L’equation de Boltzmann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 757.5 Le Theoreme H . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 777.6 Le modele de Lorentz : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 837.7 Calcul des Coefficients de Transport : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85

7.7.1 Solutions d’equilibre : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 867.7.2 La Methode de Chapman & Enskog : . . . . . . . . . . . . . . . . . 87

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1 Introduction

La Mecanique est la science du mouvement des corps. La branche de la Mecaniqueetudiee dans les premieres annees d’Universite concerne le mouvement des corps simplesdans lesquels les interactions entre particules sont peu complexes a traiter. En Licence onaborde la Thermodynamique Statistique, etape supplementaire vers la comprehension ducomportement des grandes assemblees de particules, qu’il s’agisse des gaz, des liquides,des solides ou plus generalement de particules en mileux condense, comme les electronsdans les solides, les photons dans le rayonnement, les atomes d’4He dans l’etude de lasuprafluidite, voire les electrons dans les naines blanches, les neutrons dans les pulsarset pourquoi pas les quarks dans le cœur des galaxies. Mais cette science ne concerneque les equilibre macroscopiques : bien que les particules composant le systeme soientconstamment en mouvement, a l’echelle macroscopique le systeme ne semble plus se mou-voir. Encore faut-il pour cela que la somme des forces exterieurs appliquees et que leurmoment total soient nuls.

L’objet de ce cours est de franchir une etape supplementaire : que se passe-t-il si onperturbe l’equilibre statistique d’un tel systeme au moyen de forces exterieures ? Il estaise d’imaginer que le systeme va entrer en mouvement. Mais la question qui se pose alorsest la suivante : supposons qu’apres avoir mis le systeme en mouvement, on annule toutesles forces exterieures, comment se met-il alors a evoluer ? Notre experience quotidiennenous donne la reponse : le systeme se ralentit jusqu’a revenir vers un nouvel equilibrestatistique. Nous nous posons alors la question de savoir :

(i) comment revient-il a l’equilibre ?(ii) pourquoi revient-il a l’equilibre ?(iii) peut-on decrire les mecanismes a la source de ce phenomene ?

1.1 Retour a l’equilibre

La reponse a la premiere question est deja donnee dans certains chapitres du coursde Mecanique. Par exemple, la friction d’une bille solide de masse m sur le fluide quil’environne, cree une force de freinage ~Ff = −k~v + O(~v2) proportionnelle a la vitesse~v de la bille et opposee a son mouvement. Ici, k est un cœfficient phenomenologiquepermetttant de donner un contenu quantitatif a la friction. Encore faut-il que le fluidesoit tres visqueux pour que cette loi soit valide. Ainsi, en l’absence de toute autre force,l’equation du mouvement de la bille s’ecrit :

md~v

dt= −k~v .

Elle admet pour solution un comportement exponentiel de la vitesse :

~v(t) = ~v0e−k(t−t0)/m , t ≥ t0 ,

ou ~v0 est la vitesse a l’instant initial t0. On constate donc que si t → ∞ la vitesse tendvers zero, d’autant plus vite que le cœfficient de friction k est plus grand ou que la massem est plus petite. Si en outre une force exterieure constante ~F s’applique sur la bille,comme le ferait son poids du a l’attraction gravitationnelle terrestre, l’equation devient :

md~v

dt= −k~v + ~F , (1)

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conduisant a la solution

~v(t) = ~v0e−k(t−t0)/m +

~F

k, t ≥ t0 ,

montrant qu’il existe une vitesse limite ~v = ~F/k proportionnelle a la force appliquee.Si maintenant on considere, non pas une seule bille, mais une assemblee nombreuse de

tres petites billes, de sorte que leur nombre ρ par unite de volume, appele leur densite,soit considere comme constant dans le volume de fluide considere, le poids des billes lesfera descendre dans le fluide. Pour caracteriser cet etat on introduit la notion de flux atravers la surface Σ a savoir le nombre de billes traversant la surface Σ par unite de temps,ainsi que la notion de densite de courant, vecteur ~j defini de sorte que le flux a traversun element de surface d~S soit ~j · d~S. Dans notre cas, si ~ϕ designe ce courant, la quantite~ϕ ·d~Sdt represente le nombre de billes ayant traverse d~S pendant le temps dt. Il est aise dese convaincre qu’il ne s’agit rien d’autre que le nombre de billes localisees dans un volume~v · d~Sdt de sorte que

~ϕ = ρ~v =ρ

k~F .

Une force constante derive d’un potentiel que nous noterons ici W . Cela signifie que~F = −~∇W . Nous en tirons donc une relation entre le flux et la force appliquee sous laforme :

~ϕ = c ~F = −c ~∇W ,

ou c est une constante appelee cœfficient de transport. Dans l’exemple ci-dessus c = ρ/k.

Le meme type d’argument peut s’appliquer si les billes sont remplacees par des elec-trons dans un metal. De facon tres grossiere on peut considerer que ces electrons se com-portent comme des particules libres soumises aux forces electriques creees par un champelectrique ~E lequel derive d’un potentiel V de sorte que ~E = −~∇V . La presence d’atomesdans le metal produit aussi une force de friction sur les electrons appelee resistanceelectrique. Le flux d’electrons permet de definir la densite de courant electrique ~j commele flux de charges electriques, de sorte que ce qui joue le role de ρ ici sera la densitede charges. Dans l’approximation decrite precedemment nous obtiendrons une loi reliantcourant et champ electrique sous la forme :

~j = σ ~E = −σ ~∇V .

Ici σ s’appelle la conductivite electrique et apparaıt donc comme un cœfficient de transportelectrique.

1.2 Dissipation et Irreversibilite :

Revenons au cas de la bille initiale. Son energie mecanique totale U = 1/2m~v 2 + Ws’ecrit comme la somme de son energie cinetique 1/2m~v 2 et de son energie potentielle W .L’equation (1) nous montre que

dU

dt= ~v · (md~v

dt+ ~∇W ) = −k~v 2 < 0 ,

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de sorte qu’elle diminue au cours du temps : la bille perd son energie mecanique par fric-tion ! Que devient cette energie ? En vertu du Premier Principe de la Thermodynamique,l’energie totale d’un systeme ferme se conserve au cours du temps. Il faut donc que labille transfere son energie a son environnement. En effet, nous savons que c’est le fluidevisqueux qui recupere cette energie sous forme de chaleur. Or la chaleur est une formealeatoire microscopique d’energie cinetique, celle qui provoque l’agitation thermique desmolecules composant le fluide. Il nous suffirait donc de mettre dans les equations du mou-vement les contributions de toutes les molecules du fluide pour traiter le probleme total.Puis en ne suivant que la bille, d’en deduire les equations precedentes.

Cependant un probleme se pose ici : les equations de la Mecanique sont invariantespar renversement du temps. Comment se peut-il, dans ces conditions, que l’energie macro-scopique de la bille diminue toujours lorsque le temps s’accroıt ? En effet, si l’invariancepar renversement du temps etait respectee par nos equations, changeant dt en −dt nedevrait pas modifier la conclusion, ce qui est ici manifestement contradictoire ! Nous enconcluons que le sens du temps n’est plus arbitraire des lors que la friction est en jeu :il y a irreversibilite. On peut mesurer la difference entre le passe et le futur par les effetsdu retour a l’equilibre. Il y a donc eu brisure de la symetrie de renversement du temps.Alors pourquoi ?

La non-conservation de l’energie macroscopique de la bille conduit a la notion de dissi-pation : l’energie de la bille se dissipe dans le fluide. Intuitivement la dissipation provient dece qu’au sein d’une assemblee nombreuse de particules, leur mouvement devient aleatoire,et la force de friction n’est que la resultante moyenne de forces multiples exercees parles milliards de particules du fluide qui viennent entrer en collision avec la bille. Danscette operation de moyenne, il y a perte d’information sur le mouvement des particulesdu fluide par transfert aleatoire de l’energie macroscopique de la bille vers les particulesde fluides : a chacune des collisions bille-particule du fluide, une petite partie aleatoire del’energie de la bille est transferee a la molecule, energie qui se retrouvera sous forme dechaleur ou encore d’elevation de temperature.

1.3 Perte d’information et Dissipation :

Nous aurons l’occasion de voir que c’est la perte d’information, et non la dissipationd’energie seule, qui conduit a l’irreversibilite. Si nous etions capable de suivre le mou-vement de chaque particule a chaque instant sans rien oublier, nous observerions unefluctuation de l’energie de la bille et non une diminution au cours du temps. Mais lapresence de multiples particules, auxquelles il convient d’ajouter l’interaction avec lesrayonnements de toute sorte qu’il est theoriquement impossible de controler, conduit aune perte effective d’information dans le systeme. Dans le cas de la bille cela se traduitpar de la dissipation d’energie au profit du fluide. De plus, la taille infinie de l’universdans lequel nous vivons, conduit a ce qu’une partie de l’information locale se propagesous forme d’onde ou de rayonnement et disparaisse a l’infini sans jamais revenir. Il y adonc bien perte d’information. C’est ce phenomene qui explique par exemple pourquoi,vu depuis une antenne emettrice, le vide doit etre traite comme un milieu resistif : l’ondeemise par l’antenne ne revient jamais en totalite car elle se perd a l’infini.

Or, nous avons appris en Thermodynamique Statistique, que la quantite d’informationcontenue dans un systeme statistique est l’oppose de l’entropie. Plus l’information estgrande plus l’entropie est petite et reciproquement. Nous en concluons que la dissipation

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se traduira par une augmentation de l’entropie. Or c’est bien la l’esprit du DeuxiemePrincipe, a savoir qu’au cours d’une tranformation d’etats d’equilibre, l’entropie S nepeut qu’augmenter. En particulier, dS/dt ≥ 0 conduit a donner au temps une orientationprivilegiee, appelee le futur, qui correspond a celle produisant l’augmentation de l’entropiedu systeme considere. Si des forces exterieures contraignent le systeme a etre constamenthors d’equilibre, comme ce serait le cas si la bille tombait en raison de son poids dans unecolonne de fluide, il y aura une production d’entropie permanente dans le systeme.

Pour decrire ces phenomenes, nous procederons par etapes de complexites croissantes.Dans un premier temps, nous traiterons les aspects macroscopiques en definissant la notionde courant generalise (courant de particule, courant electrique, courant thermique, etc.)et en etablissant des equations d’evolution macroscopiques (equations de conservation etde transport). Dans un deuxieme temps, nous decrirons la dissipation en representantl’influence des particules dissipante par des processus aleatoires. C’est ce que l’on ap-pellera une theorie cinetique. Rentrent dans cette categorie les equations de Langevin.Enfin, en partant du domaine microscopique avec une theorie complete, nous etablironsl’equation d’evolution, d’abord dans l’approximation des collisions a deux corps, condui-sant a l’equation de Boltzmann, puis de facon plus complete pour toutes les focntions decorrelations a l’aide de la hierarchie de BBGKY. Nous pourrons alors expliquer comments’opere le processus de perte d’information.

1.4 Quelques Exemples :

Historiquement les premieres equations de transport qui furent ecrites sont les equati-ons de la dynamique des fluides. Ce sont, paradoxalement, les plus compliquees. Ce furentEuler puis Laplace au 18emesiecle qui firent les premiers pas. Il fallut cependant attendrele 19emesiecle et les equations de Navier-Stokes pour disposer d’une theorie completedecrivant les mouvements macroscopiques des fluides.

C’est au debut du 19emesiecle que Fourier put etablir l’equation de la chaleur decrivantle transport thermique. La aussi le paradoxe veut que Fourier ait etablit ses equationsen 1807, avant meme que la thermodynamique ne soit formulee par Carnot en 1825 etpar Joules & Thompson entre 1840 et 1850. La notion d’entropie fut laborieuse a formu-ler entre les premieres propositions de Mayer au debut des annees 1850 et la definitionfinale par Clausius en 1865. Maxwell alors comprit la nature aleatoire du mouvementdes particules d’un gaz dans les annees qui suivirent. Il en deduisit le calcul de la dis-tribution de probabilite de leurs vitesses et explique, au moyen du fameux demon deMaxwell, comment s’effectue la perte d’information conduisant a l’augmentation de l’en-tropie. C’est Boltzmann, a partir de 1872, qui formule la premiere theorie cinetique etdonne une interpretation mesoscopique au deuxieme Principe de la Thermodynamique autravers du fameux theoreme H. Il faudra encore attendre 1905 et l’etude du mouvementbrownien par Einstein pour comprendre avec precision les relations entre microscopiqueet macroscopique.

Au debut du 19emesiecle apparurent les premieres equations de l’electricite. Du pointde vue de la dissipation, c’est la loi d’Ohm qui est la plus importante. Il fallut cependantattendre Drude en 1900 pour disposer de la premiere theorie cinetique et de la premiereformule fournissant la conductivite electrique en terme des parametres microscopiques. Ce-pendant cette theorie a eu besoin encore de pres d’un demi-siecle de plus pour prendre encompte correctement les effets quantiques sans lesquels les predictions de Drude s’averent

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fausses.La diffusion de la lumiere, avec le bleu du ciel, le rougeoiment du couchant, sont

des phenomenes abordes par l’ecole britannique au 19emesiecle aussi, apres que l’ecolefrancaise ait mis au point la theorie ondulatoire. Il s’agit aussi d’un phenomene dissipatifdans lequel les photons, particules proposees par Einstein en 1905 comme la composantecorpusculaire de la lumiere, entrent en collision avec les atomes qui les absorbent et lesreemettent en permanence de sorte qu’une partie de l’information portee par les photonsse perd, produisant des changements de couleurs significatifs.

C’est aussi en 1823 qu’un botaniste anglais du nom de Brown, decouvre sous son mi-croscope l’aspect tres erratique du mouvement de petites particules de pollen en suspen-sion dans l’eau. C’est cette decouverte qui servira de modele fondamental de mouvementaleatoire. Sans connaıtre les travaux de Brown, Einstein en donnera une description phy-sique en 1905. Ce travail conduira Paul Levy, apres 1920, et Norbert Wiener, a partir de1925, a en donner une description mathematiquement rigoureuse. Ces travaux constituentles fondements de la theorie moderne des probabilites.

Le dernier exemple de processus dissipatif concerne les reactions chimiques en presencede diffusion. Si le melange de produits n’est pas initialement homogene, la reaction chi-mique ne se deroule pas en tout point de facon equivalente. Il peut se creer un front,au sein duquel se produit la reaction, separant deux regions, celle contenant le melangeavant reaction, de celle contenant les produits formes par la reaction. Lorsque la reactionest fortement exothermique, ce front peut se materialiser sous forme d’une flamme quise propage dans le systeme. C’est ce qui se produit quotidiennement dans une gaziniereou la reaction entre le combustible (le gaz de combustion) et le comburant (l’oxygene),est controlee en permanence pour produire une flamme reguliere. La aussi, il y a dissipa-tion du fait d’un etat final toujours identique mais tres different de l’etat initial : il y airreversibilite.

1.5 Le Principe de Curie :

Avant d’entrer dans le vif du sujet, il convient ici de rappeler un principe fondamentalen science, connu sous le nom de principe de Curie. Celui-ci fut enonce dans un articleparu en 18941 et signe de Pierre Curie. Ce principe etablit que les symetries du systemeimpose la symetrie de la reponse de ce systeme a une sollicitation exterieure. Donnonsdes exemples de symetries afin d’illustrer ce principe.

Nous dirons qu’un materiau est homogene si ses proprietes physiques sont invariantes partranslation. Une translation de l’espace est une fonction de la forme T ~a : ~x ∈ R3 7→ ~x+~a ∈R3 ou ~a est un vecteur de R3. L’ensemble des translations forme un groupe isomorphe aR

3 puisque :

(i) la composition de deux translations T ~aT~b n’est autre que la translation T ~a+~b associee

a la somme ~a+~b ;

(ii) toute translation T ~a est inversible et admet T−~a pour inverse ;

(iii) en outre, si T ~a = T~b alors ~a = ~b, de sorte que l’application ~a ∈ R3 7→ T~a est bijective.

1P. Curie, “Sur la symetrie dans les phenomenes physiques, symetrie d’un champ electrique et d’unchamp magnetique”Journal de Physique, vol. 3, (1894), 393-415.

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De meme nous dirons qu’un materiau est isotrope si ces proprietes physiques sont inva-riantes par rotation de l’espace. Rappelons qu’une rotation est une transformation lineairede l’espace R3 qui laisse les distances et les angles invariants. Il s’ensuit que dans la basecanonique de R3, une rotation R admet une matrice 3 × 3 R = ((Ri,j))i,j∈x,y,z, a cœffi-cients reels, qui satisfait aux relations :

RRt = RtR = 13 (2)

Dans cette expression, Rt designe la matrice transposee, definie par (Rt)i,j = Rj,i. L’en-semble des rotations forme un groupe car le produit RR′ de deux rotations et l’in-verse R−1 = Rt d’une rotation, sont encore des rotations, comme on peut le verifierimmediatement a partir de (2). Ce groupe est note O(3). On remarque en outre, quel’equation (2) implique que det(R) = ±1. Le sous-ensemble des rotations telles quedet(R) = 1 est un sous-groupe note SO(3) : ces rotations sont celles qui preserventl’orientation de l’espace R3.

Considerons maintenant un exemple d’application du principe de Curie. Nous apprenonsen electrostatique que le champ electrique ~E(~r) cree au point ~r de l’espace par une chargeelectrique q situee a l’origine, est dirige le long du vecteur ~r de meme sens si q > 0, de sensoppose si q < 0 et de module proportionnel a q/~r 2 (Loi de Coulomb). Le principe de Curie

nous permet d’expliquer pourquoi ~E est radial. En effet, une rotation de l’espace autourde l’origine ne change pas la charge electrique. Par consequent, le principe de Curie nousindique que :

~E(R−1~r) = R ~E(~r)

En particulier, si R est une rotation d’axe ~r, il s’ensuit que ~E est invariant par R, de sorteque ~E est bien dirige le long de l’axe de rotation i.e. le long de ~r. De plus, le module de~E ne change pas par rotation, de sorte que ~E s’ecrit sous la forme ~E = ~r · f(r) si r est lemodule de ~r. Ainsi, le principe de Curie nous donne la direction du champ. Il faut alorsla loi de Coulomb pour nous donner son module.

r B

I

Fig. 1 – Champ magnetique cree par une ligne de courant

Considerons un deuxieme exemple important, a savoir le calcul du champ magnetique ~Bcree par une ligne de courant rectiligne (cf fig. 1). Designons par Oz l’axe porte par laligne et oriente dans le sens du courant. Comme le courant est rectiligne et uniforme, le

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principe de Curie, applique a l’invariance par translation le long de Oz, indique que lechamp magnetique cree ne depend pas de la coordonnee z. Il suffit donc de calculer cechamp uniquement dans un plan Oxy perpendiculaire a la ligne. Le meme principe deCurie, applique aux rotations autour de l’axe nous indique que le long des cercles d’axeOz, le module du champ magnetique ne change pas. Donc ce module ne depend que de ladistance r a l’axe Oz. Soit donc ~r un vecteur dans le plan Oxy reliant l’axe Oz au pointou nous voulons calculer ~B. Si R est la rotation d’angle π autour de ~r, elle change le signedu courant. Par le principe de Curie elle doit donc aussi changer le signe du champ ~B.En consequence, ~B est perpendiculaire a ~r. Si maintenant nous operons une reflexion Rautour du plan Oxy, nous changeons aussi le sens du courant. Donc nous nous attendonsa ce que le principe de Curie change le signe de ~B. Mais ce n’est pas le cas, car le champmagnetique est pseudo-vectoriel. Cela signifie que par l’action d’une rotation R ∈ O(3),apparaıt un changement de signe donne par det(R). Donc dans le cas present, puisqu’unereflexion est une rotation de determinant −1, et qu’il y a changement du signe du courant,le champ magnetique est multiplie par −1 (changement de signe du courant) et encore

par −1 (du au determinant) de sorte qu’au total ~B est invariant par cette reflexion. En

consequence ~B est parallele au plan Oxy. C’est ce qu’indique la figure 1.L’orientation et le module de ~B sont alors donnes par le theoreme d’Ampere, selon lequel,la circulation de ~B le long d’un cercle d’axe Oz est egale a I. Ici il faut orienter le cercledans le sens direct (regle du tire-bouchon de Maxwell). Le raisonnement precedent montre

que cette circulation vaut 2πrB, si B est la composante tangentielle de ~B au cercle. D’ouB = I/2πr, est dirige dans le sens de l’orientation du cercle comme indique sur la figure 1.

Ce principe, auquel Curie avait abouti suite a ses travaux sur la reponse thermoelectriqueet piezoelectrique des cristaux, fut aussi la conclusion d’un autre physicien du nom deGroth en 18762. Mais c’est sous le nom de Curie que ce principe a ete utilise, en rai-son de la resonance profonde que l’article de Curie eut sur la communaute scientifiquedes specialistes des cristaux. Ce principe s’applique, en particulier, au cas des groupesde symetries ponctuelles des cristaux, qui sont des sous-groupes finis de O(3). Pour plu-sieurs de ces groupes, l’invariance par leurs elements implique l’isotropie des reponsesmacroscopiques. Ce principe a eu aussi des consequences tres importantes en MecaniqueQuantique, car il implique l’existence de regles de selection interdisant certaines transi-tions quantiques. Par voie de consequences, il a eut aussi une importance capitale dansla classification des particules elementaires au debut des annees soixante : par l’observa-tion des regles de selection au cours des collisions a hautes energies, les physiciens en ontdeduit l’existence d’un groupe de symetrie, appeles groupe des symetries internes, qui apermis de trouver de nouveaux nombres quantiques et de classifier les particules.

2P. Groth, Physikalische Kristallographie, Teubner, Leipzig, (1876), p. 174.

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2 Rappels de Thermodynamique Statistique :

Afin d’etudier la dynamique des systemes irreversible, il convient d’abord de bienconnaıtre la thermodynamique de l’equilibre et sa description statistique. C’est l’objet dece paragraphe que d’en rappeler les grandes lignes.

2.1 Micro-etats :

Un systeme statistique comportant un tres grand nombre de particules est decritau moyen d’un espace de micro-etats Ω. En toute rigueur il conviendrait de decrire cetespace a l’aide de la Mecanique Quantique. Nous reprendrons cet aspect plus tard. Nousallons supposer pour l’instant que le systeme peut-etre approximativement decrit de faconclassique et que l’ensemble des micro-etats accessibles est fini ou, au pire denombrable.Si Ω est un ensemble fini il peut cependant contenir un nombre gigantesque de points.Donnons quelques exemples :

Exemple 2.1 Systeme de spin sur reseau : on considere un reseau fini Λ contenant unnombre fini de sites. En chaque site ` ∈ Λ on associe σ` ∈ +1,−1. Un micro-etat dece systeme est la donnee d’un configuration de spins σ = (σ`)`∈Λ. Ainsi l’ensemble de cesconfigurations est donne par Ω = +1,−1Λ. Si N est le nombre de sites contenus dansΛ l’espace Ω contient 2N micro-etats.

Exemple 2.2 Un gaz parfait est constitue de particules libres de masse m contenues dansune boıte de volume V , que nous supposerons cubique pour simplifier, et de cote L = V 1/3.Dans l’approximation quasi-classique de la Mecanique Quantique, chaque etat est decritpar trois entiers non nuls n = (nx, ny, nz) ∈ N3

∗ de sorte que l’impulsion (la quantite demouvement) de la particule dans cet etat soit :

~p = (px, py, pz) , pi =~πni

L, i = x, y, z .

A la famille n est aussi associee la fonction d’onde de la particule :

ψn(~r) =

(

2

L

)3/2

sin (πnxx

L) sin (

πnyy

L) sin (

πnzz

L) ~r = (x, y, z) ∈ [0, L]×3 .

L’espace des micro-etats monoparticulaires s’identifie a Ω1 = N3∗ qui est denombrable.

2.2 Integrales premieres :

Une observable classique est une fonction definie sur l’espace des micro-etats. L’evo-lution temporelle du systeme est decrite par un Hamiltonien q ∈ Ω 7→ E(q) ∈ R, donnantl’energie totale du systeme. Une integrale premiere est une observable qui reste constanteau cours du mouvement. Il convient alors d’effectuer la liste des integrales premieres.

Dans un systeme classique les integrales premieres se classent en plusieurs categoriesselon leur origine physique :

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1. Mecanique : l’energie, l’impulsion, le moment cinetique.Le plus souvent, il est possible de choisir un repere au repos par rapport au systemeconsidere, auquel cas l’impulsion et le moment cinetiques sont nuls. C’est pour-quoi on les ignore quand on etudie les equilibres, sauf dans certains cas particu-liers, comme celui des corps tournants (Terre, centrifugeuse,...). Cependant pour lessystemes faiblement hors d’equilibre, ce ne sera plus le cas.

2. Geometrique : le volume occupe est fixe une fois pour toute. On peut donc leconsiderer comme une integrale premiere.

3. Chimique : chaque espece a, b, · · · de particule contient un nombre Na, Nb, · · · departicules.Ces nombres peuvent etre des constantes du mouvements quand il est impossible decreer de telles particules. Les molecules entrent dans cette categorie. Par contre pourles photons ou les phonons ces nombres ne sont pas des constantes du mouvement.

4. Electriques : la charge electrique totale contenue dans un systeme isole est uneconstante du mouvement,

5. Magnetiques : le moment dipolaire magnetique total, appele aimantation, est sou-vent une constante du mouvement dans les probleme magnetiques.

2.3 Ensembles thermodynamique :

Pour decrire un systeme physique de facon realiste, il est parfois commode de leconsiderer comme ouvert ou partiellement ouvert. Cela signifie qu’il est susceptible d’e-changer de l’information avec le mode exterieur. Pour distinguer entre les diverses possi-bilites, on fixe, parmi les integrales premieres, une sous-famille, dont le elements serontles integrales premieres fluctuantes, i.e. celles qui sont susceptibles de fluctuer entre lesysteme et l’exterieur.

Definition 2.1 Un ensemble thermodynamique, ou ensemble de Gibbs, est la donnee dela sous-famille des integrales premieres fluctuantes.

Les ensembles de Gibbs les plus frequemment utilises sont :

1. L’ensemble micro-canonique : dans ce cas aucune integrale premiere ne fluctue. Ellessont toutes fixees.Dans le cas le plus simple, pour lequel il n’y a qu’une seule espece chimique et pasd’effet magnetique, l’espace des micro-etats est entierement fixe par la donnee de(E, V,N), ou E est l’energie totale du systeme, V son volume et N le nombre totalde particules.Ces ensembles sont tres utilises dans les simulations numeriques car dans ce casl’espace des micro-etats est le plus petit possible.

2. L’ensemble canonique : la seule integrale premiere fluctuante est l’energie.Dans ce cas l’espace des micro-etats contient des etats d’energie quelconque. Il nedepend que de (V,N)Cet ensemble de Gibbs est adapte au cas ou le systeme peut echanger de l’energieavec l’exterieur (par exemple sous forme thermique), sans echange de matiere nichangement de volume. C’est le cas de l’equilibre d’un gaz enferme dans une bouteilleetanche.

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3. L’ensemble grand canonique : l’energie et les nombres de particules fluctuent.Dans ce cas l’espace des micro-etats contient des etats d’energie et de nombres departicules quelconques. Il ne depend donc que de V .Cet ensemble de Gibbs est adapte au cas ou le systeme peut echanger de l’energieet de la matiere avec l’exterieur. Par exemple, les electrons dans un metal sont tressouvent decrit par l’ensemble grand canonique car les electrons peuvent s’echappera travers les conducteurs relies au systeme. De meme dans un equilibre chimique,il y a fluctuation du nombre de particules de chaque espece en raison des reactionschimiques.

4. L’ensemble isobarique : l’energie, et le volume fluctuent.Dans ce cas l’espace des micro-etats contient des etats d’energie qui dependent duvolume. Par contre le nombre de particule est fixe. L’ensemble grand isobarique

correspond au cas ou energie, volume et nombre de particules fluctuent.

D’une facon generale, nous designerons par X1, · · · , XK la liste des integrales premieres.Nous indiquerons a l’aide d’un chapeau celles d’entre elles qui fluctuent, les distinguantainsi de celles qui sont fixees dans l’ensemble de Gibbs choisi. Soit donc Ifluc l’ensembledes indices α ∈ 1, · · · , K correspondants aux variables fluctuantes et Ifix l’ensemble deceux correspondant aux variables fixees. Ainsi Xα(q) varie avec q ∈ Ω si et seulement siα ∈ Ifluc. D’autre part, l’ensemble des micro-etats Ω depend explicitement des valeurs desXγ, γ ∈ Ifix,

Le theoreme d’equivalence des ensembles affirme qu’a l’equilibre et a la limite des tresgrands volumes, tous les ensembles de Gibbs sont equivalents. Ils ne different entre euxque par la nature des fluctuations, lesquelles deviennent negligeables dans cette limite.Neanmoins ces fluctuations peuvent devenir importantes dans les systemes de petite taille,comme c’est le cas des composants electroniques dont la taille est inferieure au micron.

2.4 Etats de Gibbs :

On represente l’etat macroscopique du systeme au moyen d’une loi de probabilite p surl’espace des micro-etats. Cela signifie qu’a chaque micro-etat q ∈ Ω on associe un nombrep(q) ≥ 0 tel que

q∈Ω p(q) = 1. Cette description n’est valide que pour les sytemesquasi-classiques. Dans le cas des systemes quantiques la description est un peu plus sub-tile. L’information contenue dans cet etat est determinee par son entropie statistique 3

(theoreme de Shannon) :

s(p) =∑

q∈Ω

−p(q) ln (p(q)) .

La valeur moyenne d’une observable A est donnee par :

3Plus precisement plus l’entropie est grande et moins l’information contenue dans le systeme est riche.Ainsi, si le systeme est entierment dans le micro-etat q0, la loi de probabilite qui le represente est doncdonnee par p(q0) = 1, donc p(q) = 0 pour q 6= q0, ce qui donne s(p) = 0 : l’information sur le systeme estcomplete et son entropie est minimale. A l’oppose, si tous les micro-etats sont equiprobables, donc si nousne savons rien de l’etat du systeme, p(q) = 1/|Ω| pour tout q de sorte que s(p) = ln Ω, qui est la valeurmaximale de l’entropie statistique sur un ensemble fini, car il est possible de montrer que 0 ≤ s(p) ≤ ln Ωquelle que soit la loi de probabilite p.

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〈A〉p =∑

q∈Ω

A(q) p(q) .

Dans un ensemble de Gibbs, on fixe la moyenne de chaque integrale premiere fluctuanteen posant :

Xα = 〈Xα〉p , si α ∈ Ifluc .

Ainsi, dans l’ensemble grand canonique, U = 〈E〉p et N = 〈N〉p sont considerees commefixees par les conditions experimentales. C’est donc une information a priori sur le systemeconsidere.

Principe 2.1 (Principe d’entropie maximum) Un etat est a l’equilibre lorsque sonentropie est maximale compte tenu des contraintes associees aux valeurs moyennes desintegrales premieres fluctuantes.

Un interpetation de ce principe consiste a dire que tant que l’etat n’est pas maximale-ment desordonne, il continue d’evoluer jusqu’a ce qu’il ne contienne plus que les seulesinformations dont il dispose compte tenu des contraintes auxquelles il est soumis.

Definition 2.2 Un etat de Gibbs P est un etat dequilibre, a savoir une loi de probabilitesur l’espace des micro-etats obeissant au principe d’entropie maximum.

2.5 Calcul des etats de Gibbs :

Pour calculer l’etat dequilibre il faut donc maximiser l’entropie statistique s(p) comptetenu de ce que les 〈Xα〉p =

q∈Ω Xα(q)p(q) sont fixees, si α ∈ Ifluc. Il faut en outre tenircompte de la contrainte

q∈Ω p(q) = 1 indiquant que p est une probabilite. Le theoremedes multiplicateurs de Lagrange affirme qu’il est equivalent de maximiser la quantite :

G(p) =∑

q∈Ω

p(q)

− ln (p(q)) + λ0 +∑

α∈Ifluc

λαXα(q)

,

par rapport a p. Dans cette expression les parametres λα sont appeles multiplicateurs deLagrange. On remarque qu’il y a un multiplicateur de Lagrange par integrale premierefluctuante ainsi qu’un de plus assurant la normalisation de la loi de probabilite. Le maxi-mum est atteint si :

∂G

∂p(q)= 0 , ∀q ∈ Ω .

Ce systeme admet une seule solution, si Ω est fini, donnee par :

P(q) =1

Z eP

α∈IflucλαXα(q)

,

expression dans laquelle Z = e−1+λ0 se calcule comme un facteur de normalisation :

Z =∑

q∈Ω

eP

α∈IflucλαXα(q)

.

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Z est appelee la fonction de partition de l’ensemble de Gibbs considere. Les autres mul-tiplicateurs de Lagrange sont alors determines par les contraintes :

Xα =∑

q∈Ω

P(q) Xα(q) , ∀α ∈ Ifluc .

Exemple 2.3 Dans l’ensemble grand canonique, l’etat de Gibbs est donne par l’expres-sion :

P(q) =1

Ξe−β (E(q)−µN(q)) , (3)

dans laquelle E(q), N(q) sont l’energie et le nombre de particules dans le micro-etat q,tandis que Ξ est la fonction de partition grand canonique, −β est le multiplicateur deLagrange associe a l’energie et βµ celui associe au nombre de particules.

2.6 Thermodynamique et multiplicateurs de Lagrange :

La relation fondamentale de Boltzmann affirme que l’entropie thermodynamique S estreliee a l’entropie statistique de l’etat de Gibbs par la formule de Boltzmann :

S = kB s(P) ,

ou kB est la constante de Boltzmann qui ne depend que des unites choisies (l’entropiestatistique est sans unite par definition, tandis que l’entropie thermodynamique est lerapport d’une energie et d’une temperature). Dans le systeme international, elle vaut :

kB = 1, 38 10−23J ·K−1 .

Compte tenu de l’equation (3), l’entropie thermodynamique est donnee par :

S = kB lnZ +∑

α∈Ifluc

Fα 〈Xα〉P ,

avec :

Fα = −kBλα . (4)

Definition 2.3 Fα sera appelee la quantite conjuguee a l’integrale premiere Xα.

Pour illustrer l’interpretation physique, placons-nous dans l’ensemble grand canonique(cf. exemple 2.3) qui donne S = kB ln Ξ + kBβ(U − µN). Nous procedons alors a unchangement d’equilibre infinitesimal consistant a faire varier β de dβ, µ de dµ et le volumeV de dV . Dans ces conditions, E(q) et N(q) dependent en general du volume V , de sorteque la variation de E(q) − µN(q) peut secrire −P (q)dV , pour un certaine fonction P .Ainsi l’entropie varie de :

dS = kB

Ξ+ kBβ(dU − µdN) + kBdβU − kBd(βµ)N .

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Par ailleurs, en differentiant la fonction de partition et en posant P = 〈P 〉P, il s’ensuitque dΞ/Ξ = −dβU + d(βµ)N + βPdV de sorte que :

dS = kBβ(dU − µdN + PdV ) .

Or la definition thermodynamique de l’entropie est donnee par dU = −PdV +TdS+µdNou P est la pression, T la temperature absolue et µ le potentiel chimique. Le modelestatistique redonne la thermodynamique a condition que

β =1

kBTµ = potentiel chimique , P = pression .

En particulier, P (q) peut s’interpreter comme la pression du micro-etat q. Plus generale-ment, le meme raisonnement conduit a une expression de la forme :

dS =

K∑

α=1

Fα dXα , (5)

ou les Fα sont donnees par l’equation (4) si α ∈ Ifluc tandis que, si α ∈ Ifix, ils sontdefinis de facon analogue a la pression ci-dessus, au moyen d’une quantite conjugueefluctuante Fα(q). Notons au passage, que la pression apparaıt comme la variable conjugueeau volume, de sorte qu’elle deviendrait un multiplicateur de Lagrange dans l’ensemble deGibbs dans lequel les trois variables E,N, V fluctueraient.

Procedant ainsi de facon systematique, on aboutit aux resultats suivants :

1. Dans l’ensemble micro-canonique, la fonction de partition W n’est autre que lenombre de micro-etats W = |Ω| tandis que P(q) = 1/|Ω| pour tous q ∈ Ω. Lelogarithme de la fonction de partition s’identifie alors a l’entropie selon la formulede Boltzmann4 :

S = kB lnW .

2. Dans l’ensemble canonique, P(q) = e−E(q)/kBT/Z de sorte F = −kBT lnZ s’identifiea l’energie libre de Gibbs definie par F = U − TS.

3. Dans l’ensemble grand canonique P est donnee par l’equation (3) et J = −kBT ln Ξs’identifie avec le grand potentiel defini par J = U − TS − µN .

4. L’enthalpie H = U+PV apparaıt comme −kBT lnZ dans l’ensemble de Gibbs danslequel V est la seule variable fluctuante, tandis que l’enthalpie libreG = U+PV−TScorrespond au cas ou E, V fluctuent.

Ces formules fournissent le lien entre la thermodynamique de l’equilibre et son expressionstatistique sous la forme des fonctions de partition. Grace a ces formules, ont peut deduiretoutes les quantites thermodynamiques de l’equilibre, comme les capacites calorifiques, lescœfficients de dilatations thermiques, etc..

4cette formule figure comme epitaphe sur la tombe de Boltzmann a Vienne en Autriche

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3 Aspects Macroscopiques du Transport :

Alors que le paragraphe precedent donnait la description succinte des equilibres ther-modynamiques a partir des donnees microscopiques, le present chapitre est destine adecrire macroscopiquement le formalisme necessaire a representer la situation d’un sys-teme faiblement hors d’equilibre. Le principe fondamental utilise dans cette situation estl’approximation d’equilibre local, dont la consequence est de permettre de considerer lesysteme comme a l’equilibre dans de petites regions de l’espace et pour de petits ecartsde temps. Nous pourrons donc utiliser les resultats de la thermodynamique de l’equilibrea condition de considerer l’etat de Gibbs comme une fonction lentement variable de l’es-pace et du temps. Il convient alors d’introduire les notions de flux et de courant, a partirdesquelles seront etablies les equations fondamentales du transport. Rappelons que letransport peut concerner :

(i) le transport thermique ;(ii) le transport de matiere par diffusion (exemple des billes dans le § 1) ;(iii) le transport de matiere comme en mecanique des fluides ;(iv) le transport de charge dans la conduction electrique ;(v) le transport de toute autre forme d’energie ou de quantite physique ;

3.1 L’Approximation d’Equilibre Local :

Les principes qui prevalent dans la thermodynamique de l’equilibre conduisent a l’in-tervention de multiplicateurs de Lagrange que l’on peut ensuite interpreter en terme dequantites physiques mesurables comme la temperature, le potentiel chimique, la pression,etc.. Il s’agit de parametres de nature statistique caracterisant l’equilibre. Cependant dansun milieu continu, comme un fluide ou un solide, que l’on force a s’eloigner de l’equilibrethermodynamique, il est usuel de considerer la temperature ou la pression ou toute autrequantite d’origine statistique comme dependant a la fois du point ou on l’observe dansl’espace et du temps d’observation. Comment donner un sens a cette convention ?

L’approximation d’equilibre local : La reponse a cette question necessite la definitionde trois echelles de longueur :

(i) l’echelle microscopique ` concerne les distances sur lesquelles s’effectue la dynamiquelocale ; elle est typiquement de l’ordre de grandeur du libre parcours moyen ou de lalongueur de correlation ;

(ii) l’echelle macroscopique L sur laquelle sont effectuees les observations experimen-tales ;

(iii) enfin, une echelle mesoscopique δr qui sera suffisament grande pour autoriser unsous-systeme de cette taille a etablir un equilibre thermodynamique, mais tres petit devantl’echelle macroscopique.

Ainsi nous devons avoir :

` δr L . (6)

De meme on definira trois echelles de temps :(a) une echelle rapide τrel caracterisant le temps de retour a l’equilibre pour un systeme

de taille mesoscopique λ ;

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(b) une echelle lente tmacro duree minimale pour voir un changement macroscopique dusysteme considere ;

(c) l’echelle intermediaire δt au dela de laquelle on considere l’evolution du systemeglobal.

Comme pour les longueurs, nous imposerons la condition :

τrel δt tmacro . (7)

Nous decoupons l’espace par la pensee en cellules de taille δr et considerons la par-tie du systeme contenue dans une telle cellule, notee ∆, comme un systeme statistiquecompletement ouvert. De meme, nous decomposons le temps en intervalles de taille δt ennegligeant l’evolution du systeme durant des temps plus courts. Soit I un de ces intervalleset designons par S∆,I la partie du sus-systeme associee. Les inegalites (6) et (7) definissantδr et δt nous permettent de supposer que dans ∆ et dans l’intervalle de temps I, le systemeest a l’equilibre thermodynamique. En effet, le nombre de particules contenues dans ∆ ouencore son volume sont alors suffisament grands pour que s’etablisse, dans ∆, un equilibrethermodynamique au bout du temps τrel. Dans ce cas, chacune des integrales premieresX1, · · · , XK de ce sous-systeme devient fluctuante puisque S∆,I est completement ouvert.

On notera Xα(q) la valeur de cette integrale premiere sur le micro-etat q ∈ Ω∆,I, sachantque Ω∆,I est ici l’espace des micro-etats du systeme S∆,I. On peut donc leur associer desmultiplicateurs de Lagrange que nous noterons F1, · · · , FK , dependant de la cellule ∆ etde l’intervalle de temps I, et que nous appellerons leurs quantite conjuguee, de sorte quel’etat de Gibbs local s’ecrive :

P∆,I(q) =1

Z(∆, I)e− 1

kB(PK

α=1 Fα(∆,I)Xα(q)), q ∈ Ω∆,I ,

ou la fonction de partition Z(∆, I) est donnee par :

Z(∆, I) =∑

q∈Ω∆,I

e− 1

kB(PK

α=1 Fα(∆,I)Xα(q)).

Pour etre sur de bien comprendre de quoi il s’agit, nous rappelons, dans le tableau 3.1ci-dessous, la liste des integrales premieres usuellement utilisees en thermodynamique.Nous poserons alors :

Xα(~r, t) = 〈Xα〉∆,I =∑

q∈Ω∆,I

Xα(q)P∆,I(q) ,

expression dans laquelle ~r designe le centre de la cellule ∆ et t le centre de l’intervalle detemps I. Cependant, les conditions (6) et (7) imposees sur δr et sur δt nous indiquentque les variables ~r et t peuvent etre traitees comme des variables continues a la limitedans laquelle ` ou τrel peuvent etre consideres comme negligeables. Dans ces conditions,les quantites conjuguees, elles-memes, deviennent des fonctions Fα(~r, t) susceptibles devarier lentement dans l’espace et dans le temps.

Validite de l’approximation d’equilibre local : Pour justifier cette notion d’equilibrelocal, donnons un critere physique permettant de verifier quand les conditions requises

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Nom de X Notation X Valeur moyenne Qte conj. F Nom de F

Energie E(q) U 1/T T = temperature

Impulsion pi(q) ~p = (px, py, pz) −~v/T ~v = vitesselocale i = x, y, z locale

vitesse

Moment Li(q) ~L = (Lx, Ly, Lz) −~ω/T ~ω = angulaireangulaire i = x, y, z locale

Volume V (q) V P/T P = pression

Nombre de potentiel

particules de Na(q) Na −µa/T µa = chimique del’espece a l’espece a

Aimantation Mi(q) ~M = (Mx,My,Mz) − ~B/T ~B = champi = x, y, z magnetique

Charge Q(q) Q −V/T V = potentielelectrique electrique

Tenseur de Σi,j(q) Σi,j Πi,j/T Π = tenseur desdeformation i, j ∈ x, y, z contraintes(dans les solides)

Tab. 1 – Liste des integrales premieres et de leurs quantites conjuguees.

plus haut sont satisfaites. Il faut que chaque Fα ne varie pas trop sur une distance del’ordre de `. Puisque la variation de Fα s’exprime au moyen de son gradient, le critere devalidite de l’approximation d’equilibre local s’ecrit :

| ~ ·~∇Fα

Fα| 1 ,

ou ~ est un vecteur quelconque de norme O(`). Pour connaıtre l’ordre de grandeur de`, un premier critere consiste a considerer le libre parcours moyen λ. En effet, tant queles particules individuelles ne rentrent pas en collision avec d’autre, elles ne peuvent pasechanger d’energie pour etablir l’equilibre thermodynamique. Par consequent, λ donnel’ordre de grandeur pertinent pour la distance microscopique. Ainsi :

Dans l’eau λ ≈ 2 − 4A (quelques distances inter-atomiques).

Dans l’air λ ≈ 1500A. En effet, la pression atmospherique normale (75cm de mercure)vaut P = 105N/m2. La loi des gaz parfaits donne la densite de particules ρ = P/kBT .

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Si T = 300K cela donne ρ ≈ 2, 5 · 1025 m−3. Le libre parcours moyen se calcule enecrivant que le volume d’un cylindre de longueur λ de rayon r egal a la portee desforces inter-moleculaires, contient une particule en moyenne. D’ou πr2λρ = 1. Sir ≈ 3A, cela donne λ ≈ 1500A.

Dans le vide interstellaire λ peut atteindre le kilometre.

Par ailleurs il convient aussi que les fluctuations locales autour de l’equilibre soientnegligeables. Dans le cas d’un gaz parfait, par exemple, la fluctuation δU = 〈(E−U)2〉1/2

de l’energie interne est donnee par :

δU2 =∂2 lnZ∂β2

= kBT2

(

∂U

∂T

)

N,V

= N (kBT )2 ,

de sorte que δU/U = N−1/2. Cette fluctuation est inferieure a 1% des que le nombre departicules est superieur a 104. A la temperature ordinaire et a la pression athmospheriquenormale, ceci se produit des que la taille de la cellule est de l’ordre de 0, 1µm = 1000A.C’est donc l’ordre de grandeur du libre parcours moyen. Ainsi la description precedenteconvient pour decrire des fluides ou des gaz dans des volumes de diametres aussi petitsque le micron.

De meme, il ne faut pas que Fα varie trop vite dans le temps de sorte que, par unraisonnement analogue, la condition suivante soit satisfaite :

| τrel ·1

∂Fα

∂t| 1 .

En pratique, les temps de retour a l’equilibre sont tres courts. Dans un fluide dans lequella vitesse des particules est v et le libre parcours moyen est λ le temps typique de colli-sion est donc τ = λ/v. Dans un gaz parfait a la temperature ordinaire et a la pressionatmospherique normale, τ = 10−10s. En effet, la vitesse moyenne des molecules de massem est donnee par mv2/2 ≈ 3/2kBT , ce qui fournit, dans le cas de l’oxygene moleculaire,une vitesse v de l’ordre de 400m/s a 300K et λ ≈ 1 − 1, 5 · 10−7m.

Densites locales : Dans les expressions precedentes, les observables Xα sont toujoursextensives. En particulier, elles croissent proportionnellement au volume |∆| ≈ δr3 dela cellule mesoscopique consideree. Il est donc naturel de considerer les densites localesassociees definies par :

ξα(~r, t) =Xα(~r, t)

|∆| , (8)

dans la limite ou δr est consideree comme nulle. Ainsi, la valeur de l’observable Xα Λ,dans un volume Λ quelconque, est donne par :

Xα Λ =

Λ

d3~r ξα(~r, t) .

De facon analogue, il existe une densite locale d’entropie, definie par :

s(~r, t) =kB

|∆|∑

q∈Ω∆

(−) ln P(q) P(q) = −a(~r, t)T

+

K∑

α=1

Fα(~r, t) ξα(~r, t) , (9)

ou a(~r, t) = −kBT lnZ/|∆| est la densite du potentiel thermodynamique associe a l’en-semble de Gibbs choisi ici, dans lequel toutes les integrales premieres fluctuent.

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UM2 Fevrier-Mars 2001 20

3.2 Courants et Flux :

Dans le contexte de l’approximation d’equilibre local, la variation des densites localesavec la position et le temps implique la possibilite de transferts d’une region a l’autre.Pour illustrer ce propos, considerons la situation simplifiee dans laquelle il peut y avoirechange uniquement entre deux cellules mesoscopiques ∆0 et ∆1 (cf. Fig. 2).Designons par Σ la surface de separation entre les deux cellules et considerons le transfertde l’observable intensive Xα depuis la cellule ∆1 vers la cellule ∆0. Pour cela, designonspar X

(i)α et F

(i)α , (i = 0, 1) les valeurs prises par les integrales premieres et leurs quan-

tites conjuguees dans chacune des cellules. Comme les deux cellules ne peuvent echangerqu’entre elles, la somme X

(0)α +X

(1)α est conservee. Si, au cours du temps δt, les variations

de Xα de chaque cote sont egales a δX(i)α , elles sont donc reliees par la condition :

∆ 1 ∆ 0

X(1)

α

(0)

αX

Σ

n n(0) (1)

Fig. 2 – Transfert de la quantite Xα entre deux cellules mesoscopiques

δX(0)α + δX (1)

α = 0 .

Si une telle variation est due a une modification infinitesimale de l’equilibre local des deuxcotes, a savoir une variation δF

(i)α des quantites conjuguees, l’entropie correspondante

totale varie de (cf. eq. (5)) :

δS =

K∑

α=1

F (0)α δX(0)

α + F (1)α δX(1)

α =

K∑

α=1

(F (1)α − F (0)

α ) δX (1)α . (10)

On peut interpreter ceci en disant que l’observable Xα traverse la surface de separationΣ. Soit alors ~n(i) la normale a Σ orientee vers l’exterieur de ∆(i), de sorte que dans lafigure 2 ci-dessus, ~n(1) soit orientee vers la droite tandis que ~n(0) = −~n(1) soit orientee versla gauche. Le courant associe a Xα est defini comme un vecteur ~jα tel que

δX(1)α = −~jα · ~n(1)|Σ|δt = ~jα · ~n(0)|Σ|δt = −δX (0)

α ,

ou |Σ| represente l’aire de la surface Σ a travers laquelle s’effectue le transfert. Le signe− ici est choisi pour que le courant mesure la diminution de Xα dans chaque cellule.Nous voyons aussi que ~jα ne depend que de ce qui est echange a la surface de separation

et non de ce qui se passe dans chaque cellule. Si les cellules ci-dessus sont de taille δr,l’aire de Σ est de l’ordre de δr2, que l’on peut, dans l’approximation d’equilibre local,

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considerer comme infinitesimales. Il est alors naturel d’introduire l’element de surfaceoriente d~Σ (i) = ~n(i)|Σ| vers l’exterieur de la cellule, ce qui conduit a δX

(i)α = −~jα ·d~Σ (i)δt.

Transport de Chaleur : Considerons tout d’abord le cas du transport de chaleur. Cetransport peut s’operer selon plusieurs mecanismes :

(i) par convection : c’est le deplacement d’un fluide qui transporte la chaleur emma-gasinee. C’est ainsi que fonctionne un radiateur thermique a eau.

(ii) par rayonnement : l’energie thermique se transforme en rayonnement (infra-rougele plus souvent) qui se propage et se retransforme en chaleur dans un materiau cibleadequat. C’est le principe de fonctionnement des radiateurs radiants.

(iii) par conduction : c’est par contact de deux materiaux que s’effectue l’echangede chaleur sans mouvement de matiere. La transmission de la chaleur est le resultat del’agitation thermique des atomes et molecules de chaque materiau qui se propage. C’estle cas du flux thermique a travers portes et fenetres, ou dans les reactions chimiques exo-ou endo-thermiques.

L’observable physique transportee est la quantite de chaleur qui represente la forme calo-rifique de l’energie. Soit dQ la quantite de chaleur (exprimee en Joules) passant au travers

un element de surface d~Σ situe pres du point ~r ∈ R3, a l’instant t, durant le temps dt. dQest donc la quantite de chaleur perdue par la cellule mesoscopique consideree. La densitede courant thermique ~jth(~r, t) est alors definie par :

dQ = ~jth · d~Σ dt

C’est une puissance par unite de surface. La densite de courant thermique s’exprime doncen W ·m−2.

Transport de matiere : Le transport de matiere se traite de facon similaire. La quantitede chaleur est ici remplacee par le nombre de particules. Ainsi soit dN la nombre departicules traversant un element de surface d~Σ localise en ~r ∈ R3, a l’instant t, pendant letemps dt, le flux de particules est defini par dN = dΦ ·dt tandis que la densite de courantde particules est donnee par :

dN = ~jmat · d~Σ dtL’unite de densite de courant de matiere est donc m−2 · s−1. Nous avons vu, au § 1.1,que si ~v(~r, t) est la vitesse locale instantanee des particules et si ρmat(~r) est leur densitevolumique, alors ~jmat(~r, t) = ρmat(~r, t)~v(~r, t).

Transport electrique : Dans ce cas, la charge electrique remplace la quantite de chaleur.Si dQel est la charge electrique traversant un element de surface d~Σ localise en ~r ∈ R3,a l’instant t, pendant le temps dt, la densite de courant electrique ~jel et l’intensite ducourant dI passant a travers l’element de surface d~Σ (flux de charge) sont definies par :

dQel = ~jel · d~Σ dt = dI dt ,

L’unite d’intensite de courant est l’Ampere A, donc celle de densite de courant electriqueest l’A ·m−2. De meme si ~v(~r, t) est la vitesse locale des charges electriques et si ρel(~r, t)est leur densite volumique, alors ~jel(~r, t) = ρel(~r, t)~v(~r, t).

Transport d’entropie : Nous avons vu au §2.6 (cf. eq. (5)) que la variation d’entropieinduite par un deplacement infinitesimal d’equilibre s’ecrit dS =

∑Kα=1 FαdXα. Cette

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formule suggere de definir un courant d’entropie par analogie avec les exemples precedentsen posant :

~jS(~r, t) =K∑

α=1

Fα(~r, t)~jα(~r, t) . (11)

Ainsi, dans un fluide monomoleculaire, neutre, incompressible et au repos, les seulesintegrales premieres sont l’energie et le nombre de particules de sorte que :

~jS =(~jth − µ~jmat)

T.

Si le fluide n’est plus au repos, il faut ajouter le courant d’impulsion et de momentcinetique. S’il n’est pas incompressible, il faut aussi ajouter le courant associe au tenseurdes deformations. Nous verrons plus loin comment faire ce calcul.

3.3 Equations de Continuite :

Le raisonnement effectue au paragraphe precedent pour etablir la notion de courant,peut etre elargi au cas ou les cellules sont remplacees par un volume Λ macroscopiquedont le bord ∂Λ = Σ est une surface que nous orienterons vers l’exterieur. Dans ce casnous pouvons definir le flux Φα de Xα a travers Σ comme quantite totale de Xα traversantΣ par unite de temps. Ainsi :

Φα(Σ) =

~r∈Σ

d~Σ(~r) ·~jα(~r, t) ,

Puisque Xα est conservee, ce flux n’est autre que l’oppose de la variation de Xα dans Λ,a savoir :

Φα(∂Λ) = −dXα(Λ)

dt= −

~r∈Λ

d3~r∂ξα(~r, t)

∂t.

ou ξα est la densite locale definie en (8). Rappelons que la divergence d’un champ devecteurs ~j est definie par :

div~j =∂jx∂x

+∂jy∂y

+∂jz∂z

,

ce qui conduit a la formule de Stokes :

~r∈∂Λ

d~Σ (~r) ·~j(~r, t) =

~r∈Λ

d3~r div~j ,

En appliquant la formule de Stokes au flux et en utilisant l’equation de conservation ci-dessus a un volume Λ infinitesimal quelconque, nous en deduisons l’equation de continuite :

∂ξα(~r, t)

∂t+ div~jα = 0 . ! equation de continuite (12)

Remarque 3.1 (Condition de validite) Cette equation n’est valide que pour les inte-grales premieres. Elle constitue, en effet, l’aspect local de la conservation de Xα.

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Reprenons la liste des exemples traites au § 3.2.

Transport de chaleur. Comme l’energie est conservee, l’equation de continuite s’ap-plique pour donner :

∂ρth(~r, t)

∂t+ div~jth = 0 .

ou ρth(~r, t) represente la densite locale d’energie thermique.

Transport de matiere. Dans ce cas nous tirons :

∂ρmat(~r, t)

∂t+ div~jmat = 0 .

Transport electrique. De meme nous aurons :

∂ρel(~r, t)

∂t+ div~jel = 0 .

Si nous souhaitons considerer ce qui se passe pour l’entropie, observable dont nous savonsqu’elle n’est pas en general conservee, en raison du 2emeprincipe de la Thermodynamique,le raisonnement doit etre etendu. La derivee temporelle totale s = ds/dt de la densited’entropie est alors definie comme la somme de la variation locale (en volume) et de lapartie de transfert vers l’exterieur, a savoir :

s =ds

dt=

∂s

∂t+ div~jS . (13)

Le premier terme du membre de droite se calcule a l’aide de l’equation (5) determinantla variation infinitesimale de l’entropie, ce qui conduit a l’identite entre densites :

∂s

∂t=

K∑

α=1

Fα∂ξα∂t

.

Par ailleurs, la definition (11) du courant d’entropie fournit alors :

div~jS =K∑

α=1

(

Fα div~jα + ~∇Fα ·~jα)

.

L’equation de continuite (12) permet alors d’eliminer plusieurs termes dans le membre dedroite de (13), pour aboutir a :

ds

dt=

K∑

α=1

~∇Fα ·~jα ≥ 0 , (14)

en raison du 2emeprincipe. Nous voyons apparaıtre, dans le terme de droite, le gradientdes quantites conjugues. Remarquons que celui-ci correspond a la version infinitesimale duraisonnement effectue au § 3.2 pour exprimer l’augmentation d’entropie lors de l’echanged’energie entre deux cellules (i.e. l’equation de bilan (10)).

Definition 3.1 Nous appellerons affinite associee a l’integrale premiere ξα le gradient~∇Fα de sa quantite conjuguee.

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Dans les trois types d’exemples, donnons les expressions explicites des affinites :

Transport de chaleur. Dans ce cas F = 1/T de sorte que l’affinite est ~∇(1/T ). Elle

s’exprime donc en terme du gradient thermique ~∇T .

Transport de matiere. Alors F = −µ/T de sorte l’affinite associee au courant de par-

ticules est −~∇(µ/T ).

Transport electrique. Ici F = −V/T de sorte que l’affinite correspondante est donnee

par −~∇(V/T ). Si le materiau electrique est isotherme, la temperature T y est cons-

tante, de sorte que cette affinite n’est autre que le rapport ~E/T du champ electriquelocal a la temperature.

Nous allons voir que les affinites jouent un role analogue a celui d’une force. Dansl’equation de bilan (10), nous constatons en effet que le gradient, ou plus exactement

la difference F(1)α − F

(0)α , se comporte en effet comme un terme de force vis-a-vis de la

production de courant. C’est l’idee qui va etre exploitee dans le paragraphe suivant.

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4 Phenomenologie et Reponse lineaire :

Au cours du 19emesiecle, plusieurs lois phenomenologiques decrivant le transport ontete etablie experimentalement. Dans l’ordre chronologique, il s’agit des lois de Fourier(chaleur), d’Ohm (electricite) et de Fick (matiere).

4.1 Loi de Fourier :

Reprenons la situation decrite dans la figure 2 dans le cas de transport de chaleur, Xα = Q.L’observation de Fourier5 fut de constater que le flux de chaleur a travers la surface deseparation etait proportionnel a la difference de temperature entre les deux cellules. Lesconditions de cette observation sont qu’il n’y ait ni variation de pression ni echange dematiere. Soit α la cœfficient de proportionalite, soit δr la distance, supposee petite, entreles deux cellules et Σ l’aire de la paroi, elle-meme petite, les separant. Alors la quantitede chaleur transportee par unite de temps s’ecrit, dans l’etat stationnaire :

δQ = ~jth · ~n(1)Σ = α (T1 − T0) = −α δr ~n(1) · ~∇T .Si nous posons λ = αδr/Σ, dans l’hypothese ou le milieu est isotrope, nous en tirons :

~jth = −λ ~∇TCet argument se generalise sans peine au cas anisotrope pour donner :

~jth = −λ · ~∇T , loi de Fourier (1807) (15)

ou λ = ((λi,j))i,j∈x,y,z est une matrice 3 × 3 ne dependant que du milieu considere,appelee tenseur de conductivite thermique. Si ce milieu est un materiau homogene, lescœfficients λi,j sont des constantes independantes de la position dans ce milieu. Si en outre,le milieu est isotrope, alors λi,j = λδi,j, a savoir, la matrice de conductivite thermique estscalaire.

Exemple 4.1 (i) Un fluide au repos admet une conductivite thermique scalaire.(ii) Les metaux, le verre sont des materiaux isotropes le plus souvent.(iii) Le bois, les materiaux a fibres enveloppees, les milieux poreux admettent en general

une matrice de conductivite non scalaire. Il existe alors un choix des trois axes de coor-donnee pour lequel cette matrice est diagonale et les trois elements diagonaux peuvent etredeux a deux distincts.

Le signe “−” dans l’equation (15) indique que le flux de chaleur est oriente de la regionde plus haute temperature vers celle de plus basse temperature.

5Joseph FOURIER (1768-1830), fut eleve de l’Ecole Normale de l’an III vers 1792, puis assistant al’Ecole Polytechnique. Il participe a l’expedition d’Egypte avec Napoleon, pays dont il devient le gou-verneur en 1799. De 1802 a la chute de Napoleon, il est prefet de l’Isere et vit a Grenoble. C’est durantcette periode qu’il publie ses travaux sur la chaleur en 1807. Apres deux annees difficiles, il est elu en1817 a l’Academie des Sciences et en devient le Secretaire perpetuel en 1822. C’est la meme annee qu’ilpublie son traite Theorie Analytique de la Chaleur. Il meurt en 1830 laissant une œuvre considerable enphysique, mathematique et aussi en statistique (gestion des assurances).

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Pour etablir l’equation de la chaleur, nous allons considerer le cas d’un milieu a pressionconstante. Puisque la formule prededente est valide en l’absence de transport de matiereet a pression constante, il est commode d’utiliser l’enthalpie libre, definie par :

H = U − TS + PV ⇒ dH = −SdT + V dP + µdN .

Dans la deuxieme equation, les variations sont des changements infinitesimaux de l’equi-libre. La pression etant constante par hypothese, la variation d’enthalpie libre specifiqueh (i.e. par unite de masse), au cours du temps est donc donnee par

∂h

∂t= cp

∂T

∂t,

ou cp n’est autre que la capacite calorifique a pression constante6 egale a −S/M (l’entropiepar unite de masse). Il s’avere que cp est une caracteristique du materiau en general. Siρ designe la masse volumique, alors ρcp ∂T/∂t est la variation de l’enthalpie par unite devolume et par unite de temps.

L’equation de conservation fournit donc l’equation :

ρ cp∂T

∂t= div~jth .

Dans le cas d’un milieu homogene et isotrope, la loi de Fourier conduit alors a :

∂T

∂t= a ∆T , a =

λ

ρcp, equation de la chaleur (1807). (16)

Dans cette expression, a s’appelle la diffusivite thermique du milieu. Par ailleurs ∆ designele laplacien :

∆ =∂2

∂x2+

∂2

∂y2+

∂2

∂z2.

L’exemple le plus concret d’application concerne la transmission de la chaleur a traversune paroi. Soit e son epaisseur et soient T1 et T0 les temperatures regnant de chaquecote de sorte que T1 > T0. Supposons que les axes soient choisis de sorte que Ox soitperpendiculaire a la surface de la paroi et supposons que dans les deux autres directions,la paroi soit consideree comme infinie. Alors, lorsque l’etat stationnaire est atteint (i.e.∂T/∂t = 0), la symetrie du probleme nous conduit a chercher une solution ne dependantque de x de sorte que dT/dx = 0. D’ou la solution :

T (x) = T1 −T1 − T0

ex .

La temperature decroıt donc lineairement en x. Il s’ensuit que le courant de chaleurtraversant la paroi est un vecteur parallele a Ox et son module est le flux φ = λ/e(T1−T0).Cette equation est l’analogue de la loi d’Ohm I = V/R, en identifiant le flux de chaleurau courant electrique et la difference de potentiel a la difference de temperature, de sorteque e/λ est analogue a une resistance thermique. Si, en particulier, on considere une paroiconstituee de plusieurs couches de conductivites λn et depaisseurs en, la loi d’addition desresistances en serie fournit

6C’est Fourier, en 1807, qui introduisit cette notion pour la premiere fois.

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resistance thermique totale =∑

n

en

λn

.

4.2 Loi d’Ohm :

La loi d’Ohm date de la periode entre 1820 et 1830. Elle concerne la relation entrel’intensite du courant I traversant un fil conducteur et la difference de potentiel, sou-vent notee d.d.p., V = V0 − V1 (cf. fig. 3 ci-dessous) aux bornes de ce fil. Elle s’exprimepar la relation :

V = R I ,

dans laquelle R s’appelle la resistance (electrique) du fil. L’experience montre que R nedepend en fait que de la nature du conducteur considere et de sa forme. Dans cetteexpression l’intensite de courant est le flux total de la charge electrique traversant unesection du fil. Par definition de la densite de courant elle vaut I = ~jel · ~n|Σ| si ~n est lanormale a la section du fil, tandis que |Σ| en est l’aire. Par ailleurs, si le fil conducteur estassez petit pour etre assimile a un cylindre de longueur courte `, la d.d.p. s’ecrit

V0 − V1 ≈ −~∇V · `~n .L’experience montre que la resistance d’un fil homogene est proportionnelle a la longueurdu fil et inversement proportionelle a l’aire de sa section. Il s’ensuit que la resistances’ecrit :

R =`

σ|Σ| ,

expression dans laquelle le cœfficient σ est une constante du materiau conducteur consti-tuant le fil appele conductivite (electrique). Dans ces conditions, la loi d’Ohm admet uneversion locale sous la forme :

~jel = −σ · ~∇V = σ · ~E , loi d’Ohm, (17)

ou ~E = −~∇V est le champ electrique. Si le conducteur est isotrope, σ est un scalaire. Maisil existe des cas pour lesquels les conducteur est anisotrope et donc σ devient une matrice

V V

V V

I

0 1

0 1

Fig. 3 – Courant electrique, densite de courant et loi d’Ohm.

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3×3 appelee tenseur de conductivite. En vertu de l’equation de continuite pour le courantelectrique (cf. equation (12)), nous en tirons :

∂ρel

∂t= div (σ · ~∇V) . (18)

Dans le cas isotrope, cette equation devient

∂ρel

∂t= σ ∆V .

4.3 Loi de Fick :

La loi de Fick est l’analogue de la loi de Fourier ou de la loi d’Ohm dans le cas du transportde matiere. Elle date de la moitie du 19emesiecle et constitue aujourd’hui la loi de basepour le genie chimique. Elle concerne la gestion des reactions chimiques en general etcelles qui sont produites a l’echelle industrielle en particulier. C’est donc un outil de basepour l’ingenieur des procedes chimiques industriels.

L’analogie avec les deux lois precedentes conduit a considerer la densite ρmat de l’especechimique considee et le flux de matiere ~jmat correspondant. L’integrale premiere Xα ap-paraissant ici (cf. fig. 2) est la concentration ρmat du produit. Si dans la cellule de gauchela concentration est plus elevee que dans la cellule de droite, le retour a l’equilibre va pro-duire un courant de matiere a travers la paroi qui sera approximativement proportionnela la difference de concentrations entre les deux faces de la paroi. Ainsi :

~jmat · ~n(1) |Σ| = A (ρ(1)mat − ρ

(0)mat) ,

ou A est une constante positive. Procedant comme au § 4.2, cette equation peut s’ecrirelocalement comme suit :

~jmat = −D~∇ρmat , loi de Fick, (19)

ou D = A`/|Σ| s’appelle la constante de diffusion. En appliquant l’equation de continuitepour le flux de matiere il vient :

∂ρmat

∂t−D∆ ρmat = 0 , equation de diffusion. (20)

Dans le cas ou plusieurs especes chimiques sont melangees dans un fluide en mouvement lasituation devient plus compliquee a deduire. Cependant dans la limite des faibles concen-trations, dans le cas ou l’evolution est isotherme et ou aucune reaction chimique ne faitdisparaıtre le produit considere, l’equation de diffusion ci-dessus devient pertinente.

C’est exactement la situation correspondant a la diffusion des molecules de pherormonesemises par les papillons femelles pour attirer les males. Si ρ0 est la concentration initialede pherormones emise par la femelle et si on la situe a l’origine des axes a l’instant initial,la distribution de concentration a cet instant est donne par

ρmat(~r, t = 0) = ρ0δ(~r) .

Comme l’air ambiant est homogene et isotrope, la solution de l’equation de diffusioncorrespondant a cette donnee initiale sera isotrope aussi. La resolution de ce probleme

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passe par la reecriture de l’equation (20) en transformee de Fourier spatiale, conduisanta la solution sous la forme7 :

ρmat(~r, t) = ρ0

( π

Dt

)3/2

e−~r2

4DT . (21)

Il s’ensuit, en particulier, que les lignes d’isoconcentrations en pherormones sont desspheres centrees a l’origine. De plus, cette densite de particules peut etre interpreteecomme une loi de probabilite, a savoir, la densite de probabilite de trouver une particuleen ~r a l’instant t. En particulier la valeur moyenne du carre de la distance de la particulea son point de depart est donnee par :

〈~r 2(t)〉 =

R3 d3~r ρmat(~r, t)~r

2(t)∫

R3 d3~r ρmat(~r, t)= 6Dt . (22)

Ainsi, par diffusion, les molecules se propagent mais prortionnellement a la racine carree√t du temps.

4.4 Reponse lineaire et coefficients d’Onsager :

Nous avons vu, au § 1.1, que la vitesse limite atteinte par la bille en chute libre dans unfluide visqueux est proportionnelle a la force appliquee. De facon similaire, les trois loisde Fourier, d’Ohm et de Fick, decrites dans les § 4.1, 4.2, 4.3, montrent que l’applicationd’un gradient de forces, ou d’affinite, au systeme, variant suffisamment lentement dans letemps et dans l’espace pour pouvoir appliquer le principe d’equilibre local, le met horsd’equilibre de sorte que le systeme va evoluer vers un etat stationnaire dans lequel lescourants associes seront des fonctions de ces forces :

~jαt↑∞= gα(~∇F1, · · · , ~∇FK) .

Definition 4.1 Les fonctions gα, sont appeles fonctions de reponses a l’application d’af-finites exterieures.

La presence de dissipation nous conduit a penser que les fonctions gα sont regulieres, desorte a pouvoir les differentier. Comme les courants s’annulent a l’equilibre thermodyna-mique, il s’ensuit que si les affinites sont suffisament petites, on peut se contenter d’undeveloppement de Taylor au premier ordre, ce qui conduit a la formule de reponse lineairepour les courants stationnaires :

~jα =

K∑

γ=1

Lα,γ~∇Fγ + O(|~∇F |2), .

Remarquons qu’en general, Lα,γ est une matrice 3 × 3 si le systemes considere n’est pasisotrope.

7Cette solution correspond a la situation tridimensionelle. Dans l’atmosphere terrestre, les moleculespeuvent se propager suffisamment loin pour que le probleme devienne effectivement bi-dimensionel. Dansce cas le prefacteur devient π/4DT au lieu de (π/4DT )3/2, ce qui ne change pas l’equation des surfacesd’isoconcentration.

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Definition 4.2 Les cœfficients Lα,γ , sont appeles cœfficients de transport ou d’ Onsager.On appelle theorie de la reponse lineaire, l’approximation consistant a supposer que lesfonctions de reponse sont lineaires.

Exemple 4.2 Considerons l’exemple du transport thermique accompagne de transport dematiere, dans un milieu isotrope. La quantie de chaleur n’est pas une integrale premiere,seule l’energie interne l’est. La relation thermodynamique a l’equilibre, a volume constant,fournit dU = dQ+µdN . De sorte que si ~jU est le courant d’energie, ~jU = ~jth + µ~jmat. Latheorie de la reponse lineaire predit :

~jU = LE,E~∇(

1

T

)

+ LE,N~∇(

−µ

T

)

,

(23)

~jmat = LN,E~∇(

1

T

)

+ LN,N~∇(

−µ

T

)

,

avec LE,N = LN,E. Ces equations se recrivent sous la forme :

~jth = −LQ,Q

T 2~∇T +

LQ,N

T~∇(−µ) ,

(24)

~jmat = −LN,Q

T 2~∇T +

LN,N

T~∇(−µ) ,

avec LQ,N = LN,Q. La conductivite thermique λ est definie par la loi de Fourier pour unmilieu isotrope, laquelle n’est valide qu’en l’absence de transport de matiere :

~jth = −λ ~∇T ~jmat = 0 .

Il s’ensuit que

λ =LQ,QLN,N − LQ,NLN,Q

T 2LN,N

.

La positivite de λ resulte de l’argument donne ci-dessous, consequence du deuxieme prin-cipe de la Thermodynamique. L’absence de correction d’ordre |~∇(1/T )|2 dans les resulatsexperimentaux montre que la reponse est effectivement lineaire avec un bon degre d’ap-proximation. Pour extraire cette loi, on procede comme dans le cas de la figure 2. 2

Il est alors possible de reecrire le taux de production d’entropie a l’aide des cœfficientsd’Onsager grace a l’equation 3.1.

dS

dt=

K∑

α=1

~∇Fα · Lα,γ · ~∇Fγ ≥ 0 ,

en raison du deuxieme principe de la thermodynamique. Ainsi, quelles que soient lesaffinites, le membre de droite doit etre positif fournissant une contrainte sur la matriceL = ((Lα,γ))α,γ∈1,···,K, dont les elements sont en general de blocs 3 × 3, a savoir :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 31

L + Lt ≥ 0 .

Rappelons qu’une matrice n×n reelle M est positive si elle est symetrique (i.e. M = M t,ou encore Mi,j = Mj,i) et si, pour tout vecteur x = (x1, ·, xn) l’element de matrice 〈x|Mx〉est positif. En particulier toute sous-matrice, obtenue en supprimant un certain nombre delignes et les colonnes correspondantes, est elle-meme positive. Une condition equivalenteest que tout mineur diagonal est positif. En particulier :

Lα,α ≥ 0 ∀α ∈ 1, · · · , Ket, si les matrices Lα,γ sont scalaires,

4Lα,αLγ,γ ≥ (Lα,γ + Lγ,α)2 .

En 1931, Onsager8 montra que les cœfficients de transport obeissent a une relation dite dereciprocite. Pour l’exprimer il convient d’introduire l’operation de renversement du tempsque nous noterons T . Cette operation est involutive a savoir T 2 = 1. Pour toute observableX il s’ensuit que le renversement du temps la transforme selon la regle suivante :

T (X) = εXX , ou εX = ±1

Grace a ces notations, le resultat de Onsager s’etablit comme suit :

Principe 4.1 (Relations de Reciprocite de Onsager.) Les cœfficients de transportssatisfont aux relations :

Lα,γ(φ) = εαεγLγ,α(T (φ)) , (25)

ou φ designe l’ensemble des parametres externes influant sur le probleme (champs magne-tiques, electriques, etc.), tandis que εα = εXα

.

Plus precisement une observable est scalaire si elle est invariante par les rotation d’espaceet par renversement du temps, tandis qu’elle est pseudo-scalaire si elle est invariantepar rotation mais change de signe par renversement du temps. De meme une observablevectorielle est invariante par renversement du temps, tandis qu’une observable pseudo-vectorielle change de signe par renversement du temps. Plus generalement le terme pseudosera ajoute pour des observables pour lesquelles εX = −1. En pratique, pour la plupart dessituations physiques rencontrees sur Terre, les exemples de ”pseudo” les plus importantssusceptibles de jouer le role de parametres externes sont les flux magnetiques, les champsmagnetiques presents ou les forces de Coriolis liees a la rotation de la Terre. Par ailleursdes integrales premieres comme l’impulsion ou le moment cinetique changent de signe parrenversement du temps. Ce que dit donc Onsager, c’est que par renversement du temps, lamatrice des cœfficients de transport L = ((Lα,γ))α,γ∈1,···,K se transforme en sa transposeeLt, a condition de changer aussi les signes de toutes les quantites pseudo.

8L. Onsager, Reciprocal relations in irreversible processes, I. Phys. Rev., 37, 405-426, (1931) ; II.Phys. Rev., 38, 2265-2279, (1931).

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4.5 Une application : effets thermoelectriques.

Loi de Joule : dans un conducteur electrique et thermique filiforme la relation thermo-dynamique d’equilibre dU = dQ + VdQe, dans laquelle Qe designe la charge electrique,conduit a l’expression du flux d’energie JU = Jth +VI, dans laquelle Jth represente le fluxde chaleur traversant le conducteur et I l’intensite du courant electrique. Si le conducteurest isole, le flux d’energie JU est conserve le long du fil, de sorte qu’entre deux points Aet B du conducteur la variation WAB du flux thermique s’ecrit :

WAB = JBth − JA

th = (VA − VB)I

La loi d’Ohm fournit alors la relation V = (VA − VB) = R I, dans laquelle R est laresistance du conducteur, conduisant a la loi de Joule :

W = RI2 , (loi de Joule). (26)

2

Si nous nous restreignons au transport thermique accompagne de transport electrique,dans un milieu isotrope, la theorie de la reponse lineaire predit, comme dans l’exemple 4.2, :

~jth = LQ,Q~∇(

1

T

)

+LQ,e

T~∇(−V) ,

(27)

~jel = Le,Q~∇(

1

T

)

+Le,e

T~∇(−V) ,

La loi de Fourier, valide en l’absence de courant, conduit a la relation :

λ =LQ,QLe,e − LQ,eLe,Q

T 2Le,e

.

Par ailleurs, la loi d’Ohm fournit ~jel = σ~E dans un conducteur de temperature uniforme,i.e. :

σ =Le,e

T.

Effet Seebeck : si le conducteur ne porte pas de courant mais subit un ecart de tempe-rature entre ses deux extremites, les equations (27) conduisent a l’apparition d’une d.d.p.aux bornes, proportionelles a l’ecart de temperature. C’est l’effet Seebeck. Le pouvoirthermoelectrique ε est defini comme la d.d.p. creee par degre de temperature :

ε = −δVδT

.

Il suit de (27) que :

ε =Le,Q

TLe,e.

Un thermocouple est constitue de deux fils conducteurs A et B (cf. figure 4) soudes en leursextremites. La temperature et le potentiel a l’extremite i sont notes Ti, Vi. Un voltmetre

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A

B BT T

T’T’

V V

V

VV

1 1

l r

2 2

Fig. 4 – Representation schematique d’un thermocouple exhibant l’effet Seebeck.

est insere dans la partie B a une temperature T ′. Il empeche le courant electrique depasser mais ne fait pas obstacle au courant thermique. Comme ~jel = 0 les equations (27)

conduisent dans chaque conducteur a la relation ~∇V = −ε~∇T . D’ou les relations succes-sives :

V1 − V2 =

∫ 2

1

εA dT ,

V1 − Vl =

∫ l

1

εB dT ,

Vr − V2 =

∫ 2

r

εB dT .

Apres elimination de v1 et de V2, la d.d.p. V mesuree par le voltmetre s’ecrit :

V =

∫ 2

1

(εA − εB) dT = (εA − εB)(T2 − T1) ,

si le pouvoir thermoelectrique est une constante des materiaux constituant les conduc-teurs A et B. Ainsi, la mesure de cette d.d.p. donne donc une mesure de la difference detemperatures entre les bornes du thermocouple.

Effet Peltier : dans le probleme precedent, la relation de reciprocite d’Onsager fournitLQ,e = Le,Q, ce qui reduit a trois le nombre de cœfficients. Il est commode de les remplacerpar les trois parametres λ, σ, ε dans chaque conducteur. Apres calculs on trouve :

~jth = −λ~∇T − εσT (ε~∇T + ~∇V) , et ~jel = −σ(ε~∇T + ~∇V) .

Ce qui conduit a la relation entre courants :

~jth = −λ~∇T + εT~jel . (28)

Dans une jonction isotherme entre deux conducteurs filiformes A et B, comme cellerepresentee dans la figure 5, traversee par un courant ~jel, le courant d’energie va su-bir une discontinuite au passage de la jonction, appelee chaleur Peltier. Designons parJA

U et JBU les flux d’energie traversant chaque conducteur et par I l’intensite electrique

(i.e. le flux de charge), orientes positivement de A vers B. La relation thermodynamiquedU = dQ + VdQe, dans laquelle Qe designe la charge electrique, conduit a l’expression

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I

A B(T)

J JU U

BA

Fig. 5 – Jonction thermoelectrique produisant l’effet Peltier

du flux d’energie JU = Jth +VI, dans laquelle Jth represente le flux de chaleur traversantle conducteur de A vers B. La conservation du courant electrique a travers la jonctionconduit a la relation suivante, valide sur la jonction :

JAU − JB

U = JAth − JB

th .

Comme la jonction est isotherme, la relation (28) fournit :

JAth − JB

th = (εA − εB)T I .

Notons que le flux de chaleur JAth−JB

th est positif si la jonction emet de la chaleur par unitede temps. Des lors, cette chaleur est perdue et c’est le bain thermique environnant, celuiqui maintient la jonction a temperature constante, qui gagne cette energie thermique.On peut inverser le processus en changeant simplement le sens du courant electrique. Lajonction peut donc fonctionner comme source de chaleur ou comme pompe a chaleur selonle sens du courant.

L’experimentateur peut aisement mesurer le cœfficient Peltier de la jonction, defini commela quantite de chaleur qui doit etre fournie a la jonction par unite de courant, a savoir :

πAB = T (εB − εA) .

Cette relation, due initialement a Thomson9 en 1854, est appelee la deuxieme relation deKelvin. Notons que l’effet Peltier est utilise de nos jours pour refroidir les composantselectroniques des ordinateurs : par effet Peltier, on absorbe une quantite de chaleur audetriment du composant dont la temperature doit alors decroıtre.

Effet Thomson : considerons a nouveau le courant d’energie ~jU = ~jth +V~jel. A partir del’a relation (28) il vient ~jU = −λ~∇T+(V+εT )~jel. Considerons un conducteur dans un etatstationnaire pour lequel les extremites sont maintenues a des temperatures differentes parcontact avec un bain thermique. Dans ce cas le courant electrique est conserve div~jel = 0,de sorte que :

div~jU = −div(λ~∇T ) + ~∇(εT + V) ·~jel .Nous avons vu que les relations d’Onsager imposent ~jel = −σ(ε~∇T + ~∇V). De plus, sinous admettons que le pouvoir thermoelectrique depend de la temperature localement,nous obtenons :

9William Thomson (1824-1907), fut anobli en 1892 sous le nom de baron Kelvin of Largs. Ne a Belfast,il etudie a Cambridge entre 1841 et 1845 et devient a 22 ans, professeur a l’Universite de Glasgow ou ilrestera en poste jusqu’en 1899. Ses contributions a la thermodynamique, avec la premiere interpretationdes effets thermoelectriques et les experiences avec Joule entre 1852 et 1862 fondee sur la definition destemperatures absolues, sont fondamentales.

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div~jU = −div(λ~∇T ) −~j2

el

σ+ T

dT~∇T ·~jel .

Par stationnarite, le premier terme, qui decrit la dependance de la temperature dansle conducteur, doit s’annuler. Le second terme represente l’energie Joule, le troisiemerepresente le terme Thomson. Il s’agit donc d’une contribution a la production de chaleurdue a la dependance du pouvoir thermoelectrique en temperature. Experimentalement, ilest facile de mesurer le cœfficient de Thomson

τThom = Tdε

dT,

fournissant une relation avec le pouvoir thermoelectrique. Cette relation, deduite parThomson en 1854, porte le nom de premiere relation de Kelvin.

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5 Modeles Cinetiques et Processus Stochastiques :

Nous aurons l’occasion de revenir sur l’approche macroscopique, notamment a l’occa-sion des equations de l’hydrodynamique. Dans le § 3, nous avons introduit deux principesimportants : l’approximation d’equilibre local, qui nous a permis d’utiliser les resultatsde la thermodynamique de l’equilibre, et la theorie de la reponse lineaire qui apparaıtplutot comme une hypothese phenomenologique elaboree sur la base des observationsexperimentales, a partir des lois de Fourier, d’Ohm et de Fick. Cet aspect empirique esttres inconfortable car il exige de mesurer les differents cœfficients de transport, sans qu’ilsoit possible de predire leurs valeurs ni leur comportement en temperature. Il convientdonc de faire un pas de plus vers l’origine microscopique de la dissipation pour comprendreplus en detail d’ou viennent ces parametres.

Des le milieu du 18emesiecle, l’idee que les gaz, les liquides et les solides etaientconstitues de particules tres petites, appelees molecules etait dans les esprits. C’est ainsique Bernoulli10 comprit sans peine que leurs chocs contre les parois d’un recipient etaienta l’origine de la pression exercee par les gaz. Il en deduisit immediatement la loi de Ma-riotte, (a savoir, a masse de gaz constante, le produit PV de la pression et du volumedu gaz, ne depend que de la temperature) premiere manifestation de la loi des gaz par-faits. Il proposa de prendre l’energie cinetique moyenne des molecules comme mesure destemperatures, selon la formule que nous ecrivons aujourd’hui sous la forme

〈~p 2〉2m

=3

2kBT ,

ou ~p est l’impusion de la molecule, m sa masse, T la temperature absolue du gaz etkB la constante de Boltzmann (laquelle ne depend que des unites). Il fit en effet, desmesures de temperature meteorologique en choisissant une echelle attribuant la valeur1 a la temperature de l’eau bouillante a la pression normale (i.e. 373K dans les unitesd’aujourd’hui) et ceci un demi-siecle avant les experiences de Charles et de Gay-Lussacsur les gaz parfaits. Il prevoit meme des ecarts a la loi des gaz parfaits si les moleculessont des petites billes incompressibles, et ceci pres d’un siecle avant les travaux de Vander Waals !Ce fut Clausius, dans les annees 1855-65, qui remis l’hypothese moleculaire a l’ordre dujour, sur la base des resultats experimentaux obtenus par Lesage, Herapath, Joule etRegnault, sur les proprietes thermodynamiques des gaz. La vitesse du son semblait bientrop elevee en comparaison de la lenteur de la diffusion des corps dans un gaz. Il comprit,en 1859, que les molecules ne se meuvent pas longtemps en ligne droite, mais subissentde nombreux chocs, de sorte qu’il fut amene a definir la notion de libre parcours moyenet de temps de collision entre deux chocs.Cependant on attribuait aux molecules la meme vitesse, tributaire de la temperature.Vers 1865, Maxwell11 comprit qu’il fallait leur attribuer des vitesses differentes, mais

10Voir la preface de Marcel Brillouin dans la traduction francaise du livre de Ludwig Boltzmann,Lecons sur la Theorie des Gaz, Partie I, Gauthiers Villars, Paris (1902), reeditee par J. Gabay Editeur,Paris (1987)

11James Clerk Maxwell, (1831-1879). Ne a Edimbourg, il publie son premier article en 1846 a l’agede 15 ans. Il entre l’annee suivante a l’Universite d’Edimbourg, puis a Cambridge en 1850. Il sera diplomea Trinity College en 1855. Professeur a Aberdeen entre 56 et 59, il se marie en 58. Il est alors nomme auKing’s College en 1860, mais s’eloigne de Londres pour vivre en Ecosse dans la maison paternelle entre1865 et 1871. Il est alors appele a Cambridge pour fonder ce qui sera le Cavendish Laboratory of Physics,

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statistiquement distribuees, et montra que la probabilite, pour une molecule, d’avoir uneimpulsion dans un volume d3~p autour du vecteur ~p, est de la forme f(~p)d3~p avec :

f(~p) =e−~p 2/2mkBT

(2πmkBT )3/2.

Par la meme occasion, il fondait la theorie des Probabilites et donnait une justificationa l’hypothese d’Avogadro-Ampere concernant le nombre de molecules par moles. Enfin,il comprend le premier la nature statistique du 2emeprincipe de la Thermodynamique,montrant qu’il ne serait pas fonde si les molecules etaient individuellement separees parun agent conscient, le celebre demon de Maxwell. En 1879, Maxwell12 en deduisit que dansles gaz tres rarefies, les ecarts de temperature produisent des forces de pressions qui sont al’origine de la rotation du radiometre de Crookes, alors que les approches plus classiques,ignorant l’hypothese moleculaires, avaient echoue a expliquer ce phenomene.Entre 1872 et 1895, Boltzmann13 conduisit ces idees beaucoup plus loin, prenant en comptede facon detaillee la nature des collisions, introduisant la notion de section efficace dediffusion, et montrant que la distribution conjoint f(~r, ~p) des positions et des vitessesdes molecules etait solution d’un equation connue aujourd’hui sous le nom d’equation deBoltzmann. Il montra alors que la fonction H, donnee par :

H =

R6

d3~r d3~p f(~r, ~p) ln f(~r, ~p) ,

ne pouvait que decroıtre au cours du temps, introduisant la notion d’irreversibilite.

Dans ce chapitre, nous allons decrire ces approches plus precisement. Dans un pre-mier temps, nous nous inspirerons d’un modele, du a Drude14, destine a comprendre lesproprietes de transport electrique dans les conducteurs. Il conduit a une interpretationmicroscopique de la loi d’Ohm et explique qualitativement et quantitativement la loi deWiedemann-Franz reliant la conductivite thermique a la conductivite electrique dans unmetal. Il revint a Lorentz15 d’en donner une version elaboree dans la lignee des travaux deBoltzmann, vers 1905. Cependant, alors que le modele cinetique est de portee universelle,

qui sera inaugure en 1874. Il instillera a ce laboratoire l’esprit qui en fit un des foyers les plus actifs enPhysique jusqu’a nos jours. Il meurt le 5 novembre 1879 a l’age de 48 ans, laissant derriere lui une œuvrede toute premiere importance en Electromagnetisme et en Thermodynamique.

12J. C. Maxwell, On stresses in rarefied gases, Phil. Trans., (1879).13Ludwig Boltzmann, 1844-1906, est ne a Vienne en Autriche. Il soutient sa these, sous la direction

de Josef Stefan, en 1866, a Vienne, a l’age de 22 ans. C’est lui qui introduisit les œuvres de Maxwell surl’electromagnetisme dans le monde germanique. En 1869, il obtient son premier poste de Professeur, enPhysique Mathematique, a l’Universite de Graz. Il sejourne a Berlin en 1870 et 1871 ou il travaille aupresde Helmoltz et de Kirchhoff. Il devient professeur de Mathematique a Vienne en 1873, puis retourne aGraz, en 1876, sur la chaire de Physique experimentale, ou il se marie. Il retourne a Vienne en 1894comme successeur de Stephan. Il ira enseigner a Leipzig en 1900-1902. Sujet a de frequentes depressions,accentuees par les polemiques dont son travail etait l’objet, et atteint d’angine de poitrine, il se suicidele 5 septembre 1906, a 62 ans, lors d’un sejour a Duino, pres de Trieste, alors que ses idees commencenta se trouver confirmees par les travaux de Planck et d’Einstein.

14Paul Drude (1863-1906), fut professeur a l’Universite Humboldt de Berlin. Il se suicida a l’age de43 ans.

15Hendrik Antoon Lorentz (1853-1928), ne a Arnheim en aux Pays-Bas, a ete nomme professeur al’Universite de Leyde en 1878, a l’age de 25 ans. Ses travaux sur l’electromagnetisme, a partir de sathese en 1875, dans laquelle il demontre les lois de Snell-Descartes a partir des equations de Maxwell,le conduisent a enoncer une theorie de l’electron qui lui permet de calculer l’indice de refraction descorps transparents. En 1896, suite a la decouverte de son collegue Zeeman, concernant le triplement des

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la theorie des electrons dans un metal necessitera toute la puissance de la MecaniqueQuantique pour rendre compte des ecarts nombreux aux consequences de la theorie deDrude.Dans un deuxieme paragraphe nous donnerons la description de Langevin16 du mouvementbrownien, du nom du botaniste Robert Brown17, qui en decouvrit l’existence en 1827. Puisnous etendrons le modele de Langevin a des systemes plus generaux pour en donner unedescription en terme des equations de Fokker-Planck. Enfin nous terminerons ce chapitrepar une description mathematiquement plus moderne du mouvement brownien.

5.1 Le modele de Drude :

Depuis les travaux de Faraday sur l’electrolyse en 1833, l’idee s’etait repandue que lesions composant les produits chimiques avaient une charge electrique multiple entier d’unecharge elementaire e. La determination de sa valeur necessita d’abord une mesure fiabledu nombre d’Avogadro N qui represente le nombre de molecules contenu dans chaqueatome-gramme de produit. C’est l’irlandais George J. Stoney qui, apres avoir participeau calcul de N , calcula la premiere valeur de e en 1874. C’est aussi lui qui proposa delui donner le nom d’electron en 1891, reprenant le nom grec de l’ambre jaune qui, parfrottement, produit de l’electricite statique. Mais deux evenements importants condui-sirent a l’idee que cette charge etait, en realite, portee par une particule responsable desphenomenes electriques. Tout d’abord, en 1896, le neerlandais P. Zeeman18, alors Profes-seur a l’Universite de Leyde, montra que du sodium, plonge dans un champ magnetique

raies spectrales du sodium en presence de champ magnetique, il en elabore la theorie, ce qui lui vaudrade partager le Prix Nobel en 1902 avec Zeeman. C’est en 1904 qu’il decouvre les transformations decoordonnees de l’espace-temps qui portent son nom et qui laissent invariantes les equations de Maxwell.Il passera le reste de sa vie a s’engager dans differentes activites au service de la communaute scientifiqueet de son pays

16Paul Langevin (1872-1946), physicien, philosophe, pedagogue francais, est ne a Montmartre,quelques mois apres l’ecrasement de la Commune de Paris, dans une famille d’artisans modestes maisinstruits. Etudiant a l’Ecole de Physique et Chimie Industrielle de Paris (E.S.P.C.I.), puis a la Sorbonneet a l’Ecole Normale Superieure, il est recu a l’Agregation en 1897. Apres le concours, Langevin estboursier pendant un an au prestigieux Cavendish Laboratory de Cambrigde. Paul Langevin travaille surles proprietes des ions gazeux, ce qui fait l’objet de sa these de doctorat, soutenue en 1902. En 1905 ilenseigne a l’E.S.P.C.I. En 1909, il est elu professeur au College de France. Humaniste, defenseur de laliberte et de la paix, il fonde, en 1932, l’Universite Ouvriere. Il co-preside, avec Paul Rivet, createur duMusee de l’Homme, et le philosophe Alain, le comite de Vigilance des Intellectuels Anti-fascistes en 1934.En 1945, Paul Langevin est nomme, par le General De Gaulle, president de la commission de reforme del’enseignement. Il meurt en 1946. Ses cendres seront transferees au Pantheon en 1948, en meme tempsque celles de Jean Perrin.

17Robert Brown (1773-1858) est ne en Ecosse, a Montrose, le 21 decembre 1773, d’un pere pas-teur episcopalien. Il fut eduque au Marischal College d’Aberdeen, puis etudia la medecine a l’Universited’Edimbourg. En 1795, il est nomme Enseigne et Aide-Chirurgien dans l’armee britannique et affecte enIrlande. Il est ensuite affecte a Londres en 1798 ou il rencontre un eminent botaniste, Sir Joseph Banks,qui le convainc de participer, comme botaniste, a une expedition en Australie. Il partira en 1801 pourrevenir en 1805 avec une vaste collection de vegetaux inconnus en Europe. De 1806 a 1822, Robert Brownsert comme Bibliothecaire, Secretaire et Gardien de la Societe Linne de Londres. Il parviendra a trouverun accord avec le British Museum pour qu’y soient transferes les specimens de la collection privee deBanks et qu’il en soit le ”curator”. En 1810, Robert Brown est elu Fellow de la Royal Society, puis, en1822, Fellow de la Societe Linne de Londres, societe qu’il presidera finalement entre 1849 et 1853. Il meurta Londres le 10 juin 1858. (Source : The Microscope, 40 (4) : 235-241, 1992)

18Pieter Zeeman, (1865-1943), fut professeur a Leyden. Ses travaux concernant l’effet qui porte sonnom lui valurent de partager le Prix Nobel en 1902 avec Lorentz.

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uniforme, voit ses raies spectrales s’elargir, voire se separer, d’une facon dependant de ladirection d’observation relativement a celle du champ magnetique. Aussitot, son collegue,le theoricien K. H. Lorentz, interpreta ce resultat en terme d’ions oscillants et pu deduirede son calcul et des resultats des mesures de Zeeman, la valeur du rapport e/m de lacharge de l’ion oscillant a sa masse. Celle-ci etait environ 2000 fois plus petite que cellemesuree pour l’hydrogene ionise ! Le deuxieme evenement se produisit en 1897 a l’Uni-versite de Cambridge, au sein du Cavendish Laboratory. L’utilisation des lampes a vide,appelees au 19emesiecle tubes de Crookes, avait conduit a la mise en evidence des rayonscathodiques. En 1895, Jean Perrin avait, a Paris, pu montrer que ceux-ci etaient porteursd’une charge electrique. Ce fut l’affirmation, par les allemands de l’ecole de Hertz, selonlaquelle ces rayons etaient des ondes, qui decida J. J. Thomson19, en desaccord avec cetteidee, de provoquer la deflexion de ces rayons par un champ magnetique, de sorte a mesurerle rapport e/m, dans l’hypothese ou, comme il le pensait, ces rayons etaient constitues departicules. De facon surprenante, il trouva une valeur de e/m proche de celle de Lorentz.De plus, la constance de ce rapport, identique pour differents materiaux utilises commecathode, montrait que les corpuscules en questions devaient etre un composant universelde la matiere. Differents travaux vinrent rapidement confirmer ce point de vue, de sorteque la theorie de l’electron prenait corps.

C’est dans ce contexte que Drude, dans des articles parus en 190020, imagina que le courantelectrique, dans les conducteurs, etait du au deplacement des electrons. Il imagina doncqu’il s’agissait de particules libres de masse m de charge e auxquel il appliqua la theoriecinetique des gaz elaboree par Boltzmann aux alentours de 1880. Cependant le rapporte/m dont il avait besoin pour reproduire les mesures de conductivite dans les solides, necoıncidait ni avec celui de Lorentz ni avec celui de Thomson. Nous savons aujourd’huipourquoi : la masse effective de l’electron dans un solide, ou la matiere est dense, n’estpas la meme que dans le vide. Elle peut meme varier entre 10−2 et 102 fois la masse me

de l’electron dans le vide, selon les materiaux consideres.

Pour decrire le modele, on imagine donc que les electrons sont libres mais subissent descollisions a des temps aleatoires sur des cibles aleatoirement disposees dans le solide. Noussupposons qu’a l’instant t, la probabilite qu’une collision se produise entre t et t+ dt estproportionnelle a dt et que ces evenement sont stochastiquement independants pour des tdistincts. Comme une probabilite est un nombre sans dimension, elle s’ecrit dt/τcoll, ou τcollest un temps que nous appellerons temps de collision. Ainsi, la probabilite pour qu’aucunecollision ne se produise entre t0 et t0 + t et qu’une se produise entre t0 + t et t0 + t + dt,est donnee par :

p(t)dt = limN→∞

(

1 − t

Nτcoll

)Ndt

τcoll= e−t/τcoll

dt

τcollloi de Poisson.

Il est facile de verifier que ceci constitue une loi de probabilite sur R+ puisque :

∫ ∞

t=0

dt

τcolle−t/τcoll = 1 .

19Joseph John Thomson, (1856-1940) fut le directeur du Cavendish Laboratory de 1895 a 1919. Il jouaun role de premier plan dans la decouverte de l’electron comme un constituant universel de la matiere.

20P. Drude, “Zur Elektronentheorie der Metalle”, Ann. Phys. 1, (1900), 566-613 ; Ann. Phys., 3,(1900), 369-402

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UM2 Fevrier-Mars 2001 40

particule test

p3

p1

p2

p4

cibles aleatoires’

Fig. 6 – Le modele de conduction electrique de Drude

Par consequent le temps moyen separant deux collisions vaut :

τ =

∫ ∞

t=0

dt

τcollt e−t/τcoll = τcoll .

Ainsi le temps de collision est egal au temps moyen separant deux collisions.

L’etape suivante consiste a se donner la dynamique. Entre deux collisions, la particuleevolue comme une particule classique de masse m, libre en l’absence de forces exterieures.Si une force ~F , que nous supposerons uniforme, est ajoutee, il faut en tenir compte dansl’equation du mouvement. Ainsi si les collisions se produisent aux instants · · · tn−1 <tn < tn+1 < · · · et si l’impulsion de la particule, immediatement apres le temps tn, estdesignee par ~pn, l’equation du mouvement pour tn < t < tn+1 s’ecrit :

d~p

dt= ~F

donnant la solution :

~p(tn + t) = ~pn + t ~F , 0 ≤ t < tn+1 − tn .

On remarquera ici que cette description est faite a l’echelle microscopique. Ainsi, si laparticule consideree est libre, entre deux collisions son impulsion est constante. Soit alors~pn cette impulsion entre les instants tn et tn+1. La particule parcourt ainsi la distancern = (tn+1 − tn)pn/m, si m est sa masse. Pour evaluer la moyenne de cette distance, asavoir le libre parcours moyen `, il suffit de faire l’hypothese d’equipartition de l’energieen imposant que le systeme soit a une temperature T telle que 〈~p 2/2m〉 = 3/2kBT , desorte que :

` = τcoll

3kBT

m.

L’echelle mesoscopique δr doit donc etre beaucoup plus grande que ` ici. De meme, letemps de collision est trop court pour que l’equilibre thermodynamique local s’etablisse,

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de sorte que τrel ≈ τcoll δt, si δt est l’echelle mesoscopique de temps. C’est parce quenous travaillons sur ces echelles que nous pouvons supposer la force ~F a peu pres constantedans un volume mesoscopique.

Que se passe-t-il lors de la collision suivante ? Nous allons faire tout d’abord une hypothesesimplificatrice :

Modele de Drude I : lors de la collision n+ 1, l’impulsion ~pn+1 immediatement apresla collision, admet le meme module que l’impulsion ~pn + (tn+1 − tn) ~F immediatementavant. Cependant sa direction ~un+1 est choisie au hasard uniformement sur la sphereS2 = ~u ∈ R3 ; ~u 2 = 1.

Calculons alors le courant de particules en presence d’une force exterieures ~F que noussupposerons constante dans un volume de taille mesoscopique. Comme il a ete etabli dansle § 3.2, le courant de matiere ~jmat est le produit de la densite ρmat de particules par lavitesse moyenne des particules dans un volume mesoscopique. Cette vitesse moyenne estdonnee par ~p/m, si ~p est l’impulsion moyenne entre deux collisions. Nous allons prouverle resultat suivant :

Proposition 5.1 En presence d’une force exterieure ~F uniforme et constante, la valeurmoyenne ~p de l’impulsion, calculee comme moyenne temporelle et comme moyenne surles collisions, vaut :

~p = τcoll ~F

2

L’idee simple, expliquant ce resultat, est la suivante : puisque la direction prise par l’im-pulsion, apres chaque collision, est aleatoire, seul le gain d’impulsion entre deux collisionssurvit en moyenne sur de nombreuses collisions. Or ce gain n’est autre que le produit dutemps de collision par la force exterieure appliquee.Si nous acceptons ce resultat, il s’ensuit immediatement que le courant de matiere satisfaita la relation :

~jmat =ρmat τcollm

~F .

En particulier, si les particules sont chargees, de charge e, et si la force est creee par unchamp electrique uniforme ~E , la force appliquee vaut e~E, tandis que le courant electriquevaut ~jel = e~jmat. Ainsi, nous retrouvons la loi d’Ohm :

~jel = σ ~E , avec σ =e2ρmatτcoll

m, formule de Drude. (29)

Preuve de la proposition 5.1 : Pour en etablir la preuve, nous allons tout d’abord utiliser le resultatsuivant, que nous ne demontrerons pas :

Lemme 5.1 Soit f une fonction bornee sur R+. Alors sa moyenne temporelle, definie par :

〈f〉 = limt↑∞

1

t

∫ t

0

dsf(s) ,

se calcule aussi par la formule :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 42

〈f〉 = limδ↓0

δ

∫ ∞

0

ds e−δs f(s) .

Une telle formule s’appelle un theoreme tauberien en l’honneur du mathematicien Tauber qui en etablitplusieurs de cette forme.

Par consequent la moyenne temporelle de l’impulsion ~p(t) vaut

〈~p〉 = limδ↓0

δ

∫ ∞

0

ds e−δs ~p(s) = limδ↓0

δ

∞∑

n=0

∫ tn+1

tn

ds e−δs(

~pn + (s − tn)~F)

.

Nous supposerons ici que t0 = 0 et nous poserons τn = tn − tn−1 pour n ≥ 1. Dans ces conditions, onpeut changer de variable en remplacant s par τ1 + · · · + τn + s pour obtenir :

〈~p〉 = limδ↓0

δ∞∑

n=0

e−δ(τ1+···+τn)

∫ τn+1

0

ds e−δs(

~pn + s ~F)

. (30)

Avant de poursuivre ce calcul, il convient de calculer ~pn. Le modele nous indique que l’on peut trouverune rotation Rn ∈ SO(3) telle que ~pn = Rn~p(tn − 0). De plus, les equations du mouvement conduisent a

~p(tn − 0) = ~pn−1 + τn~F . D’ou la relation de recurrence

~pn = Rn

(

τn~F + ~pn−1

)

.

En iterant cette relation, il vient :

~pn = τnRn · ~F + τn−1RnRn−1 · ~F + · · · + τ1RnRn−1 · · ·R1~F + RnRn−1 · · ·R1~p0 .

L’hypothese faite sur le modele nous indique qu’a chaque collision, la nouvelle direction de l’impulsion estaleatoire et uniformement distribuee sur la sphere. De plus les differentes collisions sont supposees etrestochastiquement independantes. Ceci signifie que, si ~r est un vecteur de R3, la direction du vecteur Rn ·~rest aleatoire de sorte que la moyenne sur les directions possibles de Rn · ~r n’est autre que le vecteur nul.Ainsi, la moyenne sur les angles de collision du vecteur ~pn est nulle. Il s’ensuit qu’apres avoir moyennesur les angles de collisions, l’equation (30) devient :

〈~p〉angles = limδ↓0

Iδ~F ,

avec :

Iδ = δ

∞∑

n=0

e−δ(τ1+···+τn)

∫ τn+1

0

ds s e−δs = δ

∞∑

n=0

e−δ(τ1+···+τn)

(

1 − e−δτn+1 − δτn+1e−δτn+1

δ2

)

.

Les differents temps de collisions τk sont des variables aleatoires independantes distribuees selon la loi dePoisson. Ainsi :

〈e−δτk〉 =

∫ ∞

0

ds

τcoll

e−s(1/τcoll+δ) =1

1 + δτcoll

. (31)

De meme, il vient :

〈δτk e−δτk〉 =

∫ ∞

0

ds

τcoll

δs e−s(1/τcoll+δ) =δτcoll

(1 + δτcoll)2. (32)

Ainsi en moyennant Iδ sur les temps de collisions il vient :

〈Iδ〉coll = δ

∞∑

n=0

1

(1 + δτcoll)n

1

δ2

(

1 − 1

(1 + δτcoll)− δτcoll

(1 + δτcoll)2

)

.

La somme de la serie geometrique se calcule au moyen de 1+x+ · · ·+xn + · · · = 1/(1−x). Apres calculs,il vient :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 43

〈Iδ〉coll =τcoll

(1 + δτcoll),

expression qui tend vers τcoll si δ ↓ 0. Ceci acheve la preuve de la Proposition 5.1. 2

Le modele de Drude I permet donc de comprendre la nature microscopique de la theoriede la reponse lineaire. Cependant il comporte un inconvenient que le calcul suivant meten lumiere. En effet calculons l’evolution de l’energie cinetique de la particule. Commeseule l’orientation de l’impulsion change a chaque collision, ~p(tn+1 + 0)2 = ~p(tn−1 + 0)2. Ils’ensuit que :

~p 2n+1 = (~pn + τn ~F )2 = ~p 2

n + 2τn~pn · ~F + τ 2n~F 2 .

L’energie cinetique de la particule, moyennee sur les angles de collision, s’ecrit E(t) =

〈~p 2(t)/2m〉angles. L’equation precedente montre que le terme du milieu ~pn · ~F s’annuleapres avoir moyenne sur les angles. Ainsi, si En = E(tn) :

En+1 = En +τ 2n+1

2m~F 2 .

En iterant cette relation, il s’ensuit que En est stochastiquement independante de τn+1 desorte que la moyenne sur les collisions s’ecrit

〈En+1〉coll = 〈En〉coll +τ 2coll

m~F 2 ,

car 〈τ 2n+1〉 =

∫∞0ds/τcoll s

2e−s/τcoll = 2τ 2coll

. Si t τcoll, et si N = t/τcoll, l’energie cinetiquemoyenne au temps t vaut donc :

E(t) ≈ 〈EN〉coll = Nτ 2coll

m~F 2 = t

τcollm

~F 2 .

Ainsi, l’energie cinetique moyenne de la particule croıt au cours du temps comme t ! Celasignifie que le systeme forme par ces particule chauffe et que sa temperature, definiepar 3/2kBT = E, croıt aussi lineairement avec le temps ! Ce phenomene est attendupuisque dans le cas d’un courant electrique, une resistance soumise a un courant se meta chauffer : c’est l’effet Joule. Cependant, ce sont, ici, les particules qui chauffent, pas lemilieu environnant constitue par les cibles, puisque l’energie cinetique des particules estconservee a chaque collision. Il y a donc, ici, une situation paradoxale, liee a l’absence demecanisme permettant aux particules de ceder leur energie au milieu. C’est ce qui conduitau second modele ci-dessous :

Modele de Drude II : lors de la collision n+1, l’impulsion ~pn+1 immediatement apresla collision, perd la memoire de son passe. Elle prend alors une valeur aleatoire choisieselon la loi de Maxwell-Boltzmann a la temperature T .

Expliquons pourquoi ce choix est naturel. En effet, lors d’une collision, la particule testva communiquer une partie de son energie a la cible, laquelle est censee etre un elementtypique du bain thermique environnant. Ainsi l’energie cinetique recuperee par la particuletest apres collision doit-elle refleter l’etat d’energie moyen du bain thermique. Cette visiondes choses est approximative, en ce sens qu’elle n’est pas valide instantanement, maisseulement sur des temps suffisamment longs. Il faut en effet distinguer une autre echellede temps plus courte que τcoll et qui represente le temps de vol effectif moyen entre deuxcollisions reelles. Mais contentons-nous, pour l’instant, de cette version des choses.

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Rappelons que la loi de Maxwell-Boltzmann precise que la probabilite dP(~p) que la par-ticule acquiert une impulsion contenue dans un volume d3~p autour de ~p est donnee par :

dP(~p) =e−~p 2/2mkBT

(2πmkBT )3/2d3~p , loi de Maxwell-Boltzmann. (33)

Nous allons prouver le resultat suivant :

Proposition 5.2 En presence d’une force exterieure ~F uniforme et constante et dans lecadre du modele de Drude II :(i) la valeur moyenne ~p de l’impulsion, calculee comme moyenne temporelle et commemoyenne sur les collisions, vaut :

~p = τcoll ~F

(ii) De plus l’energie cinetique moyenne de chaque particule, calculee comme moyennetemporelle et comme moyenne sur les collisions, vaut :

Epart =3

2kBT + τ 2

coll

~F 2

m.

2

Commentons ce resultat. La premiere partie nous indique que la theorie de la reponselineaire est toujours valide. La seconde montre que la particule gagne en moyenne uneenergie thermique, donnee par 3/2kBT , ainsi qu’une energie due au forces exterieures ap-pliquees, mais cependant cette energie ne croıt plus au cours du temps. Le bain thermiquejoue donc son role regulateur pour forcer le retour a l’equilibre local.

Preuve de la proposition 5.2 : Pour en etablir la preuve de (i), nous procedons comme dans la preuvede la proposition 5.1 precedente. L’equation (30) reste valide. Comme la moyenne de ~pn a chaque collisionreste nulle, puisque la loi de Maxwell-Boltzmann est isotrope, le reste de la preuve pour la moyenne del’impulsion reste la meme, ce qui prouve (i).

Pour prouver (ii), nous procedons de meme. Mais l’equation (30) est remplacee par :

〈E〉 = limδ↓0

δ

∞∑

n=0

e−δ(τ1+···+τn)

∫ τn+1

0

ds e−δs

(

~pn + s ~F)2

2m. (34)

Comme (~pn + s ~F )2 = ~p 2n + s2 ~F 2 +2s~pn · ~F , la moyenne de ~pn a chaque collision etant nulle et 〈~p 2

n/2m〉 =3/2kBT , il s’ensuit que, la moyenne sur la loi de Maxwell-Boltzmann de l’energie vaut :

〈E〉MB = limδ↓0

δ

∞∑

n=0

e−δ(τ1+···+τn)

∫ τn+1

0

ds e−δs

(

3

2kBT + s2

~F 2

2m

)

.

Les deux integrales sur s fournissent alors :

∫ τn+1

0

ds e−δs =1

δ

(

1 − e−δτn+1)

,

∫ τn+1

0

ds s2 e−δs =2

δ3

(

1 − e−δτn+1(1 + δτn+1 +(δτn+1)

2

2)

)

.

Il convient alors de moyenner sur les temps de collisions τk . En sus des formules (31) et (32) il fautajouter :

〈 (δτk)2

2e−δτk〉 =

∫ ∞

0

ds

τcoll

(δs)2

2e−s(1/τcoll+δ) =

(δτcoll)2

(1 + δτcoll)3. (35)

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UM2 Fevrier-Mars 2001 45

Rassemblant tous les termes, il vient :

〈E〉coll = limδ↓0

δ∞

X

n=0

1

(1 + δτcoll)n

"

3

2kBT

1

δ

1 − 1

1 + δτcoll

«

+~F 2

2m

2

δ3

1 − 1

1 + δτcoll− δτcoll

(1 + δτcoll)2− (δτcoll)

2

(1 + δτcoll)3

«

#

.

D’ou :

〈E〉coll = limδ↓0

δτcoll

∞∑

n=0

1

(1 + δτcoll)n+1

[

3

2kBT +

~F 2

m

τ2coll

(1 + δτcoll)2

]

.

Resommant la serie geometrique, (ii) est prouve :

〈E〉coll = limδ↓0

(

3

2kBT +

~F 2

m

τ2coll

(1 + δτcoll)2

)

=3

2kBT + τ2

coll

~F 2

m.

2

Cependant, reste a savoir comment l’energie fournie en permanence a la particule, puis-qu’une force exterieure lui est appliquee, se dissipe a travers le systeme. On remarque,en effet, qu’a chaque collision, la particule cede une partie de son energie cinetique aumilieu environnant donnee par la difference d’energie cinetique ∆En+1 avant et apres lacollision :

∆En+1 = −~p(tn+1 + 0) 2 − ~p(tn+1 − 0) 2

2m= − 1

2m

(

~p 2n+1 − (~pn + τn+1

~F )2))

.

Le signe positif ainsi obtenu confirme que la particule perd de l’energie en moyenne et quel’environnement gagne cette energie. La moyenne de cette energie vaut donc, compte tenuque 〈~p 2

n+1〉coll = 〈~p 2n〉coll, que 〈~pn〉coll = 0 et que 〈τ 2

n+1〉coll = 2τcoll :

〈∆En+1〉coll =τ 2coll

m~F 2 .

Durant un temps mesoscopique t, grand devant τcoll, la particule subit en moyenne M =t/τcoll collisions, de sorte que l’energie cedee par cette particule a son environnement est

egale a ∆E(t) = Mτ 2coll/m~F 2 = tτcoll/m~F 2. Si ρmat est le nombre de particules par unite

de volume, l’energie W gagnee par le milieu par unite de volume et de temps est donc :

W =ρmatτcollm

~F 2 .

Dans le cas de particules chargees, de charge e, cette expression n’est autre que la loi deJoule :

W =e2ρmatτcoll

m~E 2 = σ~E 2 = ~jel · ~E , loi de Joule. (36)

Remarque 5.1 Il faut noter ici que W est l’energie par unite de temps cedee au milieupar les particules situees dans un volume unite. Donc il s’agit de la puissance dissipee parunite de volume en raison des collisions entre les particules et leurs cibles.

2

Dans ses articles de 1900, P. Drude calcule aussi le courant thermique de sorte a obtenirune expression pour la conductivite thermique. Il remarque que les meilleurs conducteurs

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de l’electricite sont precisement les meilleurs conducteurs thermiques, de sorte que cesont les electrons qui sont probablement les responsables du transport thermique dansles conducteurs. Considerons donc un petit tube cylindrique de section infinitesimalemesoscopique d~Σ et d’axe parallele a la direction de la force ~F . Supposons en outre quela temperature varie lentement dans l’espace. Les electrons arrivant sur une section Σ dece cylindre, situee en ~r, depuis la region de haute temperature sont ceux ayant subi leurderniere collision au point ~r − τcoll~p/m en moyenne. Leur energie est donc donnee par laproposition 5.2(ii), a savoir 3/2kBT (~r− τcoll~p/m). De meme ceux qui viennent de la regionde basse temperature sont ceux ayant subi leur derniere collision au point ~r + τcoll~p/men moyenne, et qui portent donc une energie 3/2kBT (~r + τcoll~p/m). Pour calculer le fluxd’energie il convient de savoir combien d’electrons passent par unite de temps a traversd~Σ . Au total ce nombre est le produit de la densite par le volume d’un cylindre de sectiond~Σ et de longueur ~p/m. Si nous supposons que la section Σ est situee exactement aumilieu de ce cylindre, la moitie des electrons viennent de chacune des deux regions. Ainsi,le flux d’energie s’ecrit :

~jU · d~Σ =1

2ρmat

~p

m· d~Σ

(

3

2kBT (~r − τcoll~p/m) − 3

2kBT (~r + τcoll~p/m)

)

,

Si nous supposons que la temperature varie lentement dans l’espace, la difference detemperatures peut-etre calculee au moyen du gradient T (~r + δ~r) − T (~r) ' ~∇T (~r) · δ~r.Ainsi, apres simplification, il vient :

~jU = −3τcollρmat

2m2kB ~p (~p · ~∇T ) .

Nous obtenons donc bien une loi lineaire, mais avec une matrice de conductivite thermiqueproportionnelle a :

~p⊗ ~p =

p2x pxpy pxpz

pypx p2y pypz

pzpx pzpy p2z

, (37)

dont la valeur moyenne sur les collisions est une matrice diagonale egale a 〈p2x〉coll =

〈p2y〉coll = 〈p2

z〉coll = mkBT . La conductivite thermique est donc donnee par :

λ =3τcollρmat

2mk2

BT . (38)

La conductivite thermique est donc, comme la conductivite electrique, proportionnelleau temps de collision τcoll. Or ce temps n’est pas une quantite directement accessible auxexperiences, si ce n’est, precisement, au travers de σ et de λ. Il n’est donc pas possible deconsiderer les formules donnant σ et λ comme predictive. Par contre ces formules predisentque leur rapport est universel :

λ

σ=

3

2

(

kB

e

)2

T . loi de Wiedemann-Franz (39)

Le membre de droite est proportionnel a la temperature, mais le plus etonnant est quele cœfficient de proportionnalite est une constante universelle, qui ne depend pas dumateriau utilise ! Ce resultat avait ete observe par Wiedemann et Franz par la mesure deλ et de σ pour plusieurs materiaux, en 1853. Drude en donnait donc ainsi une explication

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Fig. 7 – Aspects du mouvement brownien

theorique. En realite, ce resultat est fortuit, car les electrons ne sont pas des particulesclassiques, puisqu’elles obeissent a la statistique de Fermi-Dirac, de sorte que le raison-nement precedent est faux s’il est applique aux electrons dans un metal. Cependant, en1900, personne n’etait en mesure de savoir cela, puisqu’il faudra la Mecanique Quantique,apres 1926, pour elucider la question. Mais l’article de Drude eut un impact considerablecar il donnait du corps a la theorie de l’electron.

5.2 Le Modele de Langevin du mouvement brownien :

Le mouvement brownien fut decouvert en 1827 par un botaniste britannique, R.Brown21, en observant des particules de pollen au microscope. En effet, l’observationrequiert de deposer ces particules sur une goutte d’eau confinee entre deux lames deverre placees sous l’objectif du microscope. Brown constata que les particules de pollenremuaient de facon erratique (cf. Fig 7), observation bien connue par les utilisateurs demicroscopes de l’epoque. Cependant, en l’occurence, il s’agissait de savoir si ce mouve-ment etait du au caractere vivant des particules de pollen. Le genie de Brown fut demettre en doute cette hypothese et, pour s’en convaincre, examina des molecules de pol-len qui avaient ete conservees durant 11 mois dans une solution alcoolisee. Il constataque le meme mouvement se deroulait, alors qu’il n’y avait aucun doute que ce pollenetait mort. Pour confirmer cette observation, il remplaca meme le pollen par differentespoudres minerales et constata que le meme type de mouvement agitait ces particules. Ilput donc conclure, dans les articles qui rendaient compte de ses observations, a l’originephysique du phenomene.

Il fallut attendre cependant le debut du 20emesiecle pour en elaborer la theorie. Ce fut lesujet d’un article de A. Einstein22, parut en 1905 que de donner une description physiquede ce phenomene. Notons cependant que Einstein ne connaissait probablement pas lestravaux de Brown. Mais il etait motive par l’interpretation moleculaire des proprietesthermodynamiques des fluides. En 1907 parut un article signe de Langevin, qui donnaitune description du mouvement brownien a l’aide d’une approche tres semblable a celle deDrude pour les electrons dans les metaux.L’idee de base est que la particule de pollen a une taille de l’ordre de 1µm et que cette

21Robert Brown , Philos. Mag., 4, (1828), 161 ; 6, (1829), 161,22Albert Einstein, Ann. Phys., 17, (1905), 549 ; 19, (1906), 371

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UM2 Fevrier-Mars 2001 48

Fig. 8 – Particule de pollen soumise a l’agitation thermique des molecules d’eau

particule se deplace au sein d’une goutte d’eau (cf Fig. 8). Par comparaison, la taille d’unemolecule d’eau, de l’ordre de 1A, est environ 10.000 fois plus petite ! De plus l’eau est unmilieu tres dense et qui exerce sur tout corpuscule assez gros une force de friction

~Ffric = −γ~p ,si ~p est l’impulsion du corps considere et γ est un cœfficient phenomenologique. Il serautile d’introduire la notion de mobilite. Pour une particule soumise a une force de frictionainsi qu’a une force exterieure constante ~F0, le mouvement est decrit par l’equation

d~p

dt= −γ~p + ~F0 , ⇒ ~p(t) = e−γt ~p(0) +

1 − e−γt

γ~F0

t↑∞−→~F0

γ,

et converge donc vers une a vitesse constante donnee par la relation

~v = µ~F0, avec µ =1

mγ.

µ s’appelle la mobilite de la particule.

L’idee de Langevin fut de representer l’agitation thermique des molecules d’eau au moyend’une force aleatoire ~F (t) dependant du temps. Pour cela, on suppose que, puisque cetteforce represente une fluctuation, sa valeur moyenne est nulle. Par ailleurs, on supposeaussi que le mouvement des molecules d’eau est si rapide que le temps de correlation estnegligeable de sorte que nous sommes amenes a postuler :

〈~F (t)〉 = 0 , 〈Fi(t)Fj(t′)〉 = fδi,j δ(t− t′) , (40)

expression dans laquelle f est un cœfficient a determiner, qui a les dimensions du carred’une force divisee par un temps. Un tel processus stochastique est appele un bruit blanc.Cette terminologie est choisie parce que toutes les frequences temporelles sont identique-ment representees dans ce signal. Pour determiner la valeur de f , nous allons calculerl’energie cinetique moyenne de la particule de pollen. L’equation du mouvement de Lan-gevin s’ecrit donc :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 49

d~p

dt(t) = −γ~p(t) + ~F (t) . (41)

Pour calculer la solution de cette equation nous resolvons tout d’abord l’equation sanssecond membre (i.e. avec ~F (t) = 0). Ce qui donne :

~p(t) = e−γt ~p(0) .

L’equation avec second membre se resoud au moyen de la methode de variation desconstantes, qui consiste a representer ~p(t) sous sa forme sans second membre, mais avecla constante d’integration ~p(0) remplacee par une fonction inconnue, ce qui conduit a~p(t) = e−γt~q(t), ou ~q est la fonction a determiner. Reportant dans l’equation (41), ilvient :

dq

dt(t) = eγt ~F (t) , =⇒ ~q(t) = ~q(0) +

∫ t

0

ds eγs ~F (s) .

Puisque ~p(0) = ~q(0), ceci conduit a :

~p(t) = e−γt~p(0) +

∫ t

0

ds e−γ(t−s) ~F (s) . (42)

Des que t est beaucoup plus large que τ = 1/γ, le premier terme a droite devientnegligeable. Le calcul de l’energie cinetique consiste a calculer la moyenne de ~p 2/2m,m etant la masse de la particule de pollen, ce qui donne :

〈 ~p2

2m〉 t↑∞−→ 1

2m

∫ t

0

ds

∫ t

0

ds′ e−γ(2t−s−s′) 〈~F (s)~F (s′)〉 .

La definition de ~F fournit 〈~F (s)~F (s′)〉 =∑

i=x,y,z〈Fi(s)Fi(s′)〉 = 3fδ(s − s′) (voir (40)),

ce qui conduit a :

〈 ~p2

2m〉 t↑∞−→ 3f

2m

∫ t

0

dse−2γ(t−s) =3f

2m

1 − e−2γt

t↑∞−→ 3µf

4.

Si la particule de pollen est en equilibre thermodynamique avec l’eau environnante et sila temperature ambiante est T , alors :

3µf

4= 〈 ~p

2

2m〉 =

3

2kBT , =⇒ f =

2kBT

µ. (43)

Il est maintenant possible de calculer la position de la particule a chaque instant enintegrant l’equation (42) sur le temps :

~r (t) =

∫ t

0

ds~p (s)

m= ~r (0) +

∫ t

0

ds e−γs~p (0)

m+

∫ t

0

ds1

∫ s1

0

ds2 e−γ(s1−s2)

~F (s2)

m.

Le second terme du membre de droite se calcule avec∫ t

0ds e−γs/m = µ(1 − e−γt). Le

troisieme terme se calcule en echangeant les deux integrations :

∫ t

0ds1

∫ s1

0ds2 e

−γ(s1−s2) ~F (s2)/m =∫ t

0ds2

~F (s2)∫ t

s2ds1 e

−γ(s1−s2)/m

= µ∫ t

0ds(

1 − e−γ(t−s))

~F (s) .

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UM2 Fevrier-Mars 2001 50

Dans la derniere egalite, s2 a ete change en s. Procedant comme pour le calcul de l’energiecinetique, la moyenne du carre de la distance parcourue par la particule de pollen pendantla duree t peut se calculer, conduisant a :

〈(ri(t) − ri(0))(rj(t) − rj(0))〉 = µ2(

1 − e−γ(t1−t0))2pi(0)pj(0) + . . .

. . . 2µkBT δi,j

∫ t

0

ds(

1 − e−γ(t−s))2, (44)

de sorte qu’a la limite t→ ∞, en considerant i = j et en sommant sur i = x, y, z :

〈(~r (t) − ~r (0))2〉 t↑∞= 6µkBT t +O(1)

Ce resultat est a rapprocher de celui obtenu dans l’equation de diffusion obtenue a partirde la loi de Fick (cf. equation (22) au paragraphe 4.3), dans laquelle le carre de la distanceparcourue etait, en moyenne, donne par 6Dt ou D etait le cœfficient de diffusion. Or, sila densite des particules de pollen est non nulle, l’equation de diffusion (20) peut luietre appliquee pour calculer l’evolution de densite de sorte que le modele de Langevindu mouvement brownien fournit une description microscopique du meme phenomene. Encomparant les deux resultats, nous sommes amenes a identifier D avec µkBT conduisanta :

D = µ kB T Relation d’Einstein (1905) (45)

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UM2 Fevrier-Mars 2001 51

6 Processus Stochastiques

Au cours du precedent chapıtre, les modeles microscopiques introduits font intervenirdes processus aleatoires pour imiter les sources de dissipation conduisant a la validitede l’approximation d’equilibre local. Dans ce chapıtre, nous allons en faire une etudeplus systematique afin d’apporter les outils propres a leur utilisation pratique. Dans unpremier temps, nous donnerons une description plus precise du processus brownien. Lemouvement brownien nous sert de modele aboutissant a la construction d’un processusstochastique markovien. Nous allons, dans ce paragraphe, generaliser ces notions dansle but de developper un outil de calcul plus efficace et susceptible de s’appliquer a undomaine beaucoup plus vaste de systemes dissipatifs en procedant par etapes successives.Dans un premier temps, nous allons simplifier a l’extreme en imposant a la variablealeatoire decrivant le processus de ne prendre qu’un famille finie de valeurs, tandis que letemps lui-meme sera discretise. C’est le point de vue qui fut developpe par Markov dans lesannees 1900. Dans un deuxieme temps, nous autoriserons le temps a varier continuement,tout en supposant que la variable aleatoire reste discrete. C’est le point de vue qui futdeveloppe par Pauli, pour decrire l’absorption-emission lumineuse par les atomes dans lesannees 1925-30, puis par Bloch en 1946 plus systematiquement. Enfin, nous reviendrons auprobleme des variables aleatoires reelles en temps continu, dans le formalisme developpepar Kolmogorov. L’equation d’evolution concerne alors la loi de probabilite qui decrit leprocessus. Dans la version finale, il est d’usage de decrire cette equation d’evolution enterme d’une equation aux derivees partielles generalisant l’equation de diffusion, l’equationde Fokker-Planck.Avant de commencer il convient de noter que les termes utilises en theorie moderne desprobabilites ont trois origines etymologiques :

1. Στoχαζειν (stokhazein) vient du grec viser. Ce verbe indique une action volontairemais entachee d’erreurs incontrolables.

2. Alea est un mot d’origine latine signifiant le jeu de des. Il designe un evenement surlequel on n’a aucune prise et qui releve du sort.

3. Al-zhar (hasard) est un mot d’origine arabe, qui designait le coup gagnant au jeude des consistant a sortir trois fois six. Il admet donc une connotation similaire acelle du mot alea.

Les termes variable aleatoire et processus stochastiques seront donc utilises dans la suiteavec une signification technique precise. Une variable aleatoire est definie comme unefonction mesurable X : Ω 7→ A definie sur un espace probabilise Ω qui sera le plus souventimplicite, et a valeurs dans un espace A qui sera le plus souvent l’ensemble R des nombresreels. Un processus stochastique est la donnee d’une famille (Xt)t≥0 de variables aleatoiresindicee par un parametre t prenant ses valeurs soit dans l’ensemble des entiers N soit danscelui des reels positifs.

6.1 Le Theoreme de la Limite centrale :

Historiquement, bien que le mouvement brownien ait ete observe et decrit des 1827 parBrown, et bien que ce dernier en ait deja compris l’origine physique et non biologique, ilfallut attendre les travaux de Einstein en 1905 pour que la theorie soit en mesure de le

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UM2 Fevrier-Mars 2001 52

decrire. Cependant il advint que cet article, suivi deux ans plus tard par celui de Lan-gevin, n’etait que le debut d’une succession de travaux tres nombreux de la part desmathematiciens qui se developperent jusque dans les annees soixante. Parmi les contribu-tions les plus marquantes, il convient de citer les travaux de Markov23, de Paul Levy24, deNorbert Wiener25, de A. Ya. Khinchine26 et de Andrei N. Kolmogorov27 qui contribuerenta fonder la theorie moderne des probabilites et des processus stochastiques.

Avant d’effectuer un pas supplementaire dans cette direction, il convient de bien com-prendre pourquoi les processus gaussiens sont aussi universels dans le monde aleatoire.La cle reside dans le theoreme de la limite centrale. Ce theoreme concerne les famillesX1, · · · , XN de variables aleatoires reelles, independantes et de meme distribution de pro-babilite. On peut toujours supposer que ces variables sont centrees, a savoir que 〈Xn〉 = 0.On suppose en outre que leur variance 〈X2

n〉 = σ est finie. Cette derniere hypothese s’averecruciale. On se pose alors la question de savoir quelle est la distribution de probabilitede la somme YN = X1 + · · · + XN . Une telle question est legitime et frequente dans denombreuses applications pratiques. Un exemple simple consiste a effectuer des mesuresrepetees et independantes d’une observable donnee, au cours d’une experience dont les

23Andrei A. Markov (1856-1922) obtint sa these a Saint Petersbourg en 1878, puis devint Professeuren 1886 dans cette Universite. Il travailla sur des problemes de mathematiques, la theorie de l’integration,l’analyse. C’est apres 1900 qu’il appliqua sa theorie des fractions continues a la theorie des probabilites etprouva le theoreme de la limite centrale sous des hypotheses tres generales. Markov est particulierementconnu pour ses travaux sur les chaınes de Markov, qui decrivent les processus aleatoires discrets marko-viens.

24Paul Pierre Levy (1886-1971), ne a Paris, suit des etudes a l’Ecole Polytechnique puis a l’Ecole desMines de Paris. Il passe sa these en Mathematiques en 1912. En 1913, il devient professeur a l’Ecoledes Mines de Paris, puis a l’Ecole Polytechnique en 1920 ou il restera jusqu’a sa retraite en 1959. Il estl’un des fondateurs de la theorie des probabilites, avec des contributions importante sur les proprietes dumouvement brownien, les lois infiniments divisibles (le lois de Levy qui constituent la cle de la creationde la notion de fractale par Mandelbrot en 1976) et la theorie des martingales. Ses travaux firent l’objetde 4 ouvrages publies en 1922, 1925, 1937 et 1948.

25Norbert Wiener (1894-1964), ne a Columbia, Missouri (USA), il etudie a Harvard, ou il passe unPh. D. en philosophie sur la logique mathematique en 1913. Puis il visite Cambridge et Gottingen, ou ilrencontre Russell, Hardy et Hilbert. Apres les annees de guerre et des tentatives dans differents metiers, ilobtient un poste en 1919 au MIT ou il restera jusqu’a sa retraite. Ses contributions concernent la theoriedu mouvement brownien, plusieurs resultats fondamentaux en analyse harmoniques, la cybernetique (latheorie du controle, programation des ordinateurs).

26Aleksandrov Yakovlevich Khinchin (1894-1959), ne a Kondrovo, dans la province de Kaluzhskaya,en Russie, obtient sa these en Mathematiques en 1916 a l’Universite de Moscou. Il devient professeurdans cette universite en 1927 et contribuera a y creer l’ecole de Moscou de probabilites avec Kolmogorov.Il est l’auteur de nombreux ouvrages classiques en theorie des nombres, theorie ergodique et theorie desprobabilites.

27Andrey Nikolaevich Kolmogorov(1903-1987), ne a Tambov, en Russie, entre a l’Universite de Mos-cou en 1920. Il y etudie plusieurs sujet et publie meme une these en Histoire. Il se tourne alors vers lesmathematiques a partir de 1922 et publiera 18 articles avant sa these en 1929. Il devient professeur al’universite de Moscou en 1931. Il touchera a tous les sujets de mathematiques. Mais il sera le premiera presenter la theorie des probabilites sous sa forme axiomatique moderne, en particulier en definissantcorrectement la notion de probabilite conditionnelle (1933), a definir la notion de processus de Markov(1938). Les physiciens le connaissent pour sa contribution fondamentale en hydrodynamique (1941) etpour le fameux theoreme KAM (1954) qui etablit la stabilite des orbites quasiperiodiques d’un mouve-ment conservatif classique par perturbations. Il est aussi celui qui definit le concept d’entropie dynamique(Kolmogorov-Sinai) un des invariants en theorie du chaos deterministe. Il sera, toute sa vie durant, un ani-mateurs infatiguable de l’ecole de Moscou de Physique Mathematique, aura de tres nombreux etudiantsdont plusieurs, comme Sinai ou Gelfand deviendront des mathematiciens eminents et prolifiques.

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parametres restent constants au cours du temps. Dans ce cas, m+Xn est la nememesure ef-fectuee, expression dans laquelle m represente la moyenne statistique et Xn la fluctuationautour de cette moyenne. La marge d’erreur est alors determinee par la variable YN . C’estle theoreme de la limite centrale qui explique pourquoi l’erreur relative est proportionnellea N−1/2. Plus precisement :

Theoreme 6.1 (Theoreme de la limite centrale) Soient X1, · · · , XN une famille deN variables aleatoires reelles, independantes et equidistribuees, de moyenne〈Xn〉 = 0 nulleet de variance 〈X2

n〉 = σ finie.Alors la loi de probabilite de la variable YN/

√N (ou YN = X1 + · · · + XN) converge, si

N → ∞, vers une loi gaussienne centree de variance σ.

Nous donnons ici une idee de la preuve parce qu’elle est tres eclairante sur l’origine dumecanisme qui conduit a l’universalite des gaussiennes. A cet effet, il est utile d’introduirela notion de fonction caracteristique de la variable aleatoire reelle X. Il s’agit de la fonctionF (q) = 〈eıqX〉. Ainsi, si p est la densite de probabilite de la variable X nous obtenons :

F (q) = 〈eıqX〉 =

R

dx p(x) eıqx ,

de sorte que F n’est autre que la transformee de Fourier de la distribution de X. Enparticulier, deux variables aleatoires de meme distribution auront la meme fonction ca-racteristique. Considerons donc la fonction caracteristique FN de la variable YN/

√N :

FN(q) = 〈eıqPN

n=1 Xn/√

N〉 =N∏

n=1

〈eıqXn/√

N〉 = F1(q√N

)N .

En effet, la premiere egalite vient de la definition de YN , la seconde, de ce que les variablesXn sont independantes et la troisieme de ce qu’elles ont meme distribution, donc memefonction caracteristique qui est precisement donnee par N = 1. Dans le membre de droite,on remarque que la variable q est divisee par

√N et devient toute petite si N → ∞. On

peut donc developper F1 en serie de Taylor au voisinage de q = 0, a savoir :

F1(q√N

) = F1(0) +q√NF ′

1(0) +q2

2NF1”(0) +O(N−3/2) .

Il est facile de voir que F1(0) = 〈eıqX q=0〉 = 1. Par ailleurs, la premiere derivee donneF ′

1(0) = ı〈X〉 = 0 par hypothese. Enfin, F1”(0) = −〈X2〉 = σ. On en tire

F1(q√N

) = 1 − σq2

2N+O(N−3/2) .

Reportant dans l’expression de FN trouvee ci-dessus, il s’ensuit que :

F∞(q) = limN→∞

FN (q) = limN→∞

(

1 − σq2

2N+O(N−3/2)

)N

= e−σq2/2 .

Ainsi, la fonction caracteristique converge vers la transformee de Fourier de la gaussiennecentree de variance σ puisque :

e−σq2/2 =

∫ +∞

−∞

dx√2πσ

e−x2/2σ eıqx .

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UM2 Fevrier-Mars 2001 54

C’est le contenu du theoreme. En conclusion, si N tend vers l’infini, la somme YN des Xn

se comporte asymptotiquement comme√Nξ ou ξ est une variable gaussienne centree de

variance σ. 2

6.2 Le Processus Brownien :

Reprenant le calcul de Langevin du paragraphe 5.2 precedent, nous nous proposons main-tenant de calculer la distribution de probabilite conjointe des differentes positions ~r(t) dela particule de pollen. A cet effet, nous considererons des echelles de temps mesoscopiquesa savoir δt τ = γ−1. En effet, dans le calcul precedent le terme de friction conduita creer des exponentielles du type e−γt dans toutes les expressions. Ce terme devientnegligeable pour des temps mesoscopiques. Donnons tout d’abord une estimation de τ .Pour cela nous utilisons la formule de Stokes [9, 12], selon laquelle τ = 1/γ = m/(6πηa)si m est la masse de la particule de pollen, a son diametre et η la viscosite du fluide. Laviscosite de l’eau a 20C vaut η = 10−3 kg/s.m(cf. [9] pp.65). Si nous considerons uneparticule de a = 1µm = 10−6m de diametre, et de densite ρ ≈ 0, 5 kg/` = 103kg/m3,cela donne une masse m = πa3/6 donc :

τ =ρπa3

36πηa=

ρa2

36η≈ 1, 4 × 10−8 s.

Il est bien evident que l’oeil de Brown, comme celui de tout humain, est incapable dediscriminer des ecarts de temps aussi petits. Pour comparaison, l’oeil humain ne peutpas discriminer les 24 images qui defilent par seconde lors de la projection d’un film.L’oeil humain ne peut distinguer, au mieux, que des temps de l’ordre du dixieme deseconde. On peut donc desormais considerer comme infinitesimal toute duree de l’ordrede δt ≈ 4, 5τ puisque effectivement les termes exponentiels sont inferieurs a e−4,5 ≈ 10−2

au dela. Typiquement, pour le pollen dans l’eau a la temperature ordinaire, ce temps estde l’ordre de 10−7s.

Nous remarquons tout d’abord que si nous choisissons des temps t0 < t1 avec t1− t0 δt,la formule (44) conduit a :

〈(ri(t1) − ri(t0))(rj(t1) − rj(t0))〉 = µ2(

1 − e−γ(t1−t0))2 〈pi(t0)pj(t0)〉 + . . .

. . . 2µkBT δi,j(

t1 − t0 +O(eγ|t1−t0|))

,

= 2µkBT δi,j (|t1 − t0| +O(τ))

Nous avons utilise ici le principe d’equipartition de l’energie pour estimer la moyennedu produit des impulsions. Ainsi, les trois composantes du vecteur ~r (t1) − ~r (t0) sontstochastiquement independantes. Considerons maintenant deux intervalles de temps [t0, t1]et [t2, t3] de sorte que t2 − t1 ≥ δt τ . Alors le meme calcul conduit a :

〈(ri(t1) − ri(t0))(rj(t3) − rj(t2))〉 = O(e−γτ) .

Enfin, si la processus decrivant la force aleatoire ~F (t) est stationnaire, c’est-a-dire quela loi de probabilite qui le decrit est invariante par translation temporelle, alors la loi deprobabilite decrivant ~r(t + ∆t) − ~r(t) est la meme pour tous les t. De la sorte, dans la

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UM2 Fevrier-Mars 2001 55

limite mesoscopique, les composantes du mouvement brownien d’une particule de pollensituee a l’origine a l’instant initial, se decrivent au moyen de processus browniens definispar :

Definition 6.1 Un processus brownien est une famille (x(t))t>0 de variables aleatoiresreelles telles que :

1. Leur moyenne est nulle : 〈x(t)〉 = 0

2. Les increments x(t′)−x(t), correspondants a des intervalles de temps disjoints, sontdeux a deux independants.

3. La variance des increments vaut : 〈(x(t′) − x(t))2〉 = |t′ − t|.

Pour obtenir ~r(t) dans la limite mesoscopique, il suffit donc de remplacer chaque compo-santes par

√2Dx(t), ou x est un processus brownien.

La premiere consequence de cette definition est que chacun des increments x(t′)−x(t) estune variable aleatoire gaussienne. En effet, supposons que t′ > t. Alors, soit N un entier,que nous ferons tendre vers l’infini, et soit ∆t = (t′ − t)/N , de sorte que x(t′) − x(t) =∑N

n=1(x(t + n∆t) − x(t + (n − 1)∆t)). Les differents termes de la somme represententdes variables aleatoires independantes de meme distribution, en vertu de la propriete (2)de la definition precedente. De plus leur moyenne est nulle et leur variance vaut ∆t =|t′ − t|/N . Ainsi si nous posons Xn =

√N(x(t + n∆t) − x(t + (n − 1)∆t), nous voyons

que x(t′) − x(t) =∑N

n=1Xn/√N , tandis que les Xn sont des variables independantes de

meme distribution, de moyenne nulle et de variance |t′−t|. Nous sommes donc exactementdans les conditions du theoreme de la limite centrale (Theoreme 6.1) et de plus, on peutfaire tendre N vers l’infini sans changer le membre de gauche. Ainsi l’increment est unevariable aleatoire gaussienne de moyenne nulle et de variance |t′ − t|.Il s’ensuit immediatement que la distribution de probabilite de l’increment u = x(t′)−x(t)s’ecrit (ou B est un sous ensemble mesurable de R) :

Probx(t′) − x(t) ∈ B =

B

du

(2π|t′ − t|)1/2e−u2/2|t′−t| .

En particulier, si t′ = 0, il vient

Probx(t) ∈ B =

B

dx

(2πt)1/2e−x2/2t . (46)

Par ailleurs, puisque les increments correspondants a des intervalles disjoints sont inde-pendants, il s’ensuit que, si 0 < t1 < · · · < tN :

Probx(t1) ∈ B1; x(t2) − x(t1) ∈ B2; · · · ; x(tN) − x(tN−1) ∈ BN) =∫

B1

· · ·∫

BN

du1 · · ·duN

(∏N

n=1 2π|tn − tn−1|)1/2e−

PNn=1 u2

n/2|tn−tn−1 | .

En introduisant les nouvelles variables d’integration u1 = x1, u2 = x2 − x1, · · · , uN =xN − xN−1, le jacobien de la transformation vaut 1, de sorte que nous pouvons recrire laloi de probabilite conjointe des x(tn) sous la forme (si B est maintenant un sous ensemblemesurable de R

N) :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 56

Prob(x(t1), x(t2), · · · , x(tN )) ∈ B) =

B

dx1 · · ·dxN

(∏N

n=1 2π|tn − tn−1|)1/2e−

PNn=1

(xn−xn−1)2

2|tn−tn−1| .

(47)

Cette formule appelle trois remarques importantes. Tout d’abord si tn − tn−1 = t/N , onpeut ecrire x(tn)−x(tn−1) ' t/Nv(tn), ou v(t) = dx/dt represente la vitesse du processusa l’instant t de sorte que la somme figurant dans l’exponentielle du terme de droite del’equation (47) se recrit comme suit :

N∑

n=1

(xn − xn−1)2

2|tn − tn−1|'

N∑

n=1

t

N

v(tn)2

2'∫ t

0

dsv(s)2

2.

Le terme de droite represente l’integrale sur le temps, de l’energie cinetique de la particule,si sa masse est prise egale a l’unite. Ainsi, la loi conjointe de l’equation (47) peut-elleformellement etre reecrite sous la forme moderne :

Prob (x(t1), x(t2), · · · , x(tN )) ∈ B =

B

D(x(t)) e−∫ t

0ds(dx

dt(s))2

,

expression dans laquelle D(x(t)) represente l’element d’integration sur l’espace de tous leschemins, proprement normalise, et B designe l’ensemble des chemins tels que x(0) = 0 et(x(t1), · · · , x(tN )) ∈ B.

La deuxieme remarque est que la distribution de x(t) est egale, a une constante mul-tiplicative pres, a la solution de l’equation de diffusion (cf. paragraphe 4.3 eq. (20) et(21)) :

P (t; x) =e−x 2/2t

(2πt)1/2.

Il s’ensuit immediatement que P est aussi solution de l’equation de diffusion (ou de lachaleur) :

∂P

∂t=

1

2

∂2P

∂x2. (48)

On peut donc re-ecrire l’equation (47) sous la forme

Prob(x(t1), · · · , x(tN )) ∈ B =

B

dx1 · · · dxN P (t1; x1)P (t2− t1; x2−x1) · · ·P (tN − tN−1; xN −xN−1) .

Cette expression montre le caractere markovien du processus brownien, puisqu’a chaqueinstant t, la loi de probabilite aux instants superieurs ne depend que de t.

La troisieme remarque est que la courbe t ∈ R+ 7→ x(t) ∈ R est bien continue avecprobabilite un, mais n’est pas differentiable, sauf sur un ensemble de probabilite nulle. Eneffet la propriete (3) de la definition 6.1 du processus brownien, nous montre que si t′ → talors, x(t′) → x(t) en moyenne quadratique (qui implique la convergence presque sure).Cependant, la meme formule montre que si nous divisons les deux membres par (t′ − t)2,alors que le membre de gauche tend vers la moyenne du carre de la vitesse, tandis que le

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UM2 Fevrier-Mars 2001 57

membre de droite diverge, montrant que la vitesse instantanee, a savoir la derivee de x(t)par rapport au temps, diverge avec probabilite un. Ceci explique pourquoi le mouvementnous paraıt a l’œil aussi irregulier.

6.3 Chaınes de Markov :

Tous les processus que nous allons decrire dans ce paragraphe partagent la meme pro-priete : ils sont markoviens. Ceci signifie que le futur du processus ne depend que dupresent, ou encore, que la connaissance du processus a l’instant t permet de le connaıtresans ambiguıte a tout instant ulterieur. Cette propriete peut s’interpreter selon deuxpoints de vue complementaires. Le premier point de vue consiste a dire que le systemeperd a chaque instant la memoire de son passe. Ces systemes modelisent ainsi, de la faconla plus brutale possible, les processus dissipatifs. Dans la realite, la perte de memoireexige un temps de relaxation non nul, mais, comme nous l’avons vu dans le cas du mou-vement de la particule de pollen de Brown, ce temps est en pratique si court qu’il n’estpas deraisonnable de le considerer comme nul. C’est ce qui justifie l’utilisation des pro-cessus markoviens. Un autre point de vue consiste a rapprocher la notion de propriete deMarkov a celle de determinisme en mecanique classique. Dans cette derniere discipline,en effet, la donnees des conditions initiales permet de calculer la trajectoire complete achaque instant ulterieur. Ici nous pourrons en effet calculer le processus a chaque instantulterieur, mais ce qui est predit, ce n’est pas la trajectoire elle-meme, mais seulementl’evolution de sa loi de probabilite. Il y a donc, sous les apparences de determinisme, uneperte d’information permanente sur le systeme lui-meme en raison du caractere aleatoirede son evolution.

Il est temps, maintenant, de decrire plus precisement ce que nous entendons par chaınede Markov. Il s’agit d’un systeme decrit par un code σ qui prend un nombre fini devaleurs σ ∈ A. Les elements de A sont appeles des lettres de sorte que A constitue unalphabet. Une association a1a2 · · ·an de lettres constitue donc un mots. Il sera commodede decrire A au moyen des nombres entiers 1, 2, · · · , N si N est le nombre de lettres denotre alphabet. De la sorte les lettres sont representees par des chiffres (appeles digit enanglais). Le processus stochastique associe est constitue d’une famille (Xn)n∈N de variablesaleatoires indicees par les entiers et prenant leurs valeurs dans A. L’indice n representeun temps discret. Pour decrire ce processus il convient de se donner, a chaque tempsn, la distribution de probabilite de Xn. Soit pn cette distribution. Par definition d’uneprobabilite, il s’agit d’une famille de nombres tels que

1. a chaque lettre σ ∈ A, est associe le nombre pn(σ) ∈ [0, 1], qui represente la proba-bilite que Xn = σ,

2. La somme de ces probabilites doit etre egale a un i.e.∑

σ∈Apn(σ) = 1.

Pour exprimer la propriete de Markov, il suffit d’ecrire que la loi de probabilite pn+1 nedepend que de pn. Par analogie avec l’application du boulanger nous ecrirons une equationd’evolution sous la forme :

pn+1(σ) =∑

σ′∈A

Pn(σ|σ′) pn(σ′) . (49)

Cette relation est appelee equation de Chapman-Kolmogorov discrete. Pour que le resultat

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UM2 Fevrier-Mars 2001 58

pn+1 soit aussi une loi de probabilite quelle que soit le choix de la probabilite pn, il estnecessaire et suffisant que les probabilites de transition Pn satisfassent :

Pn(σ|σ′) ≥ 0 , ∀σ, σ′ ∈ A

σ∈A

Pn(σ|σ′) = 1 , ∀σ′ ∈ A . (50)

Nous dirons que le processus ainsi defini, est stationnaire si les probabilites de transitionPn ne dependent pas du temps n. Nous ne considererons par la suite que des processusstationnaires.

Il sera commode d’utiliser les notations matricielles pour ecrire l’equation (49). A cet effet,utilisant les chiffres pour representer l’alphabet A, pn peut-etre represente par un vecteur,tandis que P donne lieu a une matrice :

pn =

pn(1)pn(2)

...pn(N)

, P =

P (1|1) P (1|2) · · · P (1|N)P (2|1) P (2|2) · · · P (N |N)

......

. . ....

P (N |1) P (N |2) · · · P (N |N)

. (51)

L’equation d’evolution prend alors une forme tres simple permettant le calcul de pn :

pn+1 = P · pn , ⇒ pn = P · pn−1 = P 2 · pn−2 = · · · = P n · p0 ,

ou p0 est la loi de probabilite initiale et P n est le produit de n matrices egales a P . Lesproprietes de P , donnees par (50), indiquent que P a tous ses elements de matrices positifsou nuls, tandis que la sommes des elements d’une meme colonne est egale a un. Une tellematrice est appelee matrice stochastique. Nous dirons en outre, que P est irreductible s’ilexiste n ≥ 1 tel que P n ait tous ses elements de matrice strictement positifs. De tellesmatrices ont ete etudiees au debut du 20emesiecle par Perron et Frobenius qui ont prouvele theoreme suivant :

Theoreme 6.2 (Theoreme de Perron-Frobenius) (i) Soit P une matrice stochas-tique. Alors 1 est valeur propre de P et toute autre valeur propre est soit complexe demodule 1, soit de module strictement plus petit que 1.(ii) Si, de plus, P est irreductible, alors la valeur propre 1 est non degeneree et le vecteurpropre correspondant peut etre choisi de sorte a ce que toutes ses composantes soientstrictement positives et de somme egale a un.

Preuve du Theoreme 6.2 : (i) La matrice P admet les memes valeurs propres que sa matrice transposeetP . Or la sommes des elements d’une meme ligne de tP est egale a un en raison de (50). Donc le vecteurf dont toutes les composantes valent f(σ) = 1 est vecteur propre de tP pour la valeur propre 1. Ainsi 1est valeur propre de P .(ii) Si x est un vecteur propre de P de valeur propre λ ∈ C alors x 6= 0 et P · x = λx. En particulier

|λ| |x(σ)| ≤N∑

σ′=1

P (σ|σ′) |x(σ′)| .

En sommant toutes ces inegalites sur l’indice σ, compte tenu de ce que la somme des elements d’unememe colonne de P vaut 1, il vient :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 59

|λ|N∑

σ=1

|x(σ)| ≤N∑

σ′=1

|x(σ′)| .

Comme x 6= 0, cela implique que |λ| ≤ 1.(iii) Si x est un vecteur propre de valeur propre 1 alors Px = x, c’est-a-dire que x est invariant par P .En prenant les conjugues complexes des deux membres, il s’ensuit que Px = x. Ainsi les parties reelleset imaginaires de x sont aussi des vecteurs invariants et x s’ecrit comme combinaison lineaires de vecteurinvariants reels. Si x est un vecteur invariant reel, nous tirons |x(σ)| ≤∑σ′ P (σ|σ′)|x(σ′)|. S’il existait unσ pour lequel l’inegalite etait stricte, alors nous aurions

σ |x(σ)| <∑

σ′ P (σ|σ′)|x(σ′)| =∑

σ′ |x(σ′)|, cequi serait contradictoire. Donc le vecteur |x|, obtenu en prenant comme composantes les valeurs absoluesdes composantes de x, est aussi invariant. Il s’ensuit que x± = |x| ± x sont tous deux des vecteurs acoordonnees positives et satisfont P · x± = x±. De plus, par definition de x±, x+(σ)x−(σ) = 0 pourchaque σ, de sorte que x+ et x− sont orthogonaux. S’ils ne sont pas nuls ils sont donc lineairementindependants. Ainsi x = x+ − x− ets une combinaison lineaire de vecteurs invariants a coordonneespositives. Si enfin, x 6= 0 est un vecteur invariant a coordonnees positives ou nulles, alors, si z =

σ x(σ),x = zp ou p est une probabilite invariante.

(iv) Supposons enfin que P soit irreductible et qu’il possede deux vecteurs invariants lineairement

independants. Comme P n est aussi une matrice stochastique pour tout n ∈ N, on peut, en remplacant, si

necessaire, P par P n, supposer que P (σ|σ′) > 0 pout tous les couples (σ|σ′). Soit x un vecteur invariant

reel. Nous avons vu en (iii) que x = x+ −x− ou x± sont deux vecteurs invariants a coordonnees positives

ou nulles tels que x+(σ)x−(σ) = 0 ∀σ. Donc, si x± 6= 0, x±(σ) =∑

σ′ P (σ|σ′)x±(σ′) > 0. Mais pour que

ce soit possible il faut que l’un des deux vecteurs, x+ ou x−, soit nul. Ainsi tout vecteur invariant reel a

ses coordonnees non nulles et de meme signe. Supposons maintenant qu’il y ait deux probabilites inva-

riantes p, p′ lineairement independantes. Alors, si a = 〈p|p′〉/〈p|p〉, p” = p′ − ap est un vecteur invariant

reel, qui est, de plus, orthogonal a p. Par ce qui precede, aucune des coordonnees de p” ne sont nulles

et elles ont toutes le meme signe. En changeant au besoin p” en −p”, on peut supposer que p” a toutes

ses coordonnees strictement positives, ce qui interdit au produit scalaire de p et de p” de s’annuler. Nous

aboutissons donc a une contradiction. 2

Corollaire 6.1 Soit P une matrice stochastique irreductible dont les valeurs propresdifferentes de 1 sont toutes de module strictement inferieur a 1. Alors le processus Xn

converge, pour n→ ∞ vers une variable aleatoire dont la distribution est l’unique proba-bilite invariante par P .

En effet, on peut trouver une matrice de changement de base S telle que SPS−1 soitdiagonale par blocs (forme de Jordan) :

SPS−1 =

1

λ1 X X. . . X

λ1

. . .

λr X X. . . X

λr

,

expression dans laquelle les blancs sont les elements de matrice nuls et les X represententles elements de matrice qui peuvent etre non nuls. Alors les puissances successives four-nissent SP nS−1 = (SPS−1)n de sorte que chaque bloc est eleve a la puissance n. Or, un

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UM2 Fevrier-Mars 2001 60

bloc triangulaire de taille l peut s’ecrire sous la forme B = λ(1 + N) expression danslaquelle 1 est la matrice identite de taille l et N est une matrice triangulaire superieureavec des zeros sur la diagonale. Il s’ensuit que N l = 0 et que, si n ≥ l, :

Bn = λn

(

1 +

(

n1

)

N + · · ·+(

nl − 1

)

N l−1

)

.

Si |λ| < 1 tous les elements de matrices de Bn convergent vers zero si n → ∞. AinsiP n converge vers P∞ = S−1|1〉〈1|S ou |1〉 est le vecteur ayant toutes ses composantesnulles sauf la premiere valant 1. Posons p = S−1|1〉 et f = tS|1〉. Alors, comme la tracede P∞ = |p〉〈f | vaut 1 il vient 〈f |p〉 = 1. De plus PP∞ = P∞P = P∞, de sorte queP · p = p et que tP · f = f . Ainsi, en multipliant au besoin p par un scalaire convenable,f(σ) = 1, ∀σ (cf. la preuve du theoreme 6.2) et donc, comme P∞ a tous ses cœfficientspositifs, p est une probabilite invariante, donc strictement positive. Des lors si p0 est uneprobabilite initiale, limn→∞ P n · p0 = p. Comme Xn admet P n · p0 comme distribution,elle converge bien vers une variable distribuee selon p. 2

6.4 Equation Maıtresse :

Nous considerons maintenant un processus stochastique markovien a temps continu maisa valeurs discretes. Ceci signifie que la variable aleatoire Xt prend ses valeurs dans unalphabet A, mais depend d’un temps t ∈ R+. Un exemple physiquement important estcelui decrivant l’emission et l’absorption d’un photon par un atome. Dans ce cas, l’alpha-bet A n’est autre que l’ensemble des nombres quantiques qui numerotent les niveaux del’atomes impliques dans les transitions. La variable aleatoire Xt represente l’etat quan-tique de l’atome a l’instant t. Donc sa distribution pt nous donnera les probabilites pourqu’a l’instant t l’atome soit dans les differents etats quantiques permis.

Comme le temps est continu, ce qui va jouer le role de l’equation de Chapman-Kolmogorov(49) sera une equation differentielle. En effet, comme le processus est markovien, il estpossible de calculer la probabilite pt+δt en fonction de pt. Donc de calculer (pt+δt − pt)/δtcomme fonction de t. On peut donc esperer, dans les situations suffisamment regulieres,que la limite δt→ 0 existe, donnant une expression de ∂p/∂t en fonction de pt. La variationδpt(σ) de pt(σ) pendant le temps δt est donc constituee de la difference entre les deuxtermes suivants :

1. la probabilite que la variable aleatoire Xt, valant σ′ a l’instant t transite vers σavant l’instant t + δt. Cette probabilite s’ecrit sous la forme δt

σ′ W (σ|σ′) pt(σ′)

ou W (σ|σ′) represente le taux de transition de σ vers σ′ par unite de temps.

2. la probabilite que la variable aleatoire Xt, valant σ a l’instant t transite vers unevaleur des valeurs σ′ 6= σ. Ce terme vaut donc δt

σ′ W (σ′|σ) pt(σ).

On en deduit l’equation differentielle suivante, appelee equation maıtresse, :

∂p

∂t=∑

σ′∈A

[W (σ|σ′) pt(σ′) −W (σ′|σ) pt(σ)] (52)

Cette equation fut proposee par Pauli pour decrire precisement les transitions atomiquespar emission ou absorption de photons. Comme il s’agit d’une equation differentielle, ilconvient de verifier que, si la conditions initiale est donnee par une probabilite, alors la

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UM2 Fevrier-Mars 2001 61

solution reste une probabilite a tout instant ulterieur. Plus precisement, il faut verifierque :

1. la somme∑

σ∈Apt(σ) = 1 pour tout t > 0 ;

2. pour chaque σ ∈ A le nombre pt(σ) ≥ 0 pour tout t > 0.

Nous remarquons que la forme du membre de droite de 52) conduit a :

∂t

σ∈A

pt(σ) = 0 ,

de sorte que si pt est une probabilite elle reste normalisee a tout instant ulterieur. Pourprouver que la solution reste positive a tout instant ulterieur, il est commode d’utiliser leformalisme matriciel, comme pour les chaınes de Markov. A cet effet nous introduisons lamatrice :

W =

−w1 W (1|2) W (1|3) · · · W (1|N)W (2|1) −w2 W (2|3) · · · W (2|N)W (3|1) W (3|2) −w3 · · · W (3|N)

......

.... . .

...W (N |1) W (N |2) W (N |3) · · · −wN

, wσ =∑

σ′ 6=σ

W (σ′|σ) .

Ainsi la somme des elements de matrices d’une meme colonne est egale a zero, tandis queles elements non diagonaux sont positifs ou nuls. L’equation maıtresse peut donc s’ecriresous la forme :

∂p

∂t= W · pt .

La solution de cette equation est donc elementaire :

pt = etW · p0 ,

ou p0 est la distribution initiale. Nous remarquons ici que W peut se decomposer en unesomme W = A +B dans laquelle A represente la partie diagonale :

A =

−w1 0 0 · · · 00 −w2 0 · · · 00 0 −w3 · · · 0...

......

. . ....

0 0 0 · · · −wN

,

tandis que B represente les autres termes :

B =

0 W (1|2) W (1|3) · · · W (1|N)W (2|1) 0 W (2|3) · · · W (2|N)W (3|1) W (3|2) 0 · · · W (3|N)

......

.... . .

...W (N |1) W (N |2) W (N |3) · · · 0

,

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UM2 Fevrier-Mars 2001 62

Nous devons donc calculer l’exponentielle et(A+B) qui n’est, malheureusement pas le pro-duit des exponentielles de A et de B ! Car en effet, A et B ne commutent pas. Il faut doncproceder autrement. Nous utilisons ici un resultat appele la formule de Trotter-Kato :

et(A+B) = limn→∞

(

e(t/n)A e(t/n)B)n

.

Nous remarquons qu’alors, e(t/n)A est une matrice diagonale a cœfficients positifs. De plus,B ayant tous ses cœfficients positifs, il s’ensuit que B2, B3, · · · , Bn, · · · ont toutes leurscœfficients positifs. Ainsi, si t > 0, e(t/n)B est une matrice a cœfficients positifs. Du coup,un vecteur a cœfficients positifs sera transforme en un vecteur a cœfficients positifs a lafois par e(t/n)A et par e(t/n)B . Grace a la formule de Trotter-Kato, et(A+B) transforme unvecteur a cœfficients positifs en un vecteur a cœfficients positifs, par consequent. Ainsi :

la matrice etW transforme une probabilite en une probabilite

de sorte qu’a chaque instant, il s’agit d’une matrice stochastique. Le calcul precis del’exponentielle est cependant difficile en pratique sauf pour les matrices de petite taille. Ilnecessite de diagonaliser la matrice W puis d’exponentier et de revenir a la base initiale.

Exemple 6.1 (Echange atome-photon) Considerons la cas d’un atome a deux ni-veaux place dans un milieu a temperature T soumis a l’emission ou l’absorption d’unphoton d’energie ∆E = hν, si ∆E > 0 est l’ecart d’energie entre les deux niveaux.

Traitement de l’exemple 6.1 : Designons par |±〉 les deux etats propres du hamiltonienatomique decrivant ces niveaux. Soient E− = 0, E+ = ∆E les deux valeurs de l’energiecorrespondantes. Designons alors par W (−|+) = w la probabilite, par unite de tempsd’emission d’un photon d’energie hν par transition du niveau excite |+〉 vers le niveaufondamental |−〉. De meme soit W (+|−) = w′ la probabilite d’absorption d’un tel photonconduisant a la transition inverse. Alors l’equation maıtresse s’ecrit :

d

dt

[

pt(+)pt(−)

]

=

[

−w w′

w −w′

] [

pt(+)pt(−)

]

.

La matrice W est ici une matrice 2 × 2 telle que W 2 = −(w + w′) W . Ainsi W n =−(w + w′)n−1 W des que n ≥ 1. Dans ces conditions :

etW = 1 −∞∑

n=1

(−t)n (w + w′)n−1

n!W = 1 − (1 − e−t(w+w′))

−Ww + w′ .

Si t→ ∞ la matrice etW converge vers Π = 1−W/(w+w′) qui est de la forme Π = |p〉〈f |avec :

|p〉 =

[

w′

w+w′

ww+w′

]

, |f〉 =

[

11

]

.

En particulier, p est une probabilite invariante par etW et constitue un etat d’equilibre,puisque toute probabilite initiale evolue vers cette loi. Si l’atome converge vers equilibrethermodynamique, nous savons que la probabilite d’etre dans l’etat σ ∈ +,− est pro-portionelle au facteur de Gibbs e−βEσ . Apres normalisation il s’ensuit donc que l’equilibrethermodynamique n’est atteint que si :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 63

w′

w=

W (+|−)

W (−|+)= e−β∆E = e−β(E+−E−) .

Cette derniere condition s’appelle bilan detaille. En consequence, la distribution d’equili-bre s’ecrit :

|p〉 =

[

e−β∆E

1+e−β∆E

11+e−β∆E

]

.

2

6.5 Equation de Fokker-Planck :

La derniere etape dans notre raisonnement concerne le cas des processus markoviens reelsa temps continu. Il s’agit donc d’une famille (X(t))t∈R+ de variables aleatoires reellesindicees par le temps t ≥ 0. Par analogie avec les deux paragraphes precedents, en raisonde la propriete de Markov, la distribution p(t; x) de la variable X(t) doit satisfaire uneequation de la forme :

p(t; x) =

∫ ∞

−∞dy P (t; x|s; y) p(s; y) t > s ≥ 0 Chapman-Kolmogorov (53)

Ici, P (t; x|s; y) represente la densite de probabilite pour que la variable X(t) vale x,conditionnee par X(s) = y. On l’appelle la probabilite de transition.

Exemple 6.2 (Processus brownien) Dans le cas du mouvement brownien

p(t; x) =e−x2/2t

√2πt

, P (t; x|s; y) =e−(x−y)2/2(t−s)

2π(t− s).

En particulier, P (t; x|s; y) ne depend que de t− s.

Nous dirons qu’un processus de Markov reel est stationnaire si la probabilite de transitionP (t; x|s; y) ne depend que de t− s. Dans ce cas, l’equation de Chapman-Kolmogorov (53)est independante de l’origine des temps.

Exemple 6.3 (Processus de Ornstein-Uhlenbeck) C’est un processus pour lequel

p(t; x) =e−x2/2

√2π

, P (t; x|s; y) =e−(x−ye−τ )2/2(1−e−τ )

2π(1 − e−τ )τ = t− s .

C’est aussi un processus stationnaire. Le lecteur est convie a verifier que cet exemple obeitbien a l’equation de Chapman-Kolmogorov (53).Ce processus decrit les coordonnees de la vitesse d’une particule brownienne.

Comme dans le cas de l’equations maıtresse, la tradition veut que l’equation de Chapman-Kolmogorov (53) soit ecrite sous forme infinitesimale. Il faudra donc de calculer la derivee∂p/∂t. A la limite δt ↓ 0, la probabilite de transition P (t + δt; x|t; y) doit convergervers δ(x − y) pour que l’equation de Chapman-Kolmogorov (53) soit valide a t = s. Par

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UM2 Fevrier-Mars 2001 64

analogie avec l’equation maıtresse (52), nous sommes donc conduits a supposer que, pourun processus stationnaire :

P (t+ δt; x|t; y) = δt

W (x|y) − δ(x− y)

∫ ∞

−∞dy W (y|x)

+O(δt2) ,

ou W (x|y) est la densite de probabilite, par unite de temps, pour que le processus X(t)subisse une transition de y vers x a l’instant t. Ainsi nous obtenons l’equation maıtressecontinue :

∂p

∂t(t; x) =

∫ ∞

−∞dy W (x|y) p(t; y)−W (y|x) p(t; x) , Equation maıtresse. (54)

Remarque 6.1 En realite cette equation est, le plus souvent, formelle. En effet, W (x|y)sera, le plus souvent, une distribution temperee. C’est le cas du processus brownien pourlequel W (x|y) = (1/2)∂2/∂x2δ(x − y). Ce n’est donc pas une fonction au sens usuel duterme !

Pour de nombreux physiciens du debut du 20emesiecle, les equations d’evolution devaients’ecrire sous forme d’une equation aux derivees partielles pour se conformer a la culture del’epoque. Or, nous avons vu que, dans le cas du mouvement brownien, l’equation satisfaitepar p(t; x) n’est autre que l’equation de diffusion (20). On est en droit de se demander si,dans le cas d’un processus markovien stationnaire, il n’existe pas une generalisation del’equation de diffusion decrivant l’evolution de la loi de probabilite. C’est la demarche quiconduisit Fokker et Planck a formuler leurs equations.

Pour y parvenir, nous allons tout d’abord remarquer que, dans l’equation maıtresse conti-nue (54), la contribution des y tels que ξ = x − y soit grande, sont petites. Nous allonsdonc developper (formellement) les probabilites de transition en puissances de ξ. A ceteffet, ecrivons W (x|y) sous la forme w(y; ξ), tenant compte du fait que y est la valeurinitiale de X(t). L’equation maıtresse continue (54) s’ecrit alors sous la forme :

∂p

∂t(t; x) =

∫ ∞

−∞dξ w(x− ξ|ξ) p(t; x− ξ) − w(x;−ξ) p(t; x) .

Le changement ξ ↔ −ξ dans le deuxieme terme du membre de droite, conduit a :

∂p

∂t(t; x) =

∫ ∞

−∞dξ w(x− ξ|ξ) p(t; x− ξ) − w(x; ξ) p(t; x) .

Le developpement du premier terme de droite en serie de Taylor par rapport a la variableξ, fournit :

w(x− ξ|ξ) p(t; x− ξ) =

∞∑

n=0

(−1)n

n!ξn ∂n

∂xnw (x|ξ) p(t; x) .

Le terme n = 0 disparaıt du membre de droite de l’equation maıtresse pour donner :

∂p

∂t(t; x) =

∞∑

n=1

(−1)n

n!

∂n

∂xn

∫ ∞

−∞dξ ξn w(x; ξ) p(t; x) .

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UM2 Fevrier-Mars 2001 65

Si nous designons par αn(x) les fonctions :

αn(x) =

∫ ∞

−∞dξ ξn w(x; ξ) ,

nous en tirons une equation aux derivees partielles formelle, d’ordre infini :

∂p

∂t(t; x) =

∞∑

n=1

(−1)n

n!

∂n

∂xn(αn(x) p(t; x)) . (55)

Il est alors possible de montrer le resultat suivant :

Proposition 6.1 Supposons que le membre de droite de l’equation (55) soit une sommefinie. Pour que sa solution soit une densite probabilite a tout instant, il est necessaire que

1. Les cœfficients αn soient nuls si n ≥ 3,

2. α2 > 0

En conclusion l’equation maıtresse pour une variable continue reelle se reduit a l’equationde Fokker-Planck :

∂p

∂t(t; x) = − ∂

∂x(α1(x) p(t; x)) +

1

2

∂2

∂x2(α2(x) p(t; x)) , Fokker-Planck. (56)

Exemple 6.4 (i) Dans le cas du processus brownien α1 = 0, α2 = 1.(ii) Dans le cas du processus de Ornstein-Uhlenbeck, α1 = x, α2 = 1.

Preuve de la Proposition 6.1 : (i) Il faut tout d’abord remarquer que l’equation de Fokker-Plancks’ecrit sous la forme

∂p

∂t(t; x) = W (p)(t; x) , W =

N∑

n=1

(−1)n

n!

∂n

∂xnαn(x) ,

ou W est maintenant un operateur differentiel et N est son degre maximum. La conservation de lapositivite de la solution a tout instant peut s’exprimer de la facon suivante :

∀F ≥ 0 F ∈ C∞b (R) 〈F |pt〉 =

R

dx F (x)p(t; x) ≥ 0 ∀t > 0 ,

ou C∞b (R) designe l’espace des fonctions indefiniment differentiables bornees a derivees bornees sur R. En

differentiant 〈F |pt〉 par rapport a t il vient, apres une integration par parties :

〈F |pt〉 =

R

dx F (t; x)p(x) , avec∂F

∂t(t; x) = WF (t; x) =

∞∑

n=1

1

n!αn(x)

∂n

∂xnF (t; x) .

Comme 〈F |pt〉 ≥ 0 pour tout t > 0, pour toute probabilite p, il s’ensuit que F (t; x) = etW (F )(x) ≥ 0quelle que soit la fonction positive bornee F .

(ii) En consequence de ce qui precede, si f ∈ C∞b (R) est a valeurs reelles, etW (f2) ≥ 0. En particulier, si

f, g ∈ C∞b (R) alors etW ((f − λg)2) ≥ 0 quel que soit λ ∈ R. En developpant le carre, il s’ensuit que :

etW (f2)(x) − 2λetW (fg)(x) + λ2etW (g2)(x) ≥ 0 , ∀x, λ ∈ R .

Comme il s’agit d’un polynome du deuxieme degre en λ il ne peut etre positif partout que si le discriminantest negatif, a savoir :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 66

etW (fg)(x)2 ≤ etW (g2)(x) etW (f2)(x) , ∀f. g ∈ C∞b (R) .

En particulier, si g est pris egal a 1, comme W (1) = 0, il s’ensuit que etW (f)(x)2 ≤ etW (f2)(x).Developpons cette inegalite a l’ordre 1 en t, a savoir (f + tW (f) + O(t2))2 ≤ f2 + t W (f2) + O(t2),c’est-a-dire :

2f W (f) ≤ W (f2) . (57)

(iii) Si f, g ∈ C∞b , la formule de Leibniz fournit :

dn

dxn(fg) = (fg)

(n)=

n∑

m=0

(

nm

)

f (n−m)g(m)

Il s’ensuit que :

W (f2) − 2f W (f) =

α1(2ff ′ − 2ff ′) +α2

2(2ff” + 2(f ′)2 − 2ff”) +

N∑

n=3

αn

n!

(

2ff (n) + 2nf ′f (n−1) + · · · − 2ff (n))

=

α2

22(f ′)2 +

N∑

n=3

αn

n!

(

2nf ′f (n−1) +

n−2∑

m=2

(

nm

)

f (m)f (n−m)

)

Choisissons maintenant un point x ∈ R et un nombre ε > 0. On peut alors trouver une fonction f ∈ C∞b (R)

telle que f ′(x) = ε, f (N−1)(x) = ±1 et que toutes les autres derivees d’ordre inferieures ou egales a N −2s’annulent en x. La condition W (f2) − 2f W (f) ≥ 0 conduit a :

α2(x)ε2 ± 2εαN (x)

(N − 1)!≥ 0 .

En divisant par ε et en le faisant tendre vers zero, on aboutit a ±αN(x) ≥ 0 c’est-a-dire a αN (x) = 0.Comme le choix de x est arbitraire, le terme de plus haut degre de W s’annule donc, de sorte que si West de degre N > 2, il est, en realite, de degre N − 1. On peut donc proceder par recurrence jusqu’a ceque N = 2, pour lequel l’inegalite (57) est vraie pourvu que α2 ≥ 0. 2

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UM2 Fevrier-Mars 2001 67

7 Equations Cinetiques :

7.1 Densite Monoparticulaire :

Dans ce paragraphe, les particules du systeme considere sont traitees comme des par-ticules classiques de masse mi. Leur mouvement est decrit dans l’espace des phases clas-sique : pour un systeme de N particules, il faut se donner, a chaque instant, leurs positionsr = (~r1, . . . , ~rN) ∈ R3N et leurs impulsions p = (~p1, . . . , ~pN) ∈ R3N . L’ensemble des fa-

milles x = (r , p) forme l’espace des phases R6N a N particules.Les equations du mouvement sont donnees par les formules de Newton :

d~ri

dt=

~pi

mi,

d~pi

dt= ~Fi , ∀i ∈ 1, . . . , N , (58)

dans lesquelles Fi est la force s’appliquant sur la particule i. Les forces appliquees, au ni-veau microscopique, derivent usuellement d’un potentiel qui se decompose en deux parties,celle vennant des forces exterieures appliquees, champ electrique, champ de pesanteur, etc,et celle decrivant les interactions entre particules. Dans la plupart des cas, et notammentsi les particules sont identiques, ce potentiel, appele energie potentielle, s’ecrit sous laforme :

V (r) =N∑

i=1

Vext(~ri) +∑

1≤i<j≤N

Vint(~ri − ~rj) ,

ou Vext est le potentiel cree par les forces exterieures appliquees, tandis que Vint decrit lesforces d’interaction mutuelles. Le principe d’action et de reaction implique que Vint(−~r) =Vint(~r). Si plusieurs especes de molecules interviennent, les potentiels d’interaction entre

molecules d’especes differentes peuvent etre differents entre eux. Dans ce cas, la force ~Fi

s’ecrit :

~Fi = −~∇~riV = −~∇Vext(~ri) −

j:j 6=i

~∇Vext(~ri − ~rj) ,

Les equations de Newton (58) se reecrivent sous forme hamiltonienne :

d~ri

dt=

∂HN

∂~pi,

d~pi

dt= −∂HN

∂~ri, ∀i ∈ 1, . . . , N , (59)

avec :

HN (x) =N∑

i=1

~p 2i

2mi

+ V (r) (60)

Dans le cas ou le systeme est soumis a un champ magnetique et que les particules sontchargees, de charge ei, il suffit de remplacer l’impulsion ~pi dans le Hamiltonien HN par~pi − ei

~A(~ri), ou ~A est le potentiel vecteur magnetique defini, a changement de jauge pres,par :

~B = ~rot ~A .

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UM2 Fevrier-Mars 2001 68

La densite monoparticulaire, f(~r , ~p; t) est une fonction sur l’espace des phases telle quef(~r , ~p; t)d3~r d3~p represente le nombre total de particules dont les positions et impulsionssont situees dans un volume d3~r d3~p de R6 autour de (~r , ~p) a l’instant t. Une facon dedefinir cette fonction est de poser :

f(~r , ~p; t) =N∑

i=1

δ(3)(~r − ~ri(t)) δ(3)(~p− ~pi(t)) ,

ou δ(3) est la mesure de Dirac dans R3. En effet, puisque l’integrale de cette mesure surun volume Λ vaut 1 si 0 ∈ Λ et 0 autrement, l’integrale de f sur un domaine Λ de R6 estexactement le nombre de particules i telles que (~ri, ~pi) ∈ Λ a l’instant t. Nous pouvonsdonc ecrire immediatement une equation d’evolution pour f , en utilisant les equations deHamilton (59), sous la forme :

∂f

∂t=

N∑

i=1

~∇δ(3) (~r−~ri(t)) δ(3)(~p−~pi(t))

(

− ~pi

m

)

+

N∑

i=1

δ(3) (~r−~ri(t)) ~∇δ(3)(~p−~pi(t))

(

∂V

∂~ri

)

.

Dans le premier terme du membre de droite, ~pi/m peut etre remplace par ~p/m puisque~x δ(3)(~x− ~a) = ~aδ(3)(~x− ~a). Ce premier terme se resomme pour donner :

∂f

∂t+ ~v · ~∇~rf =

N∑

i=1

δ(3) (~r − ~ri(t)) ~∇δ(3)(~p− ~pi(t))

(

∂V

∂~ri

)

,

ou ~v = ~p/m represente la vitesse locale des particules. Dans le membre de droite, lacontribution du potentiel des forces exterieures donne :

N∑

i=1

δ(3) (~r − ~ri(t)) ~∇δ(3)(~p− ~pi(t)) ~∇Vext (~ri) = ~∇~rVext~∇~pf (~r, ~p; t) .

Comme ~F (~r) = −~∇Vext est la force exterieure appliquee en ~r, nous pouvons ecrirel’equation d’evolution de f sous la forme :

∂f

∂t+ ~v · ~∇~rf + ~F · ~∇~pf =

(

∂f

∂t

)

coll

, (61)

expression dans laquelle, le terme de droite regroupe la partie de l’evolution provenantdes interactions. Malheureusement, cette partie est complique a traiter, de sorte qu’il esthabituel de la remplacer par des approximations fondees sur des arguments physiques. Etc’est la toute la difficulte.

Cependant, si la densite f est connue, il est aise d’en tirer les expressions utiles pourle transport. En effet, la densite de particules et la densite d’energie cinetique s’ecrivent :

ρmat(~r, t) =

R3

d3~p f(~r, ~p; t) , u(~r, t) =

R3

d3~p f(~r, ~p; t)

(

~p 2

2m

)

. (62)

De meme, les courants de matiere et d’energie peuvent s’exprimer au moyen des integrales :

~jmat =

R3

d3~p~p

mf , ~jU =

R3

d3~p~p

m

~p 2

2mf . (63)

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UM2 Fevrier-Mars 2001 69

p

p’

b

θ

Fig. 9 – Parametre d’impact b et angle de collision θ.-

Si les particules sont en moyenne suffisamment loin les unes des autres, de sorte que leterme d’interaction soit la plupart du temps petit devant l’energie cinetique, comme celase passe dans un gaz, la densite et le courant d’energie cinetique fournissent la totalite dela densite et du courant d’energie. En particulier, en l’absence de forces exterieures cesquantites fournissent la densite de chaleur et le courant thermique.

7.2 Section Efficace :

Pour calculer le terme de collision, il est courant de supposer que les collisions a troiscorps sont negligeabes. Cette approximation ne sera valide qu’en milieu dilue, comme lesgaz dans les conditions ordinaires de temperature et de pression, ou pour les electronsdans les conducteurs solides, comme les metaux. Dans cette approximation il convient dedecrire avec precision une collision a deux particules.

L’outil important sera la notion de section efficace de collision (cf. Figure 9). Lors d’unecollision avec un centre diffuseur, la trajectoire de la particule incidente, d’impulsion ~p,suit une droite D tant que les forces sont negligeables. Cette droite ne passe pas, engeneral, par le centre O des forces. Soit donc b la distance de cette droite avec la droitequi lui est parallele passant par O. b est appele parametre d’impact de la trajectoire. Dansle raisonnement qui suit, les forces agissant sur la particule sont supposee centrales, desorte que la trajectoire est entierement contenue dans le plan passant par O et contenantD. La Figure 9 est representee dans ce plan. L’action des forces est de devier la trajectoiredans une autre direction apres la collision, dans une direction faisant un angle θ avec D,dans le plan de collision.

Definition 7.1 (i) La section efficace differentielle, dσ(~p, ~ω)/d~ω, d’un centre diffuseur,est definie comme le nombre de particules diffusees par unite de temps et par unite d’anglesolide, dans une direction ~ω ∈ S

2, pour un faisceau de particules incidentes ayant unedensite de courant uniforme, parallele a son impulsion ~p.(ii) Si le centre diffuseur est le siege de forces centrales, la section efficace differentiellene depend que de p = |~p| et de l’angle θ que fait la direction des particules sortantes avecla direction incidente ~p.(iii) La section efficace totale est l’integrale :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 70

θ

p’

p

φφ

b

R

Fig. 10 – Section efficace d’une sphere dure.-

σ(~p) =

~ω∈S2

dσ(~p, ~ω) .

Le flux de particules dont le parametre d’impact est compris entre b et b+ db est donc leproduit du courant (qui vaut 1 ici) par l’aire dΣ = 2πbdb de la couronne circulaire definiepar [b, b+ db]. Une particule de parametre d’impact b sera diffusee dans une direction quisera asymptotiquement une autre droite faisant un angle θ avec l’axe Oz dans le plan dela trajectoire. En general θ est une fonction de b, ce qui peut s’ecrire de facon impliciteen disant que b est une fonction de θ. Les particules arrivant sur dΣ sont donc diffuseesdans un angle solide compris entre les directions d’angles θ et θ + dθ. Cet angle solidevaut donc d2~ω = 2π sin θdθ. La section efficace differentielle est donc donnee par

dσ(~p, ~ω)

d~ω=

b

sin θ

db

dθ=

1

2

db2

d cos θ.

Exemple 7.1 (Section efficace d’une sphere dure) Pour une bille spherique parfai-tement elastique (une sphere dure), la section efficace differentielle et la section efficacetotale valent :

dσ(~p, ~ω)

d~ω=

R2

4, σ = πR2 .

C’est donc l’aire d’un disque de rayon R.

En effet, pour une cible spherique de rayon R et parfaitement elastique (cf. Figure 10),appelee aussi sphere dure, les angles φ et θ sont relies par θ = π − 2φ. Ainsi commeb/R = sin φ,

cos θ = 2 sin2 φ− 1 = 2b2/R2 − 1 .

D’ou la formule pour la section efficace differentielle. Par integration sur les angles, onobtient sans difficulte la section efficace totale. 2

C’est donc l’aire du disque de rayon R sous laquelle la sphere est vue par le faisceauincident. Ainsi, la section efficace totale est une aire, l’aire effective sous laquelle on voitla cible, qui se mesure en unites de surface. Dans le systeme international, on devraitl’exprimer en m2. Mais dans la pratique, la taille des centres diffuseurs est souvent trop

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UM2 Fevrier-Mars 2001 71

petite. Ainsi une molecule a typiquement une taille de l’ordre de 5A de sorte que sasection efficace est de l’ordre de 2, 5 × 10−21m2. Il sera donc commode de choisir 1A2

comme unite moleculaire de section efficace. Pour un noyau atomique, le rayon est del’ordre de 1Fermi = 10−15m de sorte que l’unite nucleaire de section efficace est plutot10−30m2.

Definition 7.2 En physique nucleaire, l’unite de section efficace est le barn qui vaut10−28m2.

Les mesures de sections efficaces en physique nucleaire, fournissent souvent des valeurselevees. C’est le cas, par exemple de la section efficace de diffusion des neutrons thermiquessur le noyau de l’isotope 235 de l’Uranium, 235

92 U , reaction importante puisque c’est ellequi produit la fission utilisee dans les bombes atomiques et dans la production d’energienucleaire. Elle est de l’ordre de 600 barns, ce qui correspond a un rayon equivalent de130Fermis ! Comment le noyau peut-il apparaıtre si grand au neutron incident ? C’estque, le neutron etant une particule quantique, il se comporte, a ces tailles, comme uneonde de longueur d’onde donnee par la formule de de Broglie λdB = h/p. Ici, l’impulsionest donnee par la theorie cinetique p ≈ √

3mnkBT . Comme la masse du neutron estmn ≈ 1, 6 × 10−27kg, a la temperature ordinaire T = 300K, la longueur d’onde est del’ordre de 1A, c’est a dire 100.000 fois plus elevee que la taille du noyau ! Ainsi, memeloin, le neutron voit le noyau et en ressent les effets. Ce calcul d’ordre de grandeur montrequ’il faut alors utiliser la Mecanique Quantique pour calculer la section efficace de 235

92 Uvue par ces neutrons lents.Plus generalement, il convient de comparer trois echelles de longueur :

(i) le libre parcours moyen ` entre deux collisions,(ii) la longueur d’onde de de Broglie λdB de la particule incidente,(iii) le rayon effectif Reff de la cible, vue par la particule incidente, donne par la sectionefficace totale σ = πReff

2.La section efficace ne peut etre calculee dans le cadre de la Mecanique Classique quesi λdB Reff , sinon il faut utiliser la Mecanique Quantique. Par ailleurs, on ne pourranegliger les collisions a trois corps que si ` Reff , i.e. si le libre parcours moyen est granddevant le rayon effectif de la cible. Dans le cas d’une molecule d’oxygene, dont la masseest 32mn, a la temperature ordinaire, le calcul precedent montre que λdB ≈ 0, 2A. Or lataille typique de cette molecule est de l’ordre de 2−3A, donc 10−15 fois plus grande ! Lecalcul classique est donc justifie pour la section efficace. De plus le libre parcours moyense calcule en ecrivant que dans un cylindre de longueur ` et de section σ = πReff

2 ily a en moyenne une seule molecule de sorte que si la densite du gaz est ρmat il vient`πReff

2ρmat = 1. Pour l’oxygene a T = 300K, il y a N = 6, 02 × 1023 molecules parmole, donc dans 22, 4l. Pour un rayon effectif de 3A, le libre parcours moyen est environ` = 1200A. Ainsi dans un gaz comme l’oxygene, ou comme l’air :

Gaz a T = 300K, a pression ordinaire ` Reff λdB .

Nous pouvons donc, dans un gaz, dans les conditions ordinaires de temperature et depression, effectuer le calcul classiquement et ignorer les collisions a trois corps.Dans un milieu dense, comme un liquide, le libre parcours moyen est du meme ordrede grandeur que le rayon effectif. Pour l’eau, par exemple, on trouve ` ≈ 1A, alors queReff ≈ 2 − 3A. Dans ce cas, il n’est plus possible d’ignorer les collisions a trois corps. Latheorie de Boltzmann a deux corps sera en defaut.

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UM2 Fevrier-Mars 2001 72

Exemple 7.2 (Formule de Rutherford) La section efficace differentielle d’une chargeelectrique ponctuelle de charge q1 vue par une charge q2 de meme signe d’energie incidenteE vaut :

dσ(~p, ~ω)

d~ω=

(

q1q24πε0E

)21

16 sin4 (θ/2).

En particulier, la section efficace totale est infinie.

Calcul de la formule de Rutherford : Cette formule fut etablie par Rutherford a l’occasion desexperiences menees a Manchester durant les annees 1906-1910 sur les collisions de particules α. Ce sontces experiences qui lui permirent de decouvrir l’existence du noyau atomique et d’en mesurer le rayon.C’est ainsi qu’il realisa que la taille du noyau etait beaucoup plus petite que celle de l’atome (100.000fois plus petite !) et ce furent ces resultats qui l’inciterent a promouvoir le modele planetaire de l’atome,lequel fut justifie en 1913 par la theorie des quanta dans la version de Niels Bohr.

Pour simplifier le raisonnement, les deux charges seront supposees avoir le meme signe, de sorte que laforce coulombienne est repulsive. Mais le raisonnement s’etend sans difficulte au cas attractif. Soient ~r1

et ~r2 les positions de chacune de ces charges et m1, m2 leurs masses. La force coulombienne vaut donc :

~F = κ~r

r3, avec ~r = ~r2 − ~r1 , r = ‖~r‖ , κ =

q1q2

4πε0> 0 .

Par consequent, le mouvement des deux charges se decompose entre celui de leur centre de masse, qui secomporte comme une particule libre ponctuelle de masse M = m1 + m2, et celui autour de leur centrede masse, equivalent a celui d’une particule ponctuelle de masse m dans le champ de la force centrale ~F .Ici m designe la masse reduite des deux particules, definie par 1/m = 1/m1 + 1/m2. Il suffit donc de neconsiderer que le mouvement autour du centre de masse, dont la trajectoire est solution des equations deNewton :

d~r

dt=

~p

m,

d~p

dt= κ

~r

r3.

Il est aise de verifier directement que l’energie totale H, le moment cinetique ~L et le vecteur de Runge-Lenz~e, definis ci-dessous, sont constants le long des trajectoires :

H =~p2

2m+

κ

r, ~L = ~r ∧ ~p , ~e =

~r

r− 1

κm~L ∧ ~p .

Par conservation du moment cinetique, la trajectoire est contenue dans le plan perpendiculaire a ~L. Parailleurs, le module du vecteur de Runge-Lenz, e = ‖~e‖ est donne par :

e2 = 1 − 2

κmr〈~r|~L ∧ ~p〉 +

~L2~p2

κ2m2= 1 +

2

κ2m~L2 ~p2

2m+

κ

r = 1 +

2

κ2m~L2 H > 1 . (64)

Soit φ l’angle que font ~r et le vecteur de Runge-Lenz ~e. Dans ces conditions :

〈~e|~r〉 = e r cosφ = r + R , R =~L2

κm.

En particulier, r > 0 et R > 0 impliquant cosφ > 1/e, −π/2 < −φ∞ < φ < φ∞ < π/2, si cosφ∞ = 1/e.De plus, r → ∞ si φ → ±φ∞.L’equation precedente est l’equation polaire d’une hyperbole. Pour le voir, soit Oz l’axe defini par ~L etOx celui defini par ~e, de sorte que le troisieme axe Oy soit defini par ~L∧ ~e. Le choix de l’origine O est lecentre des forces. Puisque le mouvement s’effectue dans le plan Oxy, soient x et y les composantes de ~rdans ces axes. Ainsi l’equation precedente fournit :

r2 = x2 + y2 = (ex − R)2

, =⇒ (e2 − 1)

(

x − eR

e2 − 1

)2

− y2 =R2

e2 − 1,

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UM2 Fevrier-Mars 2001 73

e

L

b

φ∞

θ

y

r0

x

Fig. 11 – Diffusion coulombienne.-

qui est bien l’equation d’une hyperbole en coordonnees cartesiennes. De plus cette equation montre queles deux asymptotes se coupent en ~r0 = (x0, y0) = (eR/(e2−1), 0). Par ailleurs, l’equation polaire montrequ’elles font un angle 2φ∞, de sorte que l’angle de diffraction est θ = π − 2φ∞. Enfin, le parametred’impact b est defini comme la distance de l’une de ces deux asymptotes a l’origine, ce qui fournit :

b =eR sinφ∞

e2 − 1.

Avant de conclure, il convient d’exprimer R en fonction de l’energie incidente E = H du systeme dans lecentre de masse. Pour cela, l’equation (64) nous conduit a :

R =κ

2E(e2 − 1) , =⇒ b2 =

( κ

2E

)2

e2 sin2 φ∞ .

Puisque cosφ∞ = 1/e et θ = π − 2φ∞, un peu de trigonometrie elementaire montre que :

b2 =( κ

2E

)2 1 + cos θ

1 − cos θ, =⇒ 1

2

db2

d cos θ=( κ

E

)2 1

16 sin4 θ/2.

2

7.3 L’approximation de collisions a deux corps

Lequation (61) obtenue a la fin du paragraphe 7.1, contient un terme de droite representantl’effet des interactions sur l’evolution de la densite monoparticulaire. Dans un milieu dilue,ce terme peut etre approxime de facon staisfaisante en negligeant toutes les contibutionsautres que les collisions a deux corps. Plus precisement, les hypotheses necessaires a lavalidite de cette approximation sont les suivantes :

1. Les seuls effets des interactions retenus sont les contributions des collisions a deuxcorps. Dans un systeme suffisament dilue, au sens ou le libre parcours moyen elasti-que est grand devant la taille typique de la region de collision, une telle approxima-tion est legitime. Ce sera bien sur le cas pour les gaz. Mais certains systemes densespeuvent aussi satisfaire cette condition si la probabilite de collisions a trois corps ouplus est negligeable devant celle des collisions a deux corps.

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UM2 Fevrier-Mars 2001 74

2. chaque collision sera consideree comme locale. En d’autre terme, la distance surlaquelle le potential d’interaction est important est consideree comme negligeabledevant le libre parcours moyen elastique. Au vue de la condition precedente, cetteapproximation est toute aussi legitime. Une mesure de cette distance d’interactionest donnee par le rayon effectif Reff obtenu a partir de la section efficace totale decollision. Dans ces conditions il nous faudra

Reff `

3. chaque collision sera aussi consideree comme instantanee. Ceci revient a negliger laduree de la collision devant le temps de relaxation separant en moyenne deux colli-sions. Cette approximation est valide dans les memes conditions que la precedente.

4. enfin, les correlations a deux particules sont negligees. Ceci signifie que la densitede probabilite f12(~r1, ~p1;~r2, ~p2; t) de trouver, a l’instant t, une particule en (~r1, ~p1)et une autre en (~r2, ~p2) est factorisable en

f12(~r1, ~p1;~r2, ~p2; t) ≈ f(~r1, ~p1; t) f(~r2, ~p2; t) .

Sous les conditions precedentes, au cours d’une collision a deux corps, les autres particulesdu systeme peuvent etre ignorees de sorte a se ramener a un probleme a deux particulesidentiques de masse m dont les positions et impulsions seront notees (~r1, ~p1) et (~r2, ~p2)respectivement, interagissant par le biais d’un potentiel de la forme V (~r1 − ~r2) a courteportee. Dans ces conditions, le mouvement total se decompose en mouvement du centrede masse et mouvement interne. Le centre de masse se comporte comme une particulelibre de masse M = m1 + m2 (ici m1 = m2 = m), d’impulsion ~P = ~p1 + ~p2 et d’energie

E = ~P 2/2M . Le mouvement interne est identique a celui d’une particule de masse µ, lamasse reduite, donnee par 1/µ = 1/m1+1/m2, de position ~r = ~r1−~r2, de vitesse ~v = ~v1−~v2

(donc d’impulsion ~p = (m2~p1 −m1~p2)/M = (~p1 − ~p2)/2) et d’energie ~p 2/2µ + V (~r). Lacollision devient donc, dans le repere du centre de masse, la diffusion d’une particule parun potentiel, decrite par une section efficace de diffusion σ comme au paragraphe 7.2.Comme la collision est instantanee, le temps de collision t est fixe, de sorte qu’a l’instantt− 0 la collision n’a pas encore eu lieu, tandis qu’a l’instant t+ 0 elle s’est deja produite.De plus, comme la collision est locale, les positions des deux particules n’ont pas eu letemps de changer et coıncident avec la position ~r ou se deroule la collision. Seules lesimpulsions changent au cours de ce processus. Soient donc ~p1, ~p2 les impulsions des deuxparticules avant la collision (impulsions entrantes) et ~p3, ~p4 les impulsions juste apres lacollision (impulsions sortantes). Comme le mouvement du centre de masse est celui d’uneparticule libre, l’impulsion totale est conservee. De plus l’energie totale du systeme estaussi conservee. Les hypotheses de localite et d’instantaneıte impliquent que l’energietotale est purement cinetique avant et apres la collision, puisqu’alors, la distance entre lesparticules est telle que le potentiel d’interaction ne joue plus de role. Au total donc lesdeux relations de conservations se resument en :

~p1 + ~p2 = ~p3 + ~p4 , ε1 + ε2 = ε3 + ε4 , ou εi =~p 2

i

2m. (65)

Pour construire le terme de collision dans l’equation d’evolution, le resultat suivant seratres utile :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 75

Lemme 7.1 Soit g(~p1, ~p2, ~p3, ~p4) une fonctions continue et a decroissance suffisamentrapide a l’infini. Alors :

R3×4

d3p2 d3p3 d

3p4 δ(ε1 + ε2 − ε3 − ε4) δ(3)(~p1 + ~p2 − ~p3 − ~p4)g(~p1, ~p2, ~p3, ~p4) =

R3

d3p2

S2

d2ω|~p1 − ~p2|

m

m2

4g

(

~p1, ~p2,1

2(~p1 + ~p2 + p12~ω),

1

2(~p1 + ~p2 − p12~ω)

)

, (66)

ou p12 = |~p1 − ~p2|.

Preuve : designons par I l’integrale de gauche. Effectuons d’abord le changement de variable suivant :

~P12 = ~p1 + ~p2 , ~p12 = ~p1 − ~p2 , ~P34 = ~p3 + ~p4 , ~p34 = ~p3 − ~p4 ,

Alors l’element d’integration devient :

d3p2 d3p3 d3p4 =1

8d3P12 d3P23 d3p23 ,

De plus :

~p 21 + ~p 2

2 =1

2[~P 2

12 + ~p 212] , ~p 2

3 + ~p 24 =

1

2[~P 2

34 + ~p 234] ,

Alors l’integrale I devient :

I =1

8

R3×4

d3P12 d3P34 d3p34 δ(3)(~P12 − ~P34) δ

(

1

4m[~P 2

12 + ~p 212 − ~P 2

34 + ~p 234]

)

g(· · ·) ,

La premiere mesure de Dirac permet d’eliminer l’integration sur ~P34. La seconde se calcule en passantaux coordonees polaires par rapport a ~p34, apres avoir utilise la formule :

δ(F (x)) =∑

y;F (y)=0

δ(x − y)

F ′(y).

L’element d’integration en coordonnees polaires s’ecrit d3p34 = p234dp34d

2ω, ou ~ω est la position duvecteur unitaire porte par ~p34 sur la sphere S2 et p34 = |~p34|. Par ailleurs, la formule precedente fournitδ(~p 2

12 − ~p 234) = 2mδ(p12 − p34)/p12. L’integration sur p34 devient triviale, en raison de cette mesure de

Dirac, et conduit a la formule (66), apres avoir recalcule V3 et ~p4 en terme de ces nouvelles variables. 2

7.4 L’equation de Boltzmann

Dans l’approximation des collisions a deux corps, le terme de collision I(f)(~r, ~p; t) =(∂f/∂t)coll est la somme de deux contributions :

1. un terme de perte Iperte provenant des particules qui, a l’instant t − 0, se trouventen (~r, ~p) dans l’espace des phases, et subissent une collision avec une particule d’im-pulsion ~p2 pour produire, au meme point ~r, deux particules d’impulsions ~p3 et ~p4

juste apres la collision a l’instant t+ 0.

2. un terme de gain Igain provenant des particules qui, a l’instant t− 0, se trouvent en~r, possedent des impulsions ~p3, ~p4 et subissent une collisions produisant, au memeendroit, a l’instant t + 0, une particule d’impulsion ~p. Ce terme de gain s’obtient apartir du terme de perte en effectuant un renversement du temps, puisque la collisiona deux corps est invariante par renversement du temps.

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La contribution Iperte se calcule au moyen de la section efficace de collision. Le flux incidentde particule est proportionnel a la densite de trouver deux particules en (~r, ~p = ~p1) eten (~r, ~p2). Par l’hypothese d’absence de correlation a deux corps, ce flux est donne parΦi = p/µ f(~r, ~p1; t)f(~r, ~p2; t)d

3p2, compte tenu du fait que la variable ~p2 peut prendren’importe quelle valeur (ici µ = m/2 et p = |~p2 − ~p1|/2 est le module de l’impulsionrelative) . Si, a l’issue de la collision, les nouvelles impulsions sont ~p3 et ~p4, en raison de laconservation de l’energie totale et de l’impulsion totale, seule la direction ~ω de ~p4 − ~p3 estsusceptible de varier, et le nombre de ces particules se retrouvant dans un angle solide d2ω,autour de ~ω, apres collision, est alors donne par Φidσ(p; ~ω) si p = |~p2−~p1|/2 = |~p4−~p3|/2.Ainsi le taux de variation Iperte s’obtient en sommant toutes ces contributions :

Iperte = −∫

R3

d3p2

S2

d2ω|~p2 − ~p1|

mf(~r, ~p1; t) f(~r, ~p2; t)

d2ω

( |~p2 − ~p1|2

, ~ω

)

.

Utilisant le resultat du Lemme 7.1, cette integrale s’ecrit sous la forme :

Iperte = −∫

R3×4

d3p2 d3p3 d

3p4 δ(ε1 + ε2 − ε3 − ε4) δ(3)(~p1 + ~p2 − ~p3 − ~p4)

· · · W (~p1, ~p2; ~p3, ~p4)f(~r, ~p1; t) f(~r, ~p2; t) ,

a condition que

W =4

m2

d2ω(67)

W (~p1, ~p2; ~p3, ~p4) est la densite de probabilite, par unite de temps, pour qu’une paire de par-ticules d’impulsions ~p1, ~p2 acquiert les impulsions ~p3, ~p4 apres collision. L’indiscernabilitedes particules, conduit a l’invariance de W par les echanges ~p1 ↔ ~p2 et ~p3 ↔ ~p4. De plusl’invariance du mouvement microscopique par renversement du temps rend invariant Wpar l’echange (~p1, ~p2) ↔ (~p3, ~p4).Le deuxieme terme Igain, s’obtient par le meme type d’argument et fournit, en raison del’invariance par renversement du temps :

Igain = +

R3×4

d3p2 d3p3 d

3p4 δ(ε1 + ε2 − ε3 − ε4) δ(3)(~p1 + ~p2 − ~p3 − ~p4)

· · · W (~p1, ~p2; ~p3, ~p4)f(~r, ~p3; t) f(~r, ~p4; t) ,

Ce raisonnement conduit donc a l’equation de Boltzmann :

∂f

∂t(~r, ~p; t) +

~p

m· ~∇~rf(~r, ~p; t) + Fext(~r; t) · ~∇~pf(~r, ~p; t) = I(f) , Boltzmann (1872)

(68)ou Fext est la somme des forces exterieures appliquees, qui ne dependent pas de l’impulsion~p, et le terme de collision s’ecrit sous la forme :

I(f) = −∫

R9

d3~p2 d3~p3 d

3~p4 W (~p, ~p2; ~p3, ~p4) δ(~p+ ~p2 − ~p3 − ~p4) δ(ε + ε2 − ε3 − ε4)

×f(~r, ~p; t)f(~r, ~p2; t) − f(~r, ~p3; t)f(~r, ~p4; t) . (69)

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UM2 Fevrier-Mars 2001 77

Exemple 7.3 Pour un gaz de spheres dures de masse m et de rayon R, le potentiel vautV (~r1 − ~r2) = ∞ si |~r1 − ~r2| ≤ 2R et V (~r1 − ~r2) = 0 si |~r1 − ~r2| > 2R. Dans le centre demasse le mouvement devient collision d’une particule ponctuelle sur une sphere dure derayon 2R de sorte que (cf. exemple 7.1) :

W (~p1, ~p2; ~p3, ~p4) =4R2

m2.

2

Nous remarquons que :

R3

d3~p I(f)(~r, ~p; t) = 0 .

En effet, grace a l’equation (69), cette integrale s’ecrit comme une integrale sur quatreimpulsions ~p1, · · · , ~p4 et l’integrand change de signe par echange (~p1, ~p2) ↔ (~p3, ~p4). Enconsequence de quoi, les equations de continuite restent valides (cf eq. (79,80)) .

L’equation de Boltzmann se generalise a toutes les situations concernant les milieux dilues.C’est le cas des melanges de gaz, des flammes dans lesquelles des reactions chimiquespeuvent avoir lieu par combustion, du gaz d’electrons polarises dans les semi-conducteursutilises pour ce que l’on appelle aujourd’hui l’electronique de spin, des plasmas dans leSoleil ou les etoiles, des gaz interstellaires susceptibles de s’effondrer gravitationnellementpour la constitution des etoiles ou des systemes planetaires. Il conviendra, dans chaquecas, de s’adapter pour tenir compte de la constitution du fluide considere.Prenons tout d’abord l’exemple d’un melange gazeux. Designons par A = a, b · · · l’alpha-bet des symboles representant les differents types de molecules presentes dans le melangegazeux. Pour l’air, par exemple nous aurions A = N2, O2, CO2 si on souhaite ne conser-ver que les trois molecules les plus abondantes. Dans ce cas, la densite monoparticulairedoit inclure la variable σ ∈ A de sorte que f devient une fonction de (~r, ~p, t, σ). Comme σvarie dans un ensemble fini, il est commode de l’indiquer en indice sous la forme fσ(~r, ~p; t).Lors d’une collision a deux corps, les particules incidentes correspondent aux especes σ1, σ2

et ont pour impulsions ~p1, ~p2. A la sortie, nous aurons respectivement les molecules σ3, σ4

et les impulsions ~p3, ~p4. Ainsi W va dependre des quatre indices σi et former ainsi unematrice W(σ1,σ2;σ3,σ4)(~p1, ~p2; ~p3, ~p4). Si les differentes molecules ne reagissent pas entre elleschimiquement, alors il y aura conservation des indices σ de sorte que les molecules desortie soient les memes que les molecules d’entree. Si, au contraire, il y a reaction chi-mique, comme dans une combustion, alors les molecules de sortie peuvent etre differentesdes molecules d’entree, de sorte que W donnera la probabilite, par unite de temps, dechacune des reactions chimiques presentes dans le systeme.De meme, les deux proprietes d’indiscernabilite et d’invariance microscopique par renver-sement du temps devront etre adaptees a chacun des systemes consideres. Ainsi, dans ungaz d’electrons polarises par un champ magnetique ~B, il conviendra de ne pas oublier dechanger le signe du champ magnetique lors du renversement du sens du temps dans lesproprietes de W .

7.5 Le Theoreme H

Parmi les solutions de l’equation de Boltzmann, figurent les etats stationnaires a savoirceux qui ne dependent pas du temps. Parmi ces etats, les etats d’equilibre sont les plus

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UM2 Fevrier-Mars 2001 78

remarquables. Ce sont des etats vers lesquels toute solution converge en l’absence de forceexterieure appliquee. Pour les decrire, Boltzmann utilisa une quantite qu’il appelait H,definie par :

Hf(t) =

R3

d3r

R3

d3p f(~r, ~p; t) ln (f(~r, ~p; t)) . (70)

Il se trouve que cette expression fut interpretee plus tard, suite aux travaux de Shannon en1947, comme l’oppose de l’entropie d’information S(f) contenue dans la loi de probabiliteassociee a f . Si f est normalisee au nombre total de particules N , alors f/N est uneprobabilite et son entropie est definie par :

Definition 7.3 L’entropie d’information S(f) associee a la distribution monoparticulaireest donnee par :

S(f)(t) = −∫

R3

d3r

R3

d3pf(~r, ~p; t)

Nln

(

f(~r, ~p; t)

N

)

= −Hf(t)

N+ lnN .

Ainsi l’entropie differe de H par le signe, par la normalisation de f , et une constante. Lefameux theoreme H de Boltzmann peut se reformuler comme suit :

Theoreme 7.1 (Theoreme H) Sous l’hypothese que la densite monoparticulaire s’an-nule a l’infini en ~r et en ~p, l’entropie d’information S(f) ne peut qu’augmenter au coursdu temps.

Preuve : Il suffit donc de prouver que dHf/dt ≤ 0. L’equation (70) conduit immediate-ment a :

dHf

dt=

R3

d3r

R3

d3p∂f

∂t(1 + ln f) ,

L’equation de Boltzmann (68) fournit donc :

dHf

dt=

Λ

d3r

R3

d3p (1 + ln f)

(

− ~p

m· ~∇~rf − ~Fext · ~∇~pf + I(f)

)

. (71)

Nous remarquons d’abord que :

(1 + ln f) ~∇~rf = ~∇~r (f ln f) , (1 + ln f) ~∇~pf = ~∇~p (f ln f) .

Nous allons montrer que les deux premiers termes du membre de droite de (71) sont nulset ne contribuent pas a la variation de Hf . En effet considerons tout d’abord

~p · ~∇~r = px∂

∂x+ py

∂y+ pz

∂z,

constitue de trois termes similaires. Le premier de ces trois termes contribue a l’integralecomme suit :

−∫

R3

d3ppx

m

R3

dy dz dx∂

∂x(f ln f) = −

R3

d3ppx

m

R2

dy dz [f ln f ]x=+∞x=−∞ = 0 ,

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UM2 Fevrier-Mars 2001 79

puisque nous avons suppose que la densite monoparticulaire f s’annule a l’infini, en ~r.Le meme raisonnement s’applique pour le terme impliquant ~Fext, sachant que ~Fext · ~∇~p =Fx∂/∂x+Fy∂/∂y+Fz∂/∂z. Le premier de ces trois termes contribue a l’integrale commesuit :

−∫

R3

d3r Fx(~r; t)

R3

d3~p∂

∂px(f ln f) = −

R3

d3r Fx(~r; t)

R2

dpy dpz [f ln f ]px=+∞px=−∞ = 0 ,

parce que f s’annule a l’infini en ~p. Il ne nous reste donc que le terme de collision dans lemembre de droite de (71). Grace a l’expression explicite de I(f) (69), il s’ensuit que :

dHf

dt= −

R15

d3~r

4∏

i=1

d3~pi W δε δp (f1f2 − f3f4) (ln f1 + 1) ,

ou les variables ne sont pas indiquees dans W , les symboles δε et δp sont une notationabregee pour representer les mesures de Dirac imposant les relations de conservation del’energie et de l’impulsion respectivement, tandis que fi = f(~r, ~pi; t) si i ∈ 1, 2, 3, 4. Lasymetrie de renversement du temps (~p1, ~p2) ↔ (~p3, ~p4) change le signe de l’integrand ettransforme ln f1 + 1 en ln f3 + 1 de sorte que :

dHf

dt=

R15

d3~r4∏

i=1

d3~pi W δε δp (f1f2 − f3f4) (ln f3 + 1) .

En prenant la demi-somme de ces deux expressions, il vient :

dHf

dt= −1

2

R15

d3~r

4∏

i=1

d3~pi W δε δp (f1f2 − f3f4) (ln f1 − ln f3) .

De meme, l’indiscernabilite des particules entrantes ou sortantes conduit aux echanges~p1 ↔ ~p2 et ~p3 ↔ ~p4 qui laissent tous les termes de l’integrand invariant sauf (ln f1 − ln f3)transforme en (ln f2 − ln f4). Prenant la demi-somme de ces deux contributions il vientencore :

dHf

dt= −1

4

R15

d3~r4∏

i=1

d3~pi W δε δp (f1f2 − f3f4) (ln f1f2 − ln f3f4) ≤ 0 . (72)

En effet, si x, y sont des nombres positifs ou nuls, (x−y) est de meme signe que (ln x−ln y)puisque x ∈ R+ 7→ ln x ∈ R est une fonction croissante, de sorte que (x−y)(lnx−ln y) ≥ 0.Ainsi, l’integrand du membre de droite de (72) est le produit de termes positifs ou nuls,prouvant le theoreme. 2

Le Theoreme H a plusieurs consequences conceptuelles. Tout d’abord il complete le secondprincipe de la Thermodynamique lequel exprime le fait que tout changement d’equilibreconduit a une augmentation de l’entropie thermodynamique. Ici l’evolution du sytemene se fait plus a l’equilibre, mais conduit tout de meme a l’augmentation de l’entropied’information. Si, comme le fit Boltzmann plus tard, nous identifions les deux entropiesau moyen de la formule de Boltzmann generalisee :

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S(t) = kB ln (S(f)) ,

dans le cadre de l’approximation d’equilibre local, l’equation de Boltzmann conduit biena une augmentation de l’entropie au cours du temps. Par ailleurs, la preuve du TheoremeH nous montre que cette augmentation d’entropie se produit au cours des collisions. Ceciest du au fait qu’il y a perte d’information lors de ces collisions en raison de la sensibilitedes donnees de sorties par variation des donnees d’entree. Nous exprimons ceci dans ladefinition du terme de collision par le biais de la section efficace qui contient implicite-ment un concept probabiliste : nous ne pouvons predire avec certitude que la densite deprobabilite, par unite de temps, pour que deux particules incidentes d’impulsions ~p1, ~p2

donnent des impulsions de sortie ~p3, ~p4.Cependant cette equation contient une conclusion paradoxale qui ne manqua pas d’etrementionnee par les contemporains de Boltzmann pour en conclure que son equation etaitincorrecte. En effet, alors que la dynamique microscopique est invariante par renverse-ment du temps, l’equation de Boltzmann ne l’est plus. En effet, par renversement dutemps dHf/dt devient positive, et le Theoreme H serait viole si le renversement du tempsetait une symetrie de l’equation. Ainsi les deux sens du temps sont distingues et celui quenous observons correspond a l’augmentation de l’entropie. La contreverse qui s’ensuivitisola beaucoup Boltzmann au sein de la communaute scientifique de langue allemande etil en ressentit beacoup d’amertume. L’hostilite de ses collegues contribua probablement aaccentuer son etat depressif qui le conduisit a se suicider en 1906 lors d’un sejour a Triesteen Italie, pres de la frontiere actuelle avec la Yougoslavie, precisement a une epoque ou lageneration plus jeune commencait a reconnaıtre l’importance de ses travaux. Aujourd’hui,plus personne ne doute de la validite des equations de Boltzmann pour decrire les milieuxdilues. Ces equations sont utilisees aujourd’hui pour les calculs de transport dans les semi-conducteurs, dans certains problemes fins d’hydrodynamique, en aeronautique, autant dedomaines dont les applications industrielles sont d’une grande importance economique.Elles sont utilisees aussi pour la physique des plasmas, la combustion, la physique statis-tique des etoiles et des systemes auto-gravitant.On peut donc se poser la question de comprendre comment la perte d’information seproduit dans les systemes physiques. On peut regrouper les differents mecanismes endeux categories. Le premier consiste a supposer que le systeme considere est ouvert desorte qu’il est en contact avec un autre systeme appele bain thermique. Dans ce cas, la partd’information venant du bain est inaccessible et par consequent le systeme lui-meme perdde l’information au cours du temps. Mais il existe un deuxieme mecanisme, plus subtil,a savoir, pour les systemes fermes mais infinis, la perte d’information par propagation al’infini.Un exemple tres eclairant de ce mecanisme est fourni par un reseau d’impedances (selfet capacites) non resistives (cf. Figure 12). La partie resistive etant nulle, les impedancessont toutes purement imaginaires. Pour un reseau fini, la resistance equivalente entre deuxpoints fixes du reseau ne peut etre elle-meme que purement imaginaire en raison des loisde Kirchoff. En effet, si on considere deux impedances Z1, Z2 en serie, l’impedance totalevaut Z = Z1 + Z2, tandis que si elles sont en parallele 1/Z = 1/Z1 + 1/Z2. Ainsi, dansles deux cas, si Z1 et Z2 sont purement imaginaires, Z est aussi purement imaginaire.De proche en proche donc, l’impedance equivalence d’un reseau fini d’impedances nonresistives ne peut etre que purement imaginaire, donc non resistive. Pourtant, dans lecas d’un reseau infini d’impedances non resistives aleatoires, la theorie du milieu effectif

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Z Z Z Z

Z Z

Z Z Z Z

Z Z Z Z

Z

1 2 3 4

6 7Z 5

8 9 10 11

Z12 13Z 14

15 16 17 18

Fig. 12 – Reseau d’impedances aleatoires

predit que l’impedance equivalente du reseau, vue entre deux points A et B, possedeune partie resistive. Comment cela est-il possible ? La reponse est la suivante : supposonsqu’un courant alternatif soit envoye dans ce reseau depuis le point A. Comme la partieresistive est nulle, le signal va se propager sans perte a travers le reseau comme une onde.Tandis qu’une partie de l’onde sera recuperee en B, le reste peut se propager jusqu’al’infini sans jamais revenir au point B, sans qu’il y ait de reflexions sur les “bords”. Ainsiune partie de l’information contenue dans le signal est perdue, produisant une resistanceequivalente ayant une partie resistive. C’est aussi par ce mecanisme qu’une antenne peutetre representee au moyen d’une impedance equivalente possedant une partie resistive (laresistance du vide). Il en sera de meme de tout systeme conservatif hamiltonien s’etendantjusqu’a l’infini, avec un nombre infini de particules.

Un etat d’equilibre sera donc une solution stationnaire de l’equation de Boltzmann d’en-tropie maximum. Si l’entropie n’est pas maximale, alors la moindre perturbation de ladynamique ou des conditions initiales fera remonter l’entropie, de sorte que le systemen’est pas en equilibre. Un tel etat doit donc etre une solution f telle que dS(f)/dt = 0(ou encore dHf/dt = 0). Au vu de l’equation (72), ceci n’est possible que si l’integrandapparaissant dans le membre de gauche est nul partout. La presence des deux mesures deDirac nous indique que dans le domaine dans lequel les lois de conservations sont violees,l’integrand est nul de toute facon. Par contre dans le domaine pour lequel ces lois sontsatisfaites il faut que f1f2 = f3f4. Ainsi :

~p1 + ~p2 = ~p3 + ~p4 , & ε1 + ε2 = ε3 + ε4 ⇒ ln f1 + ln f2 = ln f3 + ln f4 .

Differentiant la derniere identites par rapport a ~pi en ~pi = ~p, compte tenu des contraintesdonnees par les relations de conservation, nous sommes amenes a introduire des multipli-cateurs de Lagrange β et γ , susceptibles de dependre de ~r et de t de sorte que :

∂~pi

ln (f1 f2) − ln (f3 f4) − ~γ · (~p1 + ~p2 − ~p3 − ~p4) + β(p2

1

2m+

p22

2m− p2

3

2m− p2

4

2m)

= 0 ,

La solution de cette equation fournit :

f(~r, ~p; t) = e(α−~γ·~p−βp2/2m) , (73)

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UM2 Fevrier-Mars 2001 82

expression dans laquelle α, la “constante d’integration”, peut aussi dependre de ~r et de t.Comme f est un etat stationnaire, l’exposant est independant du temps quelles que soientles valeurs de ~p. Il s’ensuit que ni α, ni β, ni ~γ ne dependent de t. Reportant dans l’equationde Boltzmann, comme I(f) = 0, il s’ensuit qu’en l’absence de forces exterieures :

~p

m· ~∇~r(α− ~γ · ~p− βp2/2m) = 0 , ∀~p ∈ R

3 .

Cette equation est polynomiale en ~p de sorte que chacun des cœfficients s’annule. Ainsi,~∇~rα = 0, ~∇~rβ = 0 et chacune des composantes de ~γ satisfait ~∇~rγi = 0. Ainsi α, β, et ~γsont des constantes. Posant alors ~p0 = m~γ/β, les etats d’equilibre satisfont :

f(~r, ~p) =1

Ze−β(~p−~p0)2/2m ,

ou Z est une constante. Si f est normalisee au nombre de particules, et si le volume dudomaine Λ dans lequel est enferme le systeme est egal a V , la condition de normalisationconduit a :

f(~r, ~p) = ρmat

(

β

2πm

)3/2

χΛ(~r) e−β(~p−~p0)2/2m ,

expression dans laquelle χΛ est la fonction qui vaut 1 sur Λ et 0 ailleurs, tandis que ρmat

est la densite de particules. Ainsi, les etats d’equilibre solution de l’equation de Boltzmannne sont pas autre chose que des distributions de Maxwell-Boltzmann dans un repere enmouvement de vitesse uniforme ~v = ~γ/β, a condition que l’on identifie β a la temperatureinverse selon β = 1/kBT . D’ou le resultat :

Theoreme 7.2 (Boltzmann, 1872) Les solutions d’equilibre de l’equation de Boltz-mann en l’absence de forces exterieures, dans un volume fini, sont les distributions deMaxwell dans un repere en mouvement rectiligne uniforme.

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7.6 Le modele de Lorentz :

Dans un article paru en 1905, Lorentz donna une version du modele de Drude I fondeesur l’approche qu’avait proposee d’abord Maxwell puis Boltzmann dans leurs travaux surles gaz dilues. A cet effet, il utilise la formalisme precedent en donnant une expressionpour le terme de collision.Dans ce modele, Lorentz suppose que les centres diffuseurs sont beaucoup plus lourds quela particule incidente. De la sorte, la vitesse acquise par le centre diffuseur est pratiquementnulle et l’energie transferee est negligeable. Dans ces conditions, l’impulsion de sortie dela particule ~p ′ admet le meme module que ~p et la collision est entierement caracteriseepar les deux parametres b et θ. Puisque la particule diffusee conserve son energie cinetiqueau cours du choc, ce modele n’est autre que le modele de Drude I. Par ailleurs, Lorentzadmet implicitement que la duree de la collision est tres courte devant le temps τcoll entredeux collisions : la collision est instantanee. Enfin, le rayon effectif des cibles est supposepetit devant le libre parcours moyen, de sorte qu’entre le debut et la fin de la collision, laparticule incidente n’a pratiquement pas change de position : la collision est locale.

Cette situation s’applique bien au cas des electrons dans les conducteurs. Les centresdiffuseurs sont en effet les sources de phonons, a savoir les centres atomiques deplaces parle passage des electrons sous l’action de la force coulombienne. Les mesures de conductiviteelectrique dans les metaux fournissent des temps de collision de l’ordre de 10−13−10−14 s.Par exemple, dans le cuivre Cu, τcoll = 21 × 10−14 s ([1], p. 10). Par ailleurs l’energiedes electrons de conduction est donnee par l’energie de Fermi EF = kBΘF , dans laquellela temperature de Fermi ΘF est comprise entre 11.000 et 130.000K. Pour Cu, elle vautΘF = 8, 16×104K ([1], p. 38). Si les electrons sont consideres comme libres, cette energieest entierement cinetique. Ainsi son impulsion moyenne est donnee par pF =

√3m∗kBΘF

et sa vitesse par vF = pF/m∗. La masse effective m∗ de l’electron dans le cuivre est donneepar m∗ = 1, 3me ([1], p. 48), si me = 9, 1 × 10−31 kg est la masse de l’electron dans levide. De sorte que la vitesse des electrons est de l’ordre de vF ≈ 1, 7× 106m.s−1. Le libreparcours moyen des electrons dans Cu est donc de l’ordre de ` ≈ 3600A. Le meme typede calcul montre que la longueur d’onde de l’electron dans Cu vaut λdB ≈ 3, 3A, tandisque la taille typique de chaque atome est du meme ordre de grandeur.

Nous sommes donc maintenant en mesure de calculer le terme de collision, sous les hy-potheses faites par Lorentz, dans l’equation (61). Si la densite, avant collision, est donneepar f(~r , ~p ; t), alors parmi les f(~r , ~p ; t)d3rd3p particules, figurant dans l’element de volumed3rd3p autour de x = (~r , ~p), une partie va disparaıtre durant la collision pour acquerir uneimpulsion ~p ′ sans que la position de ces particules ne varie de facon notable. En outre, enraison de la reversibilite microscopique des equations du mouvement, certaines particulesd’impulsion ~p ′ vont a leur tour acquerir l’impulsion ~p.Designons par ρd la densite volumique des centres diffuseurs. La densite de courant desfd3rd3p particules considerees est donnee par ~vfd3p, si ~v = ~p/m. Chaque centre diffusedonc, en moyenne et par unite de temps, vfd3p dσ(p, θ) particules dans la direction ~p ′

faisant un angle θ avec ~p, dans un angle solide d2~ω autour de ~p ′. Par hypothese, cependant,p′ = |~p ′| doit rester egal a p = |~p|. Si nous comptons tous les centres diffuseurs ainsi quetoutes les directions de diffusion, le nombre total, parmi les particules considerees, quisont perdues au cours des collisions, par unite de temps et de volume, vaut en moyenne :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 84

ρdp

mf(~r, ~p; t)

S2

dσ(p, θ)

d2~ωd2~ω = −I1(f) ,

contribuant pour I1(f) dans le terme de collisions de l’eq. (61), puisque ces particulessont perdues.La deuxieme contribution provient de particules ayant une impulsion ~p ′ avant collisionet ~p apres. Comme le module des impulsions est conserve au cours de la collision, cesparticules sont celles dont la position est situee dans le volume d3~r autour de ~r et dontl’impulsion a une direction arbitraire et un module compris entre p et p + dp. Ici, nousexprimons ~p et d3~p en coordonnees polaires de sorte que ~p = p ~ω et d3~p = p2dp d2~ω.Le nombre de ces particules incidentes est f(~r, p ~ω ′) p2dp d2~ω′, avant integration sur lesdirections ~ω′. Toutes, cependant, ne sont pas diffusees dans la bonne direction. Puisqueleur densite de courant vaut ~v′f(~r, p ~ω′)p2dp d2~ω′, le nombre d’entre elles qui sont difusees,par unite de temps et par chaque diffuseur, vers ~p sera :

p

mf(~r, p ~ω′; t) p2 dp d2~ω′ dσ(p′, θ)

d2~ωd2~ω .

On remarquera que l’angle de deflection de ~p ′ vers ~p est le meme que celui de ~p vers ~p ′

et que la section efficace differentielle de ce processus est la meme que dans le processusinverse en vertu de l’invariance par renversement du temps a l’echelle microscopique. Ils’ensuit que le nombre de particules gagnees par unite de temps et de volume au coursdes collisions par tous les centres diffuseurs est donne par :

ρdp

m

S2

dσ(p, θ)

d2~ωf(~r, p ~ω′; t) d2~ω′ = I2(f) .

Rassemblant les deux contributions, le terme de collision du modele de Lorentz s’ecrit :

(

∂f

∂t

)

coll

= I(f) = −∫

R3

d3~p ′ W (~p, ~p ′) δ(ε− ε′) [f(~r, ~p; t) − f(~r, ~p ′; t)] (74)

ou nous avons pose :

ε =p2

2m, ε′ =

p′2

2m, W (~p, ~p ′) =

1

m2ρd

dσ(p, θ)

d2~ω, (75)

lequel depend de (~p, ~p ′) a travers l’angle θ et leur module commun p = p′.

Note : Ce resultat s’obtient en utilisant la formule suivante, valide pour les mesures de Dirac :

δ(F (x)) =∑

y;F (y)=0

δ(x − y)

|F ′(y)| , (76)

si F est une fonction reguliere reelle de la variable reelle x. 2

Comme explique au debut de ce paragraphe, l’expression obtenue est locale et instantanee,puisque dans le terme de collision ni la position ni le temps ne change entre les deux termes.Seules les impulsions sont modifiees et encore de sorte a ce que leurs modules soient egaux. Deplus, l’expression W (~p, ~p ′)δ(ε − ε′) peut s’interpreter comme une probabilite de transition parunite de temps, pour une particule, depuis l’impulsion ~p vers l’impulsion ~p ′. Pour en evaluerl’importance, calculons la probabilite totale de transition par unite de temps :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 85

W =

R3

d3~p ′ W (~p, ~p ′) δ(ε − ε′) . (77)

Dans le cas ou les diffuseurs sont des spheres dures, il vient :

W = 4π

∫ ∞

0dp′ p′2

1

m2ρd

Reff2

4δ(

p2

2m− p′2

2m) .

Si v = p/m, la formule (76) donne :

W = ρd σ

∫ ∞

0dp′

p′2

m2δ(p − p′)

m

p= v ρd σ .

Cette expression est l’inverse d’un temps. Comme W represente la probabilite de collisions parunite de temps, son inverse n’est autre que le temps moyen entre deux collisions. Ainsi :

W = v ρd σ =1

τcoll

. (78)

Rappelons que vτcoll = ` est le libre parcours moyen de la particule diffusee. Dans le cas deselectrons libres du cuivre, si chaque atome de Cu est un centre diffuseur, cette expression nouspermet de calculer le rayon effectif Reff . La densite du cuivre est donnee par ρd = 8, 47×1028/m3

([1] p. 5), de sorte que la section efficace de collision electron-Cu vaut σ = 1/`ρd. On en tireReff = 3, 2 × 10−2A. Cette valeur tres faible du rayon effectif est le signe que l’electron interagitpeu avec les atomes de cuivre, ou encore que la probabilite de collision est faible. CommeλdB ≈ 3, 3A Reff , la section efficace doit etre calculee quantiquement.

Pour en finir avec les proprietes de ces equations, examinons ce que deviennent les lois deconservation. Dans le modele de Lorentz, seulement deux integrales premieres sont conservees,le nombre de particules diffusees et leur energie. Ceci peut se voir directement sur les equationsde transport grace aux relations :

R3

d3~p I(f) = 0 ,

R3

d3~p ε I(f) = 0 , (79)

qui proviennent de la forme symetrique du taux de transition W (cf. eq. (75)) et de la conser-vation de l’energie apparaissant sous la forme δ(ε − ε′). Revenant a l’equation d’evolution (61),l’integration des deux membres par rapport a ~p fournit :

R3

d3~p

(

∂f

∂t+ ~v · ~∇~rf

)

= 0 ,

R3

d3~p ε

(

∂f

∂t+ ~v · ~∇~rf

)

= 0 ,

car les forces exterieures ne dependent pas de ~p et l’integration sur ~p de ~∇~pf donne zero. Enutilisant les definitions des densites et des courants, donnees par les equations (62) et (63),ces relations sont equivalentes aux equations de continuite pour le flux de matiere et le fluxd’energie :

∂ρmat

∂t+ div~jmat = 0 ,

∂u

∂t+ div~jU = 0 . (80)

7.7 Calcul des Coefficients de Transport :

Le calcul des cœfficients de transport s’effectue en perturbant l’equilibre par des forcesexterieures petites. Il se fera donc de facon perturbative. Mais il necessite d’abord de connaıtrela solution d’equilibre, qui sera notee f0 dans ce qui suit. Dans un premier temps, nous allonsverifier qu’en l’absence de forces exterieures, la solution donnee par la distribution de Max-well est bien une solution d’equilibre. Cependant il sera demontre que la solution d’equilibre

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UM2 Fevrier-Mars 2001 86

generale peut etre plus compliquee. C’est un des gros defauts du modele de Lorentz. Dans un se-cond temps, nous utiliserons la methode de Chapman-Enskog pour calculer la reponse lineaire.Cette methode n’est autre qu’un developpement perturbatif au premier ordre dans les forcesexterieures (ou dans les affinites).

7.7.1 Solutions d’equilibre :

Commencons par donner la definition d’un equilibre :

Definition 7.4 Une solution f de l’equation d’evolution est un equilibre si :

∂f

∂t= 0 .

2

Dans ce paragraphe, nous supposons que les forces exterieures appliquees sont nulles. Dans cecas l’equation d’evolution dans le modele de Lorentz s’ecrit :

∂f

∂t+ ~v · ~∇~rf = −

R3

d3~p ′ W (~p, ~p ′) δ(p2

2m− p′2

2m)[

f(~r, ~p; t) − f(~r, ~p ′; t)]

(81)

Soit fM la distribution de Maxwell :

fM(~r, ~p; t) =e−p2/2mkBT

(2πmkBT )3/2.

C’est une fonction independante du temps et de la position, de sorte que, dans l’equation (81),le terme de gauche s’annule. Mais comme elle ne depend que de p2 le terme de droite s’annuleaussi. Ainsi, la distribution de Maxwell est bien un equilibre.

Montrons que ce n’est pas la seule famille de solutions d’equilibre. Pour cela nous remarquons que si fest un equilibre, l’expression ‖f‖2 est constante dans le temps, ou :

‖f‖2 =

R6

d3~r d3~p f(~r, ~p)2 .

Si nous differentions cette expression par rapport au temps, en appliquant l’equation d’evolution, noustirons :

d ‖f‖2

dt= 2

R6

d3~r d3~p f(~r, ~p)(

−~v · ~∇~rf + I(f))

.

Le premier terme s’annule car ~v = ~p/m et :

2

R6

d3~r d3~p f(~r, ~p) ~p · ~∇~rf =

R6

d3~r d3~p div~r(~p f2) =

R3

d3~p

S∞

d~n(~r) · ~p f2(~r, ~p) ,

ou S∞ est la sphere a l’infini dans l’espace des positions. Si nous supposons que f est constante sur S∞,alors l’integrale de surface s’annule par isotropie, pour chaque ~p.Le second terme s’ecrit :

2

R6

d3~r d3~p f I(f)(~r, ~p) = 2

R6

d3~r d3~p d3~p ′ f(~r, ~p) (f(~r, ~p ′) − f(~r, ~p)) W (~p, ~p ′) δ(p2

2m− p′2

2m) .

Puisque W est symetrique par l’echange de ~p et de ~p ′, l’integrant peut se reecrire sous la forme :

2

R6

d3~r d3~p f I(f)(~r, ~p) = 2

R6

d3~r d3~p d3~p ′ f(~r, ~p ′) (f(~r, ~p) − f(~r, ~p ′)) W (~p, ~p ′) δ(p2

2m− p′2

2m) ,

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UM2 Fevrier-Mars 2001 87

ce qui, en prenant la demi-somme des deux expressions, conduit a :

2

R6

d3~r d3~p f I(f)(~r, ~p) = −∫

R6

d3~r d3~p d3~p ′ (f(~r, ~p ′) − f(~r, ~p))2

W (~p, ~p ′) δ(p2

2m− p′2

2m) .

Cette expression est negative ou nulle. Au passage, nous venons de montrer que si f depend du temps :

d ‖f‖2

dt= 2

R6

d3~r d3~p f I(f) ≤ 0 .

Ainsi ‖f‖ decroıt dans le temps jusqu’a atteindre un equilibre, auquel cas le second membre s’annuleautomatiquement. En particulier, f(~r, ~p) = f(~r, ~p ′) quels que soient les vecteurs ~p et ~p ′ ayant mememodule. Ainsi, f ne depend que du module p de l’impulsion. Il s’ensuit donc que I(f) = 0. Revenant al’equation d’evolution, en posant ~p = p~ω, nous en tirons :

~ω · ~∇~rf(~r, p) = 0 ,

quel que soit le vecteur unitaire ~ω. Ainsi, f ne depend pas de ~r non plus. Nous avons donc montre leresultat suivant :

Proposition 7.1 Tout solution d’equilibre du modele de Lorentz, asymptotiquement constante dans l’es-pace des positions, est une fonction de p seulement. Reciproquement, si f ne depend que de p, alors ils’agit d’un equilibre pour le modele de Lorentz.

La solution de Maxwell est donc un cas particulier. Nous verrons ulterieurement que si l’on raffine le

modele pour obtenir les equations de Boltzmann, la conclusion est differente car seules les distributions

de Maxwell en sont solutions en l’absence de forces ou d’affinite.

7.7.2 La Methode de Chapman & Enskog :

Pour calculer les cœfficients de transport, nous supposerons que nous imposons la presence dequelques forces exterieures ou d’affinites, dont l’amplitude est consideree comme petite. Com-ment realiser cela ? Dans un gaz en equilibre local, les seules integrales premieres sont l’energieet le nombre de particules, a condition de negliger les mouvements macroscopiques du fluide.Ainsi, la densite monoparticulaire sera de la forme :

f0(~r, ~p; t) =1

h3eα(~r,t)−β(~r,t)ε , ε =

p2

2m.

La presence de la constante de Planck, ici est pour forcer f0 a etre sans dimension. Mais cen’est pas indispensable. Par ailleurs, β(~r, t) est relie a la temperature locale instantanee T (~r, t)par β = 1/kBT , tandis que le potentiel chimique instantane local µ(~r, t) est relie a α(~r, t) parα = µ/kBT . La dependance de T et de µ dans l’espace et le temps suffit a creer les affinitesnecessaires. Cependant, les deux cœfficients α et β sont definis par la densite de particule ρmat

et celle d’energie u au moyen de :

ρmat(~r, t) =∫

R3 d3~p f(~r, ~p; t) =eα

h3

(

2πm

β

)3/2

, (82)

u(~r, t) =∫

R3 d3~p ε f(~r, ~p; t) =3

2kBTρmat , (83)

Remarquons neanmoins que, si f0 satisfait a I(f0) = 0, elle n’est pas, en general solution del’equation d’evolution, puisque :

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UM2 Fevrier-Mars 2001 88

∂f0

∂t+ ~v · ~∇~rf0 = f0

(

∂α

∂t− ε

∂β

∂t+ ~v · ~∇~rα − ε~v · ~∇~rβ

)

6= 0 .

Nous devons donc corriger l’expression f0 pour obtenir une solution d’equilibre. Chapman etEnskog ont propose de trouver une solution de la forme f = f0 + f1 + · · · dans laquelle f1 est laperturbation au premier ordre d’une serie de perturbation dans les affinites. En raison des deuxequations (82) et (83), nous sommes forces d’imposer :

R3

d3~p f1(~r, ~p; t) = 0 ,

R3

d3~p ε f1(~r, ~p; t) = 0 . (84)

Pour appliquer la theorie de la reponse lineaire, nous supposons que nous avons atteint unregime stationnaire, i.e. ∂f/∂t = 0. Nous allons supposer que les affinites sont elles-memesindependantes du temps, de sorte que ∂α/∂t = ∂β/∂t = 0. L’equation d’evolution s’ecrit alorsL(f) := ~v · ~∇~rf − I(f) = 0. Un condition suffisante pour satisfaire les contraintes (84) consistea imposer la condition :

S2

d2~ω f1(~r, p~ω) = 0 .

Cette condition conduit a I(f1) = −Wf1, ou W est le taux de transition total donne parl’equation (77). Nous obtenons donc une solution sous la forme :

f = f0 + f1 + · · · = f0 −1

W~v · ~∇~rf0 + · · ·

Puisque f0 ne depend de ~p qu’a travers son module p, la partie des courants due a f0 est nulle.En effet :

R3

d3~p~p

mεn f0 = 0 , ∀n ∈ N ,

en raison de la symetrie de rotation de l’integrand. Il s’ensuit que le courant est entierment dua f1 a cet ordre de la perturbation. Ainsi :

~jmat = −∫

R3

d3~p f0~p

kBmW

[

~p

m· ~∇(µ

T

)

− p2

2m

~p

m· ~∇(

1

T

)]

(85)

~jU = −∫

R3

d3~pp2

2mf0

~p

kBmW

[

~p

m· ~∇(µ

T

)

− p2

2m

~p

m· ~∇(

1

T

)]

(86)

Il convient alors de remarquer que l’integrand contient a nouveau la matrice ~p⊗~p definie en (37).La moyenne sur les angles s’ecrit alors :

S2

d2~ω pi pj =4π

3δi,j p2 , i, j ∈ x, y, z

Les cœfficients de Onsager associes s’ecrivent donc (voir equation (23)) :

LN,N =4π

3kB

∫ ∞

0dp f0

p4

m2W,

LN,E = LE,N =4π

3kB

∫ ∞

0dp f0

p6

2m3W,

LE,E =4π

3kB

∫ ∞

0dp f0

p8

4m4W.

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UM2 Fevrier-Mars 2001 89

Pour poursuivre la calcul, il faut savoir comment W depend de p. Dans le cas de cibles spheresdures, W = vσρd, avec v = p/m. En posant :

τrel =

R3 d3~p f0v2/W

R3 d3~p f0v2=

2

3ρdσ

(

2m

πkBT

)1/2

,

il vient :

LN,N =τrel

mρmat T , LN,E = LE,N =

2τrel

mρmat kBT 2 , LE,E =

6τrel

mρmat k2

BT 3 ,

(87)On peut alors en deduire les cœfficient de transport. La conductivite thermique s’ecrit :

λ = 2ρmatk2BT

τrel

m,

tandis que la conductivite electrique vaut :

σ = ρmate2 τrel

m,

ce qui redonne la formule de Drude, et aussi la loi de Wiedemann-Franz. On peut, enfin, obtenirle cœfficient de diffusion :

D =τrel

mkBT ,

qui apparaıt dans la loi de Fick.

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UM2 Fevrier-Mars 2001 90

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[11] R. Stocker, F. Jundt & G. Guillaume, Toute la Physique, Dunod Ed., Paris (1999).

[12] N. G. van Kampen, Stochastic Processes in Physics and Chemistry, Elsevier Science Pu-blishers B.V., Amsterdam, (1992).

[13] G. H. Wannier, Statistical Physics, Dover Pub. Inc., New-York, (1966).

Table des figures

1 Champ magnetique cree par une ligne de courant . . . . . . . . . . . . . . . . . . 82 Transfert de la quantite Xα entre deux cellules mesoscopiques . . . . . . . . . . . 203 Courant electrique, densite de courant et loi d’Ohm. . . . . . . . . . . . . . . . . 274 Representation schematique d’un thermocouple exhibant l’effet Seebeck. . . . . . 335 Jonction thermoelectrique produisant l’effet Peltier . . . . . . . . . . . . . . . . . 346 Le modele de conduction electrique de Drude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 407 Aspects du mouvement brownien . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 478 Particule de pollen soumise a l’agitation thermique des molecules d’eau . . . . . 489 Parametre d’impact b et angle de collision θ.- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6910 Section efficace d’une sphere dure.- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7011 Diffusion coulombienne.- . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7312 Reseau d’impedances aleatoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

Liste des tableaux

1 Liste des integrales premieres et de leurs quantites conjuguees. . . . . . . . . . . 18