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es élections municipales qui vien- nent de se dérouler ont une nou- velle fois été révélatrices: pas facile, pour une personne en perte d’au- tonomie, handicapée ou âgée, de se rendre simplement aux urnes ou de faire entendre sa voix. Pourtant, la loi de 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale, puis celle de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des per- sonnes handicapées, ont clairement posé les principes de la prise en compte de l’usager et de la pleine citoyen- neté de la personne en situation de handicap, quel que soit son âge. DONNER AUTREMENT LA PAROLE Certes, des instances représentatives, à l’exemple des comités départemen- taux des retraités et personnes âgées (Coderpa) ou du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), ont vu le jour. Des conseils de la vie sociale (CVS) ont été instau- rés dans des établissements et services médico-sociaux. Mais ces instances, essentiellement consultatives, se heur- tent encore à de nombreuses limites. “Elles posent non seulement la ques- tion de la représentativité de leurs élus, mais aussi de leur fonctionnement, encore peu adapté aux contraintes de l’âge ou du handicap, et de leur impact réel sur les décisions”, explique Philippe Mobbs, chef de projet à l’Anesm (1) , qui achève une étude sur les instances de participation dans 33 établissements et 47 services. Tout en encourageant l’évolution de ces instances, qui ont une place légi- time dans le dialogue institution- nel, il semble donc aujourd’hui indis- pensable de créer les conditions d’une prise en compte plus large et plus directe de l’avis des personnes âgées et handicapées. “Donner la parole aux plus éloignés du débat public dépasse le simple champ médico-social. C’est un enjeu de citoyenneté qui implique un vrai changement de regard”, confirme Sophie Largeau, chargée de mission au conseil général du Val-de- Marne, qui a accompagné pendant plusieurs mois “Mes idées aussi”, un atelier citoyen de personnes handi- capées mentales. Et d’ajouter : “Il faut aussi créer les conditions favorables à l’expression et au recueil de cette parole, accepter de bousculer le for- malisme du tour de table, adapter le rythme des débats, co-construire L’AUTONOMIE EN ACTIONS Depuis plusieurs années, l’accès à une citoyenneté pleine et entière pour les personnes âgées et handi- capées est au cœur des politiques publiques. Si de réelles avancées ont été faites, cette participation se limite encore trop souvent à une simple consultation, loin des enjeux de société et du débat citoyen. À l’occasion de la publication du rapport d’activité de la CNSA, son conseil a choisi d’impulser une nou- velle dynamique à ces démarches. Illustrations. Citoyens à part entière © Djamila Beldjoudi Calin L Dans le Val-de-Marne, le conseil général a accompagné pendant plusieurs mois un atelier citoyen de personnes handicapées men- tales, “Mes idées aussi”.

L’AUTONOMIE EN ACTIONS - cnsa.fr · © Djamila Beldjoudi Calin L Dans le Val-de-Marne, le conseil général a accompagné pendant plusieurs mois un atelier citoyen de personnes

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es élections municipales qui vien-nent de se dérouler ont une nou-velle fois été révélatrices : pas

facile, pour une personne en perte d’au-tonomie, handicapée ou âgée, de serendre simplement aux urnes ou defaire entendre sa voix. Pourtant, la loide 2002 rénovant l’action sociale etmédico-sociale, puis celle de 2005 pourl’égalité des droits et des chances, laparticipation et la citoyenneté des per-sonnes handicapées, ont clairementposé les principes de la prise en comptede l’usager et de la pleine citoyen-neté de la personne en situation dehandicap, quel que soit son âge.

DONNER AUTREMENTLA PAROLECertes, des instances représentatives,à l’exemple des comités départemen-taux des retraités et personnes âgées(Coderpa) ou du Conseil nationalconsultatif des personnes handicapées(CNCPH), ont vu le jour. Des conseilsde la vie sociale (CVS) ont été instau-rés dans des établissements et servicesmédico-sociaux. Mais ces instances,essentiellement consultatives, se heur-tent encore à de nombreuses limites.“Elles posent non seulement la ques-tion de la représentativité de leurs élus,mais aussi de leur fonctionnement,encore peu adapté aux contraintes del’âge ou du handicap, et de leur impactréel sur les décisions”, explique Philippe

Mobbs, chef de projet à l’Anesm (1), quiachève une étude sur les instancesde participation dans 33 établissementset 47 services.Tout en encourageant l’évolution deces instances, qui ont une place légi-time dans le dialogue institution-nel, il semble donc aujourd’hui indis-pensable de créer les conditions d’uneprise en compte plus large et plusdirecte de l’avis des personnes âgéeset handicapées. “Donner la parole auxplus éloignés du débat public dépassele simple champ médico-social. C’estun enjeu de citoyenneté qui implique

un vrai changement de regard”,confirme Sophie Largeau, chargée demission au conseil général du Val-de-Marne, qui a accompagné pendantplusieurs mois “Mes idées aussi”, unatelier citoyen de personnes handi-capées mentales. Et d’ajouter : “Il fautaussi créer les conditions favorablesà l’expression et au recueil de cetteparole, accepter de bousculer le for-malisme du tour de table, adapterle rythme des débats, co-construire

L’AUTONOMIE EN ACTIONS

Depuis plusieurs années, l’accès à une citoyenneté pleine et entière pour les personnes âgées et handi-capées est au cœur des politiques publiques. Si de réelles avancées ont été faites, cette participation selimite encore trop souvent à une simple consultation, loin des enjeux de société et du débat citoyen. Àl’occasion de la publication du rapport d’activité de la CNSA, son conseil a choisi d’impulser une nou-velle dynamique à ces démarches. Illustrations.

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Dans le Val-de-Marne, le conseilgénéral a accompagné pendantplusieurs mois un atelier citoyende personnes handicapées men-tales, “Mes idées aussi”.

avec les participants des outils quifacilitent la compréhension de tous,à base de visuels et de pictogrammes”.

BOUSCULER LES POSTURESCette prise de parole ne peut toute-fois se faire sans une implication fortedes professionnels du secteur, commele rappelle Philippe Mobbs: “Beaucoupd’entre eux sont encore dans la pré-somption d’incapacité des personnesqu’ils accompagnent, même s’ils recon-naissent a posteriori le bénéfice decette participation”. Ainsi, l’Associationdes directeurs au service des personnesâgées (AD-PA) porte depuis plusieursannées “Citoyenn’âge”, une démarchede concertation qui associe usagerset professionnels d’établissements etservices et donne lieu, lors d’un ras-semblement annuel, à des proposi-tions de fonctionnement ou d’orga-nisation relayées dans chaque structureparticipante. Pour son chargé de mis-sion, Romain Gizolme, “les usagerssont de plus en plus demandeurs, maisil faut un portage fort des directeursainsi que des professionnels convain-cus, formés à l’écoute des résidents etcapables de les encourager à s’expri-mer, sans pervertir ni anticiper lesdemandes. En cela, le soutien de laCNSA est primordial”.Car tous ceux qui se sont lancés dansdes projets participatifs le recon-naissent, la plus-value pour les par-ticipants est énorme : modificationdes postures et des pratiques pour lesprofessionnels, sentiment de recon-naissance de leur expertise et confiance

accrue pour les personnes âgées ouhandicapées, meilleure connaissancede leurs droits… Encore faut-il quecette participation ait du sens, enne se limitant pas à une simple consul-tation et en dépassant les problé-matiques médico-sociales. “Bien sou-vent, les sujets abordés restent trèsquotidiens, comme l’organisation deslocaux ou le choix des repas, alorsqu’ils pourraient donner lieu à de vraisdébats de société. La demande de dis-poser d’un grand lit peut être l’oc-casion d’évoquer la sexualité des per-sonnes en institution”, témoigne

Philippe Mobbs. Et Sophie Largeaude renchérir : “À l’issue de “Mes idéesaussi”, les élus et les directions duconseil général, comme celles des col-lèges, du transport, des espaces verts,se sont emparées des 156 recom-mandations de l’avis citoyen afin deles prendre en compte dans les sché-mas et les traduire en actions. Ladémarche a permis une acculturationau handicap et constitue un vrai levierde transversalité”. Dès lors, c’est biende co-construction qu’il s’agit, tellequ’elle se pratique déjà au sein duConseil de la CNSA ou des commis-sions exécutives (Comex) des mai-sons départementales des personneshandicapées. Un enjeu fort relayé parla future loi d’adaptation de la sociétéau vieillissement et son projet de créa-tion d’un Conseil départemental dela citoyenneté et de l’autonomie, à sui-vre avec vigilance. ■

AVRIL 2014

Extrait du JAS d’avril 2014 en collaboration avec la CNSA

(1) Agence nationale de l'évaluation et de la qualité desétablissements et services sociaux et médico-sociaux.

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“Bien souvent, les sujetsabordés restent trèsquotidiens, commel’organisation des locauxou le choix des repas,alors qu’ils pourraientdonner lieu à de vraisdébats de société.”