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L’avenir des bibliothèques : vues d’ailleurs Bibliographie nationale française et dépôt légal : 200 ans d’édition Une bibliothèque universitaire francophone à Abou Dhabi BULLETIN DES BIBLIOTHÈQUES DE FRANCE / 2011 / Numéro 6 bbf : Décembre 2011

L'avenir des bibliothèques : vues d'ailleurs

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le Bulletin des bibliothèques de France propose, de l’avenir de nos établissements, une vision uniquement étrangère, en tout cas venue de l’étranger .

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    Lavenir des bibliothques : vues dailleurs

    Bibliographie nationale franaise et dpt lgal : 200 ans ddition

    Une bibliothque universitaire francophone Abou Dhabi

    bbf :

    DossierLavenir des bibliothques : vues dailleurs1 OuvertureLavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle : spculations dun praticienMichael A. Keller

    2 Nord/SudBibliothques et numrique : de nouvelles opportunitsJack Kessler

    Espaces physiques et pratiques mergentes : comment les bibliothques publiques peuvent y participerVincent Audette-Chapdelaine

    Les bibliothques municipales de Genve en perspectivesJolle Muster et Florent Dufaux

    O en seront les bibliothques camerounaises dans dix ans ?Charles Kamdem Poeghela

    Bibliothques au Bangladesh : font-elles face aux dernires volutions ?Nafiz Zaman Shuva

    3 Est/OuestLa bibliothque publique, lieu de puissance au BrsilVera Saboya

    Bibliothques pour tous en Australie : prospectivesAlan Bundy

    Le futur des bibliothques se dcide aujourdhui : un point de vue espagnolLlus M. Anglada i de Ferrer

    La bibliothque ncessaireAntonella Agnoli

    Lavenir des bibliothques publiques : risques et opportunitsAnna Galluzzi

    Les bibliothques finlandaises rseautent pour de meilleurs services : la Bibliothque nationale comme centre de ressourcesKristiina Hormia-Poutanen

    Bibliothconomie chinoise en plein tournantYigang Sun et Xiaojuan Shen

    4 EspoirsBibliothques sans frontiresJrmy Lachal

    La mdiathque de la ville des arbresYves Desrichard

    proposBibliographie nationale franaise et dpt lgal : 200 ans dditionMathilde Koskas

    Une bibliothque universitaire francophone Abou DhabiGuillaume Niziers

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    BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2009 / Numro 6BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 1BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 2BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 3BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 4BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 5BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 6BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 1BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 2BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 3BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 4BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 5BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 6

    BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2009 / Numro 6BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 1BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 2BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 3BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 4BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 5BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2010 / Numro 6BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 1BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 2BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 3BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 4BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 5BULLETIN DES BIBLIOTHQUES DE FRANCE / 2011 / Numro 6bbf : bbf :

    Dcembre 2011

    00-Couverture 6-11.indd 1 22/11/2011 18:27:37

  • : 2011/Numro 6Le Bulletin des bibliothques de France parat tous les deux mois et est publi par lcole nationale suprieure des sciences de linformation et des bibliothques (Enssib).

    Directrice de la publicationAnneMarie Bertrand

    Rdaction1721 bd du 11 novembre 1918 69623 Villeurbanne Cedextl. 04 72 44 75 90fax 04 72 11 44 57

    Rdacteur en chef Yves Desrichard tl. 04 72 44 43 00ml [email protected]

    Rdactrice en chef adjointeClaire RocheMoigne tl. 04 72 44 75 93 ml [email protected]

    Mise en pages, publicit et mise en ligneCelestino Avelartl. 04 72 44 75 94ml [email protected]

    Traduction des rsumsVictor Morante, Vera Neaud, Susan Pickford

    Comit de rdactionThierry Ermakoff, Anne Kupiec, Christophe Prales, Franois RouyerGayette, Laurence Tarin, Sarah Toulouse, Benot Tuleu

    Si tous les gars du monde (1956)Film de ChristianJaqueavec Andr Valmy, Jean Gaven, Marc Gassot

    Correspondants trangersJeanPhilippe Accart (Suisse)Trix Bakker (PaysBas) Peter Borchardt (Allemagne) Gernot U. Gabel (Allemagne) Alain Jacquesson (Suisse) Jack Kessler (tatsUnis) Anna Machova (Rpublique tchque) Elmar Mittler (Allemagne) Maria Jose Moura (Portugal) Amadeu Pons (Espagne) Rjean Savard (Qubec) James H. Spohrer (tatsUnis) Catharina Stenberg (Sude) Eric Winter (GrandeBretagne)

    AbonnementsEnssibService abonnements1721 boulevard du 11 novembre 191869623 Villeurbanne Cedextl. 04 72 44 43 05

    Tarifs 2011AbonnementsLabonnement est annuel, par anne civile. France : 85 Tarif dgressif ds le deuxime abonnement souscrit dans un mme tablissement : 68 40 pour les tudiants en filire bibliothques et mtiers du livre tranger : 95

    Vente au numro : 17 (tarif tudiant : 10 )par correspondance lEnssibou sur place la rdaction.

    FabricationCration graphique Bialec sas, Nancy (France).

    ImprimeurImprimerie Bialec54001 Nancy FranceDpt lgal : no 77162 dcembre 2011

    Commission paritaireno 0412 B 08114

    Issn 00062006

    Le Bulletin des bibliothques de France est dpouill dans les bases Pascal de lInist et Lisa (Library Information Science Abstracts).

    Protocole de rdactionLe Bulletin des bibliothques de France publie des articles portant sur les biblio thques, le livre, la lecture, la documentation, et tout sujet sy rapportant.

    Prsentation des textesLes manuscrits (saisis avec le logiciel Word ou enregistrs au format RTF) peuvent nous tre adresss par courrier lectronique. La frappe au kilomtre, sans enrichissement, est imprative.

    Les graphiques et schmas doivent tre accompagns de leurs donnes chiffres (par ex. courbes avec donnes sur Excel) afin de pouvoir tre raliss dans la mise en pages.

    Les illustrations et les photographies peuvent tre fournies enregistres en EPS binaire, JPEG qualit maximale ou TIFF, avec une rsolution de 300 dpi.

    Linstitution laquelle est affili lauteur est prcise la suite de son nom, ainsi que ladresse lectronique de lauteur.

    Les articles peuvent tre rdigs en franais, en anglais, en allemand ou en espagnol. Ils seront accompagns dun rsum dauteur (environ 100 mots) indiquant rapidement le contenu et les principales conclusions.

    Prsentation des notesLes notes infrapaginales, signales dans le texte en appel de notes, doivent tre places en bas de page o se trouvent les appels respectifs et numrotes de faon continue.

    Les rfrences bibliographiques figurent en fin darticle : les appels dans le texte sont mis entre crochets.

    Sigles et abrviationsLes sigles et acronymes seront suivis du nom complet de lorganisation ou du systme quils reprsentent.

    Les opinions mises dans les articles nengagent que leurs auteurs.

    Le Bulletin des bibliothques de France est consultable gratuitement sur internet ladresse suivante : http://bbf.enssib.fr

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  • bbf : 2011 1 t. 56, no 6

    D I T O R I A L

    :Si tous les gars du monde

    Oui, je sais, il ny a pas la Russie, quoi bon lAustralie, peu de Moyen-Orient, trop dEurope, pas assez dAsie, et ne parlons ni des pays baltes, ni de lAmrique du Sud hispanophone (nen parlons pas, donc). On ne saurait satisfaire tout le monde (surtout en France). Pour autant, cest la premire fois que le Bulletin des bibliothques de France propose, de lavenir de nos tablissements, une vision uniquement trangre, en tout cas venue de ltranger 1.

    Ce qui frappe en effet, mais devrait plus rassurer qutonner, cest que nous sommes, de certains, bien proches, et dautres, pas si diffrents. Chacun est fascin par le numrique, dune faon parfois incomprhensible, parfois logique parfois paradoxale. On ne jure que par les rseaux, la collaboration et, souvent, mais oui, on dplore le manque venir de professionnels qualifis : bibliothcaire sera-t-il, dans lavenir mondial, sinon franais, un mtier en tension , dlicieux et redoutable no-nologisme ? On aurait mauvaise grce ne pas lesprer.

    En tout cas, et heureusement pour le lecteur, la diversit assume des pays, des contributeurs, de leur rflexion, doit sapprcier des contraintes, des prsupposs (des dogmatismes ?) propres chacun et ses origines, quil faut traiter et apprcier avec mesure, neutralit, bienveillance, mais sans anglisme non plus.

    On dcouvre que les prjugs peuvent tre, doivent tre battus en brche : le Nord est riche, mais triste ; le Sud est pauvre, mais optimiste. Certes. Et inversement. LOuest est sauvage, mais plein desprances ; lOrient est extrme, mais bien compliqu. Certes. Et inversement.

    Les professionnels franais pourront envier les pays o les bibliothques sont si peu dveloppes et les besoins culturels et ducatifs des populations si immenses que lavenir pourrait y tre radieux. Comme une enfance de lart quon contemplerait mus, une premire fois dj bien lointaine et nostalgique pour nous. Il faut au contraire y puiser de nouvelles confortations, comme le font les collgues de pays plus proches dans leur niveau de dveloppement, dans leurs inquitudes on laccorde, mais aussi dans leurs envies, dans leurs espoirs. Cest un mal bien franais, stigmatis en dbut dditorial, de voir les verres moiti vides quand ils sont moiti pleins. Cest lambition involontaire des contributeurs, quon ne saurait trop remercier de leur acceptation spontane, parfois miraculeuse, collaborer ce numro charge de revanche ? que de nous en dtourner, au moins le temps dune lecture.

    Aprs une ample ouverture, amricaine dans ses origines, mais universelle dans ses attendus, on proposera deux actes, Nord/Sud, Est/Ouest, et un pilogue qui ne peut pas en tre un, puisque nous parlons du futur, ou, plus exactement, de lavenir des bibliothques vues dailleurs.

    Yves Desrichard

    1. Pour des raisons techniques, larticle consacr aux bibliothques allemandes sera propos dans le prochain numro de la revue.

    Remerciements plus que chaleureux lensemble bnvole des traducteurs et traductrices des contributions de ce numro, et Christelle Di Pietro, de lEnssib, qui a traqu les photos du bout du monde.

  • 2 bbf : 2011 Paris, t. 56, no 6

    sommaire : 2011/Numro 601 Dossier

    Lavenir des bibliothques : vues dailleurs

    1 OuvertureLavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle : spculations dun praticien 6Michael A. Keller

    2 Nord/SudBibliothques et numrique : de nouvelles opportunits 28Jack Kessler

    Espaces physiques et pratiques mergentes : comment les bibliothques publiques peuvent y participer 34Vincent Audette-Chapdelaine

    Les bibliothques municipales de Genve en perspectives 39Jolle Muster et Florent Dufaux

    O en seront les bibliothques camerounaises dans dix ans ? 48Charles Kamdem Poeghela

    Bibliothques au Bangladesh : font-elles face aux dernires volutions ? 53Nafiz Zaman Shuva

    3 Est/OuestLa bibliothque publique, lieu de puissance au Brsil 58Vera Saboya

    Bibliothques pour tous en Australie : prospectives 59Alan Bundy

    Le futur des bibliothques se dcide aujourdhui : un point de vue espagnol 64Llus M. Anglada i de Ferrer

    La bibliothque ncessaire 70Antonella Agnoli

    Lavenir des bibliothques publiques : risques et opportunits 75Anna Galluzzi

    Les bibliothques finlandaises rseautent pour de meilleurs services : la Bibliothque nationale comme centre de ressources 80Kristiina Hormia-Poutanen

    Bibliothconomie chinoise en plein tournant 85Yigang Sun et Xiaojuan Shen

    4 EspoirsBibliothques sans frontires 94Jrmy Lachal

    La mdiathque de la ville des arbres 98Yves Desrichard

    02 proposBibliographie nationale franaise et dpt lgal : 200 ans ddition 101Mathilde Koskas

    Une bibliothque universitaire francophone Abou Dhabi 106Guillaume Niziers

  • bbf : 2011 3 Paris, t. 56, no 6

    03 Tour dhorizonLa bande dessine numrique 113Julien Baudry, Antoine Brand et Antoine Torrens

    Rencontres nationales de la librairie 114Thierry Ermakoff et Franois Rouyer-Gayette

    Nouveaux espaces et nouveaux services : Learning Centers et Idea Stores 115Nicolas Pineau

    Journe dtude BnF/Afnor CG46 : rfrentiels et donnes dautorit lheure du web smantique 117Ccile Kattnig

    6e Journe nationale Rameau 118Thierry Clavel

    Le monde change, lentement, certes, mais srement, cette fois ! Journe dtude Fulbi sur FRBR et RDA 120Nathalie Varrault et Dominique Cottart

    Atelier du livre Le couple auteur/diteur 121Cline Clouet

    Pratiques de lecture et nouveaux supports numriques : des volutions convergentes ? Rendez-vous territorial du CNFPT du 19 juin : quoi de neuf pour les bibliothques ? 122Catherine Muller

    Les bibliothques au-del des bibliothques : intgration, innovation et information pour tous Congrs de lIfla 2011 124Jean-Philippe Accart

    04 CritiquesLaure Collignon et Colette Gravier Concevoir et construire une bibliothque, du projet la ralisation 127Jean-Franois Jacques

    Philippe Coulangeon Les mtamorphoses de la distinction 127Anne-Marie Bertrand

    Olivier Le Naire Profession diteur : huit grandes figures de ldition contemporaine racontent 128Franois Rouyer-Gayette

    Marielle Mac Faons de lire, manires dtre 129Anne Kupiec

    Sam McBane Mulford et Ned. A Himmel How Green is My Library ? 130Joachim Schpfel

    Lectures et lecteurs lheure dInternet. Livre, presse, bibliothques Sous la direction de Christophe Evans 131Claire Blisle

    Les mdiations de lcrivain, les conditions de la cration littraire Sous la direction dAudrey Alvs et Maria Pourchet 132Adrienne Cazenobe

    Nous avons reu 133

    Rsums des articles 136

    Annonceurs lectre (p. 4, 92 et 135) Innovation numrique en bibliothque (p. 47) Portail de lissn (3e de couverture) Presses de lenssib (p. 97)

  • Bon de Commande retourner : Electre, Service clients, 35, rue Grgoire-de-Tours - 75006 Paris - Tl. : 01 44 41 28 33 - Fax : 01 44 41 28 65

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    C o l l e c t i o n B i b l i o t h q u e sDu jeu, des enfants et des livres lheure de la mondialisationJean Perrot

    ISBN 978-2-7654-1011-9 448 pages - 34

    26,98 pour la version consultable commander sur le site electrelaboutique.com

    Loin de se limiter aux modes de vie, folkloreet lgendes propres chaque culture, le foi-sonnant imaginaire ludique daujourdhui sereflte dans loffre Jeunesse. Apprentissageet diver tissement se trouvent toujours aucur de la cration. Cependant, les albums,livres anims, pop-ups, bandes dessines,mangas sinspirent dune dferlante mdiatique qui se nourrit de musographie,

    de sociologie, de dcouver tes scientifiques,dcologie, autant que de conflits, de catas-trophes et de menaces lchelle plantairevoire galactique. Bien videmment, les biblio-thques publiques et les mdiathquesprennent part au dveloppement rsultant delhybridation des genres. Par un spcialiste du

    livre et de la culture denfance, cet essai faitle bilan et interroge linfluence des nouvellesformes sur la jeune gnration. Il est une invi-tation tudier les spcificits de lditioncontemporaine pour la jeunesse dans sacomplicit interactive entre crateurs et jeunepublic. Commandez-le ds maintenant.

    Un constat qui interpelle

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    electrelaboutique.comPOUR EN SAVOIR +

  • Lavenir des bibliothques : vues dailleurs

    1 Ouverture

  • 6 bbf : 2011 t. 56, no 6

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    s Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    Multiplier les livres nau-rait pas de fin, et beau-coup dtude est une fatigue pour la chair. Si Qohelet, le sage par ailleurs inconnu qui crivit vers lan 500 avant Jsus-Christ lEc-clsiaste, 21e livre de lAncien Testa-ment, faisait il y a quelque 2 500 ans ce commentaire, quelle serait sa rac-tion face aux centaines de milliers de livres et aux innombrables autres crits en tous genres publis chaque anne ? The Sources of Western Literacy porte en exergue : Les livres sont un lment part entire de lhistoire de lhu-manit. Comme tout phnomne cultu-rel important, le livre est un one world concept 1.

    Quest-ce quun livre, quest-ce quune bibliothque ?

    Chacune des valeurs culturelles que nous possdons aujourdhui re-pose sur le travail des gnrations qui nous ont prcdes. Nous avons t tmoins ces dernires annes de la diffusion sous forme lectronique de documents auxquels limpression don-nait jadis la forme matrielle de livres, de journaux, de magazines, darticles. Livres numriques, journaux et maga-

    1. Westport, Connecticut, Greenwood Press, 1980. On a prfr garder la locution anglaise qui joue sur la confusion homonyme world/word (note de la traductrice).

    zines lectroniques, articles en ligne sont dsormais dusage courant. On peut les lire sur lcran dun ordina-teur et, depuis peu, sur des liseuses et des tablettes, dans une mise en page et avec des polices identiques peu de choses prs celles du format papier. Un livre est-il toujours un livre sil nest plus imprim sur du papier ? On voit galement se multiplier les projets de numrisation dont le plus ambitieux, qui allie Google un grand nombre de bibliothques nord-am-ricaines et europennes de premire importance, se propose de num-riser dnormes quantits de livres pour fournir sous forme numrique et mettre disposition sur le web des notices ou, dans le cas de livres qui ne sont plus soumis au copyright, des textes. Des projets de numrisation plus petits naissent un peu partout dans les bibliothques et les muses, autour duvres dart, de manuscrits antiques ou mdivaux, de papiers personnels, de fragments de papyrus, de cartes, de partitions, et de docu-ments spcialiss et mconnus de nos collections.

    Au cours des vingt dernires an-nes, les informaticiens et les ing-nieurs dabord, et maintenant des chercheurs en sciences humaines et sociales, ont attendu que les biblio-thcaires finissent de numriser leurs collections puis cdent leur place. Car la question de la numrisation remet en cause la pertinence des bi-bliothques et des archives dans un monde o la diffusion numrique des

    Michael A. Keller

    Michael A. Keller est directeur gnral des bibliothques de Stanford, responsable des services informatiques pour les usagers de cette mme universit, fondateur et diteur de HighWire Press, et diteur des presses de luniversit de Stanford. Titulaire de diplmes suprieurs en musicologie et en bibliothconomie, il a t responsable de bibliothques Cornell, Berkeley et Yale. Il a t lu en 2008 Lifetime Fellow de lAmerican Association for the Advancement of Science, et en 2010 de lAmerican Academy of Arts and Sciences.

    Traduit de langlais (tats-Unis) par Florence Codine

    Archiviste-palographe, Florence Codine est actuellement lve conservateur lEnssib.

    SPCULATIONS DUN PRATICIEN

  • bbf : 2011 7 t. 56, no 6

    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    ides, des modles et de linformation, sous forme de texte, de son, dimage fixe ou anime, se fait lchelle mon-diale de faon relativement simple et grande vitesse.

    Une bibliothque est-elle seule-ment un btiment abritant des col-lections de livres et dautres objets physiques ? Ou est-ce une collection de livres, mais aussi dautres outils de connaissance et dinformation ? Quel avenir pour les bibliothques face au dveloppement du web qui repr-sente, pour le commun des mortels, le bienveillant visage de linternet, et face aux nouveaux usages qui en dcoulent ? Si tout ce que conservent les bibliothques est, dune manire ou dune autre, numris et dispo-nible sur le web, alors quoi servent les bibliothques ? Qui sintresse au contenu des bibliothques num-riques ? Quel est le rle culturel des bibliothques et des archives ? Quelles sont les missions des bibliothques nationales qui, traditionnellement, ont collect et conserv des manifestations le plus souvent crites de la vie cultu-relle, sociale et politique de leur pays ?

    Le besoin de communiquer et les bibliothques

    Le besoin humain de communiquer

    Toute prdiction sur lavenir des bibliothques doit prendre en compte avant tout la tendance naturelle de ltre humain communiquer, que ce soit par la parole, lcriture, lart sous ses diverses formes, les images (dans lesquelles on peut comprendre la peinture, les films, les dessins, lart parital, mais aussi la sculpture ou larchitecture), la composition musicale, le thtre et la danse. Cette communication humaine peut tre phmre et ponctuelle, ou elle peut tre conue pour traverser les ges. Lhistoire de la communication entre les hommes, pour ce quon peut en comprendre, depuis ses origines, sur lesquelles nous disposons de peu de renseignements, jusquau prsent, o au contraire la documentation de

    ses pratiques sest faite compulsive, a montr que ladoption des nouvelles possibilits dexpression est habituelle et mme quil est ncessaire pour les artistes et les crateurs dinnover dans les techniques, la forme et le genre de la communication. On peut par consquent considrer que les biblio-thques, et tout particulirement les bibliothques nationales, sont les gar-diennes des traces de la communica-tion humaine, afin de nous permettre de nous comprendre et de remettre en contexte nos activits dun point de vue historique, religieux, social, entre autres.

    Lavenir des bibliothques

    En ces temps de lhypermdia, avec ladoption (ou le rejet) de nou-velles techniques de communication, lavenir des bibliothques est, pour beaucoup, troitement li celui des livres et de ldition. La numrisa-tion des livres, des journaux et des magazines anciens des fins varies (meilleures description et analyse, conservation, partage, recherche, en-seignement), et le renouvellement de ces documents originellement sous forme numrique peuvent sembler un bouleversement catastrophique des conventions, tablies de longue date, de la communication crite. Et, de fait, lvolution rapide dune culture num-rique de la communication a impos dans tous les types de bibliothques dimportants changements dans les mthodes de slection, dacquisition, de description, dinterprtation et de conservation.

    Les formats et les technologies ont beau se transformer, le rle des biblio-thques de recherche na pas fonda-mentalement chang pour autant. Il ne dpend ni des documents, ni des formats, genres, techniques ou tech-nologies. Ce rle des bibliothques de recherche, dont les bibliothques nationales constituent un impor-tant sous-ensemble, reste en effet la collecte, la conservation et la mise disposition, par-del les sicles, de la production crite, pilier de la com-munication humaine. Cette notion de production crite inclut les diverses formes artistiques voques dans la

    premire phrase de cet article. Elle en-globe galement les archives produites par les particuliers, les entreprises, les gouvernements et les groupes sociaux.

    Mais cette prsentation des mis-sions des bibliothques est encore trop simple, car on pourrait lgitime-ment se demander si elles ont vrai-ment un rle jouer maintenant que de grandes socits utilisent internet comme outil de publication, pour mettre disposition des outils de recherche, et pour une grande varit dobjectifs commerciaux. On pourrait se demander aussi comment les bi-bliothques se sont adaptes lvolu-tion des modes de communication et dexpression jusqu prsent, et com-ment elles comptent le faire dans les annes venir.

    Que deviennent les diteurs dans ce scnario numrique ? Quelles sont les perspectives dvolution pour les diteurs de livres destins aux intel-lectuels, de livres qui sintressent aux petites et aux grandes questions de notre temps, alors que la dsinterm-diation simpose et que la distribution publique dun texte devient grce au web et aux traitements de texte que nous utilisons tous pour crer nos textes sur nos ordinateurs si facile et si banale ?

    En Amrique et dans le monde entier, les journaux rduisent leurs effectifs, car leur nombre dabonns, et partant leurs revenus, diminuent. Cette situation constitue-t-elle un aver-tissement pour les autres types ddi-teurs ? Dans le dernier quart de sicle, la majorit des diteurs universitaires ont constat une baisse dramatique du nombre dexemplaires vendus, en grande partie parce que les biblio-thques ont cess dacqurir syst-matiquement toute leur production. Quest-ce que cela prsage ? Comment les diteurs de livres peuvent-ils tirer profit du web, du numrique, et de leurs multiples possibilits ? Depuis une dizaine dannes, des ebooks sont proposs par de nombreux di-teurs et distributeurs via internet. Certains dentre eux permettent seu-lement une lecture en ligne, mais, depuis quelques annes, beaucoup peuvent tre tlchargs sur des liseuses ou des tablettes. Ces crits sont-ils vraiment des livres ? Bien sr,

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    la plupart dentre eux sont des copies numriques de livres physiques. Il faut aussi prendre en considration les projets de numrisation petits et grands. Les pages des livres numri-ss disponibles sur Google Books 2, Amazon 3 et dautres sites web sont-elles toujours des livres ? Il faut aussi examiner les nouvelles formes de rcit, la fiction hypertextuelle, etc.

    On rpondra mieux ces ques-tions en catgorisant les situations, et ce faisant il serait sans doute possible dy rpondre avec plus de pertinence, mme si ces dveloppements ont des implications culturelles globales. Beaucoup dentre nous pensent que la diversit et lacceptation de la diversit sont en soi des forces, mme dans le milieu rarfi des livres, des diteurs, des bibliothques.

    Trois entits culturelles

    Cet article a pour objet lavenir de trois entits culturelles : lune est un objet le livre , les deux autres sont des organisations prsentant des mis-sions culturelles les bibliothques et les diteurs. Les spculations sur ce sujet partent du principe quhommes et femmes de par le monde auront toujours lenvie et les moyens de sexprimer par lcrit, mme sil est probable que dautres moyens dex-pression comme le film, les images ou la musique, dj faciles daccs, connatront une utilisation croissante. De nos jours, la grande majorit des crivains utilisent lordinateur. Le discours de rception de John Stein-beck loccasion de la rception du prix Nobel de littrature en 1962 exprime parfaitement le besoin que nous avons, nous humains, de com-muniquer par le biais de lcrit :

    I am impelled, not to speak like a grateful and apologetic mouse, but to roar like a lion out of pride in my pro-fession and in the great and good men who have practiced it through the ages Literature was not promulgated by a pale and emasculated critical priesthood singing their litanies in empty churches

    2. http://books.google.fr

    3. www.amazon.fr

    nor is it a game for the cloistered elect, the tin-horn mendicants of low-calorie despair Literature is as old as speech. It grew out of human need for it and it has not changed except to become more needed. The skalds, the bards, the writers are not separate and exclusive. From the beginning, their functions, their duties, their responsibilities have been decreed by our species 4.

    De mme, il faut croire et savoir que les lecteurs sont lgion, mais que, si la plupart comprennent couram-ment leur langue maternelle, peu sont bons lecteurs dans dautres langues. Les statistiques collectes par lAmeri-can Library Association montrent que plus de deux tiers des citoyens am-ricains sont inscrits dans une biblio-thque de proximit, et que plus de la moiti dentre eux utilisent leur carte de bibliothque pour emprunter des livres.

    De fait, dans les quarante der-nires annes, le pourcentage de citoyens amricains titulaires dune carte de bibliothque sest accru de 25 %, pour atteindre aujourdhui 72 % dinscrits. En revanche, une tude du National Endowment for the Arts met en vidence une baisse de 10 % du nombre des lecteurs duvres litt-raires entre 1982 et 2002, qui tombent de 57 % environ 47 %. Pour autant, le nombre de ces lecteurs duvres littraires, ceux qui lisent des romans, des nouvelles, des pices, de la posie, stablit tout de mme 96 millions environ. Cette tude met explicite-ment de ct les lecteurs duvres de non-fiction de tous ordres. Elle indique par ailleurs que le nombre de personnes crivant de la fiction aug-mente, passant de 11 millions 14 mil-lions environ.

    Steve Jobs dclarait, au sujet de la liseuse Kindle de la socit Amazon : Que le produit soit bon ou mauvais na aucune importance, le fait est que les

    4. John Steinbeck, Speech accepting the Nobel Prize for Literature, Stockholm, 10 December 1962, New York, Viking Press, [1963], dans une version holographe dite par les bibliothques de luniversit de Stanford, Department of Special Collections, The John Steinbeck Archive. Faute davoir identifi une traduction franaise, le choix a t fait de ne pas traduire la citation (note de la rdaction).

    gens ne lisent plus. 40 % de la population amricaine lit un livre ou moins par an. Le problme de fond est que les gens ne lisent plus 5. Il y a abondance de telles jrmiades pointant la mort de la lec-ture. Dans le mme lan, certains ana-lystes, comme Neil Postman dans son livre Se distraire en mourir 6, relient la mort de la lecture la disparition de certaines faons de penser.

    En dautres temps, Goethe a parl de la capacit de lecture profonde, de laptitude lire entre les lignes : Le lecteur sagace qui est capable de lire entre ces lignes ce qui ny est pas crit explicite-ment, mais qui y est nanmoins suggr, pourra dgager une interprtation 7.

    Francis Bacon met en vidence la sainte trinit de lintelligentsia, celle des livres, des bibliothques, des di-teurs. Il crit : Certains livres sont faits pour tre gots, dautres avals, et quelques-uns mchs et digrs ; cest--dire que certains doivent tre lus par extraits seulement, et dautres de bout en bout, avec concentration et application. La lecture fait lhomme, la discussion lhomme prpar, et lcriture lhomme exact 8.

    Sans la moindre preuve, un cri-vain contemporain, dplorant le sort fait aux lecteurs, se livre des attaques aussi gratuites que mal informes lencontre des bibliothques et des bibliothcaires. La plupart des biblio-thques sont devenues des centres dinfor-mation, des bastions et des avant-postes du monde des sciences de linformation. Aujourdhui, le bibliothcaire moyen, comme beaucoup dautres personnes dans le champ des sciences humaines, est de-venu hostile aux livres et la lecture. Les technocrates attendent avec impatience le jour o il ny aura plus besoin dacqu-rir, de ranger, de rparer, de remplacer les livres, quand tout sera sur microfilm ou disponible sur internet 9.

    5. Commentaire de Steve Jobs rapport par John Markoff dans The passion of Steve Jobs , The New York Times, 15 janvier 2008.

    6. Nova ditions, 2010.

    7. Johann Wolfgang von Goethe, The Autobiography of Goethe, Londres, George Bell and Sons, 1900, p. 115.

    8. Francis Bacon, The Essays of Counsels Civil and Moral, Londres, George Routledge, 1887, p. 11-12.

    9. Citation non source.

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    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    Les livres

    Histoire de la forme physique des livres

    Pour examiner lavenir des livres, il peut tre utile de sintresser leur histoire, ou du moins celle de leur forme physique. Dans le cahier joint se trouve la photographie de quatre tablettes cuniformes, toutes issues des collections de Stanford (image 1)10. Est-ce l lquivalent de quatre pages dun livre publi aujourdhui, 3 500 ans avant Jsus-Christ ?

    Et que dire de ce rouleau, le livre dEsther, dans lAncien Testament ? (image 2). Quand nous nous rf-rons aux livres de la Bible, la Bible laquelle vous et moi pensons est un livre habituellement reli de noir, compos de milliers de pages impri-mes sur papier bible. Ce rouleau contenant le livre dEsther, une fois droul, peut-il tre qualifi de vri-table livre ? Il remplit indubitable-ment les fonctions dun livre, puisquil est le support dune narration sous forme linaire ou sous forme de ruban, permettant une lecture conti-nue du premier au dernier mot.

    Voici prsent les deux premires pages dun missel fabriqu Bologne vers 1360 (image 3). Ce codex prend la forme qui correspond dans notre imaginaire un livre, depuis lpoque des manuscrits vers le ier sicle aprs Jsus-Christ jusqu lpoque des livres imprims, qui dbute au milieu du xve sicle avec la Bible imprime Mayence avec des caractres mobiles par Johannes Gutenberg. Avec ses ma-gnifiques enluminures et ses illustra-tions, on pourrait considrer ce livre comme un hypermdia des premiers temps !

    Lillustration suivante provient dune des premires pages du cha-pitre de la Gense dans la magnifique Bible en traduction standard rvise, publie en 2009 San Francisco par Andrew Hoyim chez Arion Press (image 4). Ce livre mesure plus de 45 centimtres, et il est de toute vi-

    10. Ces documents figurent en couleurs dans la version en ligne de larticle.

    dence destin un usage priv plutt que pour la liturgie chrtienne.

    Limage suivante (image 5), encore une page du chapitre de la Gense de la Bible, cette fois-ci dans une dition King James de 1903, me permettra si vous le voulez bien daborder une question quelque peu polmique. Cette dition est disponible sur le site de Google Books. On peut en tourner les pages en utilisant des boutons vir-tuels, et lire sur son cran autant de pages quon le souhaite. Google Books offre aussi dautres services, dont cer-tains seront dcrits plus bas, mais on peut notamment tlcharger le livre sur son ordinateur, pour limprimer et pour le lire sous forme papier. Nest-ce pas l un livre ? Le fait dindexer chaque mot de ce livre, et chaque mot dans chaque livre auquel Google Books donne accs implique-t-il que les mots, les phrases, les expressions ont t atomiss en simples mots qui, en eux-mmes, ne signifient plus rien ?

    Examinons prsent ces multiples ditions du livre Rue de la sardine de John Steinbeck. Dans limage 6, le manuscrit original de Steinbeck ; dans limage 7, la version dactylo-graphie envoye la composition ; et dans limage 8, les preuves avant correction et impression du livre pu-bli en 1945 New York par Viking Press. Steinbeck prit un copyright pour ce livre en 1937. Dans son esprit, ce roman tait donc plus ou moins achev presque huit ans avant quil ne soit mis la disposition du public. Rue de la sardine ntait-il pas dj un livre quand Steinbeck en composa de sa main le manuscrit ?

    Veuillez maintenant regarder cette image de lcran dune liseuse ven-due en ce moment par Amazon aux tats-Unis, le Kindle (voir limage 9). La page est extraite du livre Freako-nomics de Steven Levitt et Stephen Dubner 11. Les Kindle, Nook et autres liseuses et tablettes ont dans certains contextes trs facilement remplac certains types de livres. Ces appareils utilisent lencre lectronique, cest--dire quune source de lumire ext-

    11. Paris, Gallimard, 2007, coll. Folio (traduction franaise, mme titre).

    rieure est ncessaire la lecture. Ils ne grent pas la couleur ni les illus-trations, ou alors avec des rsultats trs mdiocres. Le Kindle permet au lecteur de placer des signets et mme dannoter les pages. pleine charge, les batteries permettent de tourner 7 500 pages, soit lquivalent denviron 8 10 livres. Il est possible de rgler la taille des polices pour faciliter la lecture pour les myopes. Et surtout, grand avantage pour le voyageur, ces appareils de lecture ont une norme capacit ; une liseuse standard peut contenir 80 livres et, avec une carte-mmoire supplmentaire de deux giga-octets, on peut aller jusqu 300. Les livres sont en vente chez des dis-tributeurs, Amazon ou autre. Les ebooks sont chargs dans lappareil par un accs sans fil. Leur prix est denviron la moiti ou les trois quarts de celui dun vrai livre dans une librairie.

    Le nombre de titres en anglais dis-ponibles sur liseuse est dsormais trs important. Dans les langues autres que langlais, il y a moins debooks, mais leur nombre saccrot lentement mais srement en allemand, en fran-ais, en italien, et en espagnol. Il y a aussi des livres disponibles en chinois, en japonais, en coren, mais ils ne sont vendus que localement.

    De nouvelles formes de narration et de lecture

    Les limites techniques voques plus haut ne permettent pas vrai-ment dutiliser ces outils pour lire des livres qui comportent des gra-phiques, des tableaux, et surtout des illustrations en couleurs. Ce serait un dsastre que de lire sur une liseuse un ebook sur luvre des Brueghel, mais regardez les images extraites de lun de ces livres sur cran dordi-nateur (images 10 et 11). Elles sont plutt bonnes, assez mme pour tu-dier lhistoire de lart. De nouveaux dveloppements concernant dautres types de livres sont donc envisager. Nous avons voqu prcdemment le rcit comme des rubans de texte, lexpression crite dune succession dides : cela correspond aux faons traditionnelles dcrire, et de raconter

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    Image 1 Quatre tablettes cuniformes issues des collections de luniversit de Stanford.

    Image 2 Rouleau du livre dEsther dans lAncien Testament.

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    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    Image 3 Missel de Bologne, vers 1360.

    Image 4 Bible en traduction standard rvise, publie en 2009 San Francisco par Andrew Hoyim chez Arion Press.

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    Image 5 Bible dans ldition King James de 1903.

    Image 6 Manuscrit original de Rue de la sardine (Cannery Row) de Steinbeck.

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    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    Image 7 Version dactylographie de Rue de la sardine envoye la composition.

    Image 8 preuves avant correction de Rue de la sardine.

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    Image 9 Le Kindle dAmazon.

    Image 10 Page de couverture du livre Inside Bruegel sur le site dAmazon.

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    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    Image 11 Page intrieure du livre Inside Bruegel sur le site dAmazon.

    Image 12 Article Cardiovascular Imaging dans la revue de lAmerican College of Cardiology.

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    Image 13 Liens vido dans larticle Cardiovascular Imaging dans la revue de lAmerican College of Cardiology.

    Image 14 Les autres articles cits par les auteurs en note sont accessibles par les liens hypertextes.

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    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    Image 15 Dans cet article de Ionescu et al. dans la revue Heart publie par le BMJ Publishing Group et la British Cardiac Society, on peut voir dans la colonne de droite plusieurs fonctions implmentes pour faciliter le travail des chercheurs.

    Image 16 Dautres citations de larticle ci-dessus dans dautres revues.

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    des histoires. Steinbeck, dans son dis-cours lacadmie Nobel, soulve ga-lement cette question. Cette concep-tion de la narration se dveloppe dans de grands cycles, crits mais aussi mu-sicaux, comme le Ring de Wagner, et dans les livres de certains auteurs qui mettent en scne les mmes person-nages et les mmes cadres, comme les romans mettant en scne les guerres napoloniennes au travers des person-nages de Jonathan Aubrey et Stephen Maturin, ou les 20 volumes de Patrick OBrian pour la srie Les aventures de Jack Aubrey.

    Rcemment, quelques auteurs ont expriment de nouvelles formes de narration en tirant parti des tech-nologies numriques. En substance, certains auteurs, et beaucoup duni-versitaires, brisent la narration traditionnelle, purement textuelle et linaire, par des sons, des films, des tableaux, des formules mathma-tiques, et mme des modles tho-riques illustratifs, tout cela dans lide de proposer un rcit plus riche, plus convaincant, plus fascinant, que sil ntait bas que sur le texte.

    On pourrait considrer que le modle chaud de rcit qui na re-cours quau texte, sur le modle de Marshall McLuhan, demande de la part du lecteur une participation in-tellectuelle active pour que lhistoire prenne vie. Le bagage culturel du lec-teur, son imagination, nourrissent et explicitent les allusions, les images, les formes, les fonctions dcrites ou sous-entendues par lauteur.

    La narration multimdia, qui combine sur la base dun rcit crit des lments emprunts au thtre, au cinma, lopra, au laboratoire, latelier, au studio, la calculatrice, lordinateur, pourrait tre qualifie par une critique la McLuhan de froide , car elle demande, de la part du lecteur , du public, moins dima-gination, moins de jeux intellectuels, pour comprendre lhistoire.

    Ds lors, il nest pas tonnant que les chercheurs et les tudiants qui, normalement, aspirent la clart dexpression, utilisent ces possibi-lits, notamment dans le domaine des sciences, o elles sont dj trs employes. Voici en quelques images des exemples illustrant la faon dont

    divers mdias sont insrs dans des travaux universitaires, et comment, chez HighWire Press 12, un service de publication sur internet gr par les bibliothques de luniversit de Stanford appel Toll Free Linking amliore la lecture darticles. Dans la revue de lAmerican College of Car-diology, larticle Cardiovascular Ima-ging (image 12) crit par Moss et al. inclut plusieurs vidoclips expli-quant certains points (voir image 13). Dvidence, cet article ne peut tre considr comme complet que sous forme de-article, lu sur un ordina-teur connect au rseau. Les autres articles cits par les auteurs en note sont accessibles par les liens hyper-textes (voir image 14). Dans larticle de Ionescu et al. dans la revue Heart publie par le BMJ Publishing Group et la British Cardiac Society, on peut voir dans la colonne de droite plu-sieurs fonctions implmentes pour faciliter le travail des chercheurs (voir image 15). Cet article est cit dans lar-ticle de Moss et al. voqu prcdem-ment, et quand on suit le lien vers cet article, on accde, outre larticle de Ionescu lui-mme, dautres citations de cet article dans dautres revues (voir image 16). Ce service fournit donc une sorte dhistorique des cita-tions avec des liens actifs, comme une sorte de halo de textes connexes larticle cit, mais aussi larticle ci-tant. Ce service de liens, propos par HighWire Press, rend donc plus facile, plus efficace, la recherche de docu-mentation pertinente par les cher-cheurs et les praticiens.

    Il est un autre genre nouveau qui fait usage de lhypertextualit du web, en permettant aux lecteurs de pas-ser de la narration des sites ou des textes explicatifs, la dfinition de mots, de courtes biographies de personnes, des localisations sur des cartes, et mme des lments de rcit alternatifs. Cette dernire pra-tique est lune des principales carac-tristiques dune nouvelle forme de fiction qualifie de fiction hypertex-tuelle . Cette forme implique le lec-teur dans la construction de lhistoire,

    12. http://highwire.stanford.edu

    et lui permet dinfluencer divers as-pects du rcit propos par lauteur.

    Certains de ces exemples visent illustrer les diffrentes formes qua pu prendre lcriture et qui, travers les sicles, ont t matrialises dans les livres. Dautres montrent que les formes physiques de lcrit, dans les livres ou ailleurs, sont en train dvo-luer. Bien sr, aucun dentre nous ne sait plus lire lcriture cuniforme, pas plus que nous navons habituelle-ment loccasion de lire dans un codex manuscrit. La grande majorit des lec-teurs, mme l o laccs internet est suffisamment ais, lisent encore des livres rels , des volumes imprims sur du papier et vendus par le libraire local, ou peut-tre par un distributeur sur internet. Amazon a t le premier surpris lorsque sa liseuse Kindle a t puise quelques jours peine aprs sa mise en vente. Malgr tout, par rapport au pourcentage de gens qui lisent des livres, que lon peut esti-mer 50 % des habitants des pays industrialiss, le nombre de lecteurs de ebooks est ridiculement faible, mme pas 5 %. Dans toutes les com-munauts scientifiques amricaines en revanche, et tout particulirement dans les sciences dures, le pourcen-tage de lecteurs qui ne lisent AUCUN article en ligne est lui aussi trs faible. Et, parmi llite de lindustrie informa-tique et de la communaut numrique de la Californie du Nord les dige-rati , lire des ebooks est maintenant beaucoup plus rpandu que cela ne ltait ne serait-ce quil y a deux ans. Pour reprendre une devise la mode en ce moment aux tats-Unis : L o va la Californie, l va le pays. Sur ce point comme sur bien dautres avan-ces lies aux nouvelles technologies, ladage est presque certainement vrai.

    Les bibliothques

    Les services des bibliothques

    Si on sintresse maintenant au futur des bibliothques, la mtaphore dune gamme de supports dinforma-tion et de services en expansion per-ptuelle semble pertinente. Peu aprs la naissance du web, dans les annes 1990, lide se rpandit que les biblio-

    (suite du texte de la page 9)

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    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    thques allaient devenir obsoltes, et, jusqu aujourdhui, cette ide a ses dfenseurs. La dsintermdiation pro-gresse, particulirement dans le sec-teur commercial, entre les diteurs et les lecteurs, entre les diteurs et les libraires, mais beaucoup dtudes montrent que les bibliothques, comme lieux physiques et comme collections de livres, de manuscrits, darchives matrielles, sont encore trs utilises par un grand nombre dusa-gers. Il est pour autant vrai galement que lide mme de bibliothque, comme celle de livre, doit stendre pour inclure aussi les collections et les services numriques. Une fois encore, lventail de supports slargit. On peut dcrire ainsi les services que les bibliothcaires assurent, quel que soit le format ou le type du support din-formation, papier ou numrique :

    Ils slectionnent les documents qui doivent tre ajouts aux collections et mis disposition des usagers, des lecteurs. Cest la fonction de slection et dacquisition.

    Ils donnent les moyens de prendre connaissance de ce qui figure dans les collections, que ce soit des livres sous forme physique ou sous forme numrique, des journaux lec-troniques, et le reste. Cest la fonction daccs intellectuel aux collections.

    Ils proposent des services din-formation, notamment en rpondant aux questions des utilisateurs, aux-quels ils apprennent utiliser les col-lections tout comme trouver et uti-liser linformation disponible dans ce chaos informationnel quest internet. Cest la fonction dinterprtation.

    Ils diffusent les documents issus des collections de la biblio-thque, et mnagent laccs aux res-sources dinformation numriques, dans ce dernier cas souvent sans que les usagers en aient vritablement conscience. Cest la fonction de diffu-sion.

    Ils prservent les collections, en nettoyant, rparant, dsacidifiant, reliant les livres, ou encore en main-tenant des archives numriques et des rpertoires institutionnels de do-cuments numriques, mme si, la vrit, cette dernire fonction nen est encore qu ses dbuts. Cest la fonc-tion de prservation.

    Enfin, les bibliothcaires aident les lecteurs qui doivent obtenir, analy-ser, mettre en forme des informations numriques, en utilisant des outils et des mthodes adaptes ces objectifs.

    Toutes les bibliothques ne pro-posent pas encore ces services, mais ils sont de plus en plus rpandus dans les bibliothques nationales et celles de lenseignement suprieur. Cest la fonction danalyse et de mise en forme.

    La bibliothque comprise comme une collection de livres est toujours dactualit, mais il pourrait aussi bien sagir dune collection debooks, de revues en ligne, de musique imprime et enregistre, de films disponibles sur une grande varit de supports, ou mme en ligne. Lide quune biblio-thque est un btiment conu pour abriter des collections de livres et dautres objets avec le personnel des-tin assurer ces fonctions nest en revanche, pour la grande majorit des bibliothques des nations industriali-ses, que partiellement recevable.

    Les bibliothques sont mainte-nant aussi des services virtuels, dis-ponibles pour certains 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, qui se soucient des pannes de rseau et dlectricit, mais plus des fuites du toit. De ce fait, la bibliothque virtuelle ou cyberbiblio-thque , comme on lappelle parfois, est dans la droite ligne et se superpose en de nombreux points la biblio-thque traditionnelle.

    Cest vrai mme dans le domaine des collections spcialises. Que les documents soient sous forme phy-sique ou disponible en ligne, les mmes fonctions que pour les col-lections gnralistes doivent tre remplies. Depuis quinze ans, les bibliothques de Stanford collectent des ordinateurs, des disquettes, des bandes, des programmes, des don-nes sur cdrom, des films sur DVD, et, plus rcemment, tlchar-gent depuis le web (en obtenant bien sr, le cas chant, les autorisations requises). Puisque les auteurs crent leurs uvres sur des ordinateurs, la responsabilit nous choit de collec-ter les documents prparatoires de leurs uvres publies, qui nous sont communiqus sur des disques durs, des disquettes et, par le pass, sur des disques de tailles varies.

    Stanford, comme dans beau-coup dautres institutions, les biblio-thques reoivent directement des fichiers numriques des chercheurs et dautres auteurs, pour une prser-vation long terme dans nos archives numriques. Le projet Driver, un acro-nyme pour Digital Repository Infras-tructure for European Research 13 , bas Gttingen, et qui implique une grosse douzaine dinstitutions de lUnion europenne, est un des nom-breux projets darchives numriques actuellement en cours.

    Une bibliothque sans livres ?

    Stanford, nous venons de consti-tuer une bibliothque sans livres pour les ingnieurs. Sur ses rayon-nages, seuls les 20 % de livres issus des collections qui ont t consults au moins une fois pendant les cinq dernires annes sont disponibles. terme, ils rejoindront les autres dans les magasins de la bibliothque. Ces dernires annes, toute la documen-tation en sciences de lingnieur, en mdecine, et presque toute celle qui concerne les sciences dures, est passe au format numrique. Les ingnieurs, les chercheurs en mdecine, les pra-ticiens, les informaticiens, les biolo-gistes, les physiciens, les mathmati-ciens, les gologues, les spcialistes en cologie et autres scientifiques lisent des articles dans des revues en ligne, consultent en ligne des manuels et des ouvrages de rfrence, enseignent en utilisant des systmes de cours en ligne, et travaillent avec leurs coll-gues de par le monde via des environ-nements de collaboration en ligne. Avec les physiciens et les mathma-ticiens, ce sont peut-tre les htes les plus numriss de notre campus, et de la communaut amricaine de lenseignement suprieur.

    Toutes les disciplines ont profit de laugmentation des possibilits de recherche, de ladoption des tech-niques des sciences de linformation pour la recherche, lenseignement et la communication. Les nouveaux bi-bliothcaires de la bibliothque ding-

    13. www.driver-repository.eu

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    nieurs slectionnent des ressources en ligne pour les rendre accessibles aux membres de la communaut de Stan-ford et informent leurs utilisateurs spcialiss des nouvelles ressources directement accessibles sur le web. Plusieurs bibliothcaires spcialistes de certains domaines aident le corps enseignant dun ou deux des dpar-tements de la School of Engineering en acqurant une bonne matrise des programmes denseignement et de recherche de chaque enseignant, pour crer des publications en ligne et des services web susceptibles de leur four-nir des informations pertinentes. Ils apprennent en outre aux tudiants faire le meilleur usage de ces res-sources, comme leurs collgues dans dautres disciplines. Cet aspect de lactivit de chaque bibliothcaire est parfois nomm ditorialisation de contenu cibl .

    La bibliothque dingnieurs sans livres de Stanford inclut des espaces destins au travail en groupe, la consultation de bibliothcaires, et ltude. Les bibliothcaires pro-posent des services de rfrence, sur place et distance, soit par chat, soit par messagerie, et bien sr par tl-phone. Quand on a besoin de livres physiques , on les fait venir des magasins la bibliothque, o les usa-gers peuvent les rcuprer. Il y a aussi des ordinateurs, des crans, un bar gadgets, des vitrines et un mobilier propice ltude dans le calme. Les usagers de la bibliothque qui ont be-soin de services dinformation gogra-phique, par exemple pour les projets dadministration et de management, seront redirigs vers le service GIS (Geographic Information System) dis-ponible la bibliothque Sciences de la terre. Les chercheurs qui souhaitent utiliser la puce DX-7, sur la base de laquelle fonctionnent les pianos et autres instruments lectroniques, devront travailler conjointement avec les ressources de la bibliothque des ingnieurs et celles de la bibliothque musicale. Ceux qui travaillent sur le langage naturel trouveront utiles les bases de donnes textuelles de la bibliothque, mais aussi les pro-grammes produits par notre groupe Donnes et logiciels en sciences so-ciales .

    Ce quil est important de noter ici, cest quil existe un rseau destin aux usagers de la bibliothque de Stanford qui inclut des ressources numriques et physiques et des services. La quasi-totalit des ressources numriques est disponible, pour tous les tudiants et tous les professeurs de Stanford, o quils soient, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Pour les utilisateurs principaux de la bibliothque des ingnieurs, les collections numriques rassemblent lessentiel de la littrature scientifique utile dans ce domaine.

    Stanford commence rflchir une nouvelle bibliothque pour le dpartement dArt et dHistoire de lart. Dans ce cas prcis, nous sommes convaincus quil faut construire un b-timent apte hberger une collection vaste et en constant accroissement de livres, de catalogues dexpositions et de galeries, de portfolios destampes, dessins et autres, et de ces revues richement illustres caractristiques de ces disciplines. Nous savons que le cot dune numrisation dans une r-solution suffisamment haute des illus-trations de ces livres et revues, com-bin aux difficults lies au respect de la proprit intellectuelle, font que des versions numriques utilisables et dif-fusables sont peu envisageables pour le moment.

    Quant aux technologies nces-saires pour obtenir une rsolution et un rendu des couleurs satisfaisants, elles sont encore trs coteuses. Et tant que nous naurons pas de trs grands crans permettant dafficher si-multanment des images numriques de diverses provenances dans des tailles suffisantes pour permettre des comparaisons, il reste trop dobstacles pour persuader les chercheurs, tu-diants et artistes de ce domaine que le numrique peut rpondre leurs besoins.

    Bien sr, le mme genre de pro-blmes se pose pour les 15 % de livres illustrs relevant dautres disciplines que possde notre bibliothque, mais lexact rendu de la couleur et la trs haute dfinition sont moins indispen-sables la plupart des lecteurs de ces autres domaines.

    Notre nouvelle bibliothque dart aura videmment abondance de livres et de priodiques numriques, mais

    ils nauront pas limportance crasante quils prennent en sciences de ling-nieur. Il faut prciser que nous propo-sons aussi un Centre de ressources visuelles issu de notre ancienne bibliothque de diapositives, qui ne permettait lorigine quaux membres du dpartement dArt et dHistoire de lart de pouvoir les consulter. Nous les convertissons en collection numrique pour permettre de nombreuses per-sonnes dutiliser simultanment la mme image (ou tout autre support dinformation, vrai dire), et la pos-sibilit de consulter la collection a t tendue tout le campus. Des pro-fesseurs dhistoire, des tudiants en design, des post-doctorants en psycho-logie peuvent dsormais avoir recours ces images pour leurs cours et leurs recherches. Le Centre prend en charge non seulement les images numrises par nos soins, mais aussi des licences avec Amico, ArtStor, Getty et dautres fournisseurs dimages numriques. Les projets de numrisation des bi-bliothques offrent aux chercheurs et aux tudiants de nouvelles possibilits de travail.

    Les projets de numrisation

    Stanford, nous avons collabor avec des collgues du Corpus Christi College de Cambridge pour numri-ser les manuscrits antiques, mdi-vaux et modernes de la Matthew Parker Library afin dtendre les pos-sibilits dtude pour les mdivistes du monde entier 14. De semblables projets sont en cours la Bibliothque nationale de France et dans dautres bibliothques europennes de premier plan.

    Les manuscrits de la collection Parker taient dun usage difficile, car les risques de dgradation et de vol contraignaient les bibliothcaires en restreindre laccs. En numrisant les manuscrits, la plupart des besoins des chercheurs peuvent tre satisfaits par une consultation en ligne. La numri-sation a t mene de faon produire des images trs haute rsolution per-

    14. Voir la bibliothque Parker en ligne ladresse : http://parker.stanford.edu

  • bbf : 2011 21 t. 56, no 6

    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    mettant de forts grossissements. En plus de cela, les notices des manus-crits ont t cette occasion mises jour et tendues, et des bibliographies dditions et dtudes abondantes ont t cres pour chacun dentre eux. Il en rsulte un remarquable environne-ment en ligne, propice la recherche et lenseignement sappuyant sur ces manuscrits.

    Un projet est en cours, visant promouvoir lutilisation de versions numriques des manuscrits de nom-breuses collections en permettant dannoter et de comparer page page des feuillets. Beaucoup dautres col-lections de manuscrits et darchives sont actuellement numrises pour les mmes raisons : permettre laccs distance, et rduire les risques de dgradation des manuscrits originaux par les chercheurs qui nont besoin que de lire les textes et de voir les images en dtail.

    Google Book Search

    Le projet Google Book Search 15 a t largement comment ces der-nires annes, et fait lobjet de beau-coup de spculations superficielles et mal informes.

    Google numrise les documents imprims de 28 bibliothques, dont les principales sont celle de luniver-sit du Michigan et de Stanford, qui ont chacune exprim lintention de numriser tous les livres quelles pos-sdent. La Bayerisches Statsbibliothek, la British Library et vingt-cinq autres grandes bibliothques envoient Google pour tre numriss et indexs des livres exclusivement du domaine public, cest--dire qui ne sont plus soumis au copyright. Luniversit du Michigan a annonc il y a quelques semaines quelle avait envoy plus de trois millions de livres au laboratoire Google dAnn Arbor. Quant elle, Stanford a envoy plus de deux mil-lions de livres.

    Lobjectif de Google est de numri-ser le plus grand nombre de livres de bibliothques possible, mais aussi de proposer aux lecteurs des livres num-riques rcents par des accords avec

    15. http://books.google.fr

    les diteurs. terme, ce sont peut-tre 35 millions de livres qui seraient numriss dans le cadre de ce projet. Tous les mots de chacun de ces livres seront indexs, pour permettre la re-cherche par mot cl familire tous les utilisateurs de Google. Les livres du domaine public sont et seront dis-ponibles en texte intgral sur le site Google Books. Grce lindexation de chaque mot de chaque livre, les lec-teurs pourront rechercher dans toutes les langues des mots et des expres-sions, ce qui ouvrira des perspectives dutilisation et dtude bien plus fines et plus prcises que par le pass. Les lecteurs qui souhaiteront consulter des livres sous droits pourront dter-miner quels livres contiennent les termes de leur recherche. Pour autant, ils ne pourront pas lire en ligne les livres soumis au copyright.

    Google a mis en place dautres services lis aux livres numriss. Il est par exemple possible de recher-cher les livres pertinents dans les bibliothques des environs, situes prs dune ville ou correspondant un code postal donn, ce qui permet de faciliter pour les lecteurs les visites dans les bibliothques proches ou les demandes de prt entre bibliothques. De plus, Google identifie les mots et les expressions issus dun livre qui sont cits dans dautres livres de sa base de donnes. Pour chaque livre numris, il fournit aux lecteurs des informations catalographiques, et les oriente vers les librairies en ligne au cas o ils souhaiteraient en faire lac-quisition. Google identifie les livres traitant du mme sujet ou de sujets connexes, et met parfois en vidence les mots et expressions dominants de chaque ouvrage.

    Lindexation de tous les mots de tous les livres est la grande valeur ajoute du projet. la traditionnelle chasse au trsor, plus ou moins au petit bonheur, dans les rayonnages de la bibliothque, une activit que lon pratique couramment et souvent avec plaisir en Amrique du nord, avec tou-tefois le risque de passer ct dun livre, dun chapitre, dune page im-portante pour la recherche en cours, le projet Google ajoute la possibilit didentifier les livres potentiellement intressants dans la collection de sa

    bibliothque mais aussi dans bien dautres collections remarquables, des livres que lon aurait pu ne jamais ren-contrer autrement.

    Ce projet est une manne pour la recherche et lenseignement. Des personnes totalement trangres aux bibliothques de recherche, des tu-diants de petites villes isoles et bien dautres vont dcouvrir des livres, ET pourront les emprunter ou les ache-ter grce cela. Google Books na pas seulement ouvert et index le contenu dun grand nombre de livres, il aussi contribu ouvrir limagination de beaucoup de gens. Google et ses par-tenaires du monde des bibliothques aux tats-Unis se sont lancs dans cette entreprise la faveur dune inter-prtation dune section la Fair Use Defense Section du code du copyright amricain qui autorise lusage trans-formatif des textes. Stanford a par ail-leurs dcid dy prendre part en vertu dune prudente rflexion sur lhistoire de lindexation depuis plus ou moins un sicle, priode au cours de laquelle aucune remise en question importante des pratiques dindexation na abouti.

    Cest Google, et non pas ses biblio-thques partenaires, qui a t attaqu par cinq diteurs et par la Guilde des auteurs au motif que le simple fait deffectuer une copie de chaque livre sous droits pour en faire lindexation par algorithme est une violation de la loi du copyright et pitine les droits des auteurs et diteurs qui rservent les droits de copie.

    Google et les plaignants staient mis daccord pour, dans les grandes lignes, permettre Google de tenir une librairie numrique en ligne dont les profits iraient aux ayants droit et aux diteurs. Cependant, la crainte dun monopole de Google et lespoir dune loi du Congrs sur les uvres dites orphelines a fait que cet accord a t refus devant la section sud de la cour du second circuit de la cour fd-rale des tats-Unis. Les parties tentent depuis de ngocier les termes dun arrangement acceptable par le juge. Il a t suggr dans plusieurs blogs 16 et dans un article de Jeffrey Toobin dans

    16. Voir par exemple le blog de Peter Brantley : http://blogs.lib.berkeley.edu/shimenawa

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    The New Yorker 17 quun accord permet-tant la libre consultation sur Google Books des uvres sous copyright serait possible, mais ces spculations semblent prsent caduques. Entre-temps, la numrisation progresse, lindexation progresse, et les lecteurs ont leur disposition une collection sans cesse croissante de livres dans de nombreuses langues, tous indexs. Des uvres en caractres non latins sont numrises, mais lindexation et la recherche nont pas encore com-menc et attendent des amliorations des logiciels de reconnaissance optique des caractres.

    Dautres projets de numrisation

    Dautres projets de numrisation de masse sont bien entendu en cours. Microsoft a financ plusieurs projets la British Library, Yale et ailleurs, pour numriser des uvres du do-maine public. Pour lheure, linterface et le service de recherche Microsoft Book Search nont pas t mis en place, mais chacune des institutions subven-tionnes devait convertir 100 000 livres au format numrique. Le projet Million Books 18 a numris plus dun million et demi de livres, mais ne les propose que page page et en mode image dans une interface spciale qui ne per-met de faire de recherche que dans les noms dauteur et les titres. LOpen Content Alliance 19, un consortium de plus de cinquante bibliothques avec lInternet Archive 20 sa tte, a numris plus de 100 000 titres, tous issus du domaine public. Ces uvres peuvent faire lobjet de recherches seu-lement sur les champs habituels des catalogues en ligne, et il ny a pas din-dexation du texte.

    Et il y a bien sr des milliers de petits projets spcialiss de numrisa-tion en cours partout dans le monde, comme par exemple celui de Stanford et du Corpus Christi College autour de la collection Parker dj voqu. Tous

    17. Jeffrey Toobin, Googles Moon Shot , in Annals of Law section, The New Yorker, 5 fvrier 2007.

    18. www.archive.org/details/millionbooks

    19. www.opencontentalliance.org

    20. www.archive.org

    ces projets vont fournir des livres, des manuscrits et des archives numriss que lon pourra dune faon ou dune autre dcouvrir. Ils pourront tre lus en ligne par les coliers, les cher-cheurs, les citoyens, les gens quelle que soit leur profession ou leur locali-sation.

    Dans cet article, il a t question des divers modes de recherche pos-sibles dans ces bases, et de la faon dont on peut y trouver et y lire, de dif-frentes faons, un livre lectronique. Linstitution laquelle jappartiens fait partie du petit nombre qui dveloppe et met en pratique des fonctions avan-ces dindexation, de recherche et de navigation dans leurs bibliothques numriques, des combinaisons de fonctionnalits que ne propose pas Google, ni aucun autre service dinfor-mation du web.

    En plus des fonctions tradition-nelles, notre intention est de per-mettre une navigation par des liens hypertexte permettant partir des notes et autres citations daccder aux textes cits dans leur version num-rique. Comme on la vu, une telle fonction a dj t mise en place pour les articles proposs par HighWire Press, et les lecteurs de ces quelque 6,7 millions darticles publis en ligne par environ 145 diteurs ont manifest leur satisfaction, soulignant le temps quils gagnaient grce ces liens de citation.

    Par ailleurs, nous nous apprtons procder lindexation taxonomique des ebooks dont nous avons fait lacquisition ou qui nous sont verss dans le cadre du projet Google Book Search. Notre choix pour ce faire sest port sur lutilisation dun extracteur smantique pour dfinir les termes taxonomiques. Une autre application se charge ensuite de crer un arbre taxonomique qui indexe les sujets dont il est question dans les textes, plutt que les mots exprimant des sujets, cest--dire que les sujets trai-ts par les textes seront perceptibles de faon permettre la comparaison et lappariement des textes entre eux, et par consquent une recherche plus efficace et pertinente pour les lecteurs de Stanford.

    En collaboration avec nos coll-gues de lInstitut national dinforma-

    tique de Tokyo 21, nous travaillons soutenir une autre mthode per-mettant aux lecteurs de faire des recherches par mots, la recherche as-sociative. Par une sorte dalgbre vec-toriel, les mots des textes sont expri-ms par des nombres en fonction de leur frquence, leur position, et bien sr leur orthographe. Cette mthode de recherche permet une recherche par mots dune trs grande perti-nence. Stanford collabore galement des exprimentations portant sur la reprsentation graphique des mots importants, un autre point dentre et de dcouverte des textes. Lextension de services dalertes et de recomman-dations tels que ceux qua dvelop-ps HighWire Press pour ses articles numriques dautres types de docu-ments et dautres diteurs sont ga-lement envisags.

    Gallica et lavenir des bibliothques

    Linked Open Data

    Un atelier Linked Open Data 22 (donnes ouvertes et lies) qui sest tenu rcemment Stanford avait pour objectif de dfinir les besoins et les spcifications utiles aux grandes bibliothques, et notamment la Bi-bliothque nationale de France, pour leur permettre de produire des tri-plets RDF 23 dans les open stores . Ce besoin participe dune nouvelle approche visant donner les moyens de chercher et de dcouvrir des l-ments dinformation trs pertinents et intressants sur un sujet donn sur la base des relations et des concor-dances entre les ides, les personnes, les lieux, les choses, les vnements, les poques et autres. La Bibliothque nationale de France a t pionnire dans ce domaine, avec un service per-mettant davoir une vue unifie din-formations issues de sources trs di-verses concernant les grands auteurs franais et leurs uvres 24. Ce site,

    21. www.nii.ac.jp/en/?page_id=59&lang=english

    22. http://linkeddata.org

    23. Resource Description Framework.

    24. Voir : http://data.bnf.fr

  • bbf : 2011 23 t. 56, no 6

    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    sous une apparente simplicit, est un dbut de dmonstration des possibili-ts offertes par cette mthode de pr-sentation, danalyse et dexploration de ressources en nombre. Ce sont les prmices dun environnement dex-ploration plus efficace et fonctionnel, qui permettra de gagner du temps, de spargner une peine inutile, et de mettre en vidence des ressources ca-ches qui seraient sans doute passes inaperues. Une ou deux douzaines dautres bibliothques et quelques muses ailleurs dans le monde vont se joindre aux efforts de la BnF pour mettre librement disposition les noncs des relations sous-jacents pour en permettre lexploitation dans de nouveaux services dinformation. A noter que cette mthode du lin-ked data agrge des informations issues de nombreux sites catalogues, rsums de faon rendre caduc le recours successif de nombreux silos dinformation, plus connus sous le nom de rservoirs de mtadonnes dans le monde des muses et des bi-bliothques.

    Si on additionne toutes ces volu-tions, quelle incidence ont-elles quant lavenir des bibliothques ? Les mis-sions des bibliothques restent fonda-mentalement les mmes : elles sont le foyer des matriaux bruts de la recherche et des commentaires, des tmoins de lhistoire et de certains des produits de limpulsion cratrice, et des traces des tentatives de lHomme pour comprendre son environnement. Elles sont parmi les rares institutions qui sont les gardiennes de la culture, absorbant souvent les collections de documents, de livres et autres rassem-bles par des individus en fonction de leurs intrts et de leurs plaisirs. De toute vidence, ce qui change est la gamme des formats : les supports des ides exprimes par les mots, les images, les sons, et dautres genres sont en train de se dvelopper. La communication en rseau et les tech-nologies numriques ont abouti la mise en relation dune masse dindi-vidus immense, changeant sur un ventail ahurissant de sujets dun int-rt temporaire, voire phmre. Seule une infime partie de ce brouhaha sera conserve dans les bibliothques, mais nous commenons peine percevoir

    lampleur du principal dfi : garder pour les gnrations futures ce qui est n en format numrique.

    Gallica

    Certains de ces nouveaux services quil est possible de rendre aux cher-cheurs, aux tudiants et aux citoyens grce aux ressources dinternet et des collections de livres numriss, debooks ou autres documents num-riques sont mis en uvre dans Gal-lica, limmense bibliothque num-rique de la Bibliothque nationale de France 25. Gallica contient et met disposition plus de deux millions de livres, documents, cartes, manuscrits, images, priodiques, partitions ou en-core enregistrements audio issus des collections de la BnF, de bibliothques partenaires et de-distributeurs.

    Dans Gallica, on peut aussi feuil-leter les manuscrits du xve sicle conservs la BnF, et lire son gr les mots crits il y a des sicles, sans au-cune des contraintes horaires ou pra-tiques de la salle de lecture du dparte-ment des Manuscrits du site Richelieu de la BnF, et ce mode de lecture sur copie numrique nendommage en rien le manuscrit. Sauf en ce qui concerne les recherches concernant lobjet manuscrit lui-mme, ses pages de papier ou de parchemin, sa reliure, ses encres, et ses marques dusage, la version numrique propose au lecteur un mode daccs au texte propre sa-tisfaire la grande majorit des besoins des chercheurs.

    Assurment, les chercheurs vou-dront et auront besoin de lire plu-sieurs manuscrits la fois, de consul-ter divers dictionnaires et autres ouvrages de rfrence pendant quils les tudient, de discuter de leur travail avec le personnel de la salle de lecture et avec dautres chercheurs. Lenviron-nement actuel propos par Gallica r-pond la plupart de ces besoins, mais pas tous. Dans les annes venir, il sera possible dutiliser les manuscrits dautres manires utiles mme sils proviennent de bibliothques diff-rentes.

    25. http://gallica.bnf.fr

    Parmi ces fonctionnalits, il serait possible dannoter virtuellement des mots, des lignes, des pages, des sec-tions entires afin de partager ses ides et hypothses. On pourra gale-ment bientt superposer lcriture de plusieurs manuscrits, et on travaille galement un outil permettant de comparer des pages en les alignant les unes ct des autres virtuellement.

    Gallica est un excellent exemple du genre de services quil est au-jourdhui possible de proposer si-multanment une large part des citoyens grce aux nouvelles techno-logies. Grce internet, Gallica donne accs pour ainsi dire instantanment en France ou ailleurs des docu-ments historiques et culturels de la nation franaise et de ses prcurseurs qui ntaient auparavant accessibles quaux rares lecteurs qui pouvaient se rendre en personne la BnF. Quel progrs pour les citoyens franais et pour ceux qui sintressent la France !

    valuation des pratiques

    Ce qui tait une vidence du temps des grandes bibliothques dphse et dAlexandrie, savoir le rangement des rouleaux et plus tard des livres sur des tagres, labri des intempries, des parasites, du feu et de leau, et qui vaut toujours pour les documents physiques, nen est pas une pour les documents vir-tuels, mme si eux aussi transmettent des informations, la connaissance et mme la sagesse.

    Ce nest quau cours des dernires annes que sont apparues des tenta-tives srieuses pour dvelopper des archives numriques des fins de conservation. La bibliothque du futur disposera pour remplir son rle cultu-rel et scientifique de plusieurs moyens et infrastructures. Pour cela, les biblio-thques dveloppent de nouveaux ser-vices sur la base des nouveaux moyens de communication, mais elles inven-tent ou contribuent de nouvelles pratiques dindexation et de recherche dans les textes et, bientt, dans les images, que chercheurs et tudiants peuvent sils le souhaitent utiliser pour trouver et analyser ces dernires

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    plus facilement et plus finement que jamais.

    Il est vrai que les chercheurs et les tudiants vont devoir, en consquence, faire voluer leurs pratiques, tradition-nelles ou numriques, pour ce qui est de la recherche, de la navigation et de la critique des sources. Certaines bibliothques sont lavant-garde de cette volution. Elles seront bientt de plus en plus nombreuses adopter les mthodes et les services dvelopps ailleurs, pour le plus grand bnfice des lecteurs. Tout comme il est trop tt pour dplorer la mort du livre, il est trop tt pour dplorer celle des bi-bliothques.

    Les diteurs

    Si ces prdictions concernant le livre et la bibliothque sont justes, les diteurs devront proposer eux aussi de nouveaux projets numriques. Pour les maisons ddition, ces volutions sont indniablement en marche. Les liseuses qui sont prsent mises sur le march, et les centaines de milliers de livres proposs par une multitude dditeurs en version numrique le prouvent. Les diteurs proposent aussi des livres imprims la demande qui sont stocks et vendus grce aux tech-nologies et aux rseaux numriques, avant dtre imprims pour rpondre la commande dun acqureur et en-voys directement depuis le lieu dim-pression.

    Le progrs dans ce domaine ne sarrte pas l, notamment parce que les diteurs spcialiss dans certains genres, comme les revues, se sont lancs trs tt dans ldition lectro-nique et en sont venus proposer de nouveaux services, de nouvelles fonc-tionnalits leurs lecteurs, et mme crer de nouveaux marchs. Beaucoup dditeurs scientifiques et mdicaux proposent des guides, des ouvrages pratiques et de rfrence en version numrique qui sont faciles mettre jour, faciles utiliser, et qui offrent la fois des illustrations, une gestion des citations et des liens bibliogra-phiques utiles aux praticiens. Il ne sarrte pas l aussi pour dautres rai-sons, notamment cause de la pro-lifration de nouveaux modles de

    publication, en particulier pour les chercheurs et autres intellectuels.

    Quest-ce quun diteur ?

    Auteur et diteur

    Publier consiste diffuser lin-formation auprs du public, quil sagisse de littrature, de posie, de musique ou de cinma, pour prendre quelques exemples. Cest une acti-vit fondamentale, qui a de lourdes implications lgales et culturelles. Les diteurs, comme les bibliothcaires, slectionnent leur matire premire. Dans leur cas, il sagit de diffusion pu-blique, souvent dans un but lucratif, souvent pour asseoir une rputation, souvent aussi pour le bien public. Les diteurs acqureurs ou travaillant par commande parlent souvent du dve-loppement dun livre. Ils aident les auteurs et les compilateurs de diverses manires, proposant parfois des avances sur les droits pour encoura-ger lcriture et le travail de cration. Lidentification dauteurs est lie cette fonction de slection. Contraire-ment aux relations entre lecteurs et bi-bliothques ou bibliothcaires, les au-teurs ont souvent avec les diteurs des relations heurtes et turbulentes. Il y a la question de largent, mais aussi celle de dterminer qui possde le ta-lent, et qui doit dcider en dernier res-sort. Chercheurs et professeurs cri-vent parfois des articles et des livres pour satisfaire aux exigences thiques et professionnelles qui leur imposent de faire connatre lavance et le rsul-tat de leurs recherches. Lenjeu nest alors en gnral pas dargent, mais plutt de fiert personnelle quant aux dcouvertes et leur publication. Beaucoup dditeurs spcialiss dans les crits acadmiques se trouvent confronts des disputes sur des l-ments plus moins importants des ma-nuscrits. Quand il est aussi question dargent, par exemple dans le cas de manuels ou douvrages de vulgarisa-tion, lenjeu est plus lev encore la rmunration financire aussi.

    Laissons pour linstant de ct la commande et la cration de contenu ; une autre fonction importante des diteurs est ldition. Voici ce quen

    dit lcrivain Richard Rhodes, laurat du prix Pulitzer : Ldition nest pas une opration cosmtique. Cest un pro-cessus de rflexion. Lexpression nmerge dordinaire de lesprit de lcrivain que vaguement organise. Les images affluent en masse ; les souvenirs, les ides et leurs associations dboulent sur la page. La mmoire, chien de chasse envoy traquer le langage, rapporte la premire chose qui lui tombe sous la dent l o on la lance. Parfois, cest le mot juste, parfois un cou-sin loign, parfois un poisson crev. Pour ne pas broder sur un mauvais choix, pour ne pas utiliser la voix active, ni obir quelque autre loi stylistique, mais aller au plus clair pour soi-mme et pour son lecteur, ce que lon veut dire, il faut lditer 26.

    Mieux encore, lorsquun bon cri-vain finit dditer son propre manus-crit, un bon diteur le lit et lui suggre des amliorations. Dans beaucoup des meilleures maisons ddition, des relec-teurs vrifient tout une fois de plus et proposent dautres modifications. En confiant plusieurs professionnels expriments et bien entrans la tche de rendre clair ce qui doit ltre, les di-teurs contribuent un second titre notre intrt nous lecteurs. La crati-vit de lauteur sort amliore et mme grandie du savoir-faire de lditeur.

    Le savoir-faire de lditeur

    Les diteurs ramasse-miettes , les soi-disant auto-diteurs, diteurs compte dauteur et impcunieux, ten-tent de faire sans le travail ddition, ou demandent aux auteurs une prise en charge financire. Les livres qui se vendent le mieux, ceux qui sont men-tionns par les critiques et cits sont en rgle gnrale ceux qui sont passs par les mains dun diteur. Le savoir-faire de lditeur, qui vient sajouter au travail de cration des auteurs, est ce qui permettra aux vritables diteurs de se maintenir face aux nouveaux modles et lauto-dition. La quantit croissante de rebut accrot dautant la valeur dune dition de qualit.

    Dans certaines publications, le travail de composition et de mise en

    26. Richard Rhodes, How to Write, New York, William Morrow, 1995, p. 113.

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    Lavenir des livres, des bibliothques de recherche et de ldition intellectuelle :

    page est trs important, voire consti-tutif. Cest le cas par exemple des catalogues des grands muses et des galeries clbres. Cest aussi le cas des hebdomadaires grands tirages dans tous les pays : quel travail ddi-tion ! La composition des pages, les graphismes, peuvent tre raliss par des amateurs, mais il est presque tou-jours profitable davoir recours la patte dun bon professionnel, mme si la mise en page se fait maintenant presque entirement sur ordinateur.

    Les diteurs se chargent ensuite de limpression des livres, ou de leur sortie en format numrique. On verra de plus en plus de publications num-riques, car les diteurs de livres com-mencent comprendre ce que les di-teurs de revues ont appris il y a bien dix ans : ils peuvent toucher un public plus large par une publicit et une dis-tribution des livres aux lecteurs par le biais dinternet. Certains de ces livres disposeront des fonctionnalits de lecture et de recherche voques plus haut au sujet des articles hbergs par HighWire Press. Mais les lecteurs continueront encore longtemps de trouver des ditions papier lgantes et richement illustres.

    conomie et dition

    Les diteurs mettent sur le march des livres pour les vendre. Souvent, cela implique des intermdiaires : grossistes, dtaillants, distributeurs, vendeurs en ligne, et surtout libraires. Les diteurs encouragent les journaux gnralistes et les magazines faire la critique des livres de vulgarisation, voire de temps autre dun ouvrage universitaire. Les diteurs douvrages universitaires font de mme dans les revues scientifiques. Les critiques et le bouche oreille, ce que lon appelle dsormais le marketing viral, ont une incidence sur le nombre de lecteurs. Les bibliothques veillent rendre ac-cessibles les livres sur le temps long, lorsque les diteurs ont cess de les produire, mais cela va changer car les livres numriques ne sont jamais puiss.

    Les diteurs ngocient des contrats de traduction et de codition dans des pays loigns de celui de

    lauteur ou de lditeur dorigine. Ils touchent ainsi un lectorat plus vaste et plus vari. Ces activits permettent de rpandre information et opinions par-tout dans le monde, ce qui est en g-nral une bonne chose. Outre le pro-jet Google, les diteurs traditionnels ont d faire face la prolifration de solutions venant faire concurrence leurs services et leurs modles com-merciaux. Lauto-dition, par exemple Lulu.com, offre aux auteurs qui ont de lambition (mais peut-tre pas assez de talent ou dimagination pour attirer un diteur majeur) tous les services proposs par un diteur lexception de deux. Par dfinition, nimporte qui peut sauto-diter sur Lulu ou nim-porte lequel de ses comptiteurs. Il ny a par consquent pas de slection, pas de commandes, pas dvolution des auteurs. Ils sont ce quils sont lorsquils arrivent, et ils sont livrs aux lecteurs sans modification aucune. Et Lulu et autres nditent en aucune manire, mme sils permettent def-fectuer des changements sur le texte. Il ny a l rien de ce qui fait lintrt davoir un diteur, une personne ext-rieure propre porter un regard neuf sur la prose immortelle de lauteur, et disposant dun crayon pardon, dun traitement de texte acr et dune matrise exemplaire de la langue ma-ternelle de lauteur pour amliorer un texte, systme qui a lui-mme des limites videntes. Certains affirme-ront en outre que les savants nont pas besoin dditeur. Ils ont tort. Les crits produits par les savants, quel que soit leur genre, y compris la fiction, gagnent tre soumis un diteur tout autant qu la critique des pairs. Des auteurs prolifiques et cultivs en tmoignent constamment.

    La validation par les pairs

    La validation par les pairs mrite aussi dtre voque dans cet article. Cest un des moments de la commu-nication scientifique, entre la phase de recherche et celle de la mise par crit des rsultats, que cette mise par crit prenne la forme dun article, dun livre ou mme dun site internet. Cest une tape essentielle. La validation par les pairs garantit que les mthodes, les

    rsultats, les implications et mme lexpression proposs par les diteurs et auteurs sont dignes dtre soumis au public.

    La publication des mthodes et rsultats de la recherche nest quun des versants de la validation par les pairs, quelle que soit la discipline, mais cest lensemble de ces critiques qui confirme les rsultats, la valeur du travail du chercheur. Parfois, la cri-tique des pairs est un chec. On peut par exemple voquer la clbre affaire de la fusion froid : tous les protago-nistes ont pass au mieux pour des idiots 27. Il y a quelques annes, il y a aussi eu le cas dun chercheur coren qui prtendait avoir clon des tres humains 28 : autre exemple dun chec embarrassant de la validation par les pai