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l’écriture sartrienne ? Que signifie lire Sartre ? Pour ce faire, la tâche pourrait se déployer sur plusieurs niveaux, chacun étant à même de délivrer une ou des réponse(s) aux questions qui se posent. Il serait d’abord possible d’aborder le problème sous son versant thématique : car Sartre a livré un certain nombre de textes philosophiques et littéraires traitant de l’écriture et de la lecture. Il donne à voir, et à penser, le sens qu’il entend leur faire endosser : écrire et lire sont donc appréhendés comme des thèmes, et exhaussés au statut d’objets pour la pensée. C’est ce que la première approche possible de la question pourrait s’attacher à ressaisir : écrire et lire seraient alors envisagés ou interrogés en tant que thématiques sartriennes. Plus profondément, et en tous les cas de façon plus originale, le problème pourrait également être approché sous son aspect pratique : la difficulté, à ce niveau, est en ceci que le terrain concentre toute la fraîcheur et la nouveauté de la question. C’est précisément ici que l’obscurité est la plus grande, et l’opacité la plus forte : justement, c’est ce qui fait de ce versant pratique la motivation première et l’horizon dernier du projet de cette journée d’études. L’écriture sartrienne et la lecture des textes de Sartre, lesquelles sont en question sur le plan du philosophique tout autant que sur celui du littéraire, seraient à examiner dans leur dimension pragmatique. La démarche à suivre consisterait à percevoir dans toute sa force la pratique qui est comprise dans les faits d’écrire et de lire : l’un et l’autre seraient ainsi saisis comme une activité ou un « faire ». L’ambition consisterait donc à découvrir l’acte qui est à l’œuvre en ces phénomènes : en somme, l’objectif serait d’interroger la praxis mise en place par l’écriture sartrienne et par la lecture des textes de Sartre. Davantage, l’ « agir » dont il s’agit s’accompagne d’une dimension expérientielle : car l’écriture est une activité langagière où se déploie une épreuve, et la lecture crée des effets au sens où elle est à la source de vécus. En ce sens, c’est sous l’angle de l’expérience qu’il faudrait s’interroger sur les phénomènes de l’écriture et de la lecture, tels qu’ils sont mis en jeu par les textes sartriens. Au sujet de l’écriture, il s’agirait ainsi de remonter à un niveau plus fondamental de la question, et plus largement inexploré encore : car il y a ce que Sartre pense et dit de l’écriture mais, plus loin, il y a aussi son écriture, celle dans laquelle ― ou à partir et depuis laquelle ― l’écriture fait l’objet de la réflexion et du discours. À ce propos, les questions pourraient par exemple être les suivantes : comment Sartre écrit-il ou use-t-il de l’écriture ? Quelle(s) est (sont) la (les) spécificité(s) propre(s) à son écriture ? Quel(s) emploi(s) fait-il des mots ? De même, au sujet de la lecture, il n’y a pas seulement ce que Sartre dit de la lecture : il y a également l’expérience qui s’éprouve en lisant ses textes, ou ce que donne à vivre la lecture des textes en lesquels la lecture est traitée et thématisée. En ce sens, les problèmes à soulever et, si possible, à élucider seraient notamment les suivants : comment lire Sartre ? Quelle(s) lecture(s) de lui-même Sartre appelle-t-il ? Quel(s) sens admet la lecture des textes sartriens ? Quel(s) usage(s) de la lecture est (sont) alors en jeu ?

l’écriture sartrienne ? Que signifie lire Sartre ? Pour ce

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Page 1: l’écriture sartrienne ? Que signifie lire Sartre ? Pour ce

l’écriture sartrienne ? Que signifie lire Sartre ? Pour ce faire, la tâche pourrait se déployer sur plusieurs niveaux, chacun étant à même de délivrer une ou des réponse(s) aux questions qui se posent.

Il serait d’abord possible d’aborder le problème sous son versant thématique : car Sartre a livré un certain nombre de textes philosophiques et littéraires traitant de l’écriture et de la lecture. Il donne à voir, et à penser, le sens qu’il entend leur faire endosser : écrire et lire sont donc appréhendés comme des thèmes, et exhaussés au statut d’objets pour la pensée. C’est ce que la première approche possible de la question pourrait s’attacher à ressaisir : écrire et lire seraient alors envisagés ou interrogés en tant que thématiques sartriennes. Plus profondément, et en tous les cas de façon plus originale, le problème pourrait également être approché sous son aspect pratique : la difficulté, à ce niveau, est en ceci que le terrain concentre toute la fraîcheur et la nouveauté de la question. C’est précisément ici que l’obscurité est la plus grande, et l’opacité la plus forte : justement, c’est ce qui fait de ce versant pratique la motivation première et l’horizon dernier du projet de cette journée d’études. L’écriture sartrienne et la lecture des textes de Sartre, lesquelles sont en question sur le plan du philosophique tout autant que sur celui du littéraire, seraient à examiner dans leur dimension pragmatique. La démarche à suivre consisterait à percevoir dans toute sa force la pratique qui est comprise dans les faits d’écrire et de lire : l’un et l’autre seraient ainsi saisis comme une activité ou un « faire ». L’ambition consisterait donc à découvrir l’acte qui est à l’œuvre en ces phénomènes : en somme, l’objectif serait d’interroger la praxis mise en place par l’écriture sartrienne et par la lecture des textes de Sartre. Davantage, l’ « agir » dont il s’agit s’accompagne d’une dimension expérientielle : car l’écriture est une activité langagière où se déploie une épreuve, et la lecture crée des effets au sens où elle est à la source de vécus. En ce sens, c’est sous l’angle de l’expérience qu’il faudrait s’interroger sur les phénomènes de l’écriture et de la lecture, tels qu’ils sont mis en jeu par les textes sartriens. Au sujet de l’écriture, il s’agirait ainsi de remonter à un niveau plus fondamental de la question, et plus largement inexploré encore : car il y a ce que Sartre pense et dit de l’écriture mais, plus loin, il y a aussi son écriture, celle dans laquelle ― ou à partir et depuis laquelle ― l’écriture fait l’objet de la réflexion et du discours. À ce propos, les questions pourraient par exemple être les suivantes : comment Sartre écrit-il ou use-t-il de l’écriture ? Quelle(s) est (sont) la (les) spécificité(s) propre(s) à son écriture ? Quel(s) emploi(s) fait-il des mots ? De même, au sujet de la lecture, il n’y a pas seulement ce que Sartre dit de la lecture : il y a également l’expérience qui s’éprouve en lisant ses textes, ou ce que donne à vivre la lecture des textes en lesquels la lecture est traitée et thématisée. En ce sens, les problèmes à soulever et, si possible, à élucider seraient notamment les suivants : comment lire Sartre ? Quelle(s) lecture(s) de lui-même Sartre appelle-t-il ? Quel(s) sens admet la lecture des textes sartriens ? Quel(s) usage(s) de la lecture est (sont) alors en jeu ?

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Programme

matinée

9h30-9h45 : Ouverture par Laurence Villard (directrice du Laboratoire de recherche ERIAC)9h45-10h15 : Natalie Depraz (Université de Rouen / ERIAC), « Lire et écrire en phénoménologue : Sartre et l’accès au vécu en première personne »10h15-10h45 : Gérard Wormser (ENS, Lyon), « Pousser l’écrit »10h45-11h15 : Martine Marzloff (INRP, Lyon), « L’autobiographie sartrienne en regard de l’esthétique de la réception »

Pause

11h-30-12h30 : Discussion-table ronde (modérateur : Philippe Fontaine, Université de Rouen / ERIAC, département de philosophie)

Déjeuner

après-midi

14h-14h15 : Florence Pignarre (Université de Rouen / ERIAC), Lecture d’un extrait de Les Mots14h15-14h45 : Noémie Parant (Université de Rouen / ERIAC), « Écrire sur l’écriture ― écrire ″pour me sauver tout entier″ »14h45-15h15 : Maël Renouard (Paris I / ENS, Paris), « En vivant en percevant : lire et écrire selon Julien Gracq »

Pause

15h30-16h : Jean-François Louette (Paris IV), « Formes et déformations de la lecture selon Sartre »16h-17h : Discussion-table ronde (modérateur : Daniel Mortier, Université de Rouen / CEREDI, département de Lettres modernes)

argumentaire

L’écriture et la lecture : des phénomènes miroir ? L’exemple de Sartre

Qu’est-ce que lire ? Qu’est-ce qu’écrire ? Y a-t-il symétrie, complémentarité, opposition, exclusive ou alternative entre ces deux actes ? De multiples études ont été réalisées, qui apportent une clarté sur l’une ou l’autre de ces activités, voire sur les deux à la fois. Sur le plan philosophique, on pense évidemment à Derrida (cf. notamment : De la grammatologie, Éditions de Minuit, Paris, 1967 et L’écriture et la différence, Seuil, Paris, 1967) et à Iser (L’acte de lecture, « Théorie de l’effet esthétique », Pierre Mardaga Éditeur, coll. « Philosophie et langage », Bruxelles, 1985, traduction par E. Sznycer) : avec l’un et l’autre, un éclaircissement prend forme, qui rend apparaissantes les sphères de l’écriture et de la lecture. Quant au plan littéraire, il est certain que Gracq (En lisant, en écrivant, Corti, Paris, 1998) a su, avec une finesse et une beauté inégalables, porter les faits de lire et d’écrire sur le chemin du saisissable. Justement, toute mise en lumière à ce sujet s’accompagne d’une mise en énigme : la dimension dont il s’agit n’émerge pas totalement du secret et conserve sa propension au mystère. C’est qu’écrire et lire demeurent toujours en question, sollicitant un foisonnement d’interrogations : on n’en finit donc pas de se demander ce que l’une et l’autre recouvrent. La recherche d’une parole possible à ce niveau ― ou, moins radicalement, le désir d’en savoir davantage et jusqu’au plus profond ― constituerait justement l’ambition de cette journée d’études, et le cadre en lequel elle viendrait s’inscrire.

Davantage, cette journée d’études souhaiterait s’inscrire dans un champ déterminé et donner lieu à des analyses situées : en ce sens, tout en laissant la possibilité de porter l’attention sur un versant large du problème, le débat devra aussi se centrer sur une perspective particulière. En l’occurrence, Sartre ― plus que tout autre ― est au centre des questions de l’écriture et de la lecture, telles qu’elles se déploient tant dans le champ philosophique que littéraire. Il n’est que de s’en remettre à son autobiographie pour attester son ancrage évident dans les problématiques de l’écriture (Les Mots, Gallimard, coll. « Folio », Paris, 1980, pp. 117-214) et de la lecture (ibidem, pp. 9-116) : l’une et l’autre, en effet, sont les deux versants à partir desquels Sartre a donné à voir ce que son individualité englobe. En ce sens, s’interroger sur Sartre à la lumière de ces phénomènes constitue sans nul doute la façon la plus fidèle, et la plus belle et authentique, de le comprendre : si l’on veut voir Sartre tel qu’il s’est vu lui-même, avec la fausseté mais aussi avec la justesse et la richesse que peut comporter tout regard sur soi-même, alors il faut se pencher sur les faits de l’écriture et de la lecture ― tels qu’ils jaillissent et s’imposent dans la textualité sartrienne. En un mot, la façon la plus pertinente d’approcher Sartre semble bien trouver son expression dans les questions suivantes : qu’est-ce qu’écrire et lire selon ou avec Sartre ? Et que recouvre

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rÉsumÉs Des communications

• natalie Depraz, « Lire et écrire en phénoménologue : sartre et l’accès au vécu en première personne » : Peut-on, si l’on est phénoménologue, lire ou écrire en troisième personne ? Les actes de lire et d’écrire ne sont-ils pas des cas exemplaires d’expériences en première personne ? Dans La transcendance de l’ego, Sartre défend la thèse de l’illusion de l’ego à titre d’ « habitant de la conscience » et avère ainsi un mode de relation de soi qui passe par ce qu’il nomme la conscience pré-réfléchie non-égologique. Il démonte ainsi de façon radicale la tendance de toute philosophie du sujet à poser le moi ou le je, comme l’on voudra, comme une instance centrale qui confère à la conscience son identité dans le temps et vis-à-vis des autres. Si la thèse théorique est claire, l’examen de la posture concrète du phénoménologue en tant qu’écrivant, c’est-à-dire aussi de l’attitude qu’il requiert de son lecteur l’est peut-être moins. Dans cette contribution, je voudrais me déplacer de la théorie critique de l’ego à la pratique du sujet phénoménologue Sartre et étudier les lignes de déplacement, de démarcation et de reconfiguration de l’expérience de l’auteur en première personne. Comment Sartre écrit-il ? Comment invite-t-il le lecteur à lire ? Quels sont les critères émergents de sa pratique en tant que phénoménologue ? En quel sens peut-on dire qu’il écrit et fait lire « en première personne » ? Plutôt que de parler de cette pratique en en avérant l’exigence générale, bien entendue attestable dans l’engagement même de Sartre, à la fois littéraire et politique, il m’a paru plus intéressant de tenter d’en vérifier les traits expérientiels à même l’étude de l’élaboration de sa doctrine de la conscience : quelle est la pratique sartrienne de l’accès au vécu en première personne ?

• gérard Wormser, « Pousser l’écrit » : Ce titre marquera la dimension active et «l’impulse» sartrien - son point commun avec le jazz qu’il appréciait. Il y aura deux volets, correspondant à votre texte liminaire. Voici mon résumé, ou plutôt mes intentions. 1. Portrait de l’intellectuel en humoriste. Ses écrits de jeunesse sont remarquables en ceci que la parodie est associée d’emblée à l’écriture. La «revue sans titre» des débuts annonce-t-elle les Temps modernes ? Son théâtre de marionnettes enfantin anticipait-il Huis Clos ? Et la recherche biographique de Roquentin L’Idiot de la Famille ? Le pastiche est fondateur chez Sartre d’une posture d’écrivain telle que sa critique du «sérieux» constitue son «gueuloir» : c’est le filtre au travers duquel il perçoit les formes qui résistent. Œuvres lues ou textes composés sont instantanément soumises chez Sartre à l’instance critique radicale du second degré. Si l’autodérision détruit dans l’œuf toute complaisance à soi, n’est-elle pas indispensable pour lire autrui et promouvoir les travaux où s’incarne l’altérité de l’autre ? Des préférences de Sartre à ses choix éditoriaux, nous pourrions esquisser quelques jalons. 2. esquisse d’une théorie des éditions. Ce processus est porteur d’une dimension éditoriale, pour autant que l’humeur est un affect communicatif. Par-delà la pratique de Sartre, il ya matière à interroger cette praxis dans sa manière d’articuler ses dimensions de «totalité détotalisée». On s’intéressera particulièrement (a) à la dimension de signature ou d’auctorialité : thématisée dans qu’est-ce que la littérature ?, nous trouvons ici la tension entre la voix singulière et sa possible «reprise» par un lectorat. (b) à la question des supports et de la diffusion, qui engage une économie de la connaissance, un partage des questions et un usage du temps et enfin (c) à la question de la pluralité des talents et des genres, qui dessine des horizons pratiques en situation «post-identitaire». Les Temps modernes conjuguent ces aspects de la manière la plus concrète, donnant une exemplification de cette condition historique dont la Critique de la raison dialectique tente une approche formalisée. Cette pragmatique éditoriale sartrienne conjugue ainsi la pluralité des «ego» avec la continuité temporelle des intentions de signification.

• martine marzloff, « L’autobiographie sartrienne en regard de l’esthétique de la réception » : Le propos de cette intervention invite à mettre en regard Sartre et Iser. La première

rÉsumÉs Des communications

• natalie Depraz, « Lire et écrire en phénoménologue : sartre et l’accès au vécu en première personne » : Peut-on, si l’on est phénoménologue, lire ou écrire en troisième personne ? Les actes de lire et d’écrire ne sont-ils pas des cas exemplaires d’expériences en première personne ? Dans La transcendance de l’ego, Sartre défend la thèse de l’illusion de l’ego à titre d’ « habitant de la conscience » et avère ainsi un mode de relation de soi qui passe par ce qu’il nomme la conscience pré-réfléchie non-égologique. Il démonte ainsi de façon radicale la tendance de toute philosophie du sujet à poser le moi ou le je, comme l’on voudra, comme une instance centrale qui confère à la conscience son identité dans le temps et vis-à-vis des autres. Si la thèse théorique est claire, l’examen de la posture concrète du phénoménologue en tant qu’écrivant, c’est-à-dire aussi de l’attitude qu’il requiert de son lecteur l’est peut-être moins. Dans cette contribution, je voudrais me déplacer de la théorie critique de l’ego à la pratique du sujet phénoménologue Sartre et étudier les lignes de déplacement, de démarcation et de reconfiguration de l’expérience de l’auteur en première personne. Comment Sartre écrit-il ? Comment invite-t-il le lecteur à lire ? Quels sont les critères émergents de sa pratique en tant que phénoménologue ? En quel sens peut-on dire qu’il écrit et fait lire « en première personne » ? Plutôt que de parler de cette pratique en en avérant l’exigence générale, bien entendue attestable dans l’engagement même de Sartre, à la fois littéraire et politique, il m’a paru plus intéressant de tenter d’en vérifier les traits expérientiels à même l’étude de l’élaboration de sa doctrine de la conscience : quelle est la pratique sartrienne de l’accès au vécu en première personne ?

• gérard Wormser, « Pousser l’écrit » : Ce titre marquera la dimension active et «l’impulse» sartrien - son point commun avec le jazz qu’il appréciait. Il y aura deux volets, correspondant à votre texte liminaire. Voici mon résumé, ou plutôt mes intentions. 1. Portrait de l’intellectuel en humoriste. Ses écrits de jeunesse sont remarquables en ceci que la parodie est associée d’emblée à l’écriture. La «revue sans titre» des débuts annonce-t-elle les Temps modernes ? Son théâtre de marionnettes enfantin anticipait-il Huis Clos ? Et la recherche biographique de Roquentin L’Idiot de la Famille ? Le pastiche est fondateur chez Sartre d’une posture d’écrivain telle que sa critique du «sérieux» constitue son «gueuloir» : c’est le filtre au travers duquel il perçoit les formes qui résistent. Œuvres lues ou textes composés sont instantanément soumises chez Sartre à l’instance critique radicale du second degré. Si l’autodérision détruit dans l’œuf toute complaisance à soi, n’est-elle pas indispensable pour lire autrui et promouvoir les travaux où s’incarne l’altérité de l’autre ? Des préférences de Sartre à ses choix éditoriaux, nous pourrions esquisser quelques jalons. 2. esquisse d’une théorie des éditions. Ce processus est porteur d’une dimension éditoriale, pour autant que l’humeur est un affect communicatif. Par-delà la pratique de Sartre, il ya matière à interroger cette praxis dans sa manière d’articuler ses dimensions de «totalité détotalisée». On s’intéressera particulièrement (a) à la dimension de signature ou d’auctorialité : thématisée dans qu’est-ce que la littérature ?, nous trouvons ici la tension entre la voix singulière et sa possible «reprise» par un lectorat. (b) à la question des supports et de la diffusion, qui engage une économie de la connaissance, un partage des questions et un usage du temps et enfin (c) à la question de la pluralité des talents et des genres, qui dessine des horizons pratiques en situation «post-identitaire». Les Temps modernes conjuguent ces aspects de la manière la plus concrète, donnant une exemplification de cette condition historique dont la Critique de la raison dialectique tente une approche formalisée. Cette pragmatique éditoriale sartrienne conjugue ainsi la pluralité des «ego» avec la continuité temporelle des intentions de signification.

• martine marzloff, « L’autobiographie sartrienne en regard de l’esthétique de la réception » : Le propos de cette intervention invite à mettre en regard Sartre et Iser. La première

Page 4: l’écriture sartrienne ? Que signifie lire Sartre ? Pour ce

partie vise à faire le point sur la conception de la lecture telle qu’elle a été pensée par W. Iser dans son ouvrage L’acte de lecture Théorie de l’effet esthétique. Dans la réflexion plus générale sur la lecture et l’écriture comme deux phénomènes en miroir, W. Iser a joué un rôle majeur. En effet, dans l’interaction entre le lecteur et le texte, le hiatus entre les deux pôles fonde la créativité de la réception : la lecture est une mise à l’épreuve des aptitudes du lecteur, lequel se construit comme sujet lisant en construisant le sens du texte. La deuxième partie cible plus particulièrement l’autobiographie de Sartre qui met en jeu la réflexivité de la lecture et de l’écriture. La mise en mots de la vie est cette activité de synthèse que W. Iser appelle la lecture et qui construit le sujet lecteur comme conscience de soi. En même temps, Sartre montre les tricheries, les trucages, les mises à distance de l’expérience scripturale. La troisième partie propose de mesurer les implications de cette expérience autobiographique : la lecture et l’écriture constituent les deux faces d’une entreprise de démystification pendant laquelle le sujet se voit, fabriquant un texte-spectacle où se jouent les différentes représentations du lecteur, du scripteur. La lecture et l’écriture permettent à chacun d’élucider sa propre position, son angle de vision à partir duquel il peut s’écrire en se relisant.

• noémie Parant, « Écrire sur l’écriture ― écrire ″pour me sauver tout entier″ » : L’ambition du propos consistera à ressaisir la thématique sartrienne de l’écriture, thématique langagière par excellence, telle qu’elle surgit dans divers champs de la littérature (critique littéraire, univers romanesque et langage propre). Précisément, il s’agira de souligner la particularité de cette thématisation et ce qui en fait la marque spécifique : à savoir l’évidence frappante selon laquelle l’écriture est comprise à la lumière d’un point de vue ontologique, comme ce qui atteint le pour-soi lui-même, le concerne et l’engage ― jusque dans son être. Puis l’analyse cherchera à gagner en profondeur, en se penchant rigoureusement sur cette portée ontologique contenue dans l’acte d’écrire : pour ce faire, l’esthétique sartrienne, dont la spécificité est de penser les multiples liens entre l’art et l’être, sera parcourue. Parcours qui aura pour vertu de conduire vers la formulation des interrogations requises en la matière. En l’occurrence : en quel sens l’écriture peut-elle m’atteindre et me toucher dans mon être, toucher à ce que je suis ― à mon ″je suis″ ―, au point d’endosser la tâche de « me sauver tout entier » ?

• maël renouard, « en vivant en percevant : lire et écrire selon Julien gracq » : Ce que je souhaitais marquer par ce titre, c’est le fait que lire et écrire, deux phénomènes dont Gracq affirme fortement la continuité, occupent chez lui une place à la fois centrale et étendue, s’étageant entre une phénoménologie (si l’on accepte d’entendre par là la mise au jour du sens d’une expérience grâce à une acuité inédite dans la description) et une morale, au sens où lire et écrire, être «au milieu des livres», comme dit Sartre, représente chez lui également une véritable manière de vivre, dont témoigne toute une partie de son œuvre (non seulement En lisant..., mais aussi les Lettrines, les Carnets du grand chemin, dont je parlerai aussi). Mon fil conducteur pourrait dès lors être que, à la différence de Sartre, pour qui lire et écrire sont les thèmes d’une philosophie constituée (même s’ils en sont peut-être des thèmes primitifs), ils sont chez Gracq le principal point d’accroche d’une philosophie possible, pour ainsi dire en pointillés, alors qu’il s’est toujours refusé, dans ses œuvres de fiction, à mêler littérature et philosophie.

• Jean-François Louette, « Formes et déformations de la lecture selon sartre » : J’ambitionne d’examiner le problème sous trois aspects : 1) Description de la conscience lisante, d’un point de vue phénoménologique, puis d’un point de vue génétique (l’apprentissage de la lecture); 2) Tératologie de la lecture selon Sartre (l’Autodidacte, mais aussi bien d’autres curieux phénomènes); 3) Politiques de la lecture (le schème théologique, le schème mao, la cécité de Sartre…).

partie vise à faire le point sur la conception de la lecture telle qu’elle a été pensée par W. Iser dans son ouvrage L’acte de lecture Théorie de l’effet esthétique. Dans la réflexion plus générale sur la lecture et l’écriture comme deux phénomènes en miroir, W. Iser a joué un rôle majeur. En effet, dans l’interaction entre le lecteur et le texte, le hiatus entre les deux pôles fonde la créativité de la réception : la lecture est une mise à l’épreuve des aptitudes du lecteur, lequel se construit comme sujet lisant en construisant le sens du texte. La deuxième partie cible plus particulièrement l’autobiographie de Sartre qui met en jeu la réflexivité de la lecture et de l’écriture. La mise en mots de la vie est cette activité de synthèse que W. Iser appelle la lecture et qui construit le sujet lecteur comme conscience de soi. En même temps, Sartre montre les tricheries, les trucages, les mises à distance de l’expérience scripturale. La troisième partie propose de mesurer les implications de cette expérience autobiographique : la lecture et l’écriture constituent les deux faces d’une entreprise de démystification pendant laquelle le sujet se voit, fabriquant un texte-spectacle où se jouent les différentes représentations du lecteur, du scripteur. La lecture et l’écriture permettent à chacun d’élucider sa propre position, son angle de vision à partir duquel il peut s’écrire en se relisant.

• noémie Parant, « Écrire sur l’écriture ― écrire ″pour me sauver tout entier″ » : L’ambition du propos consistera à ressaisir la thématique sartrienne de l’écriture, thématique langagière par excellence, telle qu’elle surgit dans divers champs de la littérature (critique littéraire, univers romanesque et langage propre). Précisément, il s’agira de souligner la particularité de cette thématisation et ce qui en fait la marque spécifique : à savoir l’évidence frappante selon laquelle l’écriture est comprise à la lumière d’un point de vue ontologique, comme ce qui atteint le pour-soi lui-même, le concerne et l’engage ― jusque dans son être. Puis l’analyse cherchera à gagner en profondeur, en se penchant rigoureusement sur cette portée ontologique contenue dans l’acte d’écrire : pour ce faire, l’esthétique sartrienne, dont la spécificité est de penser les multiples liens entre l’art et l’être, sera parcourue. Parcours qui aura pour vertu de conduire vers la formulation des interrogations requises en la matière. En l’occurrence : en quel sens l’écriture peut-elle m’atteindre et me toucher dans mon être, toucher à ce que je suis ― à mon ″je suis″ ―, au point d’endosser la tâche de « me sauver tout entier » ?

• maël renouard, « en vivant en percevant : lire et écrire selon Julien gracq » : Ce que je souhaitais marquer par ce titre, c’est le fait que lire et écrire, deux phénomènes dont Gracq affirme fortement la continuité, occupent chez lui une place à la fois centrale et étendue, s’étageant entre une phénoménologie (si l’on accepte d’entendre par là la mise au jour du sens d’une expérience grâce à une acuité inédite dans la description) et une morale, au sens où lire et écrire, être «au milieu des livres», comme dit Sartre, représente chez lui également une véritable manière de vivre, dont témoigne toute une partie de son œuvre (non seulement En lisant..., mais aussi les Lettrines, les Carnets du grand chemin, dont je parlerai aussi). Mon fil conducteur pourrait dès lors être que, à la différence de Sartre, pour qui lire et écrire sont les thèmes d’une philosophie constituée (même s’ils en sont peut-être des thèmes primitifs), ils sont chez Gracq le principal point d’accroche d’une philosophie possible, pour ainsi dire en pointillés, alors qu’il s’est toujours refusé, dans ses œuvres de fiction, à mêler littérature et philosophie.

• Jean-François Louette, « Formes et déformations de la lecture selon sartre » : J’ambitionne d’examiner le problème sous trois aspects : 1) Description de la conscience lisante, d’un point de vue phénoménologique, puis d’un point de vue génétique (l’apprentissage de la lecture); 2) Tératologie de la lecture selon Sartre (l’Autodidacte, mais aussi bien d’autres curieux phénomènes); 3) Politiques de la lecture (le schème théologique, le schème mao, la cécité de Sartre…).