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Droit Déontologie & Soin 13 (2013) 427–435 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com ScienceDirect Chronique Le cadre juridique de la télémédecine Etienne Tête (Avocat) BP 65, 69642 Caluire-et-Cuire cedex, France Disponible sur Internet le 19 novembre 2013 Résumé Longtemps restée expérimentale, la télémédecine devient une réalité, promise à une grande expansion du fait de sa pertinence. Désormais, existe un cadre juridique et déontologique opératoire. © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. La pratique de la télémédecine, après une longue période faite d’expérimentation et d’attente, a acquis un régime législatif avec la loi n o 2004-818 du 13 août 2004. Ce régime a été refondu avec la loi HPST n o 2009-869 du 21 juillet 2009 et on dispose désormais d’un cadre juridique reposant sur des référencés récentes : décret d’application n o 2010-1229 du 19 octobre 2010 et préconisations du Conseil National de l’Ordre des Médecins ; circulaire de la DGOS du 18 mai 2012. On rappellera le cadre légal (1), réglementaire (2) et déontologique (3), avant d’examiner les modalités de mise en œuvre (4). 1. Le cadre légal 1.1. Disposition de principe La base légale résulte de l’article L. 6316-1 du CSP, ainsi rédigé : « La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technolo- gies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec un patient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement un professionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins au patient. Adresse e-mail : [email protected] 1629-6583/$ see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS. http://dx.doi.org/10.1016/j.ddes.2013.10.007

Le cadre juridique de la télémédecine

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Page 1: Le cadre juridique de la télémédecine

Droit Déontologie & Soin 13 (2013) 427–435

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

ScienceDirect

Chronique

Le cadre juridique de la télémédecine

Etienne Tête (Avocat)BP 65, 69642 Caluire-et-Cuire cedex, France

Disponible sur Internet le 19 novembre 2013

Résumé

Longtemps restée expérimentale, la télémédecine devient une réalité, promise à une grande expansion dufait de sa pertinence. Désormais, existe un cadre juridique et déontologique opératoire.© 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.

La pratique de la télémédecine, après une longue période faite d’expérimentation et d’attente,a acquis un régime législatif avec la loi no 2004-818 du 13 août 2004. Ce régime a été refonduavec la loi HPST no 2009-869 du 21 juillet 2009 et on dispose désormais d’un cadre juridiquereposant sur des référencés récentes : décret d’application no 2010-1229 du 19 octobre 2010 etpréconisations du Conseil National de l’Ordre des Médecins ; circulaire de la DGOS du 18 mai2012.

On rappellera le cadre légal (1), réglementaire (2) et déontologique (3), avant d’examiner lesmodalités de mise en œuvre (4).

1. Le cadre légal

1.1. Disposition de principe

La base légale résulte de l’article L. 6316-1 du CSP, ainsi rédigé :

« La télémédecine est une forme de pratique médicale à distance utilisant les technolo-gies de l’information et de la communication. Elle met en rapport, entre eux ou avec unpatient, un ou plusieurs professionnels de santé, parmi lesquels figure nécessairement unprofessionnel médical et, le cas échéant, d’autres professionnels apportant leurs soins aupatient.

Adresse e-mail : [email protected]

1629-6583/$ – see front matter © 2013 Publié par Elsevier Masson SAS.http://dx.doi.org/10.1016/j.ddes.2013.10.007

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« Elle permet d’établir un diagnostic, d’assurer, pour un patient à risque, un suivi à viséepréventive ou un suivi post-thérapeutique, de requérir un avis spécialisé, de préparer unedécision thérapeutique, de prescrire des produits, de prescrire ou de réaliser des prestationsou des actes, ou d’effectuer une surveillance de l’état des patients ».

La définition des actes de télémédecine ainsi que leurs conditions de mise en œuvre et de priseen charge financière sont fixées par décret, en tenant compte des déficiences de l’offre de soinsdues à l’insularité et l’enclavement géographique ».

La télémédecine doit être examinée sous deux angles visés par l’alinéa 1, à savoir la miseen relation du patient avec le médecin, l’infirmière et donc le fournisseur de matériel, et lesprofessionnels de santé entre eux.

Ensuite, l’alinéa 2 souligne que la télémédecine permet de pratiquer des actes professionnelscomplets :

• diagnostic ;• prise en charge pour un patient à risque, ou d’un suivi dans le cadre de la prévention ou d’un

suivi thérapeutique ;• demande d’avis spécialisé ;• préparation d’une décision thérapeutique ;• prescription des produits, prescription et réalisation des actes ;• surveillance de l’état des patients.

1.2. Une politique volontariste des pouvoirs publics

Un comité de pilotage avait été mis en place et en 2011 a défini 5 voies d’action reconnuescomme prioritaires :

• la permanence des soins en imagerie médicale ;• la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux ;• la santé des personnes détenues ;• la prise en charge d’une maladie chronique (insuffisance rénale chronique, insuffisance car-

diaque, diabète) ;• les soins en structure médico-sociale ou en hospitalisation à domicile.

Selon l’expression du gouvernement il s’agit de passer d’une phase de « pionnier » à un déploie-ment effectif de la télémédecine. En particulier les ARS ont été dotées de moyens financiersdestinés à la promotion de projet de télémédecine qui s’engage dans les grandes orientationsfixées par le comité de pilotage.

Des sommes importantes ont été allouées aux ARS en demandant de cibler ce soutien financiervers quatre « chantiers prioritaires », le quatrième étant les soins en structure médico-sociale ouen hospitalisation à domicile.

Le cas échéant une étude peut être faite pour voir comment s’inscrire dans ces programmés.Il apparaît intéressant de s’inscrire dans ces processus. En effet, les ARS sont encouragées àvaloriser des projets structurés.

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2. Cadre réglementaire

Les modalités de mise en application de la loi ont été définies par le décret no 2010-1229 du19 octobre 2010 (CSP, art. R. 6316-1 s), mais ce texte reste succinct, les pouvoirs publics préférantl’adaptation des principes à une réglementation spécifique. De telle sorte, les professionnels sontamenées à produire des méthodes et une outils juridiques adéquats, sur un plan contractuel. Pource faire, ils doivent s’inspirer des quelques préconisations réglementaires et surtout des travauxdu Conseil de l’Ordre des médecins.

2.1. Les actes réalisables dans le cadre de la télémédecine

L’article R. 6316-1 est de première importance, car il définit les 5 actes réalisables dans le cadrede la télémédecine.

2.1.1. La téléconsultationUn médecin donne une consultation à distance à un patient. Un professionnel de santé peut

être présent auprès du patient et le cas échéant assister le professionnel médical au cours de satéléconsultation.

2.1.2. La téléexpertiseUn professionnel médical sollicite à distance l’avis d’un ou de plusieurs professionnels

médicaux en raison de leurs formations ou de leurs compétences particulières sur la base desinformations médicales liées à la prise en charge d’un patient.

2.1.3. La télésurveillance médicaleUn professionnel médical interprète à distance les données nécessaires au suivi médical

d’un patient, et le cas échéant prend des décisions relatives à la prise en charge de ce patient.L’enregistrement et la transmission des données peuvent être automatisés ou réalisés par le patientlui-même ou par un professionnel de santé.

2.1.4. La téléassistanceUn professionnel de santé peut assister à distance un autre professionnel de santé au cours de

la réalisation d’un acte.

2.1.5. La régularisation médicaleElle concerne les médecins des centres 15 qui peuvent établir par téléphone un premier dia-

gnostic afin de déterminer et de déclencher la réponse la mieux adaptée à la nature de l’appel.Il résulte clairement de l’analyse de ce texte que l’acte de télémédecine, qui inclut une dimen-

sion technique spécifique, ne se comprend que dans le cadre de la pratique générale et donc ilest soumis à l’ensemble des règles liées à la prise en charge des patients, c’est-à-dire toute ladéontologie des professions de santé (attention dans le diagnostic, information préalable, suivi dudossier, secret professionnel. . .), ainsi qu’à toutes les règles de responsabilité.

La loi se montre incitative. Il s’agit de répondre au mieux aux besoins des patients, en traitantau mieux la question de l’isolement, voire de la distance, et en rationalisant la pratique des soinsdans le cadre des prises en charge chroniques à domicile. C’est donc très clairement une terred’innovation, et les autorités sanitaires se montrent incitatrices sur ce domaine.

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2.2. Les modalités réglementaires de réalisation des actes

L’article R. 6316-2 rappelle que les actes de télémédecine sont réalisés avec le consentementlibre et éclairé de la personne, selon le droit commun. Les professionnels participant à un acte detélémédecine peuvent, sauf opposition de la personne dûment informée, échanger des informationsrelatives à cette personne, notamment par le biais des technologies de l’information et de lacommunication.

Les garanties sont définies par l’article R. 6316-3, dans des termes objectivement assezlarges :

Chaque acte de télémédecine est réalisé dans des conditions garantissant :1◦ a) L’authentification des professionnels de santé intervenant dans l’acte ;b) L’identification

du patient ;c) L’accès des professionnels de santé aux données médicales du patient nécessaires àla réalisation de l’acte ;

2◦ Lorsque la situation l’impose, la formation ou la préparation du patient à l’utilisation dudispositif de télémédecine.

L’article R. 6316-4 définit les modalités de tenues du dossier :Sont inscrits dans le dossier du patient tenu par chaque professionnel médical intervenant dans

l’acte de télémédecine et dans la fiche d’observation mentionnée à l’article R. 4127-45 :1◦ Le compte-rendu de la réalisation de l’acte ;2◦ Les actes et les prescriptions médicamenteuses effectués dans le cadre de l’acte de télémé-

decine ;3◦ L’identité des professionnels de santé participant à l’acte ;4◦ La date et l’heure de l’acte ;5◦ Le cas échéant, les incidents techniques survenus au cours de l’acte.

3. Les préconisations déontologiques

3.1. Le principe : une adaptation du cadre général

Les références déontologiques résultent des travaux du Conseil National de l’Ordre des Méde-cins qui a publié un livre blanc pour accompagner les médecins dans le développement de leurusage Internet.

L’Ordre encourage les médecins à incorporer dans leurs pratiques les innovations technolo-giques. La télémédecine est considérée comme un moyen de faire face à de nouveaux besoinset elle l’Ordre appelle les médecins à investir sur cette pratique. Les réserves qui avaient étéexprimées à l’origine n’ont plus cours devant la fiabilité des techniques et la réponse ainsi offerteà des besoins de prise en charge. Avec ce suivi à distance il s’agit de maintenir une qualité desoins identique à ce qui peut être pratiqué en service hospitalier, mais en renforcant la qualité devie des patients, notamment par leur maintien dans leur lieu habituel de vie.

Sur le plan déontologique, il s’agit, à partir du cadre législatif et réglementaire, de toujoursrevenir à la base, c’est-à-dire trouver une assise juridique et technique suffisante pour permettred’établir à distance tous les actes de la pratique courante, à savoir établir un diagnostic, obtenir unavis spécialisé, prendre une décision thérapeutique, la mettre en œuvre, instaurer une surveillancede l’évolution de l’état médical des patients, réaliser des prestations, prescrire des actes, des soinset des médicaments et tenir le dossier du patient.

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Aussi, la bonne pratique sera toujours de revenir aux principes généraux, comme l’indique leConseil de l’Ordre :

« La télémédecine est une des formes de coopération dans l’exercice médical, mettant enrapport à distance, grâce aux technologies de l’information et de la communication, unpatient et un/ou plusieurs professionnels de santé, à des fins médicales de diagnostic, dedécision, de prise en charge et de traitement dans le respect des règles de la déontologiemédicale ».« Les obligations des médecins dans le contexte d’une pratique de la télémédecine résultentde l’application des règles communes de la déontologie médicale. Celles-ci prennent toute-fois une nouvelle dimension du fait de la nécessité de préciser leur interprétation dans cetteapplication ».

L’Ordre des Médecins a donné cette définition de la surveillance.

« La télésurveillance se distingue de la téléconsultation en ce sens qu’elle concerne unpatient déjà connu par le médecin ou l’équipe soignante. Elle résulte de la transmissiond’un ou plusieurs indicateurs physiologiques recueillis soit par le patient lui-même, soit parun autre professionnel de santé, soit par un auxiliaire de santé. Le médecin interprète cettedonnée à distance et modifie la prise en charge le cas échéant ».

Il ne faut donc pas attendre de texte réglementaire. La jurisprudence sera rare, et il est doncessentiel de définir des bonnes pratiques par des protocoles évalués. Ces règles contractuellesdoivent sécuriser tous les intervenants à savoir le médecin prescripteur, l’infirmier pratiquant lessoins, le fournisseur des matériels et le tout au service de la sécurité du patient et de la meilleurequalité de soins.

3.2. Les principes déontologiques à respecter

Le Conseil de l’Ordre a dégagé un certain nombre de principes, qui sont autant de référencesadaptées à la télémédecine.

1/La réalisation d’un acte de télémédecine doit être fondée sur une nécessité justifiée parl’absence dans la proximité géographique du patient d’une offre de soins similaire et de mêmequalité.

2/Le patient doit être informé de la nécessité, l’intérêt, les conséquences et la portée del’acte ainsi que sur les moyens mis en œuvre pour sa réalisation et doit donner librement sonconsentement.

3/Le secret professionnel doit être respecté par toutes les personnes qui assistent le médecin aucours de cette activité dans l’obtention des données personnelles de santé comme dans la circu-lation et les échanges de ces données, que celles-ci soient cliniques, biologiques, fonctionnelles,anatomiques ou thérapeutiques.

4/Les coopérations entre médecins ou entre médecins et autres professionnels de santé impli-qués dans un protocole de télémédecine doivent respecter les champs de leurs compétencesréciproques afin que chacun reste responsable de ses actes et de ses décisions.

5/L’acte thérapeutique qui découlerait immédiatement d’un acte diagnostique effectué partélémédecine doit être couvert par la responsabilité médicale du médecin qui le prescrit sansexclure celle du médecin ou du professionnel de santé qui le réalise.

6/Le médecin, lors d’une activité, faisant appel à la télémédecine doit formuler ses demandeset ses réponses avec toute la clarté indispensable et veiller à leur compréhension par son

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interlocuteur : médecin, professionnel de santé ou professionnel technique qualifié dans l’usagedes instrumentations utilisées. Tout professionnel doit connaître l’usage, le maniement et leslimites des technologies qui sont mises en œuvre, et doit faire appel en tant que de besoin, à destiers compétents dans l’utilisation des technologies les mieux adaptées à la situation.

7/Le médecin doit pouvoir s’assurer de la compétence de ces tierces personnes ainsi que durespect du secret professionnel auquel elles sont aussi personnellement soumises.

8/Les documents générés par la pratique de la télémédecine doivent être tracés et faire l’objetd’un archivage sécurisé en étant considérés comme partie intégrante des dossiers professionnelsdes médecins impliqués ou des dossiers des établissements de santé. Les médecins ayant contribuéà un acte de télémédecine doivent consigner dans les conclusions de cet acte que la continuité dela prise en charge et des soins qu’ils ont indiqués seront assurés par des tiers compétents, s’ils nepeuvent y pourvoir eux-mêmes.

Sur le plan déontologique, l’Ordre traite de manière spécifique le téléconseil, qui consiste àmettre en relation des internautes qui se connectent à un site avec un médecin, qui leur fournirasecondairement à l’occasion d’un entretien téléphonique. Cette pratique, qui doit rester du domaineéducatif et répond à un véritable besoin, est bien distincte de la consultation médicale et de lapratique en télémédecine.

4. La mise en œuvre de la télémédecine

4.1. Le contrat formalisant la pratique de télémédecine

Pour assurer une sécurité juridique adéquate, tout acte de télémédecine doit s’exercer dans uncadre formalisé, matérialisé par un contrat comportant :

• un protocole médical et technique de mise en œuvre ;• et une description des relations devant exister entre les partenaires impliqués, ainsi qu’entre

ces derniers et le patient.

4.1.1. Le protocole médicalLe protocole médical doit présenter les données suivantes :

• Les garanties présentées par les prestataires techniques afin de donner aux patients les assu-rances sur la qualité et la formation des personnes susceptibles d’intervenir sur son lieu derésidence (installation et maintenance des systèmes de télésurveillance par exemple).

• La description technique des équipements utilisés (matériels, logiciels et services) et leurs fonc-tionnalités, les standards et normes d’échange et de transmission employés. Ce volet techniquedoit aussi comporter toutes les informations ayant trait à la sécurité informatique des données :accès sur authentification de l’émetteur et du destinataire, cryptage, tracabilité, archivage etsauvegarde.

• Doivent également être précisées les dispositions techniques assurant le respect du secretprofessionnel.

4.1.2. Les conventions entre les partenaires et les patientsLes conventions signées doivent comprendre des clauses essentielles qui résultent de

l’application des principes déontologiques :

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• Modalités d’information et de recueil du consentement du patient ;• Exposé de la situation dans laquelle le médecin et l’infirmier sont appelés à intervenir en

délimitant le champ de cette intervention ;• Modalités de coopération ou de continuité des soins entre médecins et les autres professionnels

de santé avec les items suivants : objectifs et organisation de cette coopération, conditionsdéontologiques, juridiques, techniques et financières ;

• Responsabilités respectives des divers médecins et autres professionnels participant à l’acte detélémédecine.

• Détermination des modalités de rémunération et de prise en charge• Compétence des professionnels impliqués.

4.2. Indications pour la rédaction

La compétence attendue suppose la maîtrise des moyens techniques, et les professionnels quis’impliquent doivent donc avoir une connaissance effective du fonctionnement des outils informa-tiques de la télémédecine afin de toujours être en mesure de maîtriser la gestion de l’informationet de la relation.

4.2.1. Information préalable spécifique à la télémédecineTout professionnel intervenant auprès du patient dans le cadre de la télémédecine est tenu

d’informer le patient sur l’acte professionnel réalisé (CSP Art. L. 1111-2) ainsi que sur le procédéde télémédecine utilisé (CSP Art. R. 6316-2). Cette obligation incombe au médecin, à l’infirmièreet au fournisseur de matériel. Chacun doit expliquer en fonction de ses compétences en quoiconsiste l’acte de télémédecine, la différence avec une prise en charge classique, les risquesspécifiques inhérents à ce type d’acte et les garanties en matière de secret des informationsmédicales.

La première consultation doit se faire selon le mode classique, c’est-à-dire la rencontre avecle patient dans le cadre d’un entretien. Pour tout professionnel cet entretien est indispensable.

4.2.2. Modalités du consentementTout professionnel concerné doit recueillir le consentement en fonction des compétences qui

lui sont dévolues par la loi définissant son exercice professionnel. Le consentement est une obli-gation pour tout acte en dehors de l’urgence, ou de troubles de conscience gênant l’expression duconsentement.

La preuve du consentement s’apporte par tous moyens à commencer par la preuve de l’entretienindividuel. S’il existe des risques spécifiques, le professionnel de santé doit laisser une trace écritedans le dossier, et par un document remis au patient.

Il est toujours souhaitable de remettre des documents d’information généraux ou des documentsd’information adaptés pour que le patient ait le temps d’en prendre connaissance à son rythme enfonction de sa personnalité. L’information doit être loyale et intelligible.

Les soins ne peuvent être pratiqués qu’après un temps de réflexion qui a suivi la délivrancede cette information. En cas de refus du patient, il faut chercher à se montrer convaincant sansêtre insistant, en exprimant les avantages, la pratique et les risques ou inconvénients liés à lanon-réalisation des actes.

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4.2.3. Recueil et gestion des informationsLe développement du suivi à distance peut reposer sur le recueil des indications physiologiques :

• soit par le patient lui-même, éventuellement de manière automatique par des capteurs personnelsnon intrusifs ;

• soit par un professionnel paramédical, mais cette tâche spécifique devrait faire l’objet d’unereconnaissance économique.

4.2.4. Dossier médicalLes professionnels de santé intervenant dans l’acte de télémédecine doivent faire figurer dans

le dossier du patient le compte-rendu de la réalisation de l’acte, les actes et prescriptions médi-camenteuses effectués, l’identité des professionnels de santé participant à l’acte, la date et heurede l’acte ainsi que les incidents techniques éventuellement survenus (CSP Art. R. 6316-4).

Chaque professionnel est tenu par l’écriture et ne peut s’en remettre à la tenue du dossier parun autre.

4.2.5. Secret professionnelLe secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa

profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu, oucompris (CSP, art. R. 4127-4). En toutes circonstances, le secret médical doit être respecté par lesprofessionnels ayant accès au dossier du patient tant en ce qui concerne l’obtention des donnéespersonnelles de santé que la circulation et les échanges de ces données médicales.

Toutes les personnes assistent les médecins et les infirmiers doivent être instruites de leursobligations en matière de secret professionnel et s’y conforment (CSP Art. R. 4127-72).

4.2.6. Qualité de l’acte et de la prise en chargeSelon le droit commun, la responsabilité du professionnel est engagée en cas de faute (CSP

Art. L. 1142-1).La responsabilité est de type personnel pour les professionnels libéraux. Elle engage la res-

ponsabilité de l’employeur pour ceux qui exercent dans des structures en qualité de salariés oud’agents publics.

Chaque professionnel doit s’impliquer après avoir posé un diagnostic et procéder à une analysede situation. Ainsi, l’infirmière n’est jamais dans une situation d’exécution de la prescriptionmédicale. Elle doit toujours porter un regard critique sur la situation globale du patient et sur lesdonnées cliniques, et elle a l’obligation de demander des explications complémentaires au médecinchaque fois que cela lui apparaît nécessaire. Cette recherche d’explications est particulièrementimportante dans le contexte de la télémédecine où il n’existe pas le travail en équipe du fait de laprésence physique comme cela se rencontrerait dans un service hospitalier.

De même, l’obligation de surveillance, qui est générale pour tous les professionnels de santé,se retrouve ici dans un cadre renforcé.

4.2.7. Gestion de l’informationL’infirmière impliquée dans la télésurveillance est responsable des tâches qu’elle accomplit

dans le cadre de la prise en charge définie par la prescription médicale. Chaque professionnel desanté doit se donner les moyens d’assurer de lui-même une surveillance adéquate des indicationsde l’évolution, en fonction de l’état clinique du patient et des prescriptions en cours.

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Chaque professionnel de santé impliqué doit, pour ce qui le concerne, procéder aux relevésde toutes les informations liées à la télésurveillance et à ce qui peut permettre le recueil desinformations et leur interprétation.

Chaque fois qu’il est possible, le patient doit être impliqué, formé au recueil des informationset aux éléments pouvant être défavorables et justifiant l’appel d’un des professionnels de santé.Chaque professionnel de santé à son degré doit interpréter les indications données par la télésur-veillance. La part essentielle revient au médecin, car l’infirmière ne dispose pas du même spectrede compétence. Mais elle doit toujours être en situation de vigilance, exercer son diagnosticinfirmier, et noter les évolutions qui justifient d’être transmises au médecin.

Il doit également exister un système d’alerte permettant de réagir à tout signe anormal ouinquiétant.

4.3. Responsabilités liées à l’utilisation du matériel

Les médecins et les infirmiers ont l’obligation déontologique de s’assurer de la fiabilité dumatériel qu’ils utilisent. Selon le Code de la santé publique, ils sont tenus par une obligation desécurité de résultat en ce qui concerne le matériel utilisé. Les outils de transmissions des indicateursde surveillance sont soumis à une exigence de conformité et de sécurité (CSP Art. L. 5211-1).Pour tout dysfonctionnement, une déclaration d’incident doit être faite par le professionnel, et leprofessionnel ne peut avoir recours qu’à un matériel certifié.

Lorsque est en cause une défectuosité du matériel, la responsabilité du fournisseur est engagéedans le cadre d’une obligation de sécurité de résultat, quitte à exercer une action récursoire contrele producteur. Ces recours sont gérés par le biais des assureurs responsabilité civile.

Ce régime lié à la qualité du matériel laisse apparaître la responsabilité personnelle de chacundes auteurs dans la maîtrise des outils informatiques et des technologies. Sans avoir à devenirinformaticien, le professionnel de santé doit assurer une maîtrise de l’outil qu’il manœuvre, etil doit disposer de contacts permettant de joindre des informaticiens professionnels en cas dedéfaillance.

Chaque professionnel de santé doit ainsi, pour ce qui concerne les soins qui relèvent de sacharge, s’assurer de la compétence de la disponibilité des professionnels technologiques qu’il estsusceptible d’appeler.

4.4. Assurance

L’utilisation de la télémédecine est une pratique spécifique qui justifie donc une informationspécifique de l’assureur, tant sur le plan des actes effectués (Responsabilité pour faute) que dumatériel utilisé (Responsabilité sans faute). L’assureur n’a pas de motif de refuser la couverturedu risque, mais il est nécessaire qu’il soit avisé préalablement.