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Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 413–419 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com Droits des patients Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le recours à l’expertise Régis Durand (Avocat au Barreau de Lyon) Cité internationale, 45, quai Charles-de-Gaulle, 69006 Lyon, France Résumé Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dispose d’une très efficace possibilité de recourir à une expertise, lorsque des projets importants vont modifier les conditions de travail et de sécurité. © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. En cas de projet important de nature à modifier les conditions de travail ou de sécurité, le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui doit être consulté, a la possibilité d’obtenir, de manière préventive et par une procédure d’urgence, la désignation d’un expert, destiné à l’éclairer. Le régime de base défini par le Code du travail (1) a fait l’objet de beaucoup de décisions de jurisprudence (2) compte tenu du très haut intérêt de cette procédure, destinée à la protection de la santé des salariés. 1. Régime général L’initiative du recours à l’expertise est une compétence du CHSCT (1.1) et la loi a prévu une procédure spéciale si l’employeur entend s’y opposer (1.2). 1.1. Le recours à l’expertise à l’initiative du CHSCT Le CHSCT est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail et, précise l’article L. 4612-8 du Code du travail 1 , avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification Adresse e-mail : [email protected] 1 La référence légale est le 2 e alinéa de l’article L. 4614-12 du Code du travail, selon lequel le CHSCT peut faire appel à un expert agréé « en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, prévu à l’article L. 4612-8 ». 1629-6583/$ – see front matter © 2010 Publi´ e par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.ddes.2010.10.025

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le recours à l’expertise

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Page 1: Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) et le recours à l’expertise

Droit Déontologie & Soin 10 (2010) 413–419

Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com

Droits des patients

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions detravail (CHSCT) et le recours à l’expertise

Régis Durand (Avocat au Barreau de Lyon)Cité internationale, 45, quai Charles-de-Gaulle, 69006 Lyon, France

Résumé

Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dispose d’une très efficace possibilitéde recourir à une expertise, lorsque des projets importants vont modifier les conditions de travail et de sécurité.© 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.

En cas de projet important de nature à modifier les conditions de travail ou de sécurité, lecomité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui doit être consulté, a lapossibilité d’obtenir, de manière préventive et par une procédure d’urgence, la désignation d’unexpert, destiné à l’éclairer. Le régime de base défini par le Code du travail (1) a fait l’objet debeaucoup de décisions de jurisprudence (2) compte tenu du très haut intérêt de cette procédure,destinée à la protection de la santé des salariés.

1. Régime général

L’initiative du recours à l’expertise est une compétence du CHSCT (1.1) et la loi a prévu uneprocédure spéciale si l’employeur entend s’y opposer (1.2).

1.1. Le recours à l’expertise à l’initiative du CHSCT

Le CHSCT est consulté avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditionsde santé et de sécurité ou les conditions de travail et, précise l’article L. 4612-8 du Code dutravail1, avant toute transformation importante des postes de travail découlant de la modification

Adresse e-mail : [email protected] La référence légale est le 2e alinéa de l’article L. 4614-12 du Code du travail, selon lequel le CHSCT peut faire appel

à un expert agréé « en cas de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail,prévu à l’article L. 4612-8 ».

1629-6583/$ – see front matter © 2010 Publie par Elsevier Masson SAS.doi:10.1016/j.ddes.2010.10.025

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de l’outillage, d’un changement de produit ou de l’organisation du travail, avant toute modificationdes cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail.

Dans cette optique, l’article L. 4614-12 du Code du travail, précise que le CHSCT peut faireappel à un expert agréé dans deux hypothèses. La première est celle d’un risque grave, révélé ounon par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel consta-tée dans l’établissement, et la seconde est celle d’un projet important modifiant les conditionsde santé et de sécurité ou les conditions de travail. Les conditions dans lesquelles l’expert estagréé par l’autorité administrative et rend son expertise sont déterminées par voie réglemen-taire.

Les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur.

1.2. La contestation possible par l’employeur

L’employeur qui entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût,l’étendue ou le délai de l’expertise, saisit le juge judiciaire selon des modalités définies à l’articleL. 4614-13 du Code. En application de l’article 1315 du Code civil, la preuve incombe à celui quiallègue et il appartient à l’employeur qui conteste la nécessité de l’expertise décidée par le CHSCTde démontrer que le projet litigieux n’est pas un projet important2. Le président du tribunal degrande instance statue en la forme des référés mais par une décision au fond3.

À noter que l’employeur ne peut s’opposer à l’entrée de l’expert dans l’établissement, il luifournit les informations nécessaires à l’exercice de sa mission, et que, pour sa part, l’expert esttenu aux obligations de secret et de discrétion4.

Dans cette hypothèse, il n’y a pas lieu de présupposer l’atteinte à la santé, ni aux risques gravespour la santé ou la sécurité, questions relevant de l’alinéa 1, non visé par la délibération.

2. Les interprétations de la jurisprudence

En revanche, il faut examiner s’il s’agit bien d’un projet (2.1), dans l’affirmative, s’il s’agit d’unprojet « important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail »(2.2) et, dans l’affirmative, si la mission d’expertise est adaptée ou abusive (2.3).

2.1. L’expertise doit être antérieure à la réalisation du projet

L’article L. 4614-12 du Code du travail vise explicitement la notion de « projet », et la jurispru-dence s’en tient précisément au respect de cette première condition. Le CHSCT doit être consultéen amont, avant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène etde sécurité ou les conditions de travail, ainsi qu’avant toute transformation de l’organisation dutravail, avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à larémunération du travail5.

Si le CHSCT a été informé d’un dispositif nouveau de redéploiement au cours de réunionsd’information antérieures à la première expertise, il ne peut être considéré qu’il s’agit d’un

2 Soc, 10 février 2010, no 08-15086, Bull.3 CA Aix-en-Provence, 18 septembre 2008 no 07/11377.4 Code du travail, art. L. 4614-9.5 CA Aix-en-Provence, 18 septembre 2008 no 07/11377.

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projet et il en est de même s’il s’agit d’une évolution du projet et non pas un nouveauprojet6.

Le recours à l’expert doit intervenir, dans une telle situation, en amont de la décision, laseule limite étant que ledit projet soit suffisamment avancé. Dans le cas inverse, le CHSCT estforclos7. On trouve un arrêt de la Cour de cassation ayant retenu la possibilité d’un éclairage surune nouvelle organisation déjà en fonctionnement. Cette jurisprudence, ouvertement contraire autexte, est la seule publiée en ce sens, et elle est antérieure à la série d’arrêts de juin 2001, quifont référence. Pour cet arrêt, le Code du travail permet au CHSCT de recourir à un expert pourl’éclairer sur la nouvelle organisation du travail et lui permettre d’avancer des propositions deprévention. Dans l’affaire en cause, il apparaissait que, sur un effectif de 400 salariés, 255 étaientpostés, et un changement d’horaire affectait directement tous ces postes, le médecin du travailayant rappelé que le travail posté était en soi perturbateur des rythmes biologiques, et conclu qu’ilétait préférable de se rapprocher de ces rythmes biologiques. Aussi, la Cour juge que, dans cecontexte, les conditions posées par le Code du travail étaient réunies8.

Une société avait engagé un processus important modifiant les conditions de travail des salariés,et lorsque le CHSCT s’était saisi de la question, les travaux étaient déjà achevés sur plusieurssites. Le CHSCT soutenait qu’il n’avait pas été consulté et qu’à défaut de consultation préalablerégulière, le CHSCT était en droit de désigner l’expert à tout moment, et ce, à supposer même queles projets de l’employeur aient été mis en œuvre et achevés à la date de délibération du CHSCTdésignant l’expert. La Cour rejette cet argument, en expliquant que l’expert doit intervenir, dansune telle situation, en amont de la décision.

2.2. Il doit s’agir d’un projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou lesconditions de travail

Le fait que tous les salariés soient concernés n’est pas un critère pertinent. Il faut, en revanche,un changement significatif des conditions de travail. Un projet important s’entend d’un change-ment significatif des conditions de travail des salariés, indépendamment du nombre de salariésconcernés9.

Par cet arrêt de février 2010, la Cour, qui avait semblé ouvrir les possibilités, réaffirme sajurisprudence de principe, qui date du 26 juin 200110.

Il n’existe pas de références légales, mais la jurisprudence laisse apparaitre un certainnombre de critères, étant précisé que plusieurs critères doivent être cumulés: réaménagement del’organigramme en redéfinissant des divisions, restructuration de l’encadrement, simplification dela gestion, transformation des postes de travail, changement de métier, nouvel outil, modificationdes cadences ou des normes de productivité.

2.2.1. Exemples de projets importants2.2.1.1. Nécessité d’un changement déterminant des conditions de travail. Le projet importantdoit impliquer la modification des conditions de travail, doit concerner un nombre significatif de

6 CA Aix-en-Provence, 18 septembre 2008, no 07/11377.7 CA Agen, 13 septembre 2005, no 04/01453.8 Soc, 24 octobre 2000, no 98-18240.9 Soc, 10 février 2010, no 08-15086, Bull., cet arrêt confirmant CA Lyon, 26 février 2008, 06/06008.

10 Soc., 26 juin 2001, no 99-16096.

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salariés et conduire sur le plan qualitatif à un changement déterminant des conditions de travaildes salariés11.

2.2.1.2. Transfert du lieu de travail et changement d’attribution des salariés. Constitue unedécision d’aménagement important modifiant les conditions de travail au sens de ce texte, un projetde regroupement sur un même site d’un service commun réparti sur plusieurs sites intéressant80 salariés, dont la mise en œuvre doit entraîner le transfert hors de leur secteur géographiqued’origine ou le changement des attributions de ces salariés12.

2.2.1.3. Définition d’un nouveau métier. L’information présentée au comité d’établissement du24 juillet 1996 constituait un véritable projet dont les grandes orientations étaient définies, dontla durée était programmée et la mise en œuvre était prévue dès la rentrée des congés. La directionreconnaissant que la majorité des postes du centre de prestations logistiques serait concernée etque cette démarche aboutirait à la définition d’un nouveau métier de la logistique, a pu considérerce projet important13.

2.2.1.4. Réduction des équipes et mixage des compétences. Le projet qui prévoyait une réor-ganisation des tâches au sein de certains secteurs, était un projet important pour le Comité deproduction thermique, entraînant des modifications dans les conditions de travail d’un nombresignificatif de salariés et conduisant, sur le plan qualitatif, à un changement déterminant des condi-tions de travail des salariés concernés notamment par le passage de 5 à 4 des agents de conduiteet la mixité des compétences des agents de maintenance14.

2.2.1.5. Changement structurels, augmentation des périodes d’astreinte et risques évoqués par lemédecin du travail. Le projet de « redéfinition et harmonisation » de l’organisation de l’astreinteétait présenté par l’employeur lui-même comme la conséquence de trois changements qualifiésd’importants dans la structure de l’entreprise et le service proposé aux clients, comportant notam-ment l’augmentation du nombre des périodes d’astreintes, et le médecin du travail avait soulignéles risques entraînés par la modification des conditions de travail tenant à la fatigue supplémentairedue à la suppression des repos compensateurs et au nombre d’astreintes importantes15.

2.2.1.6. Modification du rattachement hiérarchique de la quasi-totalité des agents. La modifi-cation du rattachement hiérarchique de la quasi-totalité des agents doit être considéré commeimportant au sens de l’article L. 236-9 du Code du travail16.

Un arrêt refuse le critère important, malgré la réunion de trois critères: réaménagement del’organigramme en redéfinissant des divisions, restructuration de l’encadrement, et simplificationde la gestion.

« Mais, attendu que si la contestation de l’employeur sur la nécessité de l’expertise ne peutconcerner que le point de savoir si le projet litigieux est un projet important modifiant les conditionsd’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail, la cour d’appel, par motifs adoptés, a relevé

11 CA Aix-en-Provence, 18 septembre 2008, no 07/11377.12 Soc., 30 juin 2010, no 09-13640.13 Soc, 26 avril 2000, no 97-18721.14 Soc, 14 février 2001, no 98-21438.15 Soc, 12 décembre 2001, no 99-18980.16 Soc, 26 juin 2001, no 00-13498.

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que le projet de la direction de l’ORI RP concernait le réaménagement de l’organigramme enredéfinissant des divisions, en prévoyant la restructuration de l’encadrement, la simplification dela gestion, mais ne prévoyait nullement de transformation des postes de travail, aucun changementde métier, aucun nouvel outil, ni modification des cadences ou des normes de productivité; qu’enl’état de ces constatations, dont il résultait que le projet n’était pas un projet important au sens del’article L. 236-9 du Code du travail, elle a pu décider que le recours du CHSCT à une expertisen’était pas justifié; que le moyen n’est pas fondé17 ».

2.2.1.7. Décision reconnaissant le caractère important du projet. Le projet de réorganisationmis en place au sein d’un groupe conduisait à la disparition d’une société appelée à devenir unsimple établissement d’une autre société, à une nouvelle organisation des établissements au seinde la première société, et au transfert d’une partie de son personnel au sein d’une troisième sociétérelevant d’un autre groupe18.

Une cour d’appel retient la notion d’une transformation importante des postes de travail décou-lant de la modification de l’outillage, d’un changement de produit, de l’organisation du travail etd’une modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération dutravail19.

2.2.2. Exemples de projets non importants2.2.2.1. Formation limitée. Une durée réduite de formation (en moyenne 5, 5 journées par salariéconcerné) démontre la portée limitée de ce changement de logiciel sur les conditions de travail20.

2.2.2.2. Difficultés liées à la mise en œuvre de tout projet. Les pièces versées au dossier nepermettent pas de caractériser un changement significatif des conditions d’exercice du travail, dèslors que les fonctionnalités du logiciel ont pour but de faciliter à terme leur activité et d’améliorerla qualité des informations. Les difficultés rencontrées sont inhérentes à la mise en place de toutenouvelle application informatique au stade de l’appropriation et auront vocation à se réduire aufur et à mesure de l’évolution du logiciel21.

2.2.2.3. Pas de contraintes particulières par rapport aux taches déjà effectuées. Le projet avaitpour objet l’exercice de la fonction de coordinateur chargé sur les chantiers mobiles de la sécuritéet de la protection de la santé et, par rapport à l’organisation existant auparavant, cette mission decoordination n’imposait pas pour les opérations de niveau III, qui étaient l’essentiel des chantiersconcernés dans le Morbihan, des contraintes particulières par rapport aux tâches déjà effectuéesen matière de prévention depuis de nombreuses années par les chargés d’affaires institués par lestextes antérieurs. Aussi, les modifications prévues par le projet ne revêtaient pas une importancesuffisante pour justifier le recours à une expertise22.

2.2.2.4. Pas de transformation importante des postes de travail, aucun changement de métier,aucun nouvel outil, ni modification des cadences ou des normes de productivité. Le projet

17 Soc., 26 juin 2001, no 99-16096.18 Soc. 29 septembre 2009, no 08-17023.19 CA Agen, 13 septembre 2005, no 04/01453.20 CA Nîmes, 31 mars 2009, no 08/05323.21 CA Nîmes, 31 mars 2009, no 08/05323.22 Soc, 29 mars 2000, no 98-12186.

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concernait le réaménagement de l’organigramme en redéfinissant des divisions, en prévoyantla restructuration de l’encadrement, la simplification de la gestion mais ne prévoyait nullementde transformation importante des postes de travail, aucun changement de métier, aucun nouveloutil, ni modification des cadences ou des normes de productivité. Projet non important23.

2.2.2.5. Réaménagement de l’organigramme en redéfinissant des divisions, en prévoyant larestructuration de l’encadrement, la simplification de la gestion, mais absence de transformationdes postes de travail, de changement de métier, de nouvel outil, de modification des cadencesou des normes de productivité. Le projet concernait le réaménagement de l’organigramme enredéfinissant des divisions, en prévoyant la restructuration de l’encadrement, la simplification dela gestion, mais ne prévoyait nullement de transformation des postes de travail, aucun changementde métier, aucun nouvel outil, ni modification des cadences ou des normes de productivité; qu’enl’état de ces constatations, dont il résultait que le projet n’était pas un projet important au sens del’article L. 236-9 du Code du travail, [la direction] a pu décider que le recours du CHSCT à uneexpertise n’était pas justifié24.

2.2.2.6. Élargissement des plages horaires, avec de nouvelles prestations techniques. Un nou-veau projet d’organisation comportant un élargissement des plages horaires d’ouverture desservices de l’agence, aussi bien pour l’accueil des clients que pour des prestations techniques,n’est pas un projet important modifiant les conditions de travail25.

3. Contentieux

3.1. Procédure

Le président du tribunal de grande instance saisi sur le fondement de l’article L 236-9 du Codedu travail statue en la forme des référés mais par une décision au fond. Par voie de conséquence,la condition d’urgence de l’article 808 du code de procédure civile n’est pas exigée26.

3.2. Étendue de la contestation

Le CHSCT peut faire appel à un expert agréé dans un certain nombre de situations. Sil’employeur entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût,l’étendue ou le délai de l’expertise, cette contestation est portée devant le président du tribunal degrande instance statuant en urgence.

L’employeur doit supporter le coût de l’expertise et les frais de procédure de contestationéventuelle de cette expertise, dès lors qu’aucun abus du CHSCT n’est établi27.

3.2.1. Aspect abusifSauf abus manifeste, le juge n’a pas à contrôler le choix de l’expert auquel le CHSCT a décidé

de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par le Code28.

23 Soc, 26 juin 2001, no 99-11563.24 Soc, 26 juin 2001, no 99-16096.25 Soc. 26 juin 2001, no 00-13496.26 CA Aix-en-Provence, 18 septembre 2008, no 07/11377.27 Soc, 29 mars 2000, no 98-12186 ; CA Nîmes, 31 mars 2009, no 08/05323.28 Soc., 26 juin 2001, no 99-11563.

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3.2.2. Coût abusifL’employeur doit supporter le coût de l’expertise et les frais de la procédure de contesta-

tion éventuelle de cette expertise, dès lors qu’aucun abus du CHSCT n’est établi29. Un coûtde l’expertise manifestement surévalué fait ressortir l’abus de la désignation, mais sauf abusmanifeste, le juge n’a pas à contrôler le choix de l’expert auquel le CHSCT a décidé de faireappel30.

3.3. Absence d’autres conditions

À partir du moment où le projet est important, le CHSCT n’a pas à prouver qu’il ne peuttrouver d’autre solution que l’expertise. Le recours à l’expert n’est pas subordonné au constatpréalable que le CHSCT ne peut trouver dans ou hors de l’établissement concerné auprès desservices spécialisés de l’entreprise la solution du problème posé31.

Une expertise confiée à un technicien ne peut avoir pour objet que d’éclairer celui qui y a recourssur une question de fait qui requiert les lumières dudit technicien, ces lumières s’entendant de lamise en œuvre d’un savoir spécifique propre à la solution de questions autrement insusceptiblesde réponses sérieuses. Pour la cour d’appel, il résulte de l’énoncé de la mission, l’absence detechnicité de l’information à recueillir et des conclusions à en tirer et qu’en conséquence ladélibération doit être annulée. Ce faisant, la cour a rajouté une condition au texte32.

Pour annuler la décision de désignation d’un expert par le CHSCT du GEH Haut-Isère, lacour d’appel retient du texte l’existence de deux conditions, à savoir : d’une part, l’existenced’un projet important et, d’autre part, la définition d’une nécessité de l’expertise, et que s’il ne faitaucun doute que le projet présentait ce caractère important, la nécessité de recourir à une expertisen’apparaissait pas établie en l’espèce. En statuant ainsi, la cour a ajouté à l’article L. 236-9 unecondition qu’il ne comporte pas33.

L’employeur doit supporter le coût de l’expertise et des frais de la procédure de contestationéventuelle de cette expertise dès lors qu’aucun abus du CHSCT n’est établi34.

29 Soc. 29 septembre 2009, no 08-17023.30 Soc. 26 juin 2001, no 99-11563, Bull. et Soc, 26 juin 2001, no 99-18249, Bull.31 Soc, 23 janvier 2002, no 99-21498.32 Soc, 26 juin 2001, no 00-13498.33 Soc, 26 juin 2001, no 00-15218.34 Aix-en-Provence, 18 septembre 2008, no 07/11377.