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Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill Mardi 27 janvier 2015 | Volume 104 Numéro 13 Les arbres le cèdre à la toge depuis 1977

Le Délit du 27 janvier

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Page 1: Le Délit du 27 janvier

Publié par la société des publications du Daily, une association étudiante de l’Université McGill

Mardi 27 janvier 2015 | Volume 104 Numéro 13 Les arbres le cèdre à la toge depuis 1977

Page 2: Le Délit du 27 janvier

É[email protected]

Le seul journal francophone de l’Université McGill

L’usage du masculin dans les pages du Délit vise à alléger le texte et ne se veut nullement discriminatoire.Le Délit (ISSN 1192-4609) est publié la plupart des mardis par la Société des publications du Daily (SPD). Il encourage la reproduction de ses articles originaux à condition d’en men-tionner la source (sauf dans le cas d’articles et d’illustrations dont les droits avant été auparavent réservés, incluant les articles de la CUP). L’équipe du Délit n’endosse pas nécessai-rement les produits dont la publicité paraît dans ce journal.Imprimé sur du papier recyclé format tabloïde par Imprimeries Transcontinental Transmag, Anjou (Québec).

Volume 104 Numéro 13

2 éditorial le délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

rédaction3480 rue McTavish, bureau B•24

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6784

Télécopieur : +1 514 398-8318rédacteur en chef

[email protected] Joseph Boju

actualité[email protected] Baudoin-LaarmanEsther Perrin Tabarly

[email protected] DaldoulBaptiste Rinner

Société[email protected] Duval

coordonnatrice de la production [email protected]

Cécile Amiotcoordonnatrices visuel

[email protected] EngérantEléonore Nouel

coordonnatrices de la [email protected] DionneCéline Fabre

[email protected] Ménard

coordonnatrice réseaux sociauxré[email protected]

Inès L. Duboiscontributeurs Jeremie Casavant-Dubois, Miruna Craciunescu, Mahaut Engérant, Samy Graia, Laurence Nault, Matilda Nottage, Olivier Pasquier-Parpallion, Amelia Rols, Anaïs Rossanocouverture

Eléonore Nouel Luce EngérantCécile Amiot (c’est son anniversaire)

bureau publicitaire3480 rue McTavish, bureau B•26

Montréal (Québec) H3A 1X9Téléphone : +1 514 398-6790

Télécopieur : +1 514 [email protected]

publicité et direction générale Boris Shedov

représentante en ventesLetty Matteo

photocomposition Mathieu Ménard, Lauriane Giroux,Geneviève Robert

the McGill [email protected] Wray

conseil d’administration de la Société des publications du daily (Spd)Juan Camilo Velazquez Buritica, Dana Wray, Joseph Boju, Baptiste Rinner, Rachel Nam, Hillary Pasternak & Ralph Haddad.

erratum: Dans l’article de Céline Fabre du mardi 20 janvier intitulé «Choix discutable, choix dis-cuté», une coquille s’est introduite dans le nom du professeur de loi islamique Ahmed Fekry. Nos excu-ses à la personne concernée.

Adieu la faculté de théologie de l’Université Sherbrooke! Fusionnez départements de littérature comparée, d’étu-des anglaises et de langues modernes de l’Université de

Montréal! Sortez 10% du corps professoral de l’Université du Québec à Rimouski! Baissez de 2%, salaires du personnel de l’UQAM! Disparaissez de ses départements, cours inutiles de so-ciologie! Le réseau de l’Université du Québec est exsangue, forcé d’absorber tant bien que mal les coupes de plus de 200 millions de dollars imposées par le gouvernement libéral.

«L’heure est au ménage» peut-on lire dans La Presse du 21 janvier. Mais enfin, «les universités sont autonomes» assure Martin Coiteux, président du Conseil du Trésor, dans le même article, et le gouvernement n’est pas responsable de ces externa-lités négatives. Curieux personnage ce Martin Coiteux, écoutez-le déclamer son credo devant les membres de l’Association des constructeurs de routes et des grands travaux du Québec: «J’ai un peu de mal à concilier 11,5 milliards d’investissements en infras-tructures, alors qu’on en faisait quatre fois moins il n’y a pas si longtemps, avec une quelconque idée que le Québec vivrait une période d’austérité.»

Alors que le collectif «Refusons l’austérité», rassemblant de nombreux services publics du Québec, du SPVM aux ambulan-ciers en passant par les employés des hôpitaux, continue de faire des siennes et prévoit une mobilisation d’ampleur à l’orée du mois d’avril, qu’un comité de mobilisation appelé «Printemps 2015» s’agite de plus en plus sur les réseaux sociaux et se met en marche vers le printemps — donc vers la grève —, que les associations étu-diantes des différentes universités du Québec se sont non seule-ment positionnées mais appellent désormais à des journées d’ac-tions contre l’austérité à l’instar de la FAÉCUM (Fédération des associations étudiantes du campus de l’Université de Montréal) le 29 janvier prochain, que les fédérations étudiantes aux niveaux universitaire et collégial condamnent unanimement les coupures répétées du gouvernement en éducation depuis octobre dernier, un ange passe sur notre sacro-saint campus. C’est peut-être l’ange

d’Yves Bolduc, saint patron des hommes de loi ou du commerce de la librairie, je ne sais plus.

Le gouvernement libéral a compris la leçon. Il ne faut pas tou-cher à l’intérêt personnel de l’étudiant, sinon ce dernier se cabre, rue et mord. En 2012, c’était à l’acteur, au portefeuille de l’étudiant que l’on s’adressait. En 2015, c’est au décor, aux universités que l’on s’adresse. Les rideaux sont trop vieux? Jetez-les et ne les remplacez pas! Des fuites au plafond? Mettez donc des chaudières! L’étudiant n’en a cure, et s’il soupire un peu, c’est parce qu’il a sommeil d’avoir trop fait la fête.

Feu Jean-François Lisée avait raison de dire que le journaliste est toujours plus pessimiste que le politique. Le printemps érable eut son 10 novembre, manifestation gigantesque qui avait aboutit sur le campus de l’Université McGill. Le 29 novembre dernier, la grande manifestation contre l’austérité, mêlant travailleurs, syndi-cats et étudiants ne s’est même pas donnée la peine de passer devant le portail Roddick. Bonjour tristesse. Le contingent mcgillois était constitué d’environ dix personnes, dont plus de la moitié avaient des fonctions de représentation ou faisaient partie de la faune média-tique étudiante. Mais relativisons, pour la plupart des étudiants de premier cycle de l’Université McGill, les événements de l’année 2012 auront passé inaperçus, comme autant de lettres à la poste.

Ainsi, on parle d’une grève ici et là, qui débuterait le 21 mars. Une grève pour quoi? «Contre le gouvernement libéral.» Pour quoi? «Contre l’austérité». Pour quoi? «Pour redescendre dans la rue et jouir à nouveau de se sentir en vie, et d’autres raisons plus sérieu-ses». C’est une discussion constructive et sans fin. Une chose est certaine, «le mal nécessaire» que prône Martin Coiteux n’est qu’une question de point de vue. S’essayer au balancier de la dette publique à grands coups de sabres d’abordage dans le budget de l’éducation n’a jamais été, et ne sera jamais, la bonne solution.

Aussi, il est grand temps que l’AÉUM retourne prendre sa carte d’adhérent à la FEUQ, la Fédération étudiante universitaire du Québec. Nous l’avions quittée pour la troisième fois en 2006, sur un coup de tête référendaire. C’était une erreur. Plus que jamais, les étudiants doivent peser dans le débat sur la place de l’éducation dans cette province. Ils sont 125 000, nous sommes 27 000, et com-me on dit encore à Brooklyn: Een Draght Mackt Maght. x

Vers un nouveau printemps?

«Messieurs, toute question a son idéal. Pour moi, l’idéal de cette question de l’enseignement, le voici. L’instruction gra-

tuite et obligatoire. Obligatoire au premier degré seulement, gratuite à tous les degrés.»

Victor Hugo , discours sur la liberté de l’enseignement.

joseph BOJuLe Délit

LUCE ENGÉRAnT

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Actualité[email protected]

3actualitésle délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

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Conseil express à l’AÉFA Élections d’hiver, embauche et avenir de la librairie à l’ordre du jour.

politique étudiante

Le conseil législatif de l’Asso-ciation Étudiante de la Faculté des Arts (AÉFA) du 21

janvier a débuté une heure en retard sur la programmation et n’a duré que 35 minutes. Contrairement au format bimensuel habituel, les mem-bres de l’exécutif et les représentants se sont réunis pour la deuxième semaine consécutive. Le conseil n’a donc pas apporté beaucoup de débats ni d’avancement sur les posi-tions par rapport à la fois dernière.

Motion sur les élections d’hiver

Le conseil avait passé la semaine dernière une motion pour activer la nouvelle version de ses lois électorales. Ce 21 janvier, la seule motion présentée portait sur l’organisation d’un référendum et d’élections générales, comme le veut la tradition, pour ce semestre d’hiver. Approuvée à l’unanimité, la motion a fixé la date d’échéance pour l’approbation des questions référendaires par le conseil au 18 février. La période de nomination des candidats s’étendra du 9 au 15

mars, la campagne commencera le 18 et se terminera le 26 du même mois. Enfin, les élections auront lieu entre le 22 et le 26 mars.

Gérer le poste vacant

Comme on le sait, Roma Nadeem, la deuxième v.-p. aux affaires internes de l’AÉFA en poste cette année scolaire, est en arrêt de travail pour une durée indétermi-née. Le poste est vacant depuis le 5 janvier. Aucune nouvelle élection n’a été prévue, les membres de l’exécutif préférant se partager le

portefeuille de l’absente. Le conseil a également prévu le recrutement d’une personne intermédiaire, qui travaillera sous la supervision de la présidente de l’AÉFA, afin d’accomplir les tâches administra-tives qu’implique le poste. Dans son rapport pendant le conseil de mercredi, la présidente Ava Liu a annoncé qu’elle avait commencé à rencontrer des candidats au poste.

Autres avancements

La v.-p. aux finances, Li Xue, a mis le conseil à jour sur ses

démarches concernant le budget du semestre. Elle a dit espérer pouvoir le présenter au prochain conseil législatif, mais attendait de conclure l’état des lieux avec la v.-p. social.

Le v.-p. aux affaires académi-ques, lui, travaille en ce moment sur l’avenir de la librairie de McGill. Celle-ci devrait changer d’emplacement entre fin 2015 et début 2016. En ce moment, une étude est en cours afin de mieux prévoir l’amélioration des services pour répondre aux besoins des étu-diants. x

esther perrin tabarlyLe Délit

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4 actualités le délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

Reprise des négociationsAMUSE et McGill peinent à trouver un terrain d’entente.

campus

La dernière rencontre entre l’administration de l’Université McGill

et le Syndicat des employé-e-s occasionnel-le-s de l’Université McGill (AMUSE), qui repré-sente les Floor Fellows de toutes les résidences universitaires mcgilloises, a eu lieu vendredi 23 janvier. La réunion a encore une fois manqué de déboucher sur un accord au sujet d’une nouvelle convention collective entre les deux partis. En effet, la convention collective actuelle régissant les conditions de travail des employés de soutien à temps partiel et complet de l’Université McGill expirera en avril 2015, et des modifications importantes devraient être apportées au nou-veau texte.

Cette série de négociations était la quatrième depuis le 31 octobre 2014, et deux autres rencontres sont prévues les vendredis 30 janvier et 6 février prochains. Les Floor Fellows mcgillois se sont syndiqués sous AMUSE en mai dernier, et ont formé à la même occasion une cellule de négociations sous l’égide du syndicat, en prévision des rencontres de cette année. Cependant, on s’accorde à dire d’un côté comme de l’autre qu’il est actuellement impossible de prédire si les deux partis parvien-dront à une entente d’ici la fin de l’année, tant les négociations semblent stagner.

Les revendications

La demande la plus impor-tante du côté des Floor Fellows est l’inclusion dans la future convention collective d’une clause sur la solidification des pratiques passées. Autrement dit, il s’agit d’assurer la pérennité de certaines valeurs importantes pour la vie au sein des résidences étudiantes mcgilloises. AMUSE a présenté à la table des négo-ciations une liste comprenant sept de ces valeurs, dont deux en particulier sont particulièrement importantes selon Evan Berry, un des Floor Fellows, présent à tou-tes les négociations. Il s’agit du mandat d’anti-oppression au sein de la structure des résidences, ainsi que l’approche de réduction de préjudice. Ces deux dernières, avec les cinq autres, constituent des piliers de référence pour la

définition des attitudes accep-tables dans la communauté des résidences étudiantes, afin de faire du passage des étudiants par ces institutions une expé-rience aussi épanouissante et sécuritaire que possible. Car ce sont en effet les étudiants et leur bien-être qui sont au centre des préoccupations des Floor Fellows: «Les Floor Fellows soutiennent ces demandes avec autant de dé-termination car elles assureront la sécurité de leurs étudiants» a commenté au Délit Amber Gross, la présidente d’AMUSE.

Les autres revendications des Floor Fellows, plus habituel-les d’un point de vue syndical, portent sur la rémunération po-tentielle des Floor Fellows, ainsi que sur la mise en place de méca-nismes assurant plus de sécurité aux Floor Fellows dans leur em-ploi. En effet, la nature du travail d’un Floor Fellow étant très parti-culière, les conditions de travail se sont faites jusqu’à présent de manière plutôt informelle, négli-geant parfois les lois sur le travail de la province. Par exemple, bien que compensés d’une certaine manière en étant nourris et logés par McGill, les Floor Fellows ne sont pas rémunérés. Même si aucun chiffre officiel n’a été avan-cé, on parle dans la communauté d’un salaire potentiel d’environ 150 dollars par semaine, plus les arriérés dû aux Floor Fellows de cette année et de l’année der-nière. AMUSE affirme avoir reçu à ce sujet la semaine dernière une décision de la Commission

des normes du travail, qui a décidé que McGill devra payer les arriérés dûs aux Floor Fellows ayant travaillé l’année dernière. L’informalité de la nature du pos-te de Floor Fellow rend le proces-sus de formalisation compliqué, ces derniers n’ayant pas d’horaire fixe, et le type d’aide et de soutien qu’ils apportent aux étudiants étant difficilement quantifiable. Il est donc primordial pour eux d’assurer leur marge de manœu-vre et leur autonomie au sein des résidences, tant ceux-ci sont importants pour la réalisation de leur mandat.

Des pourparlers en panne

Les dernières séries de négo-ciations se sont dirigées petit à petit vers la stagnation, à un tel point qu’AMUSE a informé McGill après la séance du ven-

louis baudoin-laarmanLe Délit

Jean-François Lisée se retire de la course.brève

Le vendredi 23 janvier der-nier, Jean-François Lisée s’est retiré de la course à la chefferie, concédant la victoire à Pierre Karl Péladeau. Le début de cam-pagne de M. Lisée fut particuliè-rement difficile. Malgré son pas-sage à l’émission Tout le monde en parle durant laquelle il avait demandé à 1 000 Québécoises et Québécois de donner une heure de leur temps à sa campagne à la chefferie, la campagne de M. Lisée battait de l’aile depuis quelque temps. Il vacillait entre la quatrième et la cinquième

place dans les différents sonda-ges. Il avait réussi, non sans dif-ficulté, à récolter les signatures nécessaires et l’argent pour offi-cialiser sa candidature. Dans une vidéo mise en ligne sur son blo-gue, M. Lisée accepte sa défaite et explique son retrait en décla-rant que «ce serait nous mentir que de continuer de faire une campagne qui essentiellement est déjà terminée». Il a remercié tous les bénévoles qui ont parti-cipé à sa campagne.

C’est un choix logique et intelligent pour M. Lisée de se retirer. Ses attaques directes vis-à-vis «la bombe à retar-dement» que représente son

adversaire PKP n’avaient pas eu de bons échos au sein de la for-mation souverainiste et l’avaient isolé du reste du caucus. En se retirant ainsi, il évite de trop s’isoler et se donne la chance de travailler avec le prochain chef péquiste. Il ne donne pas son appui à Pierre Karl Péladeau ni à aucun autre candidat péquiste. Sur sa page Facebook, Pierre Karl Péladeau a réitéré son «sou-hait le plus profond de continuer à travailler ensemble [avec M. Lisée] dans la poursuite de la mission de celles et ceux qui nous ont précédés, afin d’attein-dre notre objectif ultime de faire du Québec, un pays». x

dredi 23 que les négociations du vendredi 30 ne les intéressaient pas si l’administration n’est pas prête à discuter d’une proposi-tion sérieuse. La raison de cette immobilité est la clause sur les valeurs à promouvoir en rési-dences, sur lesquelles les deux partis n’arrivent pas à s’entendre. Mme Gross dit ne pas compren-dre ce blocage, étant donné que l’administration des résidences mcgilloises a toujours soutenu ces valeurs et consulté les Floor Fellows à leur sujet. Cependant,

cette consultation n’ayant jamais été formalisée, c’est une ques-tion de représentation des Floor Fellows lors de la prise de déci-sion concernant les résidences que représentent ces valeurs. Plus que régir la vie au sein des résidences universitaires, ces décisions concerneraient aussi les embauches et les formations des employés des résidences.

En guise de tactique de pres-sion face à l’absence de conces-sions du côté de l’administration, la quasi-totalité des 70 Floor

Fellows employés par McGill ont boycotté leur journée de forma-tion non rémunérée organisée par l’administration des rési-dences le dimanche 25 janvier. Amber Gross a précisé au Délit que cette date avait été choisie dans le but de ne pénaliser que l’administration et non pas les étudiants habitant en résidences. Sans aboutissement au sujet des valeurs, la perspective d’une nou-velle convention collective avant la fin du semestre semble de plus en plus improbable.x

jeremie casavant-duboisLe Délit

Il est primordial pour eux d’assurer leur marge de manœuvre et leur autonomie au

sein des résidences, tant ceux-ci sont impor-tants pour la réalisation de leur mandat.

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luce engérant

Page 5: Le Délit du 27 janvier

5actualitésle délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

D U M A R D I 1 7 f e v . A U V E N D R E D I 2 0 f e v .

La Société des Publications du Daily présente la

SEMAINE DU JOURNALISME ÉTUDIANT 2015

La tradition continue, des rencontres et des discussions avec des professionnels du milieu des médias. Restez à lʼaffut des prochaines nouvelles!

Divest McGill a débuté ses activités du semestre le mardi 20 janvier dernier avec une soirée éducative sur le désinvestissement et les projets futurs de l’association. Le groupe a invité ses membres ainsi que les étudiants intéressés à honorer leurs résolutions du nouvel an en s’impliquant pour une cause sociale. Une trentaine de participants se sont réunis dans le salon des locaux de l’association ECOLE pour l’occasion. L’objectif de Divest McGill [désinvestisse-ment McGill, ndlr] est de convain-cre les dirigeants de l’Université McGill, et sur un plan plus global les administrations des institu-tions d’enseignement supérieur en Amérique du Nord en général, de cesser d’investir dans l’industrie des combustibles fossiles. Durant la présentation, les membres de l’association ont fait valoir aux par-ticipants que l’implication finan-cière de l’Université dans cette industrie n’est pas éthique. Selon eux, non seulement les combus-

tibles fossiles sont nuisibles pour l’environnement, mais ils sont aus-si une source d’iniquités sociales. McGill, en tant qu’établissement dévoué à la recherche, ne peut donc tout simplement pas continuer à participer à une industrie qui fait fi des données scientifiques au sujet du réchauffement climatique.

Divest McGill, créé il y seule-ment deux ans, compte déjà plus d’une cinquantaine de membres à son actif. Cameron Power, étudiant de première année en sciences, affirme que c’est suite à une pré-sentation offerte par le journaliste et environnementaliste américain Bill McKibben sur les changements climatiques qu’il a décidé de s’im-pliquer. La combinaison de pro-tection de l’environnement et de justice sociale de Divest McGill l’a tout de suite tenté. Pour Geneviève Brulé-Ouellette, pour qui la réu-nion était le premier contact avec l’association, c’est une occasion de faire une différence sur le campus: «Je veux faire plus de mon passage à McGill que simplement obtenir un diplôme. Je sais que je vais tirer une réelle fierté de contribuer à en

faire un campus plus vert» affirme l’étudiante en développement international.

Les objectifs du semestre

L’organisme a plusieurs évé-nements prévus pour le semestre. Alors même que le rassemblement Divest 101 avait lieu, le comité de recherche s’activait à peaufiner un document qui sera soumis au Conseil des gouverneurs le 2 février afin de démontrer l’impact social négatif des combustibles

fossiles. Il s’agit du deuxième texte de Divest McGill visant à convain-cre le conseil de changer son orien-tation en matière d’investissement. Le document de recherche sera accompagné d’une pétition signée par plus de 1400 étudiants. Un événement sera aussi organisé le 13 février dans le cadre de la journée globale de désinvestissement. Ce semestre sera aussi marqué par le début d’une nouvelle initiative auprès des anciens étudiants de McGill. L’association veut rejoin-dre ces gens afin de les convaincre

de faire leur don à un fonds spécial plutôt que directement à l’Univer-sité. Ainsi, McGill ne pourra profi-ter de cet argent qu’en remplissant des conditions de désinvestisse-ment. Dans le cas contraire, les fonds amassés seront remis à un organisme de protection de l’envi-ronnement.

Un mouvement national

Il n’y a pas qu’à McGill que le désinvestissement dans les com-bustibles fossiles unit les étudiants. Plus de 300 campus universitaires accueillent un chapitre du mou-vement de désinvestissement. Au total, plus de 700 groupes de tous les milieux, comme des associa-tions religieuses et même des villes, ont adhéré à la cause. Déjà 19 uni-versités ont décidé de retirer leurs investissements de l’industrie des combustibles fossiles. Au Canada, l’Université Concordia a devancé McGill à ce niveau et est devenue en décembre dernier la première université canadienne à se désin-vestir partiellement des combus-tibles fossiles. x

Début de semestre pour DivestL’association démarche les étudiants contre l’industrie fossile.

campus

laurence naultLe Délit

inÈS l. dubois

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6 ACTUALITÉS le délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

Locataires clandestins à ShatnerLes rongeurs sont maintenant présents sur tous les étages du 3480 McTavish.

campus

La fermeture de Midnight Kitchen au début du semestre a levé le voile

sur le problème de l’infestation de rongeurs dans le bâtiment de l’Association Étudiante de l’Uni-versité McGill (AÉUM). La sur-prise est mi-feinte, car beaucoup de ses locataires se sont habitués à rencontrer des souris dans les couloirs depuis quelque temps. Boris Shedov, directeur de la Société de Publication du Daily (SPD), affirme que bien qu’il travaille dans un bureau dans le bâtiment Shatner depuis de nombreuses années, le problème des souris remonte à deux ans au maximum. Leur présence aug-mente, probablement à cause du froid hivernal. M. Shedov ajoute que les responsables de la sécu-rité et de la propreté du bâtiment ont conseillé à tous les locataires de prendre des mesures préven-tives. Il est fortement déconseillé de laisser trainer de la nourri-ture durant la nuit, et toutes les ordures doivent être immédiate-ment jetées. Les agents d’entre-tien ont aussi entrepris d’ins-taller quelques tapettes à souris

dans les bureaux. Selon Stefan Fong, le v.-p. clubs et services de l’AÉUM, «le campus entier est touché».

Rat-goût Au-delà du simple problème

d’hygiène dans les bureaux, il est

important de souligner que le bâtiment Shatner accueille plu-sieurs services de restauration. Il n’est pas certain ni officielle-ment confirmé que les cuisines de ces restaurants soient tou-chées par l’infestation. Il reste toutefois possible que les souris y dansent, les cuisines étant, évi-

demment, le lieu où la nourriture abonde le plus. Dans l’hypothèse qu’il y ait bel et bien des rongeurs dans les cuisines de nos restau-rants sur le campus, l’absence de prise de mesures pourrait mener à des sanctions. Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec impose

comme condition que «le lieu […] [d’exploitation] doit être exempt […] de toute espèce d’animaux y compris […] les rongeurs ou […] leurs excréments» (en vertu de l’article 2.1.2 du Règlement sur les aliments). Le cas échéant, les sanctions prennent la forme d’amendes qui peuvent aller de 200 à 2 000 dollars, ou de 750 à 6 000 dollars en cas de récidive (en vertu de l’article 42 de la Loi sur les produits alimentaires).

La présence de rongeurs sur le campus ne nous rassure pas sur les conditions sanitaires de nos bâtiments. Il revient aux services concernés de prendre les mesures nécessaires pour pallier l’infestation. Selon M. Fong, «l’administration de l’Uni-versité a embauché un technicien à temps plein afin de contrôler tous les bâtiments du campus». On peut aussi réfléchir à des solutions plus originales: selon M. Shedov, cela fait déjà quelque temps que certains bureaux de Shatner ont adopté des chats. Qui sait, peut-être l’AÉUM pourrait-elle alléger la Société pour la prévention de la cruauté envers les animaux de Montréal de quelques dizaines de ses félins? x

esther perrin tabarlyLe Délit

mathilda nottage

Indice peu révélateurLa Régie du logement publie ses estimations annuelles sur les augmentations de loyers.

montréal

La Régie du logement de Montréal a publié ven-dredi 23 janvier son indice

des augmentations de loyers pour l’année 2015. Les augmen-tations prévues cette année, qui varient entre 0,6% et 1,8%, sont en hausse par rapport à l’année dernière, où celles-ci stagnaient entre 0,6 et 1,1%. L’indice, qui n’est qu’une estimation, «est une information partielle qui sert de base de discussion pour arriver à une entente négociée librement entre locataires et propriétai-res», rappelle le porte-parole de la Régie, Denis Miron.

Ces augmentations de loyers, qui concernent le Québec entier, sont calculées chaque année par la Régie du logement à partir des données récoltées par Statistiques Canada, qui les envoie ensuite aux différentes provinces au début de chaque année. Les différences de haus-ses sont dues aux divers types de chauffage présents dans les loge-

ments. Des hausses de 0,6% sont donc prévues pour les logements non chauffés, de 1% pour les logements chauffés à l’électri-cité, de 1,4% pour ceux chauffés au mazout et enfin de 1,8% pour ceux chauffés au gaz.

Facteurs manquants L’indice des augmentations

de la Régie est cependant limité par le fait qu’il ne prend pas en compte les taxes foncières et scolaires ainsi que les frais de travaux majeurs effectués dans le logement ou dans l’immeuble. Ces chiffres, qui sont presque systématiquement applicables, font donc souvent passer les augmentations de loyer au-des-sus du seuil recommandé par la Régie, sans être nécessairement illégaux. Ainsi, dans de nom-breux cas, les recommandations de la Régie n’auraient donc pas lieu d’être, permettant aux propriétaires de dépasser les augmentations maximum. Dans ces cas-ci, si l’augmentation est

contestée par les locataires, M. Miron estime qu’«un juge n’a pas à se baser sur ces estimations moyennes, et devrait plutôt se baser sur une grille de calculs, qui précise toutes les dépenses autorisées et auxquelles nous [la Régie du logement] avons appli-qué des taux d’ajustement».

L’indice mal-aimé

Même si les recommanda-tions de la Régie ne sont censées servir que pour les négociations entre locataires et propriétaires, elles se heurtent à des critiques venant des deux côtés concernés. D’un côté, les propriétaires esti-ment généralement que les haus-ses suggérées par la Régie sont trop basses pour qu’ils puissent maintenir les logements en bon état. Le président de l’Associa-tion des Propriétaires du Québec (APQ) avait déclaré l’année der-nière lors de la publication de l’indice que la Régie du logement mettait les propriétaires «dans une situation impossible».

De l’autre côté, le Regroupement des comités loge-ment et associations de locatai-res du Québec (RCLALQ) criti-que vivement la Régie, jugée trop complaisante envers les proprié-taires pratiquant des hausses ju-gées abusives. Le RCLALQ craint particulièrement la confusion impliquée par l’ajout des diffé-rentes taxes et frais de rénova-tions aux estimations de la Régie, qui rendent le calcul compliqué pour les locataires, souvent igno-rants de leurs droits. Le RCLALQ avait préparé l’annonce des esti-mations avec une conférence de presse le mardi 20 janvier, suivie d’un communiqué publié dès l’annonce des chiffres de la Régie vendredi. «La Régie connait très bien le rapport de force entre locataires et propriétaires, son plaidoyer pour la négociation est déconnecté de la réalité», déplo-re Maude Bégin Gaudette, porte-parole du RCLALQ. En effet, les locataires pensent souvent qu’un refus d’augmentation équivaut à une éviction, et le RCLALQ orga-

nise en ce moment des ateliers d’information pour informer les locataires sur leurs droits afin de lutter contre les hausses abusi-ves. Cependant, rien n’empêche un propriétaire d’augmenter un loyer après le départ d’un loca-taire, un phénomène très présent dans les quartiers étudiants, où le brassage constant d’année en année permet l’augmentation souvent abusive des loyers. Ce que souhaite le RCLALQ pour lutter contre les hausses abusi-ves, c’est un contrôle obligatoire des loyers par la Régie: «Le libre marché ça ne marche pas, il faut contrôler.» affirmait mercredi Mme Bégin Gaudette. La Régie ne semble pour le moment pas disposée à prendre ce rôle, pré-férant se limiter aux règles éta-blies: «Le rôle de la Régie, c’est d’appliquer le règlement qui a été conçu par le gouvernement, donc on n’a pas de position à prendre là-dessus, on applique juste le règlement», a commenté au Délit M. Miron face à cette éventua-lité. x

louis baudoin-laarmanLe Délit

Page 7: Le Délit du 27 janvier

7actualitésle délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

L’illus’ tout cruechronique visuelle

Depuis des années nous est brassé le même refrain sur les jeunes qui

ne s’intéressent pas à la politi-que et sur les politiciens qui ne s’intéressent pas aux jeunes. On tentait de séduire les familles, la classe moyenne, les baby-boo-mers et autres lors des campa-gnes électorales, mais rarement tentait-on d’aller chercher le vote des jeunes. Un pas dans la bonne direction pour briser ce cercle vicieux a été fait en 2012.

Les jeunes ont pris la rue, ont manifesté, ont fait entendre leur voix et surtout n’ont pas abandonné. Ils ont été voter massivement aux élections et le Parti Libéral a été délogé après neuf ans de pouvoir. Dès lors, les jeunes s’étaient imposés sur la scène politique. Ce groupe démographique est intéressant pour les politiciens en raison de sa capacité d’expansion. Il n’est pas surprena1nt que beau-coup tentent de les courtiser. Les promesses brisées du Parti Québécois (PQ) sur les frais de scolarité ont par contre ralenti les ardeurs de nombreux jeunes face à la formation politique. Ceux-ci se sont tournés vers d’autres options, comme Québec Solidaire ou Option Nationale, tous deux de gauche et souve-rainistes. Arrive la course à la chefferie du PQ, pour laquelle l’élection se déroulera en mai prochain.

Au PQ, courtiser les jeunes est donc devenu très populaire

chez les candidats en raison des gains potentiels que leur vote représente. La gratuité sco-laire au niveau postsecondaire n’aura jamais été plus d’actualité que lors des dernières années, Québec Solidaire et Option Nationale ayant déjà rallié de nombreux jeunes avec cette promesse. Certains candidats ont déjà avancé leurs pions dans cette direction pour attirer ces jeunes vers le PQ à l’occasion de la course à la chefferie.

L’éducation, un thème récur-rent chez tous les candidats

Alexandre Cloutier, député du Lac-Saint-Jean et candidat à la chefferie, a choisi pour sa campagne de mettre l’accent sur un renouveau de l’éducation. Il a laissé présager qu’un gouverne-ment péquiste dirigé par sa per-sonne apporterait des change-ments importants à l’un des plus gros secteurs de l’État québécois. M. Cloutier souhaiterait qu’un

demi-milliard de dollars soit in-vesti dans la réforme du système d’éducation. Cela équivaudrait-il à la gratuité scolaire? Il faudra attendre qu’il se prononce plus sur le sujet pour en être sûr, mais cela reste très plausible.

Pierre Karl Péladeau (PKP) a quant à lui annoncé sa candi-dature de façon modeste devant une foule d’étudiants rassemblés à sa alma mater, l’Université de Montréal, le 27 novembre dernier. Suite à une question du public, il a mis fin aux doutes en affirmant son intention de briguer la succession de Pauline Marois. Même s’il est dit que l’annonce de la candidature était spontanée, l’endroit et le mo-ment étaient particulièrement appropriés. Lors d’une confé-rence qui avait plus l’air d’une discussion de salon que d’un dis-cours de politicien habituel, PKP s’exprimait de façon fluide et familière à propos de ses projets et idées, dont la gratuité scolaire, à laquelle il a fait référence. Le

choix de l’annonce de la candida-ture devant une foule d’étudiants démontrait l’importance que les jeunes auront dans la course.

Les candidats ont marqué le 28 janvier à leur calendrier: ils seront tous présents en chair et en os ou virtuellement à l’Uni-versité de Montréal pour un dé-bat dans le cadre de la Semaine de la Souveraineté organisée par l’Association des Jeunes Péquistes de l’Udem. Du côté du Comité national des jeunes du Parti Québécois(CNJPQs) présidé par Léo Bureau-Blouin, on refuse d’appuyer un candi-dat, mais on peut se douter que la gratuité scolaire sera une condition primordiale à un appui potentiel.

La course à la chefferie mon-trera l’importance que les jeunes peuvent avoir en politique. Les politiciens s’intéressent aux jeu-nes, reste maintenant à savoir si ceux-ci saisiront l’opportunité de faire une différence, à nou-veau. x

Les jeunes, un bon parti Jeremie Casavant-Dubois | Au fil de la campagne.

chronique

luce engérantLe Délit

Page 8: Le Délit du 27 janvier

8 société le délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

Société[email protected]

Il n’y a pas qu’au Québec que la langue française se parle, s’enseigne et plaide pour ne pas

être ensevelie. Les francophones des autres provinces et territoires du Canada portent le flambeau, malgré la prédominance assurée de la langue anglaise. Minorité avérée, l’existence de leur parler est en péril. D’Ouest en Est, en passant par le Nord, ils sont confrontés à des refus de subventions de la part des gouvernements, peu soucieux de soutenir leur cause. C’est le cas du Yukon qui, à l’heure actuelle, plaide devant la Cour suprême du Canada. La décision qui sera prise à la suite de cette affaire risque fort de sceller le sort de beaucoup de francophones hors-Québec… Que fait le Québec dans tout ça?

Même langue, même combat?

Le 22 septembre 2014, la Procureure générale du Québec indiquait qu’elle déposerait un mémoire pour prendre position par rapport au litige entre la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY) et la Procureure générale du Territoire du Yukon. Il est question de donner plus de largesse aux critères d’admission des élèves à un enseignement en français dans le district scolaire du Yukon et le gouvernement du Territoire refuse de subventionner une telle pratique. Le cas peut pa-raître anodin et lointain mais il est au cœur des enjeux linguistiques du Canada et du Québec d’aujourd’hui. La langue française lutte pour sa survie au Canada, elle est, de fait, minoritaire. Le problème, c’est qu’elle est majoritaire au Québec, les lois qui visent à préserver les minorités linguistiques ne protè-gent donc pas le français lorsqu’il est à l’intérieur de la province... Le Délit, rare minorité francophone au Québec, s’est penché sur ce dossier de la Cour suprême du Canada afin d’essayer de comprendre les moti-vations derrière l’intervention du

gouvernement québécois qui lui a valu un titre déconcertant dans Le Devoir du 22 janvier: «Québec s’op-pose aux minorités francophones». Refuser l’accès à l’enseignement en français à une minorité pour pro-téger cette même langue justement parce qu’elle est minoritaire, le pro-pos semble contradictoire.

Requêtes

Les revendications de la Commission scolaire francophone du Yukon (CSFY) concernaient trois points: premièrement, l’agrandissement de l’École Émilie-Tremblay, qui est la seule du Yukon à dispenser un enseignement public en français, pour être en mesure d’accueillir tous les élèves qui sont admissibles à l’école de la langue of-ficielle minoritaire. Deuxièmement, la CSFY demande le droit de gérer l’admission de personnes qui ne correspondent pas aux critères

expressément mentionnés dans le Règlement sur l’instruction en fran-çais du Yukon. Et enfin, d’avoir les pouvoirs de gestion.

Pourquoi la Cour suprême?

Le Juge de première instance avait décrété que la Procureure générale du Yukon était obligée

de satisfaire aux requêtes. Le ver-dict a été remis en question par la Procureure et l’affaire est passée aux mains de la cour d’Appel du Yukon qui a donné raison au gou-vernement du Yukon. La CSFY s’est alors tournée vers la Cour suprême du Canada.

Le Règlement sur l’instruction en français du Yukon a donc été mis sur la table, en regard de la Charte canadienne des droits et libertés. Selon la CSFY, les articles 2, 5, et 9 du Règlement, qui indiquent les critères d’admissibilité à l’éduca-tion en français, contreviennent à

l’article 23 de la Charte car ils sont trop restrictifs et ne prennent pas en compte l’interprétation qui doit être faite des articles de loi selon les circonstances. La contradiction proviendrait de l’interprétation que l’on peut faire de ce fameux article 23 qui donne le droit, selon certains critères d’admissibilité, à l’enseignement public dans la lan-gue minoritaire. «Pour la minorité francophone, une porte du para-article 23(2) est nécessaire pour freiner l’effet de l’assimilation et assurer le développement des communautés francophones hors-Québec», plaide la CSFY auprès de la Cour suprême.

Il faut trancher

Les gouvernements fédéraux devront-ils financer les écoles des minorités linguistiques pour que celles-ci puissent accueillir des élèves qui n’ont pas le droit de s’y inscrire selon le Règlement? Le gouvernment du Yukon est-il tenu d’interpréter l’article 23 en tenant compte de la souplesse du para-23(2)?

Deux questions constitution-nelles sont formulées par la Cour suprême du Canada le 21 août 2014: Y-a-t-il, en effet, une contra-diction entre les critères d’admis-sibilité à l’éducation en langue française au Yukon et l’article 23 de la Charte des droits et libertés? Si oui, l’atteinte portée par le Règlement trop restrictif peut-il se justifier dans une société libre et démocratique en vertu de l’article premier de la Charte canadienne des droits et libertés? L’appel est lancé, réponde qui veut.

Le Québec dit «non», dès la pre-mière question

Le 21 janvier 2015, le gou-vernement du Québec intervient dans l’affaire, sans y être obligé, et prêche pour sa paroisse qui semble n’être manifestement pas la langue française au Canada mais bien la langue française au Québec. Près de 1 700 francophones vivent au

Yukon, indique ce jeudi Le Devoir. La langue française hors Québec compte au moins 1 090 305 locu-teurs, selon un recensement de la population effectué en 2011 par Statistique Canada. À l’échelle du Canada anglophone, 4,3% de la population parle, en fait, le français à la maison. Au Yukon, le pourcentage s’élève à 5,1%.

Ces chiffres représentent une minorité mais en aucun cas une absence de francophones ni d’inté-rêt pour la langue. F.L., avocate de profession et médiatrice accré-ditée, formule une inquiétude: «sans l’appui du gouvernement et des commissions scolaires, ces communautés francophones sont appelées à disparaître. Le milieu familial peut difficilement sou-tenir à lui seul la survie et l’enri-chissement de la langue française des générations futures.» C’est justement sur ce terrain que les derniers jours se jouent. Les déci-sions qui vont être prises risquent de remettre sur la table un vieux débat, d’autant plus que le Yukon n’est pas le seul à livrer bataille, «les francophones de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan et des Territoires du Nord-Ouest sont, eux aussi, devant la cour de dernière instan-ce dans des dossiers semblables» annonce le même Devoir.

Cause collective

Si le cas du Yukon fait juris-prudence, les principes qui seront établis vont lier la cour suprême pour tous les cas similaires, «à moins que les autres provinces soient en mesure de plaider des éléments distinctifs», tempère F.L., tout de même peu convaincue du bien-fondé de l’intervention du Québec dans ce litige. En prenant position pour une application stricte de l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, le gouvernement du Québec semble avoir tourné le dos à bon nombre de ses concitoyens au front des luttes pour la survie de la langue française au Canada.

Gwenn DuvalLe Délit

Fuck le Yukon?Ou l’importance de la virgule dans la question bilingue.

Enquête

«Le milieu familial peut difficilement soute-nir à lui seul la survie et l’enrichissement de la

langue française des générations futures.»

luce engérant

Page 9: Le Délit du 27 janvier

9sociétéle délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

Ce que dit l’article 23

Intitulé «Droits à l’instruction dans la langue de la minorité», l’article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés est applicable à toutes les provinces et concerne l’enseignement public. Il stipule qu’un parent, citoyen canadien, a le droit d’inscrire son enfant au primaire et au secondaire dans la langue officielle minoritaire d’une province, mais ne sont admissibles à ce droit que les enfants dont l’un des parents est lui-même allé à l’école, sur le territoire canadien, dans cette langue — française dans toutes les provinces, sauf au Québec où la langue minoritaire est l’anglais.

Il stipule aussi que les Canadiens dont au moins un enfant a reçu, ou reçoit, son instruction en français ou en anglais au Canada, ont le droit de faire instruire tous leurs enfants dans cette langue. C’est ce dernier point, 23(2), qui est soulevé par la CSFY, celui qui serait sujet à une interprétation plus lar-ge afin de permettre une porte d’en-trée vers l’enseignement en fran-çais au Yukon. Cela permettrait, selon la CSFY, de réparer les torts de l’assimilation. Dans sa plaidoi-rie, elle rappelle les Ordonnances historiques du Yukon en matière d’éducation: «Après la création du Yukon en 1898, il était illégal d’en-seigner en français, ce qui a mené à près de 100 ans d’assimilation.» L’effet principal du Règlement favo-riserait l’assimilation en diminuant le nombre d’étudiants admissibles de génération en génération.

Le 23, épineux pour le fleurdelisé

L’article 23, quant à lui, a fait jurisprudence quant à son objectif avec les arrêts Mahe et Arsenault-Cameron: «il vise à maintenir les deux langues officielles du Canada ainsi que les cultures qu’elles représentent, et à favoriser l’épa-nouissement de chacune de ces langues, dans la mesure du pos-sible, dans les provinces où elle n’est pas parlée par la majorité [et] à réparer les inégalités crées par des injustices passées.» Comme l’explique Claude Ryan dans la Revue du Barreau où il consacrait un article à «L’impact de la Charte

canadienne des droits et libertés sur les droits linguistiques au Québec» en 2003, l’interprétation de l’article 23 a déjà généré plusieurs litiges. Les établissements d’enseignement en langue minoritaire doivent être accessibles pour les étudiants admissibles lorsqu’ils représentent un nombre suffisant. De fait, l’arti-cle 23 a entrainé une rectification, en 1993, de la Charte de la langue française, la Loi 101, parce que ses articles 72 et 73 entraient en contradiction avec l’article 23.

«Tandis que les minorités francophones des autres provinces furent avantagées par plusieurs arrêts des tribunaux, le Québec fut forcé de faire machine arrière en relation avec certaines dispositions de la Charte de la langue française […] La compétence législative des provinces en matière d’éducation a été directement affectée par cette disposition […] Ce processus fut particulièrement pénible pour le Québec, vu que ni le gouvernement de l’époque ni l’Assemblée natio-nale n’avaient souscrit à la Charte canadienne et encore moins à la manière dont elle fut adoptée», écrivait en 2003 Claude Ryan, l’ancien Ministre responsable de l’application de la Charte de la langue française de 1990 à 1994. Il avait perçu avec justesse les pro-blèmes que l’avenir aurait à traiter et prévenait que le calme observé était peut-être superficiel et tem-poraire. Le processus de mondia-lisation, où l’anglais occupe une place prédominante, ne rassure pas les défenseurs de la langue françai-se. Il explique aussi qu’au Québec, «la majorité elle-même existe et se perçoit comme une minorité dans le grand tout canadien et nord-américain, [elle] accorde donc la première importance aux droits linguistiques de la majorité et […] a souvent tendu à réduire les droits reconnus à la minorité», si para-doxal que cela puisse paraître.

S’ils touchent au 23, on est faits!

Le Québec n’a pas offert son soutien aux francophones des autres provinces, soit, mais sa décision repose tout de même

sur une volonté de promouvoir l’épanouissement du français. Le butin qu’auraient pu remporter les autres Canadiens-francophones était bien maigre à côté du risque de perdre les acquis linguistiques du Québec, c’est du moins ce qui semble justifier son intervention controversée dans cette affaire. En 22 pages contenant quelques 102 points où les répétitions ne se font pas discrètes, la Procureure géné-rale du Québec reconnaît l’impor-tance d’une des visées de l’article 23 qui est de réparer les torts de l’assimilation subis par les mino-rités francophones du Canada,

mais ne démord pas pour autant: «La position de [la Commission scolaire francophone du Yukon] reviendrait à permettre aux repré-sentants de la minorité de modifier substantiellement les catégories des titulaires des droits de l’article 23, ce qui devrait plutôt requérir un amendement constitutionnel, indique le mémoire du Québec, [de tels pouvoirs] pourraient également être revendiqués par les membres de la minorité anglo-phone du Québec. […] En revendi-quant ainsi le pouvoir de définir à sa guise de nouveaux critères

d’admission aux écoles de la mino-rité, [la Commission scolaire fran-cophone du Yukon] remet en cause non seulement cette compétence législative exclusive, mais modifie aussi le compromis constitutionnel que traduit l’article 23 de la Charte canadienne.»

Ce compromis, le Québec y tient, car l’article 23 est interprété, à l’heure actuelle, de façon à res-treindre l’accès à un enseignement anglophone dans la province — l’ar-ticle 59 de la Loi constitutionnelle de 1982 exempt le Québec de l’ali-néa 23(1), c’est à dire qu’il ne suffit pas d’avoir pour langue maternelle

l’anglais pour être admissible dans une école publique anglophone, alors qu’inversement, pour avoir le droit d’accès à l’enseignement en français dans les autres provinces, il suffit que ce soit la première lan-gue apprise. C’est d’ailleurs l’un des arguments soulevé lors de l’inter-vention du Québec. Conserver les acquis et éviter de compromettre «le fragile équilibre de la dyna-mique linguistique québécoise» se présentent comme les valeurs qui ont primauté sur la solidarité dans la quête de reconnaissance et d’épanouissement linguistique.

Statu Quo, à voix haute

L’article 23, selon Claude Ryan dans l’article cité plus haut, était «conçu pour régler un problème qui se posait au Canada, il visait donc à changer le statu Quo.» Or, un peu plus de dix ans après la publication de l’édition spéciale de la Revue du Barreau sur la constitution et la Charte et donc 30 ans après sa mise en vigueur, le Québec sem-ble prendre ses dispositions pour défendre non plus la langue fran-çaise, mais le fameux statu Quo. L’article 23 a-t-il été si difficile à avaler et à digérer que le Québec ne veut plus le remettre en question? M.T., poète engagé, est troublé: «je trouve difficile de défendre l’usage du français au Québec en me disant que c’est pour la bonne cause, qu’il représente une minorité en danger, une langue en voie d’extinction, lorsqu’on voit sa réaction devant le Yukon qui appelle à l’aide.»

Menace réelle?

Si le cas faisait jurisprudence, que la porte-ouverte para-23(2) s’offrait aux provinces anglopho-nes, le Québec ne pourra-t-il pas avoir recours à son statut distinc-tif ? C’est du moins la province la plus susceptible de le faire valoir. En 2003, Claude Ryan conseillait déjà au Québec de «se montrer plus sensible aux répercussions de ses politiques linguistiques sur les droits linguistiques des mino-rités francophones dans les autres provinces et les Territoires et aux implications de ses politiques pour la qualité de ses rapports avec le reste du Canada.»

En 2015, au lieu de remettre le plat – indigeste semble-t-il – sur la table, la Procureure générale du Québec termine son intervention volontaire par: «La reconnaissance d’un tel pouvoir aux représen-tants de la minorité nuirait à la protection du français dont la vita-lité bénéficie non seulement aux Québécois, mais aussi à l’ensemble des francophones du Canada.» L’intention reste sujette à conjec-tures, mais sacrifier les locuteurs dispersés au profit d’un bouclier à l’intérieur même de la forteresse n’est manifestement pas une stra-tégie qui fait l’unanimité.x

«Après la création du Yukon en 1898, il était illégal d’enseigner en français, ce qui a mené à près de 100 ans d’assimilation»

«le fragile équilibre de la dynamique linguistique québécoise»

luce engérant

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10 société le délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

Points de vue

Peut-être avez-vous déjà entendu parler du réseau Students For Liberty (SFL).

Cette association étudiante, créée en 2008 aux États-Unis par Alexander McCobin, rem-porte un vif succès. Son objec-tif ? Promouvoir le libéralisme. L’idée principale est de réduire le contrôle gouvernemental au maxi-mum pour permettre l’acquisition d’une société où l’individu pour-rait jouir pleinement de sa liberté.

L’idée paraît utopique, mais la réalité, c’est que le réseau compte aujourd’hui environ 1100 organisations étudiantes à tra-vers le monde. J’ai rencontré le directeur de Students for Liberty Paris, Christophe Seltzer, pour débattre avec lui de la question. Ses yeux brillent chaque fois qu’il parle de l’association qu’il dirige; libertaire dans l’âme, il n’a cessé de me parler des dérives de l’État et du gouvernement qui l’ont peu à peu poussé vers une soif de liberté absolue.

En effet, les divers scandales tels que la surveillance mas-

sive du gouvernement américain dénoncée par Edward Snowden, les divers plans économiques à travers le monde pour tenter d’enrayer la crise de 2008 et les autres régulations économiques gouvernementales relèvent, pour

lui, de l’atteinte à la liberté de l’individu. En réitérant ces argu-ments, Christophe Seltzer m’a rendu crédible sa vision de la li-berté. Du point de vue de Students for Liberty, le gouvernement exerce mal son rôle de régulateur.

Il m’apparaît donc logique de ten-dre vers une société où l’individu est responsable de lui-même et où les interactions se font sans le contrôle d’une entité supérieure qui interfère, entre autres, dans les affaires économiques.

Les revendications de SFL ne se limitent pas au domaine de l’économie: la liberté civile est aussi mise sur le tapis. Un exem-ple dont le président de l’asso-ciation française m’a fait part est celui de la concrétisation du pro-jet de Xavier Niel, fondateur de Free mobile. Il a créé 42, une école d’informatique qui accueille des étudiants depuis novembre 2013. Cette idée a suscité beaucoup de sympathie chez les libertaires. Une académie accessible sans di-plôme, gratuitement et par le biais d’une sélection à laquelle quicon-que peut se soumettre incarne, pour SFL, le futur de l’éducation. C’est le modèle d’une école libre de former les cerveaux qu’elle souhaite, sans formalités qui puis-sent interagir avec le talent de ses élèves.

Je me pose cependant une question quant à l’absence de régulation par l’État: si l’individu

est capable de libérer la société pour entreprendre et interagir sans contrainte, qu’en est-il du port d’armes, des drogues et du meurtre dans une société où le gouvernement n’est plus présent pour assurer les fonctions régu-latrices essentielles? Et quels re-cours peuvent avoir des étudiants si la seule instance dont ils dépen-dent est l’école qui les forme? Est-ce que cela ne laisse pas place à d’autres sortes d’abus? Le débat est loin d’être clos pour SFL, mais si la tendance se maintient, l’orga-nisation a de beaux jours devant elle. Pour ma part, je ressors de cet entretien perplexe. Moi-même aspirant à une société à l’image du Premier Empire, réorganisée et puissante économiquement, je m’interroge sur la réussite pos-sible des libertaires quant à leur combinaison liberté-ordre social. Quoi qu’il en soit, les premiè-res conférences de Students for Liberty se sont tenues au Québec vendredi dernier, le 23 janvier, et je ne saurais attendre de voir si le succès sera aussi franc qu’en France où l’on compte déjà neuf associations étudiantes affiliées au réseau international.x

Olivier Pasquier Le Délit

Opinion

Parmi les auteurs condam-nés, Salman Rushdie figure parmi ceux dont le

nom est prononcé outre mesure. Vingt-cinq ans après le coup de tonnerre: un décret de l’ayatol-lah Khomeiny, une sentence de mort pour l’infidèle.

Le romancier et essayiste britannique, d’origine indienne, a publié, en 1988, son roman Les ver-sets sataniques. Celui-ci est inspi-ré des débuts de la foi musulmane, de son nomadisme, de l’histoire du prophète Mahomet et surtout, des versets sataniques du Coran, dictés par le diable, sous l’appa-rence d’un ange, à Mahomet ainsi trompé. La Fatwa est tombée sur Rushdie en 1989, énoncée par le dirigeant iranien Khomeiny: à bas «l’auteur des Versets Sataniques qui est contre l’Islam, le Prophète, le Coran !» Suivant la publication, à Bolton, dans le nord de l’Angle-terre, des manifestations ont éclaté contre Rushdie, on y a brûlé le roman. Le livre est banni de nombreux pays orientaux. Salman Rushdie, lui, voit en Les Versets Sataniques une marque de respect

et d’admiration envers le Prophète: le livre «le traitait comme il voulait être traité; pas comme une figure divine […] mais comme un homme («le Messager»)», écrivait le roman-cier dans le New Yorker en 2012. D’ailleurs, disait-il aussi, le livre ne prétendait pas s’engager dans une cause politique. C’était un pur travail littéraire, un roman. C’est ce qu’il semble regretter le plus, le fait que Les Versets Sataniques aient à jamais été bannis de l’œuvre litté-raire. Peut-être était-il trop candide dans sa non-croyance? Quoi qu’il en soit, la politique l’a emporté, et dans sa course, elle a pris sa vie d’antan à Salman Rushdie.

L’auteur, né à Bombay en 1947, avait suivi sont père en Angleterre à l’âge de treize ans. Son identité, comme plus tard ses romans, se sont construits sur l’expérience

de l’exil, du statut d’étranger. Il a commencé ses études au Collège de Rugby et les a poursuivies à King’s College, à Cambridge, dans un programme d’histoire. Il rêvait de devenir acteur et tenta pendant un temps de travailler pour une chaîne de télévision pakistanaise. «Mais le téléphone est resté mys-térieusement silencieux ensuite», racontait-il au Nouvel Observateur en 2013, «et j’ai finalement décidé, assez sagement je crois, de devenir écrivain.»

À la suite de sa condamna-tion, Salman Rushdie a longtemps vécu sous protection policière. Accompagné de deux policiers, il quitte Londres le lendemain du verdict et se cache quelques jours dans une auberge de campagne puis dans la ferme que lui prêtent des amis. Il rejoint enfin sa femme

dans une maison de location, ano-nymement. Les conditions de sa protection l’empêchent de sortir; il doit s’inventer une nouvelle identité: Joseph Anton. Ce nom est le titre du roman autobiogra-phique que l’auteur a publié il y a deux ans, relatant son expérience de la fuite. Elle n’est maintenant qu’un lointain souvenir, alors qu’il a recommencé une vie loin de l’an-goisse et de la traque, à New York. Lentement, le monde musulman s’est désintéressé, et la Fatwa a été levée en 2000. Selon son fils Zafar Rushdie, la prime promise pour son exécution est augmentée par certaines organisations islamistes chaque année, mais, disait-il au journal britannique le Standard en 2012, «cela fait vingt ans que l’on dit beaucoup de choses à propos de mon père. Je suis immunisé».x

On ne rigole pas avec la littératureEsther Perrin-Tabarly | Raconter au prix d’une vie.

chronique

MAHAUT ENGÉRANT

Une seule devise: liberté Le président et moi avons délibéré sur Students for Liberty.

luce engérant

Page 11: Le Délit du 27 janvier

11CULTUREle délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

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Découvert en 2011 avec les titres «Hémisphère» et «La Ballade de Jim», fameuse

reprise deep house d’Alain Souchon, Paradis, jeune duo parisien formé par Simon Meny and Pierre Rousseau, revient nous livrer après une période de silence leur nouvel EP «Couleurs primaires». Composé de trois morceaux et de deux remixes, «Couleurs Primaires» s’annonce comme un bel aperçu de leur album à venir, et nous fait dé-couvrir encore plus l’univers élec-tronique et captivant de Paradis. Garde le Pour Toi, Sur une Chanson en Français, ou encore Le Bal des Oubliés nous embarque dans un voyage spatio-temporel où house, techno et pop française se côtoient et s’équilibrent parfaitement pour donner une rencontre musicale des moins atypique et hypnotisante.

Adepte des longs morceaux, «Couleurs Primaires» débute avec Garde le pour toi par une longue et fascinante introduction de deux

minutes, pour enfin présenter la voix de Simon Meny, accrocheuse et marquée d’un soupçon de mé-lancolie à la française. On écoute, et puis très vite on esquisse des mouvements, la tête se balance, les yeux se ferment, et on oublie tout pour se retrouver seul à seul avec la musique. Telle est l’expérience que nous fait vivre Paradis, confirmant une fois de plus que le duo parisien excelle dans le domaine électro-nique. «Couleurs Primaires» se déguste doucement, tendrement, un soir d’été loin des agitations de la ville. Les deux remixes, d’un peu moins de 20 minutes, viennent marquer la fin de l’EP mais ne tra-hissent pas l’univers du tandem, et closent ainsi le voyage de l’audi-teur.

«Couleurs Primaires» c’est un peu Étienne Daho pour la langueur et la douceur de la voix, baigné de paroles nostalgiques portées par un son électronique à la croisée des chemins entre AIR et la musique concrète de Pierre Henry. Mais Paradis ne pourrait se définir que

par son propre univers, trouvant son équilibre entre couleurs et sobriété, pop française et techno.

Découvert un peu par hasard en 2012, j’étais tout de suite tombée amoureuse du duo après l’écoute

d’ «Hémisphère», qui incarnait à mes yeux un grand cru de ce que pouvait donner l’électronique made in France. Vous l’aurez sans doute deviné, «Couleurs Primaires» n’est pas décevant ni même déjà vu, il s’inscrit dans une lignée de EP à écouter calmement sans interrup-tion. Paradis sonne alors comme une forme d’aboutissement de la variété française revisité par de jeunes talents que l’on conseille vivement de suivre de très près. Reste à savoir si Paradis tiendra ses promesses en grand format. En tout cas, avec «Couleurs Primaires», ils s’installent un peu plus sur la scène électro, en réinventant à leur manière la chanson française.

«Laissez-là fuir ce soir

Et peut-être s’émouvoir Loin du regard des indiscrets

Sur une chanson en français» x

Anais Rossano

Couleurs PrimairesParadisBarclay

Un voyage au ParadisLe duo français revient avec un nouvel EP, magnétique et envoutant.

Musique

«Hey now, Hey now» com-mence Hannah Reid, chanteuse du groupe

London Grammar, sur quelques notes de piano. La salle, immédia-tement, est étreinte par la voix aussi intense que puissante de la chan-teuse. Hannah Reid est accompa-gnée de Dot Major au synthé et aux percussions et de Dan Rothman à la guitare. Ce trio formé à Nottingham connait depuis trois ans une as-cension fulgurante, qui «choque» d’ailleurs encore ces jeunes tout juste sortis de l’université, comme l’avouait Dot à la CBC. Et pour cau-se, leur album If You Wait est deve-nu album de platine au Royaume-Uni et en France. Pourtant, encore aujourd’hui, internet apporte peu d’informations sur eux, ce qui est dû à la fois à leur courte carrière, à un tempérament assez réservé, mais surtout à un désir de faire peu de presse pour mettre leur musique au premier plan. C’est à travers leur proposition musicale que les fans

pourront apprendre à les connai-tre, Hannah décrivant ses paroles comme «personnelles et introspec-tives».

Après la sortie de leur pre-mier EP en février 2013 et de leur premier album en septembre de la même année, London Grammar avait entamé une première tournée européenne fin 2013, se produi-sant dans toutes les grandes villes d’Europe et dans plusieurs festivals comme celui des Inrocks à Paris. Attendu en novembre dernier en Amérique du Nord, le groupe avait annoncé en octobre – au plus grand dam de leurs fans – le report de la tournée nord-américaine au mois de janvier 2015. Vendredi dernier, les fans montréalais ont donc enfin pu assister au concert du groupe anglais à l’Olympia de Montréal. Qu’elle soit posée sur quelques notes de piano ou accompagnée par le son des percussions et de la guitare, la voix de la chanteuse sait toujours trouver la bonne note, la bonne intensité. Le groupe parvient à insuffler de la chaleur malgré des tonalités assez classiques, résultat du contact entre le chant mélanco-

lique plein de grâce d’Hannah et les rythmiques déstructurées planan-tes des deux musiciens. Les chan-sons, comme le passage d’une main sur une longue robe en velours, se suivent et se mêlent les unes aux autres, délicatement, pour créer un tout qui caresse l’imaginaire de tous. Le groupe, en entretien avec CBC, expliquait que l’esthétique minimaliste de l’album s’est déve-loppée avec le temps, suite à plu-sieurs expérimentations qui les ont confortées dans l’idée que la voix d’Hannah brillait dans cet univers épars. Ce minimalisme donnant naissance à un univers aérien a séduit le public mais également la maison Dior qui a repris Hey Now pour sa nouvelle campagne J’adore.

La salle de l’Olympia, loin d’être aussi grande que certai-nes salles de concert à Montréal, convenait parfaitement au naturel du groupe, décontracté en jeans et t-shirts. Dot Major n’a pas manqué de partager quelques anecdotes avec le public – et en français s’il vous plait! Mais l’ambiance intimiste n’a pas empêché la foule d’être, comme l’a souligné la chan-

teuse, une des plus bruyantes que le groupe ait vu. À l’Olympia, une chose est sure, vieux et moins vieux ont été charmés par le timbre suave d’Hannah Reid et l’énergie de ses

deux compagnons. Le seul petit bémol est que le public venu en grand nombre acclamer le groupe a dû se satisfaire d’une heure de concert seulement. x

nOOR dALDOUL & lUCE eNGÉRENTLe Délit

La grammaire, une chanson douceAucune fausse note pour le trio London Grammar.

cONCERT

gracieuseté de paradis

gracieuseté de london grammar

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12 Culture le délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

Le Délit (LD): Petit rappel pour nos lecteurs, qu’est-ce que Franc-Jeu?

Victor Gassman (pré-sident de Franc-Jeu, VG): Franc-Jeu est la seule troupe de théâtre francophone de McGill. L’association a été créée l’année dernière par Léa Frydman et moi-même. Le Malade imaginai-re est notre première production. C’est un peu la résurrection du théâtre francophone à McGill. L’objectif de Franc-Jeu, c’est que tous les étudiants francophones qui veulent faire du théâtre puis-sent le faire de quelque manière que ce soit. Cela implique des ateliers et des soirées d’impro-visation où chacun peut venir et évidemment des productions plus professionnelles comme Le Malade imaginaire ou La Réunification des deux Corées. Il y a eu un franc succès dès le départ qui a témoigné d’une demande pour le théâtre franco-phone à McGill.

LD: Le collectif de la Grenouille, qui vous a précédé, a laissé un vide. Vous l’avez com-blé?

VG: En effet, on essaye de combler le vide qui avait été laissé par la disparition de la troupe La Grenouille. On est maintenant sûr qu’il y avait un vide puisque il y a eu un grand engouement dès le départ, de très nombreuses personnes à nos ateliers, de très nombreuses personnes aux auditions, et on attend beaucoup de spectateurs pour la pièce. Il y a eu beaucoup d’enthousiasme de la part de la communauté de l’AÉUM pour voir la résurrection du théâtre francophone à McGill. (Amen collectif )

LD: Michaël, quelle est votre expérience en tant que metteur en scène?

Michaël Blais (metteur en scène, MB): Je suis à Montréal depuis quatre ans. J’ai déjà mis en scène un Molière, la pièce Georges Dandin. Je viens de Sherbrooke, qui est une petite ville pas très loin de Montréal. Je voulais ressusciter moi aussi le théâtre français classique dans la ville de Sherbrooke, donc avec des amis on a décidé de monter le théâtre des Douze coups. Avant, j’avais fait d’autres

mises en scène comme Jocelyne Trudel trouvée morte dans ses larmes de Marie Laberge. Je me concentre surtout sur des pièces de répertoire classique; je trouve ça important de faire revivre ces textes qui sont parfois pous-siéreux et de leur donner une couleur différente. On peut leur apporter quelque chose.

LD: Vous pensiez jouer une comédie, plus particulièrement Le Malade imaginaire, dès le départ? Quelles étaient les autres possibilités?

MB: Pour moi, le choix de Molière s’imposait. Pour la première pièce de Franc-Jeu je trouvait ça intéressant de pren-dre le répertoire de Molière. J’ai cru comprendre que l’intention de Franc-Jeu, c’était de rendre le théâtre accessible aux gens qui le pratiquent et qui le regardent. J’ai essayé de garder l’aspect accessible en tête pendant toute la mise en scène. C’est aussi ma démarche artistique, si j’en ai une. Molière est un auteur que je connais bien, le choix était assez clair dès le départ; il fal-lait que je me sente à l’aise pour pouvoir mettre en scène. En ce qui concerne le choix de la pièce, Le Malade imaginaire est pour

moi la pièce la plus aboutie de Molière.

VG: Pour Franc-Jeu, c’est en lien avec ce que j’ai dit toute à l’heure: on n’a pas de ligne artistique. On tient à ne pas avoir de ligne artistique parce qu’on tient à ce que les gens qui ont des projets en tête puissent les réaliser avec l’aide de Franc-Jeu. Du coup, Michaël et son équipe, avec Virginie [Daigle]

et Laurence [Lafortune], sont venus nous voir en nous deman-dant si on voulait travailler avec eux pour cette production. Ça s’est fait parce que pour nous, tout projet de théâtre francopho-ne qui veut être mis en place par un étudiant de McGill doit être mis en place.

LD: Le Malade imaginaire est, à l’origine, une comédie-bal-let; avez vous gardé cet aspect-là de la pièce?

MB: On n’a pas gardé les bal-lets en tant que tel. Par contre, Le Malade imaginaire est une pièce hybride composée de deux langues différentes – le français et le latin –, donc la finale en latin est conservée pour le bien de la pièce. Dans l’ensemble, le texte est gardé de façon intégrale mis à part les ballets.

LD: Quant à l’aspect musi-cal?

MB: Il y a effectivement une petite scène chantée qu’on a gardée; on a essayé de la moder-niser un petit peu en associant le texte à de la musique moderne. D’ailleurs, on a fini de déter-miner juste avant l’entrevue la musique qui servira d’intermé-diaire entre les actes. C’est assez moderne, électrique... La musi-que est un bon outil pour rendre Molière accessible et moderne.

LD: Histoire d’apporter une petite touche de fraicheur?

MB: Absolument, un jour-naliste m’avait interviewé à Sherbrooke pour parler de Georges Dandin. Le titre c’était «Un Molière fardé de Pop» puisqu’on avait utilisé Lady Gaga et les Black Eyed Peas sur du Molière. Ce n’est pas ce que l’on fait ici mais ça ressemble un peu, peut-être un Molière fardé d’électro. En tout cas c’est un Molière fardé. Je trouve ça inté-ressant d’associer la mode, les costumes et la musique électro-nique avec du théâtre et au texte

de Molière qui lui-même est très extravagant et excentrique.

LD: Quelle était l’ambiance lors des répétitions?

François-Xavier Tremblay (Argan, F-X): L’ambiance est généralement bonne, il n’y a pas eu de prises de tête. Il y a beaucoup de moments où on déconne, peut-être un peu trop même, d’où l’esprit de camaraderie. En général l’ambian-ce est très plaisante. À chaque fois,

j’ai hâte d’aller répéter. C’est mon bonbon de la semaine.

MB: Il y a eu différentes for-mes de répétitions. Parfois on les faisait tous ensemble tandis qu’à certains moments on faisait des ateliers de groupe.

F-X: Pour ma part j’ai préféré les ateliers plus intimes, ça nous poussait plus à s’exprimer.

LD: Combien d’heures de répétition avez-vous fait depuis le début?

MB: On a commencé les répé-titions très en retard. À la session d’automne on n’avait pas com-mencé à afficher la publicité pour les auditions. Troisième semaine d’automne on faisait les auditions, quatrième semaine on jouait les premières répétitions à raison de deux répétitions par semaine pen-dant toute la saison d’automne. En janvier, on a continué à faire deux répétitions par semaine et c’est tout. Le temps de répétition était très restreint et pourtant je pense qu’on a accompli un gros boulot en peu de temps; je suis très satisfait de la qualité de la pièce qui se veut d’ambition professionnelle au niveau de la performance. Je dis ça avec beaucoup d’humilité.

Molière de pasLe Délit a rencontré la troupe Franc-Jeu qui présente

entrevue

«Le texte de Molière est

extravagant et excentrique.»

«Il y a une vraie demande pour le théâtre franco-

phone à McGill.» «La musique est un bon outil pour ren-dre Molière accessible et moderne.»

éléonore nouel

éléonore nouel

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13Culturele délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

Virginie Daigle (assis-tante à la mise en scène, VD): Je suis d’accord avec Michaël. Je pense que dès qu’on a commencé il y avait un sentiment d’urgence. D’abord pour trouver la salle. Cela a été extrêmement difficile et com-pliqué, mais on y est arrivés. Tout s’est fait étape par étape.

MB: Le fait qu’on était dépourvus de salle est une problé-matique à laquelle Franc-Jeu s’est porté guerrier. C’est un combat politique que d’obtenir une salle. On est obligés d’aller à l’extérieur des murs de McGill pour pouvoir jouer parce qu’il n’y a aucune structure administrative qui nous permette de jouer une pièce intra-muros à des prix raisonnables.

LD: C’était votre souhait de jouer dans McGill? Quelle était la procédure?

VD: On a regardé toutes les salles qui pouvaient être dispo-nibles à McGill. Il y en a trois qui sont équipées pour le théâtre: le TNC qui est pour un public res-treint, le Player’s Theatre qui est entièrement booké et Moyse Hall qui est à un prix carrément prohi-bitif pour les étudiants, environ 15 000 dollars par soir; impossible, même si on espérait vraiment pou-voir y accéder.

VG: Pour rebondir sur ce qu’a dit Michaël, on a une communauté qui s’agrandit de jour en jour, de personnes extrêmement motivées et c’est vrai qu’on n’a pas forcé-ment les ressources pour vraiment mettre à bien de façon durable tout ce qu’on voudrait faire. Les répétitions se faisaient dans le bâtiment de l’AÉUM, ce qui est en soit très bien, mais c’est vrai que pour les représentations, on se bat aujourd’hui pour avoir une salle attribuée à Franc-Jeu et au théâtre francophone, au moins pour deux productions par an.

LD: Pour vous cette pièce va-t-elle au delà du rire? Y a-t-il un message politique?

MB: Je pense qu’on cherche trop souvent un côté politique au théâtre. J’essaye de mettre en avant l’aspect farcesque puis la singularité d’une société. Il s’agit avant tout de raconter une histoire. Après, il y a toujours cette querelle entre les anciens et les nouveaux qui teinte la pièce. Doit-on regarder en arrière pour aller de l’avant? C’est sûr que dans une société post-moderne telle que la nôtre, le futur n’est pas garant d’un avenir meilleur et le

passé n’est pas forcément ce qu’il y a de plus reluisant. On est un peu dans une sorte de flottement temporel. Ce que je voulais faire ressortir du Malade imaginaire avec un style assez plaqué – on est rarement dans la nuance –, c’est le rire mais aussi démontrer que les apparences l’emportent puisque c’est l’idée qu’Argan se fait de la maladie qui l’emporte sur lui donc les anciens gagnent et l’espoir d’un

avenir meilleur... Les clowns sont souvent les plus tristes.

LD: Comment vous sentez vous à neuf jours de la première, un peu stressés j’imagine?

F-X: Stressés, c’est même pas la peine de le mentionner, c’est sûr! Confiants tout de même du travail qu’on a fait et des pas de géants de ces dernières semaines. Une petite hâte, car c’est l’aboutis-sement d’un travail.

Yoav Hougui (Thomas Diafoirus): C’est vrai qu’on se sent impatients de commencer car c’est toujours un super moment les quelques jours où on est sur scène. Pour ma part, ça fait super longtemps que je n’ai pas fait ça. C’est très excitant! Je m’en réjouis et je sais que je vais être très triste une fois que ce sera fini. Je ne sais pas si je vais pouvoir continuer à faire du théâtre chaque semaine

sans la pièce du Malade imagi-naire.

MB: Je suis assez fier du travail qui a était fait jusqu’à maintenant. Pour moi ça serait le sentiment de fierté, le sentiment du devoir accompli aussi, on n’est pas si loin de ce que j’imaginais. Quant à la performance, cela a été au-delà de mes attentes, je [ne] m’attendais pas à un tel niveau de jeu.

LD: Qui est le personnage sur l’affiche?

(Les regards se tournent vers Francois-Xavier.)

VG: Il est magnifique.

LD: Il fait peur tout de même. F-X: C’est une des facettes du

personnage. Dans la construction, je suis allé chercher ce qu’il y avait de laid en moi. Le vieux monsieur qui se cache en chaque personne est là. Ce qui est intéressant chez ce personnage, c’est qu’il peut passer d’un moment de pure joie à un moment de pure colère en une fraction de seconde.

MB: C’est Gabriel Cholette, qui est un étudiant en maitrise du département de littérature fran-çaise, qui a signé la conception graphique de tout le projet, l’affi-che comprise. Depuis le départ on voulait travailler avec des blocs-couleurs. L’affiche représente bien le côté binaire des personnages.

LD: Le coût du billet sera de 10 dollars pour les étudiants et de 15 dollars en admission générale.

Comment seront reversés les fonds?MB: Comme on avait peu de

ressources financières de la part de l’Université, on n’a pas tant d’argent que ça à dépenser. J’ai avancé beaucoup d’argent de ma poche, Virginie aussi, donc on va commencer par se rembourser. Après ça, les fonds vont aller à Franc-Jeu dans l’optique de mon-ter d’autres productions. Je [ne] pense pas qu’on va avoir tant d’ar-gent que ça. Le but d’accessibilité se voit aussi dans les prix, 10 dol-lars n’est pas représentatif d’une pièce de théâtre ni de la valeur de la production. C’est un prix forfai-taire et généreux qu’on offre à nos spectateurs.

LD: Quelle sera la prochaine pièce de Franc-Jeu?

VG: La prochaine pièce de Franc-Jeu, on la connaît et la troupe est déjà montée, c’est La Réunification des deux Corées de Joël Pommerat. C’est une pièce pour le coup très contemporaine qui parle de l’amour et du couple dans la société. On a essayé de faire quelque chose de complè-tement différent par rapport au Malade imaginaire.

LD: Merci pour vos réponses et votre énergie; quelque chose à ajouter?

VG: Venez voir la pièce! C’est pour tout le monde, ce n’est pas que pour les amateurs de théâtre. C’est une soirée différente de vos soirées habituelles. J’ai rarement autant ri qu’avec du Molière. J’ai déjà vu du Molière à la Comédie-Française, que cette pièce soit interprétée par des étudiants lui donne un goût totalement diffé-rent. C’est marrant, c’est un beau projet, c’est une troupe extrê-mement motivée avec beaucoup d’énergie et puis, un peu de théâ-tre de temps en temps ne fait de mal à personne. x

sage à McGillLe Malade imaginaire au Théâtre MainLine cette semaine.

Propos recueillis parSamy Graïa

Le Malade imaginaireMise en scène de Michaël BlaisAu Théâtre MainLine3997 Saint-Laurent29-30-31 janvier15$ / 10$

«Le personnage éponyme est le vieux monsieur qui se cache en chacun de nous.»

«On cherche trop souvent un

côté politique au théâtre»

«Il y a toujours cette que-

relle entre les anciens et les nouveaux qui

teinte la pièce.»

éléonore nouel

éléonore nouel

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14 Culture le délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

Il y a toujours une double dimension qui me fascine lors des soirées de première à

l’Opéra de Montréal. On y trouve concentrées toutes les contradic-tions de notre société québécoise, pour le plus grand plaisir d’un œil volontairement critique comme le mien.

La première dimension est évidente, c’est bien sûr la scène et ce qui s’y passe. Ce soir-là, c’est Samson et Dalila, le seul opéra de Camille Saint-Saëns, que l’OdM présente à l’occasion de son 35e anniversaire, avec dans le rôle-ti-tre la contralto québécoise Marie-Nicole Lemieux. C’est la pre-mière fois qu’elle endosse le rôle de Dalila, ce qui explique sans doute l’affiche complète pour les quatre représentations, comme le suggère Claude Gingras dans sa critique pour La Presse. Elle est d’autant plus attendue qu’elle a enregis-tré en 2009 l’air le plus connu de l’opéra de Saint-Saëns, Mon cœur s’ouvre à ta voix.

Le synopsis est simple, entiè-rement basé sur le mythe biblique. Samson, chef des Hébreux, ravage les champs des Philistins pour libérer son peuple. Il est ensuite trahi par sa maîtresse Dalila, à qui il révèle le secret de sa force, qui réside dans sa chevelure. Sollicitée par les Philistins, Dalila coupe les tresses de son amant et livre ce dernier à ses ennemis. Il est fait prisonnier et on lui crève les yeux.

Lors d’une cérémonie sacrificielle au dieu Dagon, Samson est pré-senté pour divertir les Philistins. Placé entre deux colonnes, il im-plore Dieu de le rendre assez fort et écarte les colonnes du palais, le détruisant. Il est alors tué dans l’effondrement du palais avec des milliers de Philistins.

Le plateau est relativement nu, uniquement encombré de panneaux numériques mobiles qui permettent de la polyvalence dans les décors, quoique ceux-ci se révèlent assez faibles. On reste suspect devant la projection d’une chorégraphie de danse contempo-raine pendant la scène de la bac-chanale. L’effet voulu d’hybridité tombe à plat, comme d’autres choix scénographiques malheureux. Au-delà de l’effet-vedette que sus-cite la présence de Marie-Nicole Lemieux dans la distribution, sa performance est solide, quoique plaquée par moment. Sa voix est généreuse dans les aigus, à l’instar de son partenaire Endrik Wottrich dans le rôle de Samson. Indubitablement, le moment fort de la représentation est le duo de Mon cœur s’ouvre à ta voix. Comme d’habitude, c’est l’air le plus connu de l’opéra qui provoque le plus d’émotions dans le public, un effet de reconnaissance de la culture collective. Cela est vrai pour le Va pensiero de Nabucco, l’air de la Reine de la Nuit dans La Flûte enchantée ou encore Libiamo de La Traviata.

La deuxième dimension tou-che à la question du collectif et à la

représentation du collectif. Quel est le plus important lors d’une soi-rée d’opéra, la scène ou tout ce qu’il y a autour? Il y a du beau monde lors des soirées de première à la salle Wilfrid-Pelletier. Du politi-que bien sûr, mais aussi le gratin journalistique et la haute québé-coise. Le plus flagrant, en dehors de la politique du paraître et de la mondanité qui règne en maître lors de ce genre de soirée, c’est le manque de consensus stylistique

au sein de ce microcosme. On aper-çoit untel en chandail, le classique vieux bourgeois canadien en che-mise violette et cravate rayée hi-deuse, dans un costume trop large. Il y a aussi Xavier Dolan en t-shirt, et la fine fleur des politiques.

Avant la représentation, le public a eu droit à une allocution de la ministre de la Culture Hélène David, et surtout de notre cher maire Denis Coderre, qui a une fois encore affiché ses lacunes

en faisant référence à l’opéra de «Saint-Sinsse». Son défaut de prononciation a provoqué des rires à peine étouffés dans le public. Il a quand même trouvé la force de conclure son discours par ce qui restera à mes yeux le moment fort de la soirée, une phrase révélatrice de la façon dont les politiques pensent l’art institutionnel: «La culture n’est pas une dépense, c’est un investissement.» Je vous laisse méditer là-dessus. x

baptiste rinnerLe Délit

Mon cœur s’ouvre à CoderreSamson et Dalila et du beau monde à l’Opéra de Montréal.

opÉra

J’ai un problème cette semai-ne. Qui n’en est peut-être pas un. Je parlais d’écriture,

je parlais de lecture, je parlais même de futur la semaine der-nière… mais je ne t’ai pas parlé, toi lecteur vénéré, de ton rôle dans l’achronique. Quand les mots que

voici grimpent à ton esprit, ils se couchent dans le mien. Ils cèdent, d’une certaine façon, à la dévia-tion d’une dynamique intention-nelle. Je m’explique, vous savez bien que je m’explique. Soyez pas cyan, c’était la semaine dernière.

Et voilà, je parle de couvertu-re et de bleu, j’ai encore trébuché sur une hache. Référence? Quoi, que, comment? Il fallait suivre, vous dis-je! Le suis, c’est fait; le comment, le pourquoi; nous n’y reviendrons pas. À moins qu’ils ne soient utiles. Évidemment, on ne s’outille pas pour rien, j’ai envie de dire. Étant advenu que je vous ai prévenus, que cela se dise ou pas, j’écris ici ce que je ne dis pas, lorsque je ne prétends pas que c’est ce petit moi-là qui guide le pas.

Alors voilà, je me demandais, lorsque se couche sur papier,

dans une langue, un mot, appar-tient-il au lecteur de l’inter-préter? Il semblerait que oui, direz-vous. À présent, lorsque se couchent sur un papier, dans deux langues, plusieurs mots cen-sés dicter la loi, et que ces deux langues doivent être reconnues au même titre, est-ce que les nuances de traductions peuvent induire et surtout justifier de dif-férentes interprétations?

Vous aurez vu que je ne me casse pas la tête avec ces ques-tions, surtout depuis que les homonymes ont été abolis par mon dictat de la semaine der-nière. Écrit dur comme du roc dans l’eau bleue des étangs. Voici, cette semaine, un problème. J’ai trouvé, en mettant le nez dans un sujet d’actualité, un petit détail qui m’a fortement titillée: en français, des synonymes trou-

vent leur équivalence chez des homonymes anglais. Expliciter? D’accord.

Un règlement stipule les critères qui rendent un étudiant «eligible» à être instruit en français au Yukon. La défini-tion d’«eligible» y est donnée en équivalence avec «admissible» au point 2 dudit règlement. Au point 5, des critères qui rendent «eligible» l’étudiant sont établis, équivalents cette fois avec «est qualifié» en français. Bon, d’ac-cord, vous doutez de la présence de l’anguille sous roche. Mais ce qui est amusant, c’est la suite. Au point 5, lorsque les critères sont déclinés, sous-point ii), le même terme est encore utilisé, «eli-gible», relevant de la répétition pure et dure, en anglais le point ii) pourrait être simplement sup-primé; alors qu’en français, nous

avons droit à «se qualifie», terme qui n’est pas défini dans ledit règlement en plus d’introduire une forme pronominale qui don-ne envie, à l’impertinente que je suis, de croire qu’il sous-tend une action, verbe sur lequel le sujet a quelque emprise, s’il réfléchit.

Bon, ce qui est assez drôle aussi, c’est que la Cour suprême du Canada s’est saisie d’un dos-sier concernant ces points 2 et 5 du règlement, mais que l’ambigüi-té de la langue française semble n’avoir titillé personne, ni même ceux qui y trouveraient avantage, mais bon on n’invente pas de nouvelles pages. Je suppose qu’on ne règle pas les grands problèmes de notre société avec des analyses grammaticales, surtout lorsqu’il s’agit justement d’une histoire d’enseignement de la langue fran-çaise dans un pays bilingue… x

Terre, Givre, rendez vos versets!Gwenn Duval | Petit cours d’écriture à l’usage de tous.

CHRONIQUE

Amélia rols

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15Culturele délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com

Compte tenu de la difficulté que représente la mise en place d’un spectacle de cette

envergure — lequel implique des problèmes de gestion considérables puisqu’il faut réussir à coordonner l’orchestre avec les chanteurs, les danseurs et j’en passe — ce n’est pas souvent qu’une troupe de McGill a l’occasion de présenter une comédie musicale. La pres-sion était d’autant plus grande que cette charmante histoire de crime, d’adultère et de corruption située dans le Chicago des années 1920 a depuis longtemps su séduire le public, comme en témoignent les six Oscars qu’a décrochés l’adap-tation cinématographique de Rob Marshall en 2002. Les 306 sièges du Moyse Hall étaient d’ailleurs prati-quement tous occupés.

Les spectateurs avaient-ils en tête, pour la majorité, le tour de force spectaculaire que consti-tuait la performance de Richard Gere dans le rôle de l’avocat peu scrupuleux Billy Flinn, ou encore l’affrontement superbe qui oppo-sait Catherine Zeta-Jones (Velma Kelly) à Renée Zellweger (Roxie Hart) dans leur lutte pour occuper la première page des journaux?

Que tel fût ou non le cas, il faut dire que l’équipe réunie par l’Arts Undergraduate Theatre Society (AUTS) s’est révélée tout simple-ment remarquable. Je crois qu’il faut même insister sur le fait que la qualité de cette représentation reposait précisément sur son carac-tère collectif, contrairement au film de Rob Marshall dans lequel l’en-

semble de la production était pra-tiquement écrasé par la qualité de chaque interprétation individuelle, qu’il s’agisse de celle de ses protago-nistes ou bien de figures secondai-res comme la directrice de prison «Mama» Morton (Queen Latifah). Ici, les chansons les plus réussies étaient sans équivoque celles qui impliquaient l’ensemble de la trou-

pe, telles que We Both Reached for the Gun et Razzle Dazzle.

Cela ne signifie pas que les performances artistiques indivi-duelles étaient dénuées d’intérêt. Ici, je tiens à signaler la présence de quelques perles parmi les rôles secondaires: tout d’abord Jessica Eckstadt dans le rôle de la journa-liste Mary Sunshine, qui a su admi-

rablement mettre en valeur sa for-mation en chant classique dans une chanson où elle affirme son credo optimiste en dépit de la corruption ambiante (A Little Bit of Good); et bien entendu, Oliver Bishop-Mercier qui marqua son début en beauté à l’AUTS en interprétant avec brio le rôle du mari délaissé de Roxie (Amos Hart), ce qui lui valut une ovation plutôt bruyante. Enfin, je tiens également à saluer la performance de Nour Malek dans le rôle de «Mama» Morton, puisqu’elle est parvenue à faire de sa chanson-vedette When You’re Good to Mama un des moments les plus réussis du spectacle.

À vrai dire, dans une produc-tion de cette taille, il est difficile de rendre justice à tous les artistes en remarquant les qualités de chacun. J’ai trouvé dommage, par exemple, que le public ait à peine applaudi les musiciens, qui continuaient à jouer All that Jazz alors que les spectateurs avaient déjà commencé à quitter le théâtre. D’un autre côté, il est vrai que cette comédie musi-cale constitue fondamentalement une satire du monde du show-bu-siness et de l’orgueil démesuré des stars. Dans un tel contexte, c’est à se demander si de tels phénomènes ne sont pas inévitablement liés à la nature de l’industrie du spectacle. x

miruna craciunescuLe Délit

Un défi réussiL’AUTS présente sa nouvelle production musicale, Chicago.

COMÉDIE MUSICALE

C’est dans le décor épuré d’une salle de répétitions que le Théâtre des Quat’

Sous a accueilli la dernière pièce d’Angela Konrad, Auditions ou Me, Myself and I. Ce format inhabituel, ne pouvant accueillir que cinquante personnes, était cependant parfai-tement adapté à une pièce dont l’in-trigue elle-même illustre les coulis-ses du monde du théâtre à travers une audition fictive de Richard III du vieux William Shakespeare. La petite salle crée une intimité singulière entre comédiens et spectateurs, ces derniers éprouvant autant d’émotions qu’il est possible d’en ressentir le temps d’une pièce d’une heure quarante-cinq.

En effet, on ne saurait caser Auditions ou Me, Myself and I dans des catégories aussi restreintes que la comédie ou la tragédie tant l’his-toire bascule rapidement du déso-pilant au tragique, occasionnant tantôt la gêne, tantôt l’hilarité du public. Ce va-et-vient émotionnel

est orchestré autour du personnage principal féminin Ricki, une met-teure en scène tyrannique alter-nant entre la manipulation de ses acteurs, sa relation comique avec sa mère et la perte totale d’inhibition entre les auditions.

Ambitieuse, Ricki, dont le rôle est magistralement joué par Dominique Quesnel, souhaite créer une nouvelle adaptation de Richard III. Elle est déterminée à ne laisser personne, et surtout pas ses comé-diens, corrompre son projet par une interprétation différente. L’intrigue est construite autour de l’intran-sigeance de Ricki, que la mère de cette dernière ( jouée par Lise Roy) qualifie de mépris. «Les grands acteurs font rarement de grands humains», dit-elle en référence à Micky (Philippe Cousineau), venu pour l’audition du rôle de Richard III. Elle pousse ses acteurs jusqu’au bout, afin d’extraire d’eux leurs émotions les plus profondes et pri-mitives, voire bestiales.

Demandant le maximum à ses comédiens, Ricki s’impose petit à petit comme le véritable tyran de la

pièce, à l’instar du tristement célè-bre duc de Gloucester, plutôt que l’inculte Micky, le fils prodigue du théâtre revenu après une carrière à la télé. Si des passants s’étaient attardés près du Théâtre des Quat’ Sous ce soir-là, ils auraient sûre-ment entendu sans les comprendre les cris des acteurs déchainés, désinhibés, sous les ordres dictés par Ricki, dont le besoin de mani-pulation frise la psychopathie tant elle semble incapable de sympathie.

Puis, tout à coup, le rêve s’effondre: la pièce ne recevra pas de subventions, le nerf de la guerre pour cette création artistique. Alors, après avoir congédié – où fait fuir – les comédiens et son assistante, c’est la déchéance de la metteure en scène jusqu’alors sur-voltée, bouillonnante d’énergie et de passion.

Le thème de la toute puissance de l’argent donne à la pièce un autre aspect, plus critique, qui évoque les difficultés financières chroniques auxquelles les metteurs en scène doivent faire face dans une indus-trie culturelle trop souvent éclipsée

par le cinéma. Les personnages extravagants imaginés par Angela Konrad donnent cependant une certaine légèreté au ton général de la pièce, même si le monologue de fin de Dominique Quesnel laisse le

spectateur repartir non sans une pensée affligée pour cette metteure en scène stoppée net dans son élan créatif, élan que la passion avait poussé à des tactiques de guerre psychologique. x

Richard n’est pas celui qu’on croitIntrospection sur les rouages de la création théâtrale.

théâtre

Louis Baudoin-LaarmanLe Délit

Marc-andré goulet

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16 Culture le délit · mardi 27 janvier 2015 · delitfrancais.com