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Le financement de la politique sociale de l’habitat Analyse des dépenses 2013 et préconisations pour le PLF 2015 Novembre 2014

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Novembre 2014

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Le financement de la politique sociale de l’habitat

Analyse des dépenses 2013 et préconisations pour le PLF 2015

Contenu 1. Quel est l’objet de ce document ? ................................................................................................. 2 2. Pourquoi est-il légitime et nécessaire que la puissance publique intervienne en faveur du logement des plus démunis ? ................................................................................................................. 3

2.1. Une obligation légale ............................................................................................................... 3 2.2. Une nécessité empirique ......................................................................................................... 3

3. Quel est le modèle économique de la politique sociale de l’habitat ? ......................................... 4 3.1. Qu’entend-on par aides à la pierre ? ....................................................................................... 4 3.2. Comment évoluent les contributions au financement du logement social ? ......................... 5 3.3. Qu’entend-on par aides au logement ? .................................................................................. 6

4. Quelles ont été les principales dépenses en faveur de la politique sociale de l’habitat en 2013, et que penser des prévisions pour 2015 ? ............................................................................................. 6

4.1. Comment évoluent les prêts de la Caisse des dépôts et consignations ? ............................... 6 4.2. Comment évoluent les subventions de l’État ? ....................................................................... 7

4.2.1. Parc social ordinaire ........................................................................................................ 8 4.2.2. Parc privé à vocation sociale ......................................................................................... 15

4.3. Comment évoluent les aides au logement ? ......................................................................... 19 4.3.1. Précarité et aides au logement : un lien de détermination réciproque ........................ 19 4.3.2. Un modèle économique hésitant .................................................................................. 20 4.3.3. Les impacts du programme de stabilité 2014-2017 ...................................................... 21 4.3.4. Pour une réforme en profondeur des aides au logement ............................................ 23

5. Synthèse : comment devrait-on affecter les ressources publiques pour soutenir la politique sociale de l’habitat en 2015 ? ............................................................................................................... 23

1. Quel est l’objet de ce document ? État, collectivités territoriales, employeurs, bailleurs, branche famille… La politique sociale de l’habitat mobilise des contributions financières hétérogènes. Pour comprendre la stratégie d’allocation des ressources en faveur de ce secteur, il faut donc restituer la cohérence de ces différentes interventions. Le présent document propose un aperçu synoptique des dépenses qui lui ont été consacrées en 2013 et formule des préconisations en vue du débat budgétaire pour l’exercice 2015. Il s’adresse aussi bien aux membres de la Fédération dans une perspective pédagogique, qu’à ses partenaires à des fins d’interpellation.

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2. Pourquoi est-il légitime et nécessaire que la puissance publique intervienne en faveur du logement des plus démunis ?

2.1. Une obligation légale L’intervention de la collectivité publique en faveur du logement pour tous résulte d’abord d’une obligation légale. Le droit au logement est une liberté fondamentale, reconnue par le droit communautaire et par le droit français :

L’article 34 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose ainsi qu’ « Afin de lutter contre l'exclusion sociale et la pauvreté, l'Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et à une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes » ;

Le préambule de la constitution du 27 octobre 1946 prescrit quant à lui que « La Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement […] Elle garantit à tous, notamment à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » ;

Dans sa décision du 19 janvier 1995, le Conseil constitutionnel considère « qu'il résulte de ces principes que la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent est un objectif de valeur constitutionnelle » ;

L’article premier de la loi du 31 mai 1990 visant la mise en œuvre du droit au logement stipule que « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation. Toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité, dans les conditions fixées par la présente loi, pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir […] » ;

Enfin, le droit au logement a été rendu opposable par la loi du 5 mars 2007.

Les parcs locatifs social et privé sont les outils principaux de la réalisation du droit au logement :

L’article L. 441 du code de la construction et de l’habitation (CCH) précise que « L'attribution des logements locatifs sociaux participe à la mise en œuvre du droit au logement, afin de satisfaire les besoins des personnes de ressources modestes et des personnes défavorisées » ;

Tandis que l’article 1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs souligne que « Le droit au logement est un droit fondamental […] L'exercice de ce droit implique la liberté de choix pour toute personne de son mode d'habitation grâce au maintien et au développement d'un secteur locatif et d'un secteur d'accession à la propriété ouverts à toutes les catégories sociales ».

2.2. Une nécessité empirique Si ces arguments légaux ne suffisaient pas à rappeler la collectivité publique à ses responsabilités, l’altération exponentielle du contexte social et la prolifération des phénomènes de mal-logement plaident en elles-mêmes pour une intervention volontariste et immédiate de l’État et de ses partenaires. En effet, aujourd’hui, en France :

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3,5 millions de personnes sont mal-logées1 et 10 millions de personnes sont en risque de mal-logement2

141 500 personnes sont sans domicile fixe, soit une augmentation de 50 % en 10 ans3 56 % des demandes formulées au 115 n’ont pas donné lieu à un hébergement durant l’été

20144 1 220 000 ménages sont en attente de logement social, soit une augmentation 43% en 10

ans5 L’État doit encore reloger 54 394 ménages prioritaires au titre du droit au logement

opposable6 115 086 ménages ont fait l’objet d’une décision d’expulsion locative en 2012 contre

105 917 en 2007, soit une augmentation de 8,7 %7

3. Quel est le modèle économique de la politique sociale de l’habitat ? Depuis l’après-guerre, le financement du logement des personnes défavorisées s’appuie sur deux piliers essentiels : les aides à la pierre et les aides à la personne.

3.1. Qu’entend-on par aides à la pierre ? Les aides à la pierre désignent l’ensemble des financements que la collectivité publique consacre à la construction et à la réhabilitation de logements. Le parc locatif social et le parc locatif privé conventionné reposent en grande partie sur ces aides. Elles se décomposent comme suit :

Des subventions budgétaires de l’État (comprenant des subventions de base en fonction de la superficie et de la typologie du logement, et d’éventuelles subventions additionnelles en fonction de la tension relative du marché immobilier) ;

Des aides fiscales (taxe sur la valeur ajoutée abaissée à 5,5 %8, exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, etc.) ;

Des prêts à taux préférentiels délivrés par la Caisse des Dépôts et des Consignations ou des établissements bancaires agréés, financés par les fonds de l’épargne règlementée (Livret A et livret de développement durable principalement). La nature du prêt et son montant dépend du caractère plus ou moins social des opérations (prêt locatif social ou PLS, prêt locatif à usage social ou PLUS, prêt locatif aidé d’intégration ou PLAI, prime à l’amélioration des logements à utilisation locative et à occupation sociale ou PALULOS, etc.). Par abus de langage, la nature du prêt octroyé désigne également l’opération elle-même ;

Des décotes sur la valeur vénale de terrains de l’État ou de certains établissements publics destinés à accueillir des opérations de construction de logements sociaux9.

1 Le mal-logement est une notion composite : sans-abrisme, hébergement en structure provisoire ou chez des

tiers, habitat de fortune, habitat insalubre ou dangereux, etc. Voir la grille ETHOS, typologie européenne de l’exclusion liée au logement, élaborée par la FEANTSA 2 Fondation Abbé Pierre, L’état du mal-logement en France, 2014

3 INSEE, l’hébergement des sans domicile en 2012, Insee Première n° 1455, juillet 2013

4 FNARS, Baromètre 115, Synthèse estivale, 1

er juillet au 31 août 2014

5 INSEE, Enquête logement, 2006

6 DHUP, Tableau de suivi en cohorte du relogement des ménages DALO, 2014

7 IGSJ/IGAS/IADD/IGA, Évaluation de la prévention des expulsions locatives, 2014

8 Loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2014, art. 29

9 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au

renforcement des obligations de production de logement social, art. 3

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S’ajoutent aux aides nationales d’autres soutiens :

La participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) ou 1 % logement, un impôt versé par les entreprises pour contribuer au financement du logement de leurs salariés ;

Des subventions des collectivités territoriales, notamment dans le cadre de leur obligation de construction de logement social10 ;

Les fonds propres des bailleurs sociaux.

3.2. Comment évoluent les contributions au financement du logement social ?

La répartition entre ces différentes aides s’est fortement modifiée au cours de la dernière décennie11 :

1999 2011

Subvention État 6 % 2 %

1 % Logement 5 % 3 %

Subventions collectivités 2 % 8 %

Prêts CDC 85 % 74 %

Fonds propres 2 % 14 %

Total 100 % 100 %

Si les différents financeurs du logement social restent identiques, la contribution apportée par chacun d’entre eux a évolué selon une double tendance :

Une diminution des aides nationales : les participations de l’État, d’Action logement et de la Caisse des dépôts et des consignations ont respectivement reculé de 4, 2 et 11 points en douze ans ;

Une augmentation substantielle de la participation des collectivités territoriales et des fonds propres des bailleurs sociaux, qui ont progressé de 6 et 12 points sur la même période. Ces contributeurs subventionnent respectivement 4 et 7 fois plus le logement social que ne le fait l’État par ses subventions.

La soutenabilité à long terme d’un tel plan de financement pose question au moment où la trajectoire de maîtrise des dépenses publiques adoptée par le gouvernement dans le cadre du programme de stabilité 2014-2017 prévoit la réalisation de 11 milliards d’euros d’économies par les collectivités territoriales. Elles ne pourront vraisemblablement pas concourir exponentiellement au financement du logement social dans un contexte de contrainte budgétaire accrue et de massification des situations de précarité. La sollicitation croissante des bailleurs sociaux s’est quant à elle manifestée encore récemment dans les mesures de l’Agenda HLM 2015-2018 annoncée par la ministre du logement lors du 75ème congrès de l’Union sociale pour l’habitat (USH) le 23 septembre 2014. Il prévoit notamment la production de 15 000 nouveaux logements locatifs très sociaux en trois ans grâce à la mutualisation de 900 millions d’euros de fonds propres entre bailleurs. Si ce nouveau compromis entre l’État et le mouvement HLM doit être salué, il ne saurait faire oublier que l’équilibre financier des opérations de logement très social ordinaires reste précaire et devrait être soutenu par un renforcement des subventions nationales.

10

Loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, art. 55 11

Plan de financement PLUS moyen, Union sociale pour l’habitat, Le financement du logement social : généralités, Fiche thématique du 15 janvier 2013

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3.3. Qu’entend-on par aides au logement ? Les aides au logement sont des prestations financières directement versées aux locataires ou aux propriétaires occupants pour les solvabiliser et favoriser leur accès et leur maintien au logement. Elles sont accordées sur conditions de ressources, dépendent de la nature du logement et de la composition familiale du ménage. Elles sont versées dans la limite d’un loyer plafond et intègrent un montant forfaitaire destiné à couvrir une partie des charges liées au logement. Elles sont au nombre de trois :

L’aide personnalisée au logement (APL), qui est versée aux occupants de logements conventionnés12. Elle est financée par le fonds national d’aide au logement (FNAL), abondé par l’État, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et les employeurs ;

L’allocation de logement à caractère social (ALS), qui est versée aux occupants de logement non conventionnés. Elle est également financée par le FNAL ;

L’allocation de logement à caractère familial (ALF), qui est versée aux occupants de logements non conventionnés ayant des personnes à charge. Elle est financée par le fonds national des prestations familiales (FNPF).

4. Quelles ont été les principales dépenses en faveur de la politique sociale de l’habitat en 2013, et que penser des prévisions pour 2015 ?

4.1. Comment évoluent les prêts de la Caisse des dépôts et consignations ? Le logement social et la politique de la ville représentent les destinations principales des sommes collectées dans le fonds d’épargne13 de la Caisse des dépôts et consignations (environ 80 %). En 2013, le fonds d’épargne a permis de financer 110 000 opérations nouvelles ainsi que 253 000 réhabilitations pour un montant global de 16,4 milliards d’euros. Cela représente une augmentation de 10 % par rapport aux 14,9 milliards d’euros de prêts accordés l’année antérieure. Malgré cette augmentation notable, le volume global des prêts accordés en faveur du logement en 2013 est à relativiser au regard des faibles performances réalisées en 2010 et 2011, pour lesquelles il atteignait respectivement 14,8 puis 14,9 milliards d’euros. En dépit des efforts de construction de logement social promis par le gouvernement dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale (PPP), le montant engagé en 2013 est en réalité sensiblement identique à celui de l’année 2010, pour laquelle il s’établissait à 16,1 milliards d’euros, soit seulement 300 millions d’euros de moins (-1,8 %).

12

Un logement est dit conventionné lorsque son propriétaire s’est engagé auprès de l’État à le louer en respectant certaines conditions sociales (ressources du locataire, niveau du loyer, etc.) en contrepartie d’avantages fiscaux ou d’aides aux travaux. 13

Les données de cette section sont extraites du Rapport annuel 2013 du fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations

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S’il est certain que l’augmentation de la production de logement social ne dépend pas uniquement de paramètres purement financiers, mais également de la disponibilité de foncier abordable, du coût des matériaux de construction, de l’environnement normatif et de la gouvernance locale des politiques de l’habitat, il apparaît aujourd’hui nécessaire d’accompagner l’effort de construction en renforçant les moyens qui lui sont dévolus par le biais du fond d’épargne. L’abaissement récent du taux d’intérêt du livret A, ramené de 1,25 % à 1 % au 1er août 2014, participe de cette logique. Il permet de préserver l’équilibre ténu entre la rémunération des épargnants qui pourraient se détourner de ce placement au profit d’autres produits plus rentables, et la nécessité de dégager des marges de manœuvre supplémentaires aux opérateurs du logement social. Il reste toutefois possible d’activer un autre levier : le relèvement du plafond du livret A. En janvier 2013, ce dernier a été porté à 22 950 € contre 19 125 € en 2014. Rappelons que l’engagement 22 du candidat François Hollande aux élections présidentielles prévoyait un doublement du plafond du livret A (soit 30 600 €) pour donner un coup d’accélérateur à la construction de logement social. Afin de respecter cette promesse d’ici la fin du quinquennat, il convient de poursuivre cette dynamique et de prévoir une nouvelle augmentation en 2015.

4.2. Comment évoluent les subventions de l’État ?14 En complément des prêts de la Caisse des dépôts et des consignations, l’État octroie chaque année aux bailleurs sociaux des subventions budgétaires au titre de l’action 1 « Construction locative et amélioration du parc » du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat ».

14

Les données de cette section sont issues du rapport annuel de performance de l’exercice 2013 (budget opérationnel de programme 135 : Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat) et du Bilan des logements aidés en 2013 publié par le ministère du logement annuellement depuis 2009 à partir des données de l’infocentre SISAL

13699 12657 12362

14089

2361

2104 2520

2268

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

16000

18000

2010 2011 2012 2013

Montant des prêts signés en faveur du logement social (en M€)

Refinancements bancaires(PLI, PLS, PSLA et Actionlogement)

Prêts directs: logementsocial, politique de la ville ethabitat spécifique

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4.2.1. Parc social ordinaire

4.2.1.1. La production de logements sociaux par catégorie de produit Conformément aux engagements pris par le Président de la République dans le cadre du PPP, le Pacte d’objectifs et de moyens signé entre l’État et l’USH le 8 juillet 2013 prévoyait la construction de 150 000 logements sociaux par an pendant 5 ans15. Les chiffres publiés par le ministère du logement révèlent que cette ambition n’a pas été atteinte en 2013, puisque seuls 117 065 nouveaux logements sociaux ont pu voir le jour, soit 78% de l’objectif initial. Le tableau ci-dessous met en évidence l’écart entre les prévisions et les réalisations par type de logement social en 2013 :

Produit PAP16 2013 RAP17 2013 Réalisation

PLS 48 000 32 543 67,8%

PLUS 69 000 54 788 79,4%

PLAI 33 000 29 734 90%

Total 150 000 117 065 78%

Si les logements locatifs très sociaux (PLAI) sont le produit pour lequel la réalisation se rapproche le plus de l’objectif (90%), notons toutefois que la programmation initiale était particulièrement basse au vu de la demande. Le rapport thématique préparatoire18 à la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale du 11 décembre 2012 préconisait ainsi une proportion de 40% de PLAI dans l’offre globale, soit 60 000 PLAI. La production de logements très sociaux rapportée aux besoins réels s’établit ainsi à 49,6%. Concernant l’exercice en cours, les projections sont encore plus pessimistes. La communication gouvernementale les impute régulièrement à l’alternance des équipes municipales suite aux élections du mois de mars 2014. S’il est vrai que certains élus ont fait explicitement campagne sur l’interruption de la construction de logement social, cela ne saurait justifier l’abandon de l’objectif initial. L’État doit au contraire redoubler de volontarisme pour faire valoir le droit au logement en tout point du territoire national, si besoin en bravant les égoïsmes locaux par l’activation de ses prérogatives légales19. Il est en ce sens regrettable que le discours prononcé par le Premier ministre en clôture du 75ème congrès de l’USH n’ait pas réaffirmé le cap des 150 000 logements sociaux par an. Cette ambition a été réitérée dans le projet annuel de performance 2014, mais a été finalement abandonnée en 2015 au profit d’un objectif abaissé à 135 000 logements20. Même si la réalisation de 117 065 nouvelles opérations en 2013 constitue un redressement remarquable de la construction par rapport à l’année antérieure (+14%), cet accomplissement s’avère cependant très relatif lorsqu’il est rapporté à la production des années précédentes :

15

Dont 120 000 à réaliser par le mouvement HLM et 30 000 par les sociétés d’économie mixte (SEM) 16

Projet annuel de performance, c’est-à-dire les prévisions financières précises ventilées par action 17

Rapport annuel de performance, c’est-à-dire les exécutions financières précises ventilées par action 18

REGNIER Alain et ROBERT Christophe, Pour un choc de solidarité en faveur des sans-abri et des mal-logés 19

Notamment le quintuplement des pénalités imposées aux communes en état de carence aux titre de l’article 55 de la loi SRU suite à la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social 20

Le projet annuel de performance pour 2015 isole à l’intérieur des 150 000 logements sociaux prévus 7 000 logements à réaliser dans les DROM et 8 000 au titre de la reconstitution de l’offre ANRU, soit 15 000 logements en moins. Ces programmations ne s’imputaient pas sur l’objectif général de production dans les documents budgétaires antérieurs.

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La production de logements sociaux ayant enregistré un affaissement important en 2012, la performance de l’année 2013 n’égale en réalité même pas celle de l’année 2010 (129 908).

4.2.1.2. Les crédits de paiement engagés en faveur du logement social L’explication des évolutions du nombre de logements sociaux produits réside en grande partie dans la fluctuation des subventions octroyées par l’État au secteur. Même si les communes et intercommunalités ont la main sur les outils de planification en matière d’habitat et d’urbanisme, les choix budgétaires nationaux ont un impact direct sur la soutenabilité des opérations engagées sur les territoires. L’on observe ainsi une corrélation entre les crédits de paiement versés chaque année au titre de l’action 1 « Construction locative et amélioration du parc » du programme 135 et le nombre d’opérations réalisées. Par ailleurs, l’on constate que les deux derniers projets de loi de finances ont sensiblement diminué les crédits de paiement21 affectés à la construction sociale :

21

Depuis la Loi organique relative aux lois de finances promulguée le 1er août 2001, les dépenses de l’État font l’objet d’une double approbation par le Législateur. Les autorisations d’engagement désignent le volume global maximal des crédits pouvant être affectés à une action, et peuvent s’étendre sur plusieurs exercices. Les crédits de paiement désignent les montants pouvant être effectivement ordonnancés au cours d’un exercice donné.

45692 41103 30599 32543

48000 35000

58981 51542

48720 54788

69000

66000

25235

23483

23409

29734

33000

34000

0

20000

40000

60000

80000

100000

120000

140000

160000

RAP 2010 RAP 2011 RAP 2012 RAP 2013 PAP 2014 PAP 2015

Évolution du nombre de logements sociaux financés ou programmés

PLAI

PLUS

PLS

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Ainsi, depuis deux exercices consécutifs, les crédits dévolus à l’action 1 du programme 135 en loi de finances initiale et en projet de loi de finances sont inférieurs aux crédits consommés en 2013 : ils ont diminué de -5,4% en 2014, et s’apprêtent à diminuer de -14,6% supplémentaires en 2014. Au final, il y a une différence de -19,2 % entre les dépenses ordonnancées en 2013 et celles prévues par l’actuel projet de loi de finances. Ces choix sont en contradiction manifeste avec la stratégie d’accès prioritaire au logement pour laquelle s’est engagé le gouvernement au côté des associations. Sabrer les aides à la pierre au nom de la maîtrise des dépenses publiques est une orientation délétère, irresponsable et contreproductive. À court terme, c’est condamner les personnes exclues du logement à continuer à errer dans les limbes de l’urgence sociale22 au lieu de leur proposer des solutions dignes et pérennes. À moyen terme, c’est se priver d’un formidable vecteur de redynamisation économique, puisque le secteur de la construction est un important pourvoyeur d’emplois non-délocalisables23. À long terme, c’est méconnaître deux lames de fond : la paupérisation24 des ménages et la pression démographique25 dont l’effet conjugué modifie structurellement le visage de la demande de logement.

22

Voir à ce sujet l’analyse de la FNARS des crédits dépensés en 2013 au titre du programme 177 et ses propositions pour le PLF 2015 23

Selon la Fédération des promoteurs immobiliers, chaque logement construit créerait au moins deux emplois 24

Selon l’INSEE, le taux de pauvreté monétaire en France (seuil à 60 % du revenu médian) s’établissait à 14,3 % (ou 8,73 millions de personnes) en 2011, soit une augmentation de 11,4 % depuis 2008. Le taux de grande pauvreté (seuil à 40 %) a quant à lui progressé de 61,2 % entre 2002 et 2011 pour atteindre 3,2 % de la population (ou 2,16 millions de personnes). 25

Selon les estimations du Commissariat général au développement durable, le nombre de ménages pourrait croître de 235 000 par an en moyenne d’ici 2030, générant une demande de 300 à 400 000 logements par an en moyenne. Cf. CGEDD, Observation et statistiques n°135, août 2012

485 506 463 731

425 946 442 529 463 000

413 000

604 325

510 700

330 908

489 587 462 929

395 400

-

100 000

200 000

300 000

400 000

500 000

600 000

700 000

RAP 2010 RAP 2011 RAP 2012 RAP 2013 PAP 2014 PAP 2015

Évolution des autorisations d'engagement et crédits de paiement de l'action 1 du P 135 (en k€)

AE

CP

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4.2.1.3. L’évolution des subventions par opération Le maintien d’un objectif de production important bien qu’insuffisant, couplé à la diminution globale des crédits de paiement, conduit à un saupoudrage des aides par opération sociale (PLUS) ou très sociale (PLAI). L’on observe ainsi une érosion alarmante des subventions budgétaires de l’État par logement au fil du temps. Ce désengagement progressif est paradoxal au moment où le gouvernement fait de l’accès à un logement digne et abordable pour tous une priorité de politique publique.

La subvention unitaire moyenne accordée aux opérations de logement social destinées aux ménages modestes est en chute libre depuis 2010 et enregistre une baisse de -84% en l’espace de seulement quatre ans (2010-2014). Le projet annuel de performance présenté dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2015 scelle l’extinction complète des aides, puisqu’il ne prévoit plus aucune subvention pour ce produit. Les documents budgétaires publiés à ce stade ne fournissent aucune explication de ce choix.

1884

1193

958 910

300

0

0

200

400

600

800

1000

1200

1400

1600

1800

2000

RAP 2010 RAP 2011 RAP 2012 RAP 2013 PAP 2014 PAP 2015

Évolution de la subvention unitaire par PLUS (en €)

11743 10705

10149

8148

7000 6500

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

14000

RAP 2010 RAP 2011 RAP 2012 RAP 2013 PAP 2014 PAP 2015

Évolution de la subvention unitaire par PLAI (en €)

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La subvention unitaire moyenne accordée aux opérations de logement social destinées aux ménages très modestes accuse quant à elle une baisse de -44,6% entre 2010 et 2015. Ces évolutions contraignent donc les opérateurs à compenser le manque à gagner en recourant à leurs fonds propres, au soutien des collectivités territoriales et aux prêts pour équilibrer leurs projets. Il est donc urgent que l’État renforce lui aussi son soutien à la production de logement social et très social en revalorisant substantiellement ses aides budgétaires. Un premier pas a été accompli avec le lancement en 2013 et en 2014 de deux appels à projets visant à produire une offre de logements locatifs très sociaux à bas niveau de quittance dans le secteur diffus, les « PLAI adaptés ». Ces opérations bénéficient d’une subvention PLAI classique mais aussi d’une subvention complémentaire issue FNDOLLTS26, en échange de quoi elles doivent respecter un niveau de loyer compatible avec les plafonds des aides au logement. La programmation envisagée est toutefois sans commune mesure avec les besoins (seulement 2 000 logements la première année et 3 000 la seconde). S’ajouteront à cette offre les 5 000 logements très sociaux annuels de l’Agenda HLM 2015-2018 financés par les fonds mutualisés des bailleurs sociaux. Au lieu de stratifier et de complexifier l’offre locative très sociale, il serait plus judicieux de procéder à une réévaluation générale des aides destinées aux opérations PLAI.

4.2.1.4. Le logement dit « intermédiaire » Si la stratégie gouvernementale de développement de l’offre locative sociale néglige les produits destinés aux ménages financièrement et socialement les plus éloignés du logement, elle table a contrario sur l’essor du logement intermédiaire27. Le motif invoqué est la nécessité de loger les classes moyennes, qui dans les zones très tendues se trouvent parfois exclues du secteur locatif libre en raison de la cherté des loyers. Mais le logement intermédiaire, s’adresse-t-il vraiment aux classes moyennes ? Rappelons ici quelques données :

En zone tendue, le plafond de ressources du logement intermédiaire pour une personne seule s’établit à 36 831 €28 ;

Le plafond de ressources du PLS, légèrement plus social, est lui de 29 925 €29 pour une personne seule en zone tendue ;

Le niveau de vie médian en France était de 17 500 € en 2011 pour une personne seule30 ; La même année, le niveau de vie moyen entre les 4ème et 5ème déciles était de 18 460 €, et il

était de 20 690 € entre les 5ème et 6ème déciles ; La même année, le niveau de vie moyen entre les 7ème et 8ème déciles était de 26 880 €,

entre les 8ème et 9ème déciles il était de 32 710 €, et il était de 58 700 € au-dessus du 9ème décile.

26

Fonds national pour le développement d’une offre de logements locatifs très sociaux créé par l’article 19 de la loi du 18 janvier 2013 et précisé par l’article 3 du décret d’application du 24 juillet 2013. Il collecte les majorations de pénalités versées par les communes en état de carence au titre de l’article 55 de la loi SRU. 27

Le 25 juin dernier, Sylvia Pinel a dévoilé des actions pour la relance pour la construction de logements. La troisième priorité de ce plan porte notamment sur la création d’une nouvelle offre de logements intermédiaires dans les zones très tendues. Cet objectif s’est partiellement concrétisé par la présentation le 16 juillet d’un projet de loi ratifiant l’ordonnance n° 2014-159 du 20 février 2014 relative au logement intermédiaire. Le 29 août le premier ministre et la ministre du logement ont ensuite annoncé un plan de relance de la construction dont la deuxième mesure du deuxième objectif prévoit la construction de 30 000 nouveaux logements intermédiaires dans les cinq prochaines années. 28

Cf. l’analyse juridique de l’ANIL au sujet du décret du 30 septembre 2014 relatif aux plafonds de loyer, de prix et de ressources applicables au logement intermédiaire 29

Cf. les plafonds de ressources du logement social sur service-public.fr 30

Cf. INSEE, Niveaux de vie médians selon le type de ménage en 2011

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Autrement dit, la population cible du logement intermédiaire se situe majoritairement entre les 7ème et 9ème déciles, tandis que les classes moyennes se situent entre les 4ème et 6ème déciles. Seul le dernier décile le plus riche de la population est exclu du logement intermédiaire. Cette analyse rapide31 suggère donc que les classes moyennes ne sont pas les cibles véritables du logement intermédiaire. Cela ne remet pas forcément en cause la pertinence intrinsèque du développement d’une telle offre, mais questionne tout du moins l’argumentaire politique mobilisé pour le légitimer.

4.2.1.5. Les données régionales L’approche macroscopique déployée plus haut doit être complétée par un examen régional tenant compte du niveau de tension relatif des marchés immobiliers. Le tableau ci-dessous présente les chiffres régionaux des logements sociaux financés au cours des exercices 2011, 2012 et 2013 et compare les évolutions entre 2011 et 2012, entre 2012 et 2013 et enfin entre 2011 et 2013. Un code couleur permet de visualiser cinq niveaux de tension différents32.

Région 2011 Δ 2011-2013

2012 Δ 2012-2013

2013 Δ 2011-2013

Ile-de-France 35 626 -27,8% 25 718 16,4% 29 945 -15,9%

Alsace 2 378 -10,8% 2 120 15,5% 2 449 3,0%

Aquitaine 5 992 -2,2% 5 861 14,7% 6 722 12,2%

Auvergne 964 -0,2% 962 62,8% 1 566 62,4%

Bourgogne 1 342 -0,4% 1 336 -16,5% 1 116 -16,8%

Bretagne 3 912 -4,6% 3 734 17,9% 4 404 12,6%

Centre 1 785 -3,3% 1 726 37,5% 2 373 32,9%

Champagne-Ardenne

1 316 3,9% 1 367 18,5% 1 620 23,1%

Franche-Comté

666 -32,6% 449 -7,3% 416 -37,5%

Languedoc-Roussillon

3 983 14,3% 4 553 16,8% 5 320 33,6%

Limousin 393 4,1% 409 52,8% 625 59,0%

Lorraine 1 627 6,5% 1 732 31,7% 2 281 40,2%

Midi-Pyrénées 4 816 -4,0% 4 624 42,4% 6 585 36,7%

Nord-Pas-de-Calais

5 595 4,7% 5 860 -1,2% 5 792 3,5%

Basse-Normandie

1 438 -10,6% 1 285 29,5% 1 664 15,7%

Haute-Normandie

2 519 -7,7% 2 326 19,0% 2 769 9,9%

Pays de la 4 395 14,6% 5 036 6,8% 5 377 22,3%

31

Qu’il faudrait affiner en intégrant différentes compositions familiales et les niveaux de vie moyens des mêmes déciles dans les zones tendues 32

La classification proposée est celle qu’utilise le ministère du logement dans son Bilan des logements aidés en 2013. Le groupe 1 (niveau de tension le plus fort) est constitué des régions Île-de-France et Provence-Alpes-Côte-D’azur ; le groupe 2 des régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon, Rhône-Alpes et Corse ; le groupe 3 des régions Alsace, Bretagne, Haute-Normandie, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire et Picardie ; le groupe 4 des régions Auvergne, Centre, Lorraine, Basse-Normandie et Poitou-Charentes ; et le groupe 5 des régions Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté et Limousin.

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Loire

Picardie 1 775 -2,6% 1 729 17,9% 2 038 14,8%

Poitou-Charentes

1 068 23,3% 1 317 53,5% 2 021 89,2%

Provence-Alpes-Côte d’Azur

6 457 -9,3% 5 856 37,5% 8 053 24,7%

Rhône-Alpes 10 051 11,4% 11 194 0,8% 11 278 12,2%

Corse 250 -8,0% 230 11,3% 256 2,4%

Si d’un point de vue global la majorité des régions ont connu une baisse du nombre de logements sociaux financés en 2012 puis une reprise en 2013, il subsiste de fortes disparités territoriales. L’on peut ainsi établir une typologie à cinq niveaux :

3 régions dans lesquelles le nombre de logements financés en 2013 est inférieur à celui de 2011 : Île-de-France (-15,9%), Franche-Comté (-37,5%) et Bourgogne (-16,8%) ;

3 régions dans lesquelles le nombre de logements sociaux financés en 2013 est à peu près stable par rapport à 2011: Corse (+2,4%), Alsace (+3%) et Nord-Pas-de-Calais (+3,4%) ;

6 régions dans lesquelles le nombre de logements sociaux financés en 2013 augmente de façon modérée par rapport à 2011 : Haute-Normandie (+9,9%), Rhône-Alpes (+12,2%), Aquitaine (+12,2%), Bretagne (+12,6%), Picardie (+14,8%), Basse-Normandie (+15,7%) ;

7 régions dans lesquelles le nombre de logements sociaux financés en 2013 augmente de façon importante par rapport à 2011 : Pays-de-la-Loire (+22,3%), Champagne-Ardenne (+23,1%), Provence-Alpes-Côte d’Azur (+24,7%), Centre (+32,9%), Languedoc-Roussillon (+33,6%), Midi-Pyrénées (+36,7%) et Lorraine (+40,2%);

3 régions dans lesquelles le nombre de logements sociaux financés en 2013 augmente de façon très importante par rapport à 2011 : Limousin (+59%), Auvergne (+62,4%) et Poitou-Charentes (+89,2%).

Si l’on croise ces catégories avec la tension relative des marchés immobiliers, l’on peut isoler les situations remarquables suivantes :

L’Île-de-France est dans une situation critique, puisqu’elle fait partie des territoires les plus tendus mais que le nombre de logements locatifs sociaux financés en 2013 y est inférieur de 15,9% à celui de 2011. La reprise entamée en 2013 (+16,4%) n’a en effet pas suffit à absorber l’année noire de 2012 (-27,8%). L’explication la plus plausible de cette situation est la raréfaction et le renchérissement du foncier. La proportion de PLAI financés en 2013 dans l’offre globale est de plus inférieure à la moyenne nationale : elle n’est que de 22,9% contre 25% dans toute la France. Rappelons ici que l’Île-de-France concentre à elle seule 76% des ménages prioritaires à reloger au titre du droit au logement opposable33, et qu’il est donc impératif d’y renforcer l’offre locative très sociale, que ce soit en densifiant la construction ou en recourant davantage à la mobilisation du parc privé conventionné.

Rhône-Alpes, Aquitaine, Pays-de-la-Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées sont des régions connaissant des niveaux de tension moyenne à très élevée mais qui ont su relever en 2013 le défi de la construction, en dépit des difficultés que connaît le secteur. Il faudra toutefois que ces régions maintiennent le cap pour absorber l’augmentation prévisible de la demande de logement social au cours des prochaines années.

33

41 375 ménages à reloger en Île-de-France sur 54 394 au niveau national, cf. DHUP, Suivi en cohorte du relogement des ménages prioritaires

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La région Nord-Pas-de-Calais enregistre une progression très faible du financement de l’offre locative sociale (+3,5% en deux ans). Ce rythme sera vraisemblablement insuffisant au regard de la tension territoriale et aussi des indicateurs socioéconomiques qui révèlent une précarisation de la population34.

Les régions Limousin, Auvergne et Poitou-Charentes connaissent une progression fulgurante du financement du logement locatif social. Celle-ci est évidemment à relativiser au regard de la faible dimension du parc initial, mais peut également traduire une volonté louable d’anticiper les besoins ultérieurs (regain d’attractivité démographique, pauvreté en milieu rural, etc.).

4.2.2. Parc privé à vocation sociale

La relance de la construction ne sera en tout état de cause pas suffisante pour répondre à l’ensemble des besoins, en particulier dans les zones les plus tendues où la rareté du foncier et la complexité de la gouvernance locale des politiques de l’habitat peut ralentir l’émergence de nouvelles opérations. Il est dès lors nécessaire que la collectivité publique active d’autres leviers pour augmenter l’offre locative abordable tout en veillant à la mixité sociale, en particulier par la mobilisation du parc privé existant grâce à l’intervention de l’Agence nationale pour l’amélioration de l’habitat (ANAH). Créée en 1971, l’établissement public œuvre pour la résorption de l’habitat indigne et dégradé, pour la lutte contre la précarité énergétique, pour le soutien aux copropriétés dégradées, pour l’adaptation des logements à la perte d’autonomie et enfin pour le développement d’un parc locatif à vocation sociale. Elle est essentiellement financée par les produits de la vente des quotas carbone excédentaires de la France, par le produit de la taxe sur les logements vacants et par les recettes issues de la certification énergétique. L’examen des données d’activité de l’ANAH35 au cours des exercices récents met en lumière deux évolutions préoccupantes : les aides ont été massivement recentrées sur les propriétaires occupants (PO) au détriment des propriétaires bailleurs (PB), et la part du conventionnement locatif très social dans l’offre globale diminue progressivement.

34

Cf. notamment INSEE, fiche de présentation de la région, 2010 : « Le taux de chômage régional demeure important : au deuxième trimestre 2009, Il atteint 12,8 %, soit 3,3 points de plus que la valeur nationale. Il touche particulièrement les jeunes : début 2008, un quart des chômeurs ont moins de 25 ans (19% en France métropolitaine). Près d’un tiers sont des demandeurs d’emploi de longue durée (30 % contre 24 %). La région est fortement concernée par les politiques sociales. Au 31 décembre 2007, 111 000 personnes sont allocataires du RMI, soit 11 % des allocataires métropolitains. En 2006, 10 % de la population vit dans une zone urbaine sensible (ZUS). » 35

Les données de cette section sont issues des trois derniers rapports d’activité de l’ANAH ou des projets annuels de performance lorsque ces derniers n’étaient pas disponibles : 2013, 2012, 2011, 2010 et 2009

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Le montant des aides destinées aux propriétaires bailleurs suit une trajectoire extraordinairement baissière depuis plusieurs années. Dans le projet de loi de finances pour 2015, ces aides sont inférieures de 80% aux dépenses exécutées en 2009 (seulement 73 millions d’euros contre près de 366 millions d’euros initialement). À l’inverse, les aides consacrées aux propriétaires occupants obéissent à une évolution globalement ascendante. En 2015, elles seront supérieures de 85,7% aux aides octroyées en 2009 (331 millions d’euros contre seulement 178,3 millions d’euros initialement). Le revirement de la stratégie d’allocation des aides de l’ANAH a eu lieu en 2011, date à laquelle le soutien aux propriétaires occupants a dépassé pour la première fois celle aux propriétaires bailleurs. Cette inversion s’est déroulée dans un contexte global de contraction des moyens financiers disponibles36, puisqu’entre 2009 et 2015 le total des aides dédiées aux propriétaires a reculé de 25,8% (544,2 millions initialement d’euros contre seulement 404 millions d’euros aujourd’hui). La réhabilitation du parc privé existant est un objectif déterminant d’un point de vue environnemental, économique et social. Mais la concentration excessive des efforts sur les propriétaires occupants inhibe la captation de nouveaux logements à vocation sociale alors que la construction de logements sociaux classiques est en berne. Il est dès lors indispensable de renforcer le volume global des aides et de rééquilibrer le soutien entre propriétaires occupants et propriétaires bailleurs. La diminution du volume global des subventions dédiées aux propriétaires bailleurs affecte mécaniquement le nombre de logements traités : au total, l’ANAH a successivement aidé 37 700 logements en 2009, 29 697 en 2010, 11 112 en 2011, 5986 en 2012 et enfin 4517 en 2013. Cela représente une impressionnante diminution de 88 % entre 2009 et 2013. Rappelons que le rapport thématique préparatoire à la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale préconisait le déploiement de 50 000 logements à vocation sociale par an pendant cinq ans.

36

Suite à la lettre de mission du Secrétaire d’État au logement et à l’urbanisme du 30 avril 2010, l’ANAH a entrepris au 1

er janvier 2011 une profonde réforme du régime de ses aides

178,3 146,4

120,3 132,3

245,4 249

331 365,9

290,8

171,1

98,1 102,8 130

73

544,2

437,2

291,4

230,4

348,2 379

404

0

100

200

300

400

500

600

RA 2009 RA 2010 RA 2011 RA 2012 RA 2013 PAP 2014 PAP 2015

Évolution du montant global des aides de l'ANAH en faveur des propriétaires (en M€)

PO

PB

Total

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Cette diminution est variable selon le type de produit observé. Comme dans le parc public, les loyers du parc privé à vocation sociale se répartissent en trois niveaux : loyer très social, loyer social et loyer intermédiaire. Plus les subventions dont il bénéficie sont importantes, plus le propriétaire bailleur s’engage à maîtriser son loyer pour loger des ménages défavorisés. Le produit qui accuse la baisse la plus drastique est le logement intermédiaire, dont le nombre recule de 96% entre 2009 et 2013 (20 200 logements initialement contre seulement 807 à l’arrivée). Il est suivi de près par le logement très social, dont le nombre décroît de 85,5% sur la même période (3 350 logements initialement contre 487 au final). Le logement social est le produit qui se maintient le mieux, avec tout de même une diminution de 77,2% (14 150 logements initialement pour 3 223 à l’arrivée). Le nouveau régime d’aides de l’ANAH sacrifie donc un gisement considérable de logements qui pourraient être proposés à la location de ménages modestes ou en difficulté. Afin de loger les ménages les plus défavorisés qui ne peuvent accéder au secteur locatif libre du fait de la faiblesse de leurs revenus, il faudrait renforcer dans l’offre globale la proportion de logements conventionnés proposant des loyers très sociaux. Or c’est précisément la tendance inverse que l’on observe depuis les trois dernières années :

3350 2845 1741 665 487

14150 11076

7174 4549 3223

20200

15776

2197 772 807 0

5000

10000

15000

20000

25000

RA 2009 RA 2010 RA 2011 RA 2012 RA 2013

Évolution du nombre de logements de PB aidés par l'ANAH par produit

LTS

LS

LI

15,7

64,6

19,8

Répartition des logements de PB aidés

par produit en 2011 (en %)

LTS

LS

LI

11,1

76

12,9

Répartition des logements de PB aidés

par produit en 2012 (en %)

LTS

LS

LI

10,8

71,4

17,9

Répartition des logements de PB aidés

par produit en 2013 (en %)

LTS

LS

LI

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Entre 2011 et 2013 la place occupée par l’offre locative très sociale dans les aides aux propriétaires bailleurs de l’ANAH a reculé de presque 5 points (passage de 15,7% à 10,8%). Nous avons donc établi que non seulement le nombre de logements conventionnés destinés aux ménages les plus défavorisés diminuait en valeur absolue, mais encore que son poids relatif s’affaiblissait dans l’offre globale. Ces phénomènes ne peuvent par ailleurs s’expliquer par un renforcement des subventions accordés aux propriétaires par logement. L’ANAH aurait en effet pu choisir de soutenir moins de propriétaires pratiquant des loyers très sociaux, mais d’augmenter le montant de ses aides. Cette hypothèse est démentie par les données d’activité :

Le seul produit qui bénéficie d’un effet de concentration des crédits est le logement conventionné à loyer intermédiaire. Si le nombre de logements soutenus dans cette catégorie a chuté de 96% en cinq ans, la subvention unitaire moyenne par logement a bénéficié d’un quintuplement sur la même période (passage de 2450 € à 12 268 €). L’aide unitaire moyenne au logement conventionné à loyer social a connu quant à elle une revalorisation de 22,2 %. Seule la subvention unitaire moyenne au logement conventionné très social a connu une diminution de 8,1% entre 2009 et 2011 (passage de 28 149 € à 25 973 €). Tout comme dans le parc social ordinaire, les choix budgétaires relatifs au développement de l’offre locative sociale dans le parc privé sont donc à rebours de l’évolution des besoins sociaux dans notre pays.

28149 29736

25268

21350

25873

14982

17892

15513 16225 18306

2450

7207 6477

12550 12268

0

5000

10000

15000

20000

25000

30000

35000

RA 2009 RA 2010 RA 2011 RA 2012 RA 2013

Évolution des subventions moyennes de l'ANAH par logement par produit (en €)

LTS

LS

LI

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4.3. Comment évoluent les aides au logement ?

4.3.1. Précarité et aides au logement : un lien de détermination réciproque Les aides au logement comptent parmi les prestations sociales les plus redistributives qui soient. En 2012, elles étaient versées à 6,144 millions de ménages pour un montant moyen de 233 euros par mois, représentant 49 % du loyer à acquitter. Pour plus d’un allocataire sur deux, les aides au logement allègent considérablement le taux d’effort en le faisant passer de 40,4 % des ressources disponibles à 19,2 %37. Leur ciblage social est de plus très prononcé, puisque 76% des ménages allocataires disposent de revenus inférieurs au SMIC38. Comme elles constituent un pilier essentiel de la politique sociale de l’habitat, Les évolutions budgétaires les concernant doivent par faire l’objet d’une attention particulière. Le financement des aides au logement constitue le principal poste de dépenses de la politique d’aide à l’accès au logement (programme 109. Les montants annuels39 versés au titre des trois prestations que sont l’APL, l’ALS et l’ALF sont en augmentation constante : ils représentaient une dépense de 15,7 milliards d’euros en 2009 et s’élèveront selon le projet de loi de finances à 18,1 milliards d’euros en 2015, soit une hausse de 2,4 milliards d’euros ou de 15,3% en l’espace de seulement sept ans. Cette tendance s’explique par la forte sensibilité de ces aides aux ressources de leurs bénéficiaires : plus elles décroissent, plus le montant de l’aide au logement augmente.

37

Cf. CNAF, L’e-ssentiel n° 144, mars 2014 38

Donnée issue du projet annuel de performance du programme 109 « aide à l’accès au logement » pour 2015 39

Les données présentées dans cette section s’appuient sur les rapports annuels de performance du programme 109 « aide à l’accès au logement » des années 2009 à 2013, sur les projets annuels de performance du même programme pour les exercices 2014 et 2015, ainsi que sur les rapports de la commission des comptes de la sécurité sociale des années 2009 à 2015

6,7 6,9 7,1 7,4 7,8 7,8 8,3

4,8 4,9 5 5,1 5,3 5,2

5,3

4,2 4,2 4,2 4,2 4,4 4,4

4,5

0

2

4

6

8

10

12

14

16

18

20

2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015

Évolution du montant global des aides au logement (en G€)

ALF

ALS

APL

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Parmi les trois aides au logement, l’APL est celle qui enregistre la progression la plus dynamique : les dépenses qui lui ont été consacrées en 2013 sont supérieures de 16,4% à celles de 2009, contre 10,4% pour l’ALS et enfin de 4,8% pour l’ALF. Le rapport annuel de performance du programme 109 de l’année 2013 établit une corrélation directe entre la précarisation des ménages induite par la situation économique du pays et l’augmentation des montants versés au titre de l’APL et de l’ALS : « La tendance à la hausse des dépenses à la charge du FNAL constatée depuis 2011 s’est accentuée en 2013. Cette augmentation de la dépense d’explique par les effets de la crise économique et de l’augmentation du chômage ».

4.3.2. Un modèle économique hésitant Les modalités de financement des aides au logement ont régulièrement évolué au cours des dernières années, traduisant l’incapacité de la puissance publique à les asseoir sur un modèle économique pérenne dans un contexte d’augmentation du nombre d’allocataires et des montants qui leur sont versés. Contribuent ou ont ainsi contribué à l’abondement du FNAL des crédits budgétaires de l’État, mais aussi le fonds national des prestations familiales, la participation des employeurs à l’effort de construction, diverses cotisations patronales, une part des droits sur le tabac, l’imposition des revenus du patrimoine et des produits de placement, etc.

Les changements récents les plus notables sont :

La participation exceptionnelle depuis 2013 d’Action logement via la PEEC au financement du FNAL, pour un montant de 400 millions puis de 300 millions d’euros, qui sera reconduite en 2015 ;

La suppression en 2015 de l’affectation d’une partie du produit de la taxation des revenus du patrimoine et des produits de placement au FNAL, intervenue pourtant en 2013 et 2014 pour des montantes de 619 puis 754 millions d’euros ;

2417 2464

4070

2655 2677 2757 2555

400 300 300

5496 5553 5535 5734

4876 5049

10968

3829 3896 4070 4220 4426 4444

148 153 162 165 619 754

0

2000

4000

6000

8000

10000

12000

RAP 2009 RAP 2010 RAP 2011 RAP 2012 RAP 2013 PAP 2014 PAP 2015

Évolution des ressources du FNAL (en M€)

CE

PEEC

Etat

FNPF

Autres

RPPP

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Et surtout le transfert à l’État en 2015 de la contribution au FNAL de la branche famille destiné au financement d’une partie des APL, qui occasionne un doublement des crédits budgétaires du programme 109 entre 2014 et 2015 (+4 751 M€ ou +117%).

Avant même statuer sur le fond de ces transformations, il va sans dire que des prestations aussi déterminantes que les aides au logement mériteraient un soutènement économique stable et non des ajustements successifs en fonction des contingences budgétaires.

4.3.3. Les impacts du programme de stabilité 2014-2017

Le programme de stabilité 2014-201740 voté le 29 avril dernier par le Parlement définit la trajectoire de redressement des comptes publics retenue par le gouvernement français le cadre de la surveillance multilatérale des politiques économiques de l’Union européenne. Il a notamment instauré un « pacte de responsabilité et de solidarité » consistant d’une part en des exonérations de cotisations sociales, un allègement de la fiscalité et une simplification normative en faveur des entreprises, et de l’autre en une réduction d’impôts et une revalorisation de certaines prestations sociales pour les ménages modestes. Son financement repose sur un plan d’économie de 50 milliards d’euros, tirés principalement de la poursuite de la modernisation de l’action publique (18 milliards d’euros), de la réforme territoriale (11 milliards d’euros) ainsi que d’une réduction des dépenses de la protection sociale (21 milliards d’euros). S’il ne s’agit pas ici de discuter la pertinence économique et sociale des mesures prévues par le pacte, il convient toutefois de décrire la façon dont elles affectent la politique sociale de l’habitat et plus particulièrement les aides au logement. Dans ses recommandations41 du 2 juin concernant le programme national de réforme de la France pour 2014 et portant avis sur le programme de stabilité 2014-2014, le Conseil européen invitait le gouvernement à « prendre des mesures pour réduire comme prévu l'augmentation des dépenses en matière de sécurité sociale à partir de 2015 de façon sensible, en fixant des objectifs plus ambitieux pour les dépenses annuelles de santé, en limitant le coût des retraites et en rationalisant les allocations familiales et les aides au logement ». Cette dernière suggestion fut mise à exécution dès le projet de loi de finances rectificative pour 2014 présenté à l’été par le ministre des finances et des comptes publics et le secrétaire d’État au budget. Son article 642 prévoyait en effet le report d’un an de la revalorisation de l’APL et de l’ALS en fonction de l’indice de référence des loyers. Le lobbying conjoint des associations et du monde HLM a finalement conduit à l’abandon43 de cette mesure. Le gouvernement n’a pas pour autant renoncé à faire des économies sur les aides au logement. L’évaluation préalable à l’article 6 rapportait d’ailleurs que l’option du gel a été préférée à celle d’une « une réforme plus profonde des modalités de calcul, notamment du barème des aides personnelles au logement » pouvant « également permettre de diminuer le coût de la dépense liée à ces dispositifs ». Ce second scénario a été écarté parce qu’impliquant des modifications tant législatives que réglementaires et « des délais d’élaboration qui sont incompatibles avec l’objectif de stabilisation du coût de ces prestations dès 2014 ». L’hypothèse d’une refonte globale des aides au logement à des fins de rationalisation budgétaire a donc été simplement reportée, non pas parce qu’elle serait injuste, mais pour de simples raisons techniques, notamment de calendrier.

40

Cf. Programme de stabilité 2014-2017 du 23 avril 2014 41

Cf. Conseil européen, Recommandation du conseil concernant le programme national de réforme de la France pour 2014 et portant avis du Conseil sur le programme de stabilité de la France pour 2014, p. 9 42

Cf. Projet de loi de finances rectificative pour 2014, p. 37 43

Cf. Loi n° 2014-891 du 8 août 2014 de finances rectificative pour 2014

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Avec le projet de loi de finances pour 2015, le gouvernement revient à la charge. En effet, le programme 109 « participe aux efforts partagés en matière d’économies, par la maîtrise de la progression des aides personnelles au logement et la réforme de leur financement44 ». Les prévisions budgétaires concernant ces aides intègrent certaines mesures de périmètre et mesures d’économie qu’il faut examiner attentivement.

4.3.3.1. Mesures de périmètre Les deux premières mesures de périmètre envisagées par le projet de loi de finances augmentent considérablement la contribution de l’État aux ressources du FNAL. Elles sont les conséquences directes des exonérations de cotisations sociales accordées aux entreprises dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité :

Le pacte engendrant un manque à gagner conséquent pour la branche famille, celle-ci se retire du financement du FNAL qui est alors abondé à hauteur par l’État (4,8 milliards d’euros) ;

Le pacte entraîne de plus une perte de recettes directe pour le FNAL, que l’État doit compenser à concurrence (300 millions d’euros).

Au final, ce sont donc 5,1 milliards d’euros de crédits budgétaires supplémentaires que l’État doit mobiliser au titre du programme 109. Pour réaliser cet objectif, le projet de loi de finances conçoit deux mesures d’économies impactant directement les bénéficiaires des aides au logement.

4.3.3.2. Mesures d’économie Les mesures d’économie imaginées par le gouvernement interviennent sur les conditions d’octroi et les modalités de calcul des aides au logement :

La première concerne les aides versées aux ménages ayant récemment acquis leur logement en accession sociale à la propriété. Elles ne leur seront désormais plus versées systématiquement, mais seulement s’ils connaissent une diminution brutale de leurs revenus correspondant à plus de 30% de ceux dont ils disposaient au moment de la conclusion de leur prêt. Pour accédants modestes, les aides au logement s’éloignent donc d’une logique assistancielle pour revêtir un caractère davantage assurantiel. Ce choix mettra en difficulté les classes moyennes inférieures et limitera la fluidité des parcours résidentiels. Il est d’autant plus paradoxal que l’accession sociale à la propriété est un des axes mis en valeur dans l’agenda HLM 2015-2018 ;

La seconde a trait aux paramètres exprimant les revenus des allocataires dans le calcul des aides au logement. Ceux-ci font l’objet d’un abattement forfaitaire qui sera désormais indexé sur l’inflation comme le SMIC et non plus sur le montant du RSA socle et de la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF).

Le projet de loi de finances ne procède à aucune estimation des montants qui pourront être dégagés grâce à ces mesures d’économies, il n’est donc pas possible d’évaluer précisément le préjudice qu’elles représenteront pour les allocataires. Mais ce démantèlement insidieux des aides au logement, dernier rempart des ménages modestes face à la crise du logement, est inacceptable à

44

Cf. PLF2015 - Extrait du bleu budgétaire de la mission : Égalité des territoires et logement, Programme 109 : Aide à l’accès au logement, p. 3

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l’heure où le gouvernement a déjà renoncé à mettre en œuvre la garantie universelle des loyers et l’encadrement des loyers prévus par la loi ALUR.

4.3.4. Pour une réforme en profondeur des aides au logement L’idée d’une réforme structurelle des aides au logement est une demande ancienne des associations, qui diffère toutefois fondamentalement de celle qui est évoquée par le gouvernement dans les documents budgétaires, tant du point de vue de sa finalité que de ses modalités de mise en œuvre. Elle ne doit en effet pas être ordonnée à un principe de maîtrise du déficit, mais à une ambition bien supérieure de lutte contre la pauvreté et de prévention du mal-logement. La réalisation d’un tel dessein occasionnerait mécaniquement une augmentation des dépenses publiques à court terme, mais constituerait à n’en pas douter un investissement social et économique pour l’avenir. Les ménages modestes ou défavorisés ne sauraient être tributaires de l’incapacité des gouvernements successifs à restaurer la croissance et à redynamiser le marché de l’emploi. Les aides au logement accusent un profond décrochage par rapport aux évolutions sociales actuelles. Tandis que les loyers moyens des allocataires ont progressé de 32,3% entre 1983 et 2012, les loyers plafonds pris en compte dans le calcul des aides n’ont été revalorisés que de 15,1%. De même, alors que les charges liées au logement ont bondi de 39% en dix ans, le forfait charges n’a été réévalué que de 10,9%. Il faut donc rehausser les loyers-plafonds des aides au logement tout en instaurant une régulation des loyers, et augmenter le forfait charge pour que les aides soient en rapport avec les dépenses réelles de logement. Les aides au logement présentent de plus de nombreux défauts administratifs. Elles sont versées à terme échu alors que la plupart des loyers sont exigibles à terme à échoir, créant ainsi un « mois de carence » qui fragilise les ménages dès la conclusion du contrat de location. Elles sont fongibles avec les autres prestations de la branche famille pour la récupération des indus, et grèvent donc la prévisibilité de budgets déjà serrés. Elles sont calculées sur la base des ressources perçues en année n-2, qui peuvent avoir énormément évolué au moment de la perception effective des aides. Gageons que le chantier de simplification lancé par le gouvernement s’attèlera également au dossier des aides au logement en permettant le versement des aides à terme à échoir, en mettant fin à la fongibilité entre prestations sociales et en actualisant les ressources prises comme référence, par exemple en instaurant une déclaration trimestrielle comme pour le revenu de solidarité active.

5. Synthèse : comment devrait-on affecter les ressources publiques pour soutenir la politique sociale de l’habitat en 2015 ?

Domaine Propositions Conditions de réussite

Logement social Prévoir le relèvement progressif du plafond du livret A pour qu’il atteigne 30 600 € d’ici la fin du quinquennat

Atteindre l’objectif de production de 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux

Programmer 40% d’opérations très sociales (PLAI) dans l’offre sociale globale, soit 60 000

Adoption d’une loi de programmation pluriannuelle de logements sociaux

Renforcement de la mobilisation du foncier public et poursuite des travaux de la Commission nationale de l’aménagement, de l’urbanisme et du foncier (CNAUF)

Réalisation des diagnostics territoriaux « à 360° » d’ici fin 2015

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logements en 2015 Revaloriser substantiellement

les subventions budgétaires octroyées aux opérations sociales (PLUS) et très sociales (PLAI) et revenant a minima aux montants exécutés en 2010 (respectivement 1 884 et 11 743 €)

Dans les zones tendues, introduction d’un quota minimal de 25% de logements à loyer accessible dans tout programme immobilier

Application effective des moyens de coercition existants (notamment majoration des pénalités applicables aux communes en état de carence et mobilisation par le préfet du transfert du droit de préemption)

Parc privé à vocation sociale

Renforcer considérablement le nombre de logements aidés par l’ANAH tous bénéficiaires confondus, en particulier dans les zones tendues

Rééquilibrer la distribution des aides de l’ANAH afin qu’elles profitent autant aux propriétaires occupants qu’aux propriétaires bailleurs

Prévoir 50 000 logements à vocation sociale par an, dont une part significative à loyer très social

Inscription systématique d’objectifs de captation du parc privé dans les documents de planification (programmes locaux de l’habitat et plans départementaux d’action pour le logement et l’hébergement des personnes défavorisées, vérification de l’atteinte des objectifs en comité régional de l’habitat et de l’hébergement)

Améliorer la communication sur les aides de l’ANAH auprès du grand public et faciliter l’octroi d’avances sur subventions pour rendre le conventionnement attractif et soutenable pour les propriétaires modestes

Ouverture de la garantie universelle des loyers aux organismes agréés pour l’intermédiation locative et la gestion locative sociale

Aides au logement

Supprimer les mesures d’économies prévues par le PLF (spécialisation des aides pour l’accession sociale à la propriété et modification des paramètres exprimant les revenus des allocataires

Réformer les aides au logement selon un impératif social et non budgétaire (revalorisation du forfait charge, des loyers plafonds et réforme administrative)

Asseoir les aides au logement sur un modèle économique pérenne

Encadrement des loyers