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Avis Le financement privé des services médicaux et hospitaliers

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AvisLe financement privédes services médicaux et hospitaliers

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L’avis a été adopté par le Conseil de la santé et du

bien-être à la séance spéciale du 18 décembre 2002

et transmis au ministre de la Santé et des Services

sociaux le 23 décembre 2002.

Le financement privédes services médicaux et hospitaliers

Avis

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Édition produite par :

Le Conseil de la santé et du bien-être880, chemin Sainte-Foy, RCQuébec (Québec) G1S 2L2

téléphone : (418) 643-3040

télécopieur : (418) 644-0654

courriel : [email protected]

Le présent document est disponible à la section Publications du site internet du Conseil de la santé et du bien-être :www.csbe.gouv.qc.ca

Graphisme :Francine Pilon communication

Dépôt légal Bibliothèque nationale du Québec, 2002Bibliothèque nationale du Canada, 2002ISBN: 2-550-40530-7

© Gouvernement du Québec

Pour la réalisation de cet avisle Conseil a confié le mandat à un comité composé des membres suivants :

François Béland, président du comitéAndré ArchambaultChristophe AugerMartine CoutureVicky TrépanierHélène MoraisStanley Vollant

Lionel Robert et Anne Marcouxont aussi participé aux travaux du comité.

Les employés du Conseil ayant assuréle soutien professionnel et technique sont :

Éric LaplanteMichel BernierNathalie BolducJulie LevasseurGerard DonnellyGinette LangloisCarole NoëlCéline VaillancourtLyne Vézina

Coordination et édition

Anne Marcoux

Cet avis a été préparé à partir du rapportde recherche rédigé par François Béland encollaboration avec Steven Lewis.

Le Conseil de la santé et du bien-être a été créé parune loi en mai 1992. Il a pour mission de contribuerà l’amélioration de la santé et du bien-être de lapopulation en fournissant des avis au ministre de laSanté et des Services sociaux, en informant le public,en favorisant des débats et en établissant despartenariats; ces activités portent sur les objectifs etsur les meilleurs moyens pour atteindre cette finalité.

Le Conseil se compose de 23 membres représentatifsdes usagers des services de santé et des servicessociaux, des organismes communautaires, despersonnes engagées dans l’intervention, la rechercheou l’administration du domaine de la santé et dudomaine social, et de secteurs d’activité dont lesstratégies d’intervention ont des conséquences sur lasanté et le bien-être de la population.

Toute reproduction totale ou partielle de ce documentest autorisée, à condition que la source soit mentionnée.

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Membres du Conseil de la santé et du bien-être

Mme Hélène MoraisPrésidente

M. André ArchambaultDirecteur généralAuberge communautaire du Sud-Ouest

M. Christophe AugerDirecteur des ressources humainesConfédération des syndicats nationaux

Mme Linda Beauchamp ProvencherDenturologistePrésidente du conseil d’administration desCLSC, CHSLD et CH de la MRC d’Asbestos

M. François BélandChercheur et professeur titulaireGRIS – Faculté de médecineUniversité de Montréal

M. Luc BoileauPrésident-directeur généralRégie régionale de la Montérégie

Mme Gylaine BoucherDirecteure généraleCLSC Jean-Olivier-Chénier

M. Jean-Yves BourqueSous-ministre adjointMinistère de l’Emploi et de la Solidarité sociale

M. Yvon CaouetteÉducateur à la retraite

M. Paul-André ComeauProfesseur invité – ÉNAP

Mme Martine CoutureDirectrice généraleCH. CHSLD. CLSC Cléophas Claveau

Mme Jocelyne DagenaisSous-ministre adjointeMinistère de la Santé et des Services sociaux

Mme Gisèle DubéCoordonnatrice à la pastorale diocésaineDiocèse de Gaspé

M. Jacques FisetDirecteur généralCLD Québec-Vanier

M. Michel HamelinSecrétaire adjointMinistère du Conseil exécutif

Mme Yolette LévyConseillère municipaleVille de Val-d’Or

Mme Louise-Andrée MoisanDirectrice des communicationsFédération québécoise des municipalités

Mme Marie Soleil RenaudPsychologueCentre hospitalier de Gaspé

Mme Marielle TremblayProfesseureUniversité du Québec à Chicoutimi

M. André ThibaultVice-présidentProfesseurUniversité du Québec à Trois-Rivières

Mme Vicky TrépanierMembre du Conseil d’administrationde Centraide Québec

M. Stanley VollantChef du service de chirurgie généraleCentre hospitalier régional de Baie-Comeau

M. Lionel RobertSecrétaire

Mme Anne MarcouxSecrétaire générale par intérim

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u Québec, comme dans l’ensemble du monde

occidental, les débats sur la santé sont au cœur des

enjeux sociaux. Parmi les problèmes soulevés, il y a les

séjours trop longs dans les salles d’urgence, les listes

d’attente pour des services spécialisés, ainsi que la

difficulté d’obtenir des services d’un médecin de famille

et des services à domicile. Les causes de ces

problèmes seraient le vieillissement de la population,

l’évolution des technologies et la difficulté pour les

sociétés de maintenir la viabilité du système public de

santé. Les ministres de la Santé et des Services sociaux

ont tous été confrontés à ces difficultés au cours des

dernières années. Les récents rapports de commissions

d’étude au Canada et au Québec traitent aussi de ces

questions.

Ces débats comportent leur part de solutions, certaines

ayant trait à l’organisation des services, et d’autres à

leur financement, parmi lesquelles l’ajout de ressources

et l’identification de nouvelles sources de financement.

Le Conseil de la santé et du bien-être est intervenu à

plusieurs reprises sur la question du financement du

système de santé, sur celle du financement privé et

sur le thème de la place du secteur privé dans la

dispensation des services. Si le Conseil a décidé

d’intervenir à nouveau sur la question du financement

privé, c’est qu’un changement important est survenu

dans le type de services visés par ce mode de

financement.

En effet, plusieurs suggèrent d’encourager le

financement privé pour les services reçus d’un médecin

ou d’un hôpital. Jusqu’ici, le financement privé s’est

surtout développé dans des catégories de services que

le secteur public ne couvre pas ou ne couvre que

A

La présidente,

Hélène Morais

partiellement, comme les services dentaires, les

services de soins à domicile, les médicaments. Un tel

changement doit, de l’avis du Conseil, être évalué de

manière précise par les décideurs, par ceux qui

donnent les services et par la population. Et même si

des ressources publiques additionnelles sont ajoutées

à court terme dans le système, le Conseil intervient

maintenant parce qu’il est convaincu que ce débat

dépasse l’actualité et les frontières québécoises.

Dans cet avis intitulé Le financement privé des services

médicaux et hospitaliers, le Conseil prend au pied de la

lettre les principales affirmations en faveur du

financement privé des services médicaux et hospitaliers

et les confronte aux connaissances actuelles. Le Conseil

veut ainsi dépasser le débat idéologique et analyser

les faits. Il veut introduire dans le débat et dans la prise

de décision une évaluation des bénéfices et des

conséquences connus de ce mode de financement

pour ce type de services.

Avant-propos

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Tout le monde, bien ou mal informé, directementconcerné ou non, a son idée sur la privatisation dufinancement des services médicaux et hospitaliers. Lesjournaux sont remplis de nouvelles et de commentairessur le sujet ; on parle de la question au bureau, à lamaison… Voici quelques idées qui circulent et quisemblent avoir pour elles l’avantage du gros bon sens :

• on devrait pouvoir débourser pour des soinsmédicaux si on a la possibilité et le désir de le faire ;

• le privé pourrait jouer un rôle d’appoint utile, sansmettre en péril les soins aux plus démunis ;

• le « ticket modérateur » pourrait limiter les abus quigrèvent le système.

Dans le présent avis, les affirmations de ce type sontexaminées une à une, à la lumière de l’expérience d’iciet d’ailleurs, et des résultats des recherches les plusrécentes.

Il y a d’abord des problèmes de définitions et dechiffres. Qu’entend-on par exemple par l’expression« financement privé des services médicaux ethospitaliers » ? Il s’agit de faire contribuer lesutilisateurs des services médicaux et hospitaliers aucoût de cette utilisation.

Lorsqu’on dit que « 30% des dépenses totales en santésont déjà financées par des sources privées », de quois’agit-il au juste ? En réalité, seulement 4% desdépenses liées aux services médicaux et hospitaliersétaient financées à partir de sources privées au Québecen 2001. La proportion de 30% s’applique au Canadaet englobe un ensemble de services ayant un rapportavec la santé (transport ambulancier, hébergement etsoins prolongés, soins à domicile, physiothérapie, testsdiagnostiques, etc.).

Une autre affirmation à laquelle il faut faireattentionest la suivante : le gouvernement a tellementde difficultés à financer les services médicaux ethospitaliers que des fonds privés doivent être ajoutés. Il est vrai que les dépenses en santé ont augmenté deprès de 40% entre 1991 et 2001. Toutefois, onobserve une diminution de la part du produit intérieurbrut (PIB) consacrée aux dépenses gouvernementalesen santé (de 7,2 % à 6,4% entre 1993 et 2001), ainsiqu’une diminution de la part du PIB consacrée auxservices médicaux et hospitaliers (de 5,2% à 4,3%pour la même période).

Un autre argument en circulation promet que l’offre de services médicaux et hospitaliers augmentera avecl’introduction du financement privé. À moins d’uneaugmentation de la main-d’œuvre médicale, lesexpériences britaniques et américaines montrent quel’addition d’argent sert essentiellement à offrir desrevenus supérieurs aux professionnels des services desanté. La preuve que le financement privé des servicesmédicaux et hospitaliers entraîne une augmentationgénérale de l’offre de services reste à faire.

Le financement privé des services médicaux ethospitaliers est aussi censé réduire les listes d’attentedans le secteur à financement public. Pourtant uneexpérience manitobaine récente a montré que le tempsd’attente pour la chirurgie de la cataracte était plus dudouble lorsque cette opération était effectuée par desmédecins rémunérés à la fois par des sources privées et publiques, par rapport à des médecins rémunéréspar des sources publiques uniquement.

Plusieurs espèrent également que le financement privépuisse réduire l’utilisation des services de santé jugésmoins nécessaires. Mais des études ont montré quel’effet du fameux « ticket modérateur» sur les abus estminime, et ce ticket a également pour effet de réduireindifféremment l’utilisation des services de santé, qu’ilssoient jugés nécessaires ou moins nécessaires.

Autre facette méconnue du financement privé : il augmente, souvent de façon importante, les coûtsadministratifs des services de santé. On sait, parexemple, que la gestion privée de la santé aux États-Unis est beaucoup plus coûteuse per capita que lagestion publique au Canada.

Le financement privé des services médicaux ethospitaliers entraîne une gestion et une comptabilitélourdes. Un financement privé substantiel nécessiteraitle développement d’un appareil législatif pour encadrerl’activité des assureurs privés. Ces derniers chercherontalors à obtenir des avantages fiscaux, qui entraînerontà leur tour de nouveaux manques à gagner pour l’État.

Le présent avis vise donc à nourrir le débat sur le bien-fondé d’un financement privé significatif des servicesmédicaux et hospitaliers.

Sommaire

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Introduction

Le financement privé des services médicaux et hospitaliers,continuité ou rupture?

Le financement privé des services médicaux et hospitaliers,gage d’une offre de services accrue?

Le financement privé des services médicaux et hospitaliers libère-t-il le secteur public?

Le « ticket modérateur» et les coûts reliés au financement privédes services médicaux et hospitaliers : le mythe et la réalité

Le financement privé des services médicaux et hospitaliersmenace-t-il l’intégrité du système public?

Le privé, le public, les riches et les pauvres

Recommandations

Conclusion

Annexe : Définitions

Table des matières

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Il faut d’abord savoir de quoi on parle lorsqu’on évoquele financement privé des services médicaux ethospitaliers. Le financement privé, c’est l’utilisateur quipaie lui-même pour les services qu’il reçoit, d’unemanière ou d’une autre : paiement direct – partiel outotal – du patient au dispensateur de services(médecin, établissement hospitalier) ; souscription à unrégime d’assurance privé ; « frais modérateurs »(paiement par le patient d’une franchise pour obtenirun service assuré par l’État, mais pas totalement payépar ce dernier) ; mesures fiscales de tout ordre.

Les formules mixtes de paiement des soins de santépeuvent prendre des formes extrêmement diverses. Par exemple, l’État pourrait accepter la déduction durevenu imposable du contribuable de la totalité de sesdépenses liées aux services médicaux et hospitaliers, ce qui équivaudrait à un financement privé indirect, aumoyen de la fiscalité. Autre exemple, qui supposeégalement un jeu fiscal : l’État paie tous les fraismédicaux et hospitaliers mais additionne cette fois aurevenu imposable du contribuable l’argent dépensé enson nom pour la prestation de ces soins. Il s’agit alorsd’un financement privé partiel déguisé.

Les financements privé et public peuvent coexister,comme en France où, malgré un régime universelpublic, nombreux sont ceux qui souscrivent à desrégimes d’assurance privés supplétifs. Dans ce cas,l’offre est publique et universelle, mais le financementdirect par les impôts des citoyens ne couvre pas latotalité des dépenses.

On le voit, les financements privé et public peuvent sechevaucher de façon extrêmement diversifiée.

Les États-Unis représentent un cas particulier dans lemonde occidental. En effet, c’est sans doute le pays oùle privé est proportionnellement le plus présent dans le domaine de la santé : individuellement ou parl’entremise de leur employeur, la majorité desAméricains souscrivent à un régime privé d’assurance.Dans ce pays, où la couverture sociale publique estminime, des programmes publics – certes partiels etsoumis à de nombreuses conditions, exceptions etlimites – existent pour les plus pauvres (Medicaid),pour les plus âgés (Medicare) et, dans certains États,pour les enfants.

Inversement, même dans les pays les plus développésen matière de couverture publique, il n’existe pas decouverture totale de tous les services de santé. AuQuébec, les gens paieront eux-mêmes certains services

non inclus dans la Loi canadienne sur la santé –chirurgies non « médicalement nécessaires » – ouencore, dans de rares cas, les plus nantis choisirontd’aller voir un médecin « désengagé », qui facturedirectement le patient.

Il est donc important de connaître l’effet de lapénétration, même partielle, du financement privé dans un système qui reste, pour l’essentiel, public. Car, au Québec, il importe de le souligner, les actesmédicaux et l’hospitalisation, définis par la loi comme«médicalement nécessaires », étaient payés à 96 % par le régime public en 2001.

Dans le présent avis, on s’intéressera aux servicesmédicaux et hospitaliers, considérés au sens de la Loicanadienne sur la santé. Cette loi fédérale régitl’assurance santé dont les régimes sont sous laresponsabilité des provinces et des territoires. Elleétablit les conditions d’octroi et de versementapplicables aux services de santé assurés et auxservices complémentaires de santé. Les services desanté assurés sont « les services hospitaliers, médicauxet de chirurgie dentaire médicalement nécessaires »,c’est-à-dire les services hospitaliers fournis dans unhôpital à des malades hospitalisés ou externes et lesservices médicaux fournis par un médecin. Les services«médicalement nécessaires » au sens de cette loi sontgénéralement déterminés par les médecins et par lesrégimes d’assurance santé des provinces et territoires.Les services complémentaires visés par cette loicomprennent les services de soins de longue durée enétablissement et la composante santé des soins àdomicile.

Les dépenses générées par les services médicaux ethospitaliers représentent 60% de l’ensemble desdépenses consacrées par le gouvernement du Québec à sa mission sociosanitaire et 67% de ses dépenses desanté.

Le financement privé des services médicaux ethospitaliers serait quelque chose d’inédit depuisl’introduction du régime d’assurance maladie auQuébec en 1971. En gardant en mémoire la grandediversité des régimes mixtes, que nous venonsd’évoquer, nous tenterons de nous fonder sur les étudesexistantes et sur les expériences concrètes ailleurs dansle monde pour analyser de façon systématique sixaffirmations habituellement avancées pour promouvoirl’introduction du financement privé des servicesmédicaux et hospitaliers.

Introduction

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Le système public de services de santé québécois amauvaise presse actuellement. Les crises des urgences,certaines difficultés d’accès à des services de médecinegénérale ou spécialisés (par exemple le traitement ducancer), donnent l’impression d’un système en criseglobale, et ce, malgré des enquêtes qui révèlent un tauxde satisfaction relativement élevé des personnes quireçoivent les services. Cette lecture accrédite l’idée quele financement privé ne pourrait que représenter uneamélioration en augmentant les investissementsglobaux en santé, tout en allégeant les crises. À partirde cette idée générale, on retrouve globalement sixaffirmations :

1) De toute façon, le financement privé est déjàprésent dans le domaine de la santé. Accroître sonrôle ne ferait que renforcer un état de fait existant.

2) Avec l’addition de fonds privés, le financement etl’offre globale de services médicaux ne pourraientque croître.

3) En permettant le financement privé, on crée de laplace dans le système public et on réduit les listesd’attente.

4) Le paiement même partiel des services médicaux(« ticket modérateur ») aura pour conséquence deréduire les abus et donc les coûts.

5) L’intégrité du service public n’est pas menacée parl’addition du financement privé.

6) L’introduction du financement privé n’aura aucuneffet social délétère pour les plus démunis quicontinueront d’utiliser le service public.

Pour ces six affirmations, l’avis fournit un examen desavantages présumés et des conséquences dufinancement privé des services médicaux ethospitaliers. Il passe en revue les principaux argumentsinvoqués en faveur de cette privatisation, tente d’établirsi les données disponibles les corroborent et souligneles conséquences éventuelles d’une privatisation. L’avisest complété par des recommandations adressées auministre de la Santé et des Services sociaux.

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Le financement privé des services médicaux et hospitaliers,continuité ou rupture?1

Cet argument est-il fondé?

Une analyse attentive des données disponiblescontredit cet argument de deux manières.

La croissance du financement privéne constitue pas une tendance lourde… D’une part, il serait imprudent d’affirmer, en prenantpour référence les dernières 25 années, que lacroissance du financement privé des services de santéconstitue une tendance lourde qui affecterainévitablement tous les services de santé, dont lesservices médicaux et hospitaliers. En fait, la proportiondu financement privé sur les dépenses totales de santén’a augmenté que de 3,4% entre 1975 et 2001. Cettecroissance, bien que réelle, demeure modeste. De plus,elle n’a pas été régulière : importante en proportion desdépenses totales de santé de 1980 à 1995, elle futmodeste et parfois même négative de 1995 à 2001.

Le financement privé s’est concentré danscertains types de services…D’autre part, le financement privé en santé s’estspécialisé depuis une dizaine d’années dans les servicesoù le financement public était moins présent. Denouveaux créneaux se sont développés, adaptés aupluralisme social. D’autres ont gagné en importance :thérapies alternatives, psychothérapies, biens de santéà usage personnel, médicaments en vente libre, etc. À titre d’exemple, les services de santé prodigués pard’autres professionnels que les médecins (dentistes,psychologues, optométristes, naturopathes,physiothérapeutes, etc.) étaient financés, en 2001, à 88% par des sources privées.

Les services non couverts par la Loi canadienne surla santé (autres professionnels, médicaments,immobilisations, soins à domicile, servicesambulanciers, lunettes, appareils auditifs, orthèses-prothèses) étaient financés par des sources privées àraison de 37,5% en 1975. Ce pourcentage était d’unpeu plus de 45% en 1998 et il se situait à 40% en2001.

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Dépenses privées Dépenses publiques Dépenses totales

Figure 1. Dépenses totales publiques et privées de santéen milions de dollars constants de 1997, Québec, 1975-2001

Source : Institut canadien d’information sur la santé, Tendances des dépenses nationales de santé,1975-2001, Ottawa, 2000: Tableaux B.1.4, B.2.4, B.3.4

Argument en faveur du financement privé

Près de 25% des dépenses québécoises de santé proviennent déjà de source privée. En fait, la participationdu secteur privé au financement des services de santé croît au Québec d’une manière constante depuis 25 ans, passant de 2,3 milliards de dollars en 1975 à 4,8 milliards en 2000 et, en proportion du total, de21,2% à 24,6%. Dans ce contexte, alors que le financement privé de services de santé est déjà une réalitéet, qui plus est, une réalité de plus en plus présente, il n’y a pas lieu de s’alarmer devant la perspective d’unfinancement privé des services médicaux et hospitaliers.

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La figure 2 témoigne également de la croissance dufinancement privé pour les médicaments et, de façonmoins importante, pour les dépenses totales de santé.Elle montre aussi une augmentation du financementpublic dans le secteur des services médicaux ethospitaliers. En effet, après une lente croissance de1975 à 1992, la part de l’investissement privé dans lesservices médicaux et hospitaliers est passé de 11% en1993 à un creux historique de 4% en 2001.

En somme, si la participation du secteur privé aufinancement de services de santé prend de l’ampleur auQuébec avec les années, cette participation n’augmenteque modestement et son investissement se concentrede plus en plus dans des services autres que médicauxet hospitaliers. En conséquence, l’appel pour un plusimportant financement privé des services médicaux ethospitaliers ne représente nullement une continuitéhistorique. Il s’inscrit, au contraire, dans une rupturepuisque ces services sont actuellement financés par dessources publiques.

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Hôpitaux/médecins Hors LCS Totaux

Figure 2. Pourcentage des dépenses privées sur les dépenses totalespour les hospitalisations et les médecins, les médicaments etles autres activités exclues de la Loi canadienne de la santé (LCS),Québec, 1975-2001

Médicaments

Source : Institut canadien d’information sur la santé, Tendances des dépenses nationales de santé,1975-2001, Ottawa, 2000: Tableaux D.1.5.1 et D.2.5.1

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Le financement privé des services médicaux et hospitaliers,gage d’une offre de services accrue?

Travailler dans le secteur privé leur a permis d’accroîtreleurs revenus. Cela n’a cependant pas eu pour effetd’augmenter l’offre totale de services. Par ailleurs,l’expérience américaine semble également démontrerque, pour des dépenses égales, moins de soins sontproduits dans le secteur privé que dans le systèmepublic.

À moins que l’État ne profite de l’occasion pour réduireson investissement en santé, l’introduction dufinancement privé a comme désavantage de provoquerun accroissement des dépenses totales de santé. Il enrésulte qu’une part plus considérable de la richessecollective est consacrée à ces services sans que soitaccrue l’offre de services.

La croissance des dépenses consacrées aux services médicaux et hospitaliers n’est pasla principale source de contraintes financièresde l’État québécois…C’est un fait indéniable que l’investissement publicquébécois consacré aux services de santé et auxservices sociaux a crû de façon importante en chiffresabsolus au cours des dix dernières années malgré unralentissement du rythme de croissance en 1997. Cesdépenses ont augmenté de 4,8 milliards $ et de 39 %entre 1991 et 2002. Les dépenses relatives auxservices de santé ont crû de 38 % et celles affectéesaux services médicaux et hospitaliers ont crû de 28 %pour la même période.

15

Cet argument est-il fondé?

Deux éléments doivent être considérés.

Une augmentation du financement des servicesmédicaux et hospitaliers ne produit pasnécessairement une augmentation de l’offre deces services…Augmenter les services médicaux et hospitaliers exiged’agir sur la main-d’œuvre qui offre ces services. On lesait, la main-d’œuvre est au cœur de cette production.Les dépenses qui lui sont rattachées expliquent 80%des coûts totaux des services de santé. Aussi,augmenter la production de services médicaux ethospitaliers implique d’augmenter le nombre deprofessionnels ou encore d’augmenter la productivitédes professionnels disponibles.

Ceci dit, il importe d’entrée de jeu de souligner quel’offre de main-d’œuvre, particulièrement de main-d’œuvre médicale, est inélastique à court terme.L’accroissement du nombre de professionnels de lasanté est soumis à des règles qui ont peu à voir avecles augmentations de rémunération. Cet accroissementrequiert du temps : contrôle des admissions en facultépar les gouvernements et par les universités, longuedurée de la formation, etc. L’augmentation dufinancement des services médicaux, que celui-ci soit desource privée ou publique, ne saurait se traduire àcourt terme par une augmentation de la main-d’œuvreprofessionnelle.

À défaut de permettre à court terme une hausse demain-d’œuvre, un financement privé accru peut-ilentraîner une augmentation de la productivité de lamain-d’œuvre actuellement disponible ? Rien ne permetde le croire. L’expérience britannique est à cet égardéloquente. Les médecins de la Grande-Bretagne quiexercent dans le secteur des services de santé àfinancement privé ont des revenus de trois à quatre foissupérieurs à ceux du secteur à financement public.

2Argument en faveur du financement privé

L’augmentation de services médicaux et hospitaliers requiert un investissementfinancier additionnel. Celui-ci, en raison des contraintes financières actuelles del’État québécois, ne saurait provenir que de source privée.

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Toutefois, on observe une diminution de la part duproduit intérieur brut (PIB) consacrée aux dépensesgouvernementales en santé (de 7,2% à 6,4% entre1993 et 2001) ainsi qu’une diminution de la part duPIB consacrée aux services médicaux et hospitaliers (de 5,2% à 4,3% pour la même période).

Un autre agrégat statistique, basé cette fois sur laproportion des recettes consacrées par l’État québécoisà la santé, confirme cette dernière tendance : en 1981,le gouvernement du Québec consacrait 22% de sesrecettes aux services médicaux et hospitaliers; en2000, il n’y consacrait plus que 18%.

En somme, les dépenses pour les services médicaux et hospitaliers ont vu leur importance relative diminuerdans le budget du gouvernement du Québec et dansl’économie québécoise. Ainsi, on ne peut attribuerprincipalement aux dépenses en services médicaux et hospitaliers les contraintes financières de l’Étatquébécois.

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8 %

6 %

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0 %

Médicales et hospitalières Gouvernementales Totales

Figure 3. Pourcentage du PIB en dépenses totales et en dépensesgouvernementales de santé et de services médicaux ethospitaliers, Québec, 1981- 2001

Source : Institut canadien d’information sur la santé, Tendances des dépenses nationales de santé,1975-2001, Ottawa, 2000: Tableaux D.1.5.1, D.4.5.1 et Annexe A.1.

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Le financement privé des services médicaux et hospitaliers libère-t-il le secteur public?

L’expérience de l’Australie et celle du Royaume-Uni ontégalement montré que la possibilité pour les citoyensde recourir à des services de santé à financement privéne réduisait pas la longueur des listes d’attente. AuRoyaume-Uni, les plus longues listes d’attente seretrouvent dans les régions anglaises qui comptent leplus grand nombre de souscripteurs à une assuranceprivée.

Cet argument est-il fondé?

Les promesses d’amélioration de l’accès aux servicesmédicaux et hospitaliers sucitées par le financementprivé supposent le maintien de la capacité deproduction des services financés par des fonds publics.En fait, il ne suffit pas de garantir que les médecins etles infirmières travaillent un certain nombre d’heuresdans les services à financement public, ni que lesplateaux techniques et autres équipements sanitairessoient réservés à ces services pendant certaines plageshoraires : il est nécessaire que la capacité de productiondu secteur à financement public après l’introduction dufinancement privé soit égale à ce qu’elle étaitauparavant.

Les expériences démontrent que ce n’est pas le cas, et ce pour deux raisons.

La coexistence du financement public et dufinancement privé augmente les listes d’attentedans le secteur public…

Les critiques formulées à l’égard du système public sontsouvent illustrées par les listes d’attente. On invoquel’exemple de l’offre et du financement privés de lachirurgie de la cataracte au Québec. Mais cette offre deservices est le fait de médecins qui n’interviennent quedans le secteur privé. Or, lorsque les médecins peuventpratiquer à la fois dans le secteur privé et dans lesecteur public, le temps d’attente augmenteconsidérablement.

Une étude menée au Manitoba sur la chirurgie de lacataracte montre que les temps d’attente des patientsutilisant le secteur public sont plus courts s’ils sontopérés par des médecins pratiquant uniquement dansle secteur public (de 7 à 14 semaines) que s’ils sontopérés par des médecins pratiquant aussi dans lesecteur privé (de 14 à 23 semaines). Cet exempleillustre que la pratique médicale simultanée dans lessecteurs public et privé n’est pas une alternative pourles personnes qui n’utilisent que les services àfinancement public.

3Argument en faveur du financement privé

L’introduction du financement privé aurait pour effet de « délester » le secteur publicet donc de lui permettre de mieux remplir son rôle auprès des personnes qui en ontvraiment besoin. Les places libérées par les usagers qui veulent et peuvent payer deleur poche les services qu’ils désirent deviendraient disponibles pour les autres quicontinuent d’utiliser les services à financement public. Ce faisant, les listes d’attentedisparaîtraient…

Figure 4. Temps d’attente pour les opérations de la cataracte : 1992-1997

Interventionssecteur privé –

Chirurgienssecteur privé

Interventionssecteur public –

Chirurgienssecteur public

Interventionssecteur public –

Chirurgienssecteurs public/privé

Tem

ps

méd

ian

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25

20

15

10

5

0

92/93 93/94 94/95 95/96 96/97

Source : MCHP (2000). Report summary, Waiting time for surgery in Manitoba, Université du Manitoba.

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Le financement privé augmente la demande deservices publics…

Les personnes qui paient pour des services offerts parle secteur privé ne devraient pas augmenter leurutilisation des services publics. Ce serait là unecondition pour que le système à financement publicmaintienne sa capacité de desservir la population. Maisles procédures médicales et hospitalières ne sont pasisolées les unes des autres. Par exemple, on peutpenser que le financement privé des services médicauxet hospitaliers permettrait au patient qui le désired’éviter le « rationnement » des services financéspubliquement. Mais même s’il décide de payer pourune intervention chirurgicale qu’il ne peut obtenir à saconvenance dans le secteur à financement public, il vanéanmoins recevoir du régime public les examens ettests qui précèdent l’opération ainsi que le suivi médicalet hospitalier requis en période post-opératoire. En cesens, le financement privé des services médicaux ethospitaliers est plutôt susceptible d’augmenter lademande de services publics.

Aux États-Unis, parmi les personnes âgées, les plusgrands utilisateurs du système public Medicare sontceux qui par ailleurs souscrivent à des régimes privés.Dans ces cas, le régime public d’assurance santésubventionne indirectement les services à financementprivé.

Entre 1980 et 1997, dans les pays de l’OCDE,l’accroissement du financement privé des services desanté a toujours entraîné une détérioration du secteurpublic. L’hypothèse d’une simple augmentation desservices de santé, qui n’aurait pas d’effet délétère pourle public, ne se vérifie donc pas. Loin de provoquer unharmonieux délestage du trop-plein du service public,l’introduction du privé a plutôt tendance à«cannibaliser » les services financés par des fondspublics.

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Le « ticket modérateur» et les coûts reliésau financement privé des services médicaux et hospitaliers : le mythe et la réalité

La coexistence du financement public et dufinancement privé augmente les coûts…

Le financement privé des services de santé est réputépermettre de gérer à meilleur coût. Pourtant, denombreux exemples dans le monde, dont ceux de laSuisse et des États-Unis, ont plutôt fait ressortir uneaugmentation des coûts totaux des services de santécomme conséquence de l’augmentation du financementprivé.

Le financement privé des services de santé entraîne unehausse des dépenses per capita. Dans l’éventualitéd’une privatisation, la proportion du budget personnelde chaque Québécoise et de chaque Québécoisconsacrée aux services de santé augmenterait. Ilfaudrait additionner aux dépenses pour les servicespublics (taxes et impôts) les dépenses pour les services à financement privé (frais directs, primes d’assurance,etc.).

Le financement privé des services de santé augmente lescoûts de la gestion des services. On a constaté une fortehausse des frais administratifs partout où le privé estprésent dans le domaine de la santé. Par exemple, ilfaudrait accroître de 10% les dépenses de santé totalesau Canada si le régime canadien avait, toutesproportions gardées, les mêmes coûts de gestion qu’auxÉtats-Unis. Le personnel d’administration des services desanté américains est pléthorique : on y emploie 85%plus de cadres administratifs qu’au Canada. Les coûts degestion des hôpitaux américains représentent 26% deleurs coûts totaux, et cette proportion est plus élevéedans les hôpitaux privés (34 %).

Loin des affirmations sur les avantages « intrinsèques » du privé, l’examen des faits révèle que l’administrationprivée des services de santé coûte en général plus cherque l’administration publique. Quant à l’imposition de « frais modérateurs » comme méthode pour rationaliserl’utilisation du système, elle ne peut avoir que desavantages très limités et n’est pas dépourvue d’effetspervers, puisqu’elle peut également dissuader unrecours raisonnable et nécessaire au système deservices.

Cet argument est-il fondé?

Deux constats s’imposent.

L’imposition du « ticket modérateur» engendredes effets indésirables…

Tout d’abord, quelle est la réalité des abus invoqués?Sont-ils vraiment attribuables aux utilisateurs? Et lepaiement direct de frais modérateurs a-t-il réellementpour effet de réduire ces abus ?

Il est très difficile de démontrer l’utilisation abusive desservices médicaux et hospitaliers. En supposant qu’ellese vérifie, il est tout aussi difficile d’identifier les fautifs.

Plutôt que de parler d’« abus », précisons qued’importantes variations dans la pratique de certainesprocédures chirurgicales ont été observées au Québec,au Canada et aux États-Unis sans que l’on puissetoujours les associer à l’état de santé des populations.Les pratiques médicales et chirurgicales varient selon leshabitudes, la formation et le jugement des praticiens.

Dans notre système qui repose largement sur un accèsdirect, en première ligne, aux omnipraticiens, seule lavisite spontanée chez ces derniers pourrait être marquéepar des abus d’utilisation. Les abus s’appliqueraientalors à une portion très réduite des coûts totaux desservices médicaux et hospitaliers.

De plus, l’effet dissuasif du « ticket modérateur » sembles’appliquer tout autant aux visites dites intempestivesqu’aux visites justifiées. Autrement dit, la perspective depayer 5$ ou 10$ pour une consultation peutdécourager un patient, et ce, même si la visite s’imposeobjectivement. En termes strictement utilitaires, l’effetpervers est ici de reporter, pour cause de « dissuasionmonétaire », des visites nécessaires à un stade ultérieurde la maladie lorsque cette dernière se sera aggravée etque les traitements coûteront plus cher.

Cet exemple infirme l’hypothèse selon laquellel’imposition de contraintes financières aux utilisateursentraînerait automatiquement une utilisation plusrationnelle des services médicaux et hospitaliers.Plusieurs études sur ce sujet ont montré que lepaiement direct réduisait l’utilisation des servicesmédicaux, qu’elle soit nécessaire ou non.

4Argument en faveur du financement privé

Le « ticket modérateur » est crédité de nombreuses vertus, notamment celle de découragerl’usage intempestif des urgences pour les problèmes mineurs. Exiger un paiement, mêmetrès partiel, pour les services médicaux et hospitaliers aurait la vertu d’amener lesutilisateurs potentiels à une utilisation rationnelle de ces services. Ainsi, la quantité desservices dispensés diminuerait, faisant chuter en conséquence les coûts qui y sont associés.De plus, le financement privé permettrait «d’en avoir plus pour son argent».

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Le financement privé des services médicaux et hospitaliersmenace-t-il l’intégrité du système public?

Examinons maintenant les deux exemplessusmentionnés où on a tenté d’introduire massivementle privé dans le financement des dépenses médicales ethospitalières.

En Grande-Bretagne, le financement de services privésparallèles s’est concentré sur l’offre, dans des hôpitauxprivés ou publics, d’une quantité plutôt restreinte deservices chirurgicaux payants. Dans ce pays, les mêmesmédecins peuvent travailler à la fois dans le secteur àfinancement privé et dans le secteur à financementpublic. Au cours des années 90, moins de 10% dufinancement des services de santé était privé. En 1998,environ 11,5% des Anglais souscrivaient à uneassurance privée. Malgré l’adoption d’incitationsfiscales – coûteuses pour l’État – à l’achat de régimesd’assurance privés par les citoyens, peu d’entre eux ontopté pour cette possibilité. On peut donc conclure quel’intrusion du privé dans le financement des servicesmédicaux et hospitaliers menace l’intégrité du systèmepublic en raison des incitations fiscales qui représententune véritable ponction dans la capacité d’action del’État. Cette menace est injustifiée dans la mesure oùelle n’a pas conduit les citoyens de la Grande-Bretagneà souscrire à une assurance privée.

L’Australie offre également un exemple intéressant. Cepays est une fédération d’États où, contrairement auCanada, la santé est une compétence partagée danslaquelle le fédéral joue un grand rôle. L’organisation etle financement des services de santé dans ce pays ontsubi depuis 20 ans d’importants soubresauts dus à deschangements politiques successifs. Les gouvernementstravaillistes et conservateurs lui ont imposé destransformations radicales en introduisant, réduisant,annulant et réintroduisant le financement privé sousdiverses formes. Depuis les années 50 et jusqu’en1974, les gouvernements australiens ont favorisé, pardes mesures fiscales et une lourde réglementation, lesrégimes privés d’assurance santé. En 1974, on aintroduit un régime public et universel… qui a étédémantelé l’année suivante.

Cet argument est-il fondé?

Le financement privé menacera l’intégrité du régimepublic si son introduction exige des modifications à cerégime, à ses principes d’organisation, à sa capacité deretenir une main-d’œuvre suffisante, dotéed’équipements adéquats. Ce commentaire est formulésur la base de leçons tirées d’expériences étrangères et aussi d’un examen des décisions complexes quiattendent le système public dans le cas d’une intrusionmassive du privé dans le financement des dépensesmédicales et hospitalières.

L’introduction ou le renforcement des régimesprivés d’assurance pour les services médicauxet hospitaliers s’accompagne de nombreuxproblèmes…

Le financement privé peut signifier un paiement directdu patient au dispensateur de services, mais il passe leplus souvent par les assurances privées, contractéessoit personnellement par les individus, soit parl’entremise de leur entreprise si elle est d’assez grandetaille.

Le recours au financement privé partiel, parl’introduction de régimes privés d’assurance, a donnélieu à diverses expériences dans le monde dont leQuébec peut tirer des enseignements. La Grande-Bretagne et l’Australie figurent parmi les pays qui ontfait l’expérience d’introduire le financement privé desservices médicaux et hospitaliers.

Notons d’entrée de jeu qu’une conclusion d’ensemble sedégage clairement. De deux choses l’une : soit lefinancement privé devient important, et alors le servicepublic en souffre, soit le financement privé resteminime, et le service public n’est touché que d’unefaçon marginale. Examinons d’abord le second cas. S’ilest minime, le financement privé ne peut procurer lesavantages présumés aux plus nantis et il s’avère, en cesens, inutile. Qui plus est, si l’intrusion du privé n’estpas suffisante aux yeux des compagnies d’assurances,celles-ci, parce qu’elles adoptent traditionnellement uneapproche très prudente, feront en sorte que la quantitéde services que le privé générera restera insignifiante.

5Argument en faveur du financement privé

Le financement privé des services médicaux et hospitaliers ne ferait subir aucun préjudiceau régime public d’assurance actuel. Il s’agit d’instaurer de façon limitée et partielle cefinancement privé, parallèlement au financement public, sans modifier le système public.

Ni les frais modérateurs ni les assurances privées ne sont réputés mettre en danger lerégime public d’assurance santé, dont on assure qu’il se maintiendra dans tous les cas.

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La proportion d’Australiens couverts par des régimesprivés d’assurance a varié énormément. Elle était àquelque 80% au début des années 70, elle est tombéeà 30% à la fin des années 90 et elle a, depuis, remontéun peu. Détail capital de l’expérience australienne : lesabattements fiscaux liés à la souscription à uneassurance privée ont été de 2,2 milliards en 1998-1999, tandis que les économies directes au budget del’État liées au transfert vers le privé ont été cette mêmeannée de 800 millions de dollars. Cela signifie unmanque à gagner pour l’État de 1,4 milliard de dollars,comme conséquence de la privatisation du financement.Il s’agit d’un exemple clair des effets pervers d’uneprivatisation, qui a pour résultat final un accroissementdes charges publiques.

Le financement privé entraînerait des décisionset des effets complexes menaçants pour lesystème public…

Les régimes de privatisation partielle des soins desanté se caractérisent par des relations complexes, tantsur le plan réglementaire que du financement, entre lessecteurs privé et public. Comme le montre l’exempleaustralien, une fiscalité compliquée, le plus souventcoûteuse pour l’État, doit être mise sur pied à la suitede l’introduction du financement privé. Par ailleurs,comme l’indique l’exemple américain, il en résulte desfrais administratifs énormes dans le secteur privé,notamment du fait des relations entre les diversprogrammes existants, qu’ils soient privés ou publics.Le nombre de décisions concrètes à prendre en casd’introduction significative du financement privé esténorme, la complexité des situations pouvant dépassertoutes les prédictions. Elles auront trait à l’une oul’autre des quatre catégories suivantes de questions :

1) Il faudrait décider si le financement privé dunouveau secteur de soins sera partiel (fraismodérateurs) ou total (comme cela existe déjà pourcertaines chirurgies électives).

2) Il faudrait identifier les services qui seront couvertspar le nouveau régime. Tous les services ? Unepartie d’entre eux ? Si l’objectif est d’accélérerl’accès aux soins, alors il n’y a pas de raison delimiter la privatisation du financement à une seulecatégorie de services, d’autant plus que les diverstypes de services sont souvent liés entre eux.Pourquoi autoriser la privatisation du financementd’un type de chirurgie si le suivi médical est sous lacoupe du public ?

3) Les services financés par le privé pourraient-ils êtredispensés dans les établissements publicsexistants ? Seraient-ils dispensés uniquement dansdes cliniques privées? Les deux possibilités peuventêtre envisagées. La seconde est la plus radicale etpeut mener, à terme, à l’établissement d’un réseaude services privé complet, séparé du réseau public.Quant à la première solution, la plus probable et laplus « raisonnable », elle engendreraitparadoxalement une réglementation complexe etnombre de détails à régler sur le plan notammentde la facturation. À quel prix les équipementspublics seraient-ils loués par les médecins dusecteur privé? Quel serait le statut fiscal des«profits » générés par ces locations ?

4) Enfin, sur quelle base rémunérer les professionnelsqui dispenseraient des services « privés » dans desétablissements publics?

Il faut bien voir la véritable boîte de Pandore quereprésenterait, sur les plans financier et administratif,l’introduction du financement privé des servicesmédicaux et de l’hospitalisation.

Plus les dépenses privées seront élevées, plus lesassureurs privés se manifesteront et plus l’État seraappelé à régir les activités des assureurs et à prévoirdes mesures fiscales pour soutenir leurs activités.

Il est difficile de tirer des conclusions générales du faitde la diversité des modalités du financement privé.Chacune des applications aura un effet complexe sur les programmes publics d’assurance dans le secteur de la santé, et les rapports qui s’établiront entre lefinancement privé et le financement public seront toutaussi complexes.

Un ensemble de règles et de procédures devrait êtredéveloppés au-delà de l’appareil législatif pour régir cesrapports. Ces règles et procédures modifieraient enprofondeur le fonctionnement de tout le secteur publicde services de santé.

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300 $

200 $

100 $

0 $

-100 $

-200 $

-300 $

- 400 $

Figure 5. Transfert net par décile de revenu dû au financement public des soinsEn millions

Dix classes de revenu, de faible (1 : moins de 15 600 $) à élevé (10 : plus de 86 2000 $)

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

Le privé, le public, les riches et les pauvres

Aux États-Unis, on a trouvé que les personnes âgées àfaible revenu consacrent jusqu’à 30% de leur budgettotal au financement privé des services de santé; lesplus favorisées dépensent moins de 10%.

Les ménages américains recourent massivement àl’assurance privée pour couvrir les services exclus durégime public ou pour s’assurer un accès plus rapideaux services. Ils affectent une part importante de leurrevenu aux paiements directs de services de santé. Ces dépenses privées sont extrêmement coûteusespour les ménages démunis, qui paient très peu d’impôtmais consacrent une part croissante de leur revenu aux dépenses de santé. Cela est particulièrementdramatique pour les démunis qui ont plus de 65 ans.

Cet argument est-il fondé?

Plus on est pauvre, plus on est malade. Plus on estriche, plus on est en santé. Plus une personne disposede ressources sociales, culturelles et économiques,meilleur est son état de santé. Il en découle que lespersonnes défavorisées ont des besoins en services desanté supérieurs à ceux des personnes mieux nanties.Les programmes québécois d’assurance dans ledomaine des services de santé sont essentiellementfinancés par le régime progressif d’imposition durevenu. La progressivité du régime d’imposition garantitque les plus riches consacrent une proportion plusélevée de leur revenu en impôt que les moins riches.Conséquemment, la contribution des plus riches aufinancement des services est proportionnellement plusimportante que la contribution des moins riches.Une étude réalisée au Manitoba a bien démontré l’effetde redistribution du revenu dans un régime public desanté. Après avoir divisé les ménages manitobains endix classes de revenu, cette étude a mis en relation,d’une part, la contribution fiscale aux services de santéattribuable aux ménages de ces dix classes de revenuset, d’autre part, les dépenses en services de santéattribuables aux ménages de ces mêmes dix classes derevenu. Les écarts entre les contributions fiscales pourles services de santé et les dépenses pour les servicesde santé pour les dix classes de revenu sont illustrés àla figure 5.

Pour les plus pauvres, l’écart est de + 170 millionspuisqu’ils paient 45 millions en impôt pour les servicesde santé et les utilisent pour 215 millions. Pour legroupe des plus riches, l’écart est de – 375 millionspuisqu’ils paient 475 millions et utilisent les servicespour 100 millions. Pour les autres classes de revenus,cette tendance est presque linéaire.

6Argument en faveur du financement privé

Le but visé par le financement privé des services médicaux et hospitaliers n’est pas de modifier laredistribution des revenus entre les citoyens, mais d’améliorer l’accès aux services de santé.

Les partisans de la mise sur pied d’un système de santé à financement privé au Québec n’en fontpas la promotion pour des raisons « sociales ». Leur but est de favoriser un meilleur accès auxservices, de rationaliser la gestion des soins, de raccourcir les files d’attente, etc. Et ils prétendentque l’introduction du privé n’aurait pas d’effets négatifs sur le budget des moins nantis.

Source : Mustard et al 1998; Evans 2002b.

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On voit bien, dans le cas manitobain, l’effet deredistribution du financement public des services desanté et, dans le cas américain, l’effet contraire d’unrégime d’assurance public très partiel.

Il est donc faux de prétendre que le financement privédes services de santé n’a pas d’effet de redistributionde revenu. Pour diminuer les effets de redistribution derevenu et de restriction à l’accès des primes, franchiseset autres dépenses privées sur les personnes à faiblerevenu, on a proposé de les en exempter. Cetteexclusion des plus démunis ne fait que reporter sur lespersonnes au seuil du faible revenu les effets perversdes déboursés personnels pour les services médicauxet hospitaliers. Cette solution ne règle en rien leproblème de la redistribution négative des revenusimposée par le financement privé des servicesmédicaux et hospitaliers.

En résumé, tout régime public et universel d’assurancesanté transfère des revenus de personnes favorisées àcelles qui le sont moins. Et inversement, toute mesurequi introduit un financement privé des services de santéaura pour effet de réduire ces transferts. Les plusdémunis auront toujours intérêt à bénéficier d’unecouverture publique et universelle complète, et les plusriches auront toujours intérêt à limiter cette couverture.

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Un financement privé des services médicaux ethospitaliers aurait pour effet de miner la solidaritésociale, de réduire l’accès aux services des personnesdéfavorisées et, d’une manière générale, decompromettre la santé de la population et desindividus. De plus, son introduction exigerait desmodifications majeures à la structure et aufonctionnement du système québécois de services desanté et de services sociaux: réorganisation despratiques médicales, rémunération différenciée entreprivé et public, patients devenus consommateurs-payeurs, etc. Cela, dans un contexte où les dépensesactuelles pour les services médicaux et hospitaliers, loind’exploser comme on le prétend parfois, ont diminué enproportion du PIB et des recettes gouvernementales aucours des dernières années.

En conséquence, le Conseil de la santé et du bien-êtreformule les quatre recommandations suivantes :

Recommandation 1

Empêcher le financement privé des services médicaux et hospitaliersLe Conseil de la santé et du bien-être recommande auministre de la Santé et des Services sociauxd’empêcher le financement privé des services médicauxet hospitaliers et de protéger l’intégrité du systèmesociosanitaire québécois.

Recommandation 2

Défendre le système québécois de services desanté et de services sociaux Le Conseil de la santé et du bien-être recommande au ministre de la Santé et des Services sociaux dedéfendre vigoureusement les avantages découlant dufinancement public des services de santé québécois. Il importe en effet que les avantages du financementpublic, notamment pour la solidarité sociale, pourl’équité, pour l’accessibilité des services et pour lecontrôle des coûts, soient connus si l’on veut assurer le succès et la pérennité de ce système.

Recommandation 3

Respecter l’engagement de l’État envers la populationLe Conseil de la santé et du bien-être recommande auministre de la Santé et des Services sociaux de fairerespecter l’engagement pris par l’État envers lapopulation à l’effet de maintenir l’accès à des servicesde santé universels et gratuits.

Recommandation 4

Travailler à l’amélioration du système de santéau financement résolument publicLe Conseil de la santé et du bien-être recommande auministre de la Santé et des Services sociaux d’apporterau système sociosanitaire québécois les correctifs quis’imposent de longue date et dont plusieurs seretrouvent dans le Plan de la santé et des servicessociaux qu’il a rendu public en novembre 2002 ainsique dans l’avis du conseil intitulé Un juste prix pour lesservices de santé (1995).

Les correctifs qui s’imposent revêtent trois formes. Lapremière consiste à donner des objectifs clairs etpartagés au système sociosanitaire québécois et à lerendre imputable de leur réalisation. La secondeprévoit d’améliorer l’accès aux services, notammentpar la consolidation de la première ligne et des servicesà domicile et par la poursuite d’une réflexion surl’étendue de la couverture publique d’assurance pourles médicaments et les services à domicile. La troisièmeimplique la mobilisation de celles et de ceux que lasanté et le bien-être de la population québécoiseconcernent – professionnels et personnel du système,citoyennes et citoyens, familles, communautés – etrequiert à cette fin une décentralisation accrue.

Le Conseil recommande au ministre d’instaurer unedynamique de gestion planifiée du changement et desoutien de l’innovation et de l’expérimentation pourrelever le véritable défi qu’affronte le systèmesociosanitaire québécois face au vieillissement, auprogrès technologique et à la transitionépidémiologique.

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Recommandations

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Le présent avis a pour objet le financement privé desservices médicaux et hospitaliers québécois. Ce choixse justifie par deux raisons. D’une part, la placeaccordée au financement privé des services médicauxet hospitaliers dans le débat public actuel est unphénomène nouveau qui explique que le Conseil yconsacre un avis en priorité. D’autre part, bien que les questions soulevées par la production ainsi quecelles posées par le financement privé de services desanté soient liées de plusieurs manières, leurimportance commande qu’elles soient traitéesséparément.

Un examen des expériences menées ailleurs et desconnaissances disponibles fait ressortir à quel point lefinancement privé des services médicaux et hospitalierss’avère un choix peu judicieux pour le Québec. Ou bienil est introduit modestement et sa contribution estnulle, ou bien il est introduit massivement et leschangements qu’il commande dans l’économie généraledu système de santé québécois en entravent la bonnemarche : l’accès à des services de qualité est réduitpour la majorité de la population ; la santé despersonnes vulnérables est davantage menacée ; lespersonnes économiquement défavorisées et lesmalades doivent consacrer une part plus importante de leurs dépenses aux services de santé tandis que lefardeau fiscal des plus riches sera diminué ; l’appareil de gestion des services de santé est alourdi ; etc.

Trois aspects de ce diagnostic retiennent l’attention.

D’une part, contrairement à l’opinion répandue, donnerà des individus nantis la possibilité de payerdirectement de leur poche les services médicaux ethospitaliers de leur choix n’aura pas pour effet desoulager un système public prétendument « engorgé ».Un ajout d’argent ne saurait augmenter à court termela main-d’œuvre disponible, pas plus qu’il n’a démontrésa capacité à accroître la productivité de celle-ci. Enrevanche, l’introduction du financement privé adémontré qu’il entraînerait vraisemblablement uneaugmentation des revenus des praticiens et des coûtstotaux de la santé.

D’autre part, malgré ce que certains en disent, lefinancement privé de services médicaux et hospitaliersn’a pas pour effet d’accroître l’accessibilité des servicesfinancés par des fonds publics et donc de réduire lesdélais d’attente pour ceux-ci. Au contraire, nonseulement l’introduction de services financés par desfonds privés au sein d’un système public allonge cesdélais, mais elle génère une demande additionnellepour des services de santé publics.

Finalement, l’imposition de frais modérateurs àl’utilisation de services couverts par un régime public apour effet de restreindre l’accès aux services médicauxet hospitaliers des personnes des classes de revenu lesplus faibles, de décourager l’utilisation de servicesmédicaux qu’elle soit nécessaire ou non et enfin de necontribuer en rien à la réduction des dépenses desanté.

Au terme de cet avis, le Conseil conclut que lefinancement privé des services médicaux et hospitalierss’avère, au mieux, inutile, au pire, nuisible. Que direcependant de la participation du secteur privé aufinancement d’autres services sociaux et de santéquébécois? Il est clair que plusieurs de ces services,non couverts par les dispositions de la Loi canadiennesur la santé font actuellement l’objet d’un doublefinancement, à la fois public et privé. Il est plus queprobable que la participation du secteur privé aufinancement de ces services génère des effets perverssemblables à ceux qui se dégagent de la participationdu secteur privé au financement des services médicauxet hospitaliers. Seule une analyse approfondiepermettrait de le confirmer. Ceci dit, une telleconfirmation ne ferait que supporter davantage leconsensus qui se dégage déjà de nombreux rapportsofficiels récents, consensus selon lequel un nouveauregard doit être porté sur le système sociosanitairequébécois et selon lequel le secteur public, par sonfinancement, peut et doit contribuer à ce renouveau.

Conclusion

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Les dépenses de santé privées,publiques et totales(Statistiques Canada, 2001)

Les dépenses publiques de santé : les dépenses des gouvernements des provinces et des territoires – en l’occurrence ici le gouvernement du Québec – pour les services de santé assurés et les servicescomplémentaires de santé en utilisant des fondstransférés par le gouvernement fédéral et les fonds des gouvernements provinciaux et territoriaux.

Les dépenses privées de santé : elles sont constituéesde trois types de décaissements, lesquels donnent uneidée de l’origine des fonds et de la source de données.Les deux premiers types sont les dépenses descompagnies d’assurance maladie et les dépensesdirectes des particuliers. Le troisième type dedécaissements est constitué par les éléments suivants :les recettes des établissements de soins de santéprovenant des services aux patients payés par lesassureurs privés ou par les patients eux-mêmes, telsque les frais additionnels pour des chambres privées etla coassurance pour des soins à long terme; les fraispour des services aux non-résidents du Canada ; lesfrais pour des services aux résidents non assurés ; lesfrais pour des services qui ne sont pas médicalementnécessaires ; les recettes provenant d’autres sourcesque les services aux patients, tels que les services dediététique, les revenus de placement, les donsphilanthropiques et les opérations connexes(stationnement et concessions) ; les dépenses enimmobilisations ; et les dépenses en recherches sur lasanté.

Les dépenses totales de santé : elles représententl’addition des dépenses publiques et des dépensesprivées.

Les secteurs d’activités des servicesde santé(Classification de l’Institut canadien d’information sur la santé, ICIS 2000)

Les hôpitaux : les dépenses publiques entrant danscette catégorie comprennent les dépenses engagéespar le gouvernement provincial, les dépenses directesdu gouvernement fédéral et les dépenses de laCommission de la santé et de la sécurité au travail,dépenses réalisées dans des hôpitaux publics, privés etfédéraux qui fournissent des soins actifs, des soins delongue durée et des services de réadaptation. Il peuts’agir d’hôpitaux de soins de courte durée, d’hôpitauxpsychiatriques, d’hôpitaux spécialisés (pédiatrie,cardiologie, neurologie,...), d’hôpitaux pourconvalescents, de centres de maternité, de centres pourcancéreux.

Les dépenses privées incluent les tarifs pour leschambres, les revenus de placement, les frais deservices fournis à des personnes non-assurées, les fondsprovenant d’activités de bienfaisance, les revenus destationnement et de concessions.

Les autres établissements : cette catégorie inclut tousles établissements agréés, subventionnés ou titulairesd’un permis du ministère de la Santé et des Servicessociaux et qui hébergent des personnes : centresd’hébergement et de soins de longue durée, pavillons,centres de réadaptation. Sont exclus, lesétablissements n’offrant que des services de garde, lescentres pour itinérants, les centres pour délinquants.

Les dépenses publiques comprennent les dépensesengagées par les gouvernements, comme pour leshôpitaux.

Les dépenses privées proviennent essentiellement descontributions directes des bénéficiaires (Rapport annueldes établissements de soins spéciaux, StatistiqueCanada).

Les médecins : cette catégorie inclut les servicesfournis par les médecins.

Les dépenses publiques incluent le paiement deservices cliniques, les salaires et autres formes derevenus contractuels, les honoraires payés par la CSST,les dépenses directes d’organismes fédéraux. Larémunération des médecins, employés par les hôpitauxet les directions de santé publique, n’entre pas danscette catégorie, tout comme d’ailleurs la rémunérationpour des activités administratives.

Annexe : Définitions

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Les dépenses privées sont tirées des rapports soumispar les assureurs privés mais, surtout, de l’Enquête surles dépenses des familles (Statistique Canada).

Les autres professionnels : cette catégorie inclut lesdentistes, les psychologues, les denturologistes, lesoptométristes, les podiatres, les ostéopathes, lesnaturopathes, les infirmières en service privé et lesphysiothérapeutes. Les dépenses pour les soins de lavue entrent dans cette catégorie ; dans le cas dusecteur privé, elles entrent plutôt dans la catégorieautres dépenses. Soulignons que les services desdentistes représentent environ 65% du total de cettecatégorie, selon les données pour le Québec obtenuesde l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS).

Les dépenses privées proviennent des rapports soumispar les assureurs privés et de l’Enquête sur lesdépenses des familles.

Les médicaments : cette catégorie inclut les dépensesengagées pour l’achat de médicaments sur ordonnanceou en vente libre et de produits de santé personnels(appareils, orthèses-prothèses, etc.). Sont exclues, lesdépenses relatives aux médicaments délivrés surordonnance dans les hôpitaux et les autresétablissements (reportés à ces catégories).

Les immobilisations : cette catégorie regroupe lesdépenses relatives à la construction et à l’achatd’équipements pour les hôpitaux, les cliniques, lesCHSLD et les centres de réadaptation.

Les autres dépenses : cette catégorie peut être diviséeen trois tiers au regard des dépenses totales : la santépublique; les services ambulanciers, les lunettes et lessoins des yeux; les services divers (soins à domicile,appareils auditifs, orthèses-prothèses, fraisd’administration préalables au paiement, recherche,divers). Les données du secteur privé sont tirées, pourl’essentiel, des rapports des assureurs et de l’Enquêtesur les dépenses des familles.

Définitions en vertu dela Loi canadienne sur la santé

Les services de santé assurés visés par cette loi sontles services hospitaliers, médicaux et de chirurgiedentaire médicalement nécessaires qui sont fournis aux personnes assurées.

Aux termes de la Loi canadienne sur la santé, lesservices hospitaliers assurés désignent les servicesmédicalement nécessaires fournis dans un hôpital à des malades hospitalisés ou externes, tels quel’hébergement régulier ou en salle commune, lesservices infirmiers, certains actes de diagnostic commeles tests sanguins et les radiographies, l’administrationdes médicaments fournis à l’hôpital aux patients, etl’utilisation des salles d’opération, des sallesd’accouchement et des installations d’anesthésie.

Au sens de la Loi, les services médicaux assurés sontles « services médicalement nécessaires fournis par unmédecin ». Les services médicalement nécessaires sontgénéralement déterminés conjointement par lesmédecins et par les régimes d’assurance santéprovinciaux et territoriaux.

Les services de chirurgie dentaire sont les servicesfournis par un dentiste dans un hôpital et qui nepeuvent être offerts convenablement que dans un telétablissement.

Les services complémentaires de santé visés par laLoi canadienne sur la santé comprennent les servicesde soins de longue durée en établissement (les soinsintermédiaires en maison de repos et les soins enétablissement pour adultes) et les composantes« santé » des soins à domicile et des soins ambulatoires.

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