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MAI MAIRES DE FRANCE • • MAIRES DE FRANCE MAI E n octobre 2015, le gouvernement de Manuel Valls dévoilait son plan pour la promotion du tourisme en France. Parmi les mesures annoncées, « un fonds de 400 millions d’euros pour le tourisme fluvial », l’État s’appuyant sur le fait que la France dispose d’un potentiel considérable. Avec ses 8 500 km navigables dont 6 700 exploités par Voies navi- gables de France (VNF), établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et solidaire, l’hexa- gone bénéficie du plus long réseau fluvial d’Europe. Plus de 11 millions de passagers par an dont plus de 50 % d’origine étrangère emprun- tent ces voies bucoliques, représentant, selon VNF, près de 500 millions de retombées écono- miques par an sur l’ensemble des territoires. Une clientèle aisée que les communes riveraines s’ar- rachent. « Le fluvial correspond à une aspiration crois- sante des clientèles européennes de voyager moins loin en redécouvrant les régions avec un point de vue nouveau sur le paysage », affirme Frédéric Millet, responsable de la division « tou- risme, territoires, services » au sein de VNF. Un « slow tourisme » en opposition au tourisme de masse avec des clients qui ne souhaitent pas nécessairement avoir une offre clef en main. Après une période faste, entre 2010 et 2015, et un tassement en 2016, l’activité s’est relancée en 2017 autour des deux filières clefs du tourisme fluvial : les croisières en péniche-hôtel et paque- bot-fluvial pour découvrir les spécificités d’un territoire, et les bateaux-promenade qui propo- sent une navigation de quelques heures. Mais tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne. Il y a les valeurs sûres, celles qui ont su se faire une place au soleil du tourisme fluvial : le Canal du Midi (entre Castelnaudary et Agde), les canaux de Bourgogne (en particulier le canal du Nivernais) ou bien encore le canal de la Marne au Rhin (Alsace). Et il y a les destinations fluviales encore sous-exploitées : le canal latéral à la Garonne, la Saône en amont de Lyon, le canal du Rhône à Sète, le canal de la Sarre, celui de la Lys… Mais des initiatives fleurissent ici ou là pour combler ce déficit de notoriété comme sur le canal du Rhône à Sète où, à l’initiative du dépar- tement du Gard, une mise en réseau de 9 ports de plaisance gardois vitalise le tourisme fluvial. En mobilisant des financements, cette opération permettra d’accroître la capacité d’accueil des plaisanciers (1 600 à terme). Un partenariat multiforme VNF et les collectivités ont pris pour habitude de formaliser des partenariats qui peuvent prendre différents aspects. VNF s’engage auprès des communes pour les accompagner dans le déve- loppement de leurs infrastructures, ports ou haltes fluviales. C’est le cas, par exemple, à Saint- Léger-sur-Dheune (Saône-et-Loire) où le maire, Daniel Leriche, a coutume de dire qu’ « ici, tout passe par le canal ». Une manière de signifier que la halte nautique qui accueille des bateaux de plaisance et des péniches fait vivre en partie la commune. 300 nouveaux habitants s’y sont nouvellement installés alors que s’affichait un déclin démographique dans les années 1990. Le pari fait autour du port s’est avéré très bénéfique dans ce village de 1 610 habitants. Pour passer encore un cap, la mairie a passé une convention avec VNF. Cette dernière s’engage dans la réno- vation de la halte nautique tandis que la com- mune améliorera la qualité des services et équipements : renouvellement des bornes d’approvisionnement, installation d’une borne de rechargement électrique, renouvellement des sanitaires publics. À Don (Nord, 1 354 habitants), la commune a sollicité VNF pour assurer sur le territoire de la commune l’entretien des abords terrestres du canal : campagne de fauchage et d’élagage, entre- Le fluvial entre enjeux touristiques et écologiques L’authenticité paie : le tourisme fluvial suscite un bel engouement auprès des vacanciers européens. Et de nombreux territoires en récoltent les fruits. tien des chemins, zone d’amarrage pour les bateaux, signalisation fluviale, installation de bornes de distribution d’eau et d’électricité… Les grandes métropoles font également appel à VNF pour soutenir leur projet d’infrastructures fluviales. C’est le cas du Grand Lyon qui a cofi- nancé en septembre 2017 un nouvel apponte- ment au pied du musée des Confluences à Lyon. C’est le troisième de ce type près du centre-ville de Lyon. Inscrit dans le plan Rhône 2015-2020, cet équipement permet l’amarrage simultané de deux paquebots et de bateaux promenade près de cet équipement culturel majeur de Lyon. Mais d’autres formes partenariales sont aussi mises en œuvre. À l’exemple de la convention d’occu- pation temporaire du domaine public fluvial passée entre VNF et la communauté d’agglomé- ration Châlons/Champagne (51) afin que l’EPCI puisse poser, contre redevance, un collecteur de rejet d’eaux traitées de la station d’épuration d’Aigny (Marne). Les rapports entre VNF, qui exploite et déve- loppe 4 000 ouvrages d’art (écluses, barrages, pont canaux…) et 40 000 ha de domaine public fluvial, et les communes évoluent aussi au gré des dispositifs législatifs. Il en va ainsi du décret du 10 mars 2017 pris en application de la loi de juillet 2014 portant sur la répartition des charges financières concernant les ouvrages d’art. La loi précise « que le principe de référence est la prise en charge par le gestionnaire de la nouvelle infra- structure de l’ensemble des charges relatives à la structure de l’ouvrage d’art ». Ce principe s’ap- plique pour les communes disposant de moins de 10 Mde potentiel fiscal. Jusqu’à cette date, VNF, tout comme RFF ou un gestionnaire d’auto- route, pouvait impo- ser l’entretien aux communes d’un nou- veau pont enjambant un canal et servant à rétablir une voie de communication. Le nouveau dispositif évitera quelques incongruités comme celle d’une petite commune du Calvados placée devant l’impossibilité de payer 61 000 euros, soit 66 % de ses dépenses d’équipement annuelles, que lui réclamait RFF pour la réfection d’un pont ! Le Canal du Midi face à un gigantesque défi Long de 240 km, le Canal du Midi, classé depuis 1996 par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité, est l’un des plus anciens canaux encore en fonctionnement en Europe. Mais il est menacé par le chancre coloré, maladie s’atta- quant aux platanes contre laquelle aucun traite- ment n’a pu être trouvé. Pour éviter la propaga- tion à l’ensemble des 42 000 platanes du canal du midi, la seule solution se situe dans l’abattage puis dans la replantation. Un projet gigantesque, estimé à 220 Met financé par VNF, l’État et les collectivités auxquelles se joignent des actions de mécénat auprès des entreprises. 19 000 pla- tanes, principalement sur la partie orientale du canal, à l’aval de Carcassonne, ont fait l’objet de coupes par VNF. Un tiers d’entre eux ont été rem- placés (chênes chevelus, peupliers blancs, mico- couliers, cyprès…) pour assurer l’avenir du patri- Grâce au regain d’intérêt pour ce mode d’itinérance douce, le secteur du tou- risme fluvial est de plus en plus porteur pour l’économie française. Le réseau regroupe les cinq principaux fleuves de l’hexagone (Seine, Loire, Garonne, Rhône et Rhin) par une série de canaux de jonction parfaitement praticables. 11 millions : le nombre de passagers empruntant les voies navigables 500 millions d’euros : les retom- bées annuelles estimées pour l’en- semble des territoires 18 000 kilomètres de voies d’eau dont 8 500 kilomètres de voies navigables 40 000 : les hectares du domaine public fluvial exploités par Voies navi- gables de France (VNF) 80 : les sites d’escales permettant l’accueil des bateaux de croisière. (Source : Voies navigables de France). Interco & territoires Enquête Quelques chiffres clés Que faire des maisons d’éclusiers souvent inha- bitées et susceptibles de se dégrader au fil du temps ? À Ouges (Côte d’Or, 1 341 habitants), situé sur le canal de Bourgogne, on a trouvé une solution originale. Un partenariat tripartite (mairie d’Ouges, VNF et CIMADE) a permis l’ins- tallation d’artistes de toutes nationalités dans une des trois maisons éclusières d’Ouges, et de faire émerger le projet Canal Art Project : créer des statues géantes en bois et les exposer sur les berges du canal. La commune d’Ouges a également mis gratuitement à disposition des artistes des parcelles communales afin d’y créer des jardins artistiques. Grâce à cette initiative, les touristes fluviaux, les randonneurs et les cyclistes font désormais une halte à Ouges… À Ouges, une maison éclusière se mue en lieu artistique © VNF Sud Ouest Touchées par la maladie du chancre coloré qui s’attaque aux platanes, les berges du canal du Midi font l’objet d’un projet de replantation. © Poiseau Philippe/stock.adobe.com

Le fluvial entre enjeux touristiques et écologiques

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Page 1: Le fluvial entre enjeux touristiques et écologiques

MAI 2018 MAIRES DE FRANCE • 3332 • MAIRES DE FRANCE MAI 2018

En octobre 2015, le gouvernement deManuel Valls dévoilait son plan pour lapromotion du tourisme en France. Parmiles mesures annoncées, « un fonds de

400 millions d’euros pour le tourisme fluvial »,l’État s’appuyant sur le fait que la France disposed’un potentiel considérable. Avec ses 8500 kmnavigables dont 6 700 exploités par Voies navi-gables de France (VNF), établissement publicadministratif placé sous la tutelle du ministèrede la Transition écologique et solidaire, l’hexa-gone bénéficie du plus long réseau fluviald’Europe. Plus de 11 millions de passagers par andont plus de 50 % d’origine étrangère emprun-tent ces voies bucoliques, représentant, selonVNF, près de 500 millions de retombées écono-miques par an sur l’ensemble des territoires. Uneclientèle aisée que les communes riveraines s’ar-rachent.

« Le fluvial correspond à une aspiration crois-sante des clientèles européennes de voyagermoins loin en redécouvrant les régions avec unpoint de vue nouveau sur le paysage », affirmeFrédéric Millet, responsable de la division « tou-risme, territoires, services » au sein de VNF. Un« slow tourisme » en opposition au tourisme demasse avec des clients qui ne souhaitent pasnécessairement avoir une offre clef en main.Après une période faste, entre 2010 et 2015, et untassement en 2016, l’activité s’est relancée en2017 autour des deux filières clefs du tourismefluvial : les croisières en péniche-hôtel et paque-bot-fluvial pour découvrir les spécificités d’unterritoire, et les bateaux-promenade qui propo-sent une navigation de quelques heures.

Mais tous les territoires ne sont pas logés à lamême enseigne. Il y a les valeurs sûres, celles quiont su se faire une place au soleil du tourismefluvial : le Canal du Midi (entre Castelnaudary etAgde), les canaux de Bourgogne (en particulier lecanal du Nivernais) ou bien encore le canal de laMarne au Rhin (Alsace). Et il y a les destinations

fluviales encore sous-exploitées : le canal latéralà la Garonne, la Saône en amont de Lyon, le canaldu Rhône à Sète, le canal de la Sarre, celui de la Lys…

Mais des initiatives fleurissent ici ou là pourcombler ce déficit de notoriété comme sur lecanal du Rhône à Sète où, à l’initiative du dépar-tement du Gard, une mise en réseau de 9 portsde plaisance gardois vitalise le tourisme fluvial.En mobilisant des financements, cette opérationpermettra d’accroître la capacité d’accueil desplaisanciers (1 600 à terme).

Un partenariat multiforme VNF et les collectivités ont pris pour habitude deformaliser des partenariats qui peuvent prendredifférents aspects. VNF s’engage auprès descommunes pour les accompagner dans le déve-loppement de leurs infrastructures, ports ouhaltes fluviales. C’est le cas, par exemple, à Saint-Léger-sur-Dheune (Saône-et-Loire) où le maire,Daniel Leriche, a coutume de dire qu’« ici, toutpasse par le canal ». Une manière de signifierque la halte nautique qui accueille des bateauxde plaisance et des péniches fait vivre en partiela commune. 300 nouveaux habitants s’y sontnouvellement installés alors que s’affichait undéclin démographique dans les années 1990. Lepari fait autour du port s’est avéré très bénéfiquedans ce village de 1 610 habitants. Pour passerencore un cap, la mairie a passé une conventionavec VNF. Cette dernière s’engage dans la réno-vation de la halte nautique tandis que la com-mune améliorera la qualité des services etéquipements : renouvellement des bornesd’approvisionnement, installation d’une bornede rechargement électrique, renouvellementdes sanitaires publics.

À Don (Nord, 1 354 habitants), la commune asollicité VNF pour assurer sur le territoire de lacommune l’entretien des abords terrestres ducanal : campagne de fauchage et d’élagage, entre-

Le fluvial entre enjeuxtouristiques et écologiques L’authenticité paie : le tourisme fluvial suscite un bel engouement auprès des vacanciers européens. Et de nombreux territoires en récoltent les fruits.

tien des chemins, zone d’amarrage pour lesbateaux, signalisation fluviale, installation debornes de distribution d’eau et d’électricité…

Les grandes métropoles font également appelà VNF pour soutenir leur projet d’infrastructuresfluviales. C’est le cas du Grand Lyon qui a cofi-nancé en septembre 2017 un nouvel apponte-ment au pied du musée des Confluences à Lyon.C’est le troisième de ce type près du centre-villede Lyon. Inscrit dans le plan Rhône 2015-2020, cetéquipement permet l’amarrage simultané dedeux paquebots et de bateaux promenade prèsde cet équipement culturel majeur de Lyon. Maisd’autres formes partenariales sont aussi misesen œuvre. À l’exemple de la convention d’occu-pation temporaire du domaine public fluvialpassée entre VNF et la communauté d’agglomé-ration Châlons/Champagne (51) afin que l’EPCI

puisse poser, contre redevance, un collecteur derejet d’eaux traitées de la station d’épurationd’Aigny (Marne).

Les rapports entre VNF, qui exploite et déve-loppe 4 000 ouvrages d’art (écluses, barrages,pont canaux…) et 40 000 ha de domaine publicfluvial, et les communes évoluent aussi au grédes dispositifs législatifs. Il en va ainsi du décretdu 10 mars 2017 pris en application de la loi dejuillet 2014 portant sur la répartition des chargesfinancières concernant les ouvrages d’art. La loiprécise « que le principe de référence est la priseen charge par le gestionnaire de la nouvelle infra-structure de l’ensemble des charges relatives à lastructure de l’ouvrage d’art ». Ce principe s’ap-plique pour les communes disposant de moinsde 10 M€ de potentiel fiscal. Jusqu’à cette date,VNF, tout comme RFF ou un gestionnaire d’auto-

route, pouvait impo-ser l’entretien auxcommunes d’un nou-veau pont enjambantun canal et servant àrétablir une voie de communication. Le nouveaudispositif évitera quelques incongruités commecelle d’une petite commune du Calvados placéedevant l’impossibilité de payer 61 000 euros, soit66 % de ses dépenses d’équipement annuelles,que lui réclamait RFF pour la réfection d’unpont !

Le Canal du Midi face à un gigantesque défi Long de 240 km, le Canal du Midi, classé depuis1996 par l’Unesco au patrimoine mondial del’humanité, est l’un des plus anciens canauxencore en fonctionnement en Europe. Mais il estmenacé par le chancre coloré, maladie s’atta-quant aux platanes contre laquelle aucun traite-ment n’a pu être trouvé. Pour éviter la propaga-tion à l’ensemble des 42000 platanes du canaldu midi, la seule solution se situe dans l’abattagepuis dans la replantation. Un projet gigantesque,estimé à 220 M€ et financé par VNF, l’État et lescollectivités auxquelles se joignent des actionsde mécénat auprès des entreprises. 19000 pla-tanes, principalement sur la partie orientale ducanal, à l’aval de Carcassonne, ont fait l’objet decoupes par VNF. Un tiers d’entre eux ont été rem-placés (chênes chevelus, peupliers blancs, mico-couliers, cyprès…) pour assurer l’avenir du patri-

Grâce au regain d’intérêt pour ce moded’itinérance douce, le secteur du tou-risme fluvial est de plus en plus porteurpour l’économie française. Le réseau regroupe les cinq principauxfleuves de l’hexagone (Seine, Loire,Garonne, Rhône et Rhin) par une sériede canaux de jonction parfaitement praticables.11 millions : le nombre de passagersempruntant les voies navigables500 millions d’euros : les retom-bées annuelles estimées pour l’en-semble des territoires18 000 kilomètres de voiesd’eau dont 8 500 kilomètres devoies navigables 40 000 : les hectares du domaine public fluvial exploités par Voies navi-gables de France (VNF)80 : les sites d’escales permettant l’accueil des bateaux de croisière.(Source : Voies navigables de France).

Interco&territoires Enquête

Quelques chiffres clés

Que faire des maisons d’éclusiers souvent inha-bitées et susceptibles de se dégrader au fil dutemps? À Ouges (Côte d’Or, 1 341 habitants),situé sur le canal de Bourgogne, on a trouvéune solution originale. Un partenariat tripartite(mairie d’Ouges, VNF et CIMADE) a permis l’ins-tallation d’artistes de toutes nationalités dansune des trois maisons éclusières d’Ouges, et de

faire émerger le projet Canal Art Project : créerdes statues géantes en bois et les exposer surles berges du canal. La commune d’Ouges a également mis gratuitement à disposition desartistes des parcelles communales afin d’y créerdes jardins artistiques. Grâce à cette initiative,les touristes fluviaux, les randonneurs et lescyclistes font désormais une halte à Ouges…

À Ouges, une maison éclusière se mue en lieu artistique

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moine arboré du Canal du Midi. En parallèle, unedizaine de km de berges, les plus dégradées, ontété restaurés avant replantation. À Narbonne, onprend l’affaire très au sérieux. « Nous avons attri-bué 10 000 euros de subventions en faveur desactions de mécénat, note Jean-Michel Alvarez,adjoint délégué aux espaces verts et au fonciernon bâti. Sur Narbonne, 457 platanes bordant lecanal du Midi sont en passe d’être abattus. Pournous, il est essentiel de préserver ce patrimoine enaidant à la replantation. »

La question environnementale se pose aussi end’autres termes. Le maillage des équipements nepermet pas d’assurer dans les meilleures condi-tions le service des eaux usées issues de la naviga-tion. Dans le Sud-Ouest, on a choisi de prendre leproblème à bras-le-corps. La région Occitanie, lesagences de l’eau Rhône-Méditerranée Corse etAdour-Garonne et VNF visent l’objectif « zérorejet émis par les bateaux de location d’ici 2019sur le Canal du Midi » qui sera ensuite étendu aucanal des deux-Mers (Sète à Bordeaux). La solu-tion ? La mise en place de stations de dépotage(déchargement des liquides usées).

À partir d’un schéma directeur, suite à uneétude sur la gestion des effluents du départementet de la CCI de l’Hérault sur le Canal du Midi, cinq

ports en seront équipés : Capestang, Colombiers,Béziers, Portiragnes et Agde. Sur cette dernièrecommune, le projet s’intègre dans une totaleréhabilitation de son port fluvial (présence de153 anneaux, construction d’une nouvelle capitai-nerie, aménagement des quais) à travers laquellela commune vise, à terme, une fréquence de100000 embarcations par an. Sur une zone de1000 m2 se trouvera notamment un dispositifde pompes à eaux grises et noires permettantaux plaisanciers de vidanger leurs eaux usées.

80 M€ de retombées par anPour Gilles d’Ettore, maire d’Agde et président dela communauté d’agglomération HéraultMéditerranée, « le Canal du Midi se jetant dansl’étang de Thau dont on connaît l’importante pro-duction conchylicole, cette station permettra decontribuer à réduire la pollution dans cettelagune économiquement si importante ».

À l’échelle de la région Bourgogne-Franche-Comté qui compte 13 voies navigables dont9 canaux, les retombées économiques du tou-risme fluvial sont estimées à 80 M€par an. L’unedes plus importantes de France. La Région et VNFont signé, le 18 septembre dernier, une conven-

tion cadre de cinq ans (2017-2020) pour lamodernisation et le développement touristiquedes voies navigables avec un apport annuel d’1 M€de la région Bourgogne-Franche-Comté.

L’offre thématique combinée canal + vélo yrencontre un beau succès comme dans toutes lesrégions qui la proposent. En Bourgogne,1 000 km de voies cyclables, anciens chemins dehalage, ont établi un lien naturel entre voie d’eauet cyclotourisme. Mais ces deux activités sontsouvent gérées séparément : « Nous avons crééune destination Rivages avec un site internetdédié qui regroupe les deux offres fluviales et ter-restres », explique Mylène Casado, chef de pro-duit à Bourgogne Tourisme. D’ailleurs pourBertrand Specq, directeur territorial Centre-Bourgogne de VNF, la source de développementse situe dans le « fluvestre » (combinaison dutourisme fluvial et terrestre). «Sur un tronçondonné, le nombre de randonneurs, cyclistes, pro-meneurs équestres est infiniment supérieur àcelui des bateaux. Et, par définition, ils consom-ment beaucoup plus sur place»,explique-t-il.

Si la Bourgogne tire bien son épingle du jeu,elle a encore des points à améliorer comme lerelève Bertrand Specq : « En certains endroits,l’hébergement (gîtes d’étapes, chambres d’hôtes…)et les commerces de proximité son déficitaires.Nous nous devons donc d’améliorer et de confor-ter les services offerts à proximité des voies navi-gables en épaulant des projets publics ou privés.L’information délivrée sur les voies d’eaux resteaussi largement perfectible. Pourquoi, parexemple, ne pas réfléchir à des antennes délocali-sées d’offices de tourisme ou de syndicats ?»

Perfectible, le Canal du Centre l’est encore. Ilfait partie de ces voies navigables qui ne tirentpas toute la quintessence de leur potentiel. Aprèsavoir joué un rôle clef dans le développement desactivités liées aux mines de la Région et à la céra-mique, le Canal du Centre se doit d’optimiser sesatouts naturels. Daniel Mazurek, maire deBlanzy (71) et vice-président chargé du tourismeà la communauté urbaine Creusot Montceau, enest bien conscient : « Pour faire du canal l’épinedorsale de notre développement touristique, nousallons engager des investissements conséquentsde l’ordre de 2,6 M€. Notre projet porte sur la réno-vation du port de Montceau-les-Mines (ponton,capitainerie, déambulation urbaine sur lesquais…) et de ses alentours, sur la mise en valeurde trois haltes nautiques et le passage, en parte-nariat avec le département de Saône-et-Loire, del’EuroVélo 6 le long du canal entre Montchanin etMontceau-les-Mines. »

Thierry GUERRAZ

Interco&territoires Enquête

Deuxième canal le plus fréquenté en France, leCanal du Nivernais reliant sur 174 km Auxerre(Yonne) à Decize (Nièvre) s’est mis résolument àl’ère du numérique. Le Syndicat mixte d’équipe-ment touristique et environnemental du canal,émanation du conseil départemental de laNièvre, décide en 2011 d’équiper le canal en

couverture réseau. Les touristes ont ainsi accèsà des spots wi-fi haut débit sur une quinzaine desites (ports, haltes nautiques…) et à 12 bornesmultimédias. Par ailleurs, l’application «Visitedu Canal du Nivernais», récompensée du prix collectivités locales par l’association Acsel, permet d’avoir accès à 2000 données.

Quand le numérique voyage au fil de l’eau

© SM

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