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DOCTORAT EN DROIT SPÉCIALITÉ : DROIT DE LA FAMILLE
Trung Kien THAI
LE LOGEMENT DE LA FAMILLE EN DROIT VIETNAMIEN : APPROCHE
CRITIQUE ET COMPARATIVE DE LA NOTION
Thèse présentée et soutenue publiquement le mardi 16 mars 2010 à 15h Université Jean Moulin Lyon III
Directeur de thèse :
Madame Sylvie FERRÉ-ANDRÉ Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III
Membres du jury :
Monsieur Philippe MALAURIE Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas Paris II Monsieur Pierre CATALA Professeur émérite à l’Université Panthéon-Assas Paris II Monsieur Ngoc Dien NGUYEN Vice-Doyen de la Faculté d’Économie et de Droit, Université Nationale de Ho Chi Minh – Ville Madame Sylvie FERRÉ-ANDRÉ Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III Monsieur Hugues FULCHIRON Professeur à l’Université Jean Moulin Lyon III Président de l’Université Jean Moulin Lyon III
L’Université n’entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans les thèses ; ces opinions
doivent être considérées comme propres à leurs auteurs.
ABRÉVIATIONS
ANRT Atelier national de reproduction des thèses
Cf. se reporter à
Civ. Chambre civile de la Cour de cassation
Coll. Collection
Dir. sous la direction de
Ed. Edition
Infra ci-dessous
JCP Juris-Classeur périodique (semaine
juridique), édition générale
N° Numéro
obs. Observations
op. cit. opere citato (dans l’ouvrage cité)
p. Page
PUF Presses universitaires de France
s. Suivants
Supra ci-dessus
T. Tome
SOMMAIRE
INTRODUCTION
Chapitre préliminaire : La présentation du droit de la famille vietnamien contemporain
PREMIÈRE PARTIE
LE LOGEMENT DE LA FAMILLE EN TEMPS ORDINAIRE DE L’U NION
TITRE I - LE COUPLE
Chapitre I : Le couple marié
Chapitre II : Le couple non marié
TITRE II - LES AUTRES RAPPORTS FAMILIAUX
Chapitre I : Les parents et leurs enfants
Chapitre II : Le foyer familial
SECONDE PARTIE
LE LOGEMENT DE LA FAMILLE LORS DES PERTURBATIONS DE L’UNION
TITRE I – LE CHANGEMENT INVOLONTAIRE : LE DÉCÈS
Chapitre I : Le décès de l’un des époux
Chapitre II : Le décès de l’un des membres du couple non marié
TITRE II – LE CHANGEMENT VOLONTAIRE : LA SÉPARATION
Chapitre I : Le divorce
Chapitre II : La séparation des membres du couple non marié
CONCLUSION GÉNÉRALE
1
INTRODUCTION
« La résidence est fixée, la carrière avance » (Adage vietnamien)
1. - Le logement et la famille sont deux entités vraiment populaires dans la société
humaine. Chaque individu a sa famille, et la famille nécessite un logement où ses membres
peuvent entretenir des liens affectifs naturels. Le logement de la famille semble donc une
notion simple pour tous : c’est le local d’habitation1 où habite quotidiennement une famille.
Pour connaître le logement de la famille, il faut clarifier ce que signifie « la famille ».
2. – Afin de découvrir la notion de la famille dans le système juridique vietnamien, il
convient d’en faire une comparaison avec celle du droit français. En France, la famille se
définit à deux niveaux. Au sens large, la famille s’entend de l’ensemble des personnes
descendant d’un auteur commun et rattachées entre elles par le mariage et la filiation ; au sens
étroit, la famille est un groupe formé par les parents et leurs descendants, ou même plus
restrictivement encore, par les parents et leurs enfants mineurs2.
3. – Pourtant, il est nécessaire de remarquer que le logement de la famille en droit
français ne correspond exactement à aucune de ces deux notions de la famille. Précisément,
dans la vie continue de la famille, les articles 215 et 1751 du Code civil français mentionnent
le logement de la famille uniquement dans le rapport entre époux. Lorsque l’un d’eux décède,
le droit au logement du conjoint survivant disposé aux articles 763 et suivants se trouve
également dans le rapport conjugal. Lors du divorce des époux, selon l’article 285-1, le
logement de la famille est toujours examiné entre ces deux personnes, les intérêts de leurs
enfants ne constituent qu’un élément pris en compte dans ce traitement. D’un point de vue
1 En droit vietnamien, il y a une définition légale des locaux d’habitation. L’article 1er, dernier paragraphe de la loi sur les locaux d’habitation dispose : « le local d’habitation conforme aux dispositions de la présente loi s’entend de la construction qui est destinée à l’habitation et qui sert les besoins des foyers familiaux, des individus ». 2 Lexique des termes juridiques, 16e éd., Dalloz 2007, p. 302. Une explication détaillée de ces deux niveaux de famille peut être trouvée dans J. CARBONNIER, Droit civil, T. 2, La famille, l’enfant, le couple, 21e éd. refondue, Coll. Thémis, PUF 2002, p. 10.
2
formel, en droit français, la notion du logement de la famille n’existe qu’au sein d’un couple
marié3.
En parallèle avec un nouveau concept sur le rôle du mariage dans la construction de la
famille contemporaine4, il y a, depuis quelques temps, une tendance de protection des intérêts
légitimes concernant le local d’habitation à titre de résidence principale des membres d’un
couple non marié5. Pourtant, ces nouvelles dispositions n’ont pas à être comparées avec le
statut du logement familial, qui s’achève après plusieurs réformes du droit civil et qui
s’attache strictement au mariage. Autrement dit, cette nouvelle tendance consiste à élargir
jusqu’au couple non marié certaines règles autrefois réservées au couple marié, mais toujours
avec les conditions de mise en application plus restrictives. Le local d’habitation concerné
dans ce cas n’est donc pas littéralement mentionné en qualité de logement familial.
En somme, dans le cadre du droit positif français, le logement de la famille et sa
protection concernent seulement les couples mariés. Il est vraisemblable que la notion du
logement de la famille en droit français est ainsi construite et consolidée dans une famille
nucléaire formée par un couple marié et leurs enfants : il y a, dans cette union, un rapport de
mariage et des rapports de filiation6. De toute façon, depuis toujours, c’est la famille la plus
fréquente en réalité, car dans sa vie quotidienne, d’une manière toute courante, un individu
peut se trouver au carrefour des rapports conjugaux et parentaux avec d’autres, qui sont son
conjoint, ses enfants, sous un toit commun. On dit que ces liens d’attachement forment une
famille et le local d’habitation que ces personnes occupent ensemble est baptisé « logement de
la famille » par la loi.
3 Il est dit que seul le mariage s’attache à défendre le patrimoine familial, dont le logement familial. Cf. J. LEPROVAUX, La protection du patrimoine familial, préface d’A. BATTEUR, Coll. Doctorat & Notariat, T. 34, lextenso éditions, Defrénois 2008, nos 36-38, p. 20-23. 4 En France, la notion de la famille elle-même est bien discutée ces dernières années. Pour une analyse pratique du développement des formes de couple, cf. W. BABY, La protection du concubin survivant, préface de M. NICOD, Defrénois lextenso éditions 2009, nos 1-8, p. 1-6. Certains auteurs arrivent à affirmer : « Le mariage a reculé en tant que pivot d’organisation de la société, et en conséquence la famille peut exister en tant qu’entité juridique, indépendamment du mariage, par la consécration de la famille hors mariage (réglementation législative et constructions prétoriennes de l’union libre, amélioration de la situation des enfants naturels ». Cf. F. DEBOVE, R. SALOMON, Th. JANVILLE, Droit de la famille, 4e éd., Coll. Dyna’sup droit, Vuibert 2008, n° 60, p. 44. Un tel nouveau concept de la famille apparaît également au Vietnam. Cf. infra, n° 6. 5Le cas du PACS, avec la loi n° 2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités. Cf. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, Mariage - Pacs Union libre, Éditions Francis Lefebvre 2008, nos 5615-5625, p.299-300. 6 Pour une analyse détaillée, cf. G. CREFF, Le logement familial en droit civil, thèse Rennes 1975, nos 2-3, p.2-6.
3
4. - Au Vietnam, la notion de la famille a été d’abord établie par la doctrine. Les
universitaires ont une vue relativement unifiée en la matière, qui donne à ce concept doctrinal
de la famille son caractère classique et traditionnel. Ainsi, « la famille en droit du mariage et
de la famille vietnamien est un lien entre plusieurs personnes, basé sur les relations de
mariage, de filiation, d’entretien ; ces personnes ont des droits et obligations mutuels,
s’entraident matériellement et moralement, construisent la famille et éduquent la jeune
génération avec le support de l’État et de la société7 ».
Avec des efforts d’une grande codification du droit de la famille, en 2000, le
législateur vietnamien a donné sa propre définition de la famille en tant qu’objet de la
réglementation des règles juridiques dans ce domaine. Cette définition légale contient, en fait,
de nombreux points communs avec les idées doctrinales précitées. Précisément, selon l’article
8, alinéa 10 de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne8, « la famille est un groupe des
personnes se liant par les relations de mariage, de filiation ou d’entretien qui font naître les
droits et obligations entre elles selon les dispositions de la présente loi »9. Ainsi, dans ce
concept légal qui apparaît à la première fois dans le système juridique, le législateur cherche à
décrire tous les rapports ayant un caractère familial, afin de conclure que les personnes qui
mènent de telles relations forment une famille. Globalement, cette notion vietnamienne est
proche du concept français traditionnel précité10.
5. - En France ainsi qu’au Vietnam, le rapport conjugal est, en réalité, le pilier
traditionnel de la famille. Naturellement, c’est l’union de l’homme et de la femme qui fait
naître des enfants ainsi que les relations de filiation et d’entretien entre tous les membres de
cette famille. De plus, dans le contexte où l’homme et la femme s’unissent de manière
7Khoa Luật, ðại học Quốc gia Hà Nội, Giáo trình Luật hôn nhân và gia ñình Việt Nam, Nhà xuất bản ðại học Quốc gia Hà Nội 1998 (Faculté de Droit, Université nationale de Hanoi, Manuel de Droit du mariage et de la famille vietnamien, Éditions de l’Université nationale de Hanoi 1998), p. 28. ðại học Luật Hà Nội, Giáo trình Luật hôn nhân và gia ñình, Nhà xuất bản Công an nhân dân 2002 (École supérieure de Droit de Hanoi, Manuel de Droit du mariage et de la famille, Éditions de la Police du peuple 2002), p. 18. 8 La loi n° 22/2000/QH10 du 09 juin 2000 sur le mariage et la famille, dont l’entrée en vigueur était au 1er janvier 2001. 9 Dans la présente étude, nous prenons les traductions en français de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne, du Code civil vietnamien qui ont été réalisées par la Maison du droit Vietnamo – Française. Ces traductions peuvent être entièrement consultées dans le site d’internet de la Maison du droit Vietnamo – Française aux adresses suivantes : - La loi sur le mariage et la famille : http://www.maisondudroit.org/vanban_fr/F_LOI_VN_2000_MARIAGE_ET_FA.HTM - Le Code civil : http://www.maisondudroit.org/CodeCivil_versionFr/F-Code%20civil%20vietnamien-23.02.06.pdf 10 Cf. supra, n° 2.
4
solennelle dans un mariage et construisent leur propre famille avec leurs enfants qui nés de
cette union, ce sont les époux qui détiennent la parole décisive dans tous les domaines de la
vie familiale. C’est peut-être la raison pour laquelle le législateur français a établi et consolidé
la notion du logement de la famille essentiellement et principalement dans le rapport entre
époux.
En droit vietnamien, il convient de remarquer que, depuis longtemps, il y a une
tendance, tacite mais bien stable, de distinguer la famille du statut légal des époux, même s’il
existe en même temps un lien strict entre la famille et le mariage dans les dispositions
légales11. Il est possible d’en trouver quelques raisons.
En premier lieu, depuis toujours, la famille n’est pas uniquement formée par le
mariage. Rappelons que même dans la définition légale de la famille, à côté du mariage, le
législateur cite également la filiation et l’entretien entre intéressés12.
En deuxième lieu, l’union de l’homme et de la femme, avec éventuellement les enfants
qui en sont issus, n’est pas toujours reconnue par la loi comme un mariage légitime. En effet,
pour la validité du mariage, il faut un enregistrement effectué par l’autorité compétente, ou au
moins des conditions suffisantes d’un « mariage de fait13 ». Lorsque le couple ne fait pas
enregistrer leur union dans la procédure d’enregistrement du mariage ou ne répondent pas
suffisamment aux conditions du mariage de fait, ils ne sont pas époux. Pourtant, personne ne
peut nier la famille que ces concubins établissent : il y a la naissance des enfants, l’exercice
des droits et obligations parentaux, un logement commun, la création et la dépense d’un fonds
commun, etc.14
11 Cf. infra, n° 62. 12 Par exemple, les familles monoparentales sont toujours courantes dans la société vietnamienne, dont celles des personnes veuves ainsi que celles des femmes célibataires qui vivent avec leurs enfants naturels. Cf. LE Thi, Hỏi ñáp về hôn nhân và gia ñình ở Việt Nam, Nhà xuất bản khoa học xã hội 2004 (Questions et réponses sur le mariage et la famille au Vietnam, Éditions des sciences sociales 2004), p. 126-127. 13 Le « mariage de fait » est une notion que le juge et puis le législateur vietnamiens ont construite et utilisée pour octroyer la qualité d’époux à un certain nombre de couples qui mènent une union libre sans enregistrement conforme aux dispositions légales. Ce n’est qu’une mesure temporaire applicable à la période passée où l’enregistrement du mariage n’est pas encore devenu une règle rigide. Depuis l’entrée en vigueur de la loi sur le mariage et la famille de 2000, le principe se durcit : pour être reconnus époux, le couple doit observer strictement l’enregistrement du mariage. Cf. infra, nos 82-86. 14 Dans la doctrine vietnamienne, on affirme que le concubinage, qui répond suffisamment aux conditions de fond de la formation du mariage, possède tous les éléments de base pour la fondation d’une famille, sauf enregistrement du mariage. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Bình luận khoa học Luật hôn nhân và gia ñình Việt Nam, Tập I - Gia ñình, Nhà xuất bản Trẻ thành phố Hồ Chí Minh 2002 (Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. I - La famille, Éditions de la Jeunesse de Ho Chi Minh - Ville 2002), n° 93, p.97-98.
5
6. - Pour ces raisons, au Vietnam, à côté de l’insistance sur le rôle du mariage dans les
rapports familiaux15, le droit ne néglige pas les familles qui ne sont pas formées sur la base
d’un mariage. À travers déjà trois lois successives sur le mariage et la famille16, depuis la loi
de 1959 en passant par la loi de 1986 jusqu’à la loi de 2000, le législateur développe de plus
en plus des rapports familiaux au sens juridique : en commençant en 1959 par les règles
brèves sur les rapports entre époux et entre parents et enfants, sont abordées à l’heure actuelle
non seulement ces deux catégories de relation de base, mais aussi celles entre frères et sœurs,
entre grands-parents et petits-enfants, etc. ; il y a encore des règles régissant les questions
familiales au sein de l’union libre. L’augmentation des rapports familiaux insérés dans la loi
sur le mariage et la famille en vigueur reflète une notion légale de la famille plus étendue
qu’autrefois, donc toute réaliste, vu le contexte actuel de la société17. En effet, que la loi
s’intéresse à elle ou non, la famille existe toujours comme le groupe le plus courant de
l’humanité, avec toutes ses variétés ; elle bénéficie, en outre, d’une reconnaissance sociale. Il
vaut mieux donc que la loi la reconnaisse, et ensuite, la régisse. Tout récemment, on trouve
encore une démonstration de la notion souple de la famille en droit vietnamien : suite aux
débats parlementaires bien animés, en 2007, la loi sur la prévention et la lutte contre les
violences familiales18 étend enfin son champ d’application aux membres de l’union libre.
Ceux-ci sont protégés par cette loi portant sur la famille car il existe entre eux, tout
évidemment, des rapports familiaux.
En examinant tous ces aspects, il est raisonnable de conclure que le législateur
vietnamien définit la famille et régit toutes les questions qui en sont issues en se basant sur les
rapports familiaux ayant lieu en réalité.
En France, on parle également du pluralisme des familles. Il y a donc la distinction entre la famille lignage et la famille foyer, la famille de droit et la famille de fait, la famille légitime et la famille naturelle. Cf. J. LEPROVAUX, op. cit., nos 4-5, p. 3-4. 15 Au Vietnam, en théorie ainsi qu’en pratique, le mariage et la famille s’attachent toujours. On a donc le droit du mariage et de la famille dans la doctrine, la loi sur le mariage et la famille dans le système normatif, les affaires matrimoniales et familiales aux tribunaux. Cf. infra, n° 62. 16 La loi du 29 décembre 1959 sur le mariage et la famille, qui était entrée en vigueur le 13 janvier 1960. La loi du 29 décembre 1986 sur le mariage et la famille, qui avait remplacé la loi de 1959, et qui était entrée en vigueur le 03 janvier 1987. La loi sur le mariage et la famille de 2000 précitée, qui a remplacé la loi de 1986. 17 En Europe, il y une tendance semblable dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme. Il a été remarqué que : « Depuis de nombreuses années, la juridiction européenne refuse de limiter sa définition de la famille à la société issue du mariage. Plus que le caractère juridique de la famille, la Cour s’attache à la réalité sociale du lien ». Cf. D. YOUF, Penser les droits de l’enfant, Coll. Questions d’éthique, PUF 2002, p. 61. 18 La loi n° 02/2007/QH12 du 21 novembre 2007.
6
7. - La présente idée directrice a des effets importants sur la question de logement
familial dans cette étude. Le logement de la famille sera donc examiné non seulement dans
une étendue étroite du rapport entre époux comme ce que montrent formellement les règles
françaises, mais aussi dans tous les rapports familiaux en pratique, donc ceux entre parents et
enfants, ainsi que ceux entre membres de l’union libre. À l’heure actuelle, en droit
vietnamien, il n’existe pas encore de notion du logement de la famille ; c’est pourquoi, en
cherchant à construire cette notion juridique, il faut viser la famille qui existe dans la réalité
sociale et qui dépasse déjà le simple cadre du mariage19. Ainsi, une notion réaliste du
logement familial fournira évidemment une protection effective de la famille.
8. - Sous un autre aspect, il faut comprendre que même dans la notion juridique de la
famille, il existe deux catégories de famille, qui se distinguent par l’étendue des membres
composants. La première contient les personnes menant une cohabitation sous un même toit ;
le logement de la famille influence donc directement et effectivement leur vie quotidienne. La
seconde signifie l’ensemble des personnes ayant un rapport familial entre elles, qu’elles
cohabitent ou non ; le logement de la famille est examiné dans ce cas selon les droits et
intérêts des membres de la famille concernés. La première catégorie est examinée
principalement au cours de la vie continue de la famille ou lors de la séparation de ses
membres. La seconde catégorie apparaît souvent pendant la procédure de succession : par
exemple, les parents, les enfants et le conjoint survivant du défunt discutent le sort du
logement de la famille qui fait partie de la succession.
9. - Malgré ces deux « niveaux » de la famille, la protection du logement de la famille
est toujours étudiée en fonction des droits et intérêts de ceux qui y mènent une vie effective et
continue, autrement dit, les personnes sur place. En tout cas, la garantie du local d’habitation
doit toujours viser les personnes qui en ont vraiment besoin.
Ainsi, les analyses portant sur le droit vietnamien dans la présent étude poursuivent la
logique de l’occupation effective du logement familial. C’est l’importance de cette situation
réelle qui forme la particularité de la protection du logement de la famille. Le logement de la
famille est un bien tout particulier dans la famille non seulement grâce à sa valeur pécuniaire
(il tient pratiquement une grande quote-part, voire la majorité du patrimoine familial), mais
19 Cette notion vietnamienne du logement de la famille contiendra donc des différences par rapport à celle en droit français.
7
aussi par sa destination d’usage. La protection du logement familial vise, en effet, le maintien
légitime dans les lieux des personnes qui l’habitent.
10. - Le logement de la famille n’a pas la même place à travers les systèmes juridiques
internes. Il est évident que tout individu a besoin d’un local d’habitation ; toute famille, qui
est un groupe d’individus, nécessite incontestablement un toit commun. C’est une réalité
sociale qui ne dépend pas des caractères régionaux. Pourtant, l’attitude des législateurs et des
juges concernant ce sujet est variée : il y a dans le monde entier une diversité des réactions
législatives et juridictionnelles devant l’exigence de la société pour le logement familial. On
peut en trouver différentes tendances.
11. - En premier lieu, dans plusieurs systèmes juridiques européens, le logement de la
famille est une notion très courante depuis une dernière soixantaine d’années. Il devient un
sujet tout à fait animé de la vie juridique, sous l’aspect législatif ainsi que dans les activités
judiciaires. Nous pouvons avoir une vue globale sur certains pays typiques.
En France, le Conseil constitutionnel estime qu’il résulte des dispositions du
préambule de 1946 que la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent
est un objectif à valeur constitutionnelle dont les modalités relèvent du législateur et du
gouvernement. La famille doit, de ce fait, être logée convenablement20. Concrétisant ce
principe dans la réglementation juridique sur la vie conjugale, le logement de la famille est
dénommé à l’article 215, alinéa 3 du Code civil français : « Les époux ne peuvent l’un sans
l’autre disposer les droits par lesquels est assuré le logement de la famille… ». Le logement
de la famille peut être compris comme le lieu où les époux et leurs enfants vivent en commun
à titre principal. Non seulement dans la période ordinaire de l’union, le sort de ce local
d’habitation attire encore l’attention du législateur français dans la procédure de succession,
qui s’ouvre par le décès de l’un des époux21, et dans le cas du divorce22. On dit qu’en droit
français, le logement familial a trouvé son statut achevé23.
En Allemagne, le logement de la famille occupe également une place importante.
§1357 BGB (le Code civil allemand) dispose le mandat domestique, qui permet à l’un des
20J. ROBERT, Le statut constitutionnel de la famille en France, dans La famille au Japon et en France, Société de législation comparée 2002, p. 11 et s. 21 Les article 763 et s. du Code civil français. 22 L’article 285-1 du Code civil français. 23 B. BEIGNIER, La réforme du droit des successions Loi du 3 décembre 2001 : analyse et commentaire, Éditions du Juris-Classeur 2002, p. 25-39.
8
époux de passer seul avec effet envers l’autre sans consentement de ce dernier « les actes
destinés à satisfaire de façon appropriée les besoins de la famille ». Pourtant, seront exclus
du champ d’application du § 1357 précité les actes déterminant les conditions de vie de la
famille ou entraînant des changements fondamentaux dans celles-ci, tels que l’achat d’un
logement, même la location dans certains cas, la résiliation du contrat de bail relatif au
logement de la famille, etc.24. Ainsi, les actes concernant le logement de la famille nécessitent
toujours le consentement de tous les deux époux. À ce point, les Allemands et les Français ont
des dispositions semblables.
12. - En deuxième lieu, quelques situations asiatiques dans ce domaine seront
examinées. Les pays géographiquement proches du Vietnam n’ont pas les mêmes réponses
pour la question du logement familial. Au Japon, il n’y a aucune disposition légale sur la
protection du logement familial. Dans les travaux préparatoires de l’avant-projet de loi de
1996, la Commission avait discuté la possibilité d’introduire une règle protectrice, mais
finalement la proposition a été rejetée en raison de la sécurité du commerce25. Précisément,
une telle règle gênerait le droit de disposition de l’un des époux sur le local et influencerait les
intérêts des tiers participant dans l’acte. Dans certains autres pays asiatiques, la protection du
logement familial n’est même pas encore discutée, car les dispositions légales sur le rapport
patrimonial dans la famille se trouvent encore dans une structure de cadre et de généralité.
Nous avons l’exemple du droit chinois. Les articles 17 et 18 de la loi sur le mariage et la
famille chinoise26 disposent simplement les biens communs des deux époux et les biens
propres de chacun d’eux. Le logement familial n’y est point abordé.
24 F. FERRAND, Droit privé allemand, Dalloz 1997, nos 478-480, p. 463-465. 25 A. OMURA, Droit patrimonial de la famille au Japon, le conjoint et l’entreprise familiale dans La famille au Japon et en France, Société de législation comparée 2002, p. 136. 26 La loi sur le mariage et la famille chinoise a été adoptée le 10 septembre 1980, est entrée en vigueur le 1er janvier 1981 et a été modifiée le 28 avril 2001. Les articles 17 et 18, version anglaise : « Article 17 The following properties incurred during the existence of marriage shall be jointly owned by both husband and wife: a. wages and bonuses; b. any income incurred from production or management; c. any income incurred from intellectual property; d. any property inherited or bestowed, with the exception of those as mentioned in Article 18 (c) of this law; e. other property that shall be jointly owned. Both husband and wife shall have equal rights in the disposal of jointly owned property. Article 18 The following property shall be owned by either the husband or the wife: a. the pre-marital property that is owned by one party; b. the payment for medical treatment or living subsidies for the disabled arising from bodily injury on either party;
9
13. - Qu’en est-il le droit vietnamien ? Tout d’abord, d’un point de vue global, la
dénomination expresse du logement de la famille est toujours absente des dispositions légales.
Il n’existe même pas de concept du logement familial dans la doctrine27. L’idée de la
protection du local d’habitation qui sert effectivement la vie familiale n’en est qu’à ses débuts.
Il convient alors de découvrir les articles 98 et 99 de la loi sur le mariage et la famille
de 2000, qui régissent le partage des locaux d’habitation des époux lors de la procédure du
divorce. Littéralement, nous comprenons que sont mentionnés dans ces dispositions légales
tous les logements soumis au pouvoir des époux, sans distinction entre la résidence à titre
principal et celle secondaire. L’apparition de ces règles dans la nouvelle loi sur le mariage et
la famille reflète la grande fréquence des contentieux concernant ces locaux en pratique, ainsi
que leurs complexités. Ainsi, la réalité sociale dans le domaine du logement familial a bien
attiré l’attention du législateur à travers l’écho des activités juridictionnelles permanentes.
Une pensée sur l’importance de la maison familiale se forme déjà parmi les professionnels de
droit, mais cette idée est unique, et elle n’apparaît qu’au moment où les époux tendent à se
séparer.
14. - En droit vietnamien, la réglementation juridique actuelle sur le logement de la
famille reste un ensemble modeste des règles. Il est nécessaire de comprendre que les
solutions pour la garantie du logement de la famille, pendant toute la durée de la vie maritale
ainsi qu’à sa dissolution, nécessitent des connaissances sociales approfondies et des examens
précis des règles juridiques, surtout ceux qui sont faits par les juges28. Pour un statut propre du
logement familial qui tient compte de son rôle important envers la famille, il faut développer
des pensées concernant les activités législatives à mener dans le temps qui vient.
c. the articles of living specially used by either party; d. other property that shall be used by either party ». Source : http://www.lawinfochina.com/law/display.asp?db=1&id=1793&keyword= 27 Récemment, certains auteurs abordent la résidence principale de la famille dans les analyses sur le régime matrimonial légal en droit de la famille vietnamien. Par exemple, cf. NGUYEN Ngoc Dien, Bình luận khoa học luật hôn nhân và gia ñình Việt Nam, Tập II : Các quan hệ tài sản giữa vợ chồng, Nhà xuất bản Trẻ thành phố Hồ Chí Minh 2004 (Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, Éditions de la Jeunesse de Ho Chi Minh - Ville 2004), n° 227, p. 270-271. Pourtant, il n’y a toujours pas, d’une manière systématique, une notion et un statut proposé du logement de la famille dans la doctrine. 28 Au Vietnam, la Résolution du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême est un acte normatif, qui s’impose notamment aux activités judiciaires de toutes les juridictions. Cf. infra, n° 68.
10
15. - En effet, le logement fait partie des questions sociales les plus pressantes au
Vietnam à l’heure actuelle. Le développement rapide de l’économie pendant ces dernières
années entraîne des changements radicaux de la société.
Il s’agit d’abord de l’industrialisation. La création des zones industrielles aux
alentours des grandes villes attire, avec une force considérable, des employés qui doivent
quitter leurs régions natales pour chercher du travail dans ces lieux suburbains. Ces ouvriers
occupent souvent des locaux d’habitations en mauvais état, qui sont leur loués à un loyer
représentant une grande part de leur salaire mensuel. La dureté du travail, l’ennui de la vie
quotidienne et la distance avec leurs familles d’origine poussent ces jeunes gens à s’unir en
couple, avec ou sans l’enregistrement de mariage. Des enfants naissent de ces unions et la
nouvelle famille habite toujours ces locaux étroits à cause des fonds modestes du couple.
C’est curieux que ce mode de logement se trouve pratiquement en dehors de toute
réglementation juridique : d’une part, dans le rapport locatif, les bailleurs décident les clauses
du bail à leur volonté, les locataires ne peuvent que les accepter ; d’autre part, dans les
rapports entre les deux membres du couple, tout dépend des règles morales pour le partage
des charges de logement. C’est pourquoi, lorsque l’un des deux membres du couple néglige
ses obligations familiales, l’autre subit toutes les conséquences négatives.
Une situation relativement semblable est connue par un certain nombre de
fonctionnaires qui habitent au sein des villes. Ces personnes rencontrent des difficultés de
logement à cause du prix toujours élevé des immeubles dans les municipalités.
L’industrialisation à grande vitesse dans les villes et leurs alentours produit un autre
effet dans la vie des habitants. Le prix des biens immobiliers dans ces zones augmente sans
cesse. Chaque famille devient brusquement titulaire d’une grosse fortune, et c’est là que les
contentieux entre les membres de la famille sont nés. Les tribunaux enrôlent de plus en plus
des demandes concernant le partage des locaux d’habitation formées par ces habitants des
régions urbaines, dans la procédure de succession, de donation ou de divorce.
Tous ces phénomènes forment des variétés du logement de la famille dans les régions
urbaines. À côté des locaux soumis à un statut juridique clair, il y a encore des biens
immobiliers dont la propriété est indéterminable, ou des baux d’habitation qui se créent et se
terminent en dehors de toute disposition légale. D’une vue générale, pour un nombre
considérable de familles dans les villes, l’accès à un logement ainsi que le maintien dans les
11
lieux sont particulièrement difficiles, même si c’est toujours une condition de base de la vie
familiale.
16. - Les habitants de la campagne se trouvent dans une autre situation. Dans les
régions rurales, comme une coutume, chaque famille fait toujours des efforts en vue de
l’acquisition des locaux d’habitation et des fonds de terre de grande superficie. C’est une
préparation nécessaire pour la formation des nouvelles familles par les jeunes couples. Ces
derniers bénéficient des supports de leurs familles d’origines dans la recherche de leurs
propres toits. En réalité, avant le mariage des deux personnes, leurs familles d’origine
discutent et effectuent tout arrangement pour que le jeune couple ait un logement après leur
union ; autrement dit, le mariage n’aura lieu que lorsque la question du logement du couple
aura été réglée. Les solutions sont diverses : l’un des époux vient cohabiter avec la famille de
l’autre ; les époux occupent ou construisent un logement distinct grâce à leurs propres
ressources et à l’aide des deux familles d’origine, à la suite de leur mariage ou après une
certaine période de préparation.
Il convient de dire que les habitants de la campagne poursuivent depuis toujours cet
usage parce que, d’une part, les fonds de terre qu’ils possèdent sont suffisamment larges pour
le partage entre les nouvelles familles ; d’autre part, le logement des jeunes couples est
garanti par l’entraide mutuelle entre des membres de la grande famille, des proches ou même
des voisins. En effet, ces aides et supports constituent encore le style de vie dans les
communautés rurales29. Dans le cas où la grande famille n’a qu’un seul local d’habitation, les
jeunes couples qui en relèvent cherchent toujours à s’entendre dans la jouissance du local, en
attente de l’acquisition de leurs propres logements. Dans tous ces processus, ce sont les règles
d’ordre coutumier et moral qui assurent le bon arrangement entre membres de la famille.
17. - Il faut affirmer également que cet usage d’entraide au sein de la grande famille a
été fortement poursuivi autrefois dans les villes, mais il l’est encore à l’heure actuelle
uniquement dans les familles de compétence financière aisée. Par rapport à une telle valeur
traditionnelle qui se renforce encore à la campagne, les difficultés et les complexités que les
habitants des régions urbaines rencontrent dans leur recherche de logement s’expliquent par le
rythme et la situation des villes.
29 Au Vietnam, l’attachement familial et l’attachement villageois, qui étaient les valeurs traditionnelles, conservent encore leur force dans un grand nombre de communautés d’habitants, notamment à la campagne. Par exemple, lorsqu’une famille construit sa maison, à sa demande, ses proches et voisins viennent effectuer des travaux pendant un certain temps sans compensation.
12
En premier lieu, il convient d’examiner le cas des gens qui habitent dans les
municipalités depuis toujours. Les locaux d’habitation dans les villes ont souvent une
superficie modeste mais un prix élevé, tandis que la compétence financière de la grande
famille n’est pas toujours suffisante pour satisfaire au besoin de logement des jeunes couples.
C’est pourquoi, ceux-ci, de plus en plus, doivent se débrouiller pour avoir un toit distinct, par
voie de bail d’habitation par exemple, s’ils ne veulent pas cohabiter avec d’autres personnes
dans une maison ou un appartement trop étroit, dans une vie commune remplie des
contradictions quotidiennes de la grande famille. De surcroît, sous l’aspect psychologique,
l’individualisme des gens dans les régions urbaines est toujours beaucoup plus fort que celui
qui existe à la campagne : en ville, toute personne cherche un logement distinct pour sa petite
famille, ce qui sert de base d’indépendance dans d’autres domaines de la vie.
En second lieu, il est nécessaires d’étudier la situation des immigrants, qui s’installent
dans les villes d’abord pour les études, le travail, et qui fondent ensuite leur famille. Certains
couples bénéficient du support de leurs familles d’origine dans l’acquisition d’un tout
nouveau local d’habitation et y commencent leur vie conjugale. Les autres, sans aide de leurs
proches, ne peuvent compter que sur eux-mêmes pour avoir un logement. Les baux
d’habitation, qui se multiplient avec tout niveau de confort des locaux, sont donc la solution la
plus convenable à ces couples.
18. - En somme, plus que jamais, le logement est au centre des questions pressantes de
la vie familiale. Les changements économiques, sociaux et culturels ainsi que l’évolution des
mœurs entraînent une pluralité des modes de logement des familles à l’heure actuelle. On peut
en faire un résumé comme suit :
* Le logement en propriété
- Le logement appartenant à la propriété privée de l’un des membres du couple
L’un des membres du couple a acquis un local d’habitation avant son mariage ou son
union libre. Au commencement de l’union, son époux ou son concubin vient habiter avec lui
dans ce local. À la dissolution de l’union, se pose seulement la question sur la contribution de
l’époux ou le concubin non propriétaire à l’entretien de ce logement.
- Le logement appartenant à la copropriété des membres du couple
13
Le local d’habitation est acquis pendant l’union, le prix de l’acquisition est payé par la
contribution des deux membres du couple. S’il s’agit d’un couple marié, le logement
appartiendra à la copropriété indivise des époux. Si c’est un couple non marié, le logement
sera soumis à la copropriété par quote-part des concubins. Le partage du local à la dissolution
de l’union observe des règles respectives pour chaque cas précité.
- Le logement appartenant à la famille de l’un des membres du couple
Le logement appartient à la famille, ou plus précisément, aux parents de l’un des
membres du couple. Ce dernier cohabite avec la grande famille dans ce local. À la dissolution
de l’union, le bien reste toujours avec leurs propriétaires, la personne qui quitte ce local ne
peut réclamer que le règlement de sa contribution à l’entretien de ce logement.
- Le logement appartenant à la copropriété des deux membres du couple et des
parents de l’un d’eux
C’est le cas où après l’établissement de l’union, le couple cohabite avec la famille
d’origine de l’un des deux. Le local d’habitation est acquis, construit ou reconstruit avec la
contribution de tous les membres de la grande famille. À la dissolution de l’union, le
logement est partagé selon l’apport respectif de chacun. La loi ne précise pas la forme de
propriété dans ce cas, mais logiquement, ce sera la propriété par quote-part, parce que dans la
vie familiale, la propriété indivise est exclusivement réservée aux époux30 et non pas à la
grande famille.
- Le logement appartenant à la copropriété des deux membres du couple et de leurs
enfants
Les deux membres du couple et leurs enfants mettent en commun les fonds pour
acquérir, construire ou reconstruire leur local d’habitation. Ce bien appartient donc, comme le
cas précédent, à la copropriété par quote-part de tous les membres de la famille. À la
dissolution de l’union, le logement est partagé selon l’apport de chacun.
- Le logement dont la propriété reste discutable
Il convient de citer quelques cas exemplaires :
30 L’article 219 du Code civil de 2005.
14
+ Un certain nombre des jeunes couples bénéficient des dons des deux familles
d’origine : l’une fournit le terrain, l’autre finance la construction du local d’habitation. Le
logement ainsi construit semble appartenir à la copropriété indivise des époux ou à la
copropriété par quote-part des concubins. Pourtant, à la dissolution de l’union, chaque famille
d’origine réclame sa part, en disant que les fonds précités n’ont jamais été donnés au couple,
que les deux membres du couple et tous les membres de la petite famille formée par ce couple
ne sont que les occupants à titre gratuit et n’ont aucun droit de propriété sur le logement.
+ Pendant l’existence de l’union, les parents de l’un des membres du couple leur
laissent l’usage d’un local d’habitation. Lors de la dissolution de l’union, ces parents disent
qu’ils n’ont jamais donné le droit de propriété au couple, pour que leur ex belle-fille ou ex
beau-fils ne puisse pas demander le partage du local. Dans le cas où les parents sont déjà
décédés, leur enfant dit que le local n’a pas été conjointement donné à son couple, mais
uniquement à lui, pour que son époux ou son concubin ne puisse pas réclamer une part du
droit de propriété sur le bien.
En pratique, ces contentieux sont extrêmement compliqués, notamment au point de
vue des preuves. Une remarque s’avère importante : dans tous ces cas, le titre de propriété ne
reflète pas toujours l’état de propriété en réalité. Ce document inscrit souvent le nom du chef
de foyer, qui est dans la majorité des cas le père ou le mari, le concubin, non pas ceux des
autres membres de la famille. De plus, pour un certain nombre de locaux d’habitation, il n’y a
même pas de titre de propriété. C’est pourquoi, dans leurs activités judiciaires, les juridictions
ne se basent pas uniquement sur le titre de propriété, mais elles doivent chercher toujours
l’apport de chaque intéressé pour déterminer les vrais propriétaires du bien.
* Le logement loué
- Le logement loué par l’État
Pendant un certain temps, l’État vietnamien a construit des résidences dont les
appartements ont été ensuite loués à des fonctionnaires et ouvriers avec un loyer modéré. Les
personnes bénéficiaires ont été sélectionnées selon leur poste, leur situation familiale, etc. Le
loyer ainsi fixé reste à l’heure actuelle symbolique par rapport à la valeur réelle du local sur le
marché. En réalité, le droit d’usage né d’un contrat de bail avec l’État dans ces cas ressemble
au droit de propriété, parce que les locataires habitent les locaux de manière stable, l’État
15
récupère rarement les logements donnés en location, et de plus, depuis quelque temps, les
locataires bénéficient du droit à l’achat du logement, même reconstruit à nouveau par l’État,
avec également un prix modéré. Le droit à la continuation de ce bail discuté entre les
membres de la famille est, par conséquent, examiné presque comme un droit de propriété.
- Le logement loué par des particuliers
C’est le cas où la famille habite un local loué, le contrat de bail est signé par l’un ou
par tous les deux membres du couple, ou par un autre membre de la famille. Ce mode de
logement est de plus en plus courant chez les jeunes couples, qui souhaitent avoir une vie
indépendante par rapport aux familles d’origine. Par contre, un contrat de bail conclu avec des
particuliers ne donne pas toujours aux locataires une habitation stable, à cause, d’une part, des
dispositions légales encore trop relâchées sur les baux d’habitation, et d’autre part, de
l’habitude de comportement entre le bailleur et le locataire : le premier peut exclure son
locataire à tout moment, mais ce dernier ne recourt pas au juge, car de toute façon, il doit
quitter le local et il ne veut pas perdre du temps pour une procédure judiciaire.
Cette réalité complexe du logement de la famille dans la société vietnamienne attend
donc une réglementation effective, qui sera fournie par la loi et mise en œuvre par les
professionnels du droit.
19. - Depuis toujours, la loi sur le mariage et la famille vietnamienne suit la pensée
traditionnelle de la population, dans laquelle tout contentieux entre membres de la famille ne
nécessite une intervention juridique que lors de la casse de celle-ci, alors soit le divorce des
époux, soit le décès de l’un d’eux qui entraîne la mésentente inconciliable des survivants.
Tant que la famille n’arrive pas encore à une crise irréparable, les membres de la
famille font tous les efforts nécessaires pour arranger eux-mêmes des litiges internes. C’est
pourquoi, lorsqu’ils cherchent encore à cohabiter sous un même toit, ils terminent les disputes
concernant ce logement commun, d’une façon ou d’autre autre, afin de continuer la vie
commune. Mais cela ne veut pas dire que le différend prend fin à jamais. Sous l’aspect
psychologique, dans leur famille, les Vietnamiens font des concessions réciproques, au moins
pour former en apparence une famille heureuse et paisible, jusqu’au moment où ils se trouvent
16
l’un envers l’autre inacceptables, les contentieux passés renaissent, et l’union familiale se
casse31.
À travers déjà trois lois sur le mariage et la famille, le législateur concentre la solution
judiciaire du logement de la famille en détail lors du divorce ; les contentieux éventuels
concernant ce bien pendant la durée de l’union conjugale sont mentionnés de manière très
générale, pour ne pas dire symbolique32. Ayant la même orientation, les deux versions,
ancienne et nouvelle33, du Code civil régissent minutieusement la succession, mais elles
contiennent des règles très limitées sur la donation entre membres de la famille et sur la
contribution de ceux-ci au logement commun. Or, c’est dans la procédure de succession que
toutes ces questions reviennent à la discussion des intéressés sur le partage des biens
familiaux.
20. - L’évolution des modes de logement à l’heure contemporaine fait apparaître de
nouvelles solutions pour les droits et intérêts légitimes des intéressés. En effet, les variétés du
logement de la famille ne sont qu’un reflet des changements de mœurs et d’usages des
habitants, où l’individualisme empiète de plus en plus sur les valeurs familiales collectives, et
en même temps, les liens du couple avec la grande famille, le lignage, le quartier ou le village
s’affaiblissent de plus en plus. Se trouvant indépendant dans leur logement ou au moins leur
chambre distincte, avec la confiance intrinsèque portant sur les valeurs personnelles, le couple
a la vocation de décider seul et rapidement de leur vie maritale. Tout contentieux peut
entraîner une mésentente élargie entre les deux membres du couple, qui est ensuite la cause
d’une prétention de séparation ou de divorce. En ce temps, la famille devient plus fragile. Il
est clair que les membres de la famille sont plus rationalistes, ils ont besoin des standards
solides pour déterminer ceux qui ont raison et ceux qui ont tort, pour délimiter les droits et
obligations de chacun dans la communauté familiale. Ces standards souhaités, vu le contexte
social, ne seront fournis que par les règles juridiques.
31 Il convient de connaître que les habitants vietnamiens n’aiment pas beaucoup la voie judiciaire pour le traitement de leurs contentieux civils. Pour les raisons de la présente situation, cf. infra, n° 107. 32 Les locaux d’habitations de la famille ne sont nommément mentionnés que pendant la procédure de divorce. Les règles sur le régime matrimonial légal dans la loi sur le mariage et la famille ne régissent d’une manière générale les biens communs et les biens propres des époux. 33 En droit vietnamien contemporain, le premier Code civil a été adopté le 28 octobre 1995 ; il est entré en vigueur le 1er juillet 1996. Le nouveau Code civil, qui a remplacé celui de 1995, a été adopté le 14 juin 2005 ; il est entré en vigueur le 1er janvier 2006.
17
21. - En effet, les dispositions légales fournissent la matière sur laquelle les membres
de la famille peuvent se baser pour savoir ce qu’ils peuvent faire et ce qu’ils doivent éviter
concernant leur logement principal. La loi prendra le relais pour protéger la vie familiale, le
rôle qui a été autrefois parfaitement assuré par les règles morales et coutumières, dans une
société contemporaine où tout le monde s’intéresse de plus en plus aux limites légales avec
des sanctions directes et concrètes, plutôt qu’aux valeurs abstraites des mœurs34. La
conscience juridique des habitants constitue une prévention effective contre les contentieux
entre eux, parce que, psychologiquement, personne ne veut avoir de soucis avec la loi et les
procédures qui font perdre du temps et des ressources. Chaque fois qu’un membre de la
famille effectue un acte civil, il cherche à faire assurer la sécurité juridique de cet acte, en
respectant lui-même ses engagements et les limites légales. La sécurité juridique des actes
civils et la bonne attitude de chacun envers les dispositions légales garantiront une vie
familiale paisible, qui favorisera la bonne réalisation des fonctions de la famille.
22. - Ainsi, c’est au cœur de cette exigence juridique que l’on pense à la construction
de la notion et du statut du logement de la famille en droit vietnamien. La famille nécessite
des conditions réelles de base, parmi lesquelles le logement est une évidence : il faut d’abord
un toit sous lequel les membres de la famille nourrissent leurs liens sentimentaux. Ce bien
familial tout à fait important ne sera effectivement protégé par les dispositions légales que s’il
a une place propre au sein de celles-ci, due à sa fonction sociale de servir la famille. Le statut
juridique du logement familial sera une référence utile pour les membres de la famille chaque
fois qu’ils font un acte concernant ce local d’habitation principal, puisqu’en visant la validité
de l’acte, ils ont à observer toute limite imposée par la loi. Le premier effet positif du statut
légal du logement de la famille que les justiciables attendent consiste à cette valeur
préventive.
Conscients du présent contexte social et juridique, nous cherchons dans cette étude
une notion expresse et un statut complet du logement de la famille en droit vietnamien. Dans
un système juridique de droit écrit comme le droit vietnamien, l’institution du logement de la
famille doit être construite par les activités législatives, dont le produit traditionnel dans le
domaine matrimonial et familial est la loi sur le mariage et la famille. C’est l’heure de garantir
34 Sur la tendance de transformation de la réglementation morale en réglementation juridique dans la société vietnamienne à l’heure actuelle, cf. LE Thi Tuyet Ba, Vai trò của pháp luật ñối với việc hình thành và phát triển ý thức ñạo ñức ở nước ta hiện nay, Tạp chí Triết học số 10 (185) 2006 ( Le rôle du droit envers la formation et le développement de la conscience morale dans notre pays à l’heure actuelle, Revue de Philosophie n° 10 (185) 2006).
18
à la famille des conditions d’existence réelles de base, parmi lesquelles le logement occupe
une place primordiale. La garantie du logement familial est également un confort que la loi
doit fournir aux contribuables dans une société de plus en plus développée et modernisée.
Autrement dit, le législateur doit remarquer la fonction sociale de ses produits législatifs35 ; il
est vrai que le logement de la famille sera un objet idéal dans ce processus.
Précisément, seront examinées toutes les dispositions légales concernant le logement
de la famille dans le droit positif afin de montrer l’embryon de cette institution au sein des
règles encore générales des textes normatifs en vigueur. Ce germe reflète une tendance
évidente du droit vietnamien, qui est l’établissement et le perfectionnement du statut légal du
local d’habitation principal de la famille. Il reste à développer et à approfondir les normes en
cette matière pour une notion officielle du logement de la famille.
23. - Les dispositions légales ne doivent pas se limiter seulement à leur valeur de
guide et d’orientation envers la population. Pour une mise en application efficace des règles
juridiques, il faut également prononcer et faire exécuter des sanctions contre toute violation de
la loi. De surcroît, la loi n’est pas toujours si claire et compréhensible pour tous : il est
nécessaire d’interpréter les généralités des textes dans chaque cas d’espèce. Ces tâches sont
attribuées à l’autorité judiciaire.
En ce qui concerne le logement de la famille, au Vietnam, le système judiciaire avance
toujours des solutions pratiques, qui sont de bonnes suggestions pour les travaux législatifs.
Plusieurs règles établies par les juridictions dans leurs activités judiciaires ont été reprises
dans les textes de lois. Pour cette raison, la notion du logement de la famille n’est, d’abord,
consolidée, et ensuite, complétée, qu’avec la contribution des juridictions. C’est la valeur
curative du statut du logement familial. Le présent apport judiciaire sera envisagé sous deux
aspects :
En premier lieu, rappelons qu’une mention expresse du logement familial est encore
absente en droit positif. Faisant face à un nombre élevé de demandes concernant le local
35 D’un point de vue philosophique, il est dit que la construction d’un environnement juridique favorable aux activités de la vie sociale fait partie de la responsabilité sociale de l’État. En effet, celui-ci doit construire un système juridique synchrone et stable afin de, d’une part, favoriser la participation active de chaque membre de la société à toutes les activités de la vie sociale, et d’autre part, protéger les intérêts légitimes des individus et organisations sociales en visant la justice et le progrès social. Cf. NGUYEN Van Thuc, Vai trò của Nhà nước và vấn ñề trách nhiệm xã hội, Tạp chí Triết học số 6 (205) 2008 (Le rôle de l’État et la question de la responsabilité sociale, Revue de Philosophie n° 6 (205) 2008).
19
d’habitation de la famille, les tribunaux doivent interpréter, d’une façon ou d’une autre, les
dispositions légales générales, afin de rendre des décisions de justice tranchant les contentieux
en cause. Pour cette raison, dans la présente étude, nous exposerons et suggérerons des
techniques diverses que les juges peuvent mettre en œuvre pour protéger le logement de la
famille ainsi que tout intérêt familial concerné. Actuellement, le statut du logement familial
n’étant qu’au début des pensées et la notion même de la famille devenant indéterminée devant
l’apparition de nouveaux groupements de caractère familial, les recherches effectuées par les
juges au cœur de la pratique du domaine donneront la réponse la plus convaincante à toutes
ces questions. Le juge peut corriger un vide législatif par les mesures que la loi lui octroie
dans les procédures, pour l’exercice de ses fonctions de juger.
En second lieu, même quand la notion du logement de la famille aura été
expressément construite, il faudra encore mettre en application des textes dans le traitement
des contentieux. Ce travail est exclusivement réservé aux juridictions. Dans le statut légal
recherché du logement familial, la voie judiciaire qui sert à résoudre tout litige entre intéressés
est indispensable. Il est clair que l’on ne pourra pas imposer aux membres de la famille telle
ou telle règle préservant le logement familial, si cette règle ne s’accompagne pas d’une
intervention de l’autorité judiciaire, qui détermine des actes autorisés par la loi, empêche des
manipulations de mauvaise foi et sanctionne éventuellement leurs auteurs dans chaque cas
d’espèce. De surcroît, à travers des techniques juridictionnelles menées par le juge, telles que
la conciliation, les règles arides de la loi peuvent se transformer en des histoires humaines à
l’écoute des justiciables, qui poussent ces derniers vers l’observation volontaire des normes.
Dans une société où l’attachement familial constitue une valeur respectueuse pour une grande
partie de la population, pratiquement, ces mesures judiciaires ont toujours des supports
importants pour la conservation du logement familial dans l’intérêt commun de toute la
famille. Le juge, dans l’exercice de sa fonction de juger, peut corriger les violations du statut
du logement familial, par l’explication, la conciliation ou la coercition.
24. – Pour les réflexions approfondies sur la présente question du logement de la
famille en droit vietnamien, en parallèle avec l’analyse des règles internes, les références aux
droit étrangers, notamment le système juridique36 français, seront régulièrement exposées. La
36 Le système juridique est ici traité comme un droit national, le droit d’une société globale. Cf. J. CARBONNIER, Sociologie juridique, Coll. Quadrige Manuels, PUF 2004, p. 346-348.
20
méthode comparative37 est tout à fait utile dans le chemin menant au but de cette étude, qui
est la proposition d’un statut légal du logement familial en droit vietnamien, sous plusieurs
aspects.
D’une part, dans un certain nombre de pays, la notion et le statut du logement familial
s’établissent à travers des réformes législatives importantes, avec tellement des débats
juridiques, qui ont cherché à répondre aux nouvelles exigences de la société contemporaine38.
La mise en application des dispositions légales en pratique, où les juridictions jouent un rôle
important, maintient la place de l’institution du logement de la famille dans le système
juridique. Tous ces processus peuvent fournir aux professionnels de droit vietnamiens des
suggestions dans leur propre travail.
D’autre part, les comparaisons entre le droit vietnamien et certains systèmes
juridiques étrangers, non seulement sous l’aspect purement juridique, mais aussi au plan
économique, social, culturel, etc., mettent en évidence les particularités des règles
vietnamiennes, qui correspondent à la vie réelle de la population39. En effet, à l’heure actuelle,
les valeurs traditionnelles de la nation doivent être reconnues et développées par les
dispositions légales, en vue de l’efficacité de la loi dans son mécanisme de réglementation
envers la société.
25. - Vu le statut indiscutable du logement de la famille en droit français, ainsi que les
points historiques et sociaux à la fois proches et distincts entre la France et le Vietnam, cette
étude est essentiellement basée sur des recherches comparatives vietnamo - française. Pour
l’enrichissement des connaissances, qui est indispensable pour le travail juridique, les règles
juridiques concernées de certains autres pays sont également citées, au fur et à mesure des
analyses du droit vietnamien. Et puisque le sujet de l’étude est le droit vietnamien, les règles
37 Sur les méthodes variées du droit comparé, cf. Ph. JESTAZ, Ch. JAMIN, La doctrine, Coll. Méthodes du droit, Dalloz 2004, p. 211-213. 38 Cf. supra, n° 11. 39 J. CARBONNIER a affirmé : « En fait, le droit de chaque peuple a une singularité historique qui l’oppose à tous les autres et qui, en combinaison avec d’autres éléments - la langue notamment, et ici se retrouve l’insistance analogie - concourt à composer une culture ». Cf. J. CARBONNIER, Sociologie juridique, op. cit., p. 374. Au Vietnam, la même idée a été analysée : « La réception du droit étranger doit entraîner celle de la doctrine, puisque le droit, c’est la culture ; la loi n’est réellement effective que lorsqu’il existe pour elle des conditions sine-qua-non nécessaires dans la société. Il faut que l’emprunt du droit soit créatif, que le droit vietnamien soit la continuation de la coutume, des usages traditionnels, de la moralité dans la société vietnamienne ». Cf. PHAM Duy Nghia, Tiếp nhận pháp luật nước ngoài - thời cơ và thách thức mới cho nghiên cứu lập pháp, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 5/2002 (La réception du droit étranger – les nouveaux opportunités et défis pour les études législatives, Revue des Études législatives n°5/2002).
21
et solutions étrangères dans les textes normatifs ainsi que les analyses doctrinales et
jurisprudentielles dans les traités et manuels seront principalement citées, plutôt que les notes
de jurisprudence précises trop nombreuses en droit français.
26. - L’étude sur le logement de la famille nous permet, en examinant la protection de
la vie familiale, d’aborder des sujets typiques du droit de la famille vietnamien contemporain.
En effet, au Vietnam, en visant le statut légal du logement familial, le point de départ se situe
dans la famille elle-même. C’est pourquoi, seront étudiés ci-après le mariage et le
concubinage, les rapports patrimoniaux entre les deux membres du couple ainsi que ceux
entre parents et enfants, les actes servant la consommation ainsi que les activités
commerciales et productives menées par les membres de la famille, la succession et la
séparation. En effet, quand il y a une famille, il faut construire des mesures protectrices en
faveur du logement familial, conformément aux obligations diverses de chaque membre de la
famille dans la communauté familiale.
* * *
27. - En somme, la notion du logement de la famille recherchée dans cette étude ne se
trouve pas seulement dans le champ académique de la théorie juridique, mais elle est exigée
par la réalité de la société et du droit. La construction de cette notion bénéficiera des apports
pratiques, dont la contribution considérable des juridictions. De toute façon, dans un jeune
système juridique comme le droit vietnamien contemporain, c’est la façon la plus appropriée
d’établir une notion juridique, une institution dans les textes de loi, à la demande de la société.
Dans ce processus, les expériences étrangères seront des suggestions utiles pour le législateur.
28. - Le statut du logement familial fait partie des rapports patrimoniaux au sein de la
famille. Ceux-ci se différencient nettement, dans leur nature ainsi que leurs influences, dans
chaque période distincte de la vie familiale. En effet, au cours de l’union, les droits et
obligations concernant le logement familial reflètent non seulement l’indépendance entre les
membres de la famille, mais aussi la responsabilité de chacun d’eux envers la vie familiale. Le
statut du logement familial contribue alors à la construction de la vie commune de toute
famille : il a donc une valeur contributive. À la dissolution de l’union, le traitement du
logement familial se trouve parmi les effets de cette perturbation familiale ; à ce moment-là, il
faut soit la garantie d’hébergement des membres survivants de la famille dans la liquidation
successorale du membre prédécédé, soit le partage d’intérêt entre les deux membres du couple
22
dans la procédure de divorce ou de séparation. Le statut du logement familial sert alors à
liquider les intérêts légitimes des intéressés, en vue de leur permettre d’organiser leur vie
nouvelle : il a donc une valeur liquidative. Dans un cas comme dans un autre, la ligne
directrice des dispositions légales souhaitées portant sur le logement familial est leur apport
constructif envers la vie familiale à l’heure contemporaine.
29. - Le Vietnam, un pays asiatique de longue tradition historique et en voie de
développement à l’heure actuelle, contient des particularités typiques dans son système
juridique, par rapport à ceux des pays occidentaux et développés, tel que la France. Pour cette
raison, avant d’entrer dans le détail de la problématique, il est nécessaire d’exposer quelques
connaissances globales sur le droit de la famille vietnamien contemporain. Ce sera une base
indispensable pour l’examen des analyses précises sur le logement de la famille en droit
vietnamien.
30. - Ainsi, à la suite de ces éléments introductifs, pour le développement des
réflexions, notre étude se compose d’un chapitre préliminaire portant sur le droit de la famille
vietnamien contemporain et des deux parties qui traitent la question du logement de la famille
en droit vietnamien :
Chapitre préliminaire : La présentation du droit de la famille vietnamien
contemporain
Première partie : Le logement de la famille en temps ordinaire de l’union
Seconde partie : Le logement de la famille lors des perturbations de l’union
23
CHAPITRE PRÉLIMINAIRE
LA PRÉSENTATION DU DROIT DE LA FAMILLE VIETNAMIEN
CONTEMPORAIN
31. - Le logement familial est le local d’habitation central de la famille. Le régime
juridique de ce bien important reflète donc nettement les caractéristiques du droit de la famille
exposées ci-dessous.
Le droit de la famille vietnamien contemporain comprend plusieurs particularités par
rapport à d’autres systèmes juridiques, qui seront examinées à travers ses éléments constitutifs
(Section I) et ses caractéristiques (Section II).
SECTION I : LES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS
32. - Chaque domaine spécifique du droit se compose de plusieurs éléments divers, de
nature théorique ainsi que pratique. Pour une vue globale du droit de la famille vietnamien, il
convient d’examiner la théorie juridique (§1), les activités législatives (§2) ainsi que la mise
en application de la loi par la juridiction (§3).
§1 : La théorie juridique
33. - L’histoire du droit vietnamien contemporain s’attache à l’exercice des fonctions
d’une nouvelle administration qui doit faire face à la guerre et aux grands changements
sociaux et économiques. Pendant une longue période en pleine difficulté, il fallait toujours des
textes normatifs ainsi que des organes différents pour en faire la mise en application, tandis
que la situation sociale ne permettait pas la formation suffisamment forte des juristes. En
effet, la première faculté de droit du Vietnam réunifié n’a été fondée qu’en 197640. Il y avait à
partir de ce moment-là des maîtres de droit formés sur place, à côté des juristes qui étaient
diplômés à l’étranger et de ceux qui étaient issus des écoles professionnelles de juridiction, de
parquet, etc.
Répondant aux exigences précises de l’administration de la société par la loi, la pensée
juridique a été démarrée et s’est développée à travers l’adoption et la mise en application des
40 C’était la Faculté de Droit de l’Université de Hanoi, actuellement la Faculté de Droit de l’Université nationale de Hanoi.
24
textes normatifs. Autrement dit, la science juridique vietnamienne n’a pas vu son début et son
développement strictement dans des instituts de recherches et des manuels de droit, mais elle
s’est plantée le long de la pratique législative, administrative et judiciaire.
34. - Il convient donc, pour un accès à la théorie juridique du droit de la famille
vietnamien contemporain, de prendre une brève connaissance historique des textes normatifs
en la matière (A), et puis d’étudier la position de ce domaine juridique dans le système de
droit (B).
A. L’histoire du droit la famille vietnamien contemporain
35. - Dès la fondation de la République démocratique du Vietnam (le 02 septembre
1945), faute des conditions nécessaires et suffisantes pour l'élaboration d'un texte régissant
proprement les rapports du mariage et de la famille, l’État vietnamien a lancé le mouvement
de « la promotion de la vie nouvelle » pour que la population efface volontairement les
moeurs et coutumes arriérés dans le domaine matrimonial et familial.
36. - Le 09 novembre 1946, la première Constitution de la République démocratique
du Vietnam a été adoptée par l'Assemblée nationale. Aussitôt dans le présent texte
fondamental, l'article 9 disposait : « La femme est égale à l'homme dans tous les domaines ».
Cette disposition était le fondement juridique le plus important dans la lutte visant à effacer le
régime familial féodal et à établir le nouveau régime du mariage et de la famille,
démocratique et avancé. Pour passer à la concrétisation de l'article 9 précité et montrer des
résultats du mouvement « la promotion de la vie nouvelle », l’État vietnamien a adopté
l'Ordonnance n° 97/SL du 22 mai 1950 réglant certaines questions civiles et familiales, et
l'Ordonnance n° 159/SL du 17 novembre 1950 régissant le divorce. Ces deux textes ont
institué les principes de base du nouveau régime matrimonial et familial. L'article 6 de
l'Ordonnance n°97/SL affirmait la capacité de jouissance de plein droit de la femme : « La
femme est complètement capable dans le domaine civil ». L'article 5 de la présente
Ordonnance disposait également : « Les époux ont statut égal dans la famille ». Ainsi, la place
de l’épouse - la femme dans la société a été élevée au même niveau que celle de l’époux -
l'homme dans tous les domaines. L'inégalité inhérente à la famille vietnamienne depuis bien
longtemps a été abolie. Grâce à ce principe, la femme allait participer plus activement à la
prise de décision dans la famille, surtout dans le secteur patrimonial, y compris les actes
portant sur le logement familial.
25
37. - Le 29 décembre 1959, l'Assemblée nationale vietnamienne a voté la loi no 13 sur
le mariage et la famille, qui a été ensuite promulguée par l'Ordonnance no 02/SL du 13 janvier
1960 du Président de l’État. La présente loi était le premier texte normatif au niveau de loi
dans ce domaine. D’un point de vue global, la loi sur le mariage et la famille de 1959, avec les
dispositions régissant le régime matrimonial, était un volet important dans la voie de
libération de la femme et dans la mise en oeuvre de l'égalité entre l'homme et la femme41. La
particularité de ce texte était l’unique régime matrimonial de communauté universelle des
biens. Cette disposition a considérablement contribué à la stabilisation des rapports familiaux
pendant une longue période.
38. - En présence de grands changements économiques, sociaux et culturels du pays,
une nouvelle loi sur le mariage et la famille a été adoptée par l'Assemblée nationale le 29
décembre 1986. À la différence de la loi de 1959, à côté des biens communs des époux, la loi
de 1986 consacrait encore des biens propres de chacun d’eux. Pourtant, il convient de
constater que la loi sur le mariage et la famille de 1986 ne prévoyait qu'un régime matrimonial
dans la fixité, c'est-à-dire qu’elle ne délimitait essentiellement que la propriété des époux sur
les biens de la famille, tandis que les dispositions permettant aux époux d'exercer leur droit de
propriété dans les actes de la vie quotidienne n’étaient pas encore claires. Pour la question du
droit au logement, grâce à la disposition stricte sur les actes concernant des biens communs de
grande valeur, le local d’habitation appartenant à la copropriété des époux était protégé. Le
logement familial étant un bien propre de l’un des époux restait encore sans réglementation
explicite.
En ce qui concerne les effets patrimoniaux du divorce, même avant la loi sur le
mariage et la famille de 1986, la Cour populaire suprême a adopté la Directive n° 69/TATC
du 24 décembre 1979 sur la solution du logement et la garantie du local d’habitation des
intéressés suite au divorce. Ce texte, en respectant l’égalité entre époux et les intérêts
légitimes de chacun d’eux, insistait sur la protection de la femme et des enfants, avec
l’excellent esprit de la morale traditionnelle et des coutumes concernant l’attachement
familial. Les solutions fournies par la présente Directive conservent leur valeur dans les
activités juridictionnelles jusqu’à l’heure actuelle.
41 Dans la Résolution du 27 mai 1959 relative au projet de la loi sur le mariage et la famille, l’Assemblée nationale a constaté : « l’adoption de la loi sur le mariage et la famille en ce temps est nécessaire pour la réalisation du régime matrimonial et familial démocratique, progressiste, ainsi que pour l’effacement des traces du régime matrimonial et familial féodal ».
26
La mise en application de la loi sur le mariage et la famille de 1986 a montré que les
dispositions générales de celle-ci n’arrivaient pas encore à efficacement résoudre toutes les
questions concernant le rapport patrimonial au sein de la famille. Avec de grands
développements de l’économie, la vie matérielle de chaque famille a trouvé son nouveau
visage. Les biens familiaux de grande valeur tels que le local d’habitation attiraient l’attention
de tous les intéressés. Les contentieux entre membres de la famille relatifs à ces biens sont
devenus de plus en plus compliqués.
39. - Le premier Code civil, adopté le 28 octobre 1995, a réalisé une démarche
importante de la codification dans le domaine civil. Ce texte a eu ainsi des contributions
considérables au développement du droit de la famille. D’une part, le Code civil a institué des
principes de base du régime matrimonial et familial, tels que le droit de chaque individu au
mariage42, le droit à l’égalité entre époux43, le droit à l’assistance et aux soins familiaux44, le
droit au divorce45. D’autre part, le Code civil a établi un grand nombre d’institutions
juridiques civiles qui favorisaient les rapports familiaux ainsi que les relations entre les
membres de la famille et les tiers, telles que les cas de nullité des actes civils46, les formes de
propriété47, la succession48, etc.
40. – Face aux contenus arriérés de la loi de 1986, avec la faveur fournie par les
dispositions du Code civil, l’exigence d’une modification complète de la loi sur le mariage et
la famille s’est posée d’une façon pressante. Après une longue élaboration, la nouvelle loi sur
le mariage et la famille n° 22/2000/QH10 a été adoptée le 09 juin 2000 et elle est entrée en
vigueur le 1er janvier 2001. De plus, le 14 juin 2005, le nouveau Code civil n° 33/2005/QH11
a été adopté49. En ce qui concerne la procédure judiciaire applicable aux contentieux
familiaux, le Code de la procédure civile n° 24/2004/QH11 a été adopté le 15 juin 2004. Il est
également nécessaire de citer la loi sur l’exécution des décisions judiciaires en matière civile
n° 26/2008/QH12 qui a été adoptée le 14 novembre 2008.
42 L’article 35 du Code civil de 1995. 43 L’article 36 du Code civil de 1995. 44 L’article 37 du Code civil de 1995. 45 L’article 38 du Code civil de 1995. 46 Les articles de 136 à 147 du Code civil de 1995. 47 Les articles de 205 à 240 du Code civil de 1995. 48 Les articles de 634 à 689 du Code civil de 1995. 49 Le contenu de la loi sur le mariage et la famille de 2000 et les règles du Code civil de 2005 concernant la famille seront analysés en détail dans les parties qui suivent de la présente étude.
27
41. - En ce moment, les débats juridiques et les travaux législatifs sur la famille sont
toujours bien animés. Se posent, notamment, les questions concernant la notion, l’étendue et
la structure de la famille, les nouveaux aspects des rapports entre membres de la famille et la
réglementation juridique équivalente, etc. Au titre d’exemple, la loi n° 02/2007/QH12 du 21
novembre 2007 sur la prévention et la lutte contre la violence familiale a opté pour une
famille au sens large, qui pouvait être formée par l’union libre de l’homme et de la femme50.
Ainsi, il convient de constater que le droit de la famille est l’un des plus anciens
domaines dans le système juridique vietnamien. À l’heure actuelle, ce domaine est en grand
mouvement, à cause des changements divers et rapides de la société.
B. La position du droit de la famille dans le système juridique vietnamien
42. - Dans la théorie juridique vietnamienne, le droit de la famille occupe une place à
la fois respectable et réservée. Pour la comprendre, il convient d’exposer une comparaison
vietnamo - française.
La France et le Vietnam ont plusieurs points communs dans la société, la culture et
également en droit51. La science juridique dans tous les deux pays divise le système juridique
en branches de droit : droit constitutionnel, droit administratif, droit civil, droit des affaires,
etc. Pourtant, en ce qui concerne le droit de la famille, il y a une différence de point de vue
entre les deux pays.
En France, le droit de la famille est l’un des composants du droit civil. Autrement dit,
le droit de la famille se compose des règles du droit civil qui s’appliquent aux rapports
familiaux. Ce concept existe depuis toujours et reste indiscutable52.
50 Cf. supra, n° 6. 51 Pour une analyse approfondie, cf. THAI Vinh Thang, Văn hoá pháp luật Pháp và những ảnh hưởng tới pháp luật ở Việt Nam, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 15/2008 (La culture juridique française et ses influences envers le droit au Vietnam, Revue des Études législatives n°15/2008). 52 Par exemple, J. CARBONNIER parlait du droit civil de la famille. Cf. J. CARBONNIER, Droit civil, T. 2, La famille, l’enfant, le couple, op. cit, p. 1-5. J.-L. AUBERT et E. SAVAUX distinguent les deux objets du droit civil : c’est de définir la personnalité juridique et de préciser l’activité juridique civile à laquelle les personnes sont appelées. Ce dernier objet contient les deux domaines distincts : le droit civil économique (droit des biens, droit des obligations, sûretés), et le droit de la famille (droit extrapatrimonial et droit patrimonial de la famille). Cf. J.-L. AUBERT, E. SAVAUX, Introduction au droit et thèmes fondamentaux du droit civil, Coll. Sirey Université, 12e éd., Dalloz 2008, nos 237-257, p. 252-279.
28
Au Vietnam, il y a encore des discussions sur la position du droit du mariage et de la
famille dans le système juridique : constitue-t-il une branche de droit indépendante ou est-il
une spécialité du droit civil ? En réalité, dans le champ législatif, il existe en parallèle la loi
sur le mariage et la famille et le Code civil53. Au lendemain de l’adoption du Code civil de
1995, un auteur affirme que le droit civil joue le rôle du droit commun, les autres branches de
droit, tels que le droit du mariage et de la famille, sont les droits spécialisés. Par conséquent,
les dispositions du droit civil seront applicables à tout ce qui n’est pas régi par les droits
spécialisés54. Dans une autre vue, certains théoriciens disent que les textes normatifs, qui se
produisent des travaux législatifs distincts, n’affirment pas en eux-mêmes l’indépendance
d’une branche de droit quelconque55. Ces auteurs arrivent à la conclusion que malgré
certaines particularités, les rapports personnels et pécuniaires dans le domaine familial sont de
même catégorie que les rapports civils. Ils soulignent quand même lesdites particularités pour
mettre en valeur la position, au moins, spécifique, du droit de la famille par rapport au droit
civil en général56.
Dans un temps plus récent, certains auteurs affirment que le droit de la famille est une
branche de droit indépendante. Ils définissent : « en qualité d’une branche de droit
indépendante dans le système juridique de notre État, le droit du mariage et de la famille
vietnamien se compose des règles juridiques adoptées ou reconnues par l’Etat qui régissent
Ph. MALAURIE et P. MORVAN distinguent en droit civil : le droit des personnes y compris le droit de la famille, le droit des biens, le droit des obligations. Cf. Ph. MALAURIE et P. MORVAN, Introduction générale, Coll. Droit civil, 2e éd., Defrénois 2005, n° 64, p. 49-51. 53 Cf. infra, nos 44 - 45. 54 NGO Van Thau, Lời giới thiệu trong Các thuật ngữ cơ bản trong luật dân sự Việt Nam (có chú thích và ñối chiếu), Nhà xuất bản Chính trị Quốc gia 1996 (Introduction dans Les termes de base dans le droit civil vietnamien (avec explications et références), La Maison des éditions politiques nationales 1996), p. 7. 55 Faculté de Droit, Université nationale de Hanoi, op. cit., p. 37. 56 En ce qui concerne l’objet de la réglementation juridique, les rapports matrimoniaux et familiaux ont des spécificités suivantes :
- Les rapports extrapatrimoniaux sont dominants et jouent le rôle décisif dans les rapports matrimoniaux et familiaux.
- Dans les rapports matrimoniaux et familiaux, les sujets s’attachent par des éléments sentimentaux. - Les droits et obligations matrimoniaux et familiaux sont solides, de longue durée et ne suivent pas la
compensation au pair. La méthode de la réglementation juridique dans le domaine matrimonial et familial a des spécificités suivantes :
- Dans les rapports matrimoniaux et familiaux, le droit est en même temps l’obligation des sujets. - Les sujets doivent se baser sur l’intérêt commun de la famille en exerçant ses droits et obligations. - Les sujets ne peuvent pas modifier les droits et obligations légaux par leur convention. - Les règles du droit du mariage et de la famille se lient strictement aux règles morales et coutumières.
Cf. Faculté de Droit, Université nationale de Hanoi, op. cit., p. 37- 40.
29
les rapports matrimoniaux et familiaux, de nature patrimoniale ou extrapatrimoniale, entre
époux, entre parents et enfants et entre d’autres membres de la famille57 ».
Ces divergences dans la théorie juridique ont des influences considérables sur la
législation et les activités judiciaires dans le domaine familial.
§2 : La législation
43. - En France ainsi que dans plusieurs autres pays européens, les règles juridiques
qui régissent les rapports familiaux se trouvent principalement dans le Code civil. Dans ce
grand texte, il y a des dispositions sur le mariage et ses effets, la cohabitation enregistrée ou
même le concubinage58, la filiation et l’autorité parentale, le divorce, la succession, etc. Les
autres textes normatifs ne contiennent que des règles tout à fait précises, qui concernent plus
ou moins un rapport familial particulier59. Chaque fois que les gens veulent connaître une
réglementation juridique sur un certain rapport familial, ils vont d’abord chercher des règles
applicables dans le Code civil, puisque les autres textes ne seront appliqués qu’à titre
exceptionnel.
44. - Au Vietnam, les règles juridiques portant sur les relations familiales sont
groupées dans la loi sur le mariage et la famille, qui joue le rôle de référence principale pour
la réglementation juridique sur toute question familiale. Ce texte est une loi particulière, sous
plusieurs aspects. Il est l’une des premières lois du système juridique vietnamien
contemporain60. Les travaux préparatoires de chaque loi sur le mariage et la famille attirent
l’attention de toute la société et nécessitent un temps considérable61. En ce qui concerne la
forme, cette loi contient un « préliminaire62 », ce qui est classique dans les Codes. Il serait
57 NGUYEN Van Cu, NGO Thi Huong, Một số vấn ñề lý luận và thực tiễn về Luật Hôn nhân và Gia ñình năm 2000, Nhà xuất bản Chính trị Quốc gia 2003 (Certaines questions théoriques et pratiques concernant la loi sur le mariage et la famille de 2000, La Maison des éditions politiques nationales 2003), p. 16-17. 58 Tels que le cadre juridique du pacte civil de solidarité et la définition du concubinage dans les articles de 515-1 à 515-8 du Code civil français. 59 Par exemple, en France, la loi du 06 juillet 1989 qui améliore les relations locatives mentionne dans son article 14 le droit du concubin notoire à la continuation du bail d’habitation au décès de son compagnon locataire. 60 Rappelons que la première loi sur le mariage et la famille a été adoptée dès 1959. 61 Pour la loi sur le mariage et la famille de 2000, les travaux préparatoires ont commencé dès 1994, avec la création d’une Commission chargée du projet de la loi sur le mariage et la famille (modifiée), par une décision du Ministre de la Justice. Cf. DINH Trung Tung (dir.), NGUYEN Binh, LE Huong Lan, VO Thi Thanh, Giới thiệu nội dung cơ bản của luật hôn nhân và gia ñình năm 2000, Nhà xuất bản thành phố Hồ Chí Minh 2000 (Présentation des contenus essentiels de la loi sur le mariage et la famille de 2000, Éditions de Ho Chi Minh Ville 2000), p. 12. 62 Le préliminaire de la loi sur le mariage et la famille de 2000 « présente globalement le sens, le but et les exigences de base de la construction de la loi sur le mariage et la famille, souligne le rôle, l’importance de la
30
donc raisonnable de constater que la loi sur le mariage et la famille est, en fait, un Code dans
le domaine matrimonial et familial. En effet, le préliminaire de la présente loi confirme
clairement que : « La présente loi détermine le régime de famille et de mariage » ; l’article
1er, dernier paragraphe le réaffirme encore une fois : « La loi sur le mariage et la famille
détermine le régime de famille et de mariage, la responsabilité du citoyen, de l'État et de la
société en matière de construction, de consolidation du régime de famille et de mariage
vietnamien ».
45. - Ainsi, sur le fond ainsi que sur la forme, la loi sur le mariage et la famille est
vraiment une grande codification dans le domaine familial. Ce texte de loi conserve, depuis
toujours, une double indépendance par rapport au texte de base du droit civil, qui est le Code
civil.
D’une part, il s’agit de l’indépendance historique. En effet, la loi sur le mariage et la
famille apparaît en tout temps avant le Code civil. Il y avait la première loi en 1959, puis celle
de 1986, tandis que le premier Code civil n’a été adopté qu’en 1995. En 2000, il y avait
encore une nouvelle loi sur le mariage et la famille, et ce n’est que cinq ans plus tard que le
nouveau Code civil a apparu. Pour cette raison, dans le processus d’adoption de chaque loi sur
le mariage et la famille, le législateur n’est pas limité par les dispositions du Code civil, soit
parce que celui-ci n’est pas encore né, soit parce qu’il ne contredit presque jamais la loi sur le
mariage et la famille, qui était au même niveau de loi que lui, mais qui avait été adoptée bien
avant lui63. Le législateur ne vise que la succession et l’évolution entre les lois successives sur
le mariage et la famille64.
D’autre part, il s’agit de l’indépendance de champs d’application. La loi sur le
mariage et la famille est toujours adoptée pour régler uniquement les rapports familiaux, elle
n’est pas faite pour concrétiser ou combler d’autres textes de loi. Le législateur dit
famille dans la vie de tout individu ainsi que dans le développement de la société ». Cf. DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p.23. 63 Les rédacteurs de la loi sur le mariage et la famille de 2000 affirment que cette loi concrétisent les dispositions du Code civil de 1995 sur le mariage et la famille, cf. DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p.14. En réalité, le Code civil de 1995 a présenté d’une manière systématique et à la première fois des principes et institutions de base du droit civil, tels que le droit au mariage, les cas de nullité de l’acte civil, les formes de propriété, etc. Tous ceux-ci formaient un cadre juridique général auquel la nouvelle loi sur le mariage et la famille en 2000 ferait référence au fur et à mesure. Dans son contenu, celle-ci poursuit toujours son propre chemin qui a passé par les codifications en 1959 et en 1986. Sous cet aspect, c’est le Code civil qui supporte la loi sur le mariage et la famille. 64 DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p. 14-15.
31
expressément que « la présente loi détermine le régime de famille et de mariage65 », ce qui
« s'entend de l'ensemble des dispositions légales relatives au mariage, au divorce, aux droits
et obligations des époux, des parents, des enfants et des autres membres de la famille, aux
obligations alimentaires, à l'établissement de la filiation, à l'adoption, à la tutelle, aux
relations matrimoniales et familiales impliquant un élément d'extranéité et aux autres
questions en rapport avec la famille et le mariage66 ». Ainsi, la loi sur le mariage et la famille,
comme son appellation, est le texte de base pour la réglementation juridique sur le mariage et
la famille. Les autres textes, y compris le Code civil, ne règlent que ce qui n’est pas réglée par
cette loi.
Ces caractéristiques constituent la position d’avant-garde de loi sur le mariage et la
famille dans un grand nombre de domaines familiaux. Cela veut dire que cette loi peut fournir
une nouvelle règle qui n’est jamais existé dans les autres textes, y compris le Code civil. Il
convient d’exposer l’exemple d’une disposition importante du droit de la succession
vietnamien, qui est le report de partage successoral. Le Code civil de 1995, qui fût le premier
texte au niveau de loi sur la succession, n’a pas octroyé la demande individuelle de report aux
héritiers : le report n’était alors accordé que par le testament du défunt ou par l’accord
commun de tous les héritiers67. La loi sur le mariage et la famille de 2000 a fait un grand pas
en avant en octroyant au conjoint survivant le droit de demander au tribunal le report de
partage successoral68. En 2005, le nouveau Code civil n’a eu qu’à copier cette règle69.
Dans le système des textes normatifs vietnamiens, il existe toujours le concept que le
Code civil constitue un cadre juridique général, qu’il laisse des domaines particuliers, tels que
la famille, aux lois spécialisées. Pourtant, en ce qui concerne les rapports familiaux, il
convient de comprendre que le cadre juridique spécialisé, qui est la loi sur le mariage et la
famille, précède toujours celui de généralité, qui est le Code civil, dans le temps ainsi que
dans le contenu des règles.
46. - Comme en France, à part ces deux grands textes, il y a encore dans le système
normatif vietnamien d’autres textes régissant des rapports familiaux particuliers, tels que la loi
sur la protection, l’entretien et l’éducation des enfants mineurs, la loi sur la prévention et la
65 Préliminaire de la loi sur le mariage et la famille de 2000. 66 L’article 8, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000. 67 L’article 689 du Code civil de 1995. 68 L’article 31 de la loi sur le mariage et la famille de 2000. 69 L’article 686, dernier paragraphe du Code civil de 2005.
32
lutte contre la violence familiale, etc. Ces textes s’appliquent aux rapports familiaux
spécifiques, avec notamment les mesures qui ne sont pas de nature civile, mais administrative
ou pénale.
Pour éviter toute contradiction dans la mise en application des règles, l’article 5 de la
loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose : « Les dispositions du Code civil relatives aux
relations conjugales et familiales s'appliquent aux questions concernées qui ne sont pas
réglées par la législation sur la famille et le mariage ». Ainsi, la solution fournie par le
législateur vietnamien est claire : les rapports familiaux sont d’abord soumis à la
réglementation de la loi sur le mariage et la famille ; le Code civil, en tant que cadre général,
n’est qu’une mesure préventive dans le cas où il n’y a pas de dispositions spécialisées des
autres textes.
Pourtant, devant un vide juridique dans la loi sur le mariage et la famille, si le Code
civil et les autres textes normatifs n’ont aucune disposition pour la question en cause, quelle
règle sera applicable pour répondre à l’attente des justiciables ? Cette situation est examinée
en détail dans les activités judiciaires.
§3 : La juridiction
47. - Les contentieux familiaux, qui contiennent des éléments de droit et de fait tous
variés, constituent l’une des affaires les plus courantes que les tribunaux sont chargés de
traiter. Il est indispensable d’examiner cette catégorie d’affaire par rapport à l’organisation
interne de l’autorité judiciaire (A), notamment dans le cas où le tribunal se trouve devant
l’insuffisance du droit (B).
A. Les contentieux familiaux par rapport à l’organisation interne de l’autorité
judiciaire
48. - En France, compte tenu du nombre et des catégories d’affaires, chaque tribunal
ou chaque Cour organise sa structure interne, dont les chambres. Les contentieux familiaux
peuvent relever de la compétence d’une ou de plusieurs chambres. Il s’agit donc de
l’organisation variable à travers des régions géographiquement différentes.
49. - Au Vietnam, il existe une organisation fixe des tribunaux et Cours. À la Cour
populaire suprême, il y a le Conseil des Juges, cinq chambres spécialisées (civile, pénale,
33
économique, administrative et prud’homale) et trois chambres d’appel. Chaque Cour
populaire de province a son Comité des Juges et cinq chambres spécialisées équivalentes.
Chaque tribunal populaire de district a des juges spécialisés pour chacune des cinq catégories
d’affaires précitées. Les contentieux familiaux font partie des affaires civiles, dont la
compétence de juridiction relève des tribunaux de district, des chambres civiles et des
Comités des Juges des Cours populaires de province, des chambres d’appel, de la chambre
civile et du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême70.
50. - Récemment, la Cour populaire suprême propose la création de la chambre
familiale dans les Cours, au motif que les affaires civiles et familiales augmentent de plus en
plus, les chambres civiles et les tribunaux de district en sont surchargées, tandis qu’avec leurs
particularités respectives, les affaires civiles et les affaires familiales se distinguent
clairement. Suite aux discussions, la plupart des membres du Comité permanent de
l’Assemblée nationale concluent que la création de la chambre familiale au sein des Cours est
nécessaire, mais elle nécessite une préparation soigneuse71.
70 La compétence des juridictions populaires au Vietnam à l’heure actuelle est comme suivant : - Les tribunaux populaires de district jugent en première instance certaines catégories d’affaires, dont la plupart des affaires matrimoniales et familiales. - Les Cours populaires de province jugent en première instance certaines catégories d’affaires à cause de l’importance ou de la particularité de celles-ci. Ces Cours jugent en appel toutes les affaires jugées en première instance par les tribunaux de district. Le Comité des Juges de chaque Cours populaire de province vérifie selon la procédure de supervision ou de révision les jugements et décisions ayant force de chose jugée des tribunaux de district dans cette province. - Les trois chambres d’appel de la Cour populaire suprême jugent en appel toutes les affaires jugées en première instance par les Cours populaires de province. - Les cinq chambres spécialisées de la Cour populaire suprême vérifient selon la procédure de supervision ou de révision les jugements et décisions ayant force de chose jugée des Cours populaires de province. - Le Conseil des Juges de la Cour populaire suprême vérifie selon la procédure de supervision ou de révision les jugements et décisions ayant force de chose jugée des trois chambres d’appel et des cinq chambres spécialisées de la Cour populaire suprême. Il y a au Vietnam à l’heure actuelle 742 Cours et tribunaux populaires, dont : la Cour populaire suprême, 63 Cours populaires de province et 678 tribunaux populaires de district (sans compter les Cours militaires). Au plan de la compétence de juridiction, le système judiciaire se compose des 741 juridictions de première instance (dont 678 tribunaux de district et 63 Cour populaires de province), des 66 juridictions d’appel (dont 63 Cours populaires de province et 3 chambres d’appel de la Cour populaire suprême), des 69 juridictions de supervision et de révision (dont 63 Comités des Juges des Cours populaires de province, 5 chambres spécialisées de la Cour populaire suprême et le Conseil des Juges de la Cour populaire suprême). Cf. TRUONG Hoa Binh, ðổi mới tổ chức và hoạt ñộng của tòa án nhân dân theo yêu cầu xây dựng nhà nước pháp quyền xã hội chủ nghĩa, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 2 + 3 (139 + 140) tháng 1/2009 (Renouveler l’organisation et l’activité de la Cour populaire selon les exigences de la construction de l’État de droit socialiste, Revue des Études législatives nos 2 + 3 (139 + 140) janvier 2009). 71 Cf. http://www.vnexpress.net/GL/Xa-hoi/2007/04/3B9F5257/ http://vietnamnet.vn/chinhtri/2007/04/685706/ http://vietbao.vn/Xa-hoi/Da-den-luc-thanh-lap-toa-hon-nhan-va-gia-dinh/30175254/157/
34
B. Les contentieux familiaux face à l’insuffisance du droit
51. - En principe, pour traiter un contentieux, le juge n’applique que des règles
juridiques. Mais lorsqu’il n’y a pas de dispositions légales applicables à une affaire d’espèce,
que va-t-il faire ? La réponse de cette question se varie à travers des pays.
52. - En France, le juge ne peut jamais nier de juger en raison de l’insuffisance du
droit. En effet, l’article 4 du Code civil français dispose : « Le juge qui refusera de juger, sous
prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme
coupable de déni de justice ». Le déni de justice est ainsi strictement interdit. Il est admis que,
dans le silence de la loi, le juge statue en raison et en équité72.
53. - Au Vietnam, l’article 3 du Code civil de 2005 dispose qu’à défaut des
dispositions légales et de l’accord commun des parties, la coutume peut s’appliquer ; à défaut
de la coutume, il faut faire une application par analogie des dispositions légales. Toutes ces
applications particulières ne doivent pas être en contradiction avec les principes institués dans
le même Code.
En somme, au Vietnam, pour réglementer les rapports familiaux et résoudre des
contentieux qui en résultent, il faut mettre en application tous les textes spécialisés concernés
avant de recourir aux règles du Code civil. Lorsqu’il n’y a aucune disposition légale
applicable au contentieux, pour trancher l’affaire, le juge doit examiner la mise en application
des règles coutumières, ou à défaut, l’application par analogie de la loi.
Avec tous ces composants, le droit de la famille vietnamien a des caractéristiques
typiques d’un système juridique en développement.
SECTION II : LES CARACTÉRISTIQUES
54. - Le droit de la famille, comme tout autre domaine juridique, se base sur l’adoption
et la mise en application des règles juridiques. Il convient donc d’examiner les
caractéristiques du droit de la famille vietnamien à travers les dispositions légales en la
matière (§1), ainsi que leur mécanisme d’application (§2).
72 G. CORNU, Droit civil Introduction au droit, 13e éd., Coll. Domat, Montchrestien 2007, n° 441, p. 231.
35
§1 : Les caractéristiques des dispositions du droit de la famille
55. - Afin de comprendre les dispositions légales, il est nécessaire d’en étudier la
forme et le fond. En droit de la famille vietnamienne, dans un grand nombre de cas, existe
depuis toujours la généralité des règles juridiques (A), celles qui tentent de souligner un lien
strict entre le mariage et la famille (B).
A. La généralité des règles juridiques
56. - Au Vietnam, la généralité des règles normatives est toujours une grande question
du système juridique73. Se trouvant dans cette situation commune, depuis longtemps, les
règles juridiques régissant les rapports familiaux présentent une guide des comportements
plutôt que les réglementations précises. Un grand nombre d’articles des lois successives sur le
mariage et la famille donnent l’impression qu’ils instituent des standards que les membres de
la famille devraient atteindre, mais il n’y a aucune sanction juridique contre l’inobservation de
ces règles74. Plusieurs exemples peuvent être cités.
L’article 13 de la loi sur le mariage et la famille de 1959 disposait : « Les époux ont
l’obligation se s’aimer, de se respecter, de s’entretenir, de s’entraider vers le progrès, de
nourrir et d’éduquer les enfants, de travailler, de construire une famille harmonieuse et
heureuse ».
D’une façon semblable, l’article 11 de la loi sur le mariage et la famille de 1986
disposait : « Les époux ont l’obligation d’être fidèle l’un à l’autre, de s’aimer, de se
respecter, de s’entretenir, de s’entraider vers le progrès, d’observer ensemble la planification
de population. Le mari a l’obligation de favoriser sa femme dans l’exercice des fonctions de
la mère ».
73 NGUYEN Chi Dung, Thực thi pháp luật : nhìn từ góc ñộ Nhà nước, Tạp chí nghiên cứu lập pháp số 9 (44) tháng 9/2004 (La mise en application du droit : approche étatique, Revue des Études législatives n° 9 (44) septembre 2004) ; NGUYEN Thi Hanh, Ban hành « luật khung » hay « luật chi tiết », Tạp chí nghiên cứu lập pháp số 4 (51) tháng 4/2005 (Adopter « la loi de cadre » ou « la loi de précision », Revue des Études législatives n° 4 (51) avril 2005) ; HA Hung Cuong, Hoàn thiện hệ thống pháp luật ñáp ứng yêu cầu xây dựng Nhà nước pháp quyền xã hội chủ nghĩa, Tạp chí nghiên cứu lập pháp số 2 + 3 (139 + 140) tháng 1/2009 (Perfectionner le système juridique en vue de répondre aux exigences de la construction de l’État de Droit socialiste, Revue des Études législatives nos 2 + 3 (139 + 140) janvier 2009). 74 Pour une analyse approfondie de cette pratique législative, cf. NGUYEN Van Cuong, ðạo luật thiếu chế tài - bàn về một thông lệ xây dựng luật ở nước ta hiện nay, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 115 tháng 2/2008 (Le défaut des sanctions dans la loi - discussion sur un usage législatif dans notre pays à l’heure actuelle, Revue des Études législatives n°115 février 2008).
36
À cause des normes trop générales et abstraites, ces règles n’ont pas déterminé
exactement ce que les justiciables avaient à observer. Par conséquent, il était difficile de
conclure s’il y avait ou non une violation de ces dispositions légales dans un cas d’espèce. De
plus, l’observation de celles-ci n’était garantie par aucune sanction.
57. - La présente situation peut s’expliquer par des raisons historiques. La fondation
de l’État démocratique en 1945 était une nouveauté survenant brusquement à une société qui
avait passé plus de mille ans sous le régime féodal. Les valeurs progressistes du nouveau
régime politique et social nécessitaient évidemment du temps pour s’intégrer à la vie
quotidienne des habitants. C’est pourquoi, dans les textes normatifs, le législateur n’a pas
présenté immédiatement des mesures coercitives, mais plutôt des conseils pour guider la
population vers les nouvelles structures familiales, où l’égalité et la démocratie constituaient
des éléments de base. Cette méthode d’intégration avait une durée considérable, tout en
contribuant à construire et à consolider de temps en temps la nouvelle famille vietnamienne.
58. - Pourtant, au fil du temps, la société a évolué, les règles juridiques restant
simplement au niveau de conseil et de guide ne pouvaient plus assurer le bon comportement
de tous les habitants. Cette situation a été clairement découverte et reflétée par la doctrine :
« Sous un autre aspect, dans les dernières années, les activités législatives et la mise en
application de la loi en pratique font naître plusieurs questions à traiter : comment le droit du
mariage et de la famille peut-il entrer dans la vie lorsque ses règles ne sont qu’au niveau de
conseil, d’encouragement sans appui du système des sanctions, surtout celles de nature
civile ? Un époux totalement fautif dans la naissance du contentieux familial bénéficie
néanmoins d’une protection égale à l’autre, son intérêt sera même prioritaire s’il s’agit d’une
femme ! En conséquence, dans plusieurs cas, les règles juridiques deviennent
« astreignantes » ou trop « floues » et ne constituent plus le standard correct des
comportements des gens75 ».
À travers la mise en application de la loi, les professionnels du droit ont également
critiqué la généralité des règles, tel est le cas de la loi sur le mariage et la famille de 1986 :
«Plusieurs dispositions de la loi restent encore au niveau de principe, de haute généralité,
elles manquent des précisions. En tranchant les contentieux matrimoniaux et familiaux, les
tribunaux doivent mettre en application des Résolutions du Conseil des Juges, des rapports
75 Faculté de Droit, Université nationale de Hanoi, op. cit., p.36.
37
annuels du système judiciaire, des actes d’interprétation de la Cour populaire suprême dans
les activités juridictionnelles, afin de combler les lacunes de la législation sur le mariage et la
famille. La mise en application de la loi rencontre donc des difficultés et n’a pas
d’unification76 ».
59. - En adoptant la nouvelle loi sur le mariage et la famille, le législateur souhaite
« concrétiser les droits et obligations des membres de la famille ainsi qu’élever leur
responsabilité mutuelle77 ». Il est vrai que dans la loi de 2000, il y a, enfin, des dispositions
plus précises sur les droits et obligations des intéressés, mais la généralité a encore une
influence nette sur l’ensemble des règles. Sont trouvées encore les expressions totalement
littéraires sans aucune valeur forcée comme celle-ci : « Les époux se doivent mutuellement
fidélité, amour, respect et soins ; ils doivent s'entraider en vue de construire ensemble une
famille prospère, moderne, heureuse et solide78 ». Même dans les règles techniques, il existe
toujours des normes abstraites dont l’interprétation sera difficile, par exemple « des biens
communs ayant une grande valeur ou constituant l'unique source d'existence de la famille79 ».
60. - La généralité des règles entraîne un lourd mécanisme de mise en application. La
loi ne garantit pas elle-même son entrée dans la vie sociale. Cette intégration dépend, en
réalité, des textes d’interprétation relevant de l’autorité réglementaire. Le problème, c’est que
ces textes d’interprétation peuvent être tardifs par rapport à l’entrée en vigueur de la loi80 ; de
plus, il n’y a pas d’interprétations pour toutes les règles générales. Par conséquent, l’autorité
administrative ou le tribunal peut hésiter à procéder à la mise en application d’une règle
quelconque en raison qu’elle est trop abstraite et qu’il faut attendre une interprétation d’ordre
réglementaire. Pour assurer le plus possible leur fonction de juger, les juridictions font
souvent elles-mêmes des actes d’interprétation, soit officiels comme une Résolution du
Conseil des Juges, soit officieux comme des notes d’interprétation ou des rapports annuels.
De toute façon, ces textes ne sont valables qu’à l’intérieur des juridictions. Par ailleurs, un
texte réglementaire adopté plus tard peut quand même les contredire.
76 DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p.9. 77 DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p.14. 78 L’article 18 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 intitulé « Attachement conjugal ». 79 L’article 28, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille de 2000. L’interprétation de cette expression sera exposée dans l’étude sur le logement de la famille ci-après. 80 Par exemple, la loi sur le mariage et la famille de 2000 est entrée en vigueur le 01 janvier 2001. Ce n’était qu’au 03 octobre 2001 que le Décret n° 70/2001/ND-CP disposant la mise en application de la présente loi a été adopté.
38
Cette complexité du droit de la famille vietnamien à cause de la généralité des règles
n’est pas une exception au sein du système juridique vietnamien. En effet, dans un très grand
nombre de domaines, existe depuis toujours la situation où pour être mise en application, la
loi doit être interprétée par le Décret d’application du Gouvernement, tandis qu’un grand
nombre de Décrets eux-mêmes seront encore interprétés par les textes des ministères et des
autorités locales. La présente situation entraîne assez de contradictions entre les textes
d’application et les textes interprétés81.
61. – D’un point de vue comparatif, il convient de constater que, dans le monde entier,
la généralité des règles juridiques est courante, puisque celles-ci restent des prévisions, tandis
que les cas d’espèce sont divers et abondants. Pourtant, dans plusieurs pays tels que la France,
les dispositions légales peuvent être appliquées directement sans aucun texte d’interprétation
car les juges ont un appui de la part de la jurisprudence82. Au Vietnam, l’attente des textes
d’interprétation est encore fréquente parce qu’en quelque sorte, la jurisprudence ne joue qu’un
rôle limité dans la mise en application de la loi83.
B. Le lien strict entre le mariage et la famille
62. - Les textes normatifs vietnamiens instituent une notion de la famille nettement
attachée au mariage. Toutes les lois fondamentales qui se succèdent en la matière s’intitulent
toujours «loi sur le mariage et la famille ». Chaque texte contient des règles sur la formation
du mariage, les rapports entre époux et le divorce, mais aborde rarement les unions hors
mariage.
La présente situation s’explique par le fait que dans la pensée traditionnelle de la
population, le mariage est l’unique union autorisée et acceptée de l’homme et de la femme.
81 HA Hung Cuong, op. cit. 82 En France, il existe trois manières de présenter les dispositions de la loi : - Elles sont reproduites sans adjonction : c’est le cas des Journaux officiels et des Codes d’audience. - Elles sont assorties de gloses analytiques et critiques : c’est le cas des codes commentés. - Elles sont illustrées de références aux études doctrinales et aux applications jurisprudentielles : c’est le cas des Codes annotés. Cf. P. CATALA, Avant-propos de la première édition, dans Code civil Litec, 2010, 29e éd. par L. LEVENEUR, Lexis Nexis Litec 2009, p. XIII. Les deux publications du Code civil français, qui sont actuellement commercialisées par les Maisons d’édition Litec et Dalloz, font partie de la troisième catégorie précitée. Par ailleurs, la jurisprudence est encore accessible par internet (par exemple, le site www.legifrance.fr) et par des chroniques dans des revues de droit abondantes. De toute façon, rappelons que le juge français n’est pas permis d’attendre un certain texte d’interprétation : selon l’article 4 du Code civil, il doit juger malgré le silence, l’obscurité ou l’insuffisance de la loi 83 Cf. infra, nos 64-68.
39
Les conditions de la reconnaissance d’un mariage légitime peuvent se diversifier, mais il faut
obligatoirement que les deux membres du couple s’unissent dans un mariage légitime. La
famille sera examinée à partir de ce mariage84.
Depuis quelques temps, après que la loi sur le mariage et la famille durcit les
conditions de la formation du mariage, la question des unions hors mariage se pose vivement.
Dans la société, les contentieux entre membres de l’union libre se montrent pressants. C’est
pourquoi, la législation essaie déjà d’y fournir quelques réglementations85. Pourtant,
globalement, dans la théorie juridique ainsi que dans les activités législatives et judiciaires,
l’idée que les affaires familiales s’attachent strictement au mariage empiète encore sur les
pensées d’une union maritale hors mariage.
§2 : Les caractéristiques de la mise en application du droit de la famille
63. - Dans la mise en application de la loi, la contribution des expériences acquises par
le système judiciaire est très importante, mais la place de ces connaissances pratiques reste
encore discutable (A). Par ailleurs, vu la tradition culturelle vietnamienne, il faut toujours
prendre en compte le rôle des règles d’ordre moral et coutumier (B).
A. Le rôle modeste de la jurisprudence
64. - Dans la théorie du droit vietnamien contemporain, les règles écrites, regroupées
dans les actes normatifs, occupent une place absolue. Les actes normatifs sont considérés
comme la source unique du droit86. La jurisprudence n’est pas officiellement reconnue comme
une source du droit, les débats juridiques concernant son rôle sont en cours87. Par conséquent,
84 Il est dit qu’au Vietnam, le mariage est considéré comme le rapport fondamental sur lequel s’établit la vie familiale. Cf. LE Thi, op. cit., p. 8-9. 85 Cf. infra, n° 624 - 637. 86 HOANG Van Tu, Giải thích pháp luật - một số vấn ñề cơ bản về lý luận và thực tiễn ở Việt Nam, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 10 (126) tháng 7/2008 (L’interprétation du droit – certaines questions fondamentales au plan théorique et pratique au Vietnam, Revue des Études législative n° 10 (126) juillet 2008). 87 NGUYEN Thi Hoi, Các loại nguồn của pháp luật Việt Nam hiện nay, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 12 (128) tháng 8/2008 (Les sources du droit vietnamien à l’heure actuelle, Revue des Études législatives n° 12(128) août 2008). Les professionnels de droit insistent depuis toujours sur le rôle important des antécédents judiciaires dans la mise en application des dispositions légales. Cf. HOANG The Lien, Sửa ñổi, bổ sung Bộ luật dân sự - Một yêu cầu bức xúc hiện nay, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 2 tháng 3/2001 (La modification et l’amendement du Code civil – une exigence pressante à l’heure actuelle, Revue des Études législatives n°2 mars 2001) ; NGUYEN Nhu Phat, « Tư pháp dân sự » - mấy vấn ñề lý luận và thực tiễn, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 3 tháng 4/2001 («Justice civile » - certaines questions théoriques et pratiques, Revue des Études législatives n°3 avril 2001). Selon certains juges de la Cour populaire suprême, face aux contentieux concernant le droit d’usage des fonds de terre et le droit de propriété des locaux d’habitation, il est nécessaire de reconnaître la jurisprudence comme une
40
les jugements et décisions rendus par les juridictions ne sont pas cités pour motiver la plainte
des intéressés ainsi que les décisions judiciaires ultérieures. Malgré la généralité des lois et la
valeur d’interprétation des décisions judiciaires, la jurisprudence au sens propre du terme
français88 n’est pas une source du droit au Vietnam. Autrement dit, ni les justiciables, ni les
juges ne peuvent, d’une façon officielle et explicite, faire référence aux décisions judiciaires
antérieures pour traiter une question de droit quelconque.
65. - En principe, tous les jugements et décisions des tribunaux sont prononcés en
public89. Pourtant, à défaut d’un système de publication de grand public dans ce domaine,
l’accès à ces textes pour ceux qui ne sont pas intéressés dans les affaires, tels que les
chercheurs, devient difficile. Les professionnels de droit n’ont pas donc l’occasion de faire
des chroniques judiciaires ponctuelles pour en tirer les nouvelles interprétations des questions
de droit réalisées par les tribunaux. En pratique, cette situation peut être réparée par certaines
mesures différentes, grâce auxquelles les décisions judiciaires montrent relativement leur
valeur jurisprudentielle.
66. - Premièrement, il est possible de se tenir au courant de l’actualité judiciaire en
poursuivant des journaux et revues de droit, qui sont à la plupart mensuels en ce moment, ou
encore des ouvrages des auteurs particuliers. Dans ces œuvres, les journalistes ou auteurs
citent des affaires jugées par les tribunaux, résument les décisions qui en sont issues et les
commentent éventuellement. Ce moyen d’accès a un avantage relatif à l’actualité, mais il
contient en même temps de gros inconvénients. D’abord, il manque une systématisation et
une classification des questions de droit interprétées. Ensuite, les articles de journaux sont
destinés à l’information de l’actualité plutôt qu’à une discussion de droit approfondie ; c’est
pourquoi, le contexte de l’affaire et la valeur d’interprétation de la décision judiciaire ne sont
pas détaillés. Enfin, globalement, il ne faut pas beaucoup attendre des articles qui apparaissent
par hasard sans critère sélectif préalable et qui sont écrits dans plusieurs cas par des auteurs
non juristes.
source du droit civil et d’autoriser son application en pratique. Cf. TUONG Duy Luong, NGUYEN Van Cuong, Tình hình khiếu kiện và giải quyết tranh chấp liên quan ñến quyền sử dụng ñất, quyền sở hữu nhà tại Toà án nhân dân, Tạp chí Khoa học pháp lý số 4/2003 (La situation des plaintes et le traitement des contentieux concernant le droit d’usage des fonds de terre, le droit de propriété des locaux d’habitation devant les Tribunaux populaires, Revue de la Science juridique n°4/2003). 88 En France, la jurisprudence est « la solution suggérée par un ensemble de décisions suffisamment concordantes rendues par les juridictions sur une question de droit ». Cf. Lexiques des termes juridiques, op. cit., p. 343. 89 L’article 15 du Code de procédure civile de 2004.
41
67. - Deuxièmement, il est nécessaire de consulter la publication officielle des
décisions judiciaires par l’autorité compétente. En réalité, il y a une publication d’un certain
nombre de décisions du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême dans un numéro
spécial de la Revue « Tribunal populaire90 » en 2004.
Le préliminaire du présent ouvrage explique: « La publication des jugements et
décisions des tribunaux (notamment les décisions du Conseil des Juges de la Cour populaire
suprême) apportera des résultats tout à fait importants, donc : aider les tribunaux de faire
une application uniforme de la loi dans leurs activités juridictionnelles et d’élever la qualité
de leurs décisions et jugements ; faire connaître aux justiciables le résultat du traitement
judiciaire, pour qu’ils puissent résoudre eux-mêmes les affaires semblables et alléger ainsi la
charge des tribunaux ; aider les avocats, les chercheurs, les enseignants et les étudiants dans
les universités ainsi que tout le public en général d’avoir des connaissances pratiques. La
publication des décisions judiciaires sert également à la découverte des défauts dans les
textes normatifs, celle qui entraînera ensuite la modification et le complément de ces textes.
Sous un autre aspect, la publication des décisions judiciaires répond aux exigences de
l’intégration internationale de notre pays à l’heure actuelle. Comme nous tous savons, l’une
des exigences de l’Organisation mondiale de commerce (WTO) est que les décisions de la
plus haute juridiction doivent être publiées ou accessibles pour le public91 ».
En ce qui concerne le fond, dans cet ouvrage, à la suite de chaque décision judiciaire
citée, il y a une note des questions de droit importantes interprétées par celle-ci. Ainsi, le
présent recueil est la première publication des décisions judiciaires au Vietnam qui a des
ressemblances avec celles des pays occidentaux. Récemment, la Cour populaire suprême a
publié encore deux recueils des arrêts du Conseil des Juges rendues en 2005 et 200692.
90 La Revue « Tribunal populaire » est une revue de droit appartenant à la Cour populaire suprême. 91 Tạp chí Toà án nhân dân - Toà án nhân dân tối cao, Quyết ñịnh giám ñốc thẩm của Hội ñồng Thẩm phán Toà án nhân dân tối cao, ðặc san năm 2004, Quyển I (Các quyết ñịnh giám ñốc thẩm về Dân sự ; Kinh doanh, thương mại ; Lao ñộng năm 2003 – 2004) (Revue Tribunal populaire - Cour populaire suprême, Décisions en matière de supervision du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême, n° spécial 2004, Livre I (Les décisions en matière de supervision dans les domaines civil, commercial, prud’homal pendant les deux années 2003 - 2004), p. 10. 92 Cité selon DO Van Dai, DO Van Kha, Án lệ trong pháp luật thực ñịnh Việt Nam, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 12 (128) Tháng 8/2008 (La jurisprudence en droit positif vietnamien, Revue des Études législatives n°12 (128) août 2008). Les 243 arrêts du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême rendus dans les quatre années de 2003 à 2006 peuvent être actuellement consultés dans le site d’internet de celle-ci à l’adresse : http://www.toaan.gov.vn/portal/page/portal/tandtc/545500/cbba
42
68. - Troisièmement, il est indispensable de recourir aux Résolutions du Conseil des
Juges de la Cour populaire suprême93. Selon l’article 17 de la loi n° 17/2008/QH12 du 03 juin
2008 sur l’adoption des textes normatifs, ces Résolutions sont adoptées afin de guider les
tribunaux vers l’application uniforme du droit. Par cette catégorie de texte, le Conseil des
Juges interprète des questions de droit importantes, de grande fréquence dans les activités
juridictionnelles, qui nécessitent une application synchrone par les juges. Ces textes répondent
ainsi aux besoins des tribunaux d’une interprétation uniforme de la loi. En effet, les
Résolutions du Conseil des Juges doivent être strictement observées par les juridictions
inférieures, à peine de l’annulation de leurs décisions de justice. Au Vietnam, ces Résolutions
sont bien particulières : elles sont des actes normatifs, mais elles sont faites uniquement par
les juges ; leurs contenus résultent, dans une large part, de la pratique judiciaire elle-même ;
leur but est de servir exactement les activités juridictionnelles des tribunaux. Ainsi, c’est grâce
aux Résolutions du Conseil des Juges que la jurisprudence a la plus grande influence sur la
mise en application de la loi94.
B. La prise en compte des règles morales et coutumières
69. – Dans le domaine civil, notamment en ce qui concerne le droit de la famille, le
législateur vietnamien prend en compte toujours le rôle des règles d’ordre moral et coutumier
en concertation avec la réglementation juridique95. La contribution de ces règles
traditionnelles peut être examinée à deux niveaux.
93 L’article 21 de la loi sur l’organisation judiciaire dispose : « Le Conseil des Juges de la Cour populaire suprême détient le pouvoir juridictionnel suprême en matière de supervision et de révision. Il est chargé en outre de garantir l’application uniforme de la loi par les cours et tribunaux ». 94 Il y a une grande différence de nature entre les arrêts de la Cour de cassation en France et ceux du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême au Vietnam. La Cour de cassation n’examine que les éléments de droit d’une affaire dans laquelle une partie a fait un pourvoi en cassation, afin de voir s’il y a une application incorrecte de la loi par la juridiction dont la décision judiciaire est attaquée. On peut ainsi trouver dans les arrêts de la Cour de cassation le traitement des questions de droit. Le Conseil des Juges de la Cour populaire suprême ainsi que toute autre juridiction de supervision vietnamienne, dans la procédure de supervision, examinent tous les éléments de fait et de droit d’une affaire, comme un contrôle interne du système judiciaire, pour voir s’il y a une violation grave de toute disposition légale dans le traitement de l’affaire par la juridiction dont la décision judiciaire est attaquée (sur ce point, cf. NGUYEN Thi Phuong, Giám ñốc thẩm - Xét chứ không xử, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 13 (150) tháng 7/2009 (La procédure de supervision - Examiner mais non pas juger, Revue des Études législative n°13 (150) juillet 2009). Pour cette raison, les interprétations des dispositions légales ne sont pas toujours claires dans les arrêts de supervision. La jurisprudence au sens de la science juridique française, au Vietnam, se concentre alors dans les Résolutions du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême. Celles-ci fournissent d’une manière expresse et systématique des interprétations faites par les juges portant sur les dispositions légales. 95 Sur le rôle de la moralité et de la coutume envers le droit au Vietnam, cf. HOANG Thi Kim Que, Tác ñộng của nhân tố phi kinh tế trong ñời sống pháp luật ở nước ta, Tạp chí nghiên cứu lập pháp số 8 tháng 8/2001 (L’influence des éléments extra-économiques dans la vie juridique de notre pays, Revue des Études législatives
43
70. – En premier lieu, le respect des belles valeurs de la tradition est réputé comme
une exigence de la réglementation juridique.
En effet, l’article 8 du Code civil de 2005 institue le principe du respect de la morale,
des bonnes moeurs et des traditions :
« La constitution et l'exercice des droits civils, la création et l'exécution des
obligations civiles ne peuvent porter atteinte à l’identité nationale, doivent respecter et
promouvoir les bonnes moeurs, les coutumes, les traditions de solidarité et de fraternité et le
principe “chacun pour la communauté, la communauté pour chacun” ainsi que les valeurs
morales prééminentes des différentes ethnies résidant ensemble sur le territoire vietnamien.
Les minorités ethniques bénéficient des conditions favorables dans les rapports civils
afin que soit progressivement élevé leur niveau de vie sur les plans matériel et spirituel.
L’aide aux vieillards, aux enfants et aux infirmes, dans l’exercice de leurs droits et
obligations civils, est encouragée96 ».
La loi sur le mariage et la famille de 2000 déclare, dès son préliminaire, qu’elle est
adoptée « afin de valoriser le rôle de la famille dans la société, de préserver et de faire valoir
les belles traditions et les bonnes mœurs et coutumes du peuple vietnamien, d'éliminer les
mauvais usages et coutumes en matière matrimoniale et familiale ». L’article 1er de la même
loi affirme que celle-ci a pour mission « d'hériter et de valoriser les belles traditions morales
de la famille vietnamienne ». Pour la responsabilité de l’État et de la société en matière
matrimoniale et familiale, l’article 3 de cette loi dit que l’État « encouragera la population à
éliminer les mauvaises coutumes en matière familiale et matrimoniale, à faire valoir les belles
traditions et les bonnes coutumes traduisant l'identité nationale ou ethnique ». Ces principes
généraux sont mis en œuvre en détail par le Décret n° 32/2002/ND-CP du 27 mars 2002 du
Gouvernement instituant la mise en application de la loi sur le mariage et la famille aux
ethnies minoritaires.
Dans la pratique judiciaire, les tribunaux prennent en compte toujours la coutume
régionale dans chaque cas d’espèce, surtout pour concilier les parties. Les juges ont des
n° 8 Août 2001) ; NGUYEN Minh Doan, Tập tục với pháp luật, Tạp chí nghiên cứu lập pháp số 12 (35) tháng 12/2003 (La coutume et le droit, Revue des Études législatives n° 12 (35) décembre 2003). 96 Ce principe a même été institué dans le Code civil de 1995, à l’article 4.
44
mesures souples dans le renseignement juridique et dans la façon dont ils parlent aux parties.
Ces techniques judiciaires sont indispensables pour une décision judiciaire convaincante, qui
fournit en même temps une éducation juridique efficace.
71. – En second lieu, dans certaines circonstances particulières, les règles morales et
coutumières peuvent directement s’appliquer à un rapport juridique97.
L’article 6 de la loi sur le mariage et la famille de 2000, qui est intitulé « Application
des usages et coutumes en matière matrimoniale et familiale », dispose : « Dans les relations
conjugales et familiales, les usages et coutumes traduisant l'identité nationale ou ethnique qui
ne sont pas contraires aux principes établis par la présente loi sont respectés et valorisés ».
C’est la première fois en droit de la famille vietnamien que l’application des règles
coutumières à un rapport social est explicitement reconnue et régie98. Il est vraisemblable que,
selon l’idée du législateur, les usages et coutumes peuvent voir leur application même s’il y a
déjà des dispositions légales qui régissent le rapport en cause. La loi peut laisser la place aux
règles coutumières qui ne la contredisent pas.
D’une façon systématique, le Décret n° 32/2002/ND-CP précité contient deux
annexes. Dans le premier, le Gouvernement cite de beaux usages et coutumes en matière
matrimoniale et familiale qui sont encouragés et valorisés99. Dans le second, se trouvent les
usages et coutumes arriérés qui sont strictement interdis100, ainsi que ceux auxquels il faut
faire des propagandes en vue de leur suppression101.
97 À l’article 2.7.b, Partie II de la Résolution n° 04/2005/NQ-HDTP du 17 septembre 2005, le Conseil des Juges de la Cour populaire suprême définit la coutume en tant qu’une source de preuve dans la procédure civile : « La coutume s’entend de l’usage qui devient déjà une habitude dans la société, la production et la vie quotidienne, et qui est reconnu et obéi par la communauté du lieu où il existe comme une convention communautaire ». 98 L’application des règles coutumières à défaut de dispositions légales en matière matrimoniale et familiale faisait l’objet des vives discussions pendant l’élaboration de la nouvelle loi sur le mariage et la famille, cf. NGUYEN Tan Thanh, Một số vấn ñề mới trong dự án luật hôn nhân và gia ñình (sửa ñổi), Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 2/2000 (Certaines nouvelles questions dans le projet de la loi sur le mariage et la famille (modifiée), Revue des Études législative n°2/2000). Cette nouvelle règle a été enfin adoptée ; le législateur a même abandonné la condition « à défaut de dispositions légales », c’est pourquoi les coutumes et usages, tant qu’ils ne sont pas contraires aux principes établis par la loi sur le mariage et la famille, peuvent s’appliquer à des cas d’espèces. 99 Par exemple, la coutume selon laquelle à la suite du mariage, par l’arrangement et l’accord des deux familles d’origine, les époux peuvent cohabiter avec la famille d’origine de l’un d’eux. 100 Par exemple, la bigamie. 101 Par exemple, la coutume selon laquelle suite au décès de l’époux, l’épouse n’a pas le droit à la succession de celui-ci ; si la conjointe survivante se remarie, elle ne bénéficiera d’aucun bien familial.
45
Il faut encore noter que l’article 3 du Code civil de 2005102 ne prévoit l’application de
la coutume qu’à défaut des dispositions légales et de l’accord commun des parties, mais celle-
ci ne doit pas être en contradiction avec les principes institués dans le même Code103. Ainsi,
les conditions de l’application des règles coutumières fixées par le Code civil sont plus
étroites que celles dans la loi sur le mariage et la famille : la coutume n’est applicable qu’à
défaut des dispositions légales et de tout autre accord des parties104. Cette règle du Code civil,
qui est considéré comme générale pour tous les rapports civils mais qui est plus tardive que
celle de la loi sur le mariage et la famille105, limite l’application des règles coutumières au
profit des dispositions légales, ce qui n’est pas le cas dans ladite loi. Néanmoins, de toute
façon, pour tout rapport matrimonial et familial, c’est toujours la loi sur le mariage et la
famille qui s’applique au premier106.
* * *
102 Cf. supra, n° 53. 103 Pour l’application de la coutume en pratique, cf. Y Nha, NGUYEN Loc, Y Phi, Giải quyết tranh chấp dân sự trong luật tục Ê ñê – M’nông, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 2 tháng 3/2001 (Le traitement des contentieux civils dans les coutumes d’Ede et de M’nong, Revue des Études législatives n°2 mars 2001) ; NGUYEN Thi Tuyet Mai, Tập quán pháp và việc thực hiện nguyên tắc áp dụng tập quán trong Bộ luật dân sự năm 2005, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 5(142) tháng 3/2009 (La coutume et l’exécution du principe d’application de la coutume dans le Code civil de 2005, Revue des Études législatives n° 5 (142) mars 2009). 104 En France, la coutume peut s’appliquer dans trois directions différentes. En premier lieu, la loi renvoie à la coutume l’interprétation de certains termes généraux ou des droits et obligations des parties d’un rapport de droit. En deuxième lieu, la coutume s’applique à défaut de la loi. En troisième lieu, il y a des concurrences d’application entre la loi et la coutume dans une affaire d’espèce ; la supériorité appartient en théorie donc à la loi, mais la coutume peut quand même l’emporter sur celle-ci si elle se consolide avec le temps. Cf. G. CORNU, Droit civil Introduction au droit, op. cit., nos 433-436, p. 225-226. Ph. MALAURIE, P. MORVAN, op. cit., nos 323-329, p. 249-257. 105 Cette règle n’a pas apparu dans le Code civil de 1995 ; elle n’a été insérée que dans la nouvelle version du Code en 2005. 106 Au Vietnam, la doctrine affirme que, s’il y a des règles différentes dans le Code civil et dans une loi spécialisée sur la même question, il faudra appliquer la loi spécialisée ; à l’inverse, si une question n’est pas encore régie par la loi spécialisée, elle sera traitée par les règles du Code civil. Cf. DOAN Nang, Mối quan hệ giữa Bộ luật dân sự với các luật chuyên ngành và giữa các luật chuyên ngành với nhau, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 4 (51) tháng 4/2005 (Le rapport entre le Code civil et les lois spécialisées et celui entre les lois spécialisées, Revue des Études législatives n° 4 (51) avril 2005) ; Phòng thương mại và công nghiệp Việt Nam, Quan hệ giữa Bộ luật dân sự (sửa ñổi) với luật chuyên ngành : riêng ñến tận cùng, chung như có thể, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 5 (52) tháng 5/2005 (Chambre de commerce et d’industrie du Vietnam, Le rapport entre le Code civil (modifié) et les lois spécialisées, Revue des Études législatives n° 5 (52) mai 2005).
46
CONCLUSION DU CHAPITRE : 72. - En droit vietnamien contemporain, les textes
normatifs régissant les rapports familiaux, notamment les lois successives sur le mariage et la
famille, occupent toujours une place considérable au sein des activités législatives. Avec sa
naissance précoce et son champ de réglementation spécialisé, le droit de la famille est
relativement indépendant par rapport à d’autres domaines du système juridique. Par ailleurs,
le droit de la famille reflète les caractéristiques du système juridique vietnamien, dont la
généralité des règles, le rôle encore modeste de la jurisprudence, la prise en compte des règles
morales et coutumières. Sur le fond, le droit de la famille vietnamien est encore nettement
influencé par la pensée sociale concernant le rapport strict entre le mariage et la famille.
Ces connaissances globales du droit de la famille vietnamien contemporain permet de
mieux découvrir la problématique du logement de la famille. Le statut de ce bien familial
important aura des contributions considérables au perfectionnement des dispositions légales
régissant la vie familiale.
47
PREMIÈRE PARTIE
LE LOGEMENT DE LA FAMILLE
EN TEMPS ORDINAIRE DE L’UNION
73. - Dans la famille contemporaine, pratiquement, la notion du logement familial se
construit au tour de la position centrale des époux. En effet, de plus en plus, le nombre de
grandes familles où s’unissent plusieurs générations se baisse, tandis que les familles
nucléaires où il n’y a que les deux époux et leurs enfants augmentent. Dans ce dernier modèle
de la famille, les époux en sont les fondateurs, les droits qui assurent le logement familial sont
donc principalement arrangés par eux. En conséquence, sous l’aspect juridique, la protection
de ce local d’habitation se trouve d’abord dans le rapport patrimonial entre époux. Il faut
prendre en compte encore, bien évidemment, les intérêts légitimes des autres personnes
concernées, les enfants par exemple, puisque la famille est une entité unifiée, mais cet aspect-
là peut être considéré comme un élément complémentaire. L’effectivité de la protection du
logement familial dépend tout d’abord de la réglementation juridique sur ceux qui ont le droit
d’en disposer : ce sont, dans la majorité des cas, des époux.
74. - À ce point, il est nécessaire de remarquer que l’homme et la femme, qui
cohabitent et qui ont des enfants communs, n’ont pas toujours la qualité d’époux au sens des
dispositions légales. À l’heure actuelle, les qualités de femme et de mari sont réservées à ceux
qui ont fait l’enregistrement du mariage devant l’autorité compétente ; ceux qui ne l’ont pas
fait ne sont pas reconnus comme époux conformément aux dispositions légales. Pourtant, la
vie commune de caractère familial, que les individus ont fondée, peut toujours bénéficier
d’une certaine reconnaissance sociale sans tenir compte de toute formalité légale. C’est
pourquoi, afin de désigner en général toutes ces personnes qui mènent une vie maritale,
plusieurs systèmes doctrinaux européens, tels que celui de la France, utilisent le mot
« couple ». Ce terme n’est pas encore courant dans la science juridique vietnamienne, mais il
devient de plus en plus fréquent dans le langage de la vie quotidienne107. Ainsi, d’un point de
vue réaliste, il convient de dénommer l’institution de base de la famille non pas par le mot
107 “Couple” peut être traduit en vietnamien par “cặp ». Devant la tendance de cohabitation sans enregistrement des jeunes, surtout des étudiants et des salariés dans les grandes villes, ce mot tend à signifier tous les participants de la vie maritale, qu’ils soient époux ou non.
48
« mariage », mais par le terme « union » ; il est également raisonnable d’appeler les
fondateurs de la vie familiale d’aujourd’hui non pas seulement par le mot « époux », mais par
un terme plus général : « couple ».
75. – Suite à ces analyses préliminaires, la protection du logement familial en temps
ordinaire de l’union familiale sera examinée sous deux aspects : le rapport patrimonial entre
les deux membres du couple (Titre I) et celui entre d’autres membres de la famille (Titre II).
49
TITRE I
LE COUPLE
76. - Au Vietnam, à partir du 1er janvier 2001, la date d’entrée en vigueur de la
nouvelle loi sur le mariage et la famille108, les couples non mariés ne sont pas reconnus par les
dispositions légales. À condition que ses participants ne soient pas concernés par d’autres
mariages valables, l’union libre n’était jamais interdite dans le droit vietnamien
contemporain109. Pourtant, la solution juridique est maintenant claire : ces concubins ne sont
pas époux, ils n’ont pas donc des droits et obligations résultant de cette qualité.
Dans cette étude, le fait que la protection juridique du logement familial est examiné
au sein du couple en général et non pas dans la limite du couple marié n’a pas pour but de
contredire la disposition légale précitée. Il s’agit simplement d’un point de vue réaliste devant
une réalité sociale qui produit, de plus en plus, des questions juridiques compliquées à l’heure
actuelle et dans les années à venir.
Ainsi, dans la vie de couple, le logement familial sera traité différemment selon qu’il
s’agisse du couple marié (Chapitre I) ou du couple non marié (Chapitre II).
108 La loi n° 22/2000/QH10 du 09 juin 2000 sur le mariage et la famille, dont la date d’entrée en vigueur est le 1er janvier 2001. 109 La législation qui existe au Vietnam à compter du 02 septembre 1945, date de la déclaration d’indépendance, jusqu’à l’heure actuelle.
51
CHAPITRE I
LE COUPLE MARIÉ
77. - La réglementation juridique vietnamienne portant sur la formation et la
reconnaissance du mariage, ou plus exactement, sur la reconnaissance du rapport conjugal110,
a une longue histoire. Cette question a passé plusieurs débats juridiques animés, pour arriver
au principe de l’enregistrement du mariage institué par la nouvelle loi sur le mariage et la
famille. Au Vietnam à l’heure actuelle, la distinction entre le mariage et l’union libre est
définitive ; cette distinction est décisive pour le traitement de tous les rapports familiaux dans
chaque union d’espèce.
Pour cette raison, il convient de connaître les critères des couples mariés ou considérés
comme mariés légitimement (Section préliminaire). Ensuite, la réglementation juridique
relative au logement familial au sein du couple marié sera étudiée, sur la technique législative
(Section I) ainsi que sur le contenu précis des dispositions légales (Section II).
SECTION PRÉLIMINAIRE : LA NOTION DU COUPLE MARIÉ
78. - Le mariage est, traditionnellement, l’union la plus courante des deux personnes
de sexe différent. Sur la base du mariage, la famille se crée et les générations se succèdent. La
vie sociale continue ainsi. L’État, en tant qu’administrateur de la société, met toujours ses
mains sur la formation du mariage, par des moyens divers.
Le Vietnam ne se trouve pas en dehors du présent chemin universel. En droit
vietnamien, la notion du couple marié se construit par un principe rigide (§1), mais avec, par
contre, des exceptions souples (§2).
§1 : Le principe : l’enregistrement du mariage.
79. - L’enregistrement du mariage, qui exige l’accomplissement des formalités
solennelles par les intéressés, est une tradition du système juridique vietnamien. Il convient
110 Au Vietnam, le mariage légitimement contracté n’est que l’une des bases du rapport conjugal. Ce dernier peut être encore reconnu à un certain nombre de personnes qui mènent une vie commune de fait, dans des circonstances particulières. Cf. infra, nos 85 - 86.
52
d’en voir les éléments dispersés dans les anciens droits (A), ainsi qu’une systématisation en
droit positif (B).
A. L’enregistrement du mariage avant 1945
80. - Le droit vietnamien ancien, en se fondant sur les usages des habitants et le
confucianisme du régime féodal dominant, instituait des rites rigides de la formation du
mariage. Au titre d’exemple, sous la dynastie des LE au XVe siècle, la formation du mariage
devait passer les procédés suivants : la négociation du mariage, les fiançailles, la livraison de
la corbeille de mariage, la réception de la mariée dans la famille du marié111. Le mariage était
inscrit dans un registre par l’officier de l’état civil 112. Pendant cette période, pratiquement, ces
formalités rituelles strictes qui se passaient en public, avec presque toujours la présence des
fonctionnaires de base (tels que le chef du village), constituaient la garantie de la légitimité du
mariage113.
Les formalités rituelles et l’enregistrement du mariage ont été consolidés pendant la
période de la colonisation française (1858-1945). Selon les dispositions légales à cette
époque, les parents du mari devaient livrer la corbeille de mariage au domicile des parents de
la femme pour y faire une célébration officielle. De plus, pour être valide, le mariage devait
être déclaré devant l’officier de l’état civil114.
Ainsi, en ce qui concerne l’attitude de l’État sur l’union conjugale, l’idée
directrice était la publicité et le formalisme de la formation du mariage. L’union libre n’a
toujours jamais été reconnue et subissait assurément les critiques sévères du public.
111 Viện nghiên cứu khoa học pháp lý - Bộ Tư pháp, Một số vấn ñề về pháp luật dân sự Việt Nam từ thế kỷ XV ñến thời Pháp thuộc, Nhà xuất bản chính trị quốc gia 1998 (L’Institut des recherches de la science juridique - Ministère de la Justice, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle à la période de colonisation française, La Maison des éditions politiques nationales 1998), p. 100. 112 Faculté de Droit, Université nationale de Hanoi, op. cit., p. 110. 113 Même à l’heure actuelle, quand les rites traditionnels de la formation du mariage ne sont pas juridiquement obligatoires, ils sont tout à fait importants au point de vue social. Il y en a trois rites principaux : l’entrevue des fiancés, la célébration des fiançailles, la célébration du mariage (cf. LE Thi, op. cit., p. 29). Cette dernière est considérée comme la présentation du couple à la société. L’enregistrement du mariage auprès de l’autorité compétente peut être effectué par les intéressés avant ou après cette célébration. 114 L’Institut des recherches de la science juridique - Ministère de la Justice, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle à la période de colonisation française, op. cit., p.114.
53
B. L’enregistrement du mariage à partir de 1945
81. - L’enregistrement du mariage, un moyen efficace de l’administration de l’état
civil, est maintenu dans les textes normatifs du nouvel État vietnamien à partir de 1945.
Dès la première loi sur le mariage et la famille adoptée en 1959, le législateur a
institué l’enregistrement du mariage comme l’unique formation légitime du mariage. L’article
11 de la présente loi disposait :
« Le mariage doit être reconnu et enregistré dans le registre de mariage par le Comité
administratif de base du domicile de l’homme ou de la femme
Aucune autre formalité de mariage n’est juridiquement valable ».
La loi sur le mariage et la famille de 1986, dans son article 8, fournissait une étendue
plus large des autorités compétentes pour l’enregistrement du mariage :
« Le mariage est reconnu et enregistré dans le registre de mariage selon les formalités
étatiques par le Comité populaire de la commune, du quartier urbain, du bourg du domicile
de l’un des mariés115.
Le mariage des citoyens vietnamiens à l’étranger est reconnu par l’organe de
représentation diplomatique de la République socialiste du Vietnam.
Toute autre formalité de mariage n’a pas de valeur juridique ».
Héritant ces règles, l’article 11, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000
affirme :
« Le mariage doit être enregistré par l'administration compétente (dénommée ci-après
"autorité d'enregistrement du mariage116") suivant les formalités prévues à l'article 14 de la
présente loi117.
115 Au Vietnam, le Comité populaire de la commune, du quartier urbain ou du bourg est l’autorité administrative de base. 116 L’article 12 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Le Comité populaire de la commune, du quartier urbain ou du bourg du lieu de domicile de l'un des deux intéressés est l'autorité d'enregistrement du mariage. Les services de représentation diplomatique, les services consulaires vietnamiens à l'étranger sont compétents pour enregistrer le mariage entre citoyens vietnamiens résidant à l'étranger ».
54
Toutes les formalités relatives au mariage contraires aux dispositions de l'article 14
de la présente loi n'ont pas de valeur juridique.
Un homme et une femme vivant en concubinage ne sont pas reconnus par la loi
comme couple marié.
L'enregistrement est obligatoire pour le mariage en secondes noces ».
Avec toutes les dispositions légales précitées, depuis des dizaines d’années, le principe
est clair : un couple marié signifie que le mariage de ses deux membres est reconnue et
enregistrée par une autorité administrative compétente. La loi sur le mariage et la famille en
vigueur arrive même à nier expressément le rapport conjugal entre les deux membres de
l’union libre. Néanmoins, la mise en application de ces règles ne s’arrête pas à un tel principe
simple et rigide. Pour plusieurs raisons historiques, ledit principe du droit vietnamien réserve
des exceptions.
§2 : L’exception de la période de transition : la vie conjugale stable sans
enregistrement
82. - En droit vietnamien contemporain, même si la règle sur l’enregistrement du
mariage s’est construite et puis s’est formellement consolidée à travers les textes normatifs,
elle n’a pourtant pas été toujours parfaitement observée en pratique. Par conséquent, il y a,
depuis également des dizaines d’années, de nombreux problèmes concernant la détermination
du rapport conjugal dans chaque cas d’espèce. Il est nécessaire de comprendre le contexte
social dans ce domaine (A), et puis de connaître la solution législative actuelle (B).
A. Le contexte social
83. - L’inobservation de l’enregistrement du mariage constitue l’une des grandes
questions pratiques du droit de la famille vietnamien. En ce qui concerne ce phénomène, deux
raisons principales peuvent être mentionnées.
117 L’article 14 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : «Les deux intéressés doivent se présenter lors de la célébration du mariage. Un représentant de l'autorité d'enregistrement du mariage demande aux intéressés d'échanger leurs consentements. À la suite de l'échange des consentements, l'autorité d'enregistrement délivre l'acte de mariage aux intéressés ».
55
Sous l’aspect objectif, à cause de la guerre, les affaires de l’état civil n’ont pas été
toujours bien faites : absence d’officier spécialisé, perte du registre, etc. Un grand nombre de
gens se sont mariés avec seulement le témoignage de l’organe étatique auquel ils
appartenaient, des voisins, des amis, etc. Ils faisaient éventuellement une célébration
traditionnelle du mariage, mais sans toute autre formalité légale. Lorsque la communauté de
vie a passé un certain temps, les intéressés ne pensaient plus à officialiser leur union par
l’enregistrement du mariage, même s’il était alors possible pour eux de le faire118.
Sous l’aspect subjectif, jusqu’à l’heure actuelle, la conscience juridique d’un certain
nombre d’habitants reste à un niveau assez bas. Ces individus se marient donc seulement
selon les rites coutumiers et religieux. Ils ne trouvent pas la signification et l’importance de
l’enregistrement du mariage auprès de l’autorité compétente. Parfois, ils ne connaissent même
pas les règles juridiques dans ce domaine119.
84. - Dans ces deux cas, au plan social, les personnes en cause se comportent comme
vrais époux : faire naître des enfants, remplir les obligations familiales, se présenter à la
société comme mari et femme. Lorsqu’un litige se produit dans leur vie commune et ils
veulent se séparer, ils adressent presque automatiquement une demande de divorce au
tribunal. Pour une raison ou une autre, ils n’ont pas eu l’enregistrement légal de leur union,
mais ils ont envie toujours d’une intervention judiciaire pour leur séparation ! Évidemment,
face à ces demandes, les juridictions rencontrent des difficultés, tandis qu’ils doivent se
débrouiller pour rendre leurs décisions judiciaires. La notion « mariage de fait120 » a été donc
construite par la doctrine et par la pratique juridictionnelle, pour désigner la vie maritale
stable sans enregistrement du mariage, menée par un homme et une femme. En tout cas, le
mariage de fait n’était qu’une mesure temporaire que les juges ont mise en œuvre pour traiter
des contentieux en la matière. Les débats juridiques concernant cette notion étaient bien
animés pendant longtemps121.
118 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. I - La famille, op. cit., n°97, p. 100-101. 119 Jusqu’à l’heure actuelle, la propagande et la divulgation du droit en général et du droit de la famille en particulier rencontrent toujours des difficultés et empêchements, notamment dans les régions montagneuses et lointaines, vu le personnel et le matériel disponibles tout modestes. 120 Pour une analyse détaillée du « mariage de fait », cf. infra, nos 231-233. 121 Cf. DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p. 36-38.
56
Le présent contexte social exige, par conséquent, une solution juridique définitive, qui
puisse garantir l’effectivité de la loi sur le mariage et la famille ainsi que les intérêts légitimes
des intéressés.
B. La solution législative
85. - En vue de mettre fin à tous les problèmes précités et de maintenir la rigidité des
dispositions légales, la loi sur le mariage et la famille du 09 juin 2000 affirme le caractère
impératif de l’enregistrement du mariage. En outre, la Résolution n° 35/2000/ QH10 adoptée
le même jour par l’Assemblée nationale fournit des dispositions de transition. L’article 3 de la
présente Résolution dispose :
- Les personnes qui ont établi leur rapport conjugal avant le 03 janvier 1987, la date
d’entrée en vigueur de la loi sur le mariage et la famille de 1986, mais qui n’ont pas fait
l’enregistrement du mariage, sont encouragées de le faire. Dans ce cas, leur demande de
divorce éventuelle est enrôlée et traitée par le tribunal en application des dispositions relatives
au divorce de la loi sur le mariage et la famille de 2000.
- L’homme et la femme, qui vivent en concubinage à compter du 03 janvier 1987
jusqu’au 1er janvier 2001 et qui répondent suffisamment aux conditions de contracter le
mariage disposées par la loi sur le mariage et la famille de 2000, ont l’obligation de faire
l’enregistrement du mariage dans le délai de deux ans, à compter de la date d’entrée en
vigueur de la présente loi jusqu’au 1er janvier 2003. Au cours de ce délai, s’ils ne font pas
enregistrer leur union mais forment une demande de divorce, celle-ci sera traitée par le
tribunal en application des dispositions relatives au divorce de la loi sur le mariage et la
famille de 2000.
Après le 1er janvier 2003, s’ils ne font pas l’enregistrement du mariage, la loi ne
reconnaîtra pas leur qualité d’époux.
- À partir du 1er janvier 2001, sauf les deux cas précités, la qualité d’époux de
l’homme et de la femme vivant en concubinage sans enregistrement du mariage n’est pas
reconnue par la loi ; le tribunal enrôle la demande de divorce éventuelle et déclare la non
reconnaissance du rapport conjugal ; s’il y a une demande concernant les enfants et le
57
patrimoine, le tribunal mettra en application l’article 17, alinéas 2 et 3 de la loi sur le mariage
et la famille de 2000 pour la traiter122.
86. - Ces dispositions forment une situation particulière au Vietnam : il existe des
couples non mariés mais considérés comme mariés. Il est alors raisonnable de constater que la
qualité d’époux des personnes en cause est reconnue avec la dispense de l’enregistrement du
mariage. La présente dispense est pourtant définitive ou temporaire selon le point de départ de
l’union en cause.
Par ailleurs, dans ces règles, d’un point de vue formel, les termes utilisés par le
législateur donnent l’impression que la qualité d’époux n’est officiellement reconnue par le
tribunal qu’au moment où les deux membres du couple demandent leur séparation. La
juridiction reconnaît la légitimité dans le passé d’une union uniquement pour donner à sa
rupture actuelle des formalités légales ! L’effet des dispositions de transition est ainsi trop
étroit123. À notre avis, lorsque les conditions de fond sont réunies, la qualité d’époux des gens
qui poursuivent une vie maritale sans enregistrement doit être reconnue non seulement à la
présentation d’une demande de divorce, mais pour toute la durée de l’union et124. La présente
reconnaissance entraînera l’examen d’une vie conjugale complète : le régime matrimonial, les
obligations solidaires pour les actes contractés en vue de l’entretien du ménage, le droit à la
succession, etc.
En résumé, dans la situation actuelle du droit vietnamien, la notion du couple marié
s’entend du mariage et des unions sans enregistrement mais considérées comme mariage en
application des dispositions légales de transition. En comparaison avec plusieurs systèmes
juridiques dans le monde entier, ce point est une particularité typiquement vietnamienne125.
La présente notion complète sur le couple marié est indispensable pour la protection des droits
et intérêts légitimes des habitants dans un grand nombre de cas ; celle du logement familial
examinée ci-après est un exemple.
122 Sur l’application de l’article 17, alinéa 2 et 3 dans ce cas, cf. les analyses détaillées dans la deuxième partie de cette étude. 123 Cette question a été bien relevée par la doctrine. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. I - La famille, op. cit., n° 103, p. 105-106. 124 Lorsque les deux intéressés veulent se séparer et demandent au tribunal uniquement le partage des biens indivis, le juge doit toujours vérifier le vrai rapport personnel entre eux, afin de garantir les intérêts légitimes de l’un d’eux ainsi que ceux des tiers de bonne foi. Cf. infra, n° 615. 125 Il faut constater que l’application rigide de la règle sur l’enregistrement du mariage, qui dépend de plusieurs éléments sociaux dont la propagande et la divulgation du droit, est une question du temps. C’est la raison pour laquelle les dispositions de transition précitées ont été adoptées.
58
SECTION I : LA TECHNIQUE LÉGISLATIVE
87. - La technique législative occupe une place importante dans l’étude de chaque
système juridique126. Elle manifeste la qualité de la législation, qui dépend de la situation
économique, politique et sociale du pays en cause. Elle reflète également l’attitude des
législateurs sur une question juridique, l’attitude qui va diriger tout le processus de mise en
application des règles.
En vue de clarifier les droits et obligations des époux sur le logement familial au
Vietnam, il est nécessaire d’examiner la technique des règles juridiques vietnamiennes en
cette matière en comparaison avec celle de certaines dispositions étrangères127 (§1). Les effets
de ces techniques législatives doivent être ensuite exposés (§2). Toutes ces analyses nous
permettront d’avoir des réflexions en vue du perfectionnement du droit vietnamien dans ce
domaine (§3).
§1 : La technique législative des règles juridiques en vigueur
88. - La technique législative se manifeste à travers la structure et le contenu des
règles juridiques. Pour la question de logement familial, une comparaison avec le droit
français, dans lequel cette problématique a été bien prévue et régie, se montre utile (A). Ces
analyses comparatives donneront matière aux réflexions sur la situation des normes au
Vietnam (B).
A. Le droit français
89. - En droit français, après plusieurs modifications du Code civil dans les années
soixante du XXe siècle, le législateur arrive à construire une dénomination officielle du
logement familial (1) ainsi qu’une structure technique de la réglementation juridique sur ce
bien important (2) dans le Code civil.
126 Dans la doctrine vietnamienne, la technique législative et son rôle au sein du système juridique ont été récemment analysés et valorisés. Selon DAO Tri Uc, « la technique législative est l’ensemble des méthodes et moyens utilisés dans l’élaboration et la systématisation du droit, ils contiennent des principes et règles scientifiques qui garantissent au droit la possibilité de réglementer de façon effective les rapports sociaux ». Cf. DAO Tri Uc, Những nội dung cơ bản của khái niệm hệ thống pháp luật nước ta và các nguyên tắc lập pháp, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 10 tháng 11/2001 (Les contenus fondamentaux de la notion du système de droit de notre État et les principes législatifs, Revue des Études législatives n°10 novembre 2001). 127 Selon DAO Tri Uc, la technique juridique contient des manifestations de la culture et de la civilisation de l’humanité, qui ont leurs propres histoires de développement et qui se succèdent. Cf. DAO Tri Uc, op.cit.
59
1 – La dénomination du logement de la famille
90. - En France, le Code civil prévoit une pluralité des régimes matrimoniaux, dans
laquelle les époux peuvent opter pour celui qui leur convient128. Néanmoins, il y a des règles
applicables par le seul fait du mariage, quelque soit le régime matrimonial des époux129. La
protection du logement familial, heureusement, est placée dans ce groupe des règles
communes. L’apparition du logement de la famille dans le Code civil français mérite donc
d’être examinée.
L’embryon d’un statut légal du logement familial a, d’une manière tout curieuse,
apparu dans une loi régissant le partage successoral130, qui permettait le maintien en
indivision du local d’habitation en faveur du conjoint survivant ou des descendants mineurs,
ainsi que l’attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail assurant ce logement,
au profit du conjoint survivant ou de tout héritier copropriétaire. Ensuite, le logement
commun de la famille a été souligné dans une loi sur les rapports locatifs adopté en 1962131.
La présente loi a donc rétabli dans le Code civil l’article 1751 avec la nouvelle rédaction, dont
le premier alinéa était comme suit : « Le droit au bail du local, sans caractère professionnel
ou commercial, qui sert effectivement à l'habitation de deux époux est, quel que soit leur
régime matrimonial et nonobstant toute convention contraire, et même si le bail a été conclu
avant le mariage, réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux ». En instituant la cotitularité
légale du droit au bail d’habitation des époux, la règle a mentionné la protection d’un droit qui
assurait le logement effectif des époux. Cette protection ne dépendait pas du régime
matrimonial choisi par les époux, elle n’était pas non plus influencée par toute convention
contraire, et elle restait valable même si le droit au bail en cause a été conclu avant le mariage.
128 L’article 1393 du Code civil français : « Les époux peuvent déclarer, de manière générale, qu'ils entendent se marier sous l'un des régimes prévus au présent code. À défaut de stipulations spéciales qui dérogent au régime de communauté ou le modifient, les règles établies dans la première partie du chapitre II formeront le droit commun de la France ». Il y a donc, d’abord, la communauté légale des acquêts qui s’établit à défaut du contrat de mariage ou par la simple déclaration qu’on se marie sous le régime de la communauté. Ensuite, il existe les régimes conventionnels : les communautés conventionnelles, la séparation de biens, la participation aux acquêts. Cf. Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, Les régimes matrimoniaux, 2e éd., Coll. Droit civil, Defrénois 2007. 129 La doctrine française donne à ce groupe de règles des noms variés : statut patrimonial de base, statut fondamental, statut impératif de base, régime matrimonial primaire, régime primaire impératif. À l’heure actuelle, la dénomination « régime primaire » est la plus usuelle. Cité selon Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, op. cit., n°21, p.11. 130 La loi n°61-1378 du 19 décembre 1961 modifiant les articles 815, 832, 866, 2103 (3) et 2109 du Code civil, les articles 790, 807, 808 et 831 du Code rural et certaines dispositions fiscales. 131 La loi n°62-902 du 4 août 1962 complétant et modifiant de la loi du 1er septembre 1948, rétablissant l’article 1751 du Code civil. Cette dernière est la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948 dite GRIMAUD sur les baux et loyers.
60
Concernant le local d’habitation commun de la famille, une autre loi132 a encore favorisé les
libéralités en usufruit portant sur le logement133.
L’idée de protéger le logement effectif des époux poursuivait son développement dans
la loi n°65-570 du 13 juillet 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux. La destination
familiale du logement effectif des époux a été affirmée, et la notion du « logement de la
famille » s’est construite. En effet, l’article 215, alinéa 3 du Code civil dispose : «Les époux
ne peuvent l’un sans l'autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la
famille, ni des meubles meublants dont il est garni. Celui des deux qui n'a pas donné son
consentement à l'acte peut en demander l’annulation : l'action en nullité lui est ouverte dans
l'année à partir du jour où il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée
plus d'un an après que le régime matrimonial s'est dissout ».
Ainsi, en droit français, toutes les règles fondamentales régissant le logement familial
au cours du mariage trouvent leur place dans le Code civil seul. L’étude portant sur la
structure de ces règles montrera encore la synchronisation de l’institution.
2 – La structure de la réglementation
91. - Pour toute protection, il faut déterminer l’objet et les mesures. Les dispositions
légales du Code civil français concernant le logement familial au sein du mariage poursuit
exactement la présente logique.
En effet, l’article 215, alinéa 3 et l’article 1751, alinéa 1er précités montrent
expressément, d’abord, les objets de la protection légale : « le logement de la famille », et « le
droit au bail du local qui sert effectivement à l’habitation des époux ». Ensuite, ils précisent
les mesures de protection : «Celui des deux qui n'a pas donné son consentement à l'acte peut
en demander l’annulation : l'action en nullité lui est ouverte dans l'année à partir du jour où
il a eu connaissance de l'acte, sans pouvoir jamais être intentée plus d'un an après que le
régime matrimonial s'est dissout », et «…réputé appartenir à l'un et à l'autre des époux ».
La présente façon de disposition fournit rapidement le renseignement à toute personne
s’intéressant à la protection du logement de la famille. Le droit au logement des époux au
132 La loi n°63-699 du 13 juillet 1963 dite RABOUIN augmentant la quotité disponible entre époux. 133 Pour l’histoire de la notion du logement de la famille en droit français, cf. G. CREFF, op. cit., nos 10-12, p. 15-21.
61
cours du mariage est garanti par la limite du pouvoir de chacun des époux sur des biens
précis (le logement de la famille et le droit au bail)134. De surcroît, le Code civil français met
en évidence la solidité de cette limite, au moyen de la voie judiciaire, dont l’initiative relève
de l’un des époux, contre les actes excessifs contractés par l’autre. Se présente ici la structure
de disposition qui se compose d’une norme impérative suivie par une sanction civile imposée
à toute violation.
L’exposition du droit vietnamien ci-après présentera une autre situation de la
réglementation juridique sur le logement familial.
B. L’interprétation des dispositions vietnamiennes
92. - En droit vietnamien, il existe la notion des locaux d’habitation des époux, mais
elle apparaît seulement dans les règles régissant le divorce135. La protection du logement
commun des époux au cours du mariage nécessite une interprétation des règles générales
régissant les rapports patrimoniaux entre eux. À ce point, il est possible de retrouver la
fameuse structure de règle impérative (1) et de sanction civile (2).
1 - L’impératif
93. - Dans l’unique régime matrimonial de communauté des acquêts institué par la loi
sur le mariage et la famille de 2000, il y a certaines règles qui peuvent être utiles pour la
protection du logement de la famille. Il convient de remarquer d’abord l’article 28, alinéa 3 de
la présente loi :
« Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, contracter, exécuter, interrompre des actes
civils impliquant des biens communs ayant une grande valeur ou constituant l'unique source
d'existence de la famille ou utiliser ces biens pour investir dans la production ou le
commerce, sauf le cas où un partage de biens communs a été fait en vue d'un investissement
personnel conformément aux dispositions de l’alinéa 1er de l'article 29 de la présente loi ».
Il est nécessaire d’examiner encore l’article 33, alinéas 4 et 5 de la même loi :
134 Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, op. cit., n° 76, p.44. 135 Cf. supra, n° 13.
62
« Les biens propres de chacun des époux sont également utilisés afin de pourvoir à
l'entretien du ménage au cas où les biens communs ne sont pas suffisants.
Au cas où les biens propres d'un époux sont affectés à une utilisation commune et que
les fruits et revenus qui en sont issus constituent l'unique source d'existence du ménage, la
disposition de ces biens propres ne peut se faire qu'avec le consentement des époux ».
Ces dispositions légales distinguent deux cas en fonction du statut juridique du
logement où les époux poursuivent leur vie commune.
S’il s’agit d’un bien commun des époux, les pouvoirs de chacun des époux sur ce bien
sont limités en raison que celui-ci a une grande valeur et/ou il constitue l’unique source
d’existence de la famille. Au plan économique, la valeur du local d’habitation tient souvent
une grande quote-part dans le patrimoine de la famille. Sous l’angle social, lors qu’une
famille doit faire face aux difficultés financières, elle cherche toujours à conserver le
logement commun jusqu’au bout. C’est pourquoi, dans plusieurs cas, le logement commun est
le seul bien considérable d’une famille. Il est difficile d’imaginer une famille qui existe sans
habitation commune136.
Si le logement commun des époux n’est un bien propre de l’un d’eux, l’époux
propriétaire ne peut pas non plus en disposer à sa seule volonté. Sa maison est toujours
affectée à la jouissance de tous les membres de la famille jusqu’au moment où les biens
communs pourront constituer un autre toit familial. Le consentement de l’autre époux est
toujours requis pour la disposition du bien en cause.
94. - Ainsi, la solution vietnamienne du logement familial n’est pas aussi claire que
celle de la France, en raison du défaut de dénomination expresse du « logement de la famille »
dans la loi. Aucun texte en droit vietnamien ne présente, d’une manière expresse, la garantie
du droit au logement de chacun des époux au cours du mariage. L’interprétation exposée ci-
dessus est le seul procédé pour réaliser la protection du logement familial. Il est vraisemblable
que le législateur vietnamien s’arrête à émettre des dispositions générales comme les articles
136 LE Thi, op. cit., p.9.
63
28 et 33 précités, en laissant la place à l’interprétation des textes sous-loi137, ou à celle des
juges chaque fois que ces magistrats tranchent un litige en la matière.
Il reste la question : qu’est-ce que l’un des époux peut faire lorsque l’autre n’observe
pas les dispositions légales précitées ? À ce point, il y a encore une différence de technique
législative entre le droit vietnamien et d’autres systèmes juridiques.
2 - La sanction
95. - La loi sur le mariage et la famille vietnamienne ne fournit pas immédiatement la
réponse de la question précitée, comme la façon dont le législateur français a complété
l’article 215, alinéa 3 de son Code civil. Dans ce cas, il faut faire référence au champ
réglementaire.
En effet, le Décret no 70/2001/ND-CP qui conduit la mise application de la loi sur le
mariage et la famille vietnamienne, dans son article 4, alinéa 4, dispose que : Dans le cas où
l’un des époux contracte, exécute, interrompt des actes civils impliquant des biens communs
ayant une grande valeur ou étant l’unique source d’existence de la famille sans consentement
de l’autre, ce dernier a le droit de demander au tribunal la déclaration de nullité de ces actes
en application de l’article 139 du Code civil de 1995 (remplacé par l’article 134 du Code civil
de 2005138) et les conséquences juridiques sont tranchées en application de l’article 146 du
Code civil 1995 (remplacé par l’article 137 du Code civil de 2005139).
Ces dispositions du Code civil régissent les actes civils frappés de nullité en raison de
l’inobservation des conditions de forme. L’article 145, alinéa 2 du Code civil de 1995
137 La présente intention n’est pas parfaitement réalisée dans les deux principaux textes d’interprétation de la loi sur le mariage et la famille de 2000, qui sont la Résolution n° 01/2000/ND-HDTP du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême et le Décret n° 70/2001/ND-CP du Gouvernement. Ces textes mentionnent le logement des époux non pas au cours du mariage, mais seulement dans la procédure de la succession et celle du divorce. 138 L’article 134 du Code civil de 2005 : « Lorsque la loi dispose que la forme d’un acte civil est une condition de validité de cet acte mais les parties ne s’y conforment pas, le tribunal ou tout organe d’état compétent peut, à la demande de l’une ou de toutes les parties, fixer un délai dans lequel les parties seront tenues de se conformer aux conditions de forme prescrites ; si à l’expiration de ce délai les parties ne s’y sont pas conformées, l’acte civil est réputé nul ». 139 L’article 137 du Code civil de 2005 : « 1. L’acte civil frappé de nullité ne produit, ne change, n’éteint du jour de sa conclusion ni droits ni obligations civils au profit ou à la charge des parties. 2. Lorsqu’un acte civil a été frappé de nullité, les parties sont tenues de rétablir l’état antérieur et de se restituer mutuellement ce qui a été reçu; si la restitution ne peut être opérée en nature, elle doit être opérée en numéraire, sauf dans le cas où les biens faisant objet de l’acte, les fruits et intérêts perçus sont confisqués conformément aux dispositions légales. La partie fautive qui a causé des dommages est tenue de les réparer ».
64
disposait qu’il n’y avait aucune prescription pour cette catégorie de demande en nullité140 ;
l’un des époux pouvait donc agir en justice à tout moment. Mais après dix ans, le législateur
vietnamien a changé de point de vue : l’article 136, alinéa 1er du Code civil de 2005 dispose
que la prescription pour l’action en nullité dans ce cas est de deux ans à compter de la date où
l’acte en cause est conclu141.
96. - Ainsi, en droit vietnamien, pour mettre en œuvre la voie judiciaire, qui constitue
un complément de la protection légale du logement de la famille, il faut un chemin de la loi
sur le mariage et la famille jusqu’au Code civil, en passant par l’intermédiaire du Décret
n° 70/2001/ND-CP. La présente complexité entraîne l’instabilité de la réglementation
juridique construite par les articles 28 et 33 précités de la loi sur le mariage et la famille. En
effet, tandis que ces deux articles, comme toute la loi, restent inchangés, le droit d’agir en
justice qu’ils instituent en faveur de la famille, autrefois sans délai, est maintenant prescrit
suite à la modification du Code civil. Le grand inconvénient de cette technique législative est
le défaut d’une mention légale ou réglementaire dans les textes concernés qui remarque ce
changement fondamental de la prescription.
Le lien entre les trois textes précités en droit vietnamien est tout à fait distinctif en
rapport avec les dispositions françaises équivalentes, qui sont regroupées seulement dans un
Code, voire dans un alinéa de l’article. La présente différence de point de vue concernant la
structure et le contenu des règles a pour cause la particularité de chaque système juridique.
§2 : Les causes et les effets juridiques de la technique législative
97. - La technique législative dans chaque système juridique se forme, sans doute,
dans un lien strict avec des éléments divers de la société en cause142. Par conséquent, il est
nécessaire de découvrir ses origines (A) et ses influences envers la vie sociale (B).
140 L’article 145, alinéa 2 du Code civil de 1995 : « Le délai pour demander au tribunal de prononcer la nullité des actes civils visés aux articles 137, 138 et 139 du présent code n’est pas limité ». 141 L’article 136, alinéa 1er du Code civil de 2005 : « Le délai pour demander au tribunal de prononcer la nullité des actes civils visés aux articles du 130 au 134 du présent code est de deux ans à compter de la conclusion de l’acte ». 142 PHAN Thanh Ha, Cơ sở xã hội của hoạt ñộng lập pháp ở Việt Nam hiện nay, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 2 + 3 (139 + 140) tháng 01/2009 (Le fondement social des activités législatives au Vietnam à l’heure actuelle, Revue des Études législatives nos 2 + 3 (139 + 140) janvier 2009). P. COURBE, Droit de la famille, 5e éd., Coll. Sirey, Dalloz 2008, n° 18, p. 9-10.
65
A. Les causes
98. – Afin de comprendre le fondement du dispositif vietnamien dans ce domaine, une
comparaison en détail avec les règles françaises, celles qui forment un vrai statut du logement
de la famille au sein du couple marié, est tout à fait utile. Il est clair que la présence ou
l’absence d’une institution est décidée par les caractéristiques de tout le système juridique,
dont les actes normatifs (1) et la pratique juridique (2).
1 - Les actes normatifs
99. - Les actes normatifs en France et ceux au Vietnam ont des différences concernant
l’étendue des dispositions légales en général (a) ainsi que les règles régissant des rapports
patrimoniaux entre époux en particulier (b).
a. L’étendue des dispositions légales
100. Les règles constituant le régime primaire dans le Code civil français se
composent des dispositions générales (par exemple, l’article 212 : « Les époux se doivent
mutuellement fidélité, secours, assistance »), et de celles qui portent sur une question précise
des rapports pécuniaires entre époux (par exemple, l’article 215, alinéa 3 régissant le
logement de la famille)143.
Tout le Chapitre III de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne, qui dispose
« Les rapports entre époux », contient une uniformité des dispositions : toutes les règles sont
de niveau général. Une disposition portant seulement sur le logement de la famille, un objet
bien précis, ne peut pas y être trouvée. La différence entre les règles françaises et celles du
Vietnam a donc, dans ce domaine, un caractère systématique.
101. – En France, la Constitution du 04 octobre 1958 a établi un nouvel ordre des
actes normatifs en France. En vertu de l’article 34 de ce texte fondamental, il y a des matières
qui sont entièrement de la compétence législative pour tout ce qui les concerne, et celles dans
lesquelles les principes seuls sont de la compétence législative. La question de logement
familial, qui fait partie des rapports patrimoniaux entre époux, appartient au premier groupe
de matières précité : « La loi fixe les règles concernant … la nationalité, l'état et la capacité 143 La doctrine française dit que le droit contemporain de la famille hésite entre les deux extrêmes : l’affirmation de principes généraux et le souci du détail. Cf. Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, La famille, 3e éd., Coll. Droit civil, Defrénois lextenso éditions 2009, n° 46, p. 24 - 25.
66
des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités… »144. Par
conséquent, les règles qui traitent la présente cette question se situent dans le rapport direct
avec les lecteurs de la loi, dont les juges ainsi que les habitants, sans intermédiaire d’aucun
texte réglementaire. En vue de la compréhension et la mise en application efficace de ces
règles, le législateur les adopte de manière la plus claire et concrète possible.
102. - Les actes normatifs vietnamiens ont un mécanisme différent. La loi sur le
mariage et la famille a été adoptée au moment où la loi sur la promulgation des actes
normatifs du 12 novembre 1996145 était encore en vigueur. L’article 20, alinéa 1er de la
présente loi disposait : « Les lois déterminent les principes fondamentaux et essentiels
concernant les affaires intérieures, les relations internationales, les domaines économiques et
sociaux, la défense et la sécurité nationale, les principales règles relatives à l'organisation et
au fonctionnement de l'appareil de l'État, aux relations sociales et à la vie des citoyens ». Le
caractère de principe et de généralité des règles de loi était alors légal. La mise en application
de toutes ces règles était facilitée par l’intervention des règles sous-loi, qui fournissaient
l’interprétation des normes, la présentation de certains cas d’espèce courants, etc. Au titre
d’exemple, l’article 56, alinéa 2.a de la loi sur la promulgation des actes normatifs de 1996
mentionnait des « Décrets d’application des lois et résolutions du comité permanent de
l’Assemblée nationale » ; l’article 67 de la même loi abordait les Résolutions du Conseil des
Juges de la Cour populaire suprême qui « guident les tribunaux dans l’application uniforme
de la loi et font le bilan des activités juridictionnelles ». Ainsi, toutes les questions en détail
étaient traitées par des textes sous-loi. La nouvelle loi sur la promulgation des actes normatifs
n° 17/2008/QH12 du 03 juin 2008 maintient toujours cette structure des actes normatifs : la
généralité des règles de loi persiste, la mise en application de celles-ci est assurée par les
textes sous-loi146.
103. – Par rapport à ces dispositions de base, le défaut de la notion précise du
logement de la famille dans la loi sur le mariage et la famille vietnamienne ne constitue pas
144 Il est dit qu’en France, c’est l’ensemble du droit civil de la famille qui relève de la compétence du pouvoir législatif. Cf. F. DEBOVE, R. SALOMON, Th. JANVILLE, op. cit., n° 45, p. 30-31. 145 Cette loi a été elle-même modifiée par la loi n° 02/2002/QH11 du 16 décembre 2002, mais la modification ne concernait pas les articles cités ici. 146 Le contenu de toutes les dispositions précitées de la loi de 1996 est essentiellement repris dans la loi de 2008 : les articles équivalents sont les 11, 14, 17.
67
une exception147. Pareillement pour le chemin de la présente loi jusqu’au Code civil
concernant la conséquence juridique de l’acte impliquant le logement de la famille sans le
consentement de tous les deux époux. Le Décret n° 70/2001/ND-CP joue un rôle important : il
montre la garantie des dispositions de la loi sur le mariage et la famille fournie par les
dispositions générales du Code civil. La présence du Décret est indispensable pour
l’application de la loi148. Différemment, en droit français, l’existence de la notion du logement
familial dans le seul Code civil est indiscutable : l’intervention des règles de loi est le seul
procédé légal pour la protection de ce bien important de la famille.
b. L’histoire de l’établissement de l’institution
104. - Il y a encore une explication sur la technique législative. En effet, les règles en
vigueur qui constituent le régime primaire dans le Code civil français n’ont pas la même date
de naissance149. Ce régime est le résultat de plusieurs modifications du Code civil. Chaque
modification est justifiée par une demande pratique et précise des rapports sociaux, tel est le
cas de l’article 215, alinéa 3 précité qui fait partie de la réforme des régimes matrimoniaux en
1965.
Grâce à l’existence de plusieurs régimes matrimoniaux, les époux ont une grande
liberté pour disposer de leurs rapports patrimoniaux150. Pourtant, cette liberté est toujours
soumise aux limites légales, pour que la vie familiale puisse exister. L’article 215, alinéa 3 est
une manifestation de l’idée que « le législateur a voulu protéger le cadre de vie de la
famille »151 pendant toute la durée du mariage. Cela signifie qu’à côté de la protection de
l’intérêt commun de la famille, la notion du logement de la famille dans le Code civil français
participe également à la nouvelle structure des régimes matrimoniaux, présentée par la loi de
1965.
105. - À la différence du droit français, au Vietnam, il n’existe toujours qu’un seul
régime matrimonial légal que les époux ont à accepter comme un effet juridique d’office de
147 En droit vietnamien, non seulement la question du logement de la famille au cours du mariage, mais aussi d’autres concernant la succession, le divorce, etc. sont précisément régies par les textes sous-loi, notamment les Décrets du Gouvernement et les Résolutions du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême. 148 Cf. supra, n° 95. 149 Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, op. cit., n° 21, p. 12. 150 L’article 1387 du Code civil français : « La loi ne régit l'association conjugale, quant aux biens, qu'à défaut de conventions spéciales que les époux peuvent faire comme ils le jugent à propos, pourvu qu'elles ne soient pas contraires aux bonnes moeurs ni aux dispositions qui suivent ». 151 P. COURBE, op. cit., n° 213, p.16.
68
leur mariage. Ce régime matrimonial unique, dans son histoire, est toujours établi par une
codification intégrale du droit de la famille, matériellement présentée par une loi sur le
mariage et la famille152. C’est pourquoi, au point de vue du temps, les règles vietnamiennes en
cette matière sont construites et reconstruites de manière synchrone.
Le régime matrimonial légal dans la loi sur le mariage et la famille poursuit un
modèle de principes généraux qui se compose des deux parties : la détermination des biens
communs et des biens propres, et les droits et obligations de chacun des époux concernant ces
biens. Toute question précise, telle que celle concernant le logement de la famille, serait
traitée par les actes normatifs sous-loi (comme ce que la loi de 2000 et ses Décrets
d’application ont réalisé). Ainsi, l’absence de la notion du logement familial participe
également à la structure du régime matrimonial en droit positif vietnamien, une structure qui
ne se compose que des principes de base et non pas des solutions techniques en détail.
2 - La pratique juridique
106. - En droit français, l’article 215, alinéa 3 et l’article 1751 du Code civil font
partie de la limite légale du droit de chacun des époux sur sa communauté conjugale, ou d’une
manière plus précise, sur l’établissement et le fonctionnement d’un régime matrimonial dans
lequel la volonté personnelle possède un large champ d’action153. Il est vrai que les limites
doivent toujours être les plus claires et concrètes possibles.
D’un autre côté, il existe dans la société française une tradition juridique de longue
date154. C’est pourquoi, la conscience juridique des habitants est tout à fait développée. Les
justiciables recourent souvent aux règles juridiques pour trancher les litiges entre eux, même
si ceux-ci se trouvent dans le rapport conjugal155. À côté de leur portée dans la garantie de
l’intérêt commun de la famille, les dispositions légales telles que l’article 215, alinéa 3 et
l’article 1751 sont également indispensables pour la résolution des contentieux entre époux
dont l’objet est un local d’habitation, par les mesures essentiellement juridiques.
152 Le régime matrimonial unique dans la loi de 1959 était la communauté universelle, tandis que les lois de 1986 et de 2000 ont constitué la communauté des acquêts. 153 Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, op. cit., n° 76, p. 44. 154 Pour l’évolution du droit civil français, cf. Ph. MALAURIE, P. MORVAN, op. cit., nos 66-122, p.55-96. Proprement pour l’histoire du droit français de la famille, cf. Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, op. cit., nos 78-95, p.38-44. 155 En France, le rôle des professionnels de droit tels que des notaires et des avocats est considérable envers les habitants.
69
107. – Au Vietnam, l’absence du concept du logement de la famille en droit positif
entraîne des difficultés pour l’accès des justiciables aux solutions judiciaires de leur
contentieux. Pourtant, à la place du législateur, il convient d’examiner soigneusement la
réalité d’un rapport social avant l’adoption d’une règle juridique qui le régit156. En réalité,
dans la pensée des Vietnamiens, le local d’habitation commun de la famille ne se sépare pas
de l’ensemble des biens existant dans la famille, comme un bien particulier nécessitant une
protection distincte. Les habitants connaissent évidemment la grande valeur de ce local, mais
tout l’ensemble des biens familiaux est souvent soumis à un unique régime commun, qui se
compose traditionnellement des règles morales et coutumières157. Ce sont ces règles qui
dirigent la possession, la jouissance et la disposition de n’importe quel bien dans la famille,
nonobstant sa valeur et sa destination.
Jusqu’à l’heure actuelle, un grand nombre de familles vietnamiennes tranchent elles-
mêmes les contentieux civils, d’une manière légitime ou illégitime ; la voie judiciaire n’est
pas un choix préférable des gens158. Il faut remarquer en outre que, pour les litiges internes de
la famille, la loi est le dernier procédé utilisé pour la protection de l’intérêt commun de la
famille, lorsque la vie conjugale se trouve déjà dans une situation aggravée, où les époux ne
156 PHAN Thanh Ha, op. cit. 157 Au titre d’exemple, en 1999, parmi 1000 foyers familiaux à Hanoi, la capitale du Vietnam, 27,2% des transferts et acquisitions des biens immobiliers ont été décidés par le chef de foyer seul ; 72,8% ont été faits par le consentement des membres du foyer. Parmi 1000 foyers familiaux à Ho Chi Minh - Ville dans la même période, 27% des actes en la matière ont été décidés par le chef de foyer seul et 73% par le consentement des membres du foyer. Cf. Viện nghiên cứu khoa học pháp lý - Bộ Tư pháp, Kết quả khảo sát thực ñịa ñiều tra xã hội học về hộ gia ñình và quyền sử dụng ñất tại Hà Nội và thành phố Hồ Chí Minh, Thông tin khoa học pháp lý 2000 (Institut des recherches de la science juridique - Ministère de la Justice, Résultats de l’examen sur place et du sondage sociologique portant sur le foyer familial et le droit d’usage des fonds de terre à Hanoi et à Ho Chi Minh - Ville, Informations de la science juridique 2000), p. 22 et p.76. 158 Selon un sondage à Hanoi en 1999 sur 1000 individus, pour trancher leur contentieux concernant le local d’habitation et le droit d’usage des fonds de terre, les trois voies les plus choisies par les parties sont : la négociation entre elles-mêmes (79,8%), la demande de l’intervention de l’autorité administrative locale (60,2%), la conciliation en présence des tiers (30,1%). Après ces trois voies, seulement 16,7% des personnes interrogées pensent à agir en justice. Il reste 1,7% des personnes interrogées qui veulent procéder à la violence. Sur 1000 individus à Ho Chi Minh - Ville dans la même période, il y a le même ordre prioritaire des voies de traitement pour les contentieux en la matière : la négociation entre parties elles-mêmes (68,6%), la demande de l’intervention de l’autorité administrative locale (48,1%), la conciliation en présence des tiers (29,1%), l’action en justice 15,2%, l’utilisation de la violence 1,9%. Les auteurs du sondage essayent également à expliquer la place modeste de la voie judiciaire parmi les voies de traitement des contentieux civils. D’abord, psychologiquement, les Vietnamiens ne veulent pas agir en justice car cela n’est pas apprécié par la communauté populaire, la personne qui intente l’action peut être isolée par celle-ci. Ensuite, en ce qui concerne les droits d’usage des fonds de terre, lorsque les intéressés n’ont pas des papiers valables, ils ne demandent pas l’intervention du tribunal pour la résolution du litige. Par ailleurs, la poursuite des procédures judiciaires nécessite du temps et de grosses dépenses, tandis que l’exécution des décisions judiciaires n’est pas encore bien efficace. Cf. Institut des recherches de la science juridique - Ministère de la Justice, Résultats de l’examen sur place et du sondage sociologique portant sur le foyer familial et le droit d’usage des fonds de terre à Hanoi et à Ho Chi Minh - Ville, op. cit., p. 50-51 et p.107-109.
70
s’entendent absolument plus. À ce moment là, dans la plupart des cas, les époux vont devant
le tribunal et présentent une demande de divorce. Cette pratique sociale contribue à justifier le
fait que dans les dispositions légales en vigueur, le législateur vietnamien ne construit pas une
notion du logement familial dans le rapport patrimonial entre époux au cours du mariage,
mais il fournit des règles précises portant sur le traitement des locaux d’habitation des époux
au sein de la procédure de divorce159.
108. - Ainsi, en ce qui concerne la pratique juridique, il convient de constater que la
protection du logement familial en droit vietnamien n’a qu’un caractère de précaution et ne
joue qu’un rôle de remède lorsque les époux n’arrivent pas à trancher le contentieux entre eux
par les règles morales et coutumières. La même protection en droit français joue un rôle de
réglementation : les époux ont à la connaître en choisissant un régime matrimonial ; elle est
aussi un instrument juridique effectif pour le juge qui doit résoudre un conflit entre époux
concernant leur local d’habitation. Cette comparaison montre que malgré la nécessité d’une
disposition claire sur le logement familial en droit vietnamien, le fait que le législateur
vietnamien n’établit pas encore un tel concept dans la loi sur le mariage et la famille est lié à
la réalité sociale.
Chaque façon de disposition a ses propres effets sur la mise en application des règles
juridiques en cause.
B. Les effets
Les dispositions légales ont des influences considérables envers les justiciables (1)
ainsi que les juridictions (2).
1 - Sous l’aspect des habitants
109. - Le droit vietnamien contemporain n’a que plus de soixante ans d’histoire160.
Une période de stabilité, grâce à la paix rétablie, n’en fait partie qu’une moitié161. Cette
situation accompagnée par des difficultés socio-économiques a causé des difficultés
considérables à l’adoption ainsi que la mise en application des textes normatifs. Par ailleurs,
159 Cf. infra, nos 551-560. 160 À compter du 02 septembre 1945. 161 Le Vietnam a été réunifié le 30 avril 1975.
71
les activités encore limitées de l’éducation juridique ne permettent pas encore un haut niveau
de la conscience juridique d’un grand nombre d’habitants162.
110. - Il est évident que la loi n’est efficace que lorsqu’elle a un accès facile pour toute
personne qui s’intéresse à elle. La façon de disposition sur les droits des époux au logement
au cours du mariage dans la loi sur le mariage et la famille de 2000 crée des problèmes, non
seulement théoriques, mais aussi très pratiques. En effet, c’est difficile pour les non juristes à
connaître que la protection du logement de la famille est réalisée par l’interprétation de
l’expression «bien ayant une grande valeur ou constituant l’unique source d’existence de la
famille »163. Même pour les professionnels de droit, la présente expression est générale, voire
abstraite, alors qu’elle n’est pas encore assez discutée par la doctrine et la pratique judiciaire.
Par conséquent, comment un époux peut protéger l’intérêt de la majorité des membres de la
famille contre les actes abusifs faits par son conjoint, ainsi que tout saisi étranger dont l’objet
est le logement de la famille ? En tout cas, à l’heure actuelle, l’interprétation du logement
familial comme un «bien ayant une grande valeur ou constituant l’unique source d’existence
de la famille » n’est qu’un point de vue doctrinal, qui a pour but de rechercher la protection
éventuellement fournie par les dispositions légales envers le logement de la famille au cours
du mariage.
111. – Dans ce domaine, le droit français a une solution plus réaliste. Tout époux peut
savoir ce qu’il peut faire et ce qu’il ne peut pas faire en consultant les articles 215 et 1751 du
Code civil ainsi que toutes doctrines et jurisprudences concernées (celles qui sont abondantes
et facilement accessibles). Ce fait ne signifie pas que le droit français est plus avantageux que
le droit vietnamien, mais il suscite des réflexions concernant la construction d’une structure
juridique qui s’adapte mieux à la vie réelle des habitants au Vietnam.
2 - Sous l’aspect des juges
112. - La protection du logement de la famille en droit français est d’ordre public. Le
juge joue le rôle de gardien de la limite légale. Chaque fois que l’un des époux dépasse la
162 Pour les analyses portant sur l’éducation juridique au Vietnam, cf. TRUONG Dac Linh, Chính quyền ñịa phương với việc phổ biến, giáo dục pháp luật, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 11 tháng 12/2001 (Les autorités locales avec la vulgarisation et l’éducation du droit, Revue des Études législatives n° 11 décembre 2001) ; TRAN Thi Sau, Một số giải pháp nâng cao hiệu quả công tác giáo dục pháp luật, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 08 (124) Tháng 6/2008 (Certaines mesures en vue d’exhausser l’efficacité de l’éducation juridique, Revue des Études législatives n° 08 (124) juin 2008). 163 Les habitants pourraient recourir à l’assistance des professionnels de droit tels que des avocats, mais les honoraires leur posent une autre grande question.
72
limite légale, à la demande de l’autre, le juge prononce la nullité de l’acte passé qui porte
atteinte à l’intérêt des autres membres de la famille164. En ce qui concerne le bien ayant une
grande valeur ou constituant l’unique source d’existence de la famille en droit vietnamien, le
juge vietnamien a un rôle semblable. Pourtant, se pose la question que si le tribunal affirme
toujours le logement de la famille comme un tel bien.
113. – Se manifeste à ce point la différence de nature entre les deux systèmes
juridiques.
Le logement familial en droit français bénéficie d’une protection légale car il constitue
le lieu d’habitation commune de la famille. En tranchant un litige en la matière, le juge
français doit déterminer que si le local en cause unisse toutes les conditions du logement
familial165. De plus en plus, la jurisprudence fournit des expériences juridictionnelles pour que
la décision du juge ait un fondement solide.
Le travail du juge vietnamien est différent. Le local où cohabitent tous les membres de
la famille est juridiquement et officiellement garanti par la loi non pas parce qu’il constitue le
lieu d’habitation du groupe familial, mais en raison qu’il est un bien ayant une grande valeur
des époux ou constituant l’unique source d’existence de la famille. Par conséquent, dans son
activité de juger, le juge ne cherchera pas immédiatement l’occupation effective des membres
de la famille sur le local, mais estimera la valeur de ce bien et sa quote-part par rapport à la
totalité des biens communs des époux ; ou/et montrera son rôle indispensable pour la
continuation de la vie familiale (l’occupation précitée peut être prise en compte à ce moment-
là).
114. - En bref, toutes les activités du juge français en tranchant des contentieux en
cette matière se concentrent autour d’un objet matériel précis, qui est le logement de la
famille. La démonstration du juge vietnamien vise des critères abstraits, exposés par des
adjectifs « grande », « unique ». À cause de cette abstraction, il est difficile d’arriver à des
solutions judiciaires semblables pour des affaires similaires. La portée des règles que le
législateur voulait fournir, qui est la consolidation de la vie familiale, pourrait, en
conséquence, avoir des « niveaux » variés selon chaque décision judiciaire. Or, les jugements
164 Pour une analyse du rapport entre les pouvoirs du juge et l’intérêt de la famille en droit français, cf. Ph. MALAURIE, L. AYNÈS, op. cit., n° 23, p. 13-14. 165 F. TERRÉ, Ph. SIMLER, Droit civil Les régimes matrimoniaux, 4e éd., Coll. Droit privé, Dalloz 2005, n° 63, p. 52.
73
dépendent eux-mêmes de la compétence professionnelle des juges et des autres éléments
subjectifs.
Ces inconvénients techniques des dispositions en vigueur nécessitent des réflexions en
vue d’une modification des règles régissant le rapport patrimonial entre époux.
§3 : Les réflexions en vue du perfectionnement du droit vietnamien
115. - Le perfectionnement des règles juridiques, sans doute, a besoin du temps ainsi
que des mesures convenables visant les objectifs précis. Pour la question de la technique
législative concernant le logement familial au cours du mariage en droit vietnamien, il
convient d’envisager une solution instantanée (A) et des pensées de long terme (B).
A. La nécessité d’une interprétation portant sur les règles de principe dans la loi
sur le mariage et la famille
116. - Toutes les analyses ci-dessus montrent qu’une notion du logement de la famille
en droit vietnamien est nécessaire. Pourtant, du point de vue historique, la généralité des
règles constituant le régime matrimonial dans la loi sur le mariage et la famille a une
existence de longue date. Pour une solution convenable à la pratique juridique actuelle, il est
raisonnable de penser à l’interprétation faite par un texte normatif sous-loi, qui précise la mise
en application d’une disposition générale au niveau de loi. Le contenu de l’interprétation (1)
et l’organe convenable à sa réalisation (2) peuvent donc être examinés ci-après.
1- L’interprétation
117. – Grâce à l’article 28, alinéa 3, et à l’article 33, alinéas 4 et 5 de la loi sur le
mariage et la famille de 2000 précités, le droit des époux au logement au cours du mariage
sera clarifié par la détermination de la nature juridique ainsi que l’importance du local
d’habitation par rapport à la vie familiale. Dans ces règles, le but visé par le législateur
consiste dans la protection de la vie familiale, surtout l’intérêt des femmes et des enfants. Afin
d’atteindre cet objectif, il faut donner au local d’habitation commun de la famille un statut
particulier qui puisse exclure l’abus de l’un des époux, ainsi que l’exploitation de tout
étranger de mauvaise foi. En pratique, ce statut juridique peut être ordonné par une décision
judiciaire, dans une affaire d’espèce, qui dit que le logement de la famille a la qualité, soit du
bien commun ayant une grande valeur et/ou étant l’unique source d’existence de la famille,
74
soit du bien propre étant l’unique source d’existence de la famille. Néanmoins, pour que la
mise en application des dispositions légales soit uniforme, il est nécessaire d’adopter un acte
normatif sous-loi, en qualité du texte d’interprétation de la loi sur le mariage et la famille, qui
confirme expressément cette idée.
118. - À l’heure actuelle, l’intervention d’un acte normatif sous-loi se montre adéquate
pour deux raisons. En premier lieu, la généralité des règles régissant le régime matrimonial
devient stable à travers trois lois sur le mariage et la famille. La présence de toute disposition
de niveau concret et précis dépasse l’étendue d’un texte de loi fixée par la loi sur la
promulgation des actes normatifs ; elle pourrait même mettre les règles régissant le rapport
patrimonial entre époux au cours du mariage en désordre, l’une répète ou empiète l’autre. En
second lieu, le droit au logement des époux est, en fait, une question concrète avec plusieurs
variétés relevant de la pratique judiciaire. Si tout problème d’espèce doit être tranché par les
règles de loi, la loi sur le mariage et la famille devra être souvent modifiée. Les modifications
continuelles feront disparaître la stabilité indispensable d’une loi166. L’amendement de la loi
est, de plus, un travail coûteux. Sous un autre aspect, pour connaître l’efficacité de la
réglementation juridique portant sur le logement familial, il faut examiner les points stables et
variés des rapports familiaux. Les dispositions d’un acte normatif sous-loi fourniront des
raisonnements pour la codification de cette question dans un texte de loi, lorsque celle-ci aura
été tout à fait favorisée par la pratique167.
2- L’autorité réalisant l’interprétation
119. - Au Vietnam, le droit au logement des époux est examiné, dans la plupart des
cas, devant le tribunal, lorsque la vie conjugale ne sort pas de sa crise. Les règles juridiques
dans ce domaine n’ont pas un caractère de réglementation, mais fournit seulement un remède
du différend familial et une prévention des effets négatifs du contentieux en cause. Cette
caractéristique pratique est commune pour toutes les règles régissant le rapport patrimonial
entre époux en droit vietnamien. Lorsque les époux s’entendent encore, ils peuvent bien régir
eux-mêmes, d’une manière légitime, leurs rapports pécuniaires sans s’intéresser aux
dispositions légales. Le pouvoir public n’a aucune raison non plus à y intervenir. Sous la
166 Il a été dit que le droit vietnamien connaissait trop de modifications de court terme. Cf. HA Hung Cuong, op.cit. 167 Sur la codification des actes d’interprétation du système judiciaire, cf. NGUYEN Dang Dung (dir.), NGO Vinh Bach Duong, VO Tri Hao, BUI Ngoc Son, Thể chể tư pháp trong nhà nước pháp quyền, Nhà xuất bản Tư pháp 2004 (L’institution judiciaire dans l’État de droit, Éditions de la Justice 2004), p. 231-232.
75
direction de la morale et de la coutume, les époux ne veulent jamais se trouver devant le juge
pour discuter leur vie conjugale.
120. - Pour les raisons précitées, en ce qui concerne le logement de la famille, il
convient de penser à l’intervention de l’acte normatif adopté par le Conseil des Juges de la
Cour populaire suprême. Une Résolution de cet organe a une double portée : d’une part, elle
dirige les tribunaux dans l’application uniforme de la loi168 ; d’autre part, elle assure une
interprétation essentiellement pratique, car il s’agit d’un bilan des activités
juridictionnelles169. De surcroît, en tout cas, c’est le juge qui s’intéresse d’abord à une
interprétation uniforme de la loi, car il est chargé de traiter des contentieux par la mise en
application des dispositions légales170. Cela veut dire que dans l’établissement du concept du
logement familial en droit vietnamien, la Cour populaire suprême a le plus des expériences
pratiques, c’est pourquoi elle doit y jouer le rôle actif pour garantir l’efficacité des activités de
toutes les juridictions.
121. – Est proposée, à ce point, non pas simplement une interprétation des termes des
articles 28 et 33 de la loi sur le mariage et la famille, mais plutôt une orientation des activités
juridictionnelles dans la mise en application de ces règles. Le problème n’est pas le fait que
l’expression de ces articles est trop vague, mais que comment les appliquer dans un cas
d’espèce, qui est la détermination du droit de chacun des époux sur le logement de la famille.
Une Résolution du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême, qui affirme
systématiquement la place du logement familial dans la mise en application des articles 28 et
33 précités, sera la solution la plus adaptée à cette demande.
L’importance ainsi accordée au logement de la famille ouvrira la perspective d’un
nouveau régime matrimonial légal.
168 L’article 17 de la loi sur la promulgation des actes normatifs de 2008 : « La Résolution du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême est adoptée afin de diriger la mise en application uniforme du droit par les juridictions ». 169 Sur l’interprétation des textes normatifs par le système judiciaire, cf. NGUYEN Dang Dung (dir.), op. cit., p. 226-227. 170 HOANG Van Tu, Giải thích pháp luật - một số vấn ñề cơ bản về lý luận và thực tiễn, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 11(127) tháng-7-2008 (L’interprétation du droit – certaines questions fondamentales de la théorie et de la pratique, Revue Études législatives n° 11(127) juillet 2008.
76
B. La perspective d’un nouveau régime matrimonial dans la loi sur le mariage et
la famille
122. - Le texte d’interprétation réalisé par le système judiciaire, de toute manière, n’est
qu’une solution temporaire. Il vise à faciliter la mise en application des dispositions légales en
vigueur, pour trancher à temps des litiges concernant le logement de la famille au cours du
mariage. Pourtant, ce texte pourra être attaquée par des fraudes, vu l’expression des règles en
vigueur171. Dans le processus de construction d’une nouvelle structure du régime matrimonial
aux demandes de la pratique, il est indispensable d’examiner la possibilité d’adopter une règle
de loi qui régit directement les droits de chacun des époux sur le logement familial.
123. - La coexistence, dans un même texte de loi, des règles de principe et de celles
régissant une question concrète, est justifiée par la demande de la pratique. Les dispositions
de la loi sur le mariage et la famille concernant le divorce en fournit un exemple. En effet, il y
a une règle fixant des principes de la liquidation des biens (l’article 95172), et les règles
régissant des cas de partage d’espèce (les articles 96, 97, 98, 99173). La présence des
dispositions concrètes, qui a été très appréciée dès la promulgation de la loi, se justifie par la
fréquence de ces cas d’espèce dans la pratique juridictionnelle174. Ce modèle, qui se compose
des règles de principe et des règles précises, pourrait être applicable au rapport patrimonial
entre époux au cours du mariage. Le logement de la famille y occupera une place importante,
si les rapports sociaux le concernant atteignent une vraie stabilité.
124. - Dans la situation actuelle du droit vietnamien, pour insérer la règle régissant le
logement familial dans la loi sur le mariage et la famille, il est possible de penser à deux
méthodes différentes : soit une expression (1), soit un article indépendant (2).
1 – L’insertion d’une expression
125. - Avant de passer à la problématique du logement familial, il convient d’examiner
l’expérience législative concernant de l’article 29, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la 171 Cf. infra, nos 158 - 161, 165 - 167. 172 L’article 95 est dénommé : « Principes de partage des biens en cas de divorce ». 173 Ces articles sont dénommés comme suit : - L’article 96 : « Partage des biens en cas de vie commune avec les parents ». - L’article 97 : « Partage du droit d'usage des fonds de terre ». - L’article 98 : « Partage de locaux à usage d'habitation en copropriété ». - L’article 99 : « Droits des époux sur les locaux à usage d'habitation en propriété personnelle ». Ces dispositions légales seront exposées et analysées dans la seconde partie de la présente étude. 174 DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p. 20-21.
77
famille de 2000. Cette règle régit le partage des biens communs au cours du mariage
: « Pendant la durée du mariage, les époux peuvent d'un commun accord partager leurs biens
communs dans le but de réaliser un investissement personnel dans la production ou le
commerce, d'exécuter séparément un acte civil ou pour tout autre motif légitime ; le partage
des biens communs doit être effectué par écrit ; à défaut d'accord, les époux peuvent saisir le
juge ».
D’un point de vue historique, l’article 28 précité hérite et développe l’article 18 de la
loi sur le mariage et la famille de 1986, qui disposait : « Lorsque le mariage existe encore, si
l’un des époux en présente une demande pour les motifs légitimes, le partage des biens
communs des époux selon les dispositions de l’article 42 de la présente loi est possible ».
Ainsi, la loi de 1986 ne mentionnait que les « motifs légitimes » justifiant la demande
de partage. L’interprétation de ces termes, c’est-à-dire l’examen des motifs prétendus par les
époux dans chaque cas d’espèce, était le travail du juge. Dans la préparation du projet de la
nouvelle loi sur le mariage et la famille, il y avait des propositions portant sur la mention
expresse des cas d’espèce, dans lesquels les époux pouvaient s’accorder de partager leurs
biens communs, même sans homologation judiciaire175. En s’attachant à la pratique, afin
d’assurer l’indépendance de chacun des époux dans ses activités professionnelles, le
législateur a montré dans la loi de 2000 les deux motifs légitimes précis pour toute demande
de partage des biens communs : l’investissement personnel dans la production ou le
commerce, et l’exécution séparée d’un acte civil.
126. – Il est alors possible d’avoir une solution semblable pour le logement de la
famille. Dans l’article 28, alinéa 3 et l’article 33, alinéas 4 et 5 en vigueur, la dénomination de
ce bien pourra être placée à côté des termes généraux. Ces règles seront donc comme
suivantes :
L’article 28, alinéa 3 : « Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, contracter, exécuter,
interrompre des actes civils impliquant le logement de la famille ou tout autre bien commun
ayant une grande valeur ou constituant l'unique source d'existence de la famille ou utiliser
ces biens pour investir dans la production ou le commerce, sauf le cas où un partage de biens
communs a été fait en vue d'un investissement personnel conformément aux dispositions d
l'article 29, alinéa 1er de la présente loi ».
175 DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p. 51-52.
78
L’article 33, alinéas 4 et 5 : « Le logement ou tout autre bien propre de chacun des
époux sont également utilisés afin de pourvoir à l'entretien du ménage au cas où les biens
communs ne sont pas suffisants.
Au cas où les biens propres d'un époux sont affectés à une utilisation commune et que
les fruits et revenus qui en sont issus constituent l'unique source d'existence du ménage, la
disposition de ces biens propres ne peut se faire qu'avec le consentement des époux ».
La présente solution a un grand avantage, qui est de ne pas changer la structure
actuelle du régime matrimonial dans la loi sur le mariage et la famille. Pourtant, il faudra
répéter la dénomination du logement de la famille dans deux articles différents. Le statut
juridique de ce bien particulier n’a par, par conséquent, une présentation concentrée. De
surcroît, l’importance du logement familial ne sera pas tout à fait mise en évidence, car ce
bien se trouve encore dans le statut général des biens communs et des biens propres.
2 - L’insertion d’un article
127. - La seconde idée concernant la règle régissant le logement familial imite la
structure actuelle des dispositions sur la liquidation des biens lors du divorce. Rappelons que
les articles 95 et suivants de la loi sur le mariage et la famille de 2000 instituent d’abord les
principes du partage des biens communs, ils exposent ensuite quelques solutions d’espèce
concernant le local d’habitation, le droit d’usage des fonds de terre, etc. En poursuivant ce
modèle, le nouveau régime matrimonial contiendra d’abord les règles portant sur la
détermination des biens communs et des biens propres. Ensuite, ce seront les principes dans la
possession, l’usage et la disposition des biens communs et des biens propres. Enfin, il y aura
une règle unique et indépendante régissant le logement de la famille (cette règle jouera alors
le rôle de réservation ou d’exception des principes précités), telle que suivante :
« Article un tel : Les époux ne peuvent l’un sans l’autre contracter, exécuter,
interrompre les actes civils impliquant le local qui sert effectivement l’habitation commune de
tous les membres des familles ainsi que les meubles le garnissant, quelque soit la nature
juridique des biens en cause ».
Avec la présente façon de disposition, l’importance du logement commun dans la vie
familiale, qui est déjà une réalité sociale, sera soulignée dans la loi. Ce bien aura ainsi un
statut juridique indépendant. Néanmoins, il faudra pour cela construire une structure
79
totalement nouvelle du régime matrimonial. Ce travail ne pourra être réalisé que dans une
grande codification du droit de la famille, qui se justifie par plusieurs éléments pratiques
différents et qui nécessite du temps, du financement et des débats juridiques. Le fruit produit
par cette codification sera une nouvelle loi sur le mariage et la famille.
128. - Dans ces deux solutions suggérées, il convient d’insérer dans la loi sur le
mariage et la famille encore une disposition instituant la garantie de la règle impérative par
voie judiciaire. Précisément, lorsque l’un des époux effectue un acte de disposition sur le
logement familial sans le consentement de l’autre, ce dernier a le droit de demander au
tribunal de déclarer la nullité de l’acte ; le droit de demande peut se prescrire après un certain
délai. Une telle sanction civile constitue un complément indispensable du statut du logement
familial.
129. - En somme, la technique législative est le moyen de transport de la volonté du
législateur dans son chemin vers le peuple. Dans la mise en application des règles, il est
évidemment indispensable d’examiner le contenu de celles-ci.
SECTION II : LE CONTENU DES RÈGLES
130. - Pour maintenir l’affectation du logement commun à la jouissance de la famille,
le pouvoir de chacun des époux sur ce local est conditionné par le concours obligatoire de son
conjoint. Il est alors nécessaire d’examiner le principe de la disposition du logement de la
famille (§1), et puis la conséquence juridique de l’inobservation de cette règle (§2).
§1 : Le principe de la disposition du logement de la famille : le consentement des
époux
131. - Étant un bien, commun ou propre des époux, le logement de la famille est régi
par les règles qui constituent le régime matrimonial. Le but de cette étude n’est pas d’analyser
tout le régime matrimonial, mais simplement de mettre en évidence les droits de chacun des
époux sur un bien extrêmement important, qui est le logement de la famille. D’un point de
vue global, chacun des époux ne peut pas toujours agir à sa libre volonté lorsque l’acte civil
qu’il contracte affecte le local d’habitation commun de la famille. Il s’agit de la limite des
pouvoirs des époux sur le logement de la famille. Toutes les analyses ci-dessous seront faites
dans la présomption qu’en droit vietnamien, le logement de la famille est considéré comme un
80
bien ayant une grande valeur et/ou étant l’unique source d’existence de la famille, selon le
sens des articles 28 et 33 précités de la loi sur le mariage et la famille de 2000.
Pour approfondir les idées, il convient d’envisager l’affectation du logement à la
jouissance de la famille (A) et la protection du logement familial (B), en comparaison avec
certaines dispositions étrangères équivalentes.
A. L’affectation du logement à la jouissance de la famille
132. – L’affectation du logement à l’habitation de toute la famille se varie selon qu’il
est un bien commun des époux (1) ou un bien propre de l’un d’eux (2).
1- Le logement de la famille étant un bien commun des époux
133. - Le logement familial est un bien particulier : il sert la jouissance commune de
toute la famille, mais cela ne signifie pas qu’il est automatiquement un bien commun des
membres de la famille. C’est pourquoi, avant toute étude en détail, il convient de connaître
des critères pour déterminer le droit de propriété du logement familial.
134. - La distinction entre les biens communs et les biens propres est une question
importante dans l’examen des actes civils effectués par les époux. Le droit vietnamien et le
droit français, l’un comme l’autre, soulignent toujours ce point. Les deux systèmes prennent
les techniques semblables dans la présente détermination de la nature des biens.
Précisément, l’article 27, alinéa 1er et l’article 32, alinéa 1er de la loi sur le mariage et
la famille vietnamienne176 arrangent les catégories des biens communs et biens propres des
époux. Le même arrangement peut être trouvé dans les articles 1401 et de 1404 à 1408 du
176 - L’article 27, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Les biens communs des époux se composent des biens acquis par eux durant le mariage grâce à un travail rémunéré ou à des activités de production et de commerce, de tout autre revenu licite des époux, des biens qu'ils acquièrent conjointement par succession ou donation ainsi que de tout autre bien propre attribué d'un commun accord entre les époux à la masse des biens communs. Le droit d'usage d'un fonds de terre acquis par les époux après la célébration du mariage fait partie de leurs biens communs. Le droit d'usage d'un fonds de terre acquis ou hérité séparément par un époux avant la célébration du mariage n'appartient aux biens communs que s'il y a un accord commun entre les époux. Les biens communs des époux sont réunis dans une copropriété sous la forme indivise ». - L’article 32, alinéa 1er de la même loi : « Les époux ont droit aux biens propres. Les propres d'un époux se composent des biens dont il avait la propriété avant la célébration du mariage, ou qu'il acquiert séparément par succession ou par donation pendant le mariage, des biens dont il a bénéficié lors d'un partage aux termes des dispositions de l'article 29, alinéa 1er et de celles de l'article 30 de la présente loi, des affaires personnels, des vêtements et linges à l'usage personnel ».
81
Code civil français177, qui régissent le régime matrimonial légal de communauté des
acquêts178. Ces mentions légales fournissent évidemment des fondements importants à la
qualification d’un bien précis dans la famille. Dans leur contenus, les critères de biens
communs et de bien propres en droit vietnamien et ceux en droit français ont assez de points
proches.
Afin d’assurer la distinction entre les deux masses de biens, il faut, de plus, un
principe qui s’applique à tous les cas qui peuvent se produire dans la pratique. À ce point, le
droit vietnamien et le droit français ont des solutions tout à fait pareilles. L’article 27, alinéa 3
de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne dispose : « Tout bien dont la propriété est
contestée par l'un ou l'autre époux est réputé bien commun si l'on ne prouve qu'il est propre à
l'un des époux ». Selon l’article 1402, alinéa 1er du Code civil français, « Tout bien, meuble ou
immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des
époux par application d’une disposition de la loi ». Mettant à part des différences de forme
des termes, il est clair que ces deux dispositions aboutissent aux mêmes effets. Précisément, le
caractère commun de tout bien est toujours présumé ; celui qui prétend le contraire doit le 177 Les articles mentionnés du Code civil français : - L’article 1401 : « La communauté se compose activement des acquêts faits par les époux ensemble ou séparément durant le mariage, et provenant tant de leur industrie personnelle que des économies faites sur les fruits et revenus de leurs biens propres ». - L’article 1404 : « Forment des propres par leur nature, quand même ils auraient été acquis pendant le mariage, les vêtements et linges à l'usage personnel de l'un des époux, les actions en réparation d'un dommage corporel ou moral, les créances et pensions incessibles, et, plus généralement, tous les biens qui ont un caractère personnel et tous les droits exclusivement attachés à la personne. Forment aussi des propres par leur nature, mais sauf récompense s'il y a lieu, les instruments de travail nécessaires à la profession de l'un des époux, à moins qu'ils ne soient l'accessoire d'un fonds de commerce ou d'une exploitation faisant partie de la communauté ». - L’article 1405 : « Restent propres les biens dont les époux avaient la propriété ou la possession au jour de la célébration du mariage, ou qu'ils acquièrent, pendant le mariage, par succession, donation ou legs. La libéralité peut stipuler que les biens qui en font l'objet appartiendront à la communauté. Les biens tombent en communauté, sauf stipulation contraire, quand la libéralité est faite aux deux époux conjointement. Les biens abandonnés ou cédés par père, mère ou autre ascendant à l'un des époux, soit pour le remplir de ce qu'il lui doit, soit à la charge de payer les dettes du donateur à des étrangers, restent propres, sauf récompense ». - L’article 1406 : « Forment des propres, sauf récompense s'il y a lieu, les biens acquis à titre d'accessoires d'un bien propre ainsi que les valeurs nouvelles et autres accroissements se rattachant à des valeurs mobilières propres. Forment aussi des propres, par l'effet de la subrogation réelle, les créances et indemnités qui remplacent des propres, ainsi que les biens acquis en emploi ou remploi, conformément aux articles 1434 et 1435 ». - L’article 1407 : « Le bien acquis en échange d'un bien qui appartenait en propre à l'un des époux est lui-même propre, sauf la récompense due à la communauté ou par elle, s'il y a soulte. Toutefois, si la soulte mise à la charge de la communauté est supérieure à la valeur du bien cédé, le bien acquis en échange tombe dans la masse commune, sauf récompense au profit du cédant ». - L’article 1408 : « L'acquisition faite, à titre de licitation ou autrement, de portion d'un bien dont l'un des époux était propriétaire par indivis, ne forme point un acquêt, sauf la récompense due à la communauté pour la somme qu'elle a pu fournir ». 178 Nous faisons ici seulement la comparaison entre deux régimes matrimoniaux légaux dans deux pays, vu leurs présences courantes en pratique. De plus, ils sont tous les deux communautés des acquêts.
82
prouver, et le bien en cause ne sera propre à l’un des époux que si la présente démonstration
réussit.
Ainsi, il convient de conclure que le logement de la famille est toujours présumé bien
commun des époux. L’époux qui le contredit a l’obligation de prouver que ce local
d’habitation est propre à lui.
135. - En ce qui concerne la présente démonstration, l’article 1402, alinéa 2 du Code
civil français établit une large étendue des preuves admissibles : «Si le bien est de ceux qui ne
portent pas en eux-mêmes preuves ou marque de leur origine, la propriété personnelle de
l’époux, si elle est contestée, devra être établie par écrit. À défaut d’inventaire ou autre
preuve préconstituée, le juge pourra prendre en considération tous écrits, notamment titres de
la famille, registres et papiers domestiques, ainsi que documents de banque et de facture. Il
pourra même admettre la preuve par témoignage ou présomption, s’il constate qu’un époux a
été dans l’impossibilité matérielle ou morale de se procurer un écrit ».
136. - Au Vietnam, malgré la présomption de biens communs précitée, l’article 27,
alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille dispose : « Lorsque l'enregistrement du droit de
propriété est obligatoire pour un bien faisant partie de la copropriété, les noms des deux
époux doivent être mentionnés dans le titre de propriété ». Selon l’article 5 du Décret n°
70/2001/ND-CP, les biens faisant l’objet du présent enregistrement sont le local d’habitation,
le droit d’usage des fonds de terre et tout autre bien dont la propriété doit être enregistrée. Une
question se pose : lorsque le titre de propriété du logement, ou de tout autre bien enregistré, ne
mentionne que le nom de l’un des époux, est-ce que le caractère commun du bien est nié
d’une manière d’office ?
La réponse positive à cette question créera évidemment une contradiction entre les
alinéas 2 et 3 de l’article 27. En réalité, le droit de propriété du bien est décidé par son
acquisition : celle-ci est conjointement faite par tous les deux époux ou seulement par l’un
d’eux. L’enregistrement du droit de propriété ne change point cette situation de base. C’est
pourquoi, à notre avis, l’enregistrement du bien sous les noms de tous les deux époux n’est
qu’une preuve qui facilite la connaissance des tiers sur la nature juridique du bien, et qui joue
un rôle considérable dans la procédure judiciaire, lorsque l’un des époux dit que le bien est
proprement à lui. À défaut d’un tel titre de propriété conjoint, le caractère commun du bien est
quand même présumé jusqu’à la preuve contraire. La même idée a été, en réalité, confirmée
83
dans la doctrine179, ainsi que dans la Résolution n° 02/2000/NQ-HDTP du Conseil des Juges
de la Cour populaire suprême180. Afin de protéger effectivement les intérêts légitimes de
chacune des parties, toutes les catégories de sources de preuves181 devraient être admissibles
dans la démonstration du caractère propre du bien182.
137. - La détermination de la propriété du logement de la famille facilite l’examen du
logement familial dans le rapport patrimonial entre époux. Il est clair que le local d’habitation
commun est important puisqu’il est le lieu d’habitation effectif de toute la famille, avec les
éléments matériels dont les membres de la famille jouissent dans leur vie quotidienne. Il
convient donc d’examiner le local lui-même (a) et les meubles qui le garnissent (b).
a. Le logement
138. – Les droits de chacun des époux sur le logement familial sont conditionnés par
la garantie légale envers ce local, au profit de la famille. C’est pourquoi, il faut mettre en
évidence l’objet de la présente garantie.
139. - À ce point, le droit français mentionne des droits par lesquels est assuré le
logement de la famille. Alors, l’objet de la protection légale n’est pas le logement au sens
matériel et naturel (une maison, un appartement, etc.), mais des droits qui permettent à la
famille d’habiter un local quelconque (droit de propriété, droit d’usage, etc.). La protection
légale vise un objet abstrait, de nature juridique. En réalité, dans la vie quotidienne, ce qui est
utile pour la famille, c’est le logement matériel, dans lequel chaque membre de la famille peut
179 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op.cit., n° 61, p.86. 180 L’article 3.b de la Résolution n° 02/2000/NQ-HDTP du 03 décembre 2000 : « … Afin de protéger les droits et intérêts légitimes des parties, lorsque les biens acquis par les époux au cours du mariage sont soumis à l’enregistrement légal du droit de propriété mais le titre de propriété n’inscrit que le nom de l’un d’eux, en l’absence de contentieux, ces biens sont considérés comme biens communs des époux ; s’il y en a une prétention de bien propre, l’époux dont le nom figure dans le titre de propriété devra prouver qu’il a acquis le bien en cause par voie de succession personnelle, de donation personnelle au cours du mariage ou que ce bien résulte de ses biens propres disposés à l’article 32, alinéa 1er (par exemple, il a une somme d’argent par voie de succession personnelle, il affecte cette somme à l’achat d’une moto et il ne verse pas celle-ci dans la masse des biens communs). Si l'on ne prouve que le bien en cause est propre à l'un des époux, en application de l’article 27, alinéa 3, il sera réputé comme bien commun des époux ». 181 Selon l’article 82 du Code de procédure civile de 2004, les sources de preuves sont : les documents lisibles, audibles, visibles ; les preuves en objet ; les déclarations des parties ; les déclarations des témoins ; les conclusions d’expertise ; les procès-verbaux des examens sur place ; les coutumes ; les résultats de l’évaluation des biens ; les autres sources de preuves en application des dispositions légales. 182 DOAN Thi Phuong Diep, Nguyên tắc suy ñoán tài sản chung trong Luật Hôn nhân và gia ñình Việt Nam và Luật Dân sự Pháp, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 18 (134) tháng 10/2008 (Le principe de présomption des biens communs dans la loi sur le mariage et la famille vietnamienne et dans le droit civil français, Revue des Études législatives n° 18 (134) octobre 2008).
84
habiter. Pourtant, sous l’aspect juridique, ce qui est important, c’est un droit qui donne à la
famille l’accès à ce logement matériel. Sans ce droit, le local matériel, qui conserve toujours
toute la valeur d’usage, devient inaccessible pour la famille. C’est pourquoi, afin de garantir
l’habitation commune de la famille, le législateur doit mentionner les droits qui assurent
l’accès à ce local.
Les droits mentionnés par l’article 215, alinéa 3 du Code civil français se composent
des droits réels et des droits personnels. En ce qui concerne les droits réels, il y a, d’une
manière globale, le droit de propriété, le démembrement du droit de propriété (par exemple, le
droit d’usufruit), les droits indivis avec le conjoint ou avec des héritiers. Pour les droits
personnels, peuvent être cités le droit au bail et son dérivé, le droit au maintien dans les lieux ;
le droit accordé au titulaire de parts ou d’actions d’une société civile immobilière183, le contrat
d’assurance garantissant le logement familial184.
140. - Quelle disposition le droit vietnamien a-t-il ? L’article 28, alinéa 3 de la loi sur
le mariage et la famille mentionne « des biens communs ayant une grande valeur ou
constituant l’unique source d’existence de la famille ». Selon l’article 163 du Code civil
vietnamien de 2005, les biens comprennent les choses matérielles, le numéraire, les titres qui
ont une valeur pécuniaire et les droits réels. Avec ces règles, le logement de la famille, en tant
que bien commun des époux, est-il protégé dans tous les cas ?
La réponse reste hésitante. D’une part, même la détermination du caractère commun
d’un bien, surtout d’un droit réel, se complique déjà dans plusieurs cas. D’autre part, les
expressions des règles en cause créent des difficultés dans leur application au cas du logement
familial.
i. La fragilité du logement familial assuré par un bail d’habitation
141. – Il convient d’examiner le cas où le bail d’habitation n’a été conclu qu’entre le
bailleur et l’un des époux, mais les loyers et charges ont été assurés par les revenus communs
183 Cité selon A. LAMBOLEY, M.-H. LAURENS-LAMBOLEY, Droit des régimes matrimoniaux, 5e éd., Litec 2008, nos 42-43, p. 25. 184 F. TERRÉ, Ph. SIMLER, op. cit., n°62, p.52.
85
du couple. L’époux signataire donne un congé, parce qu’il abandonne sa famille185 et revient
vivre avec ses parents ailleurs.
Dans quelle manière l’autre époux peut réagir ? La voie contractuelle est impossible,
puisqu’il n’est pas un cocontractant du bail186. Le recours au critère de l’unique source
d’existence de la famille l’en est ainsi, car l’époux signataire prouve que son conjoint peut
louer un autre logement avec ses propres ressources187. Est-ce que l’époux non signataire peut
contester le congé donné par l’autre, en prétendant que le droit au bail, qui a été contracté par
celui-ci seul, est un bien commun ayant une grande valeur, car il a été payé par des fonds
communs des époux ? Si la réponse est positive, le congé de l’époux signataire sera nul, en
application de l’article 28, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille. Pourtant, dans le
cadre des dispositions légales en vigueur portant sur le bail du local d’habitation, une telle
demande de l’époux non signataire reste discutable. En effet, les fonds affectés au paiement
des loyers et charges relèvent du rapport patrimonial entre époux eux-mêmes, tandis que le
droit au bail est l’histoire entre le bailleur et l’époux locataire. Le bailleur n’a pas l’obligation
de s’intéresser à l’intérêt familial du locataire, surtout lorsque celui qui avait conclu le contrat
de bail avec lui a décidé de mettre fin définitivement à ce rapport locatif.
142. - Pour une solution, à notre avis, lorsque le bail d’habitation en cause a été
contracté au cours du mariage, le droit au bail doit être considéré comme un bien commun des
époux, conformément à l’article 27, alinéa 1er de la loi sur le mariage et de la famille de 2009
précité. Précisément, ce droit au bail a été acquis au cours du mariage grâce aux fonds
communs des époux. La cotitularité du bail est ainsi établie non seulement par voie
contractuelle, mais aussi par l’effet du mariage du locataire.
Lorsque le bail a été conclu avant le mariage, en principe, le droit au bail est un bien
propre des époux, en application de l’article 32, alinéa 1er de la même loi. Pourtant, il est dit
185 En droit vietnamien, les époux n’ont pas l’obligation légale de mener une cohabitation. 186 L’article 497 du Code civil de 2005 dispose : « Les colocataires dont les noms figurent dans le contrat de bail ont tous dans leurs rapports avec le bailleur les mêmes droits et obligations et sont tenus solidairement de l’exécution de leurs obligations envers lui ». Ainsi, cette règle institue la cotitularité du bail d’habitation uniquement par voie contractuelle. Les cooccupants du local autre que la personne qui a contracté le bail, même s’il s’agit de son époux, n’a ni droit ni obligation concernant ce contrat. Pourtant, l’époux du locataire est quand même tenu à l’obligation solidaire avec celui-ci pour le paiement des loyers et charges, car le bail d’habitation en cause est un acte contracté en vue de l’entretien du ménage, conformément à l’article 25 de la loi sur le mariage et la famille de 2000. À ce point, on peut voir l’inconvénient irraisonnable créé par les dispositions légales, auquel l’époux du locataire doit faire face. En effet, pourquoi il n’a aucun droit sur ce qu’il paie toujours ? 187 Mais le déménagement exige des dépenses et crée sans doute des désordres dans la vie. C’est pour cette raison que le maintien dans les lieux et le renouvellement du bail sont importants pour la famille.
86
dans la doctrine que, puisque le paiement des loyers et charges reste une obligation solidaire
légale des époux, il convient de considérer le droit au bail comme un bien commun des
époux ; ce sera une exception du principe institué par l’article 32, alinéa 1er précité188.
Si la même situation a lieu en France, il y aura une solution différente. En effet, grâce
à l’article 215, alinéa 3 et notamment à l’article 1751, alinéa 1er du Code civil français,
l’époux non signataire du bail peut conserver le droit au maintien dans les lieux et celui au
renouvellement du bail.
ii. La complexité du bien ayant la grande valeur ou constituant l’unique source
d’existence de la famille
143. - Lorsque le logement familial est déterminé comme un bien commun en pleine
propriété des époux, faut-il prouver encore la grande valeur ou le rôle indispensable du
bien par rapport à la vie familiale ? Si la réponse est positive, dans quelle manière la présente
démonstration sera réalisée ?
Pour le premier critère, il est difficile d’avoir la qualification quantitative d’un bien
ayant une grande valeur. Selon l'interprétation à l’article 4, alinéa 3 du Décret n° 70/2001/ND-
CP, les biens ayant une grande valeur sont déterminés en fonction de leur valeur par rapport à
l'ensemble des biens communs des époux. Le présent Décret ne fixe pas une proportion
concrète, mais selon l'esprit de ladite disposition, les biens ayant une grande valeur ne sont
pas les mêmes à travers des familles différentes, puisque chaque famille a son propre niveau
de vie matérielle. C’est une disposition convenable à la société vietnamienne, dans laquelle le
niveau de vie des habitants est très varié. Néanmoins, à cause de l’absence de proportion
concrète, c’est évidemment le juge qui a le pouvoir souverain (donc discrétionnaire) de
confirmer la grande valeur d’un bien, en examinant tout le patrimoine de la famille.
Pour le second critère, le logement familial est réputé comme l’unique source
d’existence de la famille lorsque l’on réussit à démontrer que sans ce local, la famille ne peut
pas trouver un autre local d’habitation, au motif principal et courant que les fonds familiaux
ne sont pas suffisants pour le faire. Afin de protéger l’intérêt légitime des membres
vulnérables de la famille, surtout la femme et les jeunes enfants, dans tous les cas où une telle
188 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op. cit., n° 81a, p.114.
87
situation est prouvée, il faut que le tribunal déclare la nullité de l’acte fait par l’un des époux
qui aliène le logement familial.
144. - À notre avis, dans la pratique judiciaire, il y a peu de problèmes lorsque le
logement familial est un bien commun des époux. En effet, selon les dispositions légales
portant sur les actes civils affectant les immeubles, pour la validité de l’acte concernant un
bien immobilier en copropriété, le consentement de tous les copropriétaires est exigé ; le
défaut du consentement de l’un d’eux entraine la nullité de l’acte passé189. La pratique
notariale poursuit cette idée dans les actes civils effectués par les époux concernant les biens
de grande valeur, notamment les immeubles190. Le logement de la famille - bien commun des
époux est un immeuble191, qui appartient à la copropriété indivise de ceux-ci192. Par
conséquent, l’un des époux a une autre voie, plus simple et plus efficace que celle fournie par
l’article 28, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille, de demander la nullité de l’acte et
protéger la solidité du logement familial. Précisément, une fois que l’un des époux a réussi à
prouver que le logement familial (ou plutôt les droits qui assurent ce logement) est un bien
commun de tous les deux193, il lui convient de prétendre les dispositions légales sur les biens
immobiliers appartenant à la copropriété indivise, pour motiver sa requête en nullité contre
l’acte abusif fait par l’autre. À ce point, d’un point de vue formel, les droits de chacun des
époux sur le logement familial - bien commun sont limités non pas au profit de l’intérêt de la
famille, comme les rédacteurs de la loi sur le mariage et la famille de 2000 auraient souhaité,
mais à cause de la copropriété indivise - un effet patrimonial du mariage.
145. – La présente pratique judiciaire montre la place curieuse de l’article 28, alinéa 3
de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : au moins pour les immeubles - biens communs
des époux, cette règle compliquée ne sera pas utilisée par les juges, puisque ceux-ci peuvent
se baser sur d’autres dispositions légales pour motiver leurs décisions. Or, à l’heure actuelle, à
189 Au titre d’exemple, l’article 96, alinéa 1er de la loi sur les locaux d’habitation dispose : « La vente du local d’habitation appartenant à la copropriété indivise nécessite le consentement manifesté en écrit de tous les copropriétaires ». 190 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op. cit., n° 63, p.88. 191 En application de l’article 174, alinéa 1.b du Code civil de 2005, une catégorie des immeubles se compose des bâtiments, des constructions attachées au sol, y compris des biens attachés à ces bâtiments et constructions. 192 En application de l’article 27, alinéa 1er, troisième paragraphe de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Les biens communs des époux sont réunis dans une copropriété sous la forme indivise ». 193 En réalité, le demandeur n’a pas à prouver la qualité de bien commun du logement familial, car il bénéficie de la présomption des biens communs instituée par l’article 27, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille de 2000. C’est le défendeur qui doit démontrer que ce bien immobilier est propre à lui, pour justifier l’acte de disposition passé concernant le local. Cf. supra, n° 134.
88
part des immeubles, il y a peu de contentieux des époux concernant d’autres biens communs
qui sont portés devant le juge. Quelle est alors la portée pratique de l’article 28, alinéa 3 ?!
b. Les meubles garnissant le logement de la famille
146. - L’article 215, alinéa 3 du Code civil français exige le consentement de tous les
deux époux non seulement dans les actes de disposition portant sur le logement familial, mais
aussi dans ceux affectant les meubles meublants qui garnissent ce local194.
Pourquoi cette disposition ? En réalité, un local d’habitation se compose du logement
(une maison, un appartement, etc.) et des meubles y se trouvant (la table, le lit, le rideau, etc.).
Le législateur français voulait garantir une structure globale du logement familial, pour que la
famille puisse y maintenir une vie normale. L’article 215, alinéa 3 poursuit une logique
quotidienne : la vie familiale est strictement liée au confort du logement de la famille. C’est
pourquoi, le changement d’un élément de cet espace, qui est effectué par l’acte abusif de l’un
des membres de la famille, peut causer aux autres des désordres illégitimes et irraisonnables,
voire des dommages matériels et moraux. Un tel mauvais état doit être écarté par
l’intervention des règles juridiques. Le logement familial en droit français est alors protégé
dans tout son ensemble matériel, avec toute sa destination d’usage. Le législateur fait le plus
des efforts pour prévenir et exclure les actes de mauvaise foi faits par l’un des époux affectant
le logement familial, qui portent atteinte aux droits et intérêts légitimes des autres membres de
la famille.
147. - Dans les systèmes juridiques où le logement de la famille n’est pas
expressément dénommé, autrement dit, il n’a pas un statut propre, une disposition semblable à
la règle française précitée ne peut pas être trouvée. Telle est la situation du droit vietnamien.
En effet, dans la loi sur le mariage et la famille vietnamienne, la protection du
logement familial, qui se base sur l’interprétation des règles générales, n’englobe pas
automatiquement les meubles meublants qui garnissent ce local. En d’autres termes, les
dispositions légales n’attachent pas le sort de ces meubles meublants au local d’habitation 194 L’article 534 du Code civil français : « Les mots "meubles meublants" ne comprennent que les meubles destinés à l'usage et à l'ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature. Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d'un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières. Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d'un appartement sont comprises sous la dénomination de "meubles meublants" ».
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qu’ils comblent. Rappelons que les actes abusifs contractés par l’un des époux affectant le
logement familial peuvent être exclus, soit par les règles de la copropriété indivise, soit par
celle ayant pour but de défendre l’intérêt commun de la famille. Pourtant, toutes ces règles ne
construisent pas encore un lien entre ce logement et les meubles meublants le garnissant,
malgré le fait que ces meubles existent d’une manière évidente dans la vie quotidienne. Le
droit vietnamien ne garantit que logement de la famille lui-même, non pas les meubles qui
constituent sa valeur d’usage totale. Dans le cadre des dispositions en vigueur, l’un des époux
a la possibilité de remplacer, peu à peu, l’intérieur du local d’habitation commun, par les
matériels de pire qualité, tandis que l’autre ne peut pas le contester, car ces biens ne satisfont
pas aux conditions des « biens communs ayant une grande valeur ou constituant l’unique
source d’existence de la famille ». Une telle substitution a évidemment de mauvaises
influences sur la vie commune de la famille. Ainsi, en vue du perfectionnement du droit
vietnamien, la présente question juridique doit être prévue et traitée195.
148. - En somme, la protection indirecte du logement familial, qui se base sur
l’interprétation des règles générales en droit vietnamien, n’est pas une solution complète. En
droit français, le logement de la famille est protégé grâce à sa destination d’usage, quelque
soit sa nature juridique, sa valeur. En droit vietnamien, même si le logement familial est un
bien commun des époux, la façon de protection précitée n’arrive pas encore à lutter contre
tous les actes de mauvaise foi faits par l’un des époux, lorsque son coeur n’est plus réservé à
sa famille. Au cas où le logement familial est un bien propre de l’un des époux, la
réglementation du droit vietnamien se complique encore.
2- Le logement de la famille étant un bien propre de l’un des époux
149. - Étant propriétaire, chacun des époux observe les règles du droit commun sur le
bien et la propriété. Le droit de la famille, en qualité d'un domaine spécifique du droit privé,
ne reprend que des dispositions du droit civil, avec l'esprit général : chacun des époux a son
droit d'autodétermination et en est responsable. En effet, l'article 33, alinéa 1er de la loi sur le
mariage et la famille de 2000 institue un principe de base : « Chacun des époux a la
possession, la jouissance et la disposition de ses biens propres, sauf le cas prévu à l’alinéa 5
du présent article196 ». En fait, la présente loi dispose le statut des biens propres de chacun
195 Pour la solution de cette problématique, cf. infra, nos 165-167. 196 L’article 33, alinéa 5 détermine la restriction du droit de disposition de chacun des époux sur ses biens propres. Cf. infra, nos 157-164.
90
des époux dans deux états : dans l'état inactif, elle reconnaît le droit d'avoir des biens propres
de chacun des époux ; dans l'état actif, elle lui octroie la plénitude des droits sur ces biens. Au
plan individuel, c'est un encadrement juridique logiquement construit. Pourtant, en ce qui
concerne le logement de la famille, celui-ci entraîne une conséquence juridique importante.
150. – En effet, si le local servant l’habitation de tous les membres de la famille est un
bien propre de l’un des époux, l’affectation familiale de ce bien peut être remise en cause à
tout moment. Il est clair qu’en principe, le propriétaire peut tout faire avec son bien197. Les
autres personnes, même son conjoint ou ses enfants, ne peuvent pas l’empêcher à le faire. Le
logement de la famille risque alors d’être aliéné, ou au moins d’être engagé dans des
contentieux familiaux, lorsque l’époux propriétaire ne veut plus construire et entretenir sa
communauté conjugale. Quelle est alors une solution raisonnable pour balancer entre l’intérêt
individuel et l’intérêt familial ?
151. - La complexité du régime juridique des biens propres s’explique par son
contexte social. Pendant une longue période, au Vietnam, la propriété privée, dans la
distinction avec la propriété des institutions publiques, était de nature familiale et non pas
individuelle. C’était le cas du droit ancien ainsi que du droit moderne198. Après 1945, la
première loi sur le mariage et la famille, adoptée en 1959, disposait le régime matrimonial
légal de communauté universelle : l’idée de propriété familiale conservait encore sa force
dans la société. Ce n’était qu’en 1986 que la deuxième loi sur le mariage et la famille
disposait le droit d’avoir des biens propres de chacun des époux, mais elle n’a pas institué un
régime juridique complet de cette masse de biens. Dans la pratique judiciaire, la Résolution n°
01/NQ-HDTP du 20 janvier 1988 du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême n’en a
pas donné non plus des précisions. Pourtant, il est indispensable de comprendre que pendant
toute cette période, les époux n’avaient pas tellement de biens qu’il faillait une distinction
claire entre biens communs et biens propres ; par ailleurs, les règles morales et coutumières
portant sur la propriété familiale dirigeaient encore le comportement d’un grand nombre
d’habitants.
Avec le développement de l’économie nationale et l’évolution des mœurs à la porte du
XXI e siècle, la distinction entre les masses de biens au sein de la famille devenait de plus en
197 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op. cit., n° 219, p.261. 198 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op. cit., n° 8-9, p.16-19.
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plus courante dans les rapports patrimoniaux entre époux. Chacun s’intéressait à sa propriété
privée au titre individuel, tandis que le souci de protéger les intérêts communs de la famille se
grandissait.
152. - En tenant compte de la pratique et en se basant sur les dispositions du Code
civil régissant la propriété privée199, dans la loi sur le mariage et la famille de 2000, le
législateur vietnamien a essayé de construire un régime juridique des biens propres de chacun
des époux dans la vie familiale. À côté du respect du droit de propriété exposé ci-dessus, la loi
fixe également des limites résultant de la qualité d’époux du propriétaire. Ces limites
concernent le droit de jouissance (a) et de disposition (b) sur des biens propres de chacun des
époux.
a. L’affectation des biens propres à la jouissance commune de la famille
153. - Selon l'article 33, alinéa 4 de la loi sur le mariage et la famille de 2000, les biens
propres de chacun des époux sont également utilisés afin de pourvoir à l'entretien du ménage,
au cas où les biens communs ne sont pas suffisants.
En qualité de membre de la famille, les époux ont l'obligation de s'occuper de la vie
familiale. Par conséquent, lorsque l'ensemble des biens communs est insuffisant à répondre
aux besoins essentiels des membres de la famille, chacun des époux est tenu de mettre ses
biens propres à l'usage commun, ou de ne pas empêcher les autres membres de la famille de
s'en servir. Il s’agit d’une limite du droit de propriété de chacun des époux sur ses biens
propres, puisque normalement, il peut interdire à toute autre personne d'affecter ses biens
propres sans sa permission. L'usage commun de ses biens propres par les autres membres de
sa famille, dans ce cas, est d’office et sans avoir besoin de son autorisation. En ce qui
concerne le logement familial, dans une telle situation difficile de la famille, l’époux
propriétaire doit laisser le local d’habitation, qui est son bien propre, à l’usage de tous les
autres membres de la famille. L’article 33, alinéa 4 doit alors être interprété et appliqué au cas
du logement familial.
199 L’article 220 du Code civil de 1995 disposait la propriété privée. La présente disposition est reproduite dans l’article 211 du Code civil de 2005 : « La propriété privée est la propriété des particuliers sur les biens personnels qu’ils ont acquis légalement. La propriété privée comprend la propriété de niveau individuel, la propriété du petit capitaliste, la propriété du gros capitaliste privé ».
92
154. - Le besoin d’être logé de la famille est une réalité, la garantie d’un logement
commun fait partie de l’entretien du ménage. Le rôle important du logement commun envers
la famille est indiscutable. Quant à l’état d’insuffisance des biens communs ? C’est le cas où il
n’y a pas de logement - bien commun des époux, leurs fonds communs ne sont pas suffisants
pour donner au ménage le droit d’habitation quelque part. Le logement - bien propre de l’un
d’eux est la seule solution qui reste.
155. - Le droit d’usage de la famille affectant le logement propre de l’un des époux
produit des conséquences juridiques remarquables dans la vie conjugale. Ce droit est un effet
direct du mariage, c’est pourquoi il apparaît dès la formation légitime du mariage et existe
jusqu’à la fin de la situation difficile du ménage. Dans ce cas, le droit de propriété de l’époux
propriétaire est limité, alors que la présente limite donne à l’autre époux un droit au logement
grâce à son lien conjugal.
Sous un autre aspect, l’article 33, alinéa 4 précité n’aborde que l’insuffisance des biens
communs, il ne mentionne pas la situation financière de l’époux bénéficiaire du droit
d’habiter le logement propre de son conjoint. Or, l’insuffisance des biens communs n’est pas
toujours une vraie situation difficile de la famille.
156. – Il convient alors d’examiner un cas d’espèce : lorsque les époux partagent déjà
tous les biens communs au cours du mariage afin de réaliser chacun un investissement
personnel dans la production ou le commerce, conformément à l’article 29, alinéa 1er de la loi
sur le mariage et la famille200, il n’existe plus de biens communs, la condition de l’article 33,
alinéa 4 est satisfaite. Les époux peuvent avoir chacun sa compétence financière aisée, mais
ils vivent en commun dans le logement - bien propre de l’un d’eux. Lorsqu’ils ne s’entendent
plus, l’époux propriétaire ne peut pas expulser son conjoint, puisqu’il n’a pas de possibilité de
contredire à l’article 33, alinéa 4 ; de plus, l’expulsion du conjoint est sévèrement critiquée
par la morale sociale. Par contre, l’époux propriétaire pourrait être victime de l’abus de son
conjoint lorsqu’il doit payer tout seul les charges très élevées de ce logement. Le seul procédé
pour lui est de recourir à l’article 19 de la loi sur le mariage et la famille201, qui institue le
200 L’article 29, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Pendant la durée du mariage, les époux peuvent d'un commun accord partager leurs biens communs dans le but de réaliser un investissement personnel dans la production ou le commerce, d'exécuter séparément un acte civil ou pour tout autre motif légitime ; le partage des biens communs doit être effectué par écrit ; à défaut d'accord, les époux peuvent saisir le juge ». 201 L’article 19 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Les époux sont égaux et ont des droits et obligations égaux dans tous les domaines de la vie familiale ».
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principe d’égalité des droits et des obligations entre époux, et à l’article 25 de la même loi202,
qui dispose la solidarité conjugale, afin de demander le partage des charges du logement.
Pourtant, une telle action est encore étrangère dans la pratique juridictionnelle vietnamienne.
Ce cas d’espèce, envisagé comme une fraude qui peut se produire dans la vie
conjugale, n’est pas imaginable dans la morale traditionnelle. Néanmoins, avec l’évolution
des rapports socio-économiques, il convient de penser aux différends délicats mais
compliqués entre époux, ainsi qu’à leur traitement, pour que la vie familiale conserve sa paix.
b. La limite du droit de disposition sur les biens propres affectés à la jouissance
commune de la famille
157. - L'article 33, alinéa 5 de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne fixe la
limite du droit de disposition de chacun des époux sur ses biens propres : « Au cas où les
biens propres d'un époux sont affectés à une utilisation commune et que les fruits et revenus
qui en sont issus constituent l'unique source d'existence du ménage, la disposition de ces
biens propres ne peut se faire qu'avec le consentement des époux ».
Chacun des époux n'a plus de droit de disposer librement de ses biens propres, lorsque
ces biens répondent aux besoins indispensables de la famille. Le régime juridique applicable
aux biens propres, dans ce cas, est semblable à celui des biens communs. Pourtant, au sens
des termes, l’article 33, alinéa 5 institue des conditions compliquées pour la présente limite de
droit de disposition de l’époux propriétaire (i), tandis qu’il n’arrive pas à couvrir tous les
objets nécessitant la protection légale (ii).
i. La complexité des conditions de la protection légale
158. - Première condition : L’affectation commune de fait sur le bien propre
Pour que le consentement de tous les deux époux devienne obligatoire, le bien propre
en cause doit d’abord être affecté à la jouissance commune de la famille. Le législateur aurait
voulu poursuivre une logique : lorsque les biens communs des époux sont insuffisants pour
l’entretien du ménage, l’époux propriétaire doit mettre son bien propre à l’usage commun de
202 L’article 19 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Les actes exécutés légalement par un époux en vue de l'entretien du ménage oblige l'autre solidairement ».
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la famille ; et lorsqu’un tel usage commun est déjà établi, l’époux propriétaire n’a plus le libre
droit de disposition sur ce bien.
159. - Pourtant, dans un cas d’espèce, l’époux propriétaire peut aliéner son logement
propre, puis partir, quand il trouve que l’insuffisance des biens communs pour l’entretien de
sa famille va certainement avoir lieu, car il a convaincu son conjoint de vendre le logement
familial - bien commun pour un investissement commercial. Son conjoint risque de ne plus
avoir aucun local d’habitation. La présente fraude de l’époux propriétaire peut se réaliser
puisque dans l’article 33, alinéa 5 précité, l’affectation du bien propre à l’usage commun est
un état de fait prévu par l’alinéa 4. Par conséquent, l’autre époux ne pourra pas demander la
nullité de l’acte de mauvaise foi, si à la conclusion de cet acte, cet état de fait n’existe pas
encore. L’époux propriétaire n’a pas l’obligation d’informer son conjoint de l’aliénation de
son logement propre, car celui-ci n’est jamais encore mis à l’usage commun, tandis que
l’autre époux met l’accord sur la vente du logement familial en croyant qu’il va être logé dans
le logement propre de son époux. Enfin, ces deux actes se passent au même moment. L’époux
victime n’a pas de temps pour réagir.
160. - L’affectation commune de fait sur le bien propre peut laisser exister une autre
inégalité entre époux. Par exemple, lorsqu’il n’y a plus de bien commun servant l’habitation
commune de la famille, chacun des époux a un local d’habitation propre. La famille,
normalement, habite seulement l’un des deux. L’affectation commune de fait est donc établie
sur celui-ci. L’autre logement se trouve toujours dans la libre disposition de l’époux
propriétaire. Ce dernier peut effectuer une vente « discrète » de son local d’habitation, et il
continue à habiter le logement propre de son époux, devenant déjà le logement de la famille,
tandis que celui-ci doit respecter toujours la limite du droit de disposition sur ce local.
Dans ces deux exemples, malgré l’enregistrement obligatoire des actes de dispositions
sur les immeubles auprès de l’autorité compétente, au Vietnam, l’ignorance des gens sur un
tel ou tel acte d’espèce est assez courante, et celle d’un époux n’est pas une exception.
161. - À notre avis, ce sont des problèmes résultant de la technique législative.
Précisément, la limite du droit de disposition de l’un des époux sur ses biens propres suite à
l’affectation de fait de ces biens à la jouissance familiale n’arrive pas à empêcher toutes les
fraudes qui aliènent le logement de la famille. Il sera mieux de prévoir que lorsque les biens
communs ne sont pas suffisants pour l’entretien du ménage, la disposition des biens propres
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de chacun des époux ayant la possibilité de servir à cet entretien doit se faire avec le
consentement de tous les deux. Lorsqu’un litige concernant les actes de disposition affectant
ces biens se produit entre époux, par exemple l’un dit que le désaccord de l’autre est
injustifiable, le tribunal le tranchera en se basant sur l’égalité des droits et des obligations
entre époux, fixée par l’article 19 de la loi sur le mariage et la famille. Dans le cadre des
dispositions en vigueur, il convient que le tribunal déclare la commission d’une fraude par les
actes de mauvaise foi précités, ainsi que la nullité de ces actes en se basant toujours sur
l’article 19.
162. - Seconde condition : Les fruits et revenus qui sont issus du bien propre
constituant l’unique source d’existence du ménage
L’article 33, alinéa 5 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 fixe encore une
condition de la protection du bien propre de l’un des époux, qui est mis à l’usage commun de
la famille. Toujours au sens des termes, l’acte de disposition sur ce bien ne doit
obligatoirement se faire avec le consentement des époux que lorsqu’il sert à l’entretien du
ménage, et qu’il fournit des fruits et revenus constituant l’unique source d’existence de la
famille. Selon l’article 175 du Code civil de 2005, les fruits sont les produits naturels générés
par les biens, et les revenus sont les gains tirés de l’exploitation des biens.
163. - Dans certains cas, l’article 33, alinéa 5 précité se montre raisonnable. Par
exemple, un époux ne peut librement céder son droit d’usage des fonds de terre dont le loyer
est l’unique revenu répondant aux besoins indispensables de la famille. Pourtant, dans le cas
où le bien propre est un local d’habitation constituant l’unique résidence de la famille, cette
disposition semble inapplicable, car le local en cause ne produit ni le fruit, ni le revenu au
sens de l’article 175 du Code civil. Le logement occupé par la famille n’a qu’une valeur
d’usage. Jusqu’à maintenant, il n’est pas possible de considérer l’usage comme un revenu au
sens juridique, malgré sa valeur évaluable en argent. Par conséquent, tout bien propre ne
servant qu’à l’usage de la famille, dont le logement, ne satisfait pas aux conditions de l’objet
de la protection légale établie par l’article 33, alinéa 5 de la loi sur le mariage et la famille.
C’est un point irraisonnable puisque l’habitation est un besoin quotidien et indispensable de la
famille. Le logement est un élément de la source d’existence de la famille, à côté de la
nourriture, l’habillement, etc. Si la condition des fruits et revenus est obligatoire, dans le cas
où le local d’habitation propre de l’un des époux constitue le logement familial, le propriétaire
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conservera toujours la libre disposition sur ce bien. L’article 33, alinéa 5 n’aura alors aucune
valeur pour la protection du logement familial.
164. – Il s’agit encore, à ce point, d’un problème de technique législative. Tandis que
l’article 28, alinéa 3 protège les biens communs constituant l’unique source d’existence de la
famille, l’article 33, alinéa 5 ne défend pas les biens propres mis à la jouissance familiale eux-
mêmes, mais s’oriente vers les fruits et revenus qui y sont issus. La présente différence est
incompréhensible, puisqu’un bien mis à l’usage commun est important pour la famille par sa
destination d’usage, nonobstant sa nature juridique. L’ajout de l’expression « les fruits et
revenus qui y sont issus » rend étroit l’étendue de la protection de l’intérêt familial fournie par
l’article 33, alinéa 5 : la garantie légale ne concerne que les biens possibles de produire des
fruits et revenus, le local d’habitation occupé par la famille en est évidemment exclu. C’est
pourquoi, ladite expression est à la fois superflue et négative. À notre avis, dans la mise en
application de la loi sur le mariage et la famille, l’acte de disposition sur le bien propre
constituant le logement de la famille doit également avoir le consentement de tous les deux
époux203.
ii. Les lacunes de la protection légale
165. – À l’heure actuelle, la protection du logement familial en droit vietnamien ne
couvre pas encore les meubles meublants qui garnissent ce local, puisque, d’une manière
courante, ces meubles ne constituent pas chacun un bien de grande valeur, ou ne constituent
pas l’unique source d’existence du ménage. Peu importe que les meubles meublants soient
biens communs ou biens propres, l’un des époux a plusieurs possibilités d’en disposer seul et
rendre vide le local d’habitation commun, bouleverser le train de vie normal de la famille. Il
est clair que les articles 28 et 33 de la loi sur le mariage et la famille ne sont pas efficaces dans
ce cas. Ainsi, comment lutter contre ces actes abusifs de l’un des époux, afin de garantir une
jouissance paisible de la famille sur le logement ?
Pour avoir une solution raisonnable, il faut examiner ces actes frauduleux dans leur
ensemble.
166. - Si l’époux en cause, influencé par les fléaux sociaux, est dans la potentialité de
détruire le patrimoine familial, son conjoint ou un membre majeur capable de la famille 203 La présente idée est bien courante dans la doctrine. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op. cit., n° 227, p.270-271.
97
pourra demander au tribunal de déclarer sa capacité d’exercice civile limitée, conformément à
l’article 23 du Code civil204. Tout acte impliquant ses biens propres ne pourra se faire donc
qu’avec le consentement de son représentant légal, sauf les actes répondant aux besoins
indispensables de sa vie quotidienne. La présente mesure peut être toute utile pour la
protection des intérêts communs de la famille contre de mauvais actes de l’un des époux205.
167. - Si les actes négatifs n’arrivent pas à une fréquence, mais se montrent
évidemment irraisonnables et gravement dommageables à l’intérêt familial, il est possible de
recourir à l’obligation des époux de s'entraider en vue de construire ensemble une famille
prospère, moderne, heureuse et solide, qui est disposée à l’article 18 de la loi sur le mariage et
la famille206, pour demander la nullité de ces actes. Dans la présente demande, il faut prouver
la mauvaise intention de l’époux en cause de dégrader la vie familiale, ainsi que les
conséquences de fait de son acte abusif.
168. - En ce qui concerne la mise en application de la loi, à notre avis, il y a en cette
matière des travaux importants. En premier lieu, il s’agit de la combinaison des règles du
régime matrimonial (établi par la loi sur le mariage et la famille) avec celles des régimes des
personnes protégées (déterminés par le Code civil). En second lieu, c’est la mise en
application des règles de principe dans la loi sur le mariage et la famille à des cas d’espèce.
En effet, il convient de construire un lien effectif entre les dispositions légales régissant la vie
familiale, qui sont dispersées dans des actes normatifs différents ; en même temps, il est utile
de faire vivre des règles de principe dans la pratique.
204 L’article 23 du Code civil de 2005: « Limites à la capacité d’exercice en matière civile
1. Tout toxicomane ou consommateur de substances psychotropes qui dilapide le patrimoine familial peut, à la demande de toute personne ayant un doit ou un intérêt en cause ou des organismes ou des organisations intéressés, voir sa capacité d’exercice limitée par décision de justice.
2. Le tribunal désigne le représentant légal de la personne physique dont la capacité d’exercice est limitée et détermine l’étendue de la représentation. Tout acte civil relatif aux biens de la personne physique dont la capacité d’exercice est limitée requiert le consentement de son représentant légal, sauf le cas des actes conclus pour subvenir aux besoins de sa vie quotidienne.
3. Lorsque les causes qui ont déterminé à déclarer la personne limitée dans sa capacité d’exercice ont cessé d’exister, le tribunal peut, à la demande de l’intéressé ou de toute personne ayant un droit ou un intérêt en cause ainsi que des organismes ou des organisations intéressés, mettre à néant la décision de justice qui a limité sa capacité d’exercice ». 205 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op. cit., nos 224-225, p.265-267. 206 L’article 18 de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne : « Attachement conjugal Les époux se doivent mutuellement fidélité, amour, respect et soins; ils doivent s'entraider en vue de construire ensemble une famille prospère, moderne, heureuse et solide ».
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Après que le logement est affecté à la jouissance de la famille, il nécessite pour lui une
protection juridique, qui est examiné ci-dessous.
B. La protection du logement de la famille
169. - Le logement de la famille est protégé par les limites imposées à certains actes
civils qui le concernent. Il y a donc les actes contractés par l’un des époux (1), et ceux en
provenance des tiers (2).
1 - Les actes contractés par l’un des époux
170. - Étant un individu capable, chacun des époux est permis de faire des actes civils
afin de satisfaire à ses besoins. Mais engagé dans le rapport conjugal, l’un des époux
nécessitera le consentement de l’autre pour certains actes de grande importance, dont ceux
portant sur le logement familial. Il convient d’envisager l’étendue des actes exigeant le
consentement de tous les deux époux pour leur validité (a), ainsi que la manifestation dudit
consentement (b).
a. Les actes nécessitant le consentement de tous les deux époux
171. - L’article 215, alinéa 3 du Code civil français institue la limite des droits de
chacun des époux sur le logement familial, qui ne concerne expressément que les actes de
disposition : « Les époux ne peuvent l’un sans l'autre disposer des droits par lesquels est
assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ».
Tous les actes de disposition conclus par l’un des époux, qui risquent d’obliger la
famille de quitter logement familial, sont interdits. Mais la jurisprudence ne s’arrête pas là :
elle décide que l’application de l’article 215, alinéa 3 ne se limite pas aux actes de
dispositions. Précisément, l’un des époux ne peut pas faire seul certains actes de nature
d’administration : la mise en location du logement familial, la constitution d’une hypothèque
conventionnelle, la résiliation du contrat d’assurance garantissant le logement familial. Mais
lorsque l’acte de disposition, en réalité, ne prive pas la famille de sa résidence principale, il est
valable : ainsi, la vente du logement familial conclue par un époux seul sera valable, si elle est
assortie d’une réserve d’usufruit pour le conjoint survivant207.
207 Dossiers pratiques Francis Lefebvre, op. cit., n° 1605, p. 104.
99
172. - L’article 28, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne
dispose : « Les époux ne peuvent, l'un sans l'autre, contracter, exécuter, interrompre des actes
civils impliquant des biens communs ayant une grande valeur ou constituant l'unique source
d'existence de la famille ou utiliser ces biens pour investir dans la production ou le
commerce, sauf le cas où un partage de biens communs a été fait en vue d'un investissement
personnel conformément aux dispositions de l'article 29, alinéa 1er de la présente loi ».
L’article 33, alinéa 5 de la même loi stipule : « Au cas où les biens propres d'un époux
sont affectés à une utilisation commune et que les fruits et revenus qui en sont issus
constituent l'unique source d'existence du ménage, la disposition de ces biens propres ne peut
se faire qu'avec le consentement des époux ».
Il y a une différence de l’étendue des actes interdits, en fonction de la nature juridique
du bien en cause. Si le logement de la famille est un bien commun des époux, tout acte civil
l’impliquant nécessitera le consentement de tous les deux. S’il est, au contraire, le bien propre
de l’un des époux, ladite condition de consentement ne concernera que les actes de
disposition.
173. - Chacune de ces dispositions dans chaque pays a son propre fondement. La
protection du logement familial en droit français vise sa destination d’usage, elle constitue
dans plusieurs cas une exception du régime matrimonial choisi par les époux. C’est pourquoi,
le législateur français ne forme pas une limite portant sur tous les actes affectant ce local,
comme une intervention trop profonde dans la vie conjugale, mais assure seulement le
maintien de la famille dans son logement commun. Tant que l’existence du logement familial
n’est pas menacée, la loi ne dit rien : c’est l’affaire personnelle des époux, dont le régime
matrimonial choisi ou accepté par eux est une manifestation. Le juge, dans ses activités
juridictionnelles, vérifie le risque que l’acte en cause peut apporter à la famille, pour décider
s’il est valable ou non.
174. - En droit vietnamien, les biens communs des époux appartiennent à la
copropriété indivise. Par conséquent, la quote-part de chacun d’eux est indéterminée par
rapport à l’ensemble de ces biens208. Lorsqu’un bien commun a une grande valeur ou
constitue l’unique source d’existence de la famille, tel est le cas du logement familial,
l’unification de volonté des époux sur le sort de ce bien est exigée. La présente disposition se
208 L’article 267, alinéa 1er du Code civil de 2005.
100
montre tout à fait convenable à la vie familiale au Vietnam : tous les deux époux discutent les
grands travaux du ménage et enfin, ils émettent leur accord commun sur une solution unique,
car ces travaux concernent des biens communs différents (par exemple, la réparation d’une
maison exige une grosse somme d’argent209). De surcroît, sous l’aspect moral, le
consentement manifeste le respect réciproque entre époux, un élément indispensable de la vie
conjugale paisible. Une telle règle reflète parfaitement l’attachement conjugal et sert à
maintenir la solidarité dans la famille. Les intérêts des tiers qui contractent avec les époux
sont également assurés, car ils peuvent bien croire à la coresponsabilité de ces deux individus
dans l’acte en cause.
En réalité, l’un des époux peut faire seul des actes de petite valeur imposant le
logement familial, tel que le changement d’une fenêtre. Les grands travaux, par exemple la
construction d’une nouvelle chambre, se passe toujours avec le consentement de tous les
deux210. Les actes importants concernant les biens immobiliers communs, tels que la vente,
l’hypothèque, la mise en bail, le mandat d’administration et de jouissance, nécessitent surtout
le consentement des deux époux211. Lorsque les tiers contractent avec l’un des époux, pour
leurs propres intérêts, ils lui demandent souvent si cet acte nécessite le consentement de
l’autre époux : il est vrai que les cocontractants apprécient bien l’obligation solidaire des
époux.
175. – En ce qui concerne l’article 33, alinéa 5, il faut comprendre que la loi sur le
mariage et la famille de 2000 prend l’esprit de respecter l’indépendance de chacun des époux
dans la vie conjugale. La loi octroie à cet individu le droit d’avoir des biens propres, la
disposition précitée ne limite ses droits que dans une situation exceptionnelle : l’insuffisance
de la ressource familiale. La présente limite est temporaire (il existe seulement pendant la
durée de la difficulté de la famille) et se base sur l’obligation de l’époux de construire une
famille solide212. Chacun des époux ne perd pas le droit de propriété sur son bien propre à
cause de l’affectation de ce bien à la jouissance familiale. La limite légale vise à assurer
l’existence stable de la famille, c’est pourquoi elle ne couvre que les actes de disposition de
l’époux propriétaire. Celui-ci garde toujours le droit de conserver et d’administrer le bien en
209 La plus grosse dépense de la famille vietnamienne est destinée à la construction et à la réparation de son local d’habitation. Cf. LE THI, op. cit., p. 122. 210 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op. cit., no 195, p.234-235. 211 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op. cit., nos 209-211, p.249-251. 212 Cette obligation légale est instituée par l’article 18 de la loi sur le mariage et la famille de 2000.
101
qualité de propriétaire213. Pourtant, à notre avis, il faut que ces actes en eux-mêmes ne portent
atteinte à l’usage poursuivi par toute la famille. Par exemple, l’époux propriétaire ne peut pas
donner le local d’habitation en bail, si ce logement est juste suffisamment large pour la
cohabitation des membres de la famille.
Il est encore nécessaire d’examiner, en détail, quelques actes particuliers dans la vie
familiale.
i. La question de l’acte à cause de mort
176. - L’article 215, alinéa 3 du Code civil français exclut tout acte de disposition fait
seulement par l’un des époux imposant le logement familial. Cette interdiction est considérée
comme un effet direct du mariage et existe jusqu’à sa dissolution. Alors, est-ce qu’un époux
peut disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, par un acte qui ne
prend effet qu’après son décès, lorsque le rapport de mariage se termine naturellement ? Les
termes de l’article 215 ne distinguent pas les actes entre vifs et ceux à cause de mort : les actes
de disposition sont abordées d’une manière générale et globale. Pourtant, la jurisprudence
fournit une solution tout à fait différente. Selon la Cour de Cassation, l’article 215, qui
protège le logement de la famille pendant le mariage, ne porte pas atteinte au droit qu’a
chaque conjoint de disposer de ses biens à cause de mort214. En France, un legs portant sur le
logement familial est autorisé, comme un droit testamentaire du propriétaire.
177. - Quelle est la solution du droit vietnamien ? La limite formée par l’article 28,
alinéa 3 couvre tous les actes civils faits par l’un des époux, et celle fournie par l’article 33,
alinéa 5 concerne les actes de disposition de l’époux propriétaire. Dans leur nature, les actes à
cause de mort sont toujours les actes de disposition215. Est-il possible de déduire de la
combinaison de ces règles que l’acte à cause de mort, qui est fait par l’un des époux et qui
affecte le bien ayant la grande valeur ou constituant l’unique source d’existence de la famille,
est absolument interdit ?
213 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. II : Les rapports patrimoniaux entre époux, op. cit., no 226, p.269. 214 L’arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation, en date du 22 octobre 1974. Cité selon A. LAMBOLEY, M.-H. LAURENS-LAMBOLEY, op. cit., n° 48, p. 28. 215 L’article 195 du Code civil de 2005 : « Le droit de disposition est le droit d’un propriétaire de transférer à autrui son droit de propriété sur ses biens ou de renoncer à son droit de propriété ». L’article 646 du même Code : « Le testament est la manifestation de volonté d’une personne physique, le testateur, par laquelle celle-ci transmet ses biens à autrui pour après son décès ». L’article 671, alinéa 1er du même Code : « Un testateur peut léguer ses biens à autrui dans la limite de la quotité disponible. Le legs doit être prévu expressément dans le testament ».
102
Les articles 631 et 632 du Code civil de 2005216 instituent des principes selon lesquels
tout individu a le droit de faire un testament pour disposer de ses biens, ce droit est une égalité
successorale pour tous. La protection de l’intérêt familial peut-elle constituer une exception à
ces principes, en interdisant le testament portant sur le logement de la famille, qui risque de
priver les autres membres du foyer de ce local ?
Cette fois-ci, la réponse semble négative. L’article 31, alinéa 3 de la loi sur le mariage
et la famille dispose : «Dans le cas où le partage de la succession est demandé par les
héritiers, le conjoint survivant peut demander au juge de déterminer les parts respectives des
héritiers et de reporter le partage dans un délai déterminé s'il est établi que le partage
immédiat de la succession portera gravement atteinte à la vie du conjoint survivant ou du
ménage; à l'expiration du délai fixé par le juge ou si le conjoint survivant s'est remarié, les
héritiers peuvent demander au juge de procéder au partage de la succession ».
L’article 12, alinéa 1er du Décret 70/2001/ND-CP interprète : «le partage immédiat de
la succession portera gravement atteinte à la vie du conjoint survivant et du ménage lorsque
avec ce partage, le conjoint survivant et le ménage ne peuvent pas continuer la vie normale à
cause de la perte du logement, du moyen de production unique ou pour d’autres raisons
légitimes».
D’une manière logique, le report du partage successoral établi par la loi sur le mariage
et la famille n’aurait pas lieu, si l’acte disposant du logement familial fait par le défunt seul
était interdit. En effet, malgré la nécessité de la protection légale en faveur de l’intérêt
familial, la loi vietnamienne ne porte pas atteinte au droit de l’individu de disposer de ses
biens par l’acte à cause de mort. Il est raisonnable que la question des ressources d’existence
du ménage en général, du logement familial en particulier après le décès d’un époux, est
traitée par les règles du droit de succession et non pas par celles du régime matrimonial. À
cause de la disparition d’un époux, le mariage a pris fin, il est alors impossible d’exiger la
216 L’article 631 du Code civil de 2005 : « Toute personne physique a le droit de disposer de tout ou partie de ses biens par testament pour le temps où elle n’existera plus; à défaut de testament, ses biens sont dévolus à ses héritiers conformément aux dispositions légales. Toute personne physique peut être bénéficiaire d’une succession légale ou testamentaire ». L’article 632 du même Code : « Toute personne physique jouit des mêmes droits de disposer et de recevoir des biens en vertu d’un testament ou en vertu de la loi ».
103
responsabilité de celui qui est déjà décédé envers sa famille. Les remèdes pour sauver la vie
stable de la famille sont la charge des survivants217.
178. – En somme, en droit vietnamien ainsi qu’en droit français, la limite du droit de
disposition de l’un des époux sur le logement familial ne concerne pas les actes à cause de
mort. La protection du logement familial est un effet direct du mariage ; au décès de l’un des
conjoints, le mariage prend fin, et il n’est pas possible de prolonger cette garantie sans son
fondement d’existence.
ii. Le sort du logement familial lors du partage des biens communs au cours du
mariage
179. - Une demande en partage des biens communs au cours du mariage concernant le
logement de la famille est-elle possible ? Dans sa nature, cette demande est un acte de
disposition, car elle influence gravement la solidité du local d’habitation commun de la
famille, notamment dans le au cas où après le partage, les créanciers de l’un des époux
utilisent leur droit de saisie sur les biens de leur débiteur.
L’article 29, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose :
« Pendant la durée du mariage, les époux peuvent d'un commun accord partager leurs biens
communs dans le but de réaliser un investissement personnel dans la production ou le
commerce, d'exécuter séparément un acte civil ou pour tout autre motif légitime ; le partage
des biens communs doit être effectué par écrit ; à défaut d'accord, les époux peuvent saisir le
juge ».
Chacun des époux peut demander le partage des biens communs, dont la conséquence
directe est l’apparition des nouveaux biens propres. Cette demande est acceptée par le juge
lorsque le partage vise une activité de production ou de commerce séparée, une exécution
séparée de l’acte civil ou pour tout autre motif légitime. Le juge ne peut pas priver l’un des
époux de ce droit légal au partage des biens communs. Pour cette raison, le logement de la
famille en qualité de bien commun des époux risque de faire l’objet du partage. La protection
du local d’habitation de la famille devient fragile à ce moment-là, surtout lorsque l’un des
époux demande le partage avec le but de disposer seul de ce local en tant que l’unique
propriétaire. Par ailleurs, dans les activités de production et de commerce, chacun des époux 217 Les solutions de cette problématique seront exposées dans les analyses du droit au logement du conjoint survivant dans la deuxième partie de la présente étude. Cf. infra, nos 439 - 459.
104
ne peut pas toujours défendre le logement de la famille contre les risques du marché. Ainsi, le
partage du logement familial, même seulement juridiquement et non pas matériellement, est
une menace potentielle contre la jouissance de la famille sur ce local.
180. - Faut-il limiter le droit de partage de chacun des époux sur le logement familial ?
En réalité, l’article 29 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 est considéré comme un
grand effort du législateur pour relever l’indépendance légitime de chacun des époux dans la
famille, notamment en ce qui concerne ses activités professionnelles. La protection du
logement familial, celle qui a une portée plutôt préventive, ne devrait pas porter atteinte à cet
effort. À notre avis, en cette matière, le rôle de l’autorité judiciaire est important. Il faut que
le juge examine prudemment le motif d’un partage demandé par l’un des époux, ainsi que les
conséquences potentielles de ce partage envers la famille, avant de l’autoriser. La présente
idée sera clarifiée à travers certains cas de partage en pratique
181. - Premièrement, les deux époux planifient la division du patrimoine familial en
deux parts : l’une servant les activités productives et commerciales, l’autre satisfaisant les
consommations quotidiennes du ménage ; chacun des époux pourra être formellement le seule
propriétaire de chaque masse de biens. Une telle distinction exclura la saisie des créanciers de
l’un des époux, qui fait en son propre nom du commerce, sur les biens assurant les conditions
de vie élémentaires de la famille. Il y a encore une autre situation : l’un des époux veut avoir
un capital pour se lancer dans des activités productives et commerciales, mais l’autre n’en est
pas d’accord. Une semblable division du patrimoine familial en deux parts distinctes est
demandée, afin de garantir à la fois l’indépendance professionnelle de l’un des époux et la
sécurité de la vie familiale218. Dans ces deux situations, il semble évident que le logement
familial se trouve dans la masse de biens qui n’est pas destinée à l’investissement économique
de l’un des époux. Il est clair que le local d’habitation est l’un des objets que les membres de
la famille veulent conserver avant tout.
182. - Deuxièmement, l’un des époux doit exécuter ses obligations civiles respectives.
Les créanciers peuvent saisir les biens propres de cet époux ainsi que sa part dans les biens 218 Dans la doctrine, un auteur propose une règle permettant au tribunal de déterminer la contribution de chacun des époux à la vie familiale après le partage des biens communs, conformément aux besoins réels de la famille et à la compétence économique de chaque époux ; le tribunal devrait même décider un partage partiel des biens communs, la masse de biens communs qui n’est pas partagée répondra aux besoins communs de la famille. Cf. NGUYEN Hong Hai, Bàn thêm về chia tài sản chung của vợ chồng trong thời kỳ hôn nhân theo pháp luật hôn nhân và gia ñình hiện hành, Tạp chí Luật học số 5/2003 (Discussions sur le partage des biens communs des époux au cours du mariage en droit du mariage et de la famille en vigueur, Revue de Science du droit n° 5/2003).
105
communs219. Parce que le conjoint du débiteur ne veut pas être concerné par la présente
procédure d’exécution, il demande le partage des biens communs et laisse l’époux débiteur
parler seul à ses créanciers, tandis qu’il se trouve tranquille. Dans ce cas, le partage ne doit
pas rendre plus étroite la masse de biens que les créanciers pourraient saisir220 : celle-ci doit
rester au moins à la même valeur, comme si les biens communs n’étaient pas partagés. De
toute façon, le débiteur lui-même et son conjoint essaient de partager les biens communs dans
une telle façon que le logement familial puisse être conservé après la saisie des créanciers.
183. - Troisièmement, lorsque les deux époux ne veulent plus cohabiter, mais ils
n’optent pas pour un divorce, ils pensent à une séparation de fait221. Ils s’arrangent pour que
chacun ait un logement distinct222. Ensuite, le partage des biens communs est demandé afin de
donner à chacun des époux ses propres biens, qui lui servent dans sa vie indépendante après la
séparation. Puisque les deux époux se séparent, le rôle du logement familial se change : il
devient souvent la résidence personnelle de seulement l’un des époux, l’autre se loge ailleurs.
Le fait que la propriété de ce bien revient à l’époux qui l’occupe n’est qu’un arrangement
pécuniaire de la séparation de fait en cause.
184. - Pour un point comparatif, en droit français, le changement du régime
matrimonial effectué par les époux223 ne pose pas de questions concernant le logement
familial. En effet, la protection de ce bien s’impose toujours, quelque soit le régime
matrimonial des époux.
219 L’article 224, alinéa 2 du Code civil de 2005, cf. infra, n° 198. 220 L’article 29, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille : « Le partage des biens communs visant à éviter l'exécution d'une obligation patrimoniale n'est pas reconnu par la loi ». 221 La séparation de corps n’a jamais été disposée en droit de la famille vietnamien contemporain. Les époux ne peuvent que arranger entre eux la séparation de fait lorsqu’ils ne veulent ni cohabiter ni divorcer. Dans la doctrine, certains auteurs affirment que la règle régissant le partage des biens communs des époux au cours du mariage n’est pas une façon indirecte d’instituer la séparation de corps (cf. Faculté de Droit, Université nationale de Hanoi, op. cit., p. 137). Pourtant, la Résolution n° 01/NQ-HDTP du 20 janvier 1988 du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême a présenté un motif légitime de la demande de partage, que les juridictions pouvaient accepter : « Les époux ne s’entendent pas, mais leurs enfants sont déjà majeurs, ils souhaitent donc non pas un divorce mais seulement chacun son habitation distincte ; c’est pourquoi, lorsque l’un des époux ou tous les deux demandent le partage des biens, celui-ci est effectué comme en cas de divorce ». Ainsi, les juges ont mentionné le partage des biens communs en tant qu’un effet direct de la séparation de fait des époux. Cette solution n’a pas été reproduite dans la Résolution n° 01/2000/NQ-HDTP du 23 décembre 2000, mais il est possible de croire à son maintien dans les activités judiciaires à l’heure actuelle, grâce à l’usage juridictionnel dans l’interprétation du « motif légitime » en la matière. 222 Les séparations de fait se réalisent souvent dans une façon : l’un des époux reste à la résidence familiale, avec éventuellement des enfants, l’autre va habiter ailleurs. 223 L’article 1397, alinéa 1er du Code civil français: « Après deux années d'application du régime matrimonial, les époux peuvent convenir, dans l'intérêt de la famille, de le modifier, ou même d'en changer entièrement, par un acte notarié. À peine de nullité, l'acte notarié contient la liquidation du régime matrimonial modifié si elle est nécessaire ».
106
iii. Les actes civils ayant pour but de garantir l’exécution d’une obligation pécuniaire
185. - Les présents actes civils n’entraînent pas immédiatement l’aliénation du
logement de la famille, mais permettent un droit de saisie des créanciers sur ce local. Il est
possible de les nommer comme des actes de disposition sous condition. De toute façon, ces
actes influencent de manière assez grave le local d’habitation commun de la famille. C’est
pourquoi, la question que si l’un des époux peut les faire tout seul nécessite une réponse
prudente.
186. - En droit français, la jurisprudence fournit plusieurs solutions concrètes. Une
hypothèque conventionnelle, qui est consentie par un époux agissant seul, n’est pas autorisée.
Cette solution est justifiée par l’application combinée des articles 215, alinéa 3 et 2124 du
Code civil224. Précisément, l’article 2124 dispose que les hypothèques conventionnelles ne
peuvent être consenties que par ceux qui ont la capacité d’aliéner les immeubles qu’ils y
soumettent, tandis qu’en application de l’article 215, alinéa 3, l’un des époux ne peut disposer
seul les droits par lesquels est assuré le logement de la famille : le logement familial n’est
alors hypothéquée par voie contractuelle qu’avec le consentement de tous les deux époux. À
l’inverse, un cautionnement consenti par un époux est nul uniquement en cas de fraude, car
l’article 215, alinéa 3 ne vise que l’acte portant directement sur le droit par lequel est assuré le
logement de la famille225. Ainsi, la logique de ces décisions judiciaires est claire.
L’hypothèque donne au créancier le droit de saisie portant directement sur le logement
familial. Le créancier a, dans ce cas-là, un droit réel sur un bien précis pour croire au
paiement de sa créance. Différemment, l’acte de cautionnement ne donne au créancier qu’un
droit personnel sur l’époux qui l’a contracté avec lui. Le créancier a seulement la garantie de
paiement engagée par cet époux avec tout son patrimoine, non pas exactement le logement
familial de celui-ci.
187. - En droit vietnamien, tout acte portant sur le logement familial, ou plus
généralement, sur les immeubles étant un bien commun des époux, nécessite toujours le
consentement de tous les deux pour sa validité. Par conséquent, le problème des actes ayant
pour but de garantir l’exécution d’une obligation pécuniaire faits seulement par l’un des
époux ne se produit que dans le cas où le logement familial est un bien propre de celui-ci.
224 Cité selon F. TERRÉ, Ph. SIMLER, op. cit., n° 65, p. 54. 225 Cité selon A. LAMBOLEY, M.-H. LAURENS-LAMBOLEY, op. cit., n° 46, p.27.
107
L’article 33, alinéa 5 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose le
consentement de tous les deux époux pour les actes de disposition sur le bien constituant
l’unique source d’existence de la famille. Il faut alors examiner si les actes de garantie tels
que l’hypothèque et le cautionnement sont réputés comme des actes de disposition. Il est
évident que ces actes n’entraînent pas immédiatement l’expulsion de membres de la famille.
Néanmoins, le risque qu’ils apportent reste très grand, surtout lorsque l’époux propriétaire ne
va pas exécuter l’obligation pécuniaire principale et laisse enfin son bien propre à la saisie du
créancier. Une telle fraude peut se produire en pratique. Ainsi, comment protéger l’intérêt
familial en ne portant pas atteinte à l’exercice du droit de propriété de l’un des époux ?
188. - En réalité, la protection fournie par l’article 33, alinéa 5 n’a qu’un caractère
temporaire : la limite du droit de disposition de l’époux propriétaire n’existe que dans la
période de difficulté de la famille. C’est pourquoi, il convient d’adopter une solution souple :
l’époux propriétaire n’a pas le droit de faire seul des actes ayant pour but de garantir
l’exécution d’une obligation pécuniaire portant sur le logement familial, pendant que ce local
constitue encore l’ unique résidence de la famille. S’il veut faire seul ces actes, il devra
prouver que son bien propre n’est pas l’unique réponse au besoin d’être logé de celle-ci. Tous
les contentieux entre époux concernant ces actes peuvent faire l’objet d’une action en justice.
Dans ce cas là, il est possible que le juge homologue la proposition de l’époux propriétaire,
dans laquelle celui-ci laisse à sa famille un autre local d’habitation convenable, et récupère le
plein droit de disposition sur le logement en cause.
Après avoir connu les actes concernant le logement familial nécessitant le
consentement des deux époux, il convient d’étudier la manifestation dudit accord.
b. La manifestation du consentement des époux
189. - Le consentement de chacun des époux est exigé pour les actes de disposition
portant sur le logement de la famille. Se pose la question comment savoir ou prouver que cet
accord a été donné. C’est, en fait, le choix entre le formalisme et le libéralisme.
190. - En France, l’article 215, alinéa 3 du Code civil ne régit pas la forme du
consentement indispensable de tous les deux époux pour la disposition du logement familial.
C’est pourquoi, la jurisprudence a pris en charge de cette question. Il y en a quelques traits
principaux. D’abord, le consentement de l’un des époux sur la disposition du logement
108
familial ne doit pas nécessairement être donné à l’autre, mais peut être adressé à un tiers dans
un acte distinct. Par exemple, le consentement de l’époux peut résulter d’un mandat de vente
donné à un agent immobilier226. Ensuite, l’article 215, alinéa 3 n’exige pas que le
consentement de chaque conjoint soit constaté en écrit, il suffit qu’il soit certain227. Ainsi,
l’existence du présent consentement peut être prouvée par tout moyen. En ce qui concerne le
champ d’application de cette condition de consentement, la jurisprudence dit que le
consentement de chaque époux doit porter non seulement sur le principe de l’acte de
disposition, mais aussi sur les éléments constitutifs de l’acte228. Il est clair que le juge français
a pensé à une protection complète du logement familial par l’application de l’article 215,
alinéa 3.
191. - En droit vietnamien, il existe des dispositions strictes sur la forme du
consentement des époux dans les actes de disposition, dont l’objet est des biens ayant une
grande valeur ou constituant l’unique source d’existence de la famille. Selon l’esprit de
l’article 28, alinéa 3 et de l’article 33, alinéa 5 de la loi sur le mariage et la famille, le
consentement des époux doit être directement établi entre eux. Selon l’article 4, alinéa 1er du
Décret n° 70/2001/ND-CP, dans le cas où les époux contractent, exécutent ou interrompent
des actes civils qui imposent les biens ayant une grande valeur ou constituant l’unique source
d’existence de la famille, et dont la forme est déterminée en application des dispositions
légales, leur consentement doit observer une telle forme (acte sous seing privé ou acte notarié,
authentifié, etc.). Pour le logement de la famille, qui est évidemment un immeuble, en
application des dispositions légales sur les biens immobiliers, les actes en écrit sont largement
exigés. Les actes civils concernant le logement familial peuvent être ceux sous seing privé (tel
que le bail d’habitation229) ; sinon, c’est un acte notarié ou authentifié (obligatoire pour la
vente du local d’habitation230). C’est pourquoi, le consentement des époux dans ces actes a
des formes équivalentes. Ce consentement peut être établi dans un acte séparé ou attaché au
texte du contrat principal.
226 Cité selon F. TERRÉ, Ph. SIMLER, op. cit., n° 68, p. 58. 227 Cité selon F. TERRÉ, Ph. SIMLER, op. cit., n° 68, p. 58. 228 F. TERRÉ, Ph. SIMLER, op. cit., n° 68, p. 57. J. REVEL, Les régimes matrimoniaux, 3e éd., Dalloz 2006, n° 70, p. 54. 229 L’article 492 du Code civil de 2005: « Les baux de locaux d’habitation doivent être établis par écrit; si la durée du bail est supérieure à six mois, le bail doit être authentifié par le Notariat d’État ou par le Comité populaire compétent et enregistré auprès de l’organe d’État compétent ». 230 L’article 450 du Code civil de 2005 : « Toute vente de locaux d’habitation doit être établie par écrit, notarié ou authentifié, sauf le cas où la loi en dispose autrement ».
109
Ainsi, le consentement des époux dans la disposition du logement familial est toujours
directement produit entre eux : personne ne peut intervenir dans le texte contenant leur
volonté. De surcroît, la preuve écrite est le seul procédé sécurisé pour affirmer l’existence de
l’unification de volonté des époux dans la disposition de ce local important (voire dans tous
les actes civils concernant ce local s’il est un bien commun). Sous un autre aspect, la loi sur le
mariage et la famille ainsi que le Décret n° 70/2001/ND-CP utilisent les termes “contracter,
exécuter ou interrompre des actes civils...”, ceux qui signifient que le consentement des
époux est requis non seulement pour la permission de l’établissement de l’acte, mais aussi
pour toutes les phases de l’acte en cause.
Il convient d’avoir à ce point quelques commentaires. En premier lieu, le droit
vietnamien fait dépendre la forme du consentement exigé de celle de l’acte principal. En
second lieu, la validité du consentement des époux en droit vietnamien n’a pas de différence
avec celle en droit français, mais sa forme et la preuve de son existence sont plus restrictives.
192. - Dans le rapport patrimonial entre époux, la présente solution du droit
vietnamien a plusieurs avantages pour la résolution des contentieux entre époux concernant
les actes civils imposant les biens ayant une grande valeur ou constituant l’unique source
d’existence de la famille. L’acte sous seing privé et l’acte notarié, authentifié sont des preuves
sécurisées pour la confiance du juge sur la production du consentement de tous les deux
époux. De plus, l’établissement de ces actes aide les époux à comprendre l’importance de leur
décision dans l’ordre juridique des actes civils. Grâce à la présente expérience, leur
conscience juridique sera élevée.
À l’envergure de la société, grâce à ces dispositions légales, les intérêts des tiers
cocontractants avec les époux sont garantis, car le contrat auquel ils participent acquiert
l’accord de tous ceux qui ont le droit de disposer du bien en cause. Les actes civils dans
l’économie nationale ont donc une stabilité maintenue, celle qui est indispensable pour leur
développement.
193. - Pourtant, jusqu’à l’heure actuelle, la vie conjugale au Vietnam ne s’habitue pas
encore à la présence des actes écrits dans la décision conjointe. C’est pourquoi, dans les actes
concernant le logement de la famille, le consentement écrit durement exigé ne peut pas encore
110
être fréquemment réalisé en pratique231. Afin d’une solution convenable à la réalité sociale, à
côté des dispositions complètes et précises sur la forme des accords communs entre époux, il
est nécessaire que la loi reconnaisse tout accord commun entre époux n’observant pas la
forme légale, lorsque les époux n’ont aucun litige sur le bien faisant l’objet de ces accords232.
La présente proposition n’est pas juridiquement standardisée, mais elle est une solution souple
dans la mise en application de la loi, lorsque la connaissance juridique des habitants dans
plusieurs régions est encore limitée. Par ailleurs, il faut tenir compte des moeurs et coutumes
locaux. En vue d’une entrée effective de la loi dans la vie sociale, dont le but est de protéger
l’intérêt familial, il faut pousser plus fortement les propagandes et vulgarisations des
connaissances juridiques en destination du peuple.
2 – Les actes en provenance des tiers
194. - La loi peut-elle établir une garantie absolument solide pour le logement de la
famille, qui exclue tous les actes contraires à la volonté des occupants de ce local ? Les efforts
des législateurs et des juges pour lutter contre des fraudes de l’un des époux dans l’aliénation
de ce bien important ont été analysés ci-dessus. Il reste le doute sur l’intervention étrangère,
qui a également la possibilité de l’influencer gravement. Seront donc exposés ci-après certains
éléments comparatifs (a) ainsi que la solution vietnamienne (b).
a. La référence comparative
195. - Selon l’article 215, alinéa 3 du Code civil français, il est vraisemblable que
seulement les actes de disposition faits par l’un des époux seul sont interdits. Cette règle
n’aborde pas l’interdiction des actes des tiers - cocontractants avec les deux époux. Autrement
dit, elle ne porte que sur le droit au logement des époux ; les droits des tiers sont réglementés
par d’autres dispositions légales, qui ne tiennent pas compte de la limite ayant pour but de
protéger l’intérêt de la famille de l’un des cocontractants, celui auquel les autres
cocontractants n’ont pas l’obligation de s’intéresser. La jurisprudence française a donné à la
présente idée une affirmation à travers plusieurs affaires.
231 L’acte de la vente des biens immobiliers est presque toujours signé par les deux époux, sauf si l’un des époux déclare expressément qu’il n’est pas du tout concerné par ce contrat. Mais la mise en bail du local d’habitation contient souvent la signature d’un seul époux, même s’il s’agit du logement familial des époux bailleurs ; toutes les parties du bail comprennent implicitement que le bail a été décidé par tous les deux époux bailleurs. 232 Pratiquement, lorsque les époux n’ont aucun contentieux concernant la disposition du bien, et que les tiers ne relèvent aucune contestation concernant l’acte en cause, le juge n’y interviendra pas d’office.
111
En effet, la Cour de Cassation a décidé que l’exécution forcée ne se heurtait pas aux
dispositions protectrices de l’article 215, alinéa 3 du Code civil, sauf cas de concert
frauduleux entre l’époux débiteur et le créancier233. Les créanciers peuvent alors provoquer le
partage du bien lorsqu’il est indivis, demander l’inscription d’une hypothèque judiciaire ou la
vente forcée du logement234. Dans tous ces cas, c’est clair que les juges français délimitent le
champ d’application de l’article 215, alinéa 3 dans le rapport conjugal et ne l’élargissent pas
jusqu’au rapport entre l’un des époux et les tiers. Une limite légale existant dans la famille ne
l’emporte pas sur des prérogatives également légales des étrangers.
Pourtant, il y a une insaisissabilité particulière qui peut être favorable au logement
familial des époux. Précisément, la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative
économique a inséré dans le Code de commerce les articles L. 526-1 à L. 526-4. Ces
nouvelles dispositions prévoient la faculté pour l’entrepreneur individuel de faire déclarer
insaisissable ses droits sur l’immeuble où est fixée sa résidence principale, sous des
conditions strictes235. Ainsi, en cas de mariage, l’époux entrepreneur peut protéger le
233 Cité selon J. REVEL, op. cit., n° 71, p. 54. 234 Dossiers pratiques Francis Lefebvre, op. cit., n° 1605, p. 104. 235 Les articles en cause du Code du commerce : L’article L526-1 : « Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale ainsi que sur tout bien foncier bâti ou non bâti qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. Lorsque le bien foncier n'est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l'objet de la déclaration que si elle est désignée dans un état descriptif de division. La domiciliation du déclarant dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 ne fait pas obstacle à ce que ce local fasse l'objet de la déclaration, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire ». L’article L526-2 : «La déclaration, reçue par notaire sous peine de nullité, contient la description détaillée des biens et l'indication de leur caractère propre, commun ou indivis. L'acte est publié au bureau des hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, de sa situation. Lorsque la personne est immatriculée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel, la déclaration doit y être mentionnée. Lorsque la personne n'est pas tenue de s'immatriculer dans un registre de publicité légale, un extrait de la déclaration doit être publié dans un journal d'annonces légales du département dans lequel est exercée l'activité professionnelle pour que cette personne puisse se prévaloir du bénéfice du premier alinéa de l'article L. 526-1. L'établissement de l'acte prévu au premier alinéa et l'accomplissement des formalités donnent lieu au versement aux notaires d'émoluments fixes dans le cadre d'un plafond déterminé par décret ». L’article L526-3 : « En cas de cession des droits immobiliers désignés dans la déclaration initiale, le prix obtenu demeure insaisissable à l'égard des créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette déclaration à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant, sous la condition du remploi dans le délai d'un an des sommes à l'acquisition par le déclarant d'un immeuble où est fixée sa résidence principale. Les droits sur la résidence principale nouvellement acquise restent insaisissables à la hauteur des sommes réemployées à l'égard des créanciers visés au premier alinéa lorsque l'acte d'acquisition contient une déclaration de remploi des fonds. La déclaration de remploi des fonds est soumise aux conditions de validité et d'opposabilité prévues aux articles L. 526-1 et L. 526-2.
112
logement familial contre les saisies éventuelles de ses créanciers par cette voie. Il faut faire
attention au fait que la présente déclaration d’insaisissabilité n’a pas de portée dans le rapport
entre le conjoint de l’entrepreneur et ses propres créanciers. Il pourra donc faire une autre
déclaration d’insaisissabilité à son nom, s’il est lui-même entrepreneur236.
196. - La question s’il faut protéger les tiers de bonne foi dans les actes affectant le
logement de la famille suscite des discussions dans plusieurs systèmes juridiques. En fait, ces
débats portent sur le souci de balancer les intérêts entre la protection de la vie familiale et la
sécurité du commerce. La solution de chaque pays dépend de la part pour laquelle il penche.
De toute façon, il est impossible de nier totalement une stabilité indispensable des actes civils.
Ainsi, le droit français a des règles en faveur des tiers de bonne foi. Au Japon, la protection du
logement de la famille a été sacrifiée en faveur de la sécurité du commerce : en effet, après de
grands examens récents, l’absence des dispositions sur le logement de la famille persiste
encore237.
b. La solution vietnamienne
197. - Quel est alors le sort des actes des tiers portant sur le logement de la famille en
droit vietnamien ? La réponse se montre assez claire dans les actes normatifs : il y a donc un
principe en faveur des intérêts légitimes des tiers (i), mais aussi des mesures garantissant le
droit au logement de la famille (ii).
i. L’exécution des obligations pécuniaires des époux
198. - Selon l’article 28, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille, les biens
communs des époux sont utilisés pour « l’exécution des obligations communes des époux ».
En application de l’article 33, alinéa 3 de la même loi, les obligations patrimoniales
La déclaration peut, à tout moment, faire l'objet d'une renonciation soumise aux mêmes conditions de validité et d'opposabilité. La renonciation peut porter sur tout ou partie des biens ; elle peut être faite au bénéfice d'un ou plusieurs créanciers mentionnés à l'article L. 526-1 désignés par l'acte authentique de renonciation. Lorsque le bénéficiaire de cette renonciation cède sa créance, le cessionnaire peut se prévaloir de celle-ci. Les effets de la déclaration subsistent après la dissolution du régime matrimonial lorsque le déclarant est attributaire du bien. Le décès du déclarant emporte révocation de la déclaration ». L’article 526-4 : « Lors de sa demande d'immatriculation à un registre de publicité légale à caractère professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou conventionnelle doit justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l'exercice de sa profession. Un décret en Conseil d'Etat précise en tant que de besoin les modalités d'application du présent article ». 236 F. TERRÉ, Ph. SIMLER, op. cit., n° 67, p. 57. 237 A. OMURA, op. cit., p. 136.
113
personnelles de chacun des époux engagent ses biens propres. Au point de vue technique, il
faut faire attention au fait que ces dispositions, qui portent sur la possibilité des créanciers de
saisir des biens existant dans la famille, se trouvent dans les mêmes articles que la limite du
droit de chacun des époux sur le bien ayant une grande valeur ou constituant l’unique source
d’existence du ménage. L’article 224, alinéa 2 du Code civil de 2005 dispose en outre que la
quote-part de l’époux débiteur dans les biens communs peut être saisie par le créancier pour
l’exécution de son obligation de paiement238. À travers ces dispositions légales, le principe est
clair : la saisie du logement familial, ou au moins celle de la quote-part de l’époux débiteur
dans ce local d’habitation par les tiers, est admise par la loi.
Ainsi, à ce point, il n’y a pas de différences d’esprit entre le droit vietnamien et le droit
français. Dans les dispositions légales vietnamiennes, une limite dans le rapport conjugal ne
l’emporte pas sur les droits légitimes des autres sujets concernés, notamment les créanciers
des époux.
199. - À cause de la généralité des termes utilisés dans les règles précitées, on se pose
la question sur la solution en cas de concert frauduleux entre l’un des époux et ses
créanciers239. En tout cas, si l’un des époux conclut un faux contrat avec les tiers seulement
pour but de mettre le logement familial dans les mains de ceux-ci, l’autre époux, avec
obligatoirement des preuves suffisantes, peut demander au tribunal de refuser la saisie, à
défaut de la créance à exécuter.
ii. Les garanties du droit au logement de la famille
200. - En vue de ne pas laisser la famille dans une situation trop difficile en cas de
l’exécution forcée d’une obligation de l’un des époux ou de tous les deux époux, le législateur
a cherché des mesures raisonnables au profit du ménage, surtout pour la protection du
logement familial. L’article 95 de la loi sur l’exécution des jugements en matière civile de
238 L’article 224, alinéa 2 du Code civil de 2005 : « Le tiers qui réclame à l’un des copropriétaires l’exécution d’une obligation de paiement, lorsque celui-ci n’a pas de biens personnels ou si ses biens personnels ne suffisent pas à la présente exécution, peut demander pour paiement de la dette le partage des biens communs et participer au partage, sauf les cas où la loi en dispose autrement. Lorsque le partage en nature est impossible ou contesté par les autres copropriétaires, le créancier peut demander au débiteur de vendre sa quote-part dans le bien pour l’exécution de l’obligation de paiement ». 239 Au titre d’exemple, l’un des époux conclut un faux contrat de prêt avec son amant, dont l’objet est une grosse somme d’argent. Le créancier se présente ensuite au ménage et demande la saisie du logement familial pour l’exécution de l’obligation de paiement de l’époux débiteur, alors que celui-ci explique simplement à son conjoint qu’il a dépensé discrètement la somme empruntée dans les centres de loisirs luxueux.
114
2008 dispose que l’inventaire du local d’habitation ne s’effectue que lorsque celui qui doit
exécuter le jugement n’a pas d’autres biens, ou que ces biens ne suffisent pas pour
l’exécution, sauf si le débiteur est d’accord de la saisie de son local d’habitation. Ainsi, sauf
autre initiative du débiteur, l’aliénation du logement familial est le dernier procédé pour le
paiement des créances. L’article 115 de la présente loi institue encore une garantie du droit au
logement du débiteur. Précisément, à la suite de la saisie et la vente forcée de l’unique local
d’habitation du débiteur, si l’huissier trouve qu’après le paiement de toutes créances en
exécution, le débiteur ne pourra pas louer ou acquérir un nouveau logement, il extrait une
somme d’argent du prix du local d’habitation vendu, qui permet au débiteur de louer un
logement convenable, avec le loyer moyen de la région, pendant un an. Les créances qui, par
conséquent, ne sont pas réglées immédiatement continueront d’être exécutées conformément
aux dispositions de la présente loi. Il est alors clair que, pendant la procédure d’exécution des
jugements en matière civile, le droit au logement du débiteur et de sa famille est toujours
garanti.
201. - La procédure de l’exécution des décisions judiciaires concernant l’obligation
pécuniaire de l’un des époux a également des influences sur les biens communs des époux.
Selon l’article 29 de la loi sur le mariage et la famille de 2000, le partage des biens communs
au cours du mariage ne résulte que de la volonté des époux : soit ils s’y mettent en accord, soit
ils demandent l’intervention du tribunal. À part les époux, aucun individu, aucune
organisation n’a le droit de demander le partage des biens communs au cours du mariage.
Ceci traduit le respect du droit d’autodétermination des époux en qualité de propriétaires.
Pourtant, l’impossibilité de l’intervention des tiers dans le régime des biens communs des
époux deviendra irraisonnable, dans le cas où l’un des époux doit exécuter une décision
judiciaire concernant son patrimoine. C’est pour cette raison que, en tenant compte de l’article
224, alinéa 2 du Code civil de 2005 précité240, la loi sur l’exécution des jugements civils de
2008 fournit de nouvelles règles importantes.
Précisément, selon les articles 71 et 74 de la présente loi, sont saisissables les biens
appartenant à la propriété privée de la personne qui doit exécuter le jugement, ainsi que les
biens dont il est copropriétaire avec d’autres personnes. L’article 74, alinéa 1er dispose en
détail la saisie des biens communs des époux. L’huissier peut donc déterminer la part de
chacun des époux, conformément aux dispositions légales du droit du mariage et de la famille,
240 Cf. supra, n° 198.
115
et en informer les époux. Si l’un des époux n’en est pas d’accord, dans le délai de trente jours
à compter de la date où l’huissier a effectué la détermination précitée, cet époux a le droit de
demander au tribunal de partager les biens communs en cause. À l’expiration dudit délai, si
aucun époux ne porte plainte, l’huissier effectue la liquidation des biens communs et rend au
conjoint du débiteur sa part dans les biens communs ainsi liquidés.
§2 : La conséquence juridique de la violation à la condition du consentement des
époux
202. - Lorsque l’acte de disposition portant sur le logement familial a été passé sans le
consentement de l’un des époux, celui-ci dispose d’un certain délai pour réagir. Il est
nécessaire d’étudier la mesure protectrice que la loi octroie à cet époux, qui est l’action en
justice (A), ainsi que la prescription de la présente action (B).
A. L’action en justice
203. - Qu’est-ce que l’un des époux peut faire lorsque l’autre contracte seul un acte
qui aliène le logement de la famille ? La plus simple solution est de ne pas donner à cet acte
abusif la validité. En vue de ce résultat, l’intervention du juge est le meilleur choix dans le
domaine privée. À ce point, le droit vietnamien et plusieurs systèmes juridiques ont la même
réponse.
204. - L’article 215, alinéa 3 du Code civil français dispose : « Celui des deux qui n’a
pas donné son consentement à l’acte peut en demander l’annulation ». Ce que le demandeur
vise ici, c’est l’annulation de l’acte civil qui porte sur la disposition du logement de la famille
et les meubles meublants le garnissant, qui est fait par son époux et auquel il n’a pas donné
son consentement. Le fondement de cette action est légal. L’un des époux peut demander
l’annulation de l’acte en cause dans ce cas parce que celui-ci a été fait seulement par son
époux, c’est-à-dire par celui avec lequel il a un mariage légitime, sans son concours
obligatoire ; que cet acte portait sur la disposition du logement familial et des meubles
meublants qui garnissent ce local - des biens tout à fait importants pour tous les membres de
la famille.
La présente analyse globale montre que le fondement de l’action en annulation dans ce
cas ne relève pas des règles du droit civil en général, mais seulement de celle qui protège le
logement familial. La particularité de cette action est la qualité d’époux de ce qui a fait l’acte
116
et la qualité de logement familial du bien en cause. Un acte quelconque, qui observe bien les
conditions de forme et de fond déterminées par le droit commun, peut être quand même
annulé s’il concerne la personne et la chose précitées.
205. - En droit vietnamien, l’article 4, alinéa 4 du Décret n° 70/2001/ND-CP dispose :
dans le cas où l’un des époux contracte, exécute ou interrompt un acte civil imposant le bien
commun ayant une grande valeur ou constituant l’unique source d’existence de la famille sans
le consentement de l’autre, ce dernier a le droit de demander au tribunal de déclarer la nullité
du présent acte.
Ainsi, la solution du droit vietnamien a des points communs en rapport avec les
dispositions françaises exposées ci-dessus. L’objet de l’action est la nullité de l’acte abusif
fait par l’un des époux, qui affecte le bien commun ayant une grande valeur ou constituant
l’unique source d’existence de la famille. Le fondement de cette demande est des règles
juridiques régissant le rapport patrimonial entre époux. Un acte fait seulement par un époux
conformément aux conditions de forme posées aux actes civils pourra être quand même
déclaré nul, s’il n’observe pas ces règles.
206. - Pourtant, il faudrait faire attention au fait que le Décret n° 70/2001/ND-CP
restreint l’étendue de l’action en nullité aux actes portant sur des biens communs importants.
Ainsi, dans cette action en nullité, le défendeur est toujours le copropriétaire du bien en cause.
Mais une telle disposition fait apparaître l’idée que le vrai fondement de cette action en nullité
est le statut du bien appartenant à la copropriété indivise des époux. Un époux est appelé
devant le juge parce qu’il a violé la délimitation de son droit sur le bien indivis en négligeant
le droit de son conjoint - le copropriétaire, non pas parce qu’il a abusé le droit de disposition
sur des biens importants pour la vie familiale, tels que le local d’habitation commun du
ménage.
Quel est alors le sort des biens propres de l’un des époux qui constituent l’unique
source d’existence de la famille ? L’article 33, alinéa 5 de la loi sur le mariage et la famille
interdit les actes de disposition portant sur ces biens faits seulement par l’époux propriétaire,
mais les textes normatifs en vigueur ne fournissent aucun moyen efficace pour garantir cette
limite du droit de propriété. L’article 33, alinéa 5 risque, par conséquent, de ne pas être
respecté en pratique. La différence entre les statuts des biens communs et des biens propres
117
est, dans ce cas, incompréhensible. La protection de la vie familiale, à ce point, ne couvre pas
encore tous les moyens contre les risques menaçant celle-ci.
207. - À notre avis, il convient d’élargir le champ d’application de l’article 4, alinéa 4
du Décret n° 70/2001/ND-CP au statut des biens propres de l’un des époux, qui sont
indispensables pour la vie de tous les membres de la famille. Précisément, si l’époux
propriétaire dispose seul des biens propres constituant l’unique source d’existence de la
famille, son conjoint, qui n’a pas donné le consentement à l’acte, a le droit de demander au
tribunal de déclarer la nullité de l’acte. L’idée que les biens indispensables pour la vie
familiale sont assurés nonobstant leur nature juridique de bien commun ou de bien propre se
montre raisonnable et nécessaire, notamment dans la garantie du logement de la famille. De
surcroît, cela sert à une unification des règles juridiques ainsi qu’à leur efficacité en pratique.
Il est clair que l’article 33, alinéa 5 de la loi sur le mariage et la famille n’aura aucune valeur
sans un support fondé sur une action en justice.
B. La prescription de l’action : dispositions, causes et effets juridiques
208. - L’action en nullité ou en annulation est un grand effort du législateur dans la
protection du logement familial. Pourtant, le droit d’intenter en justice de l’un des époux
entraîne naturellement le travail du juge qui doit trancher le conflit conjugal, ainsi que des
désordres des actes civils déjà faits. La question de la prescription de l’action en nullité
devient alors importante pour une solution vraiment raisonnable et conforme à la vie sociale.
À ce point, les dispositions légales se varient à travers des pays. Il est nécessaire d’envisager
les règles elles-mêmes (1), ainsi que leurs causes (2) et effets juridiques (3).
1 - Les dispositions en vigueur
209. - Selon l’article 215, alinéa 3 du Code civil français, celui des deux époux, qui
n’a pas donné son consentement à l’acte disposant du logement familial fait seulement par
l’autre, peut en demander l’annulation : l’action en nullité lui est ouverte dans l’année à partir
du jour où il a eu connaissance de l’acte, sans pouvoir jamais être intenté plus d’un an après
que le régime matrimonial soit dissout. Ainsi, le droit de porter plainte contre l’acte abusif sur
le logement familial de l’époux français n’a pas une valeur éternelle. Généralement, ce droit
se perd après un an depuis la connaissance de l’époux victime sur l’existence de l’acte. Il faut
comprendre que la connaissance sur l’existence de l’acte est une condition favorable pour le
118
titulaire du droit d’intenter en justice : la prescription d’un an n’est pas mise en route jusqu’au
moment où son ignorance sur l’acte se termine.
Pourtant, son ignorance sur cet acte peut durer très longtemps, et ensuite, il en est au
courant et en demande l’annulation. Il y a certainement des difficultés liées au travail du juge
saisi et à l’ordre des actes civils passés. Le législateur français pense alors à une autre limite :
l’action en annulation ne peut pas avoir lieu au delà d’un an depuis la dissolution du régime
matrimonial au cours duquel l’acte abusif a été fait. C’est à cause de cette règle qu’un époux
doit bien faire attention aux actes passés par son conjoint imposant les biens existant dans la
famille, surtout lors du changement ou de la dissolution définitive du régime matrimonial
actuel. En pratique, chaque époux doit bien connaître la nature juridique de ces actes. La
jurisprudence fournit un exemple intéressant : l’action en annulation ne peut pas être déclarée
prescrite sans qu’il soit constaté que le conjoint avait plus d’un an connaissance du caractère
synallagmatique de la promesse consentie par l’autre époux et par conséquent par sa nature
d’acte de disposition au sens de l’article 215241.
210. - En droit vietnamien, selon l’article 4, alinéa 4 du Décret n° 70/2001/ND-CP,
l’action en nullité se base sur l’article 139 et ses conséquences juridiques sont résolues en
application de l’article 146 du Code civil de 1995 (ces deux anciens articles sont remplacés
par les articles 134 et 137 du Code civil de 2005).
L’article 139 du Code civil de 1995 régissait les actes civils frappés à nullité en raison
de l’inobservation des conditions de forme. En application de l’article 145 du même Code, le
droit de demander la nullité des actes prévus par l’article 139 était sans prescription. Alors,
l’action en nullité - la voie judiciaire de la protection des biens importants de la famille, y
compris le logement familial en droit vietnamien n’avait pas non plus de prescription.
L’époux victime de l’acte abusif fait par son conjoint pouvait agir en justice au nom de
l’intérêt familial à n’importe quel moment.
En fait, l’article 4, alinéa 4 du Décret n° 70/2001/ND-CP a pour but de montrer une
combinaison stricte de la loi sur le mariage et la famille, en qualité d’une loi spécialisée, et du
Code civil, en qualité de la source des règles communes. Pourtant, ce but n’a pas été bien
réalisé. L’article 139 du Code civil de 1995 fournissait la sanction pour l’inobservation des
conditions de forme de l’acte civil (tel que l’acte authentifié, notarié ou sous seing privé). Or
241 Civ. 1re, 6 avr. 1994 : JCP 1994. IV. 1450; JCP 1995. I. 3821, no 1, obs. Wiederkehr.
119
l’acte abusif dans le rapport conjugal n’est pas simplement le problème de la forme de l’acte,
mais plutôt celui du fond : c’est la manifestation de la volonté d’une partie à l’acte, qui se
compose de tous les deux époux en application des dispositions légales, envers l’autre partie
qui est des tiers cocontractants. Ce point illogique entraînait la justification qui n’était pas très
convaincante de l’absence de prescription de l’action en nullité en ce cas.
211. - La codification récente en matière civile au Vietnam fait apparaître un nouveau
règlement. Selon l’article 136 du Code civil vietnamien de 2005, la prescription de l’action en
nullité instituée à l’article 134 du même Code (toujours pour cause d’inobservation des
conditions de forme de l’acte civil) est de deux ans, à partir de la date où l’acte en cause est
établi. Ainsi, le législateur vietnamien a changé de son point de vue, en penchant maintenant
pour la stabilité des actes passés. Dans le domaine du logement familial, qu’il sache ou non
l’acte abusif passé par son conjoint, un époux n’a que deux ans à compter de l’établissement
de cet acte pour y contredire.
La présente disposition a des effets divers. D’une part, la prescription de deux ans
semble raisonnable pour assurer les intérêts légitimes des tiers de bonne foi participant à
l’acte. La prescription relèvera également la responsabilité des époux sur la vie familiale
commune : l’un doit savoir ce que l’autre fait aux biens importants de la famille pour y
manifester son droit de veto chaque fois qu’il l’estime nécessaire. Mais d’autre part, la règle
vietnamienne est vraiment serrée pour l’époux victime de l’acte abusif. En France, le droit à
l’action en annulation de cet époux n’est pas prescrit tant qu’il ne connaît pas l’établissement
de l’acte par son époux, et une fois qu’il le sait, il a encore un an à réagir. Au Vietnam,
l’époux victime n’en a que deux ans à compter de l’établissement de l’acte pour manifester
son avis devant l’autorité judiciaire.
2 - Les raisons de ces dispositions
212. - En droit français, le droit de disposition sur le logement familial soumis au
consentement de tous les deux époux a un caractère d’ordre public, qui exclut toute clause
contraire fixée par les régimes matrimoniaux. Pourtant, ce droit est toujours un problème du
rapport conjugal, un élément de la vie privée dans laquelle la volonté de l’individu reste le
principe. La loi ne vise à protéger l’époux victime de l’acte abusif, ainsi que la vie familiale,
que lorsque ceux-ci sont encore inactifs devant l’intervention de cet acte. Une fois que cet
époux prend la connaissance sur l’existence de l’acte, il a le droit d’agir en justice pour
120
protéger l’intérêt familial qui peut être gravement attaqué par celui-là, ou de rester silencieux
et d’en accepter la validité. Il doit avoir du temps pour cette option. C’est peut-être la raison
pour laquelle le délai d’un an se produit. Au delà du présent délai, cet époux est réputé d’avoir
implicitement donné son consentement à l’acte, il n’a donc plus le droit de changer de cette
décision implicite. Le délai d’un an à partir de la dissolution du régime matrimonial est
également compréhensible : lors de la liquidation de l’ancien régime matrimonial, tous les
deux époux sont réputés d’avoir connaissance sur tous les actes passés, et la prescription de
l’action en annulation commence à courir. Il est vraisemblable que la présente prescription en
droit français se base sur les présomptions, qui ont pour but de garantir la stabilité des actes
civils passés.
213. - En droit vietnamien, en vue d’établir un ordre juridique indispensable de la vie
sociale, les dispositions légales sur les conditions de forme des actes civils ont un caractère
impératif. Personne ne peut les déroger. Par conséquent, dans le Code civil de 1995, le
législateur a opté pour le fait que la valeur juridique de ces dispositions ne devait pas se
perdre selon l’écoulement du temps. Les règles du droit du mariage et de la famille, en
donnant aux actes faits seulement par l’un des époux, qui imposent les biens communs ayant
une grande valeur ou constituant l’unique source d’existence de la famille, la qualité de l’acte
frappé à nullité pour l’inobservation des conditions de forme, exonéraient la prescription de
l’action en nullité contre ces actes. Évidemment, l’absence de la prescription dans ce cas
contenait des avantages dans la pratique juridique vietnamienne. Néanmoins, de manière
technique, le fondement de cette disposition n’était pas très logiquement justifié comme
l’analyse ci-dessus242.
214. - Après dix ans de mise en application de la disposition précitée, le législateur
vietnamien fait un revirement, en donnant une prescription de deux ans à l’action en nullité
contre les actes frappés d’inobservation des conditions de forme. C’est sans doute le souci de
favoriser mieux l’épanouissement des actes civils dans une économie d’ouverture : les gens
s’inquièteront si l’acte auquel ils participent de bonne foi est annulé à n’importe quel moment
pour une raison qu’ils ne savaient pas, voire ne pouvaient pas savoir. Sous la couverture de la
nouvelle règle, après deux ans à compter de l’établissement de l’acte, les intérêts des tiers de
bonne foi ne sont plus perturbés. Dans le rapport entre eux concernant le logement familial,
les époux ont toujours d’autres voies pour résoudre le litige concernant le bien en cause, telle
242 Cf. supra, n° 210.
121
qu’une action en réparation. Avec la conscience juridique de plus en plus élevée des habitants
ainsi que le perfectionnement du système d’enregistrement des transactions immobilières, qui
permettent une découverte plus rapide des actes abusifs fait par l’un des époux, la présente
prescription se montrera de plus en plus convenable à la société vietnamienne. Sous un autre
aspect, une telle prescription tient compte du travail du juge qui traite l’action en nullité, en ce
qui concerne les preuves.
3 - Les effets juridiques de ces dispositions en pratique
215. - En droit français, la prescription de l’action en annulation prévue par l’article
215, alinéa 3 du Code civil est un point tout à fait favorable pour le travail des juges. Avec le
délai d’un an, les faits et les preuves sont en principe récents, l’examen des moyens des
parties ne rencontrera pas trop de difficultés. C’est la base importante d’une bonne décision
judiciaire, qui applique exactement les dispositions légales à un contentieux d’espèce.
Pourtant, cet avantage n’est vraiment réalisable que si les époux connaissent biens la situation
de fait et la valeur juridique des actes passés dans leur vie conjugale. Ils doivent donc avoir
suffisamment des connaissances juridiques. En pratique, la disposition sur la prescription de
l’action en annulation se montre conforme à la société française, dans laquelle est fondé un
système de droit de longue tradition et le rôle des professionnels de droit, tels que l’avocat, le
notaire, etc., et des magistrats devient déjà très courant.
216. - La situation du droit vietnamien est différente. Il faut comprendre que le niveau
de la connaissance juridique des habitants se varie nettement dans tout le pays. Il est
nécessaire d’avoir du temps pour que le peuple comprenne les supports fournis par les règles
juridiques, y compris l’intervention judiciaire, et les utilise comme des moyens efficaces de la
protection de leurs intérêts. L’absence de la prescription de l’action en nullité dans la question
du droit au logement des époux avait donc une portée pratique. Néanmoins, elle a également
créé assez de problèmes pratiques.
Premièrement, le juge saisi par l’un des époux devrait dépasser un grand nombre de
difficultés dans leur activité de juger, non seulement celle de fait comme la preuve, mais aussi
celle de droit. En effet, en appliquant l’article 139 du Code civil de 1995 à la question du
122
logement familial, on devait prouver non pas l’absence d’une forme légale de l’acte, mais
celle du consentement du demandeur243.
Deuxièmement, s’est posée la question concernant l’intérêt des tiers de bonne foi. En
application des dispositions du Code civil de 1995, en principe, les actes de grande valeur
qu’ils contractaient avec l’un des époux pourraient être annulés à n’importe quel moment, si
ces actes n’étaient pas acceptés par l’autre époux. C’est pourquoi, ils hésitaient de contracter
avec ceux qui avaient la qualité d’époux, les actes civils n’étaient pas ainsi tout à fait avancés.
Lorsqu’un acte était annulé, un ordre établi s’est détruit. Les participants à l’acte subissaient
sans doute des préjudices.
Troisièmement, en application de l’article 146, alinéa 2 du Code civil de 1995,
lorsqu’un acte civil avait été frappé de nullité, les parties étaient tenues de rétablir l’état
antérieur et de se restituer mutuellement ce qui avait été reçu ; si la restitution ne pouvait être
opérée en nature, elle devait être opérée en numéraire. Ainsi, dans le cas où la personne qui
avait contracté avec l’époux transférait le bien faisant l’objet de l’acte à une autre personne, il
n’avait plus le bien à rendre à la famille demanderesse. Cette dernière avait-elle le droit de
poursuite sur le bien ? Il faut comprendre que cette poursuite était souvent impossible
lorsqu’une grande période existait entre la conclusion de l’acte attaqué et la demande en
annulation. De plus, l’article 147 du même Code disait que lorsqu’un acte civil était annulé et
que les biens sur lesquels il portait ont été transmis à un tiers de bonne foi en vertu d’un autre
acte civil, ce dernier acte demeurait valable. Ainsi, le droit de poursuite de la famille
demanderesse n’était pas permis. L’action en nullité, enfin, n’aboutissait à rien, car le bien
exigé ne pouvait pas être rendu244.
Tous ces problèmes résultaient de la combinaison illogique entre la loi sur le mariage
et la famille et le Code civil, dans la lutte contre les actes abusifs au sein de la famille.
243 À ce point, le travail du juge reste le même avec le nouveau Code civil de 2005. 244 Ce défaut a été réparé par l’article 138, alinéa 2 du Code civil de 2005 qui dispose : « Lorsque le bien faisant l’objet de l’acte est un bien immobilier ou un bien mobilier dont l’enregistrement de propriété est obligatoire, et qu’il a été encore transféré par un autre acte à un tiers de bonne foi, ce dernier acte est nul, sauf si le tiers de bonne foi a acquis le bien dans la vente aux enchères, ou si cette personne a conclu l’acte avec celui qui est déterminé comme propriétaire du bien par une décision judiciaire de l’organe d’État compétent, mais qui ne l’est plus à cause de la cassation ou la modification de ladite décision judiciaire ». Ainsi, le droit de poursuite de l’époux victime est maintenant possible : il peut récupérer le logement de la famille, même si celui-ci a été transféré encore à un tiers de bonne fois, grâce à la nature immobilière de ce local d’habitation.
123
L’absence de la prescription dans notre sujet de logement familial n’était pas techniquement
justifiée pour son fondement, et elle n’avait pas non plus beaucoup d’effets positifs.
217. - Enfin, le législateur a changé de point de vue, et on souhaite les effets positifs
qu’apportera la prescription de deux ans récemment née. Pourtant, il faut dire que, l’action en
nullité contre l’acte d’abus d’un époux, qui emprunte toujours la voie de l’acte frappé de
nullité par l’inobservation des conditions de forme, est compliquée théoriquement et
pratiquement. Ceci nous montre encore l’importance d’un statut juridique indépendant du
logement de la famille, avec des règles vraiment liées à la pratique.
Particulièrement, en ce qui concerne le contenu des normes, la prescription de l’action
en nullité devrait être réfléchie245 en examinant la protection de la vie familiale, l’intérêt des
tiers de bonne foi, la sécurité du commerce et les conditions des activités judiciaires. Sous un
autre aspect, afin d’élever l’efficacité des dispositions légales, il est important de construire un
système judiciaire fermement stable, dans lequel travaillent des juges compétents, qui peuvent
appliquer vivement et raisonnablement les règles juridiques à des cas d’espèce. On doit
également penser à établir une meilleure relation entre le tribunal et les auxiliaires de justice.
De tels efforts étaient indispensables dans la mise en application des règles du Code civil de
1995 et favorisaient la création de la règle en vigueur sur la prescription de deux ans, qui se
conforme à l’évolution des rapports sociaux ; on espère encore les contributions de ces efforts
à l’ordre juridique du logement familial.
* * *
245 La prescription de deux ans à compter de l’établissement de l’acte en cause apparaît pour la première fois en droit vietnamien; elle a des caractères d’essai et ses effets seront examinés par la pratique.
124
CONCLUSION DU CHAPITRE : 218. - En droit vietnamien, la question du
logement de la famille au sein du couple marié est envisagée dans le régime matrimonial
institué par la loi sur le mariage et la famille et certains textes concernés. Sous l’angle
juridique, il est souhaitable d’y avoir une dénomination expresse et un statut propre du
logement de la famille. Ceux-ci ont besoin de règles plus précises et plus attachées à la
pratique, ainsi que des efforts des personnels de droit et même des habitants dans la mise en
application des dispositions légales.
Les solutions adoptées au sein de la vie du couple marié seront des références tout à
fait utiles pour la réglementation juridique portant sur les couples non mariés.
125
CHAPITRE II
LE COUPLE NON MARIÉ
219. – Après que la question du logement de la famille au sein de la vie du couple
marié ou considéré comme marié légitimement a été traité, il reste encore la vie des couples
sans enregistrement de mariage ni considération de mariage. Autrement dit, ce sont des unions
libres au sens strict du terme.
En tant qu’une entité sociale, la famille se fonde sans aucune formalité administrative
imposée par l’État. C’est la raison pour laquelle il faut examiner le logement, l’une des
conditions indispensables de la vie familiale, dans ces unions hors mariage. En cette matière,
les règles juridiques sont tout à fait importantes pour la protection des personnes vulnérables,
dont la femme et les jeunes enfants. Il est nécessaire d’avoir des connaissances sur la
réglementation juridique actuelle (Section I) avant d’étudier l’aspect patrimonial au sein de
cette catégorie de couple (Section II).
SECTION I : LA PLACE DU COUPLE NON MARIÉ DANS LA
RÉGLEMENTATION JURIDIQUE
220. - Le couple non marié est un phénomène social rencontré partout dans le monde
entier. Il y a plusieurs raisons de l’absence d’enregistrement du mariage dans les unions d’un
homme et d’une femme. C’est peut-être le problème du système d’état civil ou de la
conscience juridique des habitants, comme la situation au Vietnam246. Mais il s’agit
également d’un choix intentionnel des gens : ils ne font pas enregistrer leur union parce qu’ils
ne souhaitent pas le faire. Cette attitude, quant à elle, relève de plusieurs causes. Il y a des
gens assez âgés, surtout des divorcés ou des veufs, qui cohabitent sans enregistrement de
mariage, car ils s’ennuient déjà des liens stricts résultant d’un mariage. Il y a une autre
tendance, notamment parmi des jeunes, de ne pas enregistrer leur union, pour en avoir une
sortie facile lorsqu’ils ne veulent plus se lier. Avec le développement progressiste du système
d’état civil et des propagandes et divulgations du droit, il arrivera à un moment où les
concubins comprennent bien qu’ils ne sont pas époux devant la loi, et ils acceptent activement
246 Cf. supra, n° 83.
126
cette situation. Le couple non marié est alors un style de vie, un phénomène social à côté des
mariages légitimes. L’État doit y manifester son point de vue.
Dans ce domaine, les solutions juridiques ainsi que les débats les concernant sont
vraiment abondants à travers le monde. Il convient d’avoir un exposé bref du droit comparé
(§1) avant d’exposer le dispositif vietnamien (§2).
§ 1 : Des variétés en droit comparé
221. - Les unions hors mariage ont une longue histoire sociale. Avec quelques
règlementations juridiques récentes, il est possible de distinguer le concubinage (A) des
couples enregistrés (B).
A. Le concubinage : une situation purement de fait
222. - Le concubinage est le modèle traditionnel pour les couples non mariés. Ignorant
toute formalité d’enregistrement, l’union libre est ignorée par la loi. Précisément, la loi n’a
presque aucune intervention dans le rapport des membres de cette catégorie de couple, elle ne
valide pas le lien personnel entre ces deux intéressés dans leurs rapports avec les tiers. Les
gens s’unissent et se séparent librement. Il n’existe même pas une notion du concubinage ; il
s’agit d’une situation purement de fait, qui ne bénéficie éventuellement que d’une
reconnaissance sociale.
223. - Pourtant, récemment, dans quelques pays occidentaux, il y a déjà quelques
réglementations juridiques envers le concubinage.
En France, l’article 515-8 du Code civil247 définit : « Le concubinage est une union de
fait, caractérisée par une vie commune présentant un caractère de stabilité et de continuité,
entre deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, qui vivent en couple ». Devant
l’évolution du concubinage, les Français, par voie législative ou jurisprudentielle, ont tenté de
donner aux concubins quelques règles autrefois réservées seulement aux époux, par exemple
le bénéfice du capital-décès248, la continuation du bail du local d’habitation249, etc.
247 Cet article a été inséré dans le Code civil par la loi n° 99-944 du 15 novembre 1999. 248 L’article L.361-4 du Code de la sécurité sociale. Cité selon P. COURBE, op. cit., n° 586-1, p. 251.
249 L’article 14 de la loi du 06 juillet 1989. Cf. infra, n° 521.
127
En Hongrie, l’article 685A du Code civil250 définit le concubinage comme une
situation de deux personnes non mariées qui vivent en ménage, dans une communauté
sentimentale et économique. À l’heure actuelle, cette définition s’applique sans tenir compte
du caractère hétérosexuel ou homosexuel du couple en cause. Les Hongrois vont jusqu’à la
reconnaissance du droit de succession entre deux concubins251.
Malgré toutes ces manifestations nouvelles, le concubinage est toujours une situation
de fait, car il n’est soumis à aucun enregistrement étatique. Dans cette union, ce sont des
éléments de fait qui comptent. À côté de ces règles diversifiées, plusieurs pays ont déjà un
cadre juridique plus restrictif pour les unions hors mariage.
B. Les couples enregistrés
224. - Un certain nombre de pays en Europe ont établi des institutions permettant aux
personnes, qui ne veulent pas ou qui ne peuvent pas se marier, d’enregistrer leur union et de
bien organiser leur vie commune, en se basant sur les dispositions légales. Ces institutions ont
des dénominations différentes à travers des droits internes : le partenariat enregistré, la
cohabitation légale, le pacte civil de solidarité, etc. Le fondement de ces règles est varié à
travers des systèmes juridiques.
1 - Le modèle scandinave
225. - Dans ce groupe de pays, il y avait, d’abord, une distinction claire : le mariage
pour les couples hétérosexuels et le partenariat enregistré pour les couples homosexuels.
L’apparition du partenariat enregistré était alors simplement la reconnaissance officielle de
cette dernière catégorie de couple. Les modalités de l’enregistrement du partenariat étaient
calquées sur celles du mariage. Les conditions d’entrer dans un partenariat étaient semblables
aux celles de contracter un mariage (l’âge, la capacité, la parenté, etc.). Les droits et
obligations des partenaires étaient inspirés du mariage pendant la durée du partenariat, sous
250 L’article 685A Code civil hongrois, version anglaise : « Unless otherwise provided by legal regulation, common-law spouses shall be construed as two unmarried persons living together in an emotional and financial community in the same household ». Source : http://www.angelfire.com/mn2/reformclub/hunc1.html 251 F. GRANET, Concubinages, partenariats enregistrés et mariages entre homosexuels en Europe, dans Des concubinages, droit interne, droit international, droit comparé, Études offertes à J.RUBELLIN-DEVICHI, Litec 2002, p. 376-377.
128
réserve collective de filiation. Le partenariat faisait naître les mêmes effets patrimoniaux que
ceux du mariage252.
Depuis quelques temps, tandis que certains pays scandinaves restent toujours dans ce
modèle primitif, dans certains autres, le mariage homosexuel est déjà légalisé. Il s’agit, pour
ce dernier groupe, de la Norvège (entrée en vigueur de la nouvelle loi le 1er janvier 2009253)
et de la Suède (entrée en vigueur de la nouvelle loi le 1er mai 2009254).
Il est encore possible de trouver les traits du modèle scandinave primitif en
Allemagne, avec la « loi mettant fin à la discrimination des concubinages homosexuels et
instituant le partenariat de vie enregistré » du 16 février 2001, modifiée par la loi du 15
décembre 2004. Ces textes donnent aux partenaires de même sexe un statut pratiquement
semblable à celui des époux255.
2 - Le modèle néerlandais
226. - Au début, le Pays-Bas recevait le modèle scandinave primitif. Pourtant, les
Néerlandais l’ont rapidement développé et ils vont jusqu’à l’assimilation du mariage et du
partenariat enregistré. Précisément, une personne a le libre choix entre le mariage et le
partenariat enregistré quel que soit son sexe (le mariage des deux personnes de même sexe est
permis). Les conditions de l’enregistrement d’un partenariat sont identiques à celles du
mariage, et les modalités pour le faire sont quasiment les mêmes que celles du mariage. Il n’y
a pas de grandes différences entre les droits et obligations des partenaires et ceux des époux.
Les intéressés ont la possibilité de convertir le mariage en partenariat devant l’officier de
l’état civil256.
252 F. GRANET, op. cit., p. 378-381. 253 WIKIPÉDIA FRANCE, voir « Mariage homosexuel en Norvège ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Mariage_homosexuel_en_Norvège. 254 WIKIPÉDIA FRANCE, voir « Mariage homosexuel ». http://fr.wikipedia.org/wiki/Mariage_homosexuel 255 F. FURKEL, Concubinage et partenariat de vie en République fédérale d’Allemagne, dans Les états généraux du mariage : l’évolution de la conjugalité, Actes du Colloque de Toulouse organisé par le Centre de Droit privé - EA 1920 le 21 juin 2007, Presses universitaires d’Aix-Marseille 2008, p. 223-235. E. WENNER, Le partenariat enregistré en Allemagne : vers un mariage homosexuel, dans Du PACS aux nouvelles conjugalités : où en est l’Europe ? (dir. J. FLAUSS-DIEM et G. FAURÉ), Coll. CEPRISCA, PUF 2005, p. 57-65. 256 F. GRANET, op. cit., p. 381-387.
129
D’une façon semblable, en Belgique, les couples peuvent choisir entre le mariage et la
cohabitation légale, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels. Pourtant, l’adoption d’un
enfant par un couple homosexuel a été écartée257.
3 - L’enregistrement des couples hors mariage sur la base contractuelle
227. - Dans certains pays européens, les législateurs utilisent la voie contractuelle pour
régler l’enregistrement des couples hors mariage. Brièvement, c’est le fait que les deux
personnes concluent une convention pour organiser leur vie commune et la font enregistrer
auprès d’un organe étatique compétent. Cette institution existe en France, dans plusieurs
provinces espagnoles autonomes, avec des niveaux variés258. Il convient de voir l’exemple du
pacte civil de solidarité en France. L’article 515-1 du Code civil français dispose : « Un pacte
civil de solidarité est un contrat conclu par deux personnes physiques majeures, de sexe
différent ou de même sexe, pour organiser leur vie commune ». À la suite de cette définition,
les Français ont construit un cadre juridique des rapports personnels et patrimoniaux des
« pacsés ». La réglementation envers l’union libre est ainsi confiée aux normes de nature
contractuelle.
228. - Il est indispensable de remarquer que les pays asiatiques voisins du Vietnam
n’ont pas encore de dispositions sur la possibilité d’enregistrement du couple non marié.
Ainsi, dans cette région, les personnes répondant suffisamment aux conditions de contracter le
mariage ont le choix entre celui-ci et le concubinage ; les personnes impossibles de se marier,
les homosexuels par exemple, ne peuvent poursuivre qu’une vie commune purement de fait.
§2 : La solution définitive du droit vietnamien
229. - Au Vietnam, le traitement légal des unions libres a passé un long chemin, avec
un grand nombre de discussions sociales et législatives. Il convient d’exposer quelques points
historiques (A) avant d’examiner les dispositions légales en vigueur dans ce domaine (B).
257 J. POUSSON-PETIT, La vie en couple en Belgique et aux Pays-Bas, dans Les états généraux du mariage : l’évolution de la conjugalité, Actes du Colloque de Toulouse organisé par le Centre de Droit privé - EA 1920 le 21 juin 2007, Presses universitaires d’Aix-Marseille 2008, p. 237-250. J.-L. RENCHON, Les conjugalités en droit belge, dans Du PACS aux nouvelles conjugalités : où en est l’Europe ? (dir. J. FLAUSS-DIEM et G. FAURÉ), Coll. CEPRISCA, PUF 2005, p. 85-114. 258 F. GRANET, op. cit., p. 387-390.
130
A. La question résultant des anciens textes
230. - En principe, pour sa légitimité, un mariage au Vietnam doit toujours remplir les
formalités administratives de l’enregistrement. À la suite de la fondation du nouvel État
vietnamien, à travers plusieurs actes normatifs, le principe de l’enregistrement du mariage
était toujours souligné. La mise en application de ce principe, à cause de la guerre et du
niveau de connaissance des habitants, n’était pourtant pas rigide259. C’est pourquoi, pendant
une longue période, l’attitude de la loi envers les unions libres n’était pas claire.
231. - Selon l’article 11 de la loi sur le mariage et la famille de 1959, toute formalité
de mariage autre que l’enregistrement au Comité administratif de base n’était pas
juridiquement valable. Néanmoins, la loi n’a rien dit sur l’inobservation de cette règle, tandis
que les mariages non enregistrés ont été souvent tolérés par les tribunaux. Enfin, par la
Circulaire n° 112/ NCPL du 19 août 1972, la Cour populaire suprême a construit la théorie de
mariage de fait : c’est celui qui n’était pas enregistré, mais qui remplissait toutes les
conditions de validité disposées par la loi, et qui découlait de la volonté des parties de vivre en
commun ; de surcroît, les intéressés devaient se comporter en mari et femme pendant leur
cohabitation, leur qualité d’époux devait être reconnue par leurs parents ainsi que leurs
voisins260.
Selon l’article 8 de la loi sur le mariage et la famille de 1986, toute formalité de
mariage autre que l’enregistrement par le Comité populaire de base ou la reconnaissance par
l’organe de représentation diplomatique à l’étranger n’avait pas de valeur juridique. La loi
restait encore silencieuse devant la désobéissance de cette règle. Par ailleurs, l’article 9 de la
même loi disposait : « Le mariage violant l’un des articles 5, 6, 7 de la présente loi est
contraire à la loi ». L’article 8 n’y a pas été mentionné. Ces termes de l’article 9 ont donné à
un grand nombre de gens l’idée que la violation de l’article 8, c’est-à-dire le mariage sans
enregistrement, n’était pas contraire à la loi. En conséquence, beaucoup d’hommes et de
femmes s’unissaient sans formalité administrative en pensant que leurs unions n’étaient pas
illégitimes261. Les professionnels de droit hésitaient de donner une réponse définitive à cette
259 Cf. supra, nos 81-84. 260 NGUYEN Ngoc Dien, Les droits successoraux du conjoint survivant en droit vietnamien, thèse Paris II 1997, n° 28, p. 33. 261 DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p. 37.
131
question. Enfin, la notion du « mariage de fait » a été reprise pour octroyer à un certain
nombre d’unions sans enregistrement la qualité de mariage légitime262.
232. - Jusqu’ici, l’attitude de la loi envers les unions libres devenait tout à fait floue. Il
n’y avait pas de fondement juridique solide, pour distinguer de vrais mariages de fait des
unions temporaires sans but d’établir une famille. Dans la doctrine, certains auteurs essayaient
d’établir des critères d’un mariage de fait :
« - Sous l’aspect subjectif : l’homme et la femme doit avoir vraiment envie de se
marier ensemble. Leur cohabitation qui ressemble à la vie conjugale se base sur leurs libres
volontés et ne subit pas la force ou le dol. Les deux parties se considèrent effectivement mari
et femme pendant leur cohabitation.
- Sous l’aspect objectif : l’homme et la femme poursuivent une cohabitation publique
et transparente dans leurs rapports conjugaux, ils exécutent ensemble des tâches familiales et
bénéficient d’une reconnaissance de leurs proches et voisins concernant leurs qualités de
mari et de femme263 ».
Ces auteurs sont arrivés même à affirmer : « Dans la pratique judiciaire, la
reconnaissance du « mariage de fait » doit se baser sur tous les deux éléments précités. S’il
manque l’un des deux, il est impossible de reconnaître le mariage de fait, mais lorsque ces
deux éléments se réunissent, il est également impossible de ne pas le reconnaître264 ».
233. - De toute façon, tout dépendait de la décision du tribunal dans chaque cas
d’espèce. L’exclusion des erreurs était alors, sans aucun doute, impossible, dans le contexte
que la complexité des affaires et la connaissance sociale des juges ne soient pas les mêmes
partout. Dans une logique évidente, il convient de constater que la reconnaissance des
262 C’était toujours l’effort des juges d’appliquer d’une manière souple des dispositions légales dans leurs activités juridictionnelles. La section 2 de la Résolution no 01/NQ-HDTP du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême conduisant la mise en application de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne de 1986 disposait : « En pratique il y a encore un certain nombre de mariages sans enregistrement. Ces phénomènes violent les procédures de contracter le mariage mais ne seront pas considérés comme mariages illégitimes, s’ils ne sont pas contraires aux articles 5, 6, 7. Dans ces cas, si l’une des deux ou toutes les deux parties demandent le divorce, le tribunal n’annulera pas le mariage selon l’article 9 mais traitera la demande de divorce selon l’article 40 ». En pratique, il est dit que la présente règle des juridictions n’était qu’une mesure temporaire ayant pour but de résoudre les effets du mariage de fait et de protéger les droits et intérêts légitimes de la femme et des enfants. Cf. DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p. 37-38. 263 NGUYEN Van Cu, NGO Thi Huong, op. cit., p. 74-75. 264 NGUYEN Van Cu, NGO Thi Huong, op. cit., p.74-75.
132
mariages de fait affaiblissait l’effet de l’article 8 de la loi sur le mariage et la famille de 1986 :
comment maintenir l’application d’une norme impérative, lorsque son inobservation est quand
même reconnue juridiquement !265
La présente situation a été critiquée par plusieurs juristes : « À l’heure actuelle, notre
droit reconnaît le mariage de fait, c’est-à-dire que le mariage qui satisfait à toutes les
conditions de fond, mais qui n’a pas d’enregistrement, n’est pas considéré comme illégitime.
À notre avis, en vue de la compatibilité entre la théorie et la pratique, avec les propagandes
et éducations de droit avancées ainsi que la bonne organisation de la célébration du mariage,
seuls les mariages respectant toutes les conditions fixées par la loi sont reconnus et soutenus
par l’État266 ».
En résumé, avant la loi sur le mariage et la famille de 2000, le dispositif vietnamien
sur les couples non mariés n’était pas clair, puisque dans la mise en application des règles
juridiques, il était impossible de distinguer nettement un mariage légitime des unions libres.
B. La réponse de la loi sur le mariage et la famille de 2000
234. - En vue de mettre fin à tous les problèmes précités, les auteurs de la nouvelle loi
sur le mariage et la famille ont construit des règles tout à fait claires267. L’article 8, alinéa 2 de
ce texte définit : « Le terme "mariage" s'entend du fait, pour un homme et une femme, de
former une relation conjugale conformément aux dispositions légales relatives aux conditions
pour contracter mariage et à l'établissement de l'acte de mariage ». L’article 11, alinéa 1er de
la même loi affirme : « Un homme et une femme vivant en concubinage ne sont pas reconnus
par la loi comme couple marié ». C’est la première disposition au niveau de loi du droit
vietnamien sur la question du couple sans enregistrement de mariage, qui présente une
solution définitive. N’étant pas les époux, les concubins se trouvent dans une situation
purement de fait, dont ils ont à prévoir et à accepter tous les effets et conséquences. Puisqu’ils
n’intéressent pas à la règle impérative de la loi, la loi n’intéresse pas à leur union. Une telle
disposition contribue à élever l’efficacité de la loi sur le mariage et la famille, qui quant à elle,
reste toujours un sujet discuté dans toute la société.
265 DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p. 38. 266 Faculté de Droit, Université nationale de Hanoi, op. cit., p. 111. 267 DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p. 38.
133
235. - Sous un autre aspect, en ne considérant plus les unions libres comme mariages
de fait, le législateur vietnamien n’y attribue non plus aucun autre encadrement juridique.
Précisément, au Vietnam à l’heure actuelle, seul le mariage est réglé par la loi ; il n’y a
aucune autre forme légale des unions. Jusqu’à maintenant, la présence des unions enregistrées
ou conventionnelles hors mariages, telles que celles existant actuellement en Europe, n’est pas
imaginable au Vietnam, moralement et juridiquement268. C’est pourquoi, est envisagée dans
toute la présente étude, la question concernant le logement des concubins au Vietnam en
comparaison avec seulement les concubinages dans d’autres pays, non pas avec les unions
enregistrées ou conventionnelles, telles que le pacte civil de solidarité en droit français.
236. – Il est nécessaire d’avoir encore quelques remarques concernant les unions
homosexuelles au Vietnam. Selon l’article 10, alinéa 5 de la loi sur le mariage et la famille de
2000, le mariage est interdit entre les personnes de même sexe. C’est aussi une réponse
définitive pour la question du mariage homosexuel, qui préoccupait beaucoup de
professionnels de droit, à cause de l’absence d’une disposition légale claire. La présente
disposition est renforcée par une norme réglementaire, qui institue une sanction : le mariage
entre deux personnes de même sexe est frappé d’une amende du 100.000 au 500.000 dong269,
ce rapport illicite est forcé de se terminer270. Devant les yeux d’un certain public,
l’homosexualité est encore un phénomène anormal, même immoral. En analysant la règle
précitée, quelques auteurs ont sévèrement critiqué l’union des homosexuels : « Le mariage est
le lien entre un homme et une femme en vue de l’établissement de la famille. La famille doit
effectuer ses fonctions sociales. L’une de ces fonctions est la procréation des enfants pour
maintenir et développer la race. Ainsi, seules les personnes de sexe différent peuvent la
réaliser ensemble à travers leur mariage. Le mariage des deux homosexuels est contraire aux
lois naturelle et sociale. C’est pourquoi, la loi sur le mariage et la famille a interdit le
mariage homosexuel. À l’heure actuelle, il y a un certain nombre de concubinages menés par
les deux personnes de même sexe. Il s’agit d’un phénomène social malsain, contraire aux
bonnes moeurs, incompatible avec la morale sociale et devant être empêché et exclu. L’article
10, alinéa 5 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 est le fondement juridique pour que
268 Dans sa nature, la naissance des institutions en Europe comme partenariat enregistré, cohabitation légale, pacte civil de solidarité est plus ou moins poussée par la demande des personnes homosexuelles (il s’agit d’une reconnaissance pour l’homosexualité) et non pas par la nécessité d’encadrer les concubinages au sens traditionnel. Une telle démonstration des personnes homosexuelles n’est pas encore imaginable au Vietnam, car dans le point de vue d’un grand public, l’homosexualité est elle-même un sujet discutable. Cf. LE Thi, op. cit., p. 8. 269 La monnaie vietnamienne. 270 L’article 8 du Décret n° 87/2001/ND-CP.
134
le tribunal puisse annuler le mariage illicite des deux personnes de même sexe à la demande
éventuelle. Pour les concubinages homosexuels, il faut mettre en valeur le rôle des organes
d’État, des organisations sociales d’éduquer et d’encourager les personnes en cause de
terminer une telle cohabitation271 ».
237. - À partir de l’adoption de la nouvelle loi sur le mariage et la famille, l’État
vietnamien s’est montré déterminé dans la mise en œuvre de toutes les règles précitées.
L’Assemblée nationale a adopté les dispositions de transition272, qui étaient interprétées par la
Cour populaire suprême, le Parquet populaire suprême, le Ministère de la Justice ensemble273.
De plus, l’application de ces dispositions de transition a été facilitée par le Décret n°
77/2001/ND-CP du Gouvernement : en officialisant leur union par l’enregistrement de
mariage, les membres d’un mariage de fait bénéficiaient des formalités simples, rapides et
sans frais. Sous un autre aspect, le Premier Ministre a pris une Directive sur la mise en
application de la nouvelle loi, qui ordonnait aux Comités populaires provinciales de résoudre
définitivement le mariage de fait en deux années 2001-2002274. Pourtant, les autorités locales
n’avaient pas toujours des rapports vraiment positifs : « Lorsque les conditions socio-
économiques et l’infrastructure ne sont pas encore développées ; la propagande large et
approfondie du droit au sein de la population n’est pas encore bien faite ; l’administration de
l’état civil, surtout aux autorités de base, n’est pas encore favorisée en ce qui concerne le
financement et le matériel ; la connaissance juridique et le degré intellectuel du peuple
restent à un bas niveau, plusieurs coutumes incompatibles à la loi sont cachées dans les
villages lointains, il est difficile de terminer totalement le mariage de fait après le 1er janvier
2003275 ». La présente pratique montre que les unions libres posent encore des questions
difficiles à la politique juridique dans ce domaine.
Il convient alors d’examiner la problématique du logement des concubins au cours de
leur vie commune.
271École supérieure de Droit de Hanoi, op. cit., p. 105. 272 La Résolution n° 35/2000/QH10 du 09 Juin 2000 précitée. Cf. supra, n° 85. 273 La Circulaire interministérielle n° 01/2001/TTLT-TANDTC-VKSNDTC-BTP du 03 Janvier 2001. 274 Partie II, point 9 de la Directive n° 15/2000/CT-TTg du 09 Août 2000. 275 NGUYEN Xuan Dien, Giải quyết hôn nhân thực tế, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp số 8/2002 (Résoudre le mariage de fait, Revue des Études législatives n° 8-2002).
135
SECTION II : LE LOGEMENT FAMILIAL AU SEIN DE LA VIE COMMUNE
DU COUPLE NON MARIÉ
238. - Les droits et intérêts légitimes des membres des unions libres, dont le logement
familial, restent une question sensible de la société vietnamienne à l’heure actuelle. Il
convient de découvrir la complexité de la matière (§1) avant de chercher des règles
protectrices disponibles (§2).
§1 : La complexité de la problématique
239. - L’union libre est un phénomène social, qui suscite beaucoup de débats
juridiques. Il est raisonnable de voir la question du logement commun des concubins sous
l’aspect social (A) ainsi que sous l’aspect juridique (B).
A. Sous l’aspect social
240. - Au Vietnam, la fréquence du concubinage le rend de moins en moins étrange
devant les yeux du public. Autrefois, les membres d’une union libre n’observaient pas les
formalités de l’enregistrement du mariage parce qu’ils ne connaissaient pas cette démarche
administrative ou qu’ils ne comprenaient pas son importance. À l’heure actuelle, un nombre
considérable de gens s’unissent hors mariage et comprennent totalement la nature de leur
union, qui est une vie de couple tout libre, sans aucun engagement juridique. Globalement, il
est possible de classifier des couples non mariés au Vietnam à l’heure actuelle comme
suivants :
- Le concubinage inconscient : les deux membres des couples ne connaissent pas la
formalité de l’enregistrement du mariage comme la condition de validité de leur mariage,
mais ils se considèrent toujours comme vrais époux. C’est la situation rencontrée souvent
dans des régions rurales, montagneuses, où la propagande juridique reste limitée.
- Le concubinage conscient : les deux membres du couples comprennent que leur
union n’est pas un mariage, mais ils ont activement opté pour cette union libre, soit parce
qu’ils ne veulent pas se lier par le lien de mariage, soit parce qu’ils sont interdis de contracter
le mariage ensemble (cas de concubinage adultère).
136
- Le concubinage à « contre cœur » : en fait, il s’agit d’un cas particulier du
concubinage conscient. Les deux membres des couples souhaitent l’enregistrement du
mariage, mais ils ne le font pas à cause des empêchements objectifs, tels que l’insuffisance
des ressources et du temps pour compléter les démarches administratives de
l’enregistrement276.
241. - En tout cas, il y a une tendance dans laquelle les habitants se transforment d’un
mariage de fait inconscient à une union libre consciente. Dans le langage quotidien, apparaît
déjà le mot « cohabitation d’essai » qui désigne le fait qu’un homme et une femme vivent en
commun, pour vérifier s’ils peuvent avoir une bonne union ; ils termineront cet essai soit par
un mariage, soit par une séparation. En l’absence d’un statut juridique propre, les concubins
acceptent (ou plutôt ils doivent accepter) tout ce qui résulte de leur essai. De toute façon, il
s’agit d’un style de vie admis par les principes de la liberté individuelle, et si cette
cohabitation se passe toujours bien, personne ne devra s’y intéresser. Mais comme presque
toutes les unions, les contentieux se produisent dans la vie commune des concubins, et un
grand nombre de concubinages se terminent non pas par un mariage que les acteurs en cause
souhaitaient au début, mais par une séparation définitive. La liquidation de cette catégorie
d’union sera examinée dans la deuxième partie de cette étude, il faut traiter maintenant la
question sur le rapport entre concubins au cours de leur vie commune.
242. - En poursuivant une union libre, les concubins règlent eux-mêmes leur vie
commune, ils n’ont pas la possibilité d’attendre une intervention venant de l’extérieur. La
complexité du concubinage au Vietnam consiste en son caractère trop libre. Puisque les
concubins n’ont pas voulu se lier par les formalités officielles, les autres personnes leur
laissent une liberté totale, qui ne leur apporte pas toujours du bien. Il se pose ici, comme
souvent aussi, la question sur la protection des personnes vulnérables, dont la femme et les
jeunes enfants. Par ailleurs, les intérêts des tiers ainsi que la sécurité des actes civils restent de
grands sujets à débattre.
276 L’article 12 de la loi sur le mariage et la famille dispose : « Le Comité populaire de la commune, du quartier urbain ou du bourg du lieu de résidence de l'un des deux intéressés est l'autorité d'enregistrement du mariage. Les services de représentation diplomatique, les services consulaires vietnamiens à l'étranger sont compétents pour enregistrer le mariage entre citoyens vietnamiens résidant à l'étranger ». En pratique, il y a des cas où les deux membres du couple habitent et s’unissent dans un lieu tout à fait lointain de leurs lieux d’origines respectifs. L’enregistrement du mariage exige des documents fournis par les autorités des lieux d’origine, tels que les certificats de la situation célibataire des deux intéressés. Ayant des revenus modestes et occupés par leur travail, ces personnes ne peuvent pas franchir des distances géographiques pour remplir ces formalités : ils font simplement une célébration de leur union avec la présence des collègues, amis, voisins, etc. et commencent leur vie commune. Sous l’aspect juridique, ils ne sont pas époux.
137
243. - Il est évident que les concubins cohabitent sous un même toit, puisque la
formation et la reconnaissance sociale de leur union se caractérisent nécessairement par une
cohabitation. Lorsqu’ils vivent séparément, leur relation n’est peut être qu’un lien affectif
sans but d’établir une communauté de long terme. Le concubinage forme un fondement de la
vie familiale ou non, c’est encore une discussion ; mais le rôle indispensable du logement
pour la vie des concubins eux-mêmes et de leurs enfants est indiscutable. La garantie des
intérêts de chacun d’eux sur ce local est alors vraiment une partie importante, même
principale, dans le rapport patrimonial entre eux, ainsi que dans les actes qu’ils passent avec
les tiers.
B. Sous l’aspect juridique
244. - N’étant pas époux, dans le contexte actuel du droit vietnamien, les concubins
sont juridiquement étrangers l’un par rapport à l’autre. Tous les droits et obligations entre eux
sont comme ceux des individus ordinaires, régis par le droit civil, autrement dit le droit
commun.
Précisément, sous le plan actif, les concubins n’ont pas de biens appartenant à la
copropriété indivise. Chacun est le propriétaire des biens qu’il acquiert séparément avant ainsi
que pendant l’union. Les biens créés ou reçus par tous les deux ensemble appartiennent à leur
copropriété par quote-part. Ainsi, les biens personnels sont librement disposés par leur
propriétaire ; le sort des biens communs dépend de l’unanimité des copropriétaires. Sous le
plan passif, il n’existe pas de solidarité légale entre les deux concubins. C’est pourquoi, les
obligations contractées par chacun affectent lui seul ; celles faites par tous les deux ensemble
sont exécutées selon les clauses de l’acte.
245. - En ce qui concerne le logement de la famille, les solutions précitées du droit
commun ont des effets remarquables.
En premier lieu, à défaut d’accord commun, l’un des concubins ne peut pas prétendre
le caractère de besoin indispensable de la famille pour demander à l’autre le partage des
charges de logement. Une solidarité légale en faveur de la vie familiale n’existe pas au sein du
concubinage. Le fait de se charger seul de la vie matérielle de toute l’union est un risque que
chaque personne souhaitant poursuivre un concubinage doit prévoir et, malheureusement,
souvent subir en vue d’une continuation paisible de la communauté de vie.
138
Les créanciers ont ici également des difficultés. Ils commettent souvent l’erreur sur la
nature du rapport personnel entre leur débiteur et les cohabitants de celui-ci. Il convient
d’examiner l’exemple du bail d’habitation qui donne l’accès à un logement à un couple de
concubinage. Devant les deux personnes qui se comportent comme des époux, même se font
appeler époux, pratiquement, le bailleur ne peut pas demander la présentation d’un acte de
mariage pour être sûr de cette relation277. Enfin, les créanciers ne peuvent poursuivre que
celui qui a contracté avec lui et non pas son concubin. Lorsque les créanciers ne reçoivent pas
le paiement des dettes, ils auront sans doute des sanctions légitimes envers le débiteur : le
propriétaire a le droit d’expulser le locataire qui ne règle pas le loyer278. Sans garantie d’une
solidarité légale, d’une part, le logement commun des concubins est vraiment risqué lorsque
l’un d’eux réduit son esprit de coopération envers l’autre ; d’autre part, les intérêts légitimes
des tiers ne sont pas raisonnablement protégés.
En second lieu, chacun des concubins ne rencontre aucune limite en faveur de la vie
familiale dans la disposition de ses biens propres. Ainsi, lorsque le logement où se passe la
communauté de concubinage appartient seulement à l’un des concubins, l’autre et les enfants
éventuels n’ont aucun droit sur ce local, même si celui-ci constitue l’unique source
d’existence de la communauté. Ces personnes ne sont pas garanties de se maintenir d’une
manière stable dans ce logement lorsque le propriétaire ne le souhaite pas. En pratique, il y a
des cas dans lesquels un homme et une femme ont poursuivi une vie conjugale sans
enregistrement pendant longtemps, avec la naissance des enfants ; brusquement, l’homme se
marie avec une autre femme et expulse sa concubine du local d’habitation commun, qui est
son bien personnel. La concubine n’a pas de qualité d’épouse au sens juridique et elle doit
partir avec les mains vides.
Ces situations demandent une intervention juridique dans la vie de concubinage au
moment nécessaire, surtout pour protéger les personnes les plus vulnérables telles que la
femme et les jeunes enfants. 277 Il y a une pratique à Hanoi, la capitale du Vietnam : un certain nombre de bailleurs particuliers demandent à l’homme et à la femme de justifier clairement leur rapport lorsque ces deux personnes veulent louer et habiter ensemble un local ; l’acte de mariage est alors obligatoire pour le rapport de mariage. Cette formalité au cours de la conclusion du contrat de bail n’a pourtant principalement qu’un caractère moral : ces propriétaires ne veulent pas laisser les concubins habiter leur logement loué. Le propriétaire contracte souvent avec seulement l’un des locataires et reçoit le paiement auprès de celui-ci. 278 En France, la procédure d’expulsion suit un parcours judiciaire strict, voire assez long, avec surtout l’expulsion ordonnée par une décision judiciaire (la loi du 06 juillet 1986). Au Vietnam, un grand nombre de baux d’habitation se passent purement entre le propriétaire et le locataire sans surveillance d’aucun organe d’État compétent. Par conséquent, en pratique, l’expulsion des locataires peut être à la libre volonté du propriétaire, de manière forcée et immédiate.
139
§2 : La recherche des règles protectrices en droit vietnamien
246. - Les unions libres au Vietnam se trouvent totalement en dehors des dispositions
légales. Les règles qui protègent les intérêts légitimes des participants de cette catégorie
d’union sont recherchées dans le droit commun.
Pratiquement, au cours de leur union, les concubins s’entendent bien, puisque,
lorsqu’ils ne le sont plus, ils se séparent librement et il y aura d’autres questions à traiter.
Curieusement mais fréquemment, les droits et intérêts légitimes des concubins ne sont
examinés sous l’angle juridique qu’à la rupture de leur union. Ce qui compte pour le
concubinage, ce sont des faits passés. Au cours de la vie courante de cette union libre, en vue
d’une communauté paisible entre les deux concubins ainsi que des intérêts légitimes des tiers
de bonne foi, certaines réflexions se montrent nécessaires. Il s’agit des solutions techniques
(A) et de celles d’orientation (B).
A. Les solutions techniques
247. - En ce qui concerne les charges du logement commun, il y a une solution pour le
cas d’un logement loué. L’article 497 du Code civil de 2005 dispose : « Les colocataires dont
les noms figurent dans le contrat de bail ont tous dans leurs rapports avec le bailleur les
mêmes droits et obligations et sont tenus solidairement de l’exécution de leurs obligations
envers lui ». Ainsi, en l’absence de solidarité légale, il faudrait que les concubins forment
entre eux, d’une manière active et consciente, une solidarité conventionnelle : ils concluent
ensemble le contrat de bail, ou même tout autre acte de grande valeur. Lorsque l’un d’eux
n’exécute pas volontairement les obligations communes, ce sont les clauses de l’acte qui ont
la force. Même si un membre du couple a dû payer toute la dette, celui-ci pourra toujours
demander à son concubin un remboursement selon ces clauses du contrat.
Une telle solution est, socialement, trop franche dans la pensée vietnamienne
traditionnelle et peut être incompatible aux concubins au début de leur union, ceux qui vivent
encore dans l’amour et la confiance mutuelle. Pourtant, puisque leur union n’est pas un lien
assuré, ils devraient créer eux-mêmes des garanties279. Une cotitularité du contrat de bail est
279 Pour une référence comparative, on trouve qu’en France, certains auteurs parlent d’une contractualisation croissante du droit de la famille à l’heure actuelle, où la volonté individuelle affiche une place prédominante, à la différence de la situation classique où les relations entre l’individu et la famille sont fixées par la loi. Selon ces auteurs, la volonté individuelle constitue ainsi des sources contemporaines du droit de la famille. Cf. F. DEBOVE, R. SALOMON, Th. JANVILLE, op. cit., n° 49, p. 32.
140
aussi appréciée par les propriétaires, puisqu’ils ont deux codébiteurs, et ils peuvent demander
le paiement des loyers et charges à celui qui est le plus financièrement puissant.
En cas d’un logement acheté, pour qu’il soit leur bien commun, les concubins doivent
parfaitement savoir qu’il existe entre eux, non pas la copropriété indivise qui est réservée aux
époux, mais uniquement la copropriété par quote-part. Cette dernière, pour les biens
enregistrés comme le local d’habitation, est efficacement prouvée par le titre de propriété
inscrivant les noms de tous les copropriétaires. C’est pourquoi, les concubins doivent conclure
ensemble le contrat d’acquisition avec le vendeur et demander à l’autorité compétente un titre
de propriété conjoint.
Pour ces deux cas précités, la connaissance juridique des concubins est tout à fait
importante. Il leur est conseillé de consulter les règles concernées auprès des juristes et des
institutions d’aide juridique, chaque fois qu’ils contractent un acte de grande valeur dont
l’objet est un bien indispensable pour leur vie quotidienne, tel que le logement.
248. - En ce qui concerne la protection des tiers de bonne foi, un point de droit
comparé est utile. En France, la jurisprudence a tenté de trouver une meilleure solution à ce
sujet : lorsque les concubins se présentent aux tiers comme un couple marié et créent en
conséquence une fausse apparence de mariage, les créanciers qui ont commis une erreur
légitime sur la situation du couple ont le droit de poursuivre l’un ou l’autre des concubins
pour la totalité de la dette280.
À notre avis, cette solution est une suggestion pour le législateur et les juridictions
vietnamiens. En pratique, il y a des membres d’un mariage de fait qui se comportent toujours
comme vrais époux, mais devant l’exécution d’une obligation pécuniaire de grande valeur, ils
prétendent le défaut d’un acte de mariage pour nier leur rapport conjugal et échapper à la
solidarité passive. Il est irraisonnable que la qualité d’époux née d’un mariage de fait est
reconnue par les tribunaux lorsque les acteurs en cause la demandent eux-mêmes (une
demande de divorce par exemple), tandis que les juges ne peuvent pas affirmer une telle
qualité lorsque ces personnes la refusent. C’est pourquoi, il faut mettre en œuvre la
considération d’époux pour des concubinages notoires - des mariages de fait en deux sens : en
sens actif, la qualité d’époux est reconnue pour les concubins ; en sens passif, ces derniers ne
peuvent pas la refuser lorsque les tiers de bonne foi y ont cru légitimement.
280 P. COURBE, op. cit., n° 589, p. 254.
141
Pourtant, en appliquant les dispositions de transition, il arrivera à un moment où il
n’existe plus d’unions hors mariage considérées comme mariage : il y a donc soit le mariage
légitime, soit l’union libre. Alors la théorie de l’apparence de mariage en droit français est une
bonne idée de référence pour les juristes vietnamiens.
B. Les solutions d’orientation
249. - En tout cas, la conscience complète des concubins sur leur état d’union est la
plus importante pour la protection de leurs droits et intérêts légitimes. Ils doivent savoir les
effets et conséquences de l’union libre qu’ils poursuivent. C’est pourquoi, il faut développer
encore les propagandes et divulgations juridiques à destination de la population. Ces activités
doivent apporter aux habitants la connaissance sur les dispositions du droit de la famille,
particulièrement en ce qui concerne l’enregistrement du mariage et les droits et obligations
des époux. Ceci contribuera à terminer le fait qu’un grand nombre de concubins pensent qu’ils
sont époux légitimes ; ou même s’ils comprennent bien qu’ils ne sont que concubins, ils ne
connaissent pas suffisamment leurs droits et obligations, en conséquence ils n’utilisent pas les
moyens juridiques pour protéger leurs intérêts légitimes. Dans tout ce processus, les organes
d’État et les organisations sociales, tels que le Comité de protection des femmes et des
enfants, l’Association des femmes vietnamiennes, etc. jouent les plus grands rôles.
250. - Pour les activités judiciaires, devant les contentieux de nature patrimoniale entre
concubins, il faut que les tribunaux cherchent à comprendre profondément la situation en
cause, qu’ils expliquent aux parties les règles juridiques concernées et qu’ils rendent la plus
raisonnable décision. Les connaissances sociales des juges sont ici nécessaires. Les décisions
des tribunaux doivent contribuer à consolider l’observation du droit de la famille par les
habitants, lutter contre les manifestations immorales dans la vie sociale, et sur le plan
patrimonial, exclure l’enrichissement sans cause d’un certain nombre de concubins de
mauvaise foi.
251. - Dans l’avenir, il conviendra d’avoir une politique juridique plus souple pour les
unions hors mariage. La solution du droit vietnamien à l’heure actuelle conduit simplement le
concubinage au-delà des règles juridiques, tandis que cette situation est elle-même née au sein
de la société et nécessite des solutions juridiques. Il faut surtout faire attention aux gens qui, à
cause de leur bas niveau de connaissance, ne comprennent pas leur vraie situation, qui est
seulement un concubinage et non pas un mariage légitime. Leur ignorance de la loi ne doit pas
142
souvent à leur faute, mais à l’environnement social dans lequel ils se trouvent : une région
lointaine où il manque des moyens d’information et de communication, où la propagande du
droit n’est pas encore bien faite. Dans le contexte des conditions socio-économiques encore
peu favorables dans plusieurs régions, la politique juridique de l’État doit bien fournir des
supports effectifs à ces personnes.
* * *
143
CONCLUSION DU CHAPITRE : 252. - Le couple hors mariage est un phénomène
social rencontré partout dans le monde entier, avec plusieurs variétés. La réglementation
juridique sur cette catégorie d’union se diversifie à travers des pays. Au Vietnam, le
législateur a définitivement refusé de la reconnaître. La protection des intérêts légitimes des
personnes concernées, dont les concubins eux-mêmes ainsi que les tiers, nécessite pourtant
des solutions de droit, au cours de la vie normale du concubinage (celles qui sont exposées ci-
dessus) ainsi que lors de sa rupture (celles qui seront examinées dans la deuxième partie de
cette étude). Dans toutes ces réglementations, le logement commun des concubins nécessite
une garantie particulière, en vue d’une stabilisation de la vie familiale formée par ces
personnes et leurs enfants.
144
CONCLUSION DU TITRE : 253. - La famille se forme traditionnellement par
l’union d’un homme et d’une femme. Par conséquent, les conditions de la vie familiale,
notamment le logement commun, dépendent principalement de ces deux fondateurs. En
fonction de la façon par laquelle ils s’unissent, c’est-à-dire un mariage officiellement
enregistré ou une cohabitation libre, la loi leur fournit des mesures différentes pour conserver
ce bien important. La question du logement familial suscite des discussions concernant
plusieurs sujets de la famille et du droit de la famille contemporain. Généralement, il s’agit
des thèmes de la politique juridique sur les couples dans la société.
La famille, évidemment, comprend non seulement les deux membres du couple, mais
aussi leurs enfants, leurs parents, ou globalement, tous ceux qui ont des relations de filiation
et d’alliance. Dans la société vietnamienne où l’attachement familial joue un rôle absolument
important, l’étude sur le logement familial dans le rapport patrimonial entre d’autres membres
de la famille se montre donc nécessaire.
145
TITRE II
LES AUTRES RAPPORTS FAMILIAUX
254. - À côté du lien conjugal, dans la famille, il y a encore des rapports entre les
autres membres de la famille.
L’article 49, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne dispose :
« Les personnes vivant dans une famille ont l'obligation de s'occuper l'une de l'autre, de
s'entraider, de pourvoir à l'entretien de la vie familiale et d'apporter en espèce ou en nature
leur contribution au maintien de la vie familiale dans la proportion de leurs facultés
respectives ». Cette règle est un principe ayant la valeur d’orientation plutôt qu’une
disposition technique. Le maintien de la vie familiale nécessite plusieurs éléments, dont le
logement est l’une des conditions de base. Chacun des membres de la famille y contribue
selon son souhait et sa capacité. La combinaison harmonieuse de ces contributions en vue
d’une vie familiale solide a besoin d’un grand nombre de solutions juridiques ; les coutumes
jouent également un rôle considérable.
255. – Dans ce domaine, se pose tout d’abord la question sur la forme de la
copropriété appartenant aux membres de la famille ? En théorie, il peut s’agir de la
copropriété par quote-part ou de celle sous forme indivise. Pour le premier cas, en tant que
des individus, les membres de la famille peuvent avoir la copropriété par quote-part sur
certains biens déterminés, surtout lorsqu’ils exercent en commun leurs activités
professionnelles. Pour le second cas, il est impossible de reconnaître la copropriété indivise
entre membres de la famille. En effet, le Code civil vietnamien ne dispose que deux catégories
de copropriété indivise : celle des époux et celle de la communauté populaire. La copropriété
indivise entre époux est l’un des effets directs de leur mariage281. La copropriété de la
communauté populaire est, quant à elle, une tradition de la société vietnamienne ; elle
281 L’article 219 du Code civil de 2005: « 1. Les biens communs des époux sont réunis dans une copropriété sous la forme indivise. 2. Les époux constituent conjointement et développent par leurs efforts respectifs la masse des biens communs. Ils ont chacun les mêmes droits dans la possession, la jouissance et la disposition des biens communs. 3. Les époux décident d’un commun accord d’exercer conjointement ou de déléguer à l’un d’entre eux la possession, la jouissance ou la disposition des biens communs. 4. Les biens communs des époux peuvent être partagés d’un commun accord entre eux ou par décision judiciaire ».
146
bénéficie ainsi d’une reconnaissance de la loi282. À part de ces deux situations, il n’y a pas de
fondement légal pour l’établissement de la copropriété indivise entre des individus tels que les
parents et leurs enfants.
Pour cette raison, il faut affirmer qu’en droit vietnamien, il n’existe que la copropriété
par quote-part entre les parents et leurs enfants. La même constatation s’impose à la
copropriété entre frères et soeurs, ou entre tous les autres membres de la famille283. La
copropriété par quote-part s’établit selon les règles du droit civil, sans relation avec le rapport
familial entre copropriétaires284. Autrement dit, la loi s’intéresse prioritairement à la
copropriété déjà créée entre ces personnes et non pas au lien d’attachement entre elles. C’est
pourquoi, pour résoudre des contentieux entre membres de la famille concernant leurs biens
communs, il faut examiner tout d’abord les règles du droit commun ; les règles particulières
sur la contribution de chaque membre à la vie commune de la famille sont ensuite prises en
compte pour des solutions raisonnables.
256. - Il reste encore une autre question. En réalité, le Code civil vietnamien contient
toujours des dispositions sur les biens communs du foyer familial. Ces biens sont ainsi cités :
le droit d’usage des fonds de terre285, le droit d’usage des forêts, les forêts plantées par le
foyer familial, les biens apportés par les membres du foyer, les biens acquis en résultat du
travail commun des membres du foyer, les biens que les membres du foyer acquièrent
conjointement par donation ou succession et tout autre bien que les membres du foyer
282 L’article 220 du Code civil vietnamien: « 1. La copropriété communautaire est la propriété d’un clan familial, d’un hameau, d’une ferme, d’un village, d’une commune, d’une communauté religieuse ou de toute autre communauté populaire sur les biens acquis suivant les coutumes, sur les biens apportés par les membres à la communauté, sur les contributions, dons ou toutes autres sources autorisées par la loi pour satisfaire aux intérêts communs licites de l’ensemble de la communauté. 2. Les membres de la communauté conjointement administrent, font usage et disposent des biens communs en vertu des coutumes, dans l’intérêt de la communauté et dans le respect de la loi et de la morale sociale. 3. Les biens communs d’une communauté constituent une copropriété indivise ». 283 La copropriété sous forme indivise des individus existe uniquement dans le rapport entre époux. Mais ceux-ci peuvent avoir également la copropriété par quote-part. 284 Par exemple, lorsque les parents et leurs enfants acquièrent ensemble un local d’habitation, ils sont copropriétaires par quote-part en droit commun. Leur rapport personnel n’a aucun effet juridique envers les tiers. 285 En droit vietnamien, selon la loi foncière de 2003, la propriété des fonds de terre appartient à tout le peuple dont le représentant est l’État. Les autres sujets de droit n’ont que le droit d’usage sur les fonds de terre. L’article 5 de la loi foncière de 2003 : « 1. Les fonds de terre appartiennent à la propriété du peuple dont l’État est représentant. … 4. L’État octroie le droit d’usage des fonds de terre aux usagers par voie d’attribution, de bail, de reconnaissance du droit d’usage de l’usager qui mène déjà un usage stable des fonds de terre ; … ».
147
conviennent de considérer comme des biens communs286. La forme de propriété dont relève
cette masse de biens doit être déterminée.
La réponse de cette question a plusieurs intérêts pratiques pour l’étude sur le logement
de la famille. Supposons qu’un foyer familial a l’usage d’un fond de terre en destination
d’habitation (un cas tout courant au Vietnam). Quel est le sort du local d’habitation qui s’y
attache, lorsqu’un contentieux se produit entre les membres de ce foyer ? Pour une solution
radicale, il est impossible de traiter ce local sans que le droit d’usage de fond de terre, un bien
commun du foyer, soit touché287. Avec la valeur de plus en plus élevée des biens immobiliers,
surtout dans les régions urbaines (où il y a souvent des « fièvres » d’immeubles), les
contentieux de ce genre augmentent sans cesse. Il est regrettable que les dispositions légales
en vigueur les négligent ; en d’autres termes, la loi ne définit pas la forme de la copropriété
des membres du foyer familial.
257. - En fait, au Vietnam, l’existence du foyer familial en tant qu’un sujet juridique
fait partie de l’administration étatique sur les fonds de terre et des politiques de
développement économique288. Malgré cet objectif important, il manque encore des
instruments juridiques facilitant l’entrée du foyer familial à la vie des actes civils289. C’est
pour cette raison que devant un contentieux concernant les rapports familiaux, les tribunaux
aboutissent toujours à la détermination des droits et obligations des membres de la famille en
qualité d’individus ; le rapport familial (entre époux, entre parents et enfants, etc.) peut être
pris en compte, mais le foyer familial en tant qu’un sujet de droit indépendant y est absent.
Dans la situation où le foyer familial est toujours maintenu comme un sujet juridique en droit
vietnamien, il faut des règles précises sur ses rapports internes, qui ne sont pas en
contradiction avec celles qui se trouvent déjà dans la loi sur le mariage et la famille et les
autres textes concernés, et qui régissent le rapport entre membres de la famille290.
286 L’article 108 du Code civil de 2005. 287 L’article 95, alinéa 2 de la loi sur l’exécution des jugements civils de 2008 : « Lorsque l’huissier fait l’inventaire des locaux d’habitation du débiteur, il doit faire également l’inventaire du droit d’usage des fonds de terre qui s’attachent aux présents locaux. Au cas où le droit d’usage des fonds de terre en cause appartient à un autre usager des fonds de terre, l’huissier ne fait l’inventaire des locaux d’habitation et du droit d’usage des fonds de terre ensemble qu’avec l’accord de ce dernier. À défaut d’accord de l’usager des fonds de terre, l’huissier fera uniquement l’inventaire des locaux d’habitation, si le détachement entre ces locaux et les fonds de terre ne réduit pas considérablement la valeur de ces locaux ». 288 Cf. infra, nos 347-349, 352. 289 Cf. infra, nos 354-355. 290 Cf. infra, n° 357.
148
258. - En somme, en droit vietnamien positif, il y a trois catégories de règles régissant
les rapports patrimoniaux familiaux. Les relations entre époux sont soumises aux règles de
régime matrimonial ; ceux entre les autres membres de la famille relèvent au champ des règles
sur le foyer familial, chaque fois que les conditions de création de ce dernier s’unissent291 ; les
rapports patrimoniaux éventuels entre parents et enfants, entre frères et soeurs n’ont pas de
dispositions respectives : le droit civil général et le droit de la famille sont donc applicables,
au fur et à mesure de chaque cas d’espèce292.
259. - Une question se pose, par conséquent, sur la concurrence des règles. L’article
106 du Code civil vietnamien293 donne l’impression que le foyer familial est une société créée
de fait de fin commerciale. Il est alors possible d’en déduire que les règles sur le foyer
familial s’appliquent lorsque le rapport patrimonial en cause se trouve dans une société créée
de fait existant au sein de la famille. En l’absence de conditions suffisantes d’une société
créée de fait, les autres règles s’appliquent en fonction qu’il s’agisse du couple ou des parents
et enfants.
260. - En réalité, chacun des membres de la famille doit apporter sa contribution au
maintien de la vie familiale. C’est la loi qui doit régir tous ces apports individuels d’une façon
la plus favorable à la famille. Partant de cette vue globale, il est nécessaire d’examiner le
logement de la famille dans la communauté familiale, sous deux aspects : les rapports
strictement civils entre les parents et leurs enfants (Chapitre I), ainsi que les activités
productives et commerciales menées par les membres du foyer familial (Chapitre II).
291 Pour les conditions de la création d’un foyer familial au sens du Code civil, cf. infra, nos 351, 354. 292 Par exemple, l’administration des biens personnels de l’enfant mineur est régie par les dispositions de la loi sur le mariage et la famille, mais la copropriété par quote-part appartenant à l’enfant et à ses parents suivent les règles du Code civil. 293 L’article 106 du Code civil de 2005 : "Les foyers familiaux dont les membres ont en commun des biens, travaillent ensemble pour l’exercice en commun d’activités économiques dans les domaines de la production agricole, sylvicole et aquacole ou dans certains autres domaines de production et de commerce prévus par la loi sont sujets de droit dans l’exercice de ces activités".
149
CHAPITRE I
LES PARENTS ET LEURS ENFANTS
261. - Au Vietnam, les standards moraux sur le respect des enfants envers leurs
parents et les exigences de la construction de la communauté de vie familiale constituent un
statut du rapport patrimonial entre ces personnes, qui est tout différent de ceux existant dans
plusieurs systèmes juridiques occidentaux. Il convient d’avoir une connaissance générale du
rapport pécuniaire entre les parents et leurs enfants (Section préliminaire), qui sera la base des
études sur la constitution (Section I) et l’exercice du droit de propriété de l’enfant (Section II)
en droit positif.
SECTION PRÉLIMINAIRE : LA GÉNÉRALITÉ DU RAPPORT
PATRIMONIAL ENTRE LES PARENTS ET LEURS ENFANTS
262. - Le terme « enfant » peut être compris d’une manière courante en deux sens : en
premier lieu, c’est l’être humain dans l’âge de l’enfance ; en second lieu, c’est l’être humain à
l’égard de sa filiation, fils ou fille294. Sous l’aspect juridique, l’enfant signifie soit le mineur,
soit le descendant au premier degré, fils ou fille, sans considération d’âge295. Dans la présente
étude sur le rapport patrimonial entre parent et enfant, le terme « enfant » porte les deuxièmes
sens précités.
263. - L’enfant a deux situations, ou plutôt deux tendances tout à fait contraires dans
sa vie. Lorsqu’il est de jeune âge, il s’attache à ses parents qui répondent à ses besoins.
Lorsqu’il s’agrandit déjà, il cherche sa vie personnelle et laisse ses parents à côté de ses autres
centres d’intérêt. Les rapports entre parents et enfants se montrent donc clairement différents
selon qu’il s’agit de l’enfant mineur (§1) ou de l’enfant majeur (§2).
§1 : L’enfant mineur : la pensée sociale sur l’absence de son droit de propriété
264. - Au Vietnam, la question sur les biens personnels du mineur ne se pose presque
jamais d’une façon sérieuse. Dans la pensée sociale, c’est-à-dire que sous les yeux d’un grand
294 Le petit Robert, Dictionnaires Le Robert - Paris 2003, p.884. 295 G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique, PUF 2007, p.356-357.
150
public, le mineur est un être humain qui ne détient jamais des valeurs matérielles
considérables, qui vit dans les soins des personnes majeures telles que ses parents. La présente
idée traditionnelle se base sur des réalités. D’une part, en principe, le mineur ne travaille pas
d’une manière autonome296 ; par conséquent, il ne peut pas créer lui-même des biens. D’autre
part, les biens que le mineur acquiert par d’autres voies, par exemple celle de donation, n’ont
pas une grande valeur297. Par exception, lorsque le mineur devient propriétaire d’une grande
fortune, par exemple il acquiert un logement par voie de succession, l’administration de ce
bien à son profit est souvent déterminée par les règles coutumières. Un contentieux éventuel
peut être traité par les règles juridiques, dans lesquelles le rôle des majeurs occupe la place
principale.
265. - Ainsi, le mineur se trouve dans une situation où il n’a pas de biens ; et même
s’il est un propriétaire considérable, à cause de sa capacité d’exercice encore limitée, il n’aura
pas la parole indépendante sur le destin de sa fortune. Ce contexte social, de toute façon, n’est
pas une particularité vietnamienne. Partout dans le monde entier, en pratique, les mineurs ne
sont que des propriétaires à titre exceptionnel298. Néanmoins, il faut remarquer une
particularité vietnamienne, c’est que l’idée sur l’absence du droit de propriété du mineur est
tacitement acceptée par les habitants, car les majeurs autour de lui, souvent ses parents,
tiennent la parole décisive. Il a été a bien observé que « pendant une longue période, les
enfants, même déjà devenus majeurs, n’avaient pas de biens personnels tant que leurs parents
survivaient »299. C’est pourquoi, les règles sur le rapport entre le mineur et les membres
majeurs de la famille concernant ses biens personnels, ainsi que les dispositions permettant au
mineur de donner sa parole aux actes affectant les biens familiaux, restent encore modestes.
266. - Se situant dans une position relativement précaire avec les limites physique,
morale et patrimoniale, le mineur s’attache à ses proches majeurs, qui peuvent répondre à ses
296 Le travail du mineur au sein de sa famille dans les domaines d’agriculture et d’artisanat est, pourtant, une tradition vietnamienne, et se soumet aux règles de l’éducation familiale, comme une manifestation de la sagesse enfantine. Le travail des « enfants de rue », qui ne vivent pas avec leurs parents, qui doivent mener des œuvres de petite rémunération dans les régions urbaines pour gagner leur vie pose des questions aux politiques sociales et ne se trouve pas dans le sujet traité par la présente étude. 297Il est possible d’aborder « l’argent de poche » que les parents mettent à la disposition de l’enfant pour ses petites consommations quotidiennes. 298 Pour une brève analyse sur la situation en France, Cf. F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, Les droits de l’enfant, 6e éd., Coll. Que sais-je ?, PUF 2004, p.21-22. 299 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamienne, T. I – La famille, op. cit., n° 294, p.282. Sur le rôle moral et patrimonial des parents dans la famille vietnamienne traditionnelle, cf. infra, n° 268.
151
besoins. Cela signifie également que les conditions de vie du mineur dépendent de celles des
majeurs auxquels il s’attache. La responsabilité des membres majeurs de la famille sur la vie
de leurs proches mineurs, dont le logement, est alors une question qui mérite des réflexions.
§2 : L’enfant majeur et ses parents âgés : l’évolution de la société et ses effets
267. - À la tradition vietnamienne, la pitié filiale est l’un des standards moraux de la
société. L’une de ses manifestations est le fait que les enfants majeurs s’occupent de leurs
parents âgés, matériellement et spirituellement. Afin de remplir cette tâche, l’enfant,
accompagné de sa propre famille (son époux et ses descendants), cohabite toujours avec ses
parents dans un logement commun jusqu’au moment où ceux-ci seront tous décédé300. Les
générations se succèdent l’une à l’autre dans un local d’habitation commun, la toute petite
famille, qui a été établie au début par un homme et une femme, se transforme en une grande
famille, composée de plusieurs unions conjugales des enfants, même des petits enfants. Le
modèle de « trois générations sous un même toit » est considéré comme un bonheur familial
exemplaire. Si un couple âgé a plusieurs enfants, ces derniers peuvent le quitter pour fonder
leur propres résidences ailleurs, mais il en reste toujours un, souvent le fils aîné ou le fils
cadet, qui prend le soin direct des parents avec l’avantage d’habiter le logement de la famille.
268. - La situation précitée reflète les caractéristiques de la société vietnamienne
traditionnelle. Sous l’angle moral, les parents tenaient toujours la parole décisive et ne
permettaient pas à leurs enfants de quitter la famille en vue d’une vie distincte, même si ceux-
ci étaient déjà mariés et avaient, à leur tour, leurs propres enfants. La concentration des
descendants autour des ascendants âgés, ceux qui, quant à eux, faisaient toujours effort de
montrer leurs qualités respectueuses, formait la particularité de leur grande famille aux yeux
de toute autre. Les familles ayant des rapports de filiation formaient le caractère particulier du
lignage, et plusieurs lignages formaient le caractère particulier du village en comparaison avec
d’autres communautés. Du côté social, les membres de la grande famille pouvaient bien
s’entraider dans leur vie quotidienne, surtout en ce qui concerne la garde et l’éducation des
300 Une étude du Centre des recherches scientifiques sur la famille et la femme - Centre national des sciences sociales et humaines montre que 83% des personnes âgées veulent cohabiter avec leurs descendants, précisément avec la famille de leur fils, notamment le fils aîné ; la cohabitation avec la famille de la fille mariée n’a lieu que dans des situations particulières. Si ces personnes âgées ont encore des enfants célibataires, elles cohabitent avec eux en vue des entraides mutuelles. Seulement certains couples âgés, surtout à la campagne, veulent mener une vie indépendante, mais leur logement est proche de ceux de leurs enfants, afin de faciliter les visites et les soins que ces derniers leur rendent. Lorsque l’un des membres du couple décède, le survivant revient vivre dans la famille de l’un des enfants. Cf. LE Thi, op. cit., p. 102-103.
152
enfants mineurs301. Sous l’aspect d’économie, la présente concentration des membres de la
grande famille leur permettait de bien exploiter leurs fonds d’agriculture, d’artisanat ou de
commerce302, ainsi que d’éviter la répartition des biens familiaux entre ces personnes.
269. - La société vietnamienne contemporaine connaît des changements considérables
par rapport à l’image traditionnelle précitée. Une étude sociologique en a bien montré : « La
famille vietnamienne contemporaine a plusieurs changements de structure et d’envergure. Il
existe principalement deux formes d’organisation : la famille nucléaire de deux générations
où les parents vivent en commun avec leurs enfants tient 66,6% et la famille étendue de
plusieurs générations, souvent de trois, tient 29,4% de la totalité des familles (les données de
1994). Il y a également des familles n’ayant pas suffisamment de membres, où seul le père ou
seule la mère vit avec ses enfants... Du 1989 au 1999, la vitesse d’augmentation des foyers
familiaux est plus grande que celle de la population. La vitesse d’augmentation annuelle
moyenne des foyers familiaux est de 2,5%, par rapport à celle de la population de 1,7%, en
1989 il y avait 13 millions foyers familiaux, mais il y en a plus de 16 millions en 1999....
Parmi 16.669.351 foyers familiaux en 1999, 55% formés par de 1 à 4 personnes, dont 25,4%
de 4 personnes, 17% de 3 personnes. Les foyers familiaux de 5 personnes est de 18,8%, ceux
de 7 personnes et de plus tiennent 14% » 303.
Ces nouveautés sont compréhensibles dans une économie d’ouverture, quand les
habitants s’intéressent de plus en plus à la liberté personnelle. « Le développement des
familles nucléaires est une tendance qui se déroule d’une manière objective, malgré le souci
d’un certain nombre de gens concernant la vie des personnes âgées sans enfants vivant dans
le même toit en vue des aides. Mais les jeunes couples ont envie de poursuivre leur vie libre,
de décider d’une façon autonome de leurs affaires sans contrôle de leurs parents âgés. Ceci
pousse les jeunes couples à s’élever dans tous les domaines pour arranger leur travail et le
soin de leurs enfants» 304.
270. - La contradiction entre l’envie de liberté des jeunes et le besoin de soin des vieux
crée vraiment des problèmes sociaux à traiter. Lorsque les enfants veulent partir, ils doivent
penser immédiatement au local d’habitation où ils vont se loger : il s’agit d’une question 301 LE Thi, op. cit., p. 10-12. 302Dans plusieurs régions vietnamiennes, les hautes techniques d’un métier quelconque n’étaient apprises qu’entre des membres de la famille qui l’exerçait. Les produits ou services fournis étaient connus sous le nom de la famille, dont le représentant était souvent la personne la plus âgée. 303LE Thi, op. cit., p.58-59. 304LE Thi, op. cit., p. 58-59.
153
financière qui n’est pas facile à résoudre, lorsque les biens immobiliers, surtout dans les villes,
ont des prix (d’achat ou même de location) très élevés par rapport au revenu encore modeste
des jeunes. Le support de leurs parents se montre donc tout à fait important, voire le seul
procédé d’un grand nombre de jeunes d’avoir un logement privé. Lorsque les parents ne
veulent pas ou ne peuvent pas répondre au présent besoin, tous les membres de la famille
continuent à vivre en commun avec les heurts quotidiens305. Un certain nombre d’enfants se
trouvant dans cette situation ne pensent même pas à se marier, car ils ne savent pas où se
logerait leur petite union. Dans le sens inverse, il existe la situation où les enfants stabilisent
déjà leur vie propre, tandis que leurs parents âgés rencontrent des difficultés en se logeant
ailleurs. Plusieurs personnes, après des succès de travail dans les villes, reviennent au pays
natal et améliorent les conditions de vie de leurs parents pauvres, ils commencent souvent par
la construction d’un local d’habitation confortable. Mais beaucoup d’autres n’arrivent qu’à se
débrouiller pour leur vie personnelle et ne sont capables ni de réparer le logement de leurs
parents, ni les accueillir dans leur toit.
271. - Tous les phénomènes et tendances sociaux précités demandent les orientations
et solutions de l’État, à travers les politiques sociales et les règles juridiques. La
réglementation juridique actuelle du rapport patrimonial entre les parents et leurs enfants, qui
est exposée ci-après, en est un exemple.
SECTION I : LA CONSTITUTION DU DROIT DE PROPRIÉTÉ D E
L’ENFANT
272. - Le droit de propriété de l’enfant a passé une longue histoire, avec des concepts
différents. Il est nécessaire d’examiner les anciens textes (§1) pour comprendre les
dispositions en vigueur (§2).
§1 : Les anciens textes
273. - Dans la réglementation juridique portant sur la propriété de l’enfant, il y avait
un principe rigide de l’ancien droit (A), et puis des changements importants en droit moderne
(B).
305 Il est montré qu’à l’heure actuelle, les enfants cohabitent avec leurs parents plus longtemps qu’autrefois, car ils poursuivent des études universitaires, ils ont des difficultés dans la recherche du travail, ils se tardent à se marier, etc. Dans la présente vie commune, malgré leur dépendance économique, les enfants ont quand même des pensées et activités indépendantes, d’où apparaissent les contentieux entre parents et enfants, lorsqu’ils n’ont pas d’arrangements raisonnables. Cf. LE Thi, op. cit., p. 99.
154
A. La ligne uniforme de l’ancien droit
274. - L’idée sur l’absence du droit de propriété des enfants se montrait clairement
dans le système juridique vietnamien pendant une longue période.
Dans la société ancienne, étant chefs de famille, les parents détenaient le pouvoir
souverain sur le patrimoine familial. Les enfants n’avaient aucune parole sur ces biens. La
présente disposition est consolidée par les sanctions sévères envers des fraudes : lorsque les
parents survivaient encore, la vente en cachette d’un fond immobilier effectuée par les enfants
leur apportaient des sanctions pénales, le bien devait être retourné aux parents et l’acheteur
reprenait le montant du prix (l’article 378 du Code pénal des LE)306. Avec l’écoulement du
temps, en répondant aux demandes du contexte social307, ce principe juridique se transformait
en une coutume nette dans la pensée des habitants.
Le législateur français, au début du XXe siècle, ne faisait pas de changements à la
présente tradition vietnamienne. Lorsque les parents survivaient encore, les enfants
appartenaient à l’autorité paternelle et n’avaient pas le droit d’avoir des biens personnels (les
articles 204, 206, 207 du Code civil du Tonkin et du Code civil de l’Annam)308.
275. - Puisque les enfants étaient obligés de se lier à la grande famille, ils n’avaient
pas de soucis concernant leur vie matérielle. Tant que le foyer existait, ses membres seraient
assurés des besoins quotidiens309, dont le niveau dépendait de l’efficacité du travail effectué
par eux tous. En ce qui concerne la question de logement, les enfants habitaient le local
d’habitation de leurs parents ; ces derniers décidaient également de construire ou d’acheter de
nouveaux logements, s’ils le trouvaient nécessaires par rapport au nombre augmenté de
membres du foyer.
276. - À l’exception du principe d’appartenance précité, lorsqu’un enfant (à partir de
l’âge de quinze ans) avait été permis par ses parents de quitter le foyer en vue d’une vie
personnelle, il devenait lui-même le chef de sa propre famille et le propriétaire indépendant
par rapport à ses parents. Ces derniers devraient alors respecter le droit de propriété de leur
306 L’institut des recherches de science juridique - Ministère de la Justice, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle à la période de colonisation française, op. cit., p. 105-106. 307 Cf. supra, nos 264-265, 268. 308 L’institut des recherches de science juridique - Ministère de la Justice, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle à la période de colonisation française, op. cit., p.105-106. 309 LE Thi, op. cit., p. 57.
155
enfant comme celui de toutes les autres personnes, s’ils ne voulaient pas être frappés des
sanctions fixées par les dispositions légales310.
B. Les renouvellements consécutifs du droit contemporain
277. - À partir du 1945, le droit de la famille vietnamien a passé plusieurs démarches
vers la démocratie et la liberté personnelle. Les dispositions sur le rapport patrimonial entre
parents et enfants en fournissent de bonnes preuves.
278. - L’article 7 de l’Ordonnance no 97/SL du 22 mai 1950 a affirmé : « Lorsqu’il
devient majeur, l’enfant a le droit à un établissement indépendant même s’il vit encore en
commun avec ses parents ». Cette règle était un changement fondamental dans le rapport entre
parents et enfants en droit vietnamien, qui reflétait le contexte d’une nouvelle société. À partir
de la naissance de cette disposition, en principe, les parents n’avaient plus d’autorité
paternelle sur leurs enfants majeurs, mais devaient respecter les décisions faites par ceux-ci en
tant que personnes de pleine capacité juridique. Les relations au sein de la famille
conservaient de moins en moins le caractère de subordination, et se penchaient donc de plus
en plus aux liens d’aide et de support mutuels311. La vie en commun avec ses parents, celle
qui contenait sans doute des dépendances matérielles, n’empêchait pas l’enfant majeur d’avoir
ses propres paroles sur tout ce qui le concerne.
279. - La loi sur le mariage et la famille de 1959 - la première codification en matière
matrimoniale et familiale, a réalisé plusieurs concrétisations et développements du nouveau
principe précité. Sous le plan patrimonial, selon l’article 20 de la présente loi, l’enfant majeur
vivant encore en commun avec ses parents pouvait avoir des biens personnels. C’était un
nouveau dispositif qui a mis fin à l’idée sur la dépendance totale des enfants envers leurs
parents. Étant devenu majeur, l’enfant avait l’accès indépendant au droit de propriété ; la vie
en commun avec ses parents n’empêchait pas cette capacité juridique tout à fait importante. À
ce sujet, il y a trois points significatifs.
En premier lieu, la loi n’a abordé que les enfants majeurs, non pas les enfants en
général. L’esprit du législateur à cette époque restait ainsi encore réticent sur l’indépendance
310 L’institut des recherches de science juridique - Ministère de la Justice, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle à la période de colonisation française, op. cit., p.105-106. 311 Ce principe institué à la première période du nouvel État vietnamien avait une valeur d’orientation considérable. Pour que l’indépendance des enfants majeurs devienne une réalité, il fallait beaucoup d’efforts sociaux dans les années qui suivaient.
156
matérielle de tous les enfants sans distinction de leur âge de majorité. La pensée traditionnelle
sur l’absence du droit de propriété des mineurs a bien conservé sa place.
En deuxième lieu, la loi insistait sur « l’enfant majeur vivant encore en commun avec
ses parents », pour marquer le revirement juridique par rapport aux dispositions anciennes en
cette matière. L’enfant majeur vivant séparément n’était pas mentionné ici, mais en tant qu’un
sujet indépendant, il avait évidemment le droit d’avoir des biens propres, comme ce l’avait été
toujours et conformément aux dispositions légales en vigueur sur les droits civiques des
habitants.
En troisième lieu, la loi n’a institué que le droit des enfants majeurs d’avoir des biens
propres et n’a pas encore montré par quels moyens ces personnes pouvaient acquérir des
biens. Mais puisque l’enfant majeur avait la pleine capacité juridique, il pouvait bénéficier de
toutes les voies légitimes, telles que le travail rémunéré, la donation, etc. La règle de 1959
n’est pas entrée dans le détail de la situation, mais s’est contentée d’établir un principe
général, qui était de grande importance et qui a marqué le commencement d’une nouvelle
idéologie du rapport patrimonial entre parents et enfants dans le droit vietnamien.
280. - La loi sur le mariage et la famille de 1986 a fait encore une grande démarche
pour compléter la position patrimoniale de l’enfant par rapport à ses parents. L’article 23 de la
présente loi disposait que : « l’enfant peut avoir des biens personnels ». C’était la première
fois en droit vietnamien que l’enfant en général, mineur ou majeur, vivant en commun avec
ses parents ou séparément, pouvait avoir des biens personnels. La présente disposition a
reconnu une capacité juridique de base des êtres humains, qui est le droit de propriété,
nonobstant leur âge et leur situation de résidence. Elle a cassé également, sous l’aspect
juridique, l’idée sur l’absence du droit de propriété du mineur312.
Pour clarifier encore la présente idée, le Conseil des Juges de la Cour populaire
suprême a affirmé : « L’enfant mineur peut avoir des biens personnels »313. Afin de faciliter la
mise en application des règles de loi dans les activités juridictionnelles, ce haut organe des
juges vietnamiens a expliqué les moyens par lesquels l’enfant pouvait acquérir des biens
312 Là encore, ce principe avait une valeur d’orientation. Afin d’entrer dans la pratique, le droit de propriété des mineurs a dû être favorisé par plusieurs éléments économiques et sociaux, surtout le changement de pensée des habitants. 313 Section 4 de la Résolution no 01/NQ-HDTP du 20 janvier 1988 du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême.
157
personnels : « les biens acquis par voie de succession, les revenus produits par le travail ou
d’autres revenus légitimes, etc. »314.
Les principes précités formaient un fondement tout nécessaire pour la nouvelle
codification du droit de la famille vietnamien en 2000.
§ 2 : Les dispositions en vigueur
281. - La nouvelle loi sur le mariage et la famille, d’une part, maintient le principe du
droit de propriété de l’enfant (A), et d’autre part, le complète par plusieurs règles précises (B).
A. Le maintien de la disposition sur le droit de propriété de l’enfant
282. - L’article 44, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000 reprend le
principe institué par la règle de 1986 : « L’enfant peut avoir des biens personnels ». Toutes les
portées du présent principe, qui se manifestaient pendant la mise en application de la loi sur le
mariage et la famille de 1986, sont maintenues. Le droit de propriété des enfants mineurs n’est
absolument plus un sujet à discuter, car il a été déjà réaffirmé à l’article 12 de la loi sur la
protection, l’entretien et l’éducation des mineurs du 12 août 1991 : « Les mineurs ont le droit
d’avoir des biens, le droit à la succession, le droit de bénéficier des régimes d’assurance
conformément aux dispositions légales »315.
B. Le développement des règles sur le droit de propriété de l’enfant
283. - La loi sur le mariage et la famille de 2000 ne s’arrête pas à une disposition
générale sur le droit de propriété des enfants, mais elle précise des moyens par lesquels ceux-
ci peuvent acquérir des biens. La nouvelle façon de disposition s’explique par le souci de bien
protéger les droits et intérêts légitimes des enfants : « Héritant des dispositions de la loi de
1986 sur le droit d’avoir des biens des enfants, partant également de la situation socio-
économique à l’heure actuelle de notre pays qui connaît déjà plusieurs nouvelles démarches
de développement, la question de biens propres des enfants au sein de la famille doit être
314 Section 4 de la Résolution no 01/NQ-HDTP du 20 janvier 1988 du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême. 315 Ce principe, quant à lui, est reproduit dans l’article 19 de la loi no 25/2004/QH11 du 15 juin 2004 sur la protection, l’entretien et l’éducation des mineurs : « Les mineurs ont le droit d’avoir des biens, le droit à la succession conformément aux dispositions légales ».
158
traitée par les dispositions légales d’une manière plus large et précise, afin de garantir les
droits et intérêts légitimes de ceux-ci »316.
En effet, les efforts d’interprétation des juges en 1988 sont bien reproduits dans la
nouvelle règle de loi. L’article 44, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000
dispose : « Les biens personnels de l'enfant comprennent les biens qu'il a acquis en propre
par succession, par donation et par son travail, les fruits et intérêts provenant de ces biens et
d'autres revenus légalement perçus par l'enfant ». D’une manière générale, ce sont des
moyens d’acquisition des biens de toute personne dans la société.
La loi n’aborde pas le cas de l’indivision entre l’enfant et son parent, par exemple
lorsque sa mère et lui acquièrent ensemble, par voie de succession légale, la maison de son
père décédé. En application des dispositions légales, la copropriété dans ce cas est celle par
quote-part, et la part de l’enfant dans le bien est considérée comme son bien personnel, qu’il
peut traiter selon les règles concernées.
Globalement, il convient de constater que la loi sur le mariage et la famille de 2000
arrive à construire un cadre officiel du droit de propriété de l’enfant par rapport à ses parents.
Le présent produit législatif a passé plusieurs débats juridiques, dont les manifestations sont
toujours remarquables dans les textes normatifs dans ce domaine depuis 1945.
284. - En comparaison avec plusieurs systèmes juridiques dans le monde entier, tels
que le droit français, ce chemin est une particularité intéressante du droit vietnamien. En droit
français, le droit de propriété de l’enfant est évident, les juristes ne discutent pas son existence
mais se concentrent dans ses voies d’exercice317. Au Vietnam, pendant une longue période,
les habitants ont poursuivi l’idée sur l’absence du droit de propriété de l’enfant lorsque ses
parents survivaient ; quand le droit de propriété a été reconnu à l’enfant, une distinction se
faisait encore entre les majeurs et les mineurs. Les causes principales de cette situation, à
notre avis, étaient la sous-estimation du rôle de l’enfant mineur, ainsi que la confusion entre la
capacité de jouissance et la capacité d’exercice de l’enfant. En effet, un certain nombre de
personne a pensé que, normalement, l’enfant mineur n’avait pas de bien ; et même s’il en
avait, ce n’était pas lui mais ses parents ou tuteurs qui en assuraient l’administration totale.
316 DINH Trung Tung (dir.), op. cit., p.61. 317 L’administration et la jouissance des biens de l’enfant par ses parents sont disposées dans les articles de 382 à 387 du Code civil français.
159
En tout cas, une nouvelle idéologie est déjà arrivée à la règle régissant le rapport
patrimonial entre parents et enfants. L’exercice du droit de propriété de l’enfant, par ses
représentants légaux ou par lui-même au profit de la vie familiale, peut avoir des influences
sur le logement de la famille.
SECTION II : L’EXERCICE DU DROIT DE PROPRIÉTÉ DE L’ ENFANT
AFFECTANT LE LOGEMENT DE LA FAMILLE
285. - Étant un membre de la famille, l’enfant a des contributions variées au logement
familial. La loi a des règles distinctes pour le cas de l’enfant mineur et de l’enfant majeur
incapable (§1), ainsi que pour le cas de l’enfant majeur capable (§2).
§ 1 : La gestion des biens propres de l’enfant mineur et l’enfant majeur incapable
286. - Même si l’enfant est encore mineur, sa maturité évolutive détermine son rôle
dans les décisions qui concerne lui-même ainsi que sa famille. L’administration des biens
propres de l’enfant se change selon qu’il est âgé de moins de quinze ans, il est majeur
incapable (A) ou qu’il est âgé de quinze ans et plus318 (B).
A. L’enfant âgé de moins de quinze ans et l’enfant majeur incapable
287. - L’enfant dans ces cas, à cause de sa capacité d’exercice limitée, ne peut pas
administrer lui-même ses biens propres. L’administration de ceux-ci est confiée à ses parents,
qui ont la qualité de représentants légaux de l’enfant. La présente gestion doit observer les
règles d’administration (1), qui sont garanties par une sanction civile (2).
1 - Les règles d’administration
288. - Dans tout régime d’administration des biens, il y a toujours les actes
d’administration (a) et ceux de disposition (b).
318 Au Vietnam, l’âge du commencement de travail est de quinze ans révolus. L’article 6, alinéa 1er du Code du travail de 1994 dispose : « L’employé est une personne âgée au moins de quinze ans révolus, capable de travailler et conclut un contrat de travail ».
160
a. Les actes d’administration
289. - L’article 45, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose :
« Les biens propres de l'enfant âgé de moins de quinze ans ou privé de sa capacité d'exercice
en matière civile sont administrés par ses parents. Les parents peuvent déléguer à un tiers
l'administration des biens propres de leur enfant ».
La présente règle montre que le législateur maintient encore un niveau général de
disposition en traitant le rapport patrimonial entre parents et enfant.
i. Les questions concernant la mise en œuvre de l’administration
290. - Devant la généralité de la loi, il y a trois éléments à réfléchir.
Premièrement, la loi ne parle que de la simple administration des biens propres de
l’enfant, mais n’en aborde pas la jouissance. Par conséquent, formellement, il s’agit d’une
administration sans aucun bénéfice pécuniaire ou matérielle tirée des ces biens, même si la
jouissance n’a pas d’effets négatifs envers les intérêts légitimes de l’enfant, ou si la
jouissance, naturellement, ne peut pas se détacher de l’administration. Pour un exemple, il
convient d’examiner le cas où les parents cohabitent avec leur enfant dans le local
d’habitation appartenant personnellement à celui-ci : à quel titre les parents occupent le local
si ce n’est pas la jouissance légitime et gratuite du bien de leur enfant ? Comment les parents
pourront administrer le logement et exercer leur autorité parentale envers leur enfant qui
habite ce local, s’ils n’y vivent en commun avec lui ? Si un jour, lorsque l’enfant est déjà
majeur, il demande à ses parents des indemnités d’occupation que ceux-ci ont dues pendant
toute sa minorité319, quelle décision le juge rendra-t-il, et sur quel fondement juridique ? De
surcroît, quand la loi n’admet pas la jouissance des parents, pourquoi elle ne leur donne pas
non plus la possibilité de recevoir des frais d’administration ? Le traitement de ces
contentieux sera très difficile, à cause de la structure incomplète de l’article 45, alinéa 2
précité.
291. - Pour une référence comparative, l’étude de l’article 382 du Code civil
français se montre utile : « Les père et mère ont, sous les distinctions qui suivent,
319 Une telle action est clairement immorale vu les traditions familiales vietnamiennes, mais dans la pratique judiciaire, lorsque l’enfant ne s’entend plus avec ses parents, il exige tout intérêt pécuniaire qu’il considère légitime.
161
l’administration et la jouissance des biens de leur enfant ». Le législateur français arrive ainsi
à instituer un principe, simple mais évident, du pouvoir des parents envers les biens de leur
enfant : l’administration s’attache à la jouissance. Cette façon de disposition est une bonne
suggestion pour une meilleure structure de la règle vietnamienne.
292. – En tout cas, même si la loi ne le dispose pas, en pratique, les parents jouissent
quand même des biens de leur enfant mineur : il s’agit d’un usage que la population poursuit
depuis toujours. Mais, puisque le législateur vietnamien n’institue pas la jouissance légale des
parents, il ne régit pas non plus les charges de la jouissance de fait. Autrement dit, la loi ne
met pas en évidence les contenus de l’administration exercée par les parents : quel droit,
quelle obligation, quel principe de rendre la décision conjointe des parents ? En France, la
même question est clairement traitée. L’article 385 du Code civil français dispose les charges
de la jouissance légale des parents, comme suivantes : les charges auxquelles sont tenus en
général les usufruitiers ; la nourriture, l’entretien et l’éducation de l’enfant, selon sa fortune ;
les dettes grevant la succession recueillie par l’enfant, en tant qu’elles auraient dû être
acquittées sur les revenus. Ces dispositions légales consolident le lien strict entre les parents
et leur enfant par les droits et obligations mutuels précis. Quant à la loi sur le mariage et la
famille vietnamienne, il est nécessaire d’avoir encore des compléments à ce point.
293. - Deuxièmement, la loi sur le mariage et la famille de 2000 ne mentionne pas des
cas d’espèce : l’administration conjointe des deux parents ensemble ou l’administration
exclusive de l’un d’eux, ainsi que les formalités de la délégation d’administration à un tiers.
En droit français, l’administration légale s’attache à l’autorité parentale. C’est
pourquoi, l'administration légale est exercée conjointement par le père et la mère lorsqu'ils
exercent en commun l'autorité parentale et, dans les autres cas, sous le contrôle du juge, soit
par le père, soit par la mère320. Les pouvoirs des parents dans chaque catégorie de
l’administration légale, pure et simple ou sous contrôle judiciaire, sont clairement encadrés
dans les articles 389-5 et 389-6 du Code civil. En droit vietnamien, lorsque les parents
exercent en commun l’autorité parentale, ils exercent, sans aucun doute, conjointement
l’administration légale ; mais lorsque seulement l’un des parents détient l’autorité parentale,
l’administration légale effectuée par lui seul n’est pas automatiquement soumise au contrôle
du juge, puisque la loi ne prévoit pas cette situation. Par conséquent, le parent qui administre
320 L’article 383 du Code civil français.
162
seul les biens propres de son enfant peut tout faire avec ces biens, sans avoir à demander la
permission du juge ou l’accord de l’autre parent. Il faut attendre chaque cas d’espèce dans
lequel l’un des parents ou un autre intéressé porte plainte contre les actes d’administration
faits par l’autre parent, que le juge puisse connaître la situation et intervenir321. Mais s’il n’y a
personne démarrant une action en justice, l’intérêt légitime de l’enfant ne sera pas assuré,
parce que celui-ci ne peut pas agir lui-même vu son incapacité, alors que ses représentants
légaux sont exactement ses parents322.
294. - Troisièmement, la loi ne construit pas un mécanisme de contrôle sur
l’administration effectuée par les parents ou le tiers délégataire. En fait, dans le système
judiciaire vietnamien, il n’y a pas de juge spécialisé pour les questions concernant l’enfant, tel
que le juge des tutelles en France. La technique mise en place à l’heure actuelle, c’est de
sanctionner les administrations légales produisant des effets négatifs, par la privation de
l’autorité parentale pendant un certain temps323. Cette mesure, en tout cas, n’est qu’une
sanction envers des actes passés, tandis que l’intérêt de l’enfant nécessite plutôt une
prévention contre les mauvais actes que les parents ont l’intention de passer, qui affecteront
les biens de celui-ci. Dans ce domaine, le mécanisme de permission, d’homologation avec le
rôle de surveillance du juge des tutelles en droit français est une approche réaliste.
295. - Jusqu’à l’heure actuelle, il n’y a pas de textes réglementaires qui fournissent la
réponse à ces trois questions. Ceci montre qu’en droit vietnamien positif, le rapport
patrimonial entre parents et enfant occupe toujours une place beaucoup plus modeste que
d’autres liens familiaux, tels que celui entre époux. La présente position juridique n’a pas
correctement reflété la pratique, puisque le rapport patrimonial entre parents et enfant est
évident dans toute famille, et de plus, avec des développements socio-économiques récents,
ses aspects contentieux augmentent, surtout en ce qui concerne des biens de grande valeur et
indispensables pour la vie familiale, tels que le logement.
321 Selon l’article 41 de la loi sur le mariage et la famille de 2000, le juge peut intervenir d’office afin de limiter les droits des parents envers leur enfant mineur lorsqu’ils effectuent des actes portant atteinte à l’intérêt de celui-ci. Pourtant, cette règle n’est pas pratiquement efficace dans le contexte actuel de la société vietnamienne. Cf. infra, nos 301-308. 322 En France, l’article 388-2 du Code civil a prévue une telle situation en disposant : « Lorsque, dans une procédure, les intérêts d’un mineur apparaissent en opposition avec ceux de ses représentants légaux, le juge des tutelles dans les conditions prévues à l’article 389-3 ou, à défaut, le juge saisi de l’instance lui désigne un administrateur ad hoc chargé de le représenter ». 323 Les articles 41 et 42 de la loi sur le mariage et la famille 2000. Cf. infra, nos 301 - 308.
163
D’un point de vue objectif, il est nécessaire de comprendre que la loi sur le mariage et
la famille de 2000, à la première fois dans l’histoire du droit vietnamien, a essayé d’établir un
cadre juridique pour le rapport patrimonial entre parents et enfants. La première version
contient souvent des défauts, c’est évident… C’est à travers la pratique que l’on remplira les
vides juridiques.
296. - Pour des solution à temps, il convient d’aborder, d’abord, le rôle du juge
d’annuler tout acte fait par les parents qui cause des préjudices aux biens de leur enfant, au
motif qu’ils n’ont pas respecté leur obligation de protéger les droits et intérêts légitimes de
leur enfant, de respecter l’opinion de celui-ci, une obligation qui est disposée à l’article 34,
alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000324. Le juge peut intervenir d’office ou à
la demande des personnes citées à l’article 42 de la même loi : le père, la mère ou tout proche
du mineur ; le Parquet ; la Commission de la protection des enfants, l’Union des femmes ;
tout autre particulier et organisme par l’intermédiaire du Parquet325. Dans l’avenir, pour des
traitements radicaux de ce problème, il est raisonnable que le législateur adopte des règles
précises sur le rapport patrimonial entre parents et enfants, dont le droit de jouissance des
parents, les cas différents de l’administration et la jouissance légale, et notamment un contrôle
judiciaire assuré par un juge spécialisé et permanent.
324 L’article 34, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Les parents ont le droit et l'obligation d'aimer, de garder, de surveiller, de nourrir et d'entretenir leurs enfants, de protéger leurs droits et intérêts légitimes, de respecter leurs opinions, de veiller à leur enseignement et à leur éducation afin qu'ils puissent s'épanouir pleinement sur les plans physique, intellectuel et moral et devenir des enfants reconnaissants et respectueux dans la famille, des citoyens utiles à la société». Cette règle, comme beaucoup d’autres, est traditionnellement considérée comme un principe, une idée directrice plutôt qu’une réglementation précise. C’est pourquoi, les justiciables ne la prétendent pas comme le fondement juridique de leur demande, le juge ne la cite pas non plus pour motiver sa décision. Nous proposons l’utilisation de cette règle dans la pratique judiciaire comme une technique d’activer et d’interpréter les règles de principe, une technique qui est bien courante en France. 325 L’article 42 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « 1. Le père, la mère ou tout autre proche de l'enfant mineur, conformément aux dispositions relatives à la procédure civile, peut saisir lui-même ou par l'intermédiaire du parquet, le tribunal afin d'obtenir de ce dernier une décision limitant l'autorité parentale. 2. Le parquet peut demander au tribunal de limiter l'autorité parentale conformément aux dispositions relatives à la procédure civile. 3. Les organismes et organisations ci-dessous, conformément aux dispositions relatives à la procédure civile, peuvent saisir eux-mêmes ou par l'intermédiaire du parquet, le tribunal afin d'obtenir de ce dernier une décision limitant l'autorité parentale: a) La Commission de la protection des enfants; b) L'Union des femmes. 4. Les autres particuliers, organismes et organisations peuvent demander au parquet de décider de la saisine du tribunal pour obtenir de ce dernier une décision limitant l'autorité parentale ».
164
ii. Les questions concernant l’étendue des actes d’administration
297. - À ce sujet, il faut commencer les analyses par une interprétation faite par le
Conseil des Juges de la Cour populaire suprême dont l’objet était l’article 24 de la loi sur le
mariage et la famille de 1986326. La section 4 de la Résolution no 01/NQ-HDTP du 20 janvier
1988 de ce haut organe de juridiction disposait que dans l’administration des biens propres de
leur enfant, les parents avaient l’obligation d’en faire la conservation et l’usage raisonnable ;
la vente, la mise en gage... de ces biens n’étaient conclus que dans l’intérêt de l’enfant. Ainsi,
les parents devaient administrer les biens propres de leur enfant comme les leurs, et l’intérêt
de l’enfant était prioritaire dans les actes de nature de disposition.
298. - Les règles de la loi sur le mariage et la famille de 2000 n’ont pas de nouveau
cadre pour les actes d’administration faits par les parents. En pratique, ils peuvent se doter
d’un usage des biens propres de leur enfant, par exemple ils habitent le logement dont la
propriété appartient au mineur, et en conservent au moins la valeur d’usage au moyen des
réparations et améliorations. Cet usage peut être effectué ensemble avec l’enfant ou par le(s)
parent (s) seul (s)327. Il est raisonnable que les parents doivent être responsables des
dégradations anormales de ces biens à cause de leur faute328, par l’intention ou par la
négligence.
Il y a des points communs entre cette pratique vietnamienne avec celles dans d’autres
pays. En France, les parents accomplissent séparément les actes courants et ensemble d’un
commun accord les actes graves concernant l’enfant. Au titre d’exemple, l’ouverture d’un
livret de caisse d’épargne est un acte courant. Au contraire, l’accord des deux parents est
nécessaire pour vendre ou pour confier à une banque des valeurs mobilières appartenant au
mineur329.
326 L’article 24 de la loi sur le mariage et la famille de 1986 : « Les parents représentent leur enfant mineur devant la loi. Les parents assurent l’administration des biens propres de leur enfant mineur ». 327 Par exemple, les parents peuvent toujours habiter la maison appartenant à leur enfant mineur pendant que celui-ci reste à son école d’internat lointaine. 328 Les parents doivent même empêcher leur enfant d’avoir des activités évaporées nuisant à ses biens propres : le mineur n’a pas suffisamment de connaissances pour comprendre les conséquences de ce qu’il fait, tandis qu’en application de l’article 34, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille, les parents ont l’obligation de veiller à l’éducation de leur enfant. 329 F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, op. cit., p. 26-27.
165
b. Les actes de disposition
299. - En ce qui concerne les actes de disposition, la solution de la loi sur le mariage et
la famille vietnamienne présente encore une généralité. L’article 46, alinéa 1er de la présente
loi dispose : « Lorsque les parents ont l’administration des biens propres de leur enfant âgé
de moins de quinze ans, ils peuvent disposer de ces biens dans l'intérêt et compte tenu du
souhait de l'enfant dès lorsque ce dernier a neuf ans révolus ». Cette règle nécessite deux
précisions.
En premier lieu, l’intérêt de l’enfant est une notion subjective qui se varie selon
l’estimation de chaque personne en cause. Les parents peuvent croire qu’un acte de
disposition quelconque est favorable à leur enfant, mais en réalité cet acte peut ne pas l’être
vraiment. Par ailleurs, il y a sans doute un certain nombre de parents, qui font des actes de
disposition au nom de l’intérêt de l’enfant, mais visent en fait leurs propres buts lucratifs.
En second lieu, la parole de l’enfant âgé de neuf ans et plus a quelle valeur dans l’acte
de disposition affectant ses biens propres fait par ses parents ? Est-il possible de penser à un
droit de veto de l’enfant ? Si la réponse est positive, il semble que l’enfant est doté d’un droit
excédant sa limite de connaissance et de discernement. Si la réponse est négative, il faut
retourner à la justification concernant l’intérêt de l’enfant, celle qui est souvent compliquée.
300. - En France, la solution paraît plus claire. Précisément, les actes les plus graves
nécessitent, outre l’accord des deux parents, celui du juge des tutelles : c’est le cas des ventes
d’immeuble ou des transactions avec une compagnie d’assurances sur le montant d’une
indemnité due à leur enfant à la suite d’un accident subi par ce dernier330. Au Vietnam, toutes
les situations floues exposées ci-dessus montrent, encore une fois, la nécessité d’un
mécanisme de contrôle envers des actes faits par les parents du propriétaire mineur, qui est
assuré par un tiers impartial tel que le juge.
À ce point, le traitement du contentieux par voie judiciaire n’a que de premières
démarches.
330 F. DEKEUWER-DEFOSSEZ, op. cit., p. 26-27.
166
2 - La sanction civile envers la mauvaise administration
301. - Selon l’article 41 de la loi sur le mariage et la famille de 2000, lorsque l'un des
parents fait l'objet d'une condamnation pénale pour avoir commis une atteinte volontaire à la
santé, à la dignité ou à l'honneur de l'enfant, pour avoir gravement manqué à son devoir de
garde, d'entretien et d'éducation à l'égard de l'enfant, pour avoir dilapidé les biens de ce
dernier, avoir mené une vie malsaine, avoir incité ou contraint l'enfant à commettre des actes
contraires à la loi ou à la morale sociale, le tribunal peut, selon les cas, décider de sa propre
initiative ou à la demande des particuliers, des organismes ou des organisations prévus à
l'article 42 de la présente loi331, de priver le parent en question de la garde, de l'entretien, de
l'éducation, de l'administration des biens propres ou de la représentation légale de l'enfant
pendant une durée d’un à cinq ans. Le tribunal peut décider la réduction de ce délai jusqu’à
moins d’un an.
302. - Proprement dit pour la protection des biens propres de l’enfant mineur ou de
l’enfant majeur incapable contre les actes de mauvaise foi de ses parents, il y a assez de
difficultés dans la mise en application de la règle précitée. En effet, la protection légale ainsi
instituée poursuit un mécanisme tardif (a), abstrait (b) et compliqué (c).
a. La tardiveté de l’intervention protectrice
303. - Que signifient les termes « avoir dilapidé » les biens de l’enfant ? Il peut s’agir
du cas où les parents ont fait des actes, d’administration ou de disposition, rendant ces biens
disparus ou inutilisables. Ce sont évidemment des actes graves. Cela veut dire également que
les intéressés se trouvent devant un fait accompli. Pour cette raison, la privation de l’autorité
parentale est une punition envers les parents, afin d’éviter les actes nuisibles potentiellement
effectués par eux dans le futur, non pas une mesure de rétablissement pour l’intérêt
actuellement lésé de l’enfant. La loi sur le mariage et la famille vietnamienne ne fournit ainsi
ni une prévention, ni une réparation, mais seulement une sanction d’ordre personnel et non
pas matériel. L’enfant mineur ne sait pas comment récupérer son bien : peut-il exercer le droit
de poursuite sur le bien, ou intenter en justice pour demander la nullité de l’acte en cause (par
331 Cf. l’article 42 précité, n° 296.
167
exemple la vente de sa maison) ? Peut-il demander à ses parents et aux tiers de mauvaise
foi332 une indemnisation ? La loi n’a pas de réponses à ces questions.
304. - En France, l’article 389-5, alinéas 3 et 4 du Code civil333
disposent l’autorisation obligatoire du juge des tutelles pour certains actes importants que les
parents effectuent sur les biens propres de leur enfant mineur. De surcroît, si les parents
concluent un acte qui cause un préjudice à ce dernier, ils en sont responsables solidairement.
Ainsi, le juge n’attend pas que le mauvais acte soit passé pour intervenir ; par contre, tout acte
grave doit avoir sa permission avant d’être contracté. Le législateur met en cause également la
responsabilité solidaire des parents sur des actes qui causent un préjudice au mineur : le
rétablissement des intérêts légitimes de l’enfant est donc garanti par les règles juridiques.
Ces dispositions du droit français constituent une bonne référence pour des réflexions
en vue de perfectionner les règles vietnamiennes.
b. L’abstraction des termes
305. - « Dilapider » est un terme de généralité, dont l’interprétation se varie selon les
points de vue subjectifs (pour ne pas dire lucratifs) de chaque partie en cause. Même le
tribunal se trouve dans l’insuffisance des fondements juridiques et pratiques en rendant sa
décision, quand il doit interpréter un terme trop abstrait. Par exemple, au motif du changement
de résidence, les parents vendent la maison appartenant à la propriété de leur enfant, il est
impossible de savoir comment est-elle utilisée la somme d’argent qui s’en produit334, et il n’y
a pas suffisamment de procédés nécessaires pour voir comment le sera-t-elle. Par conséquent,
le tribunal ne peut pas déclarer que les parents ont dilapidé les biens de l’enfant juste après la
vente, mais un certain temps de plus, tout sera déjà tard pour réagir.
332 Les tiers qui ont contracté l’acte avec les parents en connaissant que le bien était à l’enfant et que l’acte porterait atteinte à l’intérêt de celui-ci. 333 Cf. l’article 389-5 du Code civil français infra, n° 306. 334 On ne sait probablement même pas le vrai prix de la vente : parfois, les cocontractants d’une transaction immobilière inscrivent dans leur contrat un prix assez bas pour éviter de lourds frais de transaction, tandis que le vrai prix entre eux est beaucoup plus élevé. Avec les mêmes fraudes, les parents peuvent prendre un excédent considérable qui n’est pas contrôlé par le mécanisme de l’administration des biens du mineur.
168
306. - En France, dans les articles 389-5 et 389-6 du Code civil335, le législateur
énumère les actes qui doivent être autorisés par le juge des tutelles. Ce sont des actes qui
contiennent un risque potentiel contre l’intérêt de l’enfant. Certains actes de disposition
portant sur les biens immobiliers se trouvent dans ce groupe : on peut donc croire à une
protection solide du logement qui appartient à l’enfant. Le dénombrement a un inconvénient,
c’est son champ limité qui peut être retardataire par rapport à la réalité évolutive de la société.
Pourtant, une masse des actes expressément nommés facilitent l’observation de la règle par
les habitants ainsi que le travail du juge. La loi française ne reste pas si générale que celle du
Vietnam.
La façon de disposition générale, voire abstraite, de la loi sur le mariage et la famille
vietnamienne dans ce domaine n’est utile à personne, tandis que les actes graves, telle que
l’aliénation du logement appartenant à l’enfant, auraient pu être expressément mentionnés,
grâce à une pratique judiciaire animée depuis au moins un demi-siècle.
c. La complication du mécanisme de protection
307. - En pratique, l’intervention des particuliers, organismes et organisations prévus à
l’article 42 de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne n’est pas toujours à temps et
efficace. Selon cette règle, le tribunal peut prendre lui-même l’initiative de l’intervention,
mais avec un nombre de personnels encore limité face à un travail énorme dans toutes les
matières, il est difficile pour l’autorité de juridiction de savoir que dans une famille d’espèce,
les parents ont dilapidé les biens de leur enfant mineur et qu’il faut y intervenir336. De
surcroît, les procédures de l’intervention du tribunal dans ce domaine, telles que
l’établissement d’un procès-verbal, la construction d’un dossier, etc. ne sont pas encore mises
335 L’article 389-5 du Code civil français : « Dans l'administration légale pure et simple, les parents accomplissent ensemble les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec l'autorisation du conseil de famille. À défaut d'accord entre les parents, l'acte doit être autorisé par le juge des tutelles. Même d'un commun accord, les parents ne peuvent ni vendre de gré à gré, ni apporter en société un immeuble ou un fonds de commerce appartenant au mineur, ni contracter d'emprunt en son nom, ni renoncer pour lui à un droit, sans l'autorisation du juge des tutelles. La même autorisation est requise pour le partage amiable, et l'état liquidatif doit être approuvé par le juge des tutelles. Si l'acte cause un préjudice au mineur, les parents en sont responsables solidairement ». L’article 389-6 du même Code : « Dans l'administration légale sous contrôle judiciaire, l'administrateur doit se pourvoir d'une autorisation du juge des tutelles pour accomplir les actes qu'un tuteur ne pourrait faire qu'avec une autorisation. Il peut faire seul les autres actes ». 336 En pratique, le rôle de prendre l’initiative du tribunal selon l’article 42 de la loi sur le mariage et la famille n’est effectivement joué que dans certains domaines, tels que le procès pénal. Par exemple, lorsque le tribunal condamne un parent d’avoir intentionnellement et gravement blessé son enfant mineur, il peut immédiatement priver le condamné de son autorité parentale dans un délai fixé.
169
en place. Les autres particuliers, organismes et organisations rencontrent presque les mêmes
difficultés. Un autre empêchement, c’est la question de preuve. Les affaires familiales se
passent à l’intérieur du lieu d’installation de la famille, les particuliers, organismes et
organisations ne savent souvent même pas que le bien de grande valeur appartient à l’enfant
mineur et non pas à ses parents ; une fois qu’ils le savent, ils ne savent pas ce que font ces
derniers avec le bien.
308. - Pour un petit résumé, il convient de constater qu’en France, le législateur a tenté
de construire des voies de protection envers l’intérêt du mineur dans ce cas. Au Vietnam, il
est curieux que les textes normatifs n’aient jamais eu une mesure technique concrète pour
assurer la bonne administration des biens de l’enfant mineur effectuée par ses parents. Il
manque d’abord d’un contrôle sur les actes effectués par les parents, c’est pourquoi il est
difficile d’estimer si un acte d’espèce, surtout celui de grande valeur tel que la vente d’un
logement de l’enfant, vise vraiment l’intérêt de ce dernier. Ensuite, lorsque le mineur n’est pas
d’accord de ce que font ses parents, il n’a pas de procédés pour faire confirmer son avis par
une autorité judiciaire compétente, puisque simplement, selon l’article 141, alinéa 1er du Code
civil, ses parents sont ses représentants légaux, et il ne peut pas demander un représentant ad
hoc337 tant que ces personnes restent encore à cette place. Il est également possible de trouver
que la loi vietnamienne présente la prise en compte du souhait de l’enfant comme un choix
volontaire, non pas une obligation des parents.
B. L’enfant âgé de quinze ans révolus et plus
309. - L’article 45, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne
dispose : « L'enfant âgé de quinze ans révolus peut administrer lui-même ses biens propres ou
demander à ses parents de le faire ». Ainsi, il y a deux cas clairement distincts : l’enfant
administre lui-même ses biens propres (1), ou il délègue la présente administration à ses
parents (2).
337 En application de l’article 58, alinéa 2 du Code civil de 2005, le mineur n’est soumis à la tutelle que lorsque ses parents soit sont tous décédés, soit sont tous eux-mêmes incapables, soit sont tous privés de l’autorité parentale, soit se trouvent tous dans l’impossibilité d’exercer leur autorité parentale et demandent une tutelle pour leur enfant. Le fonctionnement de la tutelle, dont l’administration des biens du mineur par le tuteur, est bien traité dans le même Code (les articles du 58 au 73), mais c’est une autre question qui ne fait pas partie de la présente étude.
170
1 - L’administration par l’enfant
310. - La règle précitée montre que l’enfant de quinze ans révolus peut administrer ses
biens propres de plein droit, sans aucune intervention des autres. En réalité, cette disposition
n’est que la concrétisation, dans le domaine familial, du principe institué par le Code civil :
« Le mineur de quinze ans révolus et de moins de dix huit ans qui possède des biens propres
pour garantir l’exécution de ses obligations peut conclure et exécuter lui-même sans le
consentement de son représentant légal des actes civils, sauf les cas où la loi en dispose
autrement »338.
Ainsi, le mineur ne doit pas attendre son âge de majorité pour pouvoir mettre sa main
sur la fortune qui lui appartient. Dès l’âge de quinze ans, il peut participer d’une manière
autonome dans des actes civils, tant que ses biens se trouvent dans la possibilité de répondre à
l’exécution de ses obligations339. Une telle autonomie est parfaitement manifestée dans les
actes d’administration (a), mais l’enfant doit toujours demander l’avis de ses parents pour
certains actes de disposition importants (b)
a. Les actes d’administration
311. – Dans ce cas, il n’y aurait pas beaucoup de questions concernant les actes
d’administration faits par l’enfant. En tant que propriétaire, il peut faire tout ce qui est
légitime pour maintenir ses biens propres. Lorsqu’une contradiction se produit entre ses
parents et lui-même, le problème sera d’abord traité par les règles morales du comportement
familial : l’enfant doit évidemment respecter ses ascendants, il doit donc choisir une mesure
raisonnable que peuvent accepter ceux-ci. De surcroît, en pratique, les contentieux de ce genre
ne sont presque jamais graves340, et au Vietnam, les membres d’une famille ne se présentent
pas devant le juge pour un tel petit détail.
b. Les actes de disposition
312. - Pour les actes de disposition, par contre, la loi fournit un régime tout à fait
différent. Selon l’article 46, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne,
338 L’article 20 du Code civil de 2005. 339 Il n’existe ici qu’une estimation sur l’équivalence entre les biens du mineur et l’obligation à naître. C’est au cocontractant avec le mineur de prévoir des risques en concluant l’acte. 340 Par exemple, l’enfant de quinze ans et ses parents discutent certains petits travaux d’entretien de la maison appartenant à l’enfant, dans laquelle habite toute la famille.
171
l'enfant âgé de quinze ans révolus et de moins de dix-huit ans est en droit de disposer de ses
biens propres ; s'il s'agit des biens de grande valeur ou destinés aux activités commerciales, le
consentement des parents sera exigé. Ainsi, la capacité de l’enfant de quinze ans de disposer
de ses biens propres est limitée par les conditions nécessitant l’interprétation des juridictions.
i. Les actes nécessitant le consentement des parents
313. – Il y toujours des difficultés dans la détermination des biens de grande valeur,
puisque la vie matérielle des familles se varie d’un lieu à un autre dans tout le pays341.
Pourtant, personne ne nie la valeur importante des locaux d’habitation. Il est alors possible
d’instituer un principe : l’enfant de quinze ans révolus et de moins de dix-huit ans ne peut
disposer d’un logement lui appartenant qu’avec le consentement de ses parents (plutôt ses
représentants désignés par la loi en général).
314. – Il n’est pas facile non plus de déterminer le but commercial. Par exemple,
lorsque l’enfant de quinze ans décide de mettre en bail une superficie du logement familial342,
doit-il avoir le consentement de ses parents ? Si c’est un bail d’habitation, les parents n’ont
probablement pas la parole, puisque selon les dispositions légales, ce contrat n’a qu’un
caractère proprement civil. Mais si l’enfant veut transformer le logement en cause en une
auberge qu’il gèrera, ou investir ce local d’habitation comme un apport en nature dans une
entreprise, il devrait demander l’avis de ses parents avant tous les formalités et travaux
concernés. Ainsi, même si l’enfant n’a pas de qualité de commerçant, les actes de disposition
qu’il fait sur ses biens propres, qui servent une activité commerciale, nécessiteront toujours le
consentement de ses parents.
ii. L’étendue nécessaire du consentement des parents
315. - Il reste encore une complexité. Sur quoi porte le consentement des parents en ce
cas ? Autrement dit, le présent consentement est simplement la permission pour l’enfant de
contracter un acte de disposition de la sorte, ou il intervient dans les détails de l’acte conclu
par l’enfant ? Il existe déjà la solution en cas d’acte de disposition à cause de mort. L’article
647, alinéa 2 du Code civil vietnamien dispose : « Les mineurs âgés de quinze ans révolus et
341 Cf. supra, n° 143. 342 Au Vietnam, jusqu’à maintenant, dans un grand nombre de cas, il n’y a pas de distinction coutumière ainsi que légale entre les locaux d’habitation et ceux de commerce : les foyers familiaux exercent des activités commerciales juste où ils habitent, par exemple ils ouvrent un magasin dans le rez-de-chaussée de leur maison, cette dernière devient alors le siège de l’entreprise enregistrée par les autorités compétentes.
172
de moins de dix-huit ans ont le droit de tester avec le consentement de leurs parents ou de
leur tuteur ». Toute la doctrine vietnamienne dit que le consentement des parents porte sur le
fait que l’enfant produit un testament, non pas sur les contenus de ce dernier. Quelle est la
solution pour d’autres catégories d’acte de disposition ? À notre avis, la règle précitée du droit
de succession devrait devenir la règle générale des actes de disposition faits par l’enfant de
quinze ans révolus et moins de dix-huit ans, car lorsque les parents interviennent dans les
détails du contrat, la libre volonté de l’enfant dans la conclusion de l’acte, qui est un principe
fondamental du droit civil, n’est plus respectée. Ce sont les parents qui doivent réfléchir si
leur jeune enfant a la capacité de contracter sagement ; une fois qu’ils permettent à celui-ci de
faire un acte important, ils auront à en subir des conséquences éventuelles.
2 – L’administration déléguée aux parents
316. - Selon l’article 45, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000,
l’enfant de quinze ans révolus et plus peut demander à ses parents d’administrer ses biens
personnels. L’administration des biens exercée par les parents, dans ce cas, est au titre
exceptionnel. Le principe, c’est que dès l’âge de quinze ans révolus, l’enfant met sa main
directe sur ses biens propres, l’administration légale effectuée par les parents prend fin. Pour
une raison quelconque, l’enfant peut recourir à l’aide de ses parents. Devant la généralité des
termes, il convient d’examiner en détail le mécanisme de délégation aux parents (a), ainsi que
la possibilité de déléguer aux tiers en cas de nécessité (b).
a. Le mécanisme de délégation aux parents
317. - Le terme « demander » signifie clairement que le recours de l’enfant doit être
exprès : une telle demande est comme une proposition de délégation régie par le droit
commun. Si l’enfant reste silencieux, l’administration de ses biens propres est toujours dans
ses mains, et les parents ne doivent pas y intervenir.
La délégation faite par l’enfant de quinze ans révolus dans ce cadre familial a-t-elle
des particularités par rapport à celles du droit commun ? Les dispositions légales
vietnamiennes en vigueur fournissent la réponse négative. Précisément, la « demande » de
l’enfant envers ses parents est exactement un mandat, soit oral, soit écrit, même authentifié,
qui peut être démontré par toute catégorie de preuves. L’étendue du mandat est déterminée
par l’unanimité de l’enfant et de ses parents, ceci veut dire également que la délégation ne doit
173
pas forcément prendre fin à la majorité de l’enfant. En effet, puisque l’enfant de quinze ans
révolus peut administrer ses biens de plein droit (sauf en cas des actes de disposition
importants), il peut déléguer la présente administration à ses parent jusqu’au moment voulu.
Tout litige concernant le mandat sera traité selon les règles du droit commun. Une modeste
particularité, c’est qu’avec un simple avis exprès de l’enfant, les parents continuent à
administrer les biens personnels de celui-ci comme ils faisaient avant son âge de quinze ans ;
il n’y a alors pas de perturbations dans le cours de la vie matérielle de la famille.
b. La possibilité de la délégation aux tiers
318. - L’article 45, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000 pose encore
une question : lorsque l’enfant de quinze ans révolus n’assure pas directement
l’administration de ses biens personnels, mais il ne souhaite pas non plus la déléguer à ses
parents, a-t-il la possibilité de la mandater à un tiers ? La réponse n’est pas encore donnée par
la doctrine ainsi que par les décisions judiciaires.
Si l’on considère que le mandat fait par l’enfant, peu importe qui est le délégataire, est
en lui-même un acte d’administration que la loi lui permet de faire seul, l’enfant pourra
discuter avec les tiers sans avoir à consulter l’avis de ses parents. La délégation aux tiers se
trouve donc dans le premier cas prévue par l’article 45, alinéa 1er précité : l’enfant administre
lui-même ses biens propres. Mais si l’administration des biens propres de l’enfant est limité
dans le cadre familial, où l’enfant est encore mineur et nécessite le support de ses parents pour
son manque de discernement, seuls ses parents peuvent recevoir sa délégation.
319. - À notre avis, lorsque l’esprit des dispositions légales est de donner
progressivement l’autonomie à l’enfant de quinze ans révolus, la délégation faite à des tiers
devrait être valable tant qu’elle apporte l’intérêt évident à l’enfant343. En tout cas, la
délégation du droit d’administration est, dans sa nature, un acte d’administration que l’enfant
fait sur ses biens propres. Par ailleurs, un champ d’action large octroyé à l’enfant sert à
l’exécution de ses obligations envers la vie familiale.
Lorsque l’enfant devient majeur ou commence un travail rémunéré conformément aux
dispositions légales, il joue un rôle plus actif dans la vie familiale.
343 Par exemple, les biens immobiliers appartenant à l’enfant peuvent être mieux gérés par un professionnel dans ce domaine que par ses parents privés des connaissances nécessaires.
174
§ 2 : La contribution de l’enfant majeur ou « émancipé » au logement de la famille
320. - Le logement de la famille est un objet matériel répondant à l’un des besoins de
base des membres de la famille, qui est l’habitation. Pour la stabilité de la vie familiale, il y a
un principe tacite mais de force : puisque les membres de la famille y habitent, ils doivent
contribuer au maintien du logement familial, selon la capacité de chacun d’eux. Au Vietnam,
avec la tradition morale d’entraide mutuelle et une économie en voie de développement, les
charges d’habitation ne pèsent pas seulement sur les deux fondateurs de la famille, qui sont
les parents, mais sont réglées également par l’effort des enfants.
Prenant en compte la présente pratique, l’article 44, alinéa 2 de la loi sur le mariage et
la famille de 2000 dispose : « L'enfant âgé de quinze ans révolus qui vit avec ses parents a
l’obligation de participer au bon déroulement de la vie familiale ; s'il perçoit des revenus, il
doit apporter une contribution pour subvenir aux besoins de la vie courante de la famille ». Il
y a ainsi deux catégories de contribution de l’enfant de quinze ans révolus à la vie familiale
dans l’aspect matériel : une participation (A) et un apport (B).
A. La participation de l’enfant au bon déroulement de la vie familiale
321. - La règle précitée construit une structure dans laquelle l’obligation de l’enfant a
un objet de valeur considérable mais également de signification large. Le bon déroulement de
la vie familiale est le but que visent, d’une manière courante, tous les membres de la famille.
Pourtant, il n’est pas facile de déterminer ses composants. Pour l’un de ceux-ci, une condition
indispensable de la vie familiale, qui est le logement, il est nécessaire d’examiner les deux
voies de participation de l’enfant : l’une industrielle (1), l’autre matérielle (2).
1 - La participation industrielle de l’enfant
322. - Dans la présente forme de participation, il y a une volonté de l’enfant en tant
que occupant effectif du logement (a), ainsi qu’un transfert implicite des biens familiaux dont
l’enfant est bénéficiaire (b).
a. La volonté de l’enfant en tant que occupant effectif du logement
323. - La contribution industrielle est la plus courante dans la pratique familiale
vietnamienne. Vivant dans le logement de ses parents, l’enfant exerce la garde et l’entretien
175
de ce local comme si c’est son bien propre. L’enfant n’est pas privé des intérêts en
poursuivant un tel exercice assidu et sérieux. De toute façon, c’est son local d’habitation de
fait, qu’il présente à toutes les autres personnes comme « sa maison »344. Sous un autre aspect,
il pourra devenir un jour le propriétaire de ce local, souvent par voie de succession, pourquoi
donc ne pas veiller attentivement à maintenir ce bien ? La loi désigne la participation
industrielle de l’enfant dans ce cas comme une obligation légale, mais il convient de dire
qu’en pratique, les enfants exécutent cette obligation volontairement, pour conserver leurs
propres intérêts. Ainsi, la règle juridique a une valeur de reconnaissance et d’orientation.
b. Le transfert implicite du logement familial au sein de la famille
324. - La contribution industrielle de l’enfant de quinze ans révolus au logement
familial est fréquente au Vietnam, car cette personne n’a souvent pas encore de local
d’habitation séparé. Avec l’augmentation de la population, de plus en plus, les enfants
allongent la période de vie en commun avec leurs parents, même après leur majorité et leur
propre mariage345. L’entretien du logement commun est discuté par tous les membres de la
famille, toute contradiction devra aboutir à une solution harmonieuse. Il est nécessaire de
connaître que plus l’enfant se grandit, plus son avis sur l’entretien du logement familial est
favorisé par ses parents, non seulement parce qu’il a du discernement, mais aussi parce que
les parents pensent à transférer progressivement le bien à l’enfant. En effet, le bien sera enfin
mis entre les mains de celui-ci, il est donc raisonnable de lui permettre de le former comme il
souhaite, tant que ses activités n’empiètent pas sur les droits des autres membres de la famille.
La présente pratique reflète parfaitement l’attachement familial de tradition vietnamienne.
2 - La participation matérielle de l’enfant
325. – Dans ce cas, la participation matérielle de l’enfant se manifeste par le fait qu’il
laisse les autres membres de la famille habiter le logement qui est son bien personnel.
Autrement dit, puisque la loi déclare que l’enfant a l’obligation de participer au bon
déroulement de la vie familiale, cette personne ne peut pas expulser ses proches du local dont
il est le seul propriétaire. C’est à ce point que compte la règle juridique. Cette situation est
difficilement imaginable lorsque l’enfant est encore jeune et n’a pas une installation
344 Pour un être humain, l’accès de fait à un local d’habitation est indispensable; la propriété de ce local est évidemment importante, mais c’est une valeur sociale de forme ; d’abord on s’intéresse toujours à pouvoir se résider sous ce toit. 345 Cf. supra, n° 270.
176
indépendante. Mais au moment où l’enfant devient déjà un propriétaire considérable, le fait
qu’il doit héberger ses parents, ses frères et soeurs en difficulté... n’est pas toujours simple, à
cause des éléments, évidemment, matériels, mais aussi sentimentaux346.
Il est nécessaire d’examiner le fondement juridique (a) et l’exécution (b) de la présente
obligation de l’enfant.
a. Le fondement juridique de la participation matérielle
326. - Pourquoi un enfant de quinze ans révolus ou déjà majeur en bonne position est-
il lié à l’hébergement de ses proches ? Non seulement l’article 44, alinéa 2 de la loi sur le
mariage et la famille précité impose cette obligation. L’article 35 de la même loi dispose que
« l’enfant a le droit et le devoir d’entretien envers ses parents ». De suite, l’article 36 entre
plus dans le détail : « L'enfant a le droit et l'obligation de nourrir et d'entretenir ses parents,
notamment lorsque ces derniers sont atteints de maladie, de décrépitude ou sont handicapés ;
dans le cas d'une famille nombreuse, les enfants doivent nourrir et entretenir ensemble leurs
parents ». Selon l’article 38, alinéa 2, cette obligation existe entre l’enfant et son beau
parent347. Les articles 47, 48, 49 de la loi sur le mariage et la famille de 2000348 déterminent
346 On rencontre souvent la situation dans laquelle les parents vivent en commun avec l’union conjugale de leur enfant, dans le local d’habitation appartenant à celui-ci, mais ne s’entendent pas avec son conjoint. 347 L’article 38, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille vietnamienne: « L'enfant du premier lit du conjoint et vivant dans la seconde famille de ce dernier a le droit et le devoir d'entretien à l'égard de son beau-père ou de sa belle-mère, conformément aux dispositions des articles 35 et 36 de la présente loi ». 348 Les articles en cause de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Article 47. Obligations et droits des grands-parents paternels, des grands-parents maternels et des petits-enfants 1. Les grands-parents paternels et maternels ont le droit et le devoir de garde, d'entretien et d'éducation à l'égard de leurs petits-enfants; ils doivent mener une vie correcte et montrer l'exemple à leurs descendants. Lorsque les petits-enfants sont mineurs, handicapés, privés de leur capacité d'exercice en matière civile, incapables de travailler et n'ayant pas de biens pour se nourrir, sans pouvoir être nourris par les personnes prévues à l'article 48 de la présente loi, les grands-parents paternels et maternels ont l'obligation de les nourrir et entretenir. 2. Les petits-enfants ont le devoir de respect et d'entretien à l'égard de leurs grands-parents paternels et maternels. Article 48. Obligations et droits des frères et soeurs Les frères et soeurs ont, l'un à l'égard de l'autre, le devoir d'affection, d'entretien et d'assistance; ils ont le droit et l'obligation de s'entraider et de s'entretenir mutuellement si leurs parents sont décédés ou ne peuvent assurer leur garde, leur entretien et leur éducation. Article 49. Relations entre les membres de la famille 1. Les personnes vivant dans une famille ont l'obligation de s'occuper l'une de l'autre, de s'entraider, de pourvoir à l'entretien de la vie familiale et d'apporter en argent ou en nature leur contribution au maintien de la vie familiale dans la proportion de leurs facultés respectives. Les membres de la famille ont le droit de bénéficier de soins et d'assistance mutuels. Les droits et intérêts légitimes des membres de la famille sont respectés et protégés par la loi. 2. L'état encourage et aide les différentes générations dans la famille à s'entretenir et s'entraider afin de préserver et de promouvoir les bonnes traditions de la famille vietnamienne ».
177
les obligations semblables entre petits enfants et grands parents, frères et soeurs, et en général
entre tous les membres de la famille. Le logement est une partie indispensable de l’entretien
entre ces personnes. Par conséquent, le débiteur dans l’obligation d’entretien doit assurer,
selon sa capacité, l’hébergement des créanciers. Tant qu’il se trouve dans la possibilité de le
faire, le débiteur ne peut pas le nier, avec n’importe quelle raison que ce soit.
b. La mise en œuvre de la participation matérielle
327. - Comment garantir l’exécution effective de la présente obligation en pratique ? Il
est clair que pour la question du droit au logement des membres de la famille, les mesures de
prévention sont beaucoup meilleures que celles de sanction. Ainsi, il est raisonnable de penser
aux solutions fournies par les articles 27 et 33 de la loi sur le mariage et la famille de 2000
dans le rapport patrimonial entre époux349. Il s’agit, à ce point, d’une technique d’application
par analogie. Précisément, l’enfant doit laisser les autres membres de la famille occuper le
local d’habitation, qui lui appartient personnellement, lorsque ceux-ci n’ont pas d’autres
logements ; les actes de disposition portant sur ce logement familial, que l’enfant veut
conclure, nécessite le consentement des membres capables de la famille.
Pour une justification de la présente proposition, il est indispensable de constater que
dans la famille, il y a non seulement des époux, mais aussi d’autres personnes ayant un
rapport de parenté strict avec ceux-ci. Ces personnes devraient avoir un droit au logement,
construit par l’interprétation et la mise en application de l’ensemble des dispositions légales
en cette matière. Les règles contenues dans ces deux articles 27 et 33 précités se montrent
conformes à tous les rapports familiaux vietnamiens, où l’attachement familial est une valeur
de dignité, et il n’est pas possible de mettre le rapport conjugal en priorité en comparaison
avec d’autres liens familiaux.
328. - Pourtant, il faut également affirmer que l’hébergement obligatoire des parents
imposé à l’enfant n’est pas toujours une bonne solution sous tous les aspects. C’est à ce point
que le rapport entre parents et enfant se différencie nettement à celui entre époux. Les
conjoints se lient volontairement, ils doivent donc avoir la responsabilité envers l’union qu’ils
ont créée, tant qu’ils souhaitent encore la maintenir. À l’inverse, dans le rapport vertical,
l’enfant n’a pas une telle position active : loger ses parents dans le local d’habitation de sa
propre union, l’enfant doit faire face au manque d’entente entre membres d’une famille
349 Cf. supra, n° 132-217.
178
nombreuse, ayant pour cause la différence d’âge, de caractère, d’intérêts, etc. Mais, en tout
cas, il est nécessaire de souligner l’obligation d’entretien de l’enfant envers ses parents, dont
le logement est un contenu de grande importance. La possibilité d’éviter une vie commune de
plusieurs générations sous un même toit que, de plus en plus, les habitants n’ont pas envie de
poursuivre, dépendre de la capacité financière de chaque famille, mais aussi des politiques des
autorités compétentes et des entreprises sur le développement divers des catégories de locaux
d’habitation350.
Il convient ainsi de songer à la contribution en numéraire de l’enfant au logement
familial.
B. L’apport de l’enfant pour subvenir aux besoins de la vie courante de la famille
329. - La loi présente encore une fois, à ce point, une généralité des termes. Pourtant,
il n’y a pas de grandes complexités concernant « les besoins de la vie courante de la famille ».
Le logement familial se trouve, sans aucun doute, dans ce cadre. Il faut chercher comment est-
il l’apport de l’enfant de quinze ans révolus ou majeur à ce local, lorsqu’il a des revenus.
Deux choses bien distinctes peuvent se présenter : l’apport à l’amélioration d’un logement
existant qui appartient aux parents (1), et l’apport à l’accès d’un local d’habitation pour la
famille qui ne l’a pas encore (2).
1 - L’amélioration, la réparation du logement familial appartenant aux parents
330. – A été exposée ci-dessus la participation industrielle de l’enfant aux travaux
effectués sur le logement familial appartenant à ses parents351. Toujours avec ces travaux,
l’enfant peut apporter une contribution en numéraire pour les financer. La loi ne se limite pas
à prononcer cette contribution comme une possibilité volontaire de l’enfant, mais comme
l’une de ses obligations familiales lorsqu’il a des revenus.
331. - Au Vietnam, la contribution de chacun des membres de la famille au maintien
du logement familial, ou plutôt le partage des charges d’entretien entre eux, est clairement
discuté par eux tous, et la décision finale est prise par l’unanimité. Dans ces discussions, est
abordé même le droit de propriété sur le local réparé. Le bien sera alors inscrit toujours sous
350 Cette dernière question n’est pas traitée dans la présente étude, car elle se trouve dans d’autres domaines juridiques que le droit de la famille. 351 Cf. supra, nos 322-324.
179
les noms des parents, mais l’enfant réservera le droit d’usage indiscutable d’une partie
équivalente à sa contribution, par exemple un étage se composant des deux ou trois chambres
pour y installer lui-même ou sa propre union conjugale352. Le nouveau local pourra également
entrer dans la copropriété des parents et enfant, avec des quotes-parts déterminées.
Un certain nombre de familles optent pour une solution plus radicale : le bien sera
enregistré de nouveau sous le nom de l’enfant, les parents en réserveront un droit d’usage
viager. Une telle mesure leur permet de traiter la question concernant la contribution de
l’enfant et de ne plus penser aux formalités complexes du transfert par voie de succession.
En pratique, les conventions précitées n’existent souvent que sous forme orale à
l’intérieur de la famille, et leur force exécutoire est garantie par les règles morales. Ceci
constitue encore une particularité de la vie familiale vietnamienne353.
2 - L’accès à un local servant le logement familial
332. - C’est le cas où les membres de la famille n’ont pas le droit de propriété sur un
local d’habitation, et se pose la question comment l’acquérir ou le louer. Le législateur impose
que dans cette situation, si l’enfant a des revenus, il devra contribuer à ces charges de
logement. La loi n’entre pas dans le détail, mais il est clair que la contribution obligatoire de
l’enfant, en tant que membre de la famille, doit être équivalente à sa capacité financière. Il est
impossible de demander à l’enfant d’apporter ce qu’il n’a pas ; toute la famille doit choisir un
niveau de vie convenable à ses fonds.
Dans ce cas, la valeur de la règle juridique est semblable au cas où l’enfant a déjà son
propre logement. Lorsque la famille se trouve dans la difficulté d’hébergement, et que l’enfant
a des revenus suffisants à la résoudre, il ne peut pas nier de le faire. C’est une responsabilité
352 Au Vietnam à l’heure actuelle, l’un des modèles fréquents des maisons privées, surtout dans les régions urbaines, est celle d’un rez-de-chaussée et de trois ou de quatre étages. Une grande famille y habite, avec un étage pour chaque union composante (les parents, l’enfant et son époux). Il est également nécessaire de constater que les maisons privées forment encore le modèle de local d’habitation le plus préféré des habitants ; les grands immeubles contenant des appartements, des studios, etc. ne mettent que leurs premiers pas dans la vie sociale. 353 Mais lorsque les règles morales n’arrivent plus à garantir l’exécution de ces accords, les parties se présentent devant le tribunal pour réclamer leurs droits respectifs. En pratique, dans ce genre d’affaire, le juge rencontre souvent des difficultés de preuve. Il convient donc d’encourager les membres de la famille de manifester leurs accords sous forme écrite, même authentifiée, comme ce que la loi demande aux conventions de grande importance entre époux analysées supra, nos 189-193.
180
de l’enfant envers sa famille, concrètement ses proches, laquelle est clarifiée à travers
plusieurs dispositions légales354.
Plusieurs cas d’espèce peuvent être cités. L’enfant de quinze ans révolus ou majeur
percevant les revenus doit partager les loyers du logement familial avec ses parents. Si le
foyer vise l’acquisition d’un local d’habitation, l’enfant doit y participer activement par ses
ressources, le droit de propriété sur le bien sera déterminé selon les parts contributives355. La
même obligation survit dans le cas où la famille effectue la construction du logement familial
sur un fond de terre quelconque356.
333. - Une limite de l’article 44, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille de 2000,
c’est qu’il mentionne seulement l’enfant de quinze ans révolus ou majeur vivant encore avec
ses parents. Quelle est la responsabilité des enfants poursuivant une installation séparée ? À
notre avis, comme le montrent les analyses ci-dessus, la garantie du droit au logement des
membres de la famille ne dépend pas de la cohabitation des parents et leur enfant357. Celle qui
est la plus favorable parmi ces personnes doit aider celles qui sont en difficulté, puisqu’elles
sont toutes liées par le lien familial. La logique du droit au logement des membres de la
famille doit être strictement attachée à l’obligation d’entretien entre eux. Il est nécessaire que
les règles juridiques se développent et les décisions judiciaires se produisent selon cette idée
de base. Ainsi, dans la mise en application de l’article 44, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la
famille de 2000, les dispositions légales sur l’obligation d’entretien et l’obligation alimentaire
entre membres de la famille doivent également être examinées par les professionnels de droit
en exercice.
* * *
354 Cf. supra, n° 326. 355 Normalement, les membres de la famille peuvent mettre l’accord sur ce sujet, comme dans le cas de contribution aux travaux du logement familial existant. 356 Un fond de terre acquis, loué ou emprunté, etc. 357 Cf. supra, n° 326.
181
CONCLUSION DU CHAPITRE : 334. - La question du logement familial dans le
rapport entre parents et enfants devient, de plus en plus, un sujet permanent de la vie sociale
au Vietnam. Elle tourne autour de deux axes principaux : l’un est l’obligation des parents
d’entretenir l’enfant mineur ou l’enfant majeur incapable et d’administrer les biens propres de
celui-ci, l’autre est la responsabilité de l’enfant de quinze ans révolus ou l’enfant majeur de
contribuer à la vie courante de la famille. Le fondement des dispositions légales et décisions
judiciaires dans ce domaine est l’attachement familial, dont le support et l’entraide mutuels
entre membres de la famille.
183
CHAPITRE II
LE FOYER FAMILIAL
335. - Dans le Code civil vietnamien, il y a quatre sujets de droit : la personne
physique358, la personne morale359, le foyer familial360, le groupement coopératif361. Le foyer
familial est un sujet de droit tout particulier : c’est une particularité vietnamienne par rapport à
d’autres systèmes juridiques, c’est également une particularité en droit vietnamien par rapport
à d’autres sujets de droit courants tels que la personne physique et la personne morale. En
effet, le foyer familial a un statut juridique tout limité (Section I), qui ne fournit qu’une
protection incomplète du logement de la famille (Section II).
SECTION I : LE STATUT JURIDIQUE LIMITÉ DU FOYER FAM ILIAL EN
TANT QU’UN SUJET DU DROIT CIVIL
336. - Le foyer familial a une longue histoire sociale et juridique. Afin de comprendre
cette institution, il faut connaître sa place dans la tradition civile et dans l’administration
étatique (§1), avant d’exposer le rôle des règles du foyer familial envers les rapports
patrimoniaux au sein de la famille (§2).
358 L’article 14 du Code civil de 2005 : « 1. La capacité civile d’une personne physique est l'aptitude de la personne à acquérir des droits civils et à contracter des obligations civiles. 2. Toutes les personnes physiques ont une capacité civile égale. 3. La capacité civile naît en même temps que la personne physique et disparaît à sa mort ». 359 L’article 84 du Code civil de 2005 : « Un groupement est reconnu comme personne morale lorsqu’il réunit les conditions suivantes: 1. Avoir été créé, autorisé à être créé, enregistré ou reconnu par un organe d’état compétent; 2. Présenter une structure d'organisation suffisante; 3. Disposer de biens distincts des biens de toute personne physique ou de tout autre groupement et être responsable sur ces biens; 4. être partie de manière indépendante et en son nom propre aux rapports de droit ». 360 Cf. infra, n° 351. 361 L’article 111 du Code civil de 2005 : « Les groupements coopératifs créés sur la base d’un contrat de coopération authentifié par le Comité populaire de la commune, du quartier ou du bourg, et composés d’au moins trois membres qui contribuent par l’apport de biens ou d’industrie à l’exercice de certaines activités dans le but d’en tirer profit en en assumant ensemble la responsabilité, sont des sujets de droit dans les rapports civils. Le groupement coopératif qui réunit les conditions requises pour l’acquisition de la personnalité morale conformément aux dispositions légales fait enregistrer son activité en qualité de personne morale auprès de l’organe d’état compétent ».
184
§1 : L’incoordination entre la tradition civile et l’administration étatique
337. - Pendant longtemps, au Vietnam, le rôle de l’individu restait relativement
modeste par rapport à la famille. Chaque particulier contactait la société presque toujours par
l’intermédiaire de sa famille ; à l’inverse, la société influençait chaque personne à travers la
famille de celle-ci. Étant un groupe qui répondait aux besoins divers de chacun de ses
membres dans la vie quotidienne, le foyer était un modèle courant de la famille vietnamien,
dont certaines caractéristiques sont encore maintenues en droit positif, en vue de mettre en
valeur l’attachement familial (A). À l’heure contemporaine, les contributions encore
importantes du groupe familial à l’économie nationale font instituer le foyer familial en
qualité d’un sujet de droit dans le Code civil (B).
A. Le foyer en tant qu’un modèle familial vietnamien
338. - Au Vietnam, la concentration des membres dans un local d’habitation était
toujours la tendance de développement de la famille vietnamienne traditionnelle362. Dans la
société ancienne, où régnait le régime féodal, il existait deux modèles familiaux : la grande
famille et la petite famille. La première se composait de l’ensemble des personnes ayant les
rapports de mariage, de filiation et cohabitant en quelques générations, dont l’idéal était de
cinq (cinq générations sous un même toit). D’une grande différence, la petite famille ne
contenait que les époux et leurs enfants. Parmi ces deux modèles, la grande famille était la
plus répandue, composée des ascendants tels que les arrières grands-parents, les grands-
parents, les parents, les oncles et nièces, et des descendants tels que les enfants, les petits-
enfants, les arrières petits-enfants363. Dans la vie quotidienne de la grande union, les
ascendants avec le parent le plus âgé au sommet avaient toujours la parole décisive.
339. - Au début du XXe siècle, les changements sociaux d’inspiration occidentale
apportés par les Français n’ont pas encore touché la structure précitée de la famille
vietnamienne. De surcroît, il convient de constater que le législateur français à ce moment-là
avait l’intention de la maintenir. Les dispositions légales pendant cette période insistaient sur
la première place du chef de famille par rapport à tous ses cohabitants, y compris ceux qui
362 Cf. supra, nos 267-270. 363 L’institut des recherches de science juridique - Ministère de la Justice, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle jusqu’à la période de colonisation française, op. cit., p. 111.
185
étaient liés à la famille par voie contractuelle tels que des valets, des apprentis, etc.364. La
population, quant à elle, poursuivait le modèle de grande famille selon les règles coutumières.
340. - Le droit vietnamien contemporain fait des efforts permanents afin de renforcer
l’attachement familial entre tous les membres de la famille, dans le rapport entre époux ainsi
qu’à travers des générations365. La famille vietnamienne présentée dans les lois sur le mariage
et la famille ainsi que les textes normatifs concernés est une grande famille, qui se compose
de plusieurs générations, avec des rapports personnels et pécuniaires équivalents. Dans une
vue comparative, il est possible de trouver que plusieurs systèmes juridiques, tels que le droit
français, régissent également des rapports entre des personnes liées par la filiation d’une
manière précise. La particularité vietnamienne, c’est que le législateur souligne toujours la vie
commune des membres de la famille de différentes générations dans un local d’habitation, il
la considère même comme une bonne tradition de la nation366. Les dispositions légales
prennent en compte ainsi, sans aucun doute, la réalité de la famille vietnamienne. Il est vrai
que jusqu’à l’heure actuelle, le modèle de grande famille conserve sa place à la campagne et
dans une partie des régions urbaines du Vietnam.
341. - Que signifie le fameux modèle traditionnel d’une grande famille avec le chef de
famille au sommet ? Cela veut dire que dans les rapports extérieurs, toute la famille est
principalement considérée comme une unité ; les personnes hors famille ont l’idée d’entrer
dans le contact puis de contracter avec toute cette unité, non seulement avec l’un de ses
membres. Le chef de famille, un homme dans la plupart des cas, assure la représentation de
l’unité ; un tel rôle de cette personne est tacitement accepté par les autres membres de la
famille ainsi que les tiers. On a donc l’impression qu’en dehors des cas où chacun des
membres de la famille agit expressément en son nom, il y a un autre sujet de fait, qui n’est pas
364 L’institut des recherches de science juridique - Ministère de la Justice, Ministère de la Justice, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle jusqu’à la période de colonisation française, op. cit., p. 126. 365 La loi sur le mariage et la famille vietnamienne de 1959 a réservé un chapitre pour le rapport conjugal et un autre pour le rapport entre parents et enfants. La loi de 1986 a conservé la structure d’un chapitre pour chacune de ces deux catégories de relation, mais présente encore l’article 27 sur les liens d’attachement entre grands-parents et petits-enfants, frères et soeurs. La loi de 2000 en vigueur donne à chacun de ces trois types de rapports familiaux un chapitre. 366 Par exemple, l’article 49 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose : « 1. Les personnes vivant dans une famille ont l'obligation de s'occuper l'une de l'autre, de s'entraider, de pourvoir à l'entretien de la vie familiale et d'apporter en argent ou en nature leur contribution au maintien de la vie familiale dans la proportion de leurs facultés respectives. Les membres de la famille ont le droit de bénéficier de soins et d'assistance mutuels. Les droits et intérêts légitimes des membres de la famille sont respectés et protégés par la loi. 2. L'État encourage et aide les différentes générations dans la famille à s'entretenir et s'entraider afin de préserver et de promouvoir les bonnes traditions de la famille vietnamienne ».
186
doté de la qualité de personne morale, mais qui participe dans les actes civils en son propre
nom, avec des biens à fin de l’exécution de ses obligations367. Après un certain temps, les
éléments constitutifs de ce sujet ont été déterminés, et le « foyer familial » a été dénommé
dans les textes normatifs368.
B. L’insertion du foyer familial dans le Code civil
342. - La notion du foyer familial a passé un chemin particulier dans le système
normatif, avec des qualifications différentes. Il convient d’examiner l’apparition de cette
institution en droit administratif (1), sa nouvelle qualification dans les textes favorisant le
développement économique (2), et puis son officialisation par le Code civil (3).
1 - L’apparition de la notion du foyer familial dans le système normatif
343. - Le foyer familial est une structure de la vie familiale quotidienne, qui connaît
une longue histoire et qui participe dans des actes civils effectués par les habitants. Par
conséquent, il est, avant tout, de nature civile.
Pourtant, la notion expresse du « foyer familial » apparaissant à la première fois dans
le droit vietnamien ne portait pas ce caractère. Curieusement, elle était construite comme une
institution du droit administratif.
En effet, la Décision no 167-CP du 18 septembre 1976 du Conseil de Gouvernement
disposant l’administration étatique sur la résidence des habitants a présenté le foyer familial,
dans son article 1er, comme le lieu de domicile des habitants enregistré par l’organe d’État
compétent : « Tout citoyen de la République socialiste du Vietnam et tout étranger (à
l’exception des corps diplomatiques) doivent être enregistrés dans un foyer familial, ou un
foyer collectif fixé à sa résidence permanente ». La présente disposition n’avait pas de liaison
avec la notion traditionnelle de foyer familial exposée ci-dessus, celle qui englobait la
communauté de vie des individus se liant par les liens familiaux et occupant ensemble un
367 Au Vietnam, le créancier demande souvent le paiement de la dette à l’époux du débiteur ; il l’exige également au parent du débiteur, même si ce dernier est une personne majeure capable. C’est curieux que dans un assez grand nombre de cas, une telle demande est acceptée par la personne à laquelle elle s’adresse, et que les gens exercent cette pratique en ignorant les dispositions légales sur la solidarité entre époux ou entre membres de la famille. 368 En France, les juristes discutent également l’étendue de la famille et les patrimoines familiaux, mais le législateur n’aboutit pas à construire un sujet de droit autre que la personne physique et la personne morale, comme le foyer familial au Vietnam. Cf. P. CATALA, Famille et patrimoine, PUF 2000.
187
logement commun. Ce foyer familial traditionnel existait toujours dans les usages civils,
c’est-à-dire le foyer familial de nature civile était poursuivi de fait par la population, dans sa
vie quotidienne. Dans une façon totalement différente de cette coutume, à la première fois, le
droit vietnamien a présenté le foyer familial sous forme d’une mesure d’administration
exercée par l’État. Le foyer familial légal à ce moment-là était une institution administrative,
non pas un sujet du droit civil ayant la capacité de contracter des actes civils. Quant à eux, les
habitants continuaient toujours les usages contractuels au nom de toute la famille, dont le
représentant était le chef de famille.
344. - À ce point, il est possible de constater une fragmentation du fil juridique
vietnamien et une contradiction des règles régissant la vie des habitants au Vietnam.
Fragmentation, parce que le foyer familial, qui avait été reconnu et consolidé par la coutume
et l’ancien droit comme une institution civile, disparaissait brusquement des normes en
vigueur du droit civil. Contradiction, car malgré son absence dans les règles juridiques, le
foyer familial conservait toujours sa place indiscutable dans les actes civils de la population ;
il faudrait ajouter que pendant cette période, en matière familiale, les habitants se
contractaient presque automatiquement selon des règles coutumières369.
345. - Devant cette complexité, même récemment, les sociologues vietnamiens
s’efforcent encore de distinguer le foyer et la famille sous l’aspect historique : « La notion du
foyer se distingue de celle de la famille. Le foyer est connu comme un groupe de personnes
qui cohabitent sous un même toit et construisent éventuellement un fonds de consommation
commun. Le foyer peut se composer des personnes ayant le rapport de filiation, ou même des
proches et amis. Le foyer peut se constituer par une personne célibataire qui habite toute
seule, ou par certains femmes ou hommes, ou personnes âgées, qui cohabitent. Au Vietnam il
y a beaucoup de foyers collectifs qui se composent de certaines personnes célibataires
habitant loin de leurs propres familles, telles que des cadres et fonctionnaires d’un organe
d’État, d’une entreprise ou des élèves et étudiants. Ils vivent en commun dans un local
d’habitation et disposent éventuellement d’un fonds de consommation commun.
369 Et cela, parce que : d’une part, il n’y avait que très peu de règles juridiques dans ce domaine, les habitants n’avaient presque que la coutume comme référence pour traiter leurs droits et obligations ; d’autre part, la famille vietnamienne, jusqu’à ce moment-là, fonctionnait encore bien dans l’ordre coutumier. La Cour populaire suprême, en s’efforçant de standardiser les normes en matière familiale, prenait également des règles d’origine coutumière en vue de leur application dans les activités judiciaires ; la Circulaire no 81 du 24 juillet 1981 en était un exemple.
188
Pourtant, dans la plupart des cas à l’heure actuelle, chaque famille constitue un foyer.
Le recensement de la population en 1989 a construit la notion du foyer familial370 qui se
composait des personnes ayant le rapport de mariage, de filiation ou d’adoption, qui
disposait d’un fond de consommation effectif. Chaque foyer familial détient un registre du
foyer qui inscrit le nombre des membres du foyer, le chef du foyer et le rapport des membres
avec le chef (épouse ou époux, enfants, petits-enfants, etc.).C’est le document ayant la valeur
juridique que les autorités locales utilisent pour gérer la cellule de la société qui est la
famille 371».
346. - En somme, l’apparition du foyer familial administratif et l’abandon du foyer
familial civil en droit vietnamien rendaient tout compliqué le statut juridique du groupe
familial, qui existe lui-même d’une manière évidente dans la société. Pourtant, la situation ne
deviendrait pas plus simple avec les règles qui ont été adoptées ensuite dans ce domaine, qui
faisaient renaître peu à peu le foyer familial civil, tandis que le foyer familial administratif
s’est consolidé.
2 - La période de transition
347. - La notion du foyer familial réapparaissait dans le droit vietnamien plusieurs fois
encore, mais dans un autre sens. Pendant la période de 1982 à 1993, le foyer familial a été
abordé dans plusieurs textes qui visaient à favoriser le développement économique effectué
par les personnes cohabitant et se liant par un lien familial. En réalité, ces textes relèvent
d’une histoire des tendances différentes de l’État vietnamien dans l’organisation et
l’administration des activités productives et commerciales.
D’abord, dès la réunification du pays en 1975, une économie de concentration dont les
composants principaux n’étaient que les entreprises d’État et les coopératives a été fortement
poussée. Dans le présent modèle économique, il n’y avait pas de grandes places pour les
activités productives et commerciales menées par les particuliers. L’économie familiale, une
valeur traditionnelle, se reculait. Le foyer familial était mentionné comme un sujet juridique
370 En réalité, la notion de foyer familial a apparu depuis la Décision n° 167-CP du 18 septembre 1976 du Conseil de Gouvernement. Jusqu’à l’heure actuelle, le foyer familial et son registre constituent toujours la base de l’administration étatique sur le domicile des habitants, par l’effet des articles 25 et 26 de la loi n° 81/2006/QH11 du 29 novembre 2006 sur le domicile. 371 LE Thi, op. cit., p. 13-14.
189
dans des dispositions légales sur le développement économique, mais avec une position très
modeste372.
Pourtant, un tel modèle d’économie concentrée montre de plus en plus ses
inconvénients. Il est possible de résumer cette situation comme suivante : la puissance de
production de la population n’était pas mise en valeur, en même temps la réponse aux besoins
de consommation se trouvait toujours dans l’insuffisance. Une réalité s’est clairement
montrée, c’est que la disparition forcée des activités économiques individuelles laissait des
places que les entreprises étatiques et les coopératives ne pouvaient pas totalement remplacer.
C’était le moment pour la reprise de la notion du foyer familial, avec des caractères assez
proches de la tradition vietnamienne.
Les changements ont mis leur premier pas dans la production agricole et sylvicole.
Pendant les années de 1982 à 1986, dans plusieurs textes réglementaires, le foyer familial a
été abordé comme un sujet participant à des domaines productifs et commerciaux, à côté des
acteurs étatiques et collectifs373. Dans ce contexte, le foyer familial était un sujet des rapports
juridiques, pourtant encore limités, avec ses propres droits et obligations.
En même temps, le foyer familial en tant qu’une unité faisant l’objet de
l’administration d’habitation était maintenu374. Il constituait même la base pour que ses
membres, uniquement ceux qui étaient mentionnés dans l’état civil du foyer, effectuaient la
jouissance de la distribution étatique375.
Ainsi, il existait deux catégories de foyer familial sous l’aspect juridique. La première,
en tant qu’un acteur économique, reprenait peu à peu sa place dans la production et le
commerce ; les rapports civils autour d’elle se développaient en correspondance. La seconde,
une mesure d’administration, consolidait de plus en plus son caractère administratif et son 372 Par exemple, "le foyer des agriculteurs particuliers", abordé par la Résolution n° 187-HDBT du 22 novembre 1982 du Conseil des Ministres, était l’un des sujets qui signait le contrat économique réciproque avec l’État. C’était un foyer familial dont les membres s’exerçaient en tant qu’agriculteurs et n’adhéraient pas aux coopératives agricoles. 373 Par exemple, la Résolution n° 31-HDBT du 22 février 1982 du Conseil des Ministres sur le développement agricole et sylvicole dans les provinces du plateau d’ouest pendant la période 1981-1985. 374 Cette tendance a abouti à un produit réglementaire précis : le Décret n° 4-HDBT du 07 janvier 1988 du Conseil des Ministres adoptant le Règlement d’enregistrement et de gestion de l’état civil de foyer. Depuis cette date-là jusqu’à l’heure actuelle, le Règlement précité a connu des modifications, une loi sur le domicile a été également adoptée, mais l’état civil de foyer est toujours l’unique mesure d’administration sur le domicile des habitants. 375 Pendant ce temps, l’état civil du foyer jouait le rôle d’une carte permettant aux personnes qui y étaient inscrites de bénéficier de la distribution étatique. Un grand nombre de droits et d’obligations des habitants se sont attachés à ce registre d’administration, le droit d’acheter des produits alimentaires par exemple.
190
influence dans tout aspect de la société, puis devenait l’un des éléments principaux de l’état
civil 376.
Depuis l’année de 1987, l’État vietnamien a donné au renouvellement des politiques
sur le développement économique de grands avancements. L’économie individuelle est
officiellement reconnue et encouragée. Les activités productives et commerciales des
particuliers se sont élargies. Dans ce "vent de renouvellement" tout à fait remarquable, le
foyer familial a affirmé son rôle comme une unité économique de base et très active de
l’économie nationale. La notion de "l’économie de foyer familial" a vu sa naissance et son
expansion dans la société vietnamienne.
Les textes réglementaires étaient le reflet parfait de cette tendance. Proprement pour le
foyer familial, cette institution apparaissait de plus en plus souvent dans les règles juridiques
sous - loi377. Il y avait déjà un point indiscutable : le foyer familial était un élément de
l’économie nationale, c’est pourquoi il avait la capacité de contracter comme un sujet des
rapports juridiques et en assumait des responsabilités, envers ses cocontractants ainsi que
l’État378. Pourtant, la qualité de sujet de droit du foyer familial restait encore floue, parce que,
simplement, les normes réglementaires ne reconnaissaient que des rapports économiques
auxquels le foyer familial, qui était un groupe des personnes exerçant ensemble des activités
économiques dans la communauté familiale, pouvait participer ; ces textes ne régissaient ni la
qualité juridique, ni les rapports internes du foyer familial lui-même.
348. - La capacité juridique du foyer familial a été officiellement reconnue à la
première fois au niveau de loi par un texte de grande importance : la loi foncière du 14 juillet
1993. Dans ce texte, le foyer familial est devenu un sujet, à côté des personnes physiques et
personnes morales, auquel le droit d’usage des fonds de terre était attribué ou loué par l’État.
Le foyer familial était donc un usager des fonds de terre, avec les droits et obligations légaux,
notamment le droit d’échange, de transfert, de donner en bail, de succession et de mettre en
hypothèque sur ces biens. Ce cadre juridique a permis au foyer familial de contracter des actes
civils en plein droit.
376 L’état civil de foyer a dépassé la limite d’une simple constatation du domicile des habitants, qui facilitait l’administration de l’État ; il est devenu même une condition indispensable de plusieurs jouissances civiles. 377 Dès 1988, le foyer familial pouvait contracter avec une entreprise d’État pour des constructions et des productions : le Décret n° 169-HDBT du 14 novembre 1988 du Conseil des Ministres, l’article 26. 378 Le Décret n° 29-HDBT du 22 janvier 1992 du Conseil des Ministres : le foyer familial membre d’une coopérative devait payer l’impôt agricole.
191
À travers les actes civils auxquels le foyer familial pouvait participer, s’est posée la
question sur la représentation, l’administration et la responsabilité de ce sujet de droit spécial.
Constitué par un groupe de personnes se liant par des rapports familiaux et passant ensemble
une vie en commun, le foyer familial n’avait pas une structure rigoureuse comme celle d’une
personne morale. Les tiers ne sauraient pas à qui s’adresser pour contracter avec un foyer
familial ; à l’inverse, ils ne sauraient pas non plus si un acte contracté par une personne
physique pouvait engager la responsabilité du foyer familial dont cet individu était un
membre.
Avant la loi foncière de 1993, ces questions ne constituaient pas de grands problèmes.
Un foyer familial était toujours attaché à son registre d’enregistrement - l’état civil de foyer
familial, sur lequel figurait clairement et définitivement le nom du chef de foyer. Dans une
coopérative, le chef de chaque foyer membre était désigné. De surcroît, il existait toujours des
règles coutumières pour déterminer le chef du foyer, c’était évidemment le chef de famille à
la tradition vietnamienne, c’est-à-dire le père ou, en son absence, la mère dans la famille. Il
convient également de dire que, dans une économie dont l’agriculture occupait encore la place
majeure, tous les membres du foyer familial travaillaient ensemble sur ses fonds de terre, en
jouissaient ensemble des fruits et revenus, et tous les biens considérables appartenaient à la
famille. C’est pourquoi tout le foyer fonctionnait sous l’administration du chef de famille, et
par l’intermédiaire de la représentation du chef de famille, le foyer s’engageait avec les tiers
par les biens familiaux. La qualité personnelle de chaque membre du foyer s’est donc
absentée dans un grand nombre de cas.
La loi foncière de 1993, en octroyant la qualité juridique au foyer familial, le
distinguait en même temps des personnes physiques, celles qui étaient toujours membres d’un
foyer familial précis. Néanmoins, cette loi, qui régissait l’administration de l’État sur les
fonds de terre, n’avait pas le but de déterminer en détail la personnalité juridique des usagers
du sol, dont le foyer familial. C’est évidemment la tâche d’un autre texte normatif qui régit
systématiquement les sujets de droit. Avec le développement rapide de l’économie et
l’élargissement des actes civils, le besoin de standardiser des sujets juridiques pressait. En tant
qu’un facteur actif des activités économiques, le foyer familial méritait bien un statut clair, ce
qui favoriserait la mise en application de la loi foncière et tout autre texte concerné.
Et puis, le premier Code civil a été adopté.
192
3 - L’officialisation du foyer familial dans le Code civil
349. - Il fallait attendre le Code civil de 1995 pour que le foyer familial soit clairement
institué dans le système juridique vietnamien.
Ce grand texte, qui était la première codification du droit civil au Vietnam, avait une
mission tout à fait importante, c’est de systématiser les règles en matière civile et de les mettre
au niveau de loi379. Dans sa première partie, en citant et légalisant les sujets des rapports
civils, le Code civil n’avait qu’à reprendre un sujet qui avait été souvent mentionné par les
textes réglementaire et particulièrement institué par la loi foncière : c’était le foyer familial380.
Ainsi, il convient de rappeler qu’au début, le foyer familial a apparu dans le droit
vietnamien grâce aux règles favorisant le développement économique, et puis, à celle
d’administration foncière. Possédant une place juridique indiscutable, le foyer familial s’est
ensuite inséré dans le Code civil, comme si c’était une officialisation évidente. Effectif pour
régler des relations productives et commerciales, le foyer familial était pourtant compliqué
dans son identité civile. En effet, ce sujet de droit se composait des personnes physiques, mais
il n’était pas une personne morale ; sa structure contenait plusieurs éléments de fait et de droit
différents. Par conséquent, le législateur a rencontré assez de difficultés pour lui donner un
statut juridique de nature civile.
C’est pour cette raison que la position du foyer familial dans les règles juridiques
civiles pose beaucoup de questions.
§2 : La position de l’institution de foyer familial dans les dispositions légales
régissant la vie patrimoniale de la famille
350. - Le foyer familial se fonde sur la base de la famille. Pourtant, tout son statut vise
essentiellement les activités économiques familiales, plutôt que les rapports familiaux eux-
379 Au Vietnam, les Codes ne contiennent que des règles au niveau de loi. Les normes réglementaires se trouvent dans d’autres textes juridiques. 380 L’article 116 du Code civil de 1995 : « 1. Les foyers familiaux dont les membres ont en commun des biens pour l’exercice en commun d’activités économiques dans les domaines de l’exploitation des terres, de la production agricole, sylvicole et aquacole ou dans certains autres domaines de production et de commerce prévus par la loi sont sujets de droit dans l’exercice de ces activités. 2. Les foyers familiaux auxquels sont confiés des fonds de terre destinés à l’habitation sont également sujets de droit dans les rapports civils relatifs à ces fonds de terre ».
193
mêmes. Par conséquent, les dispositions légales en cette matière ne mentionnent qu’une
famille étroite dans le foyer familial (A), ce qui entraîne un statut flou de celui-ci (B).
A. Une famille étroite dans le foyer familial
351. - Pour construire la notion du foyer familial dans le droit civil vietnamien, le
législateur a présenté non pas une définition, mais un cadre conditionné.
L’article 116 du Code civil de 1995 disposait :
« 1.Les foyers familiaux dont les membres ont en commun des biens pour l’exercice en
commun d’activités économiques dans les domaines de l’exploitation des terres, de la
production agricole, sylvicole et aquacole ou dans certains autres domaines de production et
de commerce prévus par la loi sont sujets de droit dans l’exercice de ces activités.
2. Les foyers familiaux auxquels sont confiés des fonds de terre destinés à l’habitation
sont également sujets de droit dans les rapports civils relatifs à ces fonds de terre ».
Le foyer familial apparaissait dans cet article en tant qu’une société créée de fait : soit
de fin commerciale (alinéa 1er), soit de fin civile (alinéa 2). Il est possible d’en déduire que les
règles sur le foyer familial s’appliquaient lorsque le rapport patrimonial en cause se trouvait
dans une société créée de fait existant au sein de la famille. En l’absence de conditions
suffisantes de la société créée de fait, les autres règles s’appliquaient en fonction qu’il s’agisse
du couple ou des parents et enfants, des frères et sœurs, etc.
Ainsi, la famille présentée dans l’institution de foyer familial n’était pas une famille
naturelle, évidente, mais une famille de droit : elle s’est composée des personnes se liant par
un rapport familial (parents, enfants, frères et sœurs, etc.), qui poursuivaient ensemble des
activités économiques avec leurs biens communs (ou plutôt des biens en indivision), ou qui
cohabitaient dans un fond de terre destiné à l’habitation attribué par l’État381. Se trouvant dans
381 Pendant la mise en application du Code civil de 1995, s’est déjà posée la question sur les critères pour reconnaître la qualité de membre du foyer familial d’un individu dans chaque cas d’espèce, ceux qui n’étaient point précisés par le présent Code. Cf. DINH Thi Mai Phuong, Thực tiễn áp dụng các quy ñịnh của Bộ luật Dân sự về hợp ñồng dân sự, Tạp chí Nghiên cứu lập pháp ñặc san chuyên ñề Pháp luật và hội nhập, tháng 11/2001 (La mise en application en pratique des dispositions du Code civil relatives au contrat civil, Revue des Études législatives n° spécial sur le droit et l’intégration internationale, novembre 2001). Il est regrettable que le Code civil de 2005 ne fournisse pas toujours ces critères importants. Nous essayons donc de présenter une telle interprétation doctrinale portant sur les conditions de la qualité de membre du foyer familial.
194
ces deux catégories de rapport juridique, les liens de filiation et d’intérêts entre les membres
de la famille formaient une structure solide. C’est cette structure, dénommée foyer familial,
qui était reconnue par les tiers cocontractants comme un partenaire dans les actes civils, avec
des biens disponibles, des droits et obligations concrets ; elle avait donc la qualité de sujet de
droit octroyée par la loi.
352. - En étudiant l’histoire du foyer familial en droit vietnamien contemporain382, il
convient de constater que les deux alinéas de l’article 116 du Code civil de 1995 avaient des
fondements différents. Le premier reflétait la politique d’encouragement de l’État envers
l’économie de foyer familial, un contenu important de la Rénovation (ðổi Mới). Le second
manifestait la reconnaissance de l’État pour la tradition d’habitation des Vietnamiens, un
élément de valeur coutumière, qui a également été confirmée dans la loi foncière de 1993.
Les activités économiques en commun ou les fonds de terre destinés à l’habitation en
indivision sont devenus alors les conditions pour l’existence du foyer familial au sens
juridique. À défaut de ces éléments, il n’y aurait pas de foyer familial : la famille poursuivait
sa vie quotidienne, avec les rapports entre ses membres réglés par d’autres dispositions de la
loi sur le mariage et la famille, du Code civil, etc.
353. - Une telle situation est bien reflétée par plusieurs lois dans le domaine
économique qui suivaient le Code civil de 1995. Selon la loi sur les coopératives de 1996, le
foyer familial pouvait devenir membre d’une coopérative. La loi commerciale de 1997 disait
que le foyer familial pouvait être commerçant, quand il faisait l’enregistrement d’exercice
commercial d’une manière indépendante et permanente. En application de la loi sur l’impôt
de revenu des entreprises de 1997, le foyer familial des agriculteurs ayant des revenus élevés
était contribuable. La loi sur les organismes de crédit de 1997 disposait que le foyer familial
pouvait participer à la fondation des organismes de crédit.
Il est ainsi clair que les dispositions du Code civil de 1995 ont constitué un fondement
juridique, sur lequel la participation du foyer familial à l’économie nationale était tout à fait
favorisée et encouragée par les prochaines lois concernées383.
382 Cf. supra, n° 347-348. 383 À partir de 1995, la croissance économique annuelle du Vietnam reste toujours élevée, avec le dynamisme de la population. Le Code civil et d’autres textes juridiques y avaient, sans aucun doute, des contributions considérables.
195
354. - Le Code civil de 2005 avance encore un pas vers la restriction de l’étendue
familiale dans la notion de foyer familial. Selon l’article 106 du présent Code, " les foyers
familiaux dont les membres ont en commun des biens et font ensemble des efforts pour
l’exercice en commun d’activités économiques dans la production agricole, sylvicole et
aquacole ou dans certains autres domaines de production et de commerce prévus par la loi
sont sujets de droit dans l’exercice de ces activités". Désormais, au sens du Code civil, le
foyer familial est toujours considéré comme une société créée de fait, mais uniquement de fin
commerciale. Toutes les dispositions légales sur les biens communs, le représentant, la
responsabilité civile, etc. du foyer familial ne servent qu’à ce but unique384.
355. - La place tout à fait limitée du foyer familial en droit vietnamien a été bien
interprétée par la doctrine : « En réalité, le patrimoine du foyer familial est une notion que le
législateur a, d’une manière d’office, construit et présenté aux habitants ; c’est pourquoi,
presque uniquement dans les cas où la loi exige que le foyer conclue un acte (tel est le cas où
le foyer reçoit le droit d’usage des fonds de terre attribué par l’État), le foyer apparaît et la
propriété sur les biens transférés par l’effet de cet acte est établie au nom du foyer. Si la loi
n’a pas de dispositions particulières sur les cocontractants d’un acte, chaque membre de la
famille agira à son propre nom (ou au nom des deux époux) dans l’établissement et
l’exécution de cet acte 385».
Un tel rôle limité de l’institution de foyer familial fait naître plusieurs questions sur sa
valeur de réglementation envers les rapports patrimoniaux au sein de la famille.
B. Un statut flou du foyer familial
356. - Avec son histoire remplie de vicissitudes, le foyer familial en droit vietnamien
est une institution complexe.
D’abord, le foyer familial est un produit du droit administratif. Sa qualité de sujet de
droit a été reconnue par la loi foncière, dans l’administration de l’État sur les fonds de terre.
384 Il reste pourtant la question sur les fonds de terre destinés à l’habitation du foyer familial. Selon les articles 113, 114 et 115 de la loi foncière de 2003, le foyer familial a des droits de transfert et d’exploitation sur ses fonds de terre. Est-il sujet de droit dans ces rapports ? Cette question est laissée sans réponse par la nouvelle disposition du Code civil, mail elle n’a pas de valeur pratique : de toute façon, le foyer familial continue à exercer ses droits déterminés par la loi foncière. Personne ne peut nier sa personnalité dans ces cas. 385 NGUYEN Ngoc Dien, Traité du droit du mariage et de la famille vietnamien, T. 1 – La famille, op. cit., n° 303, p. 289.
196
Ensuite, le foyer familial est trouvé comme un sujet du droit commercial. Dans
l’économie vietnamienne à l’heure actuelle, la production et le commerce exercés par les
foyers familiaux et reconnus par les lois en cause ont encore de grandes contributions. Il est
clair que ces activités productives et commerciales de caractère familial constituent toujours
une tradition nationale, malgré les tendances individualistes pendant ces dernières années.
Enfin, en tant que le droit commun, le Code civil tente à construire un statut complet
du foyer familial, en vue d’en faire une base nécessaire de tout autre texte concerné. Mais le
présent effort, par contre, octroie au foyer familial un statut indéterminé. Il est possible d’en
voir trois manifestations :
357. - Premièrement, le Code civil n’était pas le premier texte normatif qui a légalisé
le foyer familial comme sujet de droit. Avec des exigences de la pratique, le foyer familial a
de plus en plus déplacé son rôle respectable de la coutume jusqu’au droit, au moyen des textes
réglementaires. L’arrivée de ce déplacement était l’apparition du foyer familial dans la loi
foncière - un texte législatif. Né plus tard que ces textes, le Code civil n’avait qu’à officialiser
le foyer familial quand il déterminait les sujets du rapport juridique civil (la personne
physique, la personne morale, le foyer familial et le groupement coopératif). Cela veut dire
que, à cause d’une période de fragmentation du droit civil vietnamien386, le statut du foyer
familial dans le Code civil n’avait pas d’origine de droit civil lui-même, il n’était pas non plus
exclusivement exigé par les rapports purement civils ou familiaux. Ce chemin passif du Code
civil se répète : le Code civil de 2005 n’a pas de grande modification concernant le foyer
familial, la place de ce sujet de droit est toujours indiscutable, puisque la loi foncière de 2003
a maintenu le foyer familial comme un titulaire du droit d’usage des fonds de terre.
Deuxièmement, afin de consolider un sujet de droit demandé par l’encouragement de
développement économique, le Code civil doit clarifier une structure interne du foyer
familial : celui-ci a donc des biens communs, un représentant légal ; il y a également des
règles régissant l’exploitation de ces biens communs et la responsabilité civile qui résulte des
actes dans lesquels le foyer familial est un cocontractant. Prenant en compte de grands traits
de la famille vietnamienne dans l’ancien droit et dans la coutume, le Code civil ne forme
pourtant pas un nouveau cadre juridique de la famille, mais présente une structure du foyer
familial comme une société créée de fait. C’est le champ économique, auquel le foyer familial
386 Cf. supra, n° 344.
197
adhère à travers des activités productives et commerciales, qui a besoin de cette société créée
de fait. Les règles sur la structure interne du foyer familial visent à préparer un "bagage"
suffisant pour l’entrée du foyer familial au marché, ce qui va également assurer les intérêts
légitimes des tiers partenaires. À ce point, dans sa nature, le foyer familial est une entité plus
commerciale que civile.
Troisièmement, étant le mécanisme de fonctionnement d’une société créée de fait, le
régime patrimonial du foyer familial dans le Code civil n’a pas beaucoup de portées pour les
rapports patrimoniaux de la famille elle-même. Ces relations sont déjà traitées par d’autres
dispositions du Code civil sur la propriété, la succession, etc., ou par la loi sur le mariage et la
famille. Ainsi, sous l’aspect du droit de la famille, il n’est pas difficile de trouver la place
instable de l’institution de foyer familial dans toutes les règles régissant la famille.
358. - Un tel statut du foyer familial est lié à la situation où le Code civil de 1995 a été
adopté. À ce moment-là, au sein des familles vietnamiennes, les biens, même de grande
valeur tels que le logement familial, étaient destinés principalement à la consommation. Les
biens destinés à la production, le droit d’usage des fonds de terre agricoles par exemple,
existaient dans une distinction claire par rapport à ceux de consommation. Claire, car dans
une économie encore assez calme, une fois qu’un individu avait des biens suffisants pour
effectuer de gros investissements, il en séparerait de sa famille et puis en verserait dans une
structure de commerce ou de production propre, telle qu’une société. Dans le sens inverse,
lorsqu’un particulier n’avait qu’un capital modeste, il mènerait des activités économiques qui
répondraient juste aux besoins quotidiens de sa famille, il ne ferait souvent pas des
"aventures" dans le marché par ses biens familiaux. Il est nécessaire de noter que, dans
l’agriculture, le composant encore majeur de l’économie nationale à ce moment-là, les
agriculteurs suivaient bien des valeurs morales traditionnelles, dont la conservation de la
famille était l’un des contenus les plus importants. C’est pourquoi, dans une situation difficile,
ces personnes pouvaient aliéner tous leurs fonds de terre productifs, et puis chercheraient
d’autres métiers pour gagner la vie, mais elles voulaient garder le plus possible des biens
familiaux de consommation, notamment le logement de la famille387.
387 Le logement de la famille, à la tradition vietnamienne, est une entité sacrée. Il est non seulement le local d’habitation de toute la famille, avec sa valeur économique, mais aussi le symbole de la succession d’esprit entre générations : c’est le lieu où les gens pratiquent le culte de leurs ancêtres, avec l’obligation de conserver et développer des œuvres de ceux-ci.
198
En somme, au contexte de 1995, avec l’esprit de conserver des biens nécessaires pour
la continuation de la vie familiale, les habitants faisaient toujours attention à la séparation,
dans le patrimoine familial, entre des biens destinés à la consommation et ceux servant la
production. Les premiers constituaient la base patrimoniale de la famille, les seconds
rentraient dans le marché en portant le souhait d’une vie plus agréable de ses propriétaires,
mais ces personnes étaient également prêtes d’en subir des risques éventuels.
Devant une telle situation sociale, la structure du droit de la famille vietnamien, avec
le foyer familial dans le Code civil et d’autres rapports familiaux dans d’autres textes, se
montrait vraisemblablement raisonnable. Le foyer familial, fidèle à son histoire, était le cadre
d’une société créée de fait, une entité formée à travers des activités économiques au sein de la
famille. La loi sur le mariage et la famille et les autres textes concernés, y compris un certain
nombre d’articles du Code civil lui-même, réglaient les rapports proprement civils de la
famille.
359. - Si le contexte précité restait encore le même, le foyer familial n’aurait rien à
voir avec la question de logement familial qui est traité dans cette étude. Pourtant, sous
l’influence d’une économie de haute croissance, les rapports internes de la famille évoluent et
changent, le foyer familial ne peut plus garder uniquement sa nature commerciale.
Dans ces dernières années, l’économie vietnamienne se développe sur le niveau ainsi
que sur l’étendue. Plusieurs nouveaux domaines d’affaires s’ouvrent, qui encouragent et
mobilisent la participation de toute la population. Avec la confiance sur des meilleures
conditions économiques et sociales dans l’avenir388 et l’admiration vers des exemplaires de
succès dans le marché, les habitants se lancent dans des activités productives et commerciales
pour chercher des occasions de s’enrichir. Par ailleurs, la différence de plus en plus grande
entre des riches et des pauvres, dans les villes ainsi qu’à la campagne, pousse les gens de faire
des efforts pour échapper à la pauvreté. Ces efforts sont encore encouragés par la force des
chances présentes partout dans le marché389.
Économiquement stables ou instables, les occasions de développement productif et
commercial font des appels à la participation de tout particulier, toute famille, mais exigent en 388 Selon des sondages sociologiques, les Vietnamiens possèdent un grand optimisme sur l’avenir du pays. Cf. http://www.tuoitre.com.vn/Tianyon/Index.aspx?ArticleID=180635&ChannelID=3 389 Il en existe plusieurs exemples : pendant des années 2000-2002, un certain nombre d’habitants se sont enrichis par des transferts des biens immobiliers ; en 2006, beaucoup d’autres acquièrent de grandes fortunes en participant au marché des valeurs ; etc.
199
même temps un capital considérable des participants. N’étant pas des investisseurs
professionnels, ne possédant pas une grosse épargne, beaucoup de familles doivent recourir
aux biens destinés à la consommation, les mettent dans une ou plusieurs affaires, en espérant
les récupérer et avoir des bénéfices dans un temps acceptable (ou plutôt supportable). Il y a
donc une tendance selon laquelle, dans la famille, plusieurs biens destinés à la consommation
se transforment en biens destinés à la production. Plus précisément, il existe un mélange de
nature des biens familiaux : le logement familial, par exemple, est toujours le local
d’habitation de toute la famille, mais il est également le bien hypothéqué de ce même foyer
familial pour avoir un capital à investir dans des affaires.
360. - C’est à ce point que l’institution du foyer familial dans le Code civil doit
assumer une nouvelle mission, qui est de traiter les rapports proprement civils entre membres
du foyer concernant les biens familiaux, une fois que ces biens appartiennent à tout le foyer et
non pas à une copropriété des individus membres du foyer. Cette situation, par contre, n’est
pas exceptionnelle mais très courante au Vietnam. En effet, le droit d’usage des fonds de
terre, dont ceux destinés à l’habitation, est souvent attribué au foyer familial ; la propriété du
logement familial l’en est ainsi dans un grand nombre de cas.
Il est nécessaire donc d’examiner les solutions de l’institution du foyer familial dans la
protection du logement familial. Assumant une tâche qui n’est pas de sa nature, les règles
juridiques vietnamiennes dans ce domaine montrent leurs insuffisances.
SECTION II : LA PROTECTION INCOMPLÈTE DU LOGEMENT
FAMILIAL PAR LES RÈGLES JURIDIQUES RÉGISSANT LE FOY ER FAMILIAL
361. - Les règles du Code civil sur le foyer familial sont nées initialement afin d’une
réglementation sur une société créée de fait, en rapport avec ses partenaires commerciaux.
Elles ne sont pas convenables à résoudre les problèmes internes de caractère familial du foyer
lui-même. En ce qui concerne le logement familial, il y a, au fur et à mesure des cas
d’espèces, l’insuffisance (§1), voire l’absence (§2), des mesures protectrices.
200
§1 : Le mécanisme insuffisant de la protection du logement familial étant un bien
commun du foyer
362. - Le foyer familial en droit vietnamien est une entité familiale, c’est une
évidence, puisque ses membres se lient par des rapports de mariage, de filiation ou
d’adoption. Pourtant, à la première vue, c’est curieux de trouver que dans le régime
patrimonial du foyer familial, seulement les biens communs sont déterminés. En effet, le
Code civil vietnamien ne parle que des biens communs du foyer familial, dans son article
108 :
« Les biens communs du foyer familial comprennent le droit d’usage des fonds de
terre, le droit d’usage des forêts, les forêts plantées par le foyer, les biens formés par la
contribution des membres du foyer, les biens acquis en résultat du travail commun des
membres du foyer, les biens donnés ou hérités au foyer tout entier et tous autres biens que les
membres conviennent de considérer comme des biens communs ».
Par rapport au régime patrimonial des époux, des parents et enfants, etc. réglé par la
loi sur le mariage et la famille, dans le foyer familial, les biens personnels de chacun des
membres du foyer ne sont pas mentionnés au sein d’une liste. La raison est tacite mais tout à
fait simple : le foyer familial prend la forme d’une société créée de fait, c’est pourquoi il ne
faut s’intéresser qu’au capital de cette société, qui est formé par les biens communs du foyer.
Ces biens sont donc clairement déterminés.
363. - Quoi qu’il en soit, le bien commun le plus considérable dans la plupart des
foyers familiaux vietnamiens est le logement. Ce dernier est, dans certains cas, un "cadeau" de
succession ou de donation offert par la famille d’origine de l’un des époux, afin de favoriser la
construction d’une nouvelle famille par le jeune couple ; il est, dans d’autres cas, le fruit du
travail de tous les membres de la famille pendant assez longtemps. Devant le besoin et la
nécessité d’un local d’habitation commun où se passe la vie familiale, ainsi que des difficultés
pour en avoir un, les habitants prennent toujours le souci d’acquérir et de consolider leur
maison, par des fonds et moyens possibles. C’est pourquoi, les biens communs du foyer
familial contiennent presque toujours le logement de la famille.
Quel est alors le rapport entre le logement familial, un bien tout d’abord servant
l’habitation - un fait proprement civil, et le statut des biens communs du foyer familial, qui
201
participent aux champs des activités commerciales et productives ? La liaison de ces deux
entités est de plus en plus renforcée par le développement dynamique du marché : le logement
familial est un bien de grande valeur, pour l’usage ainsi que pour le transfert ; il est donc un
fonds important du foyer familial à la rentrée de celui-ci au commerce. La concurrence entre
les occasions d’enrichissement et la nécessité de conserver le logement familial devant les
risques du marché fait naître alors des discussions au sein de la famille, et inévitablement, des
questions à l’autorité judiciaire. Tenant compte de la présente situation, le législateur
vietnamien a essayé d’établir un cadre juridique le plus protecteur possible, mais c’est à cet
effort que naissent de nouvelles complexités dans la vie patrimoniale de la famille.
Précisément, il existe une contradiction (A) et une omission (B).
A. La contradiction
364. - Avant d’examiner le Code civil vietnamien de 2005 au sujet des biens communs
du foyer familial, il est nécessaire d’avoir un bref exposé historique en traitant la version de
1995 du présent Code.
En effet, dans ce texte, en ce qui concerne le foyer familial, il n’existait que quatre
articles dont les contenus étaient : la définition du foyer familial (article 116), le représentant
du foyer familial (article 117), la détermination des biens commun du foyer familial (article
118) et la responsabilité civile du foyer familial (article 119)390. C’était donc seulement un
390 Extrait du Code civil vietnamien de 1995 : « Article 116. Foyer familial 1. Les foyers familiaux dont les membres ont en commun des biens pour l’exercice en commun d’activités économiques dans les domaines de l’exploitation des terres, de la production agricole, sylvicole et aquacole ou dans certains autres domaines de production et de commerce prévus par la loi sont sujets de droit dans l’exercice de ces activités. 2. Les foyers familiaux auxquels sont confiés des fonds de terre destinés à l’habitation sont également sujets de droit dans les rapports civils relatifs à ces fonds de terre. Article 117. Représentant du foyer familial 1. Le chef du foyer familial représente celui-ci dans les actes civils conclus dans l’intérêt commun du foyer. Le père, la mère ou tout autre membre majeur peut être chef du foyer. Le chef du foyer peut déléguer à un autre membre majeur la représentation du foyer dans les rapports civils. 2. Les actes civils conclus et exécutés dans l’intérêt commun du foyer par son représentant créent des droits et des obligations pour l’ensemble du foyer. Article 118. Biens communs du foyer familial Les biens communs du foyer familial comprennent les biens acquis en résultat du travail commun des membres du foyer, les biens donnés au foyer tout entier et tous autres biens que les membres conviennent de considérer comme des biens communs. Le droit d’usage légal des fonds de terre du foyer familial est également considéré comme un bien commun du foyer. Article 119. Responsabilité civile du foyer familial 1. Le foyer familial est civilement responsable de l’exercice des droits et des obligations civils contractés et exécutés par son représentant au nom du foyer familial.
202
cadre juridique dans un état statique, se composant des règles déterminant la copropriété du
foyer familial, tandis qu’il n’y avait aucune règle sur l’exercice de ce droit de propriété. Il
était impossible de savoir par quel principe les membres du foyer familial disposaient de ses
biens communs, ou d’une manière plus proche de la pratique, comment la présente société
familiale créée de fait utilisait ses fonds à fin d’investissement.
Ainsi, l’idée d’une société créée de fait portant la dénomination de « foyer familial »
était, à ce moment-là, incomplète. Le législateur a permis la naissance juridique de cette
société, mais ne lui a pas octroyé le mécanisme de fonctionnement. Elle fonctionnait quand
même, de fait, selon la coutume et d’autres règles juridiques concernées, et globalement,
d’une façon très effective.
Cette situation de la législation peut s’expliquer d’abord par une négligence législative
éventuelle. Le Code civil de 1995 était la première codification du droit civil vietnamien
contemporain ; le foyer familial, lui aussi, a été officiellement institué à la première fois
comme sujet de droit dans le système juridique. Pour un grand texte de base comme le Code
civil, il était difficile d’éviter certaines omissions... En fait, cette erreur technique prendrait
l’origine du contexte social. En 1995, l’économie vietnamienne était totalement moins animée
que celle de dix années plus tard. À ce moment-là, plusieurs problématiques juridiques n’ont
pas été prévues en détail.
365. - C’est pour cet inconvénient, ainsi qu’un grand nombre d’autres, que le Code
civil vietnamien a une nouvelle version seulement dix ans après sa naissance.
Le Code civil de 2005 apporte un outil juridique tout à fait à temps à la disposition des
biens communs du foyer familial. À part quatre articles comme ceux du Code civil de 1995, il
y a encore, dans le nouveau Code, l’article 109 :
« La possession, l’usage, la disposition des biens communs du foyer familial
1. Les membres du foyer familial possèdent et utilisent des biens communs du foyer
selon de mode conventionnel.
2. Le foyer familial est civilement responsable sur ses biens communs; si ces biens sont insuffisants pour répondre des obligations communes du foyer, les membres du foyer familial sont civilement et solidairement responsables sur leurs biens personnels ».
203
2. La disposition des biens constituant moyens de production, des biens communs de
grande valeur du foyer familial nécessite le consentement des membres âgés de plus de quinze
ans ; la disposition des autres biens communs nécessite le consentement de la majorité des
membres âgés de plus de quinze ans ».
En ce qui concerne le logement de la famille, le principe paraît clair : il est, au moins,
un bien commun de grande valeur391, les décisions concernant son sort juridique doivent
acquérir le consentement des membres âgés de plus de quinze ans (ci-après dénommé membre
capable) du foyer familial. S’il y a un désaccord présenté par un membre capable sur l’acte en
cause, celui-ci ne sera pas validé. Ainsi, chaque membre capable du foyer familial a un droit
de veto en vue de protéger le logement familial. Chaque membre capable est titulaire de ce
droit et l’exerce en tant que copropriétaire d’un bien indivis. Pour que le logement - bien
indivis du foyer familial soit disposé, il faut que tous ses copropriétaires capables y mettent
leur consentement. Ce principe, dans sa nature, est celui du droit commun ; il est
compréhensible et indiscutable.
366. - Pourtant, dans le mécanisme légal de la prise de décision au sein de foyer
familial, il existe une contradiction entre le principe précité et la compétence du représentant
légal du foyer, lorsque les biens communs du foyer ne sont pas mis en jeu directement dans
un acte d’espèce392, mais ils doivent être affectés à l’exécution des obligations contractuelles
qui en résultent.
En effet, les mots simples du nouvel article 109 posent des questions sur la valeur des
articles 107 et 110, dont les contenus sont toujours maintenus depuis le Code civil de 1995.
Selon l’article 107, « le chef du foyer familial représente celui-ci dans les actes civils conclus
dans l’intérêt commun du foyer », et « les actes civils conclus et exécutés dans l’intérêt
commun du foyer par son représentant créent des droits et des obligations pour l’ensemble du
foyer ». L’article 110 réaffirme que « le foyer familial est civilement responsable de l’exercice
des droits et des obligations civils contractés et exécutés par son représentant au nom du
foyer familial » et que "le foyer familial est civilement responsable sur ses biens communs...".
Le critère unique permettant au représentant du foyer familial de conclure un acte au nom de
celui-ci, c’est « l’intérêt commun du foyer », un contenu tout à fait abstrait.
391 Cf. supra, n° 143. 392 Au Vietnam, il y a un acte courant de ce genre, c’est le prêt d’une grosse somme d’argent. Les parties le concluent par voie orale ou par un simple écrit et ne prennent pas des mesures de garantie comme gage ou hypothèque.
204
Devant la pression des occasions d’enrichissement dans le marché ainsi que les
disponibilités différentes des membres du foyer, le représentant du foyer familial ne peut pas à
chaque fois réunir tous les membres capables, pour présenter des avantages de la conclusion
de l’acte visé et en demander leur consentement. De plus, pratiquement, il est clair que le
représentant du foyer familial vietnamien n’a pas l’habitude de faire une telle réunion parce
que : d’abord, le représentant du foyer familial est souvent le chef de la famille au sens strict
du terme393, il ne trouve donc pas la nécessité de demander l’avis de ses subordonnés pour ce
qu’il veut faire ; ensuite, il justifie lui-même la conclusion de l’acte par l’intérêt commun de
son foyer, il croit qu’il va faire une bonne affaire pour sa famille.
367. - En somme, dans un grand nombre de cas, le représentant du foyer familial
décide tout seul de conclure un acte au nom et pour l’intérêt du foyer. Il engage ainsi
légitimement tout le foyer avec ses biens indivis, dont le logement familial. Mais si un autre
membre capable du foyer familial n’y consentit pas, qu’est-ce qu’il peut faire pour faire
valider son désaccord ? La loi reste silencieuse à ce point. Puisque l’article 107 du Code civil
octroie au représentant légal du foyer familial une représentation permanente de celui-ci, tout
autre membre du foyer n’a pas de moyens à contester l’acte conclu par le représentant au nom
et pour l’intérêt du foyer. La raison est toute simple : puisque les biens communs de grande
valeur ne sont pas mentionnés dans l’acte, leur sort n’est donc pas directement mis en cause.
Et puis, si l’affaire démarrée par l’acte aboutit à une défaite, le logement familial, comme tout
autre bien du foyer, peut tomber dans la saisie des créanciers du foyer. Pour ou contre, à ce
moment-là, les membres du foyer familial doivent laisser leur local d’habitation à la
disposition des créanciers pour exécuter les obligations contractuelles du foyer. La règle sur le
consentement de disposer des biens communs de grande valeur n’est plus valable dans ce
contexte. Ainsi, les règles portant sur la représentation du foyer se trouvent en contradiction,
même en négation contre celles instituant la disposition collective des biens communs du
foyer. À ce point, il est possible de voir la position juridique tout à fait fragile du logement
familial au sein des familles de plus en plus pressées par des activités économiques multiples
dans la société vietnamienne actuelle.
368. - L’erreur technique précitée prend son origine dans la négligence regrettable du
législateur concernant la nature du foyer familial. Cette institution, avec ses activités
commerciales et productives, fonctionne comme une société, mais ce n’est qu’une société
393 Article 107 du Code civil : "Le père, la mère ou tout autre membre majeur peut être chef du foyer".
205
créée de fait, née au sein de la famille. Ce n’est pas une vraie société au sens strict du
terme394. Ce statut particulier du foyer familial a des effets importants sur le fonctionnement
de celui-ci. Une vraie société est reconnue d’abord par son organisation stricte, soumise aux
règlements de fonctionnement concrets, dont le processus rigoureux de la prise de la décision
par le représentant légal. Le foyer familial, par contre, n’est reconnu comme un sujet juridique
qu’à travers ses activités de fait, il n’a pas une structure et des règlements fixes, mais il suit
des règles de comportement familial. Les membres capables du foyer familial, dans plusieurs
cas, doivent accepter l’acte conclu par le représentant du foyer non pas parce que cette
personne a des compétences légales de représentation, mais simplement parce que c’est leur
père ou mère ! En octroyant une règle de représentation trop sommaire à l’institution de foyer
familial, le législateur n’a pas fait suffisamment attention aux particularités familiales de
celui-ci, la loi ne peut donc pas limiter des influences négatives causées par une seule
personne sur sa famille. Par ailleurs, le législateur n’a pas bien retenu que pendant
l’investissement des fonds du foyer familial à une activité économique, c’était la vie d’une
famille qui a été mise en jeu. Une fois que l’investissement tombe en échec, ce sont des biens
de grande valeur du foyer, dont le logement familial, qui sont touchés. Une réparation en
dommages et intérêts par le représentant du foyer, comme celle au sein d’une vraie société,
n’est pas possible, puisque ce n’est qu’une famille avec ses membres, dont les biens
personnels ne sont pas séparés des biens "sociaux". La responsabilité civile de ces personnes
au plan patrimonial est illimitée, elles doivent subir conjointement la perte avec tous leurs
biens existants, même s’il s’agit de leur unique local d’habitation.
B. L’omission
369. - Le principe de disposition des biens communs de grande valeur du foyer
familial est construit par l’article 109, alinéa 2 du Code civil de 2005 :
« La disposition des biens constituant moyens de production, des biens communs de
grande valeur du foyer familial nécessite le consentement des membres âgés de plus de quinze
ans ; la disposition des autres biens communs nécessite le consentement de la majorité des
membres âgés de plus de quinze ans ».
Au point de vue technique, cette règle contient une interdiction. La disposition des
biens communs importants du foyer familial ne pourra pas se passer, sauf si elle est
394 Nous l’insistons.
206
homologuée par le consentement de tous les membres capable du foyer. Ce principe se
montrerait tout à fait utile en cas de logement familial, un bien immobilier enregistré dont les
noms des copropriétaires figurent, théoriquement, dans le titre de propriété395. Dans un acte de
disposition affectant ce bien, le consentement de tous les copropriétaires est obligatoire pour
la légalisation de l’acte. Pourtant, malheureusement, ce n’est qu’une valeur théorique dans
plusieurs cas, à cause d’un système imparfait de l’enregistrement du droit de propriété (1), en
l’absence d’une voie judiciaire qui garantisse le droit de veto des membres de la famille (2).
1 - La défaite du principe de consentement devant la complexité des titres de
propriété du logement familial
370. - Pour les tiers, l’information du statut juridique du logement familial en cause est
le plus efficacement faite par un titre de propriété mentionnant expressément que le logement
familial appartient en commun au foyer familial, et que ce foyer familial se compose de telle
ou telle personne physique. Dans ce cas-là, avec une connaissance suffisante sur le bien
faisant objet de l’acte, les tiers effectueront des formalités légales correspondantes. La
sécurité juridique de l’acte et les intérêts de toute personne concernée seront garantis.
Au Vietnam, en pratique, pour un grand nombre de cas, le titre de propriété du
logement familial, ou plutôt ceux des locaux d’habitation en général, sont absents dans les
actes civils les affectant, parce que le foyer familial n’a pas de titre de propriété délivré par
l’État. Le foyer familial, représenté par le chef du foyer, transfère ou met en hypothèque son
logement commun sans titre de propriété. Les autorités compétentes, se trouvant devant une
telle situation, ne peuvent pas décider simplement la nullité de l’acte au motif de l’absence de
titre de propriété, car le défaut d’un bon titre de propriété lui-même n’est pas la faute
exclusive des habitants, mais prend son origine également dans l’actualité juridique.
371. - En effet, d’abord, selon la loi sur les locaux d’habitation, le titre de propriété du
local d’habitation396 n’est pas obligatoire pour le propriétaire397. De toute façon, quand un
395 L’article 12, alinéa 3 et 4 de la loi n° 56/2005/QH11 du 29 novembre 2005 sur les locaux d’habitation : « Pour le local d’habitation appartenant à la copropriété indivise, le titre de propriété inscrit le nom de celui qui est désigné par l’accord commun de tous les copropriétaires, les noms de tous ceux-ci seront inscrits à défaut d’un tel accord ; lorsque le local d’habitation appartient à la copropriété des époux, le titre de propriété inscrit les noms de tous les deux, mais si l’un des deux n’a pas le droit d’acquérir les locaux d’habitation au Vietnam conformément aux dispositions légales, le titre de propriété n’inscrit que le nom de celui qui en a le droit. Pour le local d’habitation appartenant à la copropriété par quote-part, un titre de propriété distinct, qui inscrit le nom et la quote-part de chacun des copropriétaires, lui est délivré ». 396 Ce titre est surnommé « cahier rosé », délivré par le Ministère de la Génie civile
207
foyer familial veut construire une maison, il doit demander le permis de construction à
l’autorité administrative compétente, et quand la construction s’achève, toute la famille habite
la maison et les tiers ne peuvent pas mettre en question la propriété de ce foyer. Les habitants
ne demandent donc pas le titre de propriété, car ils le trouvent non pas immédiatement
nécessaire, et de plus, une telle demande n’est pas simple et gratuite : il faut payer des frais de
délivrance du titre, il faut préparer des documents attestés par l’autorité locale, il faut du
temps pour aller à l’autorité compétente de délivrance et puis attendre, etc. Ensuite, même si
un foyer familial demande la délivrance du titre de propriété pour son logement commun, le
titre ne sera pas automatiquement délivré, mais l’autorité compétente va examiner des
conditions légales398 de la délivrance. La demande du foyer familial se trouvera sans réponse
positive lorsque le logement en cause est dans une interdiction de la loi, il a été construit sans
permis de construction par exemple399. Enfin, lorsque le foyer familial possède un titre de
propriété de son logement commun, ce document ne mentionne que le bien immobilier
appartenant au foyer un tel, dont le(s) chef(s) du foyer est (sont) madame, monsieur un tel ;
les membres de ce foyer, capables et incapables, ne figurent pas tous sur le titre de propriété.
372. - En somme, le transfert du local d’habitation du foyer familial se passe en
pratique entre le chef du foyer et les tiers. Ces derniers contractent avec le chef du foyer dans
la conviction que c’est le représentant légal du foyer, qui peut disposer légitimement de ce
bien immobilier. Les tiers ne demandent pas si cet acte de disposition a acquis le
consentement des membres capables du foyer, et dans plusieurs cas, ils ne connaissent pas
que cet acte est passé sans ledit consentement. Le chef du foyer, quant à lui, se comporte dans
397 L’article 9, alinéa 1er de la loi sur les locaux d’habitation : « Le propriétaire des locaux d’habitation est l’organisation, l’individu qui les créé légitimement ; à la demande du propriétaire, l’organe d’État compétent lui délivre le titre de propriété ». 398 L’article 9, alinéa 2 de la loi sur les locaux d’habitation : « Ayant le droit d’acquérir les locaux d’habitation au Vietnam : a) L’organisation, l’individu de nationalité vietnamienne, sans distinction du lieu d’immatriculation ou de domicile ; b) L’individu d’origine vietnamienne résidant à l’étranger conformément aux dispositions de l’article 126 de la présente loi ; c) L’organisation, l’individu de nationalité étrangère selon les dispositions de l’article 125, alinéa 1er de la présente loi ». L’article 10 de la même loi : « L’organisation, l’individu satisfaisant aux conditions suivantes se voient délivrer le titre de propriété des locaux d’habitation : 1. Les sujets mentionnés à l’article 9, alinéa 2 de la présente loi ; 2. Ils acquièrent légitimement les locaux d’habitation au moyen de construction, d’achat, de donation, de succession, d’échange et d’autres moyens conformes aux dispositions légales ». 399 Il faut encore du temps et plusieurs mesures juridiques et sociales pour que les habitants vietnamiens aient l’habitude de demander un permis de construction avant de construire leur local d’habitation. À l’heure actuelle, ils n’obéissent pas correctement cette formalité obligatoire soit parce qu’ils ne la connaissent pas, soit parce qu’ils ne la veulent pas.
208
l’acte comme si le logement familial lui appartient en propre. Juridiquement, c’est un
comportement interdit, mais socialement, le chef du foyer a des fondements pour ses
comportements trop indépendants : il est l’acteur important, même le plus important dans
l’établissement des biens du foyer ; il ne va pas, par exemple, demander l’avis de son enfant
âgé seulement de seize ans pour la vente du logement familial.
Même si l’acte de disposition affectant le logement commun du foyer familial a été
passé sans le consentement légal des membres capables du foyer familial, il ne serait pas
frappé de nullité, à cause encore d’une lacune fondamentale dans le régime juridique du foyer
familial.
2 - La défaite du principe de consentement à cause de l’absence d’une voie
judiciaire
373. - L’article 109, alinéa 2 du Code civil construit le principe de consentement des
membres capables du foyer familial, mais il n’en crée aucune garantie. Devant un acte de
disposition affectant le logement de la famille passé sans leur consentement, les membres
capables ne savent pas à quelle mesure juridique ils peuvent recourir pour valider son droit de
veto légal. Dans tous les cinq articles portant sur le foyer familial du Code civil, il est
impossible de trouver un terme mentionnant une garantie quelconque, administrative ou
judiciaire, du droit de veto des membres capables du foyer. Or, c’est le cadre d’organisation
interne unique du foyer familial dans tout le système juridique vietnamien400.
374. - À ce point, il est raisonnable de se douter de la valeur pratique du principe de
consentement institué par l’article 109, alinéa 2. Une interdiction sans support légal ne crée
qu’une certaine orientation pour les comportements des habitants concernés, mais elle fera
naître de vives discussions au sein de la famille, le lieu où les contentieux divers sont déjà,
malheureusement, toujours abondants !
Il reste, pour les autorités judiciaires, la question sur une solution raisonnable si une
plainte contre l’acte en cause est portée devant elles. Les tribunaux peuvent-ils reprocher à
cette demande une fin de non recevoir, puisque le Code civil et tout autre normatif n’octroient
400 Les dispositions légales sur le foyer familial semblent être abandonnées par l’autorité réglementaire. En effet, il n’y a toujours aucun texte d’application pour ces règles, tandis que les dispositions de la loi sur le mariage et la famille sur le rapport patrimonial entre époux, entre parents et enfants sont, comme nous avons vu au Titre I supra, interprétées par plusieurs textes d’application.
209
pas expressément à cette plainte la voie juridictionnelle ? Une telle décision sera inacceptable
dans la protection des intérêts légitimes des intéressés. Pour l’enrôlement de ce recours, il est
possible de penser à l’application par analogie des textes régissant le rapport patrimonial entre
époux, dont la loi sur le mariage et la famille et ses textes d’application. Pourtant, dans cette
voie, il y aura un mélange des régimes entre la vie proprement familiale dans la loi sur le
mariage et la famille, et la vie commerciale et productive de fait du foyer familial dans le
Code civil.
Cette situation exige des réflexions sur les notions et régimes en droit de la famille
vietnamien401.
§2 : L’absence de la protection du logement familial étant un bien propre de l’un
des membres du foyer
375. – D’un point de vue formel, le logement familial étant un bien personnel de l’un
des membres du foyer n’a pas de rapport avec le régime patrimonial du foyer. En soulignant
le statut de bien personnel du local d’habitation en cause, le propriétaire peut le séparer de
toute activité commerciale et productive du foyer. Il peut ainsi assurer un abri de toute la
famille au mépris des risques du marché auquel participe le foyer familial, dont il est un
membre.
Néanmoins, la situation n’est pas si simple que cela. L’article 110, alinéa 2 du Code
civile dispose : "Le foyer familial est civilement responsable sur ses biens communs ; si ces
biens sont insuffisants pour répondre des obligations communes du foyer, les membres du
foyer familial sont civilement et solidairement responsables sur leurs biens personnels". La
conclusion de l’acte civil engageant la responsabilité du foyer familial dépend
considérablement du comportement du représentant du foyer, la vraie volonté des membres
capables du foyer peut être négligée402. Par conséquent, lorsqu’une obligation du foyer
familial arrive à son terme d’exécution et que les biens communs du foyer ne sont pas
suffisants à y répondre, le propriétaire du logement familial risque de perdre son bien et la
famille risque de perdre son local d’habitation puisque : au point de vue légal, le propriétaire
doit mettre son bien propre à la saisie des créanciers du foyer selon la règle de solidarité; sous
l’aspect moral, le propriétaire doit présenter son entraide personnelle à sa famille en difficulté.
401 Cf. infra, n°378. 402 Cf. supra, nos 366, 372.
210
376. - Étant conscient des risques permanents des activités commerciales et
productives menées par le foyer familial, le législateur a fait des efforts pour déterminer et
séparer des biens à fin de commerce et des biens à fin de consommation au sein d’une même
famille. L’idée initiale, c’est que le foyer familial - la société créée de fait, ne fonctionne qu’à
la base de ses "capitaux", qui sont des biens que ses membres mettent en commun ; le foyer
familial suit son chemin économique en distinction avec la vie civile quotidienne de la
famille, où le logement familial est un élément de base.
Pourtant, cette idée ne peut pas aller jusqu’à l’absolu : elle prend ses limites à la
protection des intérêts des tiers de bonne foi. Les membres du foyer familial sont alors
solidairement responsables des dettes contractées au nom du foyer, par leurs biens personnels,
même s’il s’agit du local d’habitation unique et indispensable de la famille. Dans le souci de
garantir la sécurité des actes civils, celle qui est obligatoire pour un marché sain, et de
balancer tous les intérêts en jeu, le législateur n’a pas d’autres choix.
Cette situation, après tout, relève du statut encore flou du foyer familial dans le
système juridique vietnamien. Il y faut des réflexions.
§3 : Quelques réflexions sur le foyer familial en rapport avec le logement de la
famille
377. - La première réflexion porte sur l’existence du foyer familial lui-même en
qualité de sujet de droit. Cette institution est vraiment une particularité du droit vietnamien,
dont la naissance est poussée, comme le montrent les analyses ci-dessus403, par
l’encouragement de l’État envers des activités économiques familiales, celles qui constituent
une valeur traditionnelle et actuelle au Vietnam. Pourtant, il y en a des questions : Est-il
vraiment nécessaire et raisonnable de favoriser l’économie familiale par l’institution du foyer
familial dans le Code civil et plusieurs autres textes ? Est-ce qu’un cadre juridique dont les
sujets de droit ne sont que la personne physique et la personne morale, qui est expressément
présenté par les règles du droit civil et du droit des sociétés, est suffisant pour les activités
économiques diverses en réalité ?
Pour une réponse justifiée, il faut constater que l’économie familiale se présente non
seulement au Vietnam, mais partout dans le monde. En France, par exemple, les
403 Cf. supra, nos 347 - 349, 352 - 354.
211
professionnels de droit ont également de grandes discussions et essais de réglementation sur
celle-ci 404; ils ont même traité un cadre d’entreprise conjugale et l’ont inséré dans des débats
parlementaires405.
D’un point de vue général, le législateur et le juge sont toujours dans la recherche des
institutions et mesures juridiques pour encadrer, orienter et pousser les activités économiques
menées au sein de la famille, en assurant les conditions de vie indispensables, telles que le
logement, en faveur aussi de la famille.
En examinant la situation sociale à l’heure actuelle au Vietnam, il convient d’affirmer
que le foyer familial, en pratique, n’est pas lui-même un problème ; il est, par contre, une
institution économique importante, avec des contributions considérables à l’économie
nationale ainsi qu’à l’amélioration du niveau de vie des habitants. Certaines études
sociologiques montrent que : « Lorsque la plupart des familles vietnamiennes sont encore des
entités de production de base qui poursuivent l’économie de foyer familial, principalement
dans des régions rurales et montagneuses, avec la vie bien pauvre, l’État doit avoir de bonnes
politiques économiques afin de favoriser le développement de l’économie de foyer
familial406 ». Le foyer familial - sujet de droit dans le Code civil est un avancement de la
réglementation juridique dans ce domaine. Il est raisonnable de maintenir sa présence dans le
système juridique, mais il faut lui octroyer une organisation interne suffisamment effective
devant les besoins, tous pressants, du développement économique et de la conservation de la
vie familiale. C’est à ce point que l’on doit avoir des réflexions techniques.
378. - Ainsi, les vides juridiques de l’organisation actuelle du foyer familial, qui sont
analysés ci-dessus, doivent être comblés. Il faut donc une voie judiciaire pour garantir le
principe de consentement sur la disposition des biens communs de grande valeur, il faut
souligner la responsabilité du représentant du foyer dans la conclusion des actes au nom du
foyer, etc. Ces mesures peuvent être prises en court terme par des textes d’application du
Code civil.
De long terme, il est nécessaire d’avoir des études et débats juridiques sur la nature du
foyer familial, en vue de lui apporter des règles d’organisation et de fonctionnement
404 L. GIRAUD, Contribution à l’étude du statut des conjoints de commerçants et d’artisans travaillant dans l’entreprise familiale, 2 T., ANRT 1999. 405 A. KARM, L’entreprise conjugale, préface de P. CATALA, Coll. Doctorat & Notariat, Defrénois 2004. 406 LE Thi, op. cit., p. 134.
212
effectives. À l’heure actuelle, le foyer familial est une société créée de fait sans
enregistrement au cahier des sociétés, et ses membres doivent subir conjointement une
responsabilité illimitée sur des dettes "sociales". Dans ce contexte, le foyer familial ressemble
à l’entreprise individuelle, où le chef d’entreprise a également une responsabilité illimitée sur
les dettes de son entreprise. Pour résoudre des difficultés patrimoniales au sein du foyer
familial, il faut tout d’abord protéger la vie familiale de base, dont le logement commun, en ne
mélangeant pas des biens indispensables de base avec des biens de fin commerciale. Il est
possible d’y parvenir par deux voies obligatoirement parallèles. Philosophiquement, il faut
prendre toujours la conscience sur la place particulièrement importante du logement familial
et renforcer le principe intouchable de consentement des membres capables du foyer sur les
grands actes. Techniquement, il faut la modification peu à peu de toute règle juridique
concernée, qu’elles soient du droit administratif ou du droit civil, car le Code civil ne peut pas
englober toutes les questions du foyer familial, mais il n’est effectif qu’avec le concours des
autres textes normatifs tels que la loi foncière, de la loi sur les locaux d’habitation, etc.
379. - Ainsi, il convient d’établir un statut juridique du foyer familial dans lequel le
Code civil prend en charge de grands principes, en mettant en évidence le caractère de
"société" du foyer familial ; d’autres lois spécialisées traiteront les éléments précis. Puisque
derrière le foyer familial il y a la vie familiale, il faut des réserves en faveur des conditions de
vie essentielles, dont le logement de la famille, contre les risques éventuels du marché.
Un tel statut du foyer familial fera partie du statut juridique propre du logement de la
famille.
* * *
213
CONCLUSION DU CHAPITRE : 380. - Le foyer familial est une particularité du
droit civil vietnamien. Institué comme un sujet de droit dans des rapports productifs et
commerciaux, le foyer familial prend la forme d’une société créée de fait par les membres
d’une famille. Le législateur a pourtant omis de traiter radicalement les rapports internes, de
nature purement familiale, entre ces personnes, dont leurs droits et obligations concernant le
bien le plus considérable de la famille, qui est le logement. La présence de la réglementation
juridique actuelle sur les rapports internes du foyer familial pose également des questions sur
le champ d’application des règles diverses qui régissent le droit au logement des membres de
la famille.
C’est à ce point que les dispositions légales sur le foyer familial nécessitent des
modifications en vue d’une conformité avec d’autres règles du droit de la famille vietnamien.
214
CONCLUSION DU TITRE : 381. - Au Vietnam, avec le développement socio-
économique positif ces dernières années, les structures et fonctions de la famille évoluent. La
question du logement familial, dans le rapport entre parents et enfants ou celui entre membres
du foyer familial, doit être traitée dans la façon qui favorise l’insertion sociale de chacun et
mais qui consolide également l’attachement familial.
Pour atteindre ce grand but, il faut des règles juridiques plus précises sur les droits et
obligations de chacun envers le local d’habitation commun, surtout les limites légales qui
visent la conservation de ce bien au profit de toute la famille. Ainsi, en cette matière, les
dispositions de généralité dans des textes normatifs en vigueur nécessitent d’abord une mise
en application souple par le juge, et ensuite, les modifications et compléments des textes
normatifs sont attendus.
215
CONCLUSION DE LA PREMIÈRE PARTIE : 382. - La famille est le lieu où il y
a une pluralité des attachements entre les deux membres du couple, entre parents et enfants,
etc. Le législateur vietnamien souligne toujours cet attachement familial, qui est une valeur
traditionnelle et qui doit être renforcé dans la société contemporaine. C’est pourquoi, le
logement familial, un bien particulièrement important, a bénéficié plus ou moins des
protections dans tous les rapports familiaux, en vue d’une vie continue paisible de la famille.
Il faut évidemment que ces mesures protectrices soient encore développées, avec une
meilleure technique législative, en vue de répondre aux exigences réelles de la société.
En effet, dans la construction d’un statut légal du logement familial, il est
indispensable d’avoir encore des avancements législatifs et judiciaires, dont les mesures
applicables pendant la vie normale de la famille seront tout à fait utiles lorsqu’une
perturbation, telle que le décès ou la séparation, sera survenue à celle-ci.
217
SECONDE PARTIE
LE LOGEMENT DE LA FAMILLE
LORS DES PERTURBATIONS DE L’UNION
383. - La famille est un groupe constitué des personnes physiques. Il s’agit de l’union
naturelle des hommes et des femmes, des parents et des enfants, des majeurs et des mineurs.
Sous l’aspect social, la famille est reconnue par la communauté humaine. Bien que son
existence et sa continuation stables restent un vœu juste de l’humanité, l’union familiale
connaît, malheureusement mais inévitablement, des perturbations.
Les perturbations de la famille ont pour cause, d’abord, un événement détestable mais
tout à fait évident, qui est le décès de l’un des membres de la famille. La mort, comme la
naissance, intervient dans la société, et les générations se succèdent ainsi. La famille peut
également connaître de grands changements dus à la volonté de ses membres : les gens
s’unissent nécessairement par entente, et puis, ils se sépareraient, un jour, par mésentente ou
pour une autre raison personnelle... Tous ces phénomènes, tout le monde comprend que,
simplement, c’est la vie !
En tant qu’un bien spécial qui s’attache strictement à la vie familiale, le logement de la
famille est mis en cause chaque fois qu’un nouveau fait y survient. À ce moment-là, le
traitement du logement familial doit tenir compte des droits et obligations des membres de la
famille et de toute autre personne concernée, dans les nouveaux contextes. Il convient
d’examiner cette problématique selon que la famille change involontairement à cause de la
disparition de l’un des membres du couple, qui fait démarrer la procédure de succession (Titre
I) ; ou volontairement avec toutes les procédures de séparation (Titre II).
219
TITRE I
LE CHANGEMENT INVOLONTAIRE : LE DÉCÈS
384. - Le décès est la rupture d’une vie humaine. Cette disparition pose
immédiatement la question, pour les proches survivants de la personne décédée, de succéder
tout ce qu’elle leur laisse, activement ou passivement. En même temps, chacun d’eux doit
arranger la continuation de son propre train de vie.
Le logement familial, par sa valeur considérable et son rôle indispensable pour la vie
des membres de la famille, occupe une place non négligeable, voire une position centrale,
dans ces histoires. Poursuivant la construction souhaitable d’un statut légal du logement de la
famille, il est possible de découvrir de différents problèmes et solutions selon qu’il s’agisse de
la procédure de succession au sein du mariage (Chapitre I), ou celle dans l’union libre
(Chapitre II).
221
CHAPITRE I
LE DÉCÈS DE L’UN DES ÉPOUX
385. - Avant d’entrer dans le détail de la problématique, il convient de souligner un
point de base, c’est que les droits du conjoint survivant font partie de la résolution de la
succession de l’époux prédécédé. En effet, chaque individu a son patrimoine, et à la suite de
son décès, toutes les autres personnes se trouvent devant ses biens successoraux, qui vont être
transférés, selon des cas, par sa volonté ou par les dispositions légales. Par sa volonté,
l’individu peut instituer toute personne comme son héritier407. Dans les dispositions légales,
ayant passé une longue histoire de discussions et de variétés, le conjoint survivant vietnamien
est aujourd’hui un héritier légal au premier rang de son époux prédécédé408. Ainsi, le droit au
logement du conjoint survivant est toujours traité dans la procédure de succession. Pourtant,
dans cette démarche, peuvent se présenter non seulement les intérêts successoraux, mais aussi
ceux de nature matrimoniale, grâce au rapport conjugal qui existait entre le conjoint survivant
et le défunt.
386. - Suite au décès de l’un des époux, une part importante du patrimoine familial,
qui appartient à la succession, sera partagée. Vu que le logement de la famille est presque
toujours concerné par ce partage, le conjoint survivant doit se poser immédiatement la
question s’il peut se maintenir encore dans ce local, lorsqu’il n’a pas, en réalité, plus de droits
successoraux que les autres héritiers de même rang. Étant souvent le plus proche du défunt,
jouant le rôle de l’un des fondateurs de la famille, le fait que le conjoint survivant peut
stabiliser sa vie après la disparition de son époux se montre raisonnable et important pour la
conservation des attachements au sein de la famille elle-même. C’est à ce point que la loi, en
espérant toujours des arrangements amiables entre intéressés, doit fournir des règles de base, 407 L’article 648, alinéa 1er du Code civil vietnamien dispose : « Le testateur a le droit de désigner ses héritiers testamentaires ». Partout dans le monde entier, le droit de l’individu de faire son testament est reconnu par les textes juridiques. Par exemple, l’article 893 Code civil français : « La libéralité est l'acte par lequel une personne dispose à titre gratuit de tout ou partie de ses biens ou de ses droits au profit d'une autre personne. Il ne peut être fait de libéralité que par donation entre vifs ou par testament ». 408 L’article 676, alinéa 1.a du Code civil vietnamien : « Les héritiers de premier rang sont le conjoint survivant, les parents biologiques et les parents adoptifs, les enfants légitimes, les enfants naturels et les enfants adoptifs du défunt ». En droit français, le conjoint survivant est également l’héritier légal de son époux prédécédé. L’article 756 du Code civil français dispose: « Le conjoint successible est appelé à la succession, soit seul, soit en concours avec les parents du défunt».
222
pour que les intérêts légitimes du conjoint survivant soient assurés à un minimum nécessaire.
Ces règles constituent en elles-mêmes une guide de comportement pour tout habitant dans la
société, elles montrent également la détermination du législateur dans le processus de
protection envers les valeurs familiales. Pour ces raisons, le traitement du droit au logement
du conjoint survivant contient une complexité juridique et sociale, qui mérite des réflexions
vers un statut légal du logement familial en droit vietnamien.
Pour examiner cette problématique, il est raisonnable de comprendre d’abord la
nécessité du droit au logement du conjoint survivant (Section I), puis d’étudier les
dispositions légales en cause et de présenter les suggestions en vue de leur perfectionnement
(Section II).
SECTION I : LA NÉCESSITÉ DU DROIT AU LOGEMENT DU CO NJOINT
SURVIVANT
387. - En droit vietnamien contemporain, le droit au logement du conjoint survivant
n’est pas encore expressément mentionné dans les travaux législatifs. Pourtant, à l’heure
actuelle, il semble convenable de penser à son statut légal, construit par les règles régissant le
partage successoral. En effet, il est possible de voir en ce droit subjectif souhaitable une
réponse à l’attente de la société (§1) et une contribution à la législation sur la famille (§2).
§1 : Le cadre de vie stabilisé du conjoint survivant et l’attachement consolidé entre
membres de la famille
388. - Face au décès de son époux, le conjoint survivant devient un héritier, avec des
droits successoraux précis. Néanmoins, avant toute question sur le partage de l’héritage en
concurrence avec d’autres héritiers, ce dont le conjoint survivant a besoin le plus, c’est la
continuation stable de sa vie quotidienne. Pour cette raison, les règles juridiques doivent
prendre en compte la possibilité de cette personne de se maintenir dans logement de la
famille, qu’elle occupe depuis toujours. Il sera raisonnable si le présent maintien dans les
lieux peut être reconnu comme un droit subjectif du conjoint survivant.
Autour de ce droit subjectif, la société vietnamienne a des points communs avec
d’autres pays dans le monde entier (A), mais elle contient également des particularités d’un
pays qui possède une culture millénaire, et qui est en voie de développement à l’heure actuelle
(B).
223
A. La généralité de la situation
389. - Le décès de l’un des deux époux est un grand changement de la famille. Il
constitue, en principe, la dissolution involontaire du mariage. La présente dissolution entraîne
la question concernant la place du conjoint survivant par rapport à la famille d’origine de la
personne décédée.
Il est vrai qu’au décès de son époux, le conjoint survivant doit faire face à plusieurs
risques matériels. Le mariage, l’unique rapport personnel qui lie cette personne juridiquement
et socialement à la famille d’origine du défunt, a été gravement réduit. Ceux qui restent, le cas
échéant, ce sont seulement des enfants communs nés de l’union conjugale qui vient d’être
dissolue. La remise en cause de la place spirituelle du conjoint survivant dans la famille peut
entraîner celle de son maintien dans le logement familial. C’est pourquoi, le droit au logement
du conjoint survivant est une question importante, sous plusieurs aspects, pour lui-même ainsi
que pour toute personne concernée. Il convient d’examiner le présent droit en rapport avec
l’humanité et la société (1), la moralité (2), et l’économie (3).
1 - L’humanité et la société
390. - Dans leur rapport mutuel, les époux s’accompagnent en passant les joies et les
tristesses, les gains et les pertes. Les époux s’attachent, font naître des enfants, construisent et
renforcent ensemble leur famille. C’est pourquoi, pour chacun, son conjoint est la personne la
plus proche, au plan émotionnel ainsi que matériel. À l’heure actuelle, plus la famille
nucléaire s’élargit dans la structure familiale de la société, plus le rôle du conjoint devient
important dans les rapports familiaux. Cela signifie également que pour les deux époux, avec
ce grand attachement, la vie de l’un dépend largement de celle de l’autre.
Le contexte contemporain de la famille montre que le décès de l’un des deux époux
constitue un désordre, spirituel mais aussi matériel, dans la vie de l’autre. Dans cette
perturbation familiale, le conjoint survivant se présente souvent comme le plus touché, car il
perd son compagnon de vie et il doit tout arranger pour lui-même ainsi que pour toute la
famille en cause. Aider le conjoint survivant de s’habituer à une nouvelle période de sa vie, ou
plus concrètement, de ne pas devoir faire face à des conditions de vie difficiles, c’est avant
224
tout une manifestation de l’humanité. En effet, celle-ci constitue, depuis toujours, une
préoccupation du législateur. La présente réalité est universelle à travers le monde entier409.
391. - Au plan social, la famille est, sans aucun doute, l’élément de base de la
société410. C’est pourquoi, le problème des personnes veuves411, un événement naturel de la
famille, est une grande question. Il convient de chercher des réponses à la présente question
au sein de la famille elle-même. Une solution raisonnable dans la recherche des aides et
supports pour les veufs, c’est de leur garantir leurs conditions de vie, qui sont déjà stabilisées
409 Il y en a plusieurs exemples : En droit suisse : Pendant la rédaction du Code civil, le législateur suisse « a eu le souci que la mort du de cujus, qui a déjà pour le conjoint ou le partenaire enregistré des conséquences pénibles sur le plan personnel, ne s’accompagne pas pour celui-ci d’une réduction excessive de ses ressources économiques ». Cf. P.- H STEINAUER, Le droit des successions, Stämpfli Editions SA Berne 2006, p.81. En droit français, on a remarqué que : « Le législateur s’est intéressé au logement du dernier vivant dès les années 1960, alors même que sa qualité d’héritier était loin d’être acquise. Ce n’est donc pas le titre de successible qui incite les pouvoirs publics à protéger le logement du veuf ou de la veuve mais la prise de conscience de leur faiblesse. L’époux survivant se trouve bien souvent dans un état de choc et n’est pas vraiment apte à se préoccuper de son habitat. Cette démarche législative est fondamentalement humaniste ». Cf. N. RANDOUX, La résidence principale, thèse Lille II 2008, n° 239, p. 285. Dans les commentaires portant sur les règles concernant le conjoint survivant de la loi n° 2001 - 1135 du 3 décembre 2001, il a été dit : « On voit bien ici que le droit moderne retrouve des préoccupations humaines de l’ancien droit et écarte une conception rigoureuse qu’imposait la vision absolutiste du droit de propriété telle que dégagée par les juristes des Lumières et consacrée par le Code de 1804. À l’approche de son bicentenaire, le Code civil devient de moins en moins le fameux Code des biens pour être de plus en plus le Code des personnes ». Cf. B. BEIGNIER, op. cit., n° 69, p. 28. En droit vietnamien, les conditions de la vie du conjoint survivant après le décès de son époux occupent toujours une place importante dans les règles régissant la dévolution successorale. Elles peuvent donc être assurées principalement par le droit d’usufruit dans la coutume et dans l’ancien droit, ou par une part successorale en pleine propriété dans le droit contemporain. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Một số suy nghĩ về thừa kế trong luật dân sự Việt Nam, Nhà xuất bản Trẻ thành phố Hồ Chí Minh 1999 (Certaines pensées sur la succession en droit civil vietnamien, Éditions de la Jeunesse de Ho Chi Minh - Ville 1999), p. 121-130, 142-147. 410 Au Vietnam, le préliminaire de la loi sur le mariage et la famille de 2000 affirme que: « La famille est une cellule de la société, le berceau dans lequel chacun est élevé, le lieu de formation et de développement de la personnalité, et contribue ainsi à l'œuvre de construction et de défense de la nation. La société ne fonctionne bien que si elle est composée de familles bien-fondées, plus la société fonctionne bien, plus la famille est heureuse ». En France, on a la même idée : « La famille est un groupe de personnes que réunit un ou plusieurs éléments, tels que fait biologique (la parenté), acte juridique (mariage, adoption) ou comportement social (concubinage). C’est, dans l’organisation de la vie sociale, le groupement fondamental ». Cf. P. COURBE, Droit de la famille, op. cit., p.1, n° 1. 411 Au Vietnam, en 2004, les personnes veuves occupaient 6,5% de la population de 15 ans ou plus ; cette proportion a légèrement baissé en 2005 à 6,4%, mais elle a rapidement augmenté en 2006 à 6,7%. De surcroît, les veuves étaient plus nombreuses que les veufs : en 2006, les veuves occupaient 11,1% de la population féminine de 15 ans ou plus, tandis que pour la même tranche d’âge, les veufs n’occupaient que 2% de la population masculine. Il faut préciser que dans la structure de la population vietnamienne, il y a toujours plus de femmes que des hommes : en 2006, dans la population au nombre total de 84.136.800 personnes, il y avait 42.801.100 femmes et 41.354.900 hommes. Source : Office générale de la population et de la planification familiale - Ministère de la Santé. http://gopfp.gov.vn/web/khach/solieu En France métropolitaine, au 1er juillet 2005, les personnes veuves occupaient 7,5% de la population de 15 an ou plus. Source : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) http://www.insee.fr/fr/ppp/bases-de-donnees/recensement/resultats/chiffres-cles/national/france-metropolitaine.pdf
225
au fil du temps, à travers des usages. En ce qui concerne le logement, il est raisonnable
d’établir un mécanisme qui permet au conjoint survivant de se maintenir pendant son
veuvage, d’une manière temporaire ou viagère, dans le local où il vivait en commun avec
toute la famille. En réalité, une personne vit le mieux dans le local auquel elle s’habitue déjà
au fil du temps.
La mort, de toute façon, est un phénomène naturel et courant de la société, car
personne n’y échappe. Les mesures en vue de soulager les conséquences de ce phénomène
social ont également une destination humaine, lorsqu’elles n’ajoutent pas à la perturbation
d’esprit de la personne qui est en train de faire face à la perte d’un être cher, des difficultés du
commencement d’une nouvelle vie matérielle. En revanche, elles devraient réduire le plus
possible des désordres. Venant répondre à une telle exigence de la société, le droit au
logement du conjoint survivant n’a pas d’autres buts que la recherche d’une vie agréable de
l’être humain.
2 - La moralité
392. - Sous l’aspect des bonnes moeurs, il est vrai que le droit au logement du conjoint
survivant a des contributions considérables, en tant qu’une mesure matérielle et réaliste, au
maintien des valeurs culturelles traditionnelles de la nation.
En premier lieu, il s’agit d’une contribution curative. En effet, afin de consolider les
belles traditions morales, il faut trouver des solutions efficaces aux rapports familiaux qui
contiennent souvent des contentieux. Par exemple, afin de protéger les personnes âgées et les
jeunes enfants contre leur vulnérabilité, il est indispensable de leur assurer des conditions de
vie stables, malgré une perturbation familiale telle que le décès de l’un des membres de leur
famille.
En second lieu, il s’agit d’une contribution préventive. En effet, la tragédie familiale,
qui est causée par les contentieux entre des membres survivants de la famille concernant la
succession, aura des effets négatifs sur la moralité sociale. Un ensemble des règles précises,
qui assure une liquidation successorale raisonnable, peut aider les intéressés à connaître
l’étendue des droits de chacun d’eux et à entretenir des relations paisibles pendant et après la
présente procédure de partage successoral.
226
En somme, les belles valeurs de la famille ne peuvent pas être garanties lorsque les
problèmes pécuniaires au sein de celle-ci sont mal résolus. La protection de la culture
familiale nécessite une base matérielle solide, qui doit être assurée par les règles juridiques.
C’est à ce point que se montre le rôle important et réaliste des règlements des questions
patrimoniales dans la famille, dont le droit au logement du conjoint survivant.
3 - L’économie
393. - Du côté économique, le logement commun de la famille occupe une part
importante du patrimoine familial. Le sort de ce local intéresse évidemment les héritiers ainsi
que toutes les autres personnes concernées. Pour le conjoint survivant, le logement est
important non seulement par sa valeur pécuniaire, mais aussi, voire principalement, par sa
valeur d’usage. Au Vietnam et ailleurs, à l’heure actuelle et encore dans l’avenir, le prix de
l’occupation d’un local d’habitation est assez élevé par rapport au niveau de vie d’une partie
majeure de la population. C’est pourquoi, le droit au logement est le souci du conjoint
survivant plus que jamais.
De surcroît, dans plusieurs cas, le logement apporte au conjoint survivant une valeur
particulière, car c’est autour de ce local que se passent ses activités quotidiennes ; ses centres
d’intérêt ou avantages professionnels peuvent également s’y attacher. Le droit du conjoint
survivant au logement dans ces cas lui permet la continuation de ses activités
professionnelles. L’effectivité de ces activités est non seulement son propre profit, puisqu’une
activité économique est toujours ouverte à un public quelconque.
À côté de ces caractéristiques générales, le droit vietnamien contient des particularités
remarquables.
B. La particularité du Vietnam en rapport avec des pays occidentaux
394. - Dans plusieurs pays européens, la question du droit au logement du conjoint
survivant s’est posée depuis de longues années. De plus en plus, avec des moyens divers, les
législations occidentales s’approchent l’une de l’autre dans la réponse affirmative de la
présente question. Autrement dit, le droit au logement du conjoint survivant a été construit
227
dans ces systèmes juridiques. C’est pourquoi, il est possible de voir dans la notion et le statut
du logement de la famille une valeur européenne412.
Au Vietnam, la législation civile en vigueur, dans toute son envergure, est récemment
construite en se basant sur les valeurs traditionnelles et sous l’influence des éléments
contemporains. À l’intérieur de ce système en grand mouvement413, le droit au logement du
conjoint survivant occupe une place spéciale. Une brève comparaison entre le droit
vietnamien et le droit français, en montrera une image.
Le Vietnam et la France n’ont pas la même pratique du droit au logement du conjoint
survivant. Les divergences entre deux systèmes relèvent des particularités culturelles, sociales
et juridiques de chaque pays. Il convient d’en examiner la dévolution successorale (1) et la
pratique de la vie familiale (2).
1 - La dévolution successorale
395. - Il faudrait examiner au préalable le modèle du droit de succession dans chaque
pays, qui reflète, sans aucun doute, la philosophie du législateur dans son travail de faire la
loi.
En droit français, il y un modèle « vertical » de la succession. Dans tous les cas, les
descendants du défunt ont toujours une place favorable : ils sont des héritiers réservataires414.
Le conjoint survivant n’a pas la même qualité : son droit de réserve n’est présent qu’en
l’absence de descendants du défunt415. Lors du décès de son époux, en rapport avec les
descendants et les père et mère de celui-ci, le conjoint survivant est considéré comme un 412 Il est possible de trouver plusieurs exemples en droit comparé : En France, la loi du 03 décembre 2001 a institué le droit au logement du conjoint survivant, dont le droit de jouissance temporaire et le droit d’habitation et d’usage viager. Au Luxembourg, le conjoint survivant a le droit d’usufruit viager sur le logement habité par les époux, à condition que l’immeuble ait appartenu en propriété au défunt en totalité ou en co-propriété avec le survivant. Cf. M. WATGEN, R.WATGEN, Successions et Donations, 3e éd., Éditions Promoculture 2006, p. 54. 413 En dix ans, de 1995 à 2005, le législateur vietnamien adopte les deux versions du Code civil. Les autres textes importants concernés, tels que la loi foncière, la loi sur le mariage et la famille, connaissent également de grandes modifications de court terme. 414 L’article 913, alinéa 1er du Code civil français : « Les libéralités, soit par actes entre vifs, soit par testament, ne pourront excéder la moitié des biens du disposant, s'il ne laisse à son décès qu'un enfant ; le tiers, s'il laisse deux enfants ; le quart, s'il en laisse trois ou un plus grand nombre ». Autrefois, l’ancien article 914 du Code civil français instituait également les ascendants du défunt comme héritiers réservataires. La loi n°2006-728 du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités, en abrogeant cet article, a retiré la qualité d’héritiers réservataires aux ascendants du défunt. 415 L’article 914-1 du Code civil français : « Les libéralités, par actes entre vifs ou par testament, ne pourront excéder les trois quarts des biens si, à défaut de descendant, le défunt laisse un conjoint survivant, non divorcé ».
228
étranger de la famille416. Si le défunt ne l’a pas privé des droits successoraux, sa part
successorale est formée en opposition avec celles de ces personnes. L’opposition se manifeste
par le fait que la part du conjoint survivant varie selon la présence ou l’absence de
descendants et de pères et mères417, ou à l’inverse418. Dans tous les cas, le conjoint survivant,
les descendants et ascendants du défunt ne reçoivent jamais les parts égales de la succession.
En droit vietnamien, le législateur a choisi un modèle « horizontal » pour le droit de
succession. Les parents, les enfants et le conjoint survivant du défunt ont la même place dans
l’ordre successoral : ils sont tous héritiers au premier rang419. De plus, les parents, les enfants
mineurs et enfants majeurs dans l’incapacité de travail, le conjoint survivant ont tous la
qualité d’héritier réservataire420. Une opposition entre le conjoint survivant et les autres
membres de la famille du défunt est réellement absente : à défaut de toute décision contraire
du défunt, ces personnes reçoivent les mêmes parts successorales, qui résultent d’un partage
par tête entre elles.
396. - Ainsi, se manifestent à ce point les idées différentes de l’étendue de la famille
au cours de la procédure de succession dans chaque système.
En France, il s’agit de la famille par le sang. La succession se montre clairement dans
le sens d’un transfert des biens entre des personnes qui se trouvent dans un rapport de filiation
verticale (légitime, naturelle ou adoptive). Le défunt vivait normalement en commun avec son
conjoint, mais selon l’esprit de la loi, il appartenait toujours à sa famille d’origine. Les biens
successoraux, d’une façon ou d’une autre, ont toujours vocation de rester dans la famille
d’origine du défunt. En effet, même au sein des dispositions portant sur « des droits du
416 En droit français, la place comme un étranger du conjoint survivant par rapport à la famille d’origine du défunt a une longue histoire. Il s’agit d’une pensée traditionnelle en France. Cf. J. HUGOT, J.-F. PILLEBOUT, Les droits du conjoint survivant, Coll. Carré Droit, 2e éd., LexisNexis Litec 2005, nos 3-13, p. 1-7. 417 Les articles 757, 757-1, 757-2 du Code civil français. 418 Section I, Chapitre III, Titre I, Livre III du Code civil français est intitulé: “Des droits des parents en l’absence de conjoint successible”. 419 Cf. l’article 676, alinéa 1.a du Code civil vietnamien précité, n° 385. 420 L’article 669 Code civil vietnamien : « Sauf si elles ont renoncé à la succession ou ont été déshéritées en application des dispositions de l’article 645 ou du paragraphe 1 de l’article 646 du présent code, les personnes suivantes bénéficient d’une part réservataire égale aux deux tiers de la part successorale prévue pour l’héritier légal en l’absence de testament, même dans le cas où le testateur ne les a gratifiées de rien ou seulement d’une part inférieure à la part réservataire: 1. Enfants mineurs, parents, conjoint du défunt; 2. Enfants majeurs du défunt qui sont dans l’incapacité de travailler ».
229
conjoint successible », le législateur présente le droit de retour légal421 et la créance
d’aliments422.
Au Vietnam, dans la procédure de succession, les mêmes acteurs se présentent : le
conjoint survivant, les descendants et les parents du défunt. Pourtant, est présumée dans les
dispositions légales une famille qui se base sur la combinaison du rapport de filiation et du
rapport de mariage. Toutes les personnes précitées ont donc des droits égaux dans la
dévolution successorale légale. Par ailleurs, le conjoint survivant occupe, en fait, une place
encore très respectueuse, puisque la réserve qui reste toujours avec lui, comme avec les
parents et les enfants mineurs ou majeurs mais dans l’impossibilité de travail, est exclue pour
les enfants majeurs dans la possibilité de travail. Il faut préciser, de surcroît, qu’il n’y pas de
dispositions semblables au retour légal et à la créance d’aliments en droit français.
La différence entre ces deux types de famille dans les deux systèmes juridiques fournit
une information importante : dans la procédure de la succession, le conjoint survivant
vietnamien est un membre de la famille du défunt423, tandis que le conjoint survivant français
n’a pas cette qualité, il en est considéré comme un étranger.
397. - La nécessité du droit au logement du conjoint survivant ne se trouve pas en
marge de ces situations juridiques. En France, ce droit peut être considéré comme une mesure
en vue de l’équivalence des intérêts entre le conjoint survivant et la famille par le sang du
défunt424. Au Vietnam, malgré la position théoriquement favorable du conjoint survivant, il
421 L’article 757-3 du Code civil français : « Par dérogation à l'article 757-2, en cas de prédécès des père et mère, les biens que le défunt avait reçus de ses ascendants par succession ou donation et qui se retrouvent en nature dans la succession sont, en l'absence de descendants, dévolus pour moitié aux frères et soeurs du défunt ou à leurs descendants, eux-mêmes descendants du ou des parents prédécédés à l'origine de la transmission ». 422 L’article 738 du Code civil français : « Lorsque le conjoint survivant recueille la totalité ou les trois quarts des biens, les ascendants du défunt, autres que les père et mère, qui sont dans le besoin bénéficient d'une créance d'aliments contre la succession du prédécédé. Le délai pour la réclamer est d'un an à partir du décès ou du moment à partir duquel les héritiers cessent d'acquitter les prestations qu'ils fournissaient auparavant aux ascendants. Le délai se prolonge, en cas d'indivision, jusqu'à l'achèvement du partage. La pension est prélevée sur l'hérédité. Elle est supportée par tous les héritiers et, en cas d'insuffisance, par tous les légataires particuliers, proportionnellement à leur émolument. Toutefois, si le défunt a expressément déclaré que tel legs sera acquitté de préférence aux autres, il sera fait application de l'article 927 ». 423 La présente disposition est considérée comme la continuation des règles morales traditionnelles au Vietnam. Depuis toujours, le conjoint survivant vietnamien est un membre de plein droit de la famille. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Les droits successoraux du conjoint survivant en droit vietnamien, op. cit., n° 467, p. 497 ; Certaines pensées sur la succession en droit civil vietnamien, op. cit., p. 123-124. 424 Le droit au logement du conjoint survivant lui apporte, en réalité, une place tout à fait respectueuse dans la succession : grâce à son droit au logement, le conjoint survivant devient « le maître de la succession ». Cf. S.
230
faut quand même chercher à comprendre si sa place juridique actuelle est matériellement
positive, lorsque ses droits successoraux ne sont pas toujours payés en nature. C’est à cette
question que la législation vietnamienne devrait répondre.
2 - La pratique de la vie familiale
398. - Sous l’aspect social, il y a encore des différences concernant le droit au
logement du conjoint survivant à travers les deux pays. Au Vietnam, il existe de différents
modes de cohabitation des membres de la famille (a), tandis qu’en France, le veuvage
nécessite des solutions juridiques efficaces (b).
a. Les modes de cohabitation au sein de la famille vietnamienne
399. - La cohabitation de la femme avec toute la famille du mari à la suite du mariage
constitue une valeur traditionnelle au Vietnam425. Cette tradition conserve encore sa force à
l’heure actuelle, surtout à la campagne. Sous un autre aspect, dans un grand nombre de cas, le
jeune couple cohabite avec les parents de l’un d’eux non pas sous l’influence traditionnelle,
mais en raison d’insuffisance des ressources426. Même s’ils ne veulent pas mener cette
cohabitation, ils doivent l’accepter tant qu’ils ne peuvent pas encore acquérir un logement
indépendant. Dans toutes ces situations, la cohabitation est toujours considérée comme
l’insertion de la femme dans la famille du mari pendant le mariage, sa qualité de membre de
la famille y est définitivement affirmée427.
La cohabitation du mari avec la famille de la femme après leur mariage, même moins
courante, a lieu également depuis toujours. Néanmoins, elle reste encore un sujet discutable
au sein de la population. L’adage « La belle-fille est un enfant dans la famille, le gendre n’y
est qu’un visiteur » conserve encore ses influences sur un certain nombre d’habitants. C’est
pourquoi, l’insertion du mari comme un vrai membre dans la famille de la femme, même dans
une cohabitation, n’est pas évidente dans tous les cas, surtout lorsque le mari lui-même
considère que cette cohabitation est temporaire. Le mari n’est attaché à la famille de sa
femme, spirituellement et matériellement, que lorsqu’il élit définitivement domicile chez ses
beaux-parents. Ce cas a lieu souvent quand ceux-ci n’ont pas de fils pour leur succéder, ou
FERRÉ-ANDRÉ, Des droits supplétifs et impératifs du conjoint survivant dans la loi du 3 décembre 2001, Répertoire Defrénois 2002, p. 863. 425 D’où l’adage : « Le bateau suit son conducteur, la femme suit son mari ». 426 Cf. supra, nos 269-270. 427 LE Thi, op. cit., p. 99-100.
231
leurs fils s’installent bien loin ailleurs ; dans ces cas, le mari de leur fille vient jouer le rôle de
fils dans la famille428.
Dans les ménages où les deux époux mènent une habitation indépendante des deux
familles d’origines, dans le logement qu’ils acquièrent ensemble, ils sont évidemment les
fondateurs de leur propre famille. Ils ont une place toute respectueuse par rapport aux autres
membres de la famille et occupants du local, tels que les enfants, les parents ou les frères et
sœurs de l’un d’eux429.
400. - Dans l’un ou l’autre cas, chaque fois qu’ils sont membres de la famille, les
époux jouissent en plein droit des biens familiaux, comme d’autres membres. Lorsque les
deux époux ont passé une période assez longue du mariage, et que l’un d’eux décède, le
survivant garde sa qualité de membre de la famille, son maintien dans le logement est
indiscutable, puisqu’il s’agit de sa maison depuis toujours. Par ailleurs, au Vietnam,
l’attachement conjugal a une force remarquable qui lie les deux époux, dont leurs biens, leurs
corps et leurs âmes, dans construction et la consolidation de leur famille430. Avec
l’attachement conjugal, les entraides mutuelles entre époux existent même indépendamment
de l’existence du mariage. En effet, lorsque l’un des époux décède, le survivant est protégé
contre les difficultés matérielles ; de plus, en tant que parent, l’exécution de ses obligations
naturelles envers ses enfants est favorisée431.
Pourtant, lorsque l’un des époux décède à jeune âge, et que le survivant ne cohabite
que pendant une courte période avec la famille du défunt, ce n’est pas toujours simple pour ce
conjoint survivant à continuer de rester dans le logement familial. La cause principale, c’est
que la totalité ou une grande quote-part dudit local n’appartient pas à la succession, mais aux
parents du défunt. En pratique, le conjoint survivant peut toujours rester dans la famille et
exécuter toute obligation d’une belle-fille ou d’un gendre envers ses beaux-parents, en tant
428 LE Thi, op. cit., p. 101. 429 Au Vietnam, après le mariage et la bonne installation dans un logement, l’un des époux peut y recevoir ses parents, ses frères et sœurs, et toute la grande famille mène alors une cohabitation. Ce fait relève de la tradition d’entraide mutuelle entre membres de la famille (cf. supra, nos 325 - 328). À la différence du cas où l’un des époux vient dans le local d’habitation de la famille d’origine de l’autre, dans ce cas, ce sont les époux et non pas d’autres cooccupants qui ont la parole décisive sur les biens familiaux. 430 On peut voir un exposé doctrinale : « En effet, la succession est toujours la propriété personnelle du défunt. Mais, on ne peut nier le fait que le conjoint a contribué à sa constitution, sous une forme ou une autre, au cours de la vie conjugale. La dévolution successorale doit tenir compte de cette contribution et la récompenser. Cela justifie la solution adoptée pour le sort du conjoint survivant : d’une part, il est héritier de premier ordre, à côté des enfants et des père et mère du défunt : d’autre part, il est héritier réservataire ». Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Les droits successoraux du conjoint survivant en droit vietnamien, op. cit., n° 472, p. 501. 431 Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Certaines pensées sur la succession en droit civil vietnamien, op. cit., p. 122- 124.
232
que, comme ce que l’on dit dans la vie quotidienne, un enfant de la famille. Mais lorsqu’il y a
des contentieux entre le conjoint survivant et les proches du défunt et qu’il doit partir, ou
lorsque le conjoint survivant veut reconstruire sa vie par un remariage, il ne peut rien
emporter, car sa contribution au patrimoine familial de son époux prédécédé n’est pas prise en
compte. Cela lui pose immédiatement la question de logement : après avoir quitté ce toit, où
ira-t-il ? Dans ce cas, les règles du droit de la succession ne lui en donnent aucune réponse,
puisque les biens successoraux ne contiennent pas une quote-part importante du logement de
la famille.
401. – Ainsi, l’intérêt du conjoint survivant en rapport avec la famille du défunt dans
la procédure de succession est un point remarquable au Vietnam, surtout en ce qui concerne le
droit de se loger de cette personne. Il convient d’examiner une situation courante, où après le
décès de son mari, une jeune femme avec les jeunes enfants à charge doit quitter la maison où
ils vivaient, parce que les autres membres de la grande famille veulent récupérer leur bien.
Dans un tel cas, le droit au logement du conjoint survivant est strictement lié à la protection
des enfants. La garantie du présent droit signifie également le renforcement de l’attachement
familial entre des membres survivants de la famille, dont le conjoint et les enfants. Ce n’est
pas un phénomène rare au Vietnam : dans plusieurs cas, il faut insister sur la protection de
l’intérêt de la femme et de celui des enfants ensemble432.
Dans la société française, une telle complexité familiale n’est pas fréquente, puisque
même dans la conscience des habitants, la question de la propriété de chacun des individus
qui cohabitent sous le même toit, dans un lien familial, est toujours concrètement et
franchement traitée.
b. La question du veuvage en France
402. - En France, avec l’augmentation de la durée de la vie, la nécessité du droit au
logement du conjoint survivant se montre dans la résolution du problème de veuvage433. À
l’heure actuelle, le conjoint survivant que les règles françaises visent principalement est une
personne assez âgée. Par conséquent, son droit au logement est une garantie raisonnable et
nécessaire pour le temps restant de sa vie.
432Au sein de l’union libre, lorsque l’un des concubins décède, le droit au logement du concubin survivant et celui des enfants se lient strictement dans l’intérêt général de la famille formée par cette union. Cf. infra, nos 496-533. 433 B.BEIGNIER, op. cit., n° 60, p.25.
233
Au Vietnam, la question des veufs âgés n’a pas encore une telle pression, parce qu’en
réalité, lorsque le conjoint survivant est déjà âgé, les règles morales lui assurent un respect
considérable par les descendants du défunt. Précisément, ceux-ci ne mettent pas en oeuvre une
procédure de succession avec le but de mettre à la porte leur parent ou même beau - parent
âgé434. Normalement, l’entretien des parents et grands-parents est exercé comme une
coutume (l’abandon des ascendants est sévèrement critiqué comme un phénomène immoral),
qui contient évidemment l’hébergement de ceux-ci. De surcroît, le présent entretien est une
obligation légale435.
Sous un autre aspect, de leur vivant, l’un des plus grands soucis des parents est d’aider
pécuniairement chacun de leurs enfants d’acquérir un local d’habitation distinct, comme une
condition de base pour que ceux-ci construisent leurs propres petites familles. Le présent
arrangement sert également à éviter le plus possible les contentieux entre enfants suite au
décès de l’un des parents. Ainsi, lorsque le logement familial est un bien des parents, leurs
enfants, qui s’installent déjà d’une manière stable ailleurs, ne posent souvent la question de la
succession, ou plus précisément, le partage de ce local entre eux, qu’après le décès du dernier
des parents. Le droit au logement du conjoint survivant n’est pas judiciairement mis en cause
dans ce cas.
403. - En somme, le droit au logement du conjoint survivant est une nécessité
objective dans la garantie des conditions de vie de celui-ci après le décès de son époux. À côté
de cette connaissance générale, il est possible de constater des points particuliers de chaque
pays. En France, comme dans plusieurs autres pays européens, le droit au logement du
conjoint survivant a une portée significative dans la résolution des veufs âgés. Au Vietnam, le
même droit est tout à fait important pour la protection de l’intérêt du jeune veuf et des enfants.
Dans ce contexte social, l’institution du droit au logement du conjoint survivant peut
compléter le statut du logement familial au sein du couple marié.
434 Il s’agit d’une tradition morale de long terme au Vietnam. Il a été remarqué que les enfants ne seraient pas permis de partager le patrimoine familial si ce partage avait pour effet les difficultés matérielles du parent survivant. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Certaines pensées sur la succession en droit civil vietnamien, op. cit., p. 123-124. 435 Les articles 35, 36, 38, 47 de la loi sur le mariage et la famille de 2000.
234
§ 2 : Le statut complet du logement de la famille au sein du couple marié
404. - Au cours du mariage, le statut légal du logement de la famille se justifie par
l’importance de ce bien envers la vie familiale. Au moment où le mariage est dissout par le
décès de l’un des époux, la famille doit toujours être protégée. Par conséquent, il est
nécessaire que le logement de la famille conserve son statut favorable à la vie familiale, sous
une forme convenable à la procédure de succession.
Pour cette question fondamentale, il convient de découvrir les enjeux juridiques en
cause (A), puis d’expliquer le rôle du droit au logement du conjoint survivant envers le statut
légal souhaitable du logement familial (B).
A. Les enjeux juridiques
405. - Les règles juridiques, qui institueront le droit au logement du conjoint survivant,
s’expliquent par deux nécessités : l’une concerne le rôle traditionnel de la moralité et de la
coutume (1), l’autre relève du rapport patrimonial entre époux (2).
1 - L’officialisation des belles valeurs de la moralité et de la coutume
406. - Pendant une longue période, au Vietnam, les habitants se comportaient selon
des règles d’ordre moral et coutumier. Là, la solution du logement du conjoint survivant
occupait toujours une place importante dans les arrangements à l’intérieur de chaque famille.
Pourtant, en détail, ces règles sont de plus en plus inadaptées au rythme de la société
contemporaine, sous plusieurs aspects. D’abord, elles ne sont pas les mêmes d’une région à
une autre ; elles ne sont pas non plus suffisantes pour des cas d’espèces relativement
abondants pendant ces dernières années. Ensuite, ces règles se montrent irraisonnables dans
plusieurs cas, surtout en ce qui concerne la question de l’intérêt du jeune conjoint survivant
par rapport aux exigences de la famille d’origine du défunt. Enfin, les règles morales et
coutumières ont un grand inconvénient, c’est le fait que même si elles ont un contenu parfait,
leur observation n’est point obligatoire pour les intéressés ; ceux-ci peuvent les dépasser pour
se lancer dans un contentieux où les intérêts légitimes de chacun d’eux ne sont pas respectés.
407. – Pour ces raisons, le droit au logement du conjoint survivant, avec une
importance et une nécessité justifiées, sera réalisé le plus effectivement au moyen des règles
juridiques, puisque ces règles déterminent le comportement obligatoire pour tout le monde.
235
Les dispositions légales dans ce domaine peuvent être construites par la mise en valeur de la
moralité et de la coutume dans un texte législatif, avec des adaptations au contexte de la
société contemporaine436. Devant la loi, tous les intérêts légitimes du conjoint survivant seront
protégés, nonobstant l’attitude des autres personnes concernées dans chaque cas d’espèce.
L’ensemble des dispositions légales régissant le droit au logement du conjoint survivant
constitueront un statut juridique particulier du logement familial dans la procédure de la
succession. Le présent statut aura de sa nature des liens stricts avec toute la vie familiale.
2 - Le complément des règles juridiques régissant le rapport patrimonial entre
époux
408. - Dans la première partie de la présente étude, la nécessité de l’établissement d’un
statut juridique du logement familial au cours de la vie ordinaire de la famille a été justifiée.
L’importance du logement commun pour la vie familiale est indiscutable. C’est pourquoi, une
limite du droit de disposition sur ce local en vue de le protéger contre tout excès du
propriétaire se montre raisonnable.
Pourtant, dans le cadre des règles régissant les rapports patrimoniaux entre époux, une
telle mesure de protection ne peut pas l’importer sur les décisions à cause de mort du
propriétaire. Autrement dit, les dispositions légales portant sur la protection du logement
familial pendant le mariage ne sont pas opposables au contenu du testament de l’un des
époux. Ce fait résulte d’un raisonnement logique : une protection du logement au cours du
mariage, qui se trouve dans le rapport patrimonial entre époux, ne peut jamais avoir l’effet sur
la période pendant laquelle l’un d’eux ne se présente plus dans le monde et le mariage a été
naturellement dissolu. Néanmoins, cette logique peut conduire le logement familial à un
danger.
409. - En effet, par le testament de l’époux propriétaire, après son décès, le logement
de la famille peut être transféré à une personne autre que les membres de la famille. La voie
de réserve ne rapporte qu’un résultat insatisfait à tous : il s’agit d’une indivision entre le
légataire et les héritiers réservataires. La liquidation de cette indivision, à défaut de tout autre
436 En réalité, cette direction de travail législatif est toujours bien suivie au Vietnam. Au titre d’exemple, les dispositions du droit positif instituant la part successorale en pleine propriété du conjoint survivant constituent l’un des héritages de l’ancien droit et de la coutume. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Certaines pensées sur la succession en droit civil vietnamien, op. cit., p.143-145.
236
accord des coindivisaires, est la vente du logement en cause437. À ce moment, les membres de
la famille risquent de devoir quitter la maison où ils vivaient, s’ils ne peuvent pas payer la
quote-part du légataire. Les plus dommageables de ces membres sont le conjoint survivant et
les jeunes enfants, ceux qui rencontrent souvent beaucoup de difficultés à la suite du décès de
leur conjoint, leur parent. Si la loi ne peut protéger le logement de la famille qu’au cours du
mariage, elle laissera la famille dans un vrai désordre, notamment au cas où, de son vivant, le
cœur du défunt ne se penchait plus à sa famille. Il est raisonnable de constater qu’un statut du
logement de la famille se limitant dans l’existence du mariage est un statut incomplet.
Ainsi, compléter le statut du logement de la famille par les règles du droit de la
succession est une activité justifiée. Le logement familial doit être protégé après le décès de
l’un des époux, comme il était au cours du mariage438.
B. Le rôle du droit au logement du conjoint survivant envers le statut légal
souhaitable du logement de la famille
410. - Dans la recherche d’une réglementation qui vise à résoudre les enjeux
juridiques précités, une question se pose : quel lien existe-t-il entre le droit au logement du
conjoint survivant et le statut juridique du logement familial ? Il serait possible d’avoir une
idée que le statut du logement de la famille dans la succession est établi par plusieurs moyens
divers, l’attribution de ce local aux enfants par exemple ; le droit du conjoint survivant n’est
pas la référence unique. Pourtant, le droit au logement du conjoint survivant est souligné
comme le complément du statut du logement familial pour deux raisons, qui sont les droits
évidents des époux sur ce bien (1), ainsi que l’utilité effective du logement familial pour les
époux (2).
1 - Le rôle des époux envers le logement de la famille
411. - Même au cours du mariage, la question du logement de la famille est posée et
tranchée préalablement et principalement dans le rapport entre époux. En effet, au plan
personnel, les époux sont les fondateurs de la famille ; au plan pécuniaire, ils ont des droits
437 L’article 685, alinéa 2 du Code civil de 2005. Cf. infra, nos 473-475. 438 En France, avec la loi du 3 décembre 2001, on dit qu’il existe désormais un statut du logement de la famille. Cf. B.BEIGNIER, op. cit., p.25-26.
237
réels importants sur ce bien439. Par la conservation du logement familial, le législateur vise la
protection de toute la famille, se composant des deux époux, des enfants et des autres
membres de celle-ci. Néanmoins, les plus grandes influences sur la présente protection
proviennent des actes effectués par les époux.
Pour cette raison, au sein de la famille formée par un mariage, le logement de la
famille est juridiquement examiné autour des époux, et non pas automatiquement dans le rôle
de tout autre membre de la famille. Ainsi, l’établissement du statut du logement familial dans
la procédure de succession autour de la place du conjoint survivant est, simplement, la
continuation de l’esprit déjà envisagé au cours du mariage.
2 - Le rôle du logement de la famille envers les époux
412. - Si l’on parle d’une famille qui a un logement commun, cette famille doit, au
préalable, être la famille des époux, et le logement familial, comme son nom, doit toujours
être au profit des époux. Pratiquement, le mariage est toujours la voie la plus courante par
laquelle chaque individu construit sa propre famille.
Il convient d’examiner le cas où un logement servait de la cohabitation des époux,
mais après le décès de l’un d’eux et en application des règles régissant le partage successoral,
ce local se trouve dans la main des enfants, ceux qui ont chacun sa famille propre et
s’installent déjà parfaitement ailleurs. Une telle situation est la dissolution matérielle de la
famille qui se composait des deux époux, dont l’un est maintenant prédécédé. Le logement en
cause perd son caractère familial qui existait au cours de la famille passée. C’est pourquoi, le
statut du logement familial dans la procédure de succession ne sera la continuation de celui
pendant le mariage que s’il tient compte de la place du conjoint survivant. Il est nécessaire de
souligner le rapport strict entre le logement familial et le droit au logement du conjoint
survivant afin de constater que : la protection du conjoint survivant n’est pas séparée ou en
opposition avec l’intérêt de la famille. Le but commun de tous ces statuts, c’est de trouver une
meilleure vie de la famille, de maintenir l’institution de la famille comme l’une des éléments
de base de la société.
439 La notion du logement de la famille n’a jamais nommément été construite en droit vietnamien. Cette institution est une idée européenne, qui prend toujours le rapport patrimonial entre époux comme un pilier. L’article 215, alinéa 3 du Code civil français en est un exemple typique.
238
413. - L’attachement au logement familial du conjoint survivant a une grande
importance pratique. Le droit au logement de cette personne ne porte que sur ce local. C’est
pourquoi le présent droit n’est pas réservé à n’importe quel conjoint survivant. Lorsqu’il n’y a
pas de lien effectif entre le conjoint survivant et le local en cause, un droit du premier sur le
dernier n’existera pas non plus, à cause de l’absence du motif justifiant la nécessité du local
pour la personne. Ce qui est protégé n’est pas un droit réel fixe du conjoint survivant sur un
logement, mais l’intérêt effectif de cette personne dans la continuation de sa vie, à la suite du
décès de son époux. Si cette protection ne nécessite pas vraiment un droit sur le logement en
cause, par exemple parce que le conjoint survivant se loge toujours ailleurs même du vivant
de son époux, un tel droit ne pourra pas s’acquérir par lui. C’est le raisonnement du statut du
logement familial, qui se différencie avec le statut du conjoint survivant.
En résumé, le droit au logement du conjoint survivant est une exigence formée par la
vie sociale sous plusieurs aspects. Il convient d’étudier l’état juridique actuel de ce droit et de
présenter quelques propositions pour son développement.
SECTION II : LA RÉGLEMENTATION JURIDIQUE SUR LE DRO IT AU
LOGEMENT DU CONJOINT SURVIVANT
414. - Le droit positif est la matière des analyses juridiques. Il est indispensable
d’envisager les dispositions vietnamiennes en vigueur en matière du droit au logement du
conjoint survivant (§1), afin de proposer des solutions juridiques pour cette question au
Vietnam (§2).
§1 : La situation actuelle du droit au logement du conjoint survivant au Vietnam
415. - Dans toute la Partie IV du Code civil vietnamien intitulée « De la succession »,
il est impossible de trouver une règle mentionnant expressément le droit au logement du
conjoint survivant. L’étude des dispositions de la loi sur le mariage et la famille, ainsi que tout
autre texte concerné, donne le même résultat. Ce n’est pourtant pas difficile à comprendre ce
contexte : la notion du droit au logement du conjoint survivant, tout comme celle du logement
de la famille, est encore absente dans la pratique juridique vietnamienne.
Dans la recherche des solutions pour le droit au logement des époux fournies par des
normes en vigueur, il est quand même possible de trouver des mesures plus ou moins
considérables fournies par des règles très dispersées, se trouvant dans des textes différents.
239
Celles-ci ne permettent pas d’aborder un statut propre du logement familial, mais elles
apportent, au moins, des idées initiales et toutes récentes du droit au logement du conjoint
survivant.
L’analyse comparative des règles vietnamiennes par rapport à celles du droit français,
qui construisent récemment un statut complet du droit au logement du conjoint survivant,
servira d’approfondir la problématique.
416. - Dans la notion du droit au logement en droit français, le conjoint survivant est
réputé, d’une manière implicite, comme un étranger par rapport à la famille par le sang du de
défunt440. Il n’est pas, par ailleurs, héritier réservataire dans le même rapport. C’est vraiment
une question sociale pressante, car la protection des intérêts du conjoint survivant intéresse de
plus en plus un large public, surtout en ce qui concerne le traitement du problème des veufs
âgés. Face à cette tendance, dans la réforme du droit de la succession - la loi no 2001-1135 du
03 décembre 2001 (ci-après dénommée la loi de 2001) dont la plupart des dispositions entre
en vigueur à partir du 01 juillet 2002, le législateur français met en place un contenu rénové
important qui est le droit du conjoint survivant sur le logement appartenant aux époux ou
dépendant totalement de la succession.
Pour faciliter l’étude analytique et comparative de la situation juridique vietnamienne
et mettre en évidence sa particularité, il convient d’envisager des points comparatifs vietnamo
- français successivement selon les dispositions fondamentales du droit au logement du
conjoint survivant en France : celles concernant la dévolution successorale (A) et celles
disposant directement les droits divers sur la résidence principale du couple (B).
A. Le droit au logement du conjoint survivant dans la dévolution successorale
légale
417. - Afin de comprendre l’influence de la dévolution successorale légale envers le
droit au logement des époux, il faut examiner les règles en vigueur (1) et puis en donner
quelques explications historiques (2).
440 Cf. supra, nos 395-397.
240
1 - Les dispositions légales en vigueur
418. - Pour une image complète de la matière, sont successivement exposés le droit
français (a) et le droit vietnamien (b).
a. Les dispositions françaises
419. - En France, lorsque le défunt laisse des enfants ou descendants et que tous les
enfants sont issus des deux époux, le conjoint survivant peut décider lui-même de son droit au
logement441. Dans ce cas-là, l’article 757 du Code civil français dispose que le conjoint
survivant recueille, à son choix, l’usufruit de la totalité des biens existants ou la propriété du
quart des biens. En ce qui concerne l’option pour la propriété du quart des biens, si le conjoint
survivant fait ce choix, son droit au logement n’est point assuré, car ce n’est pas évident qu’un
logement puisse se trouver en pleine propriété dans ce quart des biens442. Par contre, si un
logement se trouve dans la masse des biens existants et le conjoint survivant opte pour
l’usufruit, il aura le droit d’usufruit sur ce logement, c'est-à-dire, au moins, il peut l’habiter en
continuant sa vie quotidienne.
Lorsque le conjoint survivant ne fait pas encore son choix, selon l’article 758-3 du
Code civil français, tout héritier peut l’inviter par écrit à exercer son option ; faute d'avoir pris
parti par écrit dans les trois mois, le conjoint est réputé avoir opté pour l'usufruit. À ce point,
le législateur a considérablement favorisé la situation du conjoint survivant. Précisément, suite
au décès de son époux, face aux autres héritiers, le conjoint survivant peut toujours occuper le
logement faisant partie des biens successoraux existants, car son droit d’usufruit sur ce bien
s’affirme même à défaut de manifestation expresse de sa volonté. En d’autres termes, même si
le conjoint survivant reste silencieux443, son droit d’usufruit sur les biens existants, qui lui
assure le maintien dans le logement, est tacitement établi.
420. - Le droit au logement du conjoint survivant est encore consolidé dans la
procédure de conversion de l’usufruit. En effet, « tout usufruit appartenant au conjoint sur les
441 En présence d’enfants qui ne sont pas issus des deux époux, le conjoint survivant n’a pas de choix et doit accepter la propriété du quart des biens (l’article 757 du Code civil français). 442 Selon Ph. MALAURIE, en France, « la plupart des successions ont une étendue limitée au logement et à une petite épargne (environ 1000 €) ». Cf. Ph. MALAURIE, Les successions Les libéralités, 3e édition, Collection Droit civil, Defrénois 2008, n° 103, p. 70. 443 Le conjoint survivant reste silencieux non pas uniquement parce qu’il ne veut pas répondre aux autres héritiers, mais aussi parce qu’il a des difficultés avec la technicité des règles juridiques en cause. L’option présumée pour l’usufruit après trois mois d’attente est donc pratiquement favorable pour cette personne.
241
biens du prédécédé, qu'il résulte de la loi, d'un testament ou d'une donation de biens à venir,
donne ouverture à une faculté de conversion en rente viagère, à la demande de l'un des
héritiers nus-propriétaires ou du conjoint successible lui-même444». De plus, « à défaut
d'accord entre les parties, la demande de conversion est soumise au juge445 ». Pourtant,
l’article 760, alinéa 3 institue une garantie pour le droit au logement du conjoint survivant, en
disposant que le juge ne peut ordonner contre la volonté du conjoint la conversion de
l'usufruit portant sur le logement qu'il occupe à titre de résidence principale, ainsi que sur le
mobilier le garnissant. Grâce à cette règle, personne ne peut obliger le conjoint survivant
d’échanger son droit d’usufruit sur le logement familial pour une somme d’argent. Ainsi, son
maintien dans le local est assuré tant qu’il en a besoin.
421. - Les droits successoraux légaux du conjoint survivant s’élargissent
considérablement à défaut d’enfants ou de descendants du défunt. Il y en a certains cas en
détail : Si le défunt laisse ses père et mère, selon l’article 757-1 du Code civil français, le
conjoint survivant recueille la moitié des biens, l’autre moitié est dévolue pour un quart au
père et pour un quart à la mère ; quand le père ou la mère est prédécédé, la part qui lui serait
revenue échoit au conjoint survivant. Par conséquent, en l’absence d’enfants ou de
descendants du défunt et de ses père et mère, le conjoint survivant recueille toute la
succession446.
b. Les dispositions vietnamiennes
422. - En droit vietnamien, la dévolution successorale semble plus simple. Selon
l’article 676, alinéa 1er du Code civil de 2005, le conjoint survivant est héritier légal au
premier rang, comme les enfants447 et les parents du défunt. Les droits de tous ces héritiers
sont déterminés par un partage à parts égales des biens successoraux, en pleine propriété, sauf
si ces personnes s’en accordent autrement. Ainsi, en l’absence de descendants et de parents, le
conjoint survivant recueille toute la succession en exclusion de tout autre proche de son époux
444 L’article 759 du Code civil français. 445 L’article 760, alinéa 1er du Code civil français. 446 Avec quand même l’exception du droit de retour légal et de la créance d’aliments précités. Cf. supra, n° 396. 447 Selon l’article 677 du Code civil de 2005, dans le cas où un enfant décède avant ou en même temps que le de cujus, les descendants de cet enfant, qui sont les petits-enfants, ou si ceux-ci sont eux-mêmes morts, les arrière-petits enfants du défunt ont le droit de le représenter dans ses droits successoraux.
242
prédécédé. Mais tant que les autres héritiers au premier rang augmentent448, les droits du
conjoint survivant baissent.
Il convient de souligner qu’il n’y a pas de mesures légales qui assurent au conjoint
survivant l’usufruit sur les biens successoraux, qui pourrait être une base importante de son
maintien dans le logement de la famille, comme celles en droit français ci-dessus exposées.
Il est nécessaire d’avoir quelques idées explicatives pour ces contextes juridiques des
deux pays.
2 - Les explications historiques
423. – Afin de comprendre le fondement des règles successorales différentes précitées
dans deux pays, il faut découvrir leurs histoires respectives.
a. La situation du droit français
424. - En France, avant la loi de 2001, les droits successoraux du conjoint survivant
étaient tout à fait faibles. Au titre d’exemple, en présence de descendants du défunt, le
conjoint survivant n’avait droit qu’à un quart des biens en usufruit449. Après un temps
préparatoire considérable avec un grand nombre de débats juridiques, prenant en compte
l’évolution de la société ainsi que celle de la famille, la réforme de 2001 est venue corriger
ladite situation défavorable du conjoint survivant, en lui octroyant une variété des droits
nouveaux450. En résumé, ces nouvelles dispositions augmentent les droits du conjoint
survivant dans la dévolution successorale, dont le droit d’usufruit universel qu’il peut opter
éventuellement, et en même temps elles s’efforcent à lui garantir un cadre de vie stable à la
suite du décès de son époux, dans lequel le logement occupe une place centrale.
Ainsi, il est vraisemblable que le législateur français, par la réforme de 2001, souhaite
compenser les inconvénients que l’ancien texte a imposés au conjoint survivant. En
conséquence, celui-ci passe brusquement des droits restrictifs à une place centrale de la
448 L’époux prédécédé peut avoir plusieurs enfants. 449 Pour un exposé détaillé des droits successoraux du conjoint survivant dans l’ancien texte du Code civil français, cf. Ph. MALAURIE, op. cit., n°85 (p. 63), n°94 (p. 66-67). 450 S. FERRÉ-ANDRÉ, op. cit, p. 863-892.
243
procédure de la succession. Les juristes français ont bien montré les effets de ce grand
changement451.
b. La situation du droit vietnamien
425. - Au Vietnam, prenant comme départ l’Ordonnance sur la succession de 1990452,
en passant le Code civil de 1995 jusqu’au Code civil de 2005 en vigueur, dans les règles
juridiques, les héritiers au premier rang sont toujours les mêmes453. Dans le droit de la
succession vietnamien, le conjoint survivant, les enfants et les parents du défunt sont
considérés comme membres d’une seule famille, voire cohabitants sous un même toit. Dans
une famille, tous les membres sont égaux l’un à l’autre. C’est pourquoi, dans la dévolution
successorale, ils reçoivent les parts égales. En quinze ans, l’évolution sociale et familiale
permet toujours la conservation de ce cadre successoral légal.
Sous un autre aspect, les dispositions légales qui constituent la dévolution successorale
avec des parts en pleine propriété ont une longue histoire concernant toujours la philosophie
de l’égalité entre membres de la famille.
426. - Précisément, sous la dynastie des LE (1428-1789), le conjoint survivant
bénéficiait des droits successoraux tout à fait favorables. En l’absence d’enfants, les biens
propres du mari prédécédé étaient divisés en deux parts égales : l’une servait le culte du mari
décédé, l’autre faisait l’objet du droit d’usufruit de la femme, mais à son propre décès ou son
remariage, cette part devait être rendue à la famille d’origine du mari. Dans le cas où la
femme était prédécédée, le même partage était effectué sur les biens propres de la femme,
avec une seule différence que le mari survivant conservait son droit d’usufruit viager même
après son remariage. Les biens communs des deux époux étaient divisés en deux parts égales,
dont l’une revenait au conjoint survivant en pleine propriété ; l’autre moitié des biens
commun était encore divisé en trois parts : l’une servait le culte du défunt, les deux restants 451 Au titre d’exemple : S. FERRÉ-ANDRÉ, op. cit., n° 892, p.891 : « Par son droit au logement, le conjoint survivant est désormais, dans les faits, le premier ordre des héritiers. Sorte d’attributaire anomal du logement de la famille, il prime, par bien des côtés, tous les autres héritiers ». Ph. MALAURIE, op. cit., n°89, p. 65 : « Peut-être la loi est-elle passée d’un extrême à l’autre ; peut être, dans plusieurs ménages, le mari (c’est lui qui généralement prédécède) trouvera excessifs les droits ab intestat conférés à la veuve ; il sera tenté de les limiter, par exemple par un testament : effet inattendu, pervers et ravageur de la loi : un testament qui limite les droits successoraux, c’est un gifle post mortem ». 452 Avant ce texte, les rangs d’héritiers n’étaient pas encore institués de manière systématique en droit vietnamien. À travers les règles dispersées dans des textes différents, on trouve que le conjoint survivant, les enfants et les parents du défunt pouvaient être appelés à hériter de la succession. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Certaines pensées sur la succession en droit civil vietnamien, op. cit., p.130. 453 En réalité, tous les trois rangs d’héritiers restent inchangés à travers ces trois textes.
244
étaient soumis au droit d’usufruit du conjoint survivant, et comme le cas précédent, le droit
d’usufruit du mari était toujours viager même s’il s’est remarié, tandis que le droit d’usufruit
de la femme s’est terminé dès son remariage. Particulièrement, le logement de la famille était
partagé en deux parts en nature, l’une servait du local d’habitation du conjoint survivant,
l’autre devenait le lieu de culte du défunt. En présence d’enfants communs du couple, ceux-ci
étaient héritiers au premier rang et avaient droit à la totalité de la succession en pleine
propriété. En cas de concurrence entre le conjoint survivant sans enfants communs avec le
défunt et les enfants du premier lit, le conjoint survivant avait le droit d’usufruit sur une part
des biens propres du défunt. Cette part se variait selon le nombre d’enfants du premier lit : s’il
y en avait un seul, l’enfant recevait deux tiers, le conjoint survivant avait le droit d’usufruit
sur un tiers restant ; s’il y en avait deux et plus, le droit en pleine propriété des enfants et le
droit d’usufruit du conjoint survivant portait sur des parts égales. Le droit d’usufruit précité
était également viager pour le mari et limité pour la femme à son remariage454.
427. - Sous la dynastie des NGUYEN (1802-1945), les enfants n’avaient pas le droit
de partager des biens avec leurs parents tant qu’ils ne faisaient pas encore constituer leurs
propres foyers de l’état civil, sauf si les parents étaient d’accord du partage. Le Code des
NGUYEN ne mentionnait presque pas le rapport patrimonial entre époux455.
428. - Pendant la période de colonisation française (1802-1945), dans le seul cas où le
mari prédécédé n’avait pas de proches dans les deux lignes paternelle et maternelle (les
descendants, les ascendants, les frères et sœurs et leurs descendants, les cousins et leurs
descendants, la ligne paternelle était totalement prioritaire à la ligne maternelle), la femme de
premier rang recevait la totalité de la succession ; la femme de second rang n’avait pas le droit
d’hériter les biens du défunt, mais seulement le droit d’usage sur le logement, les produits
alimentaires et une somme d’argent pour les dépenses quotidiennes. Par contre, quand la
femme de premier rang était prédécédée, le mari recevait la totalité des biens propres de celle-
ci ; quand la femme de second rang est décédée et a laissé des enfants, le mari n’avait que le
droit d’usufruit sur les biens propres de cette femme456.
454 L’Institut des recherches de la science juridique – Ministère de la Justice, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle à la période de colonisation française, op. cit., p. 130-135. 455 L’Institut des recherches de la science juridique – Ministère de la Justice, op.cit, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle à la période de colonisation française, p. 135-136. 456 L’Institut des recherches de la science juridique – Ministère de la Justice, op.cit, Certains points sur le droit civil vietnamien du XVe siècle à la période de colonisation française, p. 137-139.
245
429. - Une ligne directrice de tous ces anciens textes, c’est que les droits successoraux
de la femme n’étaient pas égaux à ceux du mari. L’accès aux biens successoraux en pleine
propriété de la femme se montrait limité. Pour cette raison, dès la fondation du nouvel État en
1945, le législateur a souhaité faire des progrès sociaux en donnant à la femme une place
égale à l’homme. Les premiers principes de base ont été institués : « Les époux sont égaux
l’un à l’autre dans la famille457 » ; « La femme est entièrement capable dans le domaine
civil458 » ; « Les époux ont des droits successoraux mutuels l’un envers l’autre459 ».
Poursuivant cet esprit progressiste, en construisant le régime légal de la succession, le
législateur souhaite donner au conjoint survivant, qui est dans la majorité des cas une
femme460 non seulement une place égale aux descendants et parents du défunt, mais aussi des
droits réels sûrs et radicaux. La question concernant le droit de propriété du conjoint
survivant, qui lui permet de disposer librement des biens qu’il reçoit de la succession et
d’avoir ainsi une vie plus indépendante et active après le décès de son époux, se pose
vivement. Le produit parfait de la présente idée est la part égale en pleine propriété pour
chaque héritier légal461.
430. - Ainsi, en droit vietnamien contemporain, la dévolution successorale légale avec
les parts uniquement en pleine propriété a des causes historiques, celles qui ont poussé le
législateur à instituer une place respectueuse de la femme dans la procédure de succession.
Une part successorale en pleine propriété du conjoint survivant, qui a exactement la même
valeur que celle de chaque autre héritier au premier rang, et même si elle ne peut pas assurer
le droit au logement du conjoint survivant dans tous les cas, contribue à garantir l’égalité entre
l’homme et la femme dans la société. Dans sa nature, la présente disposition vise une famille
dans laquelle l’égalité est un standard fondamental.
457 L’article 5 de l’Ordonnance n° 97-SL du 22 mai 1950. 458 L’article 6 de l’Ordonnance n° 97-SL du 22 mai 1950. 459 L’article 16 de la loi sur le mariage et la famille de 1959 ; l’article 17 de la loi sur le mariage et la famille de 1986. 460 Comme en France, au Vietnam la possibilité de vie des femmes est plus haute que celle des hommes. Par conséquent, il y a donc plus de veuves que des veufs. 461 Le droit vietnamien contemporain abandonne brusquement les droits successoraux en usufruit du conjoint survivant et lui donnent uniquement une part successorale en pleine propriété. Sur ce point, un auteur explique : Dès la période de la colonisation française, où la grande famille a commencée à se ruiner ensemble avec le régime politique et économique féodal, le législateur a pensé à remplacer le droit d’usufruit sur toute la succession de la femme survivante par une part successorale en pleine propriété. Par ailleurs, dans l’ancien droit, la coutume ainsi que le droit moderne, au cas où la femme survivante ne jouait pas ou ne pouvait pas jouer le rôle de l’administrateur des biens familiaux tandis qu’elle était toujours héritière de son époux prédécédé, elle recevait en compensation certains biens en pleine propriété. Le droit contemporain hérite de toutes ces règles. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Certaines pensées sur la succession en droit civil vietnamien, op. cit., p.143-145.
246
431. En somme, le droit vietnamien conserve un niveau de généralité des règles
juridiques régissant la succession, dans lequel la dévolution successorale légale s’attache à un
partage radical en pleine propriété des biens successoraux. Se trouvant dans un contexte social
différent, le législateur français élargit la mise en jeu du droit de l’usufruit du conjoint
survivant, il insiste également sur le rôle du logement envers cette personne, et tout cela pour
constituer expressément un droit au logement du conjoint survivant dans la procédure de
succession.
B. Les droits divers du conjoint survivant sur le local d’habitation constituant la
résidence principale du couple
432. - Dans le système juridique vietnamien à l’heure actuelle, le droit au logement du
conjoint survivant n’a qu’une image toute floue. En France, les normes récentes du Code civil
octroient expressément au conjoint survivant un droit au logement, qui contient une variété
des prétentions. Pour cette raison, afin de faciliter l’étude des règles juridiques vietnamiennes
en cette matière, il convient de les exposer et les analyser au fur et à mesure des éléments
constituants du droit au logement du conjoint survivant en France.
Il y a trois éléments du droit au logement du conjoint survivant dans le Code civil
français: le maintien temporaire dans le logement familial (1), le droit d’habitation et d’usage
viager sur ce local (2) et l’attribution préférentielle de la propriété ou du droit au bail du local
qui sert effectivement l’habitation au conjoint survivant (3). Les règles vietnamiennes seront
également examinées selon cette structure.
1 - Le maintien temporaire dans le logement familial
a. Le droit français
433. - En droit français, le conjoint survivant peut se maintenir temporairement dans le
logement familial par deux voies, l’une est un droit direct sur le local (i), l’autre résulte de
certaines règles du partage successoral (ii).
i. Le droit de jouissance temporaire sur le logement
434. - L’article 763 du Code civil français dispose : « Si, à l’époque du décès, le
conjoint successible occupe effectivement, à titre d’habitation principale, un logement
247
appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, il a de plein droit, pendant
une année, la jouissance gratuite de ce logement, ainsi que du mobilier, compris dans la
succession, qui le garnit.
Si son habitation était assurée au moyen d’un bail à loyer, les loyers lui en seront
remboursés par la succession pendant l’année, au fur et à mesure de leur acquittement.
Les droits prévus au présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits
successoraux.
Le présent article est d’ordre public ».
Ainsi, un droit au logement du conjoint survivant est établi dans le rapport strict avec
la vie familiale pendant la durée du mariage. Ce lien strict se manifeste au fait que l’objet de
ce droit (un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession et le
mobilier qui le garnit) et les conditions pour en bénéficier (l’occupation effective à titre
principal) ont des ressemblances avec le statut du logement de la famille dans l’article 215,
alinéa 3 du même Code. La présente idée est confirmée par la loi : « les droits prévus au
présent article sont réputés effets directs du mariage et non droits successoraux ». De plus,
l’article 763 est d’ordre public, c’est-à-dire que les dispositions de cet article ne sont pas
influencées par les décisions contraires du de cujus, par voie de libéralités. L’un des époux n’a
pas la possibilité de priver l’autre de ce droit de jouissance. Le législateur affirme que c’est le
mariage qui crée ce droit ; la procédure de succession n’est que la condition satisfaisante de
l’exercice de ce droit. Autrement dit, dès la formation du mariage, chacun des époux a le droit
de jouissance au sens de l’article 763, l’un en qualité de conjoint survivant lors de la
succession de l’autre.
Pour cette raison, il est possible d’avoir une idée que le droit de jouissance du conjoint
survivant prévu à l’article 763 est le prolongement de la protection du logement de la famille
au cours du mariage prévue à l’article 215, alinéa 3. L’article 763 est vraiment un complément
nécessaire de l’article 215, alinéa 3 dont l’effet, selon la jurisprudence, se limite pendant
l’existence du mariage et ne peut contredire toute décision à cause de mort de l’époux
propriétaire462.
462 Cf. supra, n° 176.
248
435. - Sous un autre aspect, il faut examiner la durée limitée à une année dudit droit de
jouissance. De toute façon, ce droit de jouissance dont bénéficie le conjoint survivant
constitue une limite du droit de disposition du défunt en qualité du propriétaire, il n’a donc
qu’une valeur temporaire et non pas viagère. Le maintien dans les lieux du conjoint survivant
pendant un an peut être considéré comme une condition favorable pour qu’il puisse organiser
sa nouvelle vie après le décès de son époux. La mise en place de cette situation avantageuse a
un fondement légitime, qui est l’attachement conjugal construit par la vie maritale avant que
le décès de l’un des époux survienne.
ii. Le maintien de l’indivision
436. - Le droit au logement du conjoint survivant peut être réalisé par le maintien en
indivision du logement de la famille. Le présent principe est institué à l’article 822-1 du Code
civil français : « L'indivision peut également être maintenue, à la demande des mêmes
personnes et dans les conditions fixées par le tribunal, en ce qui concerne la propriété du
local d'habitation ou à usage professionnel qui, à l'époque du décès, était effectivement utilisé
pour cette habitation ou à cet usage par le défunt ou son conjoint. Il en est de même des
objets mobiliers garnissant le local d'habitation ou servant à l'exercice de la profession ».
En ce qui concerne la mise en œuvre du maintien de l’indivision, l’article 822 du Code
civil français dispose : « Si le défunt laisse un ou plusieurs descendants mineurs, le maintien
de l'indivision peut être demandé soit par le conjoint survivant, soit par tout héritier, soit par
le représentant légal des mineurs.
À défaut de descendants mineurs, le maintien de l'indivision ne peut être demandé que
par le conjoint survivant et à la condition qu'il ait été, avant le décès, ou soit devenu du fait
du décès, copropriétaire de l'entreprise ou des locaux d'habitation ou à usage professionnel.
S'il s'agit d'un local d'habitation, le conjoint doit avoir résidé dans les lieux à l'époque
du décès ».
Le maintien de l’indivision est alors prévu pour les deux cas distincts.
Dans le premier cas, le maintien de l’indivision sera ordonné exclusivement pour
l’intérêt des descendants mineurs du défunt. Le conjoint survivant n’y est qu’une personne qui
peut demander le maintien, au nom de ces enfants mineurs. Pourtant, ce maintien est
249
également profitable pour le conjoint survivant, lorsqu’il cohabite avec les descendants du
défunt dans le local d’habitation dont l’indivision est maintenue. La présente cohabitation est,
sans doute, tout courante en pratique, puisque le conjoint survivant est souvent le parent,
c’est-à-dire le représentant légal, des descendants mineurs du défunt, et qu’il doit s’occuper
directement de ces enfants463. Le conjoint survivant occupe les lieux, dans ce cas, au titre des
descendants mineurs du défunt. C’est sous cet aspect-là que le maintien de l’indivision
seulement au profit des enfants peut donner au conjoint survivant un toit après le décès de son
époux.
Dans le second cas, le conjoint survivant qui occupe le local d’habitation à l’époque
du décès, et qui en est un copropriétaire, peut demander le maintien de l’indivision de ce
logement à son propre nom. Une fois que sa demande est acceptée, il allonge son occupation
des lieux jusqu’à la fin du maintien. Les deux conditions de la demande du conjoint survivant
se montrent claires. D’une part, le logement en cause doit être sa résidence. Il s’agit de la
philosophie de l’occupation effective, qui est l’un des piliers des idées françaises concernant
le droit au logement. D’autre part, le conjoint survivant doit avoir une quote-part dans la
copropriété du logement, soit parce qu’il en a depuis toujours, soit parce qu’il en obtient du
fait du décès de son époux. Dans cette dernière hypothèse, il convient de penser aux droits
successoraux du conjoint survivant, tels que son option pour le quart en pleine propriété de la
succession.
437. - Pour le délai du maintien de l’indivision, l’article 823 du Code civil français
dispose : « Le maintien dans l'indivision ne peut être prescrit pour une durée supérieure à
cinq ans. Il peut être renouvelé, dans le cas prévu au premier alinéa de l'article 822, jusqu'à
la majorité du plus jeune des descendants et, dans le cas prévu au deuxième alinéa du même
article, jusqu'au décès du conjoint survivant ».
Ainsi, le législateur français n’a pas opté pour une durée fixe du maintien de
l’indivision, mais pour un délai flexible formé par une période de départ et des
renouvellements. Dans le premier cas, le conjoint survivant peut cohabiter avec les
descendants mineurs du défunt jusqu’à l’âge de majorité du plus jeune d’entre eux dans le
463 Parmi les descendants mineurs du défunt, il y a éventuellement des enfants du premier lit. Après le décès en cause, la cohabitation de ces enfants avec le conjoint survivant, c’est-à-dire leur beau parent, est plus difficilement imaginable, mais ce n’est pas impossible. En ce qui concerne la prise en charge directe de l’enfant par son beau parent dans ce cas, cf. M. REBOURG, La prise en charge de l’enfant par son beau parent, Coll. Doctorat & Notariat, Defrénois 2003, p. 181-212, nos 477-576.
250
logement en cause : ce parent bénéficie donc d’une condition favorable pour l’exercice de son
autorité parentale envers ses enfants, jusqu’au moment où ceux-ci atteignent tous l’âge de la
majorité. Dans le second cas, le maintien du conjoint survivant dans le local d’habitation, qui
est temporaire au début, peut devenir ensuite viager : quelle grande faveur que la loi lui
octroie !
b. Le droit vietnamien
438. - Parmi les règles juridiques vietnamiennes régissant la procédure de succession,
il n’y a pas de dispositions comparables au droit de jouissance temporaire du conjoint
survivant sur le logement en France. Globalement, les textes normatifs vietnamiens ne
mentionnent pas un droit direct du conjoint survivant sur le logement familial. C’est pourquoi,
à l’heure actuelle, le maintien temporaire de cette personne dans les lieux peut être réalisé,
mais d’une manière aléatoire, par la combinaison des éléments de droit avec ceux de fait. Il
est possible d’en trouver les trois voies différentes, concernant les trois institutions suivantes :
la réserve héréditaire (i), le testament commun des époux (ii) et le report du partage
successoral (iii).
i. La réserve héréditaire
439. - La première solution pour le maintien temporaire du conjoint survivant dans le
logement de la famille peut résulter de sa qualité d’héritier réservataire. En effet, ce bien
immobilier est souvent un bien commun des époux. Par conséquent, au décès le l’un d’eux, la
valeur du logement de la famille peut être divisée en deux parts égales, l’une appartient
toujours au conjoint survivant, l’autre rentre dans la succession. Il faut également rappeler que
la quote-part du défunt dans le logement de la famille est, dans la plupart des cas, l’élément
constituant principal de la succession. Selon l’article 669 du Code civil de 2005, en tant que
héritier réservataire, le conjoint survivant peut toucher deux tiers d’une part successorale d’un
héritier légal464. La combinaison de toutes ces règles aboutit au résultat que le conjoint
survivant détient une large majorité de la valeur du logement de la famille, il l’occupe de plus.
C’est grâce à cette situation que le conjoint survivant peut avoir un maintien temporaire dans
les lieux.
464 Nous envisageons la réserve héréditaire comme le droit successoral légal au minimum du conjoint survivant, qui peut l’aider de demander le maintien temporaire dans le logement de la famille. Tant mieux alors s’il touche une part successorale, légale ou testamentaire, de plus grande valeur.
251
En effet, l’article 638 du Code civil de 2005 dispose que l’administrateur d’une
succession est la personne désignée dans le testament ou d’un commun accord entre les
héritiers ; quand l’administrateur de la succession n’a pas été désigné dans le testament du
défunt ou n’a pas encore été choisi par les héritiers, la personne qui possède, use ou gère un
bien du défunt administre le bien jusqu’à la désignation par les héritiers de l’administrateur de
la succession. Le conjoint survivant, qui est toujours copropriétaire du logement de la famille,
devient alors presque automatiquement l’administrateur de ce local et continue à y habiter
jusqu’au partage définitif de la succession. Les autres héritiers ne peuvent pas demander à
cette personne, qui est l’indivisaire majoritaire du logement de la famille et qui l’occupe
depuis toujours, de déménager pour y instituer un autre administrateur. Au moins, vu la
situation, cette exigence ne sera pas, sans aucun doute, acceptée par le tribunal. Ainsi, tant que
tous les héritiers n’aboutissent pas encore à l’ultime partage de la succession, le conjoint
survivant se maintient dans les lieux.
440. - Se pose alors la question sur la limite de durée de ce maintien temporaire.
Précisément, le conjoint survivant peut-il encore rester dans le logement de la famille après le
partage successoral ? Selon l’article 685, alinéa 2 du Code civil de 2005, les héritiers ont le
droit de demander le partage en nature des biens successoraux; si un partage en nature par
parts égales est impossible, les héritiers peuvent d’un commun accord évaluer la succession et
désigner ceux auxquels seront attribués des biens successoraux en nature; à défaut d’accord,
les biens successoraux sont vendus et le prix de la vente est partagé entre héritiers. Dans ce
cas d’espèce, puisque les quotes-parts que le conjoint survivant détient dans le logement
familial vient de ses droits matrimoniaux (sa part dans les biens communs des époux) et
successoraux (sa part successorale), il est vraisemblable que les autres héritiers ne peuvent
demander qu’un partage en nature du local, si ceci est possible. Si le partage en nature est
impossible, les autres héritiers n’ont pas le droit de demander la vente du logement de la
famille pour un partage en valeur, car l’article 685, alinéa 2 précité ne s’applique qu’à la
quote-part du défunt dans le bien, non pas à celle du conjoint survivant en tant qu’époux. Les
autres héritiers et le conjoint survivant se trouvent donc dans une copropriété par quote-part
portant sur le logement de la famille, les premiers ont un droit de créance contre le dernier
pour leurs quotes-parts dans le bien, celles qui leur reviennent selon la dévolution
successorale, ainsi que pour l’indemnité d’occupation portant sur ces quotes-parts. Par
conséquent, même dans le cas où le partage en nature du logement familial est impossible, le
conjoint survivant peut quand même continuer à se maintenir dans les lieux, avec évidemment
252
l’obligation de régler le plus vite possible la quote-part des autres héritiers et l’indemnité
d’occupation, à leur demande465.
441. - Lorsque le logement de la famille appartient totalement à la succession, par
application de la réserve héréditaire, le conjoint survivant ne touche qu’une quote-part
modeste du bien. En l’absence d’accord commun entre héritiers, le bien sera vendu pour un
partage en valeur et le conjoint survivant devra déménager si ce n’est pas lui qui l’acquiert.
Pourtant, en attente de la réalisation de cette vente, il est toujours possible de penser au
maintien temporaire du conjoint survivant dans logement familial en tant qu’administrateur du
bien466. Il obtient cette qualité grâce à sa situation d’occupant effectif du local : le tribunal
acceptera sa demande de rester dans les lieux, mais il doit observer strictement les conditions
d’administration exigées par les autres héritiers.
442. - En droit vietnamien, le conjoint survivant est héritier réservataire même en
présence de descendants du défunt. Cette règle lui donne donc une meilleure place par rapport
au conjoint survivant en droit français dans la même situation. La réserve héréditaire, qui
permet au conjoint survivant d’avoir une part successorale en pleine propriété, peut
éventuellement lui assurer un maintien temporaire dans le logement de la famille, en
combinaison avec les règles sur l’administration de la succession et l’occupation effective du
local d’habitation en cause467.
443. - Dans le cas où l’habitation du conjoint survivant était assurée au moyen d’un
bail, la réserve héréditaire n’a pas de rapport avec le maintien de cette personne dans le local.
Le conjoint survivant touche toujours sa part réservataire ; étant le cooccupant du local, il a en
plus une priorité pour la continuation du bail468. Pourtant, il doit payer les loyers
définitivement par sa ressource personnelle. Le remboursement par la succession, comme
celui disposé à l’article 763 du Code civil français, n’existe pas en droit vietnamien. En effet,
la réserve héréditaire peut avoir des effets positifs éventuels envers le maintien temporaire du
465 Une analyse plus en détail de la liquidation de cette copropriété sera exposée dans le cas semblable entre le concubin survivant et les héritiers. Cf. infra, nos 517-519. 466 Dans la doctrine, on affirme que le fait que le conjoint assume les fonctions de l’administrateur de la succession est en conformité avec l’esprit des mœurs. Cf. NGUYEN Ngoc Dien, Les droit successoraux du conjoint survivant en droit vietnamien, op. cit., n°474, p. 503 ; n° 476, p. 504-505. 467 Pourtant, ce maintien temporaire est tout à fait aléatoire, instable. La réserve héréditaire en droit positif vietnamien ne peut pas assurer officiellement le droit au logement du conjoint survivant. Pour une analyse sur ce rôle limité de la réserve héréditaire, cf. NGUYEN Ngoc Dien, Les droit successoraux du conjoint survivant en droit vietnamien, op. cit., n° 472, p. 501-502 ; n° 477, p. 506. 468 L’article 499, alinéa 3 du Code civil de 2005.
253
conjoint survivant dans le logement de la famille, elle n’est pas en elle-même le droit
temporaire au logement, explicite et d’office, comme celui en droit français.
ii. Le testament commun des époux
444. - La deuxième solution pour le maintien temporaire du conjoint survivant dans le
logement de la famille est le testament commun fait par les deux époux469. L’article 663 du
Code civil de 2005 institue le principe : « Les époux peuvent établir conjointement un
testament pour disposer de leurs biens communs ». Ainsi, les époux peuvent décider
ensemble que leurs biens communs, dont le logement de la famille, ne seront partagés qu’au
décès du dernier des deux. Lorsque l’un des époux décède, l’autre continue à occuper le local
d’habitation jusqu’à son propre décès. Une telle décision est assez courante dans la coutume,
même sous forme orale, et même si le logement est un bien personnel l’un des époux : ils
convoquent une réunion de leurs descendants et déclarent à ceux-ci leur volonté commune.
L’exécution de ce testament oral est garantie par le respect des descendants envers les deux
testateurs, une obligation morale dans la famille.
445. – Ainsi, le testament commun n’est utile qu’au cas où les époux s’entendent bien
et décident de le faire ensemble. En pratique, une fois qu’il faut recourir aux règles
protectrices pour garantir l’accès des membres de la famille au logement familial contre les
décisions excessives de l’un des époux, c’est difficile à imaginer l’apparition d’un accord
commun des deux époux sous forme du testament commun. De surcroît, il ne convient pas
d’espérer un grand nombre de couples qui pensent à l’établissement d’un testament commun,
dans le contexte actuel où même un testament simple de l’individu n’est pas toujours présent
dans toutes les successions. Même si les époux ont fait un testament commun mais seulement
sous forme orale, il y a des difficultés concernant les preuves de ce testament commun.
En somme, les limites de ces deux solutions montre la nécessité de recourir à la
troisième, qui est la plus réaliste : le report du partage successoral.
469 En droit français, le testament commun est interdit. L’article 968 du Code civil français dispose : « Un testament ne pourra être fait dans le même acte par deux ou plusieurs personnes soit au profit d'un tiers, soit à titre de disposition réciproque ou mutuelle ».
254
iii. Le report du partage successoral
446. - L’article 31, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose :
«Dans le cas où le partage de la succession est demandé par les héritiers, le conjoint
survivant peut demander au juge de déterminer les parts respectives des héritiers et de
reporter le partage dans un délai déterminé s'il est établi que le partage immédiat de la
succession portera gravement atteinte à la vie du conjoint survivant et du ménage; à
l'expiration du délai fixé par le juge ou si le conjoint survivant s'est remarié, les héritiers
peuvent demander au juge de procéder au partage de la succession » 470.
Le premier commentaire sur cette règle est qu’elle est commune pour toute affaire
successorale, testamentaire ou légale. Cela veut dire qu’elle n’a pas le but initial de lutter
contre la volonté excessive du défunt exposé dans son testament : la règle n’est qu’une mesure
temporaire en vue de limiter les conséquences négatives du partage des biens successoraux.
Ce partage peut résulter d’une dévolution successorale testamentaire ou légale. À ce point, le
champ d’application de la présente règle vietnamienne ressemble à celui des articles 763 et
822 du Code civil français, qui s’appliquent à toutes les procédures de succession.
Ensuite, selon l’article 12, alinéa 1er du Décret n° 70/2001/ND-CP, l’une des
difficultés du conjoint survivant et du ménage, que le juge doit prendre en compte dans
l’application de l’article 31, alinéa 3 précité, c’est l’extinction du maintien dans le local
d’habitation, qui résultera du partage immédiat de la succession. Ainsi, généralement, il est
possible de trouver dans cette règle un procédé pour garantir la possibilité de se loger du
conjoint survivant, qui n’est pas comparable au droit de jouissance d’office, mais à peu près
semblable au maintien de l’indivision en droit français. Néanmoins, en détail, il existe entre le
report du partage successoral en droit vietnamien et le maintien de l’indivision en droit
français des différences techniques.
447. – Il faut examiner d’abord les bénéficiaires de la faveur légale. En droit français,
le maintien de l’indivision est expressément et exclusivement réservé aux descendants
mineurs et au conjoint survivant du défunt, avec des conditions respectives pour chaque cas.
En droit vietnamien, le partage successoral est reporté afin de favoriser la vie du conjoint
survivant et du « ménage ». Ainsi, dans la volonté du législateur vietnamien, qui compose ce
470 Rappelons que l’article 686 du Code civil de 2005 a reproduit exactement ce texte. Le report du partage successoral à la demande du conjoint survivant a donc une place officielle dans le Code civil.
255
ménage ? Et pourquoi ces personnes n’ont pas leur propre droit de demander le report du
partage successoral, mais tout dépend de la demande exclusivement réservée au conjoint
survivant ?
En pratique, le report nécessite une intervention judiciaire seulement dans le cas où les
héritiers se divisent en deux groupes, l’un souhaite le partage immédiat et l’autre ne le veut
pas. Le conjoint survivant représente donc ce dernier groupe, qui se compose de tous les
membres de la famille souhaitant un maintien temporaire dans le logement de la famille, et
ces personnes sont tellement attachées au conjoint survivant que la demande de celui-ci suffit
pour présenter leur problème commun au traitement du tribunal ; on peut également supposer
que ces personnes ne peuvent pas agir elles-mêmes à cause de leur capacité limitée, et que
c’est le conjoint survivant qui est leur représentant légal. Quant à la partie adverse, elle réunit
les héritiers qui n’ont pas besoin vital d’habiter les lieux, mais tendent uniquement à récupérer
la valeur de leurs parts successorales. Le Conseil des Juges de la Cour populaire suprême a
bien montré la situation typique dans la matière : c’est le cas où le conjoint survivant, la
femme en l’espèce, doit agir en justice contre le partage immédiat exigé par les parents du
défunt, pour que ses enfants mineurs et lui-même puissent se maintenir temporairement dans
les lieux471. Pour un exemple doctrinal, il est possible de mentionner le cas où le conjoint
survivant, notamment la femme encore, qui n’a pas d’enfant commun avec le défunt,
demande le report contre le partage immédiat exigé par les enfants du premier lit et des
parents du défunt. Dans tous ces cas, c’est toujours l’intérêt du conjoint survivant qui compte. 471 La Résolution n° 02/2000/NQ-HDTP du 23 décembre 2000 du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême, dans son article 4.a, fournit presque la même interprétation des conditions du report du partage successoral que celle du Décret n° 70/2001/ND-CP précitée. Elle présente, en plus, deux cas pratiques : « …Exemple n° 1 : Avant son mariage, Monsieur A a acquis un logement courant de rang 4 dont la superficie est de 25m2. Ensuite, il s’est marié avec Madame B et il n’a pas versé ce logement dans la masse des biens communs des époux. Après la naissance d’un enfant commun, Monsieur A est décédé tandis qu’il n’avait fait aucun testament. Les parents de Monsieur A réclament le partage du logement puisque celui-ci est un bien appartenant à la succession. Madame B et son enfant n’ont pas d’autres locaux d’habitation et ne peuvent pas encore se loger ailleurs. Il est en plus impossible de procéder à un partage en nature du logement en cause. Dans ce cas, le partage successoral de ce logement portera gravement atteinte à la vie de Madame B et de son enfant. Exemple n°2 : Monsieur C et Madame D se sont mariés et ils ont acquis conjointement un logement dont la superficie est de 20m2. Après la naissance d’un enfant commun, Monsieur C est décédé sans laisser aucun testament. Les parents de Monsieur C réclament le partage de sa quote-part dans ce logement comme un bien successoral. Madame D et son enfant n’ont pas d’autres locaux d’habitation, tandis que le partage en nature de ce logement n’assurera pas les conditions élémentaires de leur vie ; Madame D n’a pas non plus la possibilité de régler en valeur les parts successorales des parents de Monsieur C. Dans ce cas, le partage successoral de la quote-part de Monsieur C dans le logement de 20m2 portera gravement atteinte à la vie de Madame D et de son enfant ..... ». Dans ces deux exemples, il faut remarquer que les juges mentionnent directement les contentieux concernant le partage du logement de la famille dans la procédure de succession, ainsi que la place du conjoint survivant et de son jeune enfant en opposition à la famille d’origine du défunt. En effet, tout cela, c’est la réalité successorale au Vietnam.
256
Ainsi, un cadre juridique en faveur du droit au logement du conjoint survivant a marqué son
début dans le système juridique vietnamien.
448. - Les conditions du maintien de l’indivision en droit français, soit la présence des
descendants mineurs du défunt, soit l’occupation effective du local par le conjoint survivant et
une quote-part de ce dernier dans la copropriété du bien, montrent que ces personnes ont un
droit légal au maintien de l’indivision472, qui est éventuellement réaffirmé par une décision
judiciaire, à la demande de leurs détenteurs. Ceux-ci ont l’accès au maintien de l’indivision
d’abord grâce à leur titres personnels et réels (descendants du défunt, ou conjoint survivant du
défunt et copropriétaire des locaux) ; les éléments de fait (l’âge de minorité, ou l’occupation
effective des lieux) ne sont que des conditions complémentaires. La règle vietnamienne
fournit un mécanisme inverse : on examine d’abord les éléments de fait, qui est la difficulté
dans la vie des occupants du logement ; les titres personnels de conjoint survivant et de
membre du ménage sont des conditions complémentaires, alors que les quotes-parts de ces
personnes dans la copropriété des locaux ne sont point mentionnées dans la règle. En droit
français, une fois qu’en demandant le maintien de l’indivision, le conjoint survivant prétend la
présence des descendants mineurs du défunt, ou il montre qu’il est copropriétaire des locaux
d’habitation et qu’il les occupe depuis toujours, le juge n’a qu’à ordonner le maintien de
l’indivision, car celui-ci est évident, conformément aux dispositions légales. En droit
vietnamien, l’élément le plus important que le conjoint survivant doit démontrer au tribunal,
c’est le fait que le ménage et lui-même n’auront pas de logement si le partage successoral a
lieu immédiatement. Le conjoint survivant doit expliquer clairement et tout en détail le
nombre des enfants en charge, les ressources du ménage, les difficultés insurmontables dans
la recherche du nouveau logement, etc. ; le tribunal vérifiera toutes ces déclarations en tenant
compte de la situation matérielle des autres héritiers473 et de la vie sociale du lieu où l’affaire
a lieu, pour décider s’il faut ordonner le report du partage successoral. Ainsi, le conjoint
survivant et le ménage ont, éventuellement et seulement, le droit de se maintenir
temporairement dans les lieux, qui est leur octroyé par une décision judiciaire, non pas un
droit légal au maintien temporaire dans le logement de la famille.
472 Le droit au maintien de l’indivision du local d’habitation et des objets mobiliers le garnissant fait partie donc du droit légal au logement du conjoint survivant. En effet, le droit de jouissance temporaire du conjoint survivant prévu par l’article 763 du Code civil français porte sur les mêmes local d’habitation et mobilier. 473 L’article 12, alinéa 2 du Décret n° 70/2001/ND-CP. Cf. infra, n° 455.
257
449. - Au Vietnam, il y a encore une autre question qui pourrait se poser concernant la
nature du droit de demander le report de la succession : droit matrimonial ou droit
successoral ? Le législateur n’y fournit aucune réponse. Il faut avoir à ce point une
interprétation du texte.
D’abord, le droit à la demande de report du partage successoral est un droit exclusif du
conjoint survivant, puisque l’article 31, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille et
l’article 12 du Décret n° 70/2001/ND-CP n’octroie ce droit qu’à cette personne, non pas à
d’autres personnes qui occupent aussi le logement en cause. Ce droit de demander le report du
partage successoral est en plus d’ordre public, puisqu’il ne dépend pas de la volonté du défunt
exprimée dans son testament.
Pourtant, au cas où le conjoint survivant est déshérité en application de l’article 643 du
Code civil de 2005474, ou il renonce à sa part successorale dans le cadre de l’article 642 du
même Code475, a-t-il encore ce droit de demande ? Selon les termes de l’article 31, alinéa 3
précité, le motif de cette demande est la situation difficile du conjoint survivant ainsi que du
ménage. Par conséquent, elle ne dépend pas de la qualité d’héritier ou des droits successoraux
concrets du conjoint survivant. Le droit du conjoint survivant de demander le report du
partage successoral est alors de nature matrimoniale. C’est son rapport matrimonial légitime
avec le défunt qui donne au conjoint survivant la qualité à agir dans ce cas, afin de protéger
son propre cadre de vie ainsi que celui de la famille. Le partage de la succession fait partie
évidemment de la procédure successorale, son report en est ainsi, mais le droit de demander
474 L’article 643 du Code civil de 2005 : « Personnes indignes de succéder
1. Sont indignes de succéder et, comme telles, exclues des successions, les personnes suivantes: a)Celui qui a été condamné pour avoir porté atteinte intentionnellement à la vie ou à la santé du défunt,
pour lui avoir fait subir de mauvais traitements ou pour avoir porté atteinte gravement à son honneur ou à sa dignité;
b) Celui qui n’a pas exécuté son obligation alimentaire à l’égard du défunt; c) Celui qui a été condamné pour avoir porté atteinte intentionnellement à la vie d’un autre héritier dans le
but de s’approprier tout ou partie des biens successoraux qui lui étaient transmis; d) Celui qui a eu recours à des manœuvres frauduleuses ou qui a commis des actes de violence contre le
défunt lors de la rédaction du testament ; celui qui a falsifié, altéré ou détruit un testament dans le but de s’approprier tout ou partie des biens successoraux contrairement à la volonté du défunt.
2. Les personnes indignes visées au paragraphe 1 du présent article peuvent néanmoins succéder si le défunt qui a eu connaissance de leurs agissements ne les a pas déshéritées ».
475 L’article 642 du Code civil de 2005 : « Renonciation à une succession 1. Un héritier a le droit de renoncer à une succession, sauf les cas de renonciation pour se soustraire à ses
obligations patrimoniales à l’égard des tiers. 2. La renonciation à une succession doit être établie par écrit; la personne qui renonce à une succession
doit informer de sa renonciation les autres héritiers, le liquidateur de la succession, le Notariat d’Etat ou le Comité populaire de la commune, du quartier ou du bourg du lieu d’ouverture de la succession.
3. Le délai de renonciation à une succession est de six mois à compter du jour de l’ouverture de la succession ».
258
ce report appartient à chacun des époux dès la formation du mariage, qui l’exercera en tant
que conjoint survivant, non pas héritier, au moment où le partage de la succession est
demandé par les héritiers.
450. - L’expression « la vie du conjoint survivant et du ménage » a un sens implicite
mais important dans la compréhension de la situation des règles vietnamiennes en cette
matière. En France, le droit au logement du conjoint survivant s’oppose principalement au
droit des descendants et ascendants du défunt dans la dévolution successorale légale. Il s’agit
de l’opposition d’un étranger contre la ligne de sang, la ligne verticale de la famille du défunt.
Au Vietnam, le droit à la demande de report du partage de la succession exercé par le conjoint
survivant est un droit des membres de la famille nucléaire du défunt, dont le conjoint
survivant et des enfants, contre les étrangers.
451. - Pendant le délai de report, le conjoint survivant a quels droits sur les biens
successoraux ? L’article 12, alinéa 3 du Décret n° 70/2001/ND-CP dispose que le conjoint
survivant a le droit d’user, d’exploiter les biens successoraux et de percevoir des fruits et
revenus qui en résultent ; il doit en outre garder et conserver les biens successoraux comme
s’ils étaient ses biens propres ; à défaut d’accord commun de tous les héritiers, il ne peut pas
faire des actes de dispositions sur les biens successoraux. Avec ce cadre juridique, il est
vraisemblable que le conjoint survivant a, pendant le délai du report du partage successoral,
un droit d’usufruit sur la succession. Précisément, puisqu’il a droit à l’usage et à l’exploitation
du logement de la famille, il peut non seulement habiter ce local et y jouir de tout confort,
mais aussi le louer et en percevoir des loyers. Tous les fruits et revenus qui résultent de la
succession par l’exploitation du conjoint survivant deviennent les biens propres de cette
personne, car la loi ne mentionne aucun autre bénéficiaire de ces fruits et revenus476.
476 La loi dit que le report du partage successoral est ordonné pour que la vie du conjoint survivant et du ménage ne rencontre pas de grandes difficultés, elle ne précise pourtant pas le régime juridique des fruits et revenus résultant éventuellement de la succession. Ainsi, le conjoint survivant devient l’unique propriétaire de ces nouveaux biens et il peut en disposer à sa volonté, l’intérêt des autres membres du ménage n’y est pas pris en compte. La situation peut donc être résumée comme telle : la difficulté du ménage constitue une condition d’acquisition du droit d’usufruit temporaire du conjoint survivant sur la succession au moyen du report de partage successoral, mais cette personne n’est pas obligée d’améliorer la vie du ménage par les fonds directement produits par la succession. Cette règle, qui institue un régime juridique peu cohérent, est incompréhensible. Il sera plus raisonnable si la loi dispose que le conjoint survivant a l’obligation d’affecter ces fruits et revenus à l’entretien des autres membres du ménage, tels que ses propres enfants.
259
En France, selon l’article 815-3 du Code civil477, pour conclure et renouveler les baux
portant sur le logement de la famille dans lequel il se maintient, le conjoint survivant doit être
titulaire d’au moins deux tiers des droits indivis sur ce bien. Le conjoint survivant qui
bénéficie du droit de jouissance temporaire sur le logement familial n’a que la jouissance
gratuite de ce local ainsi que du mobilier, compris dans la succession, qui le garnit. Ainsi, en
comparaison avec ces deux institutions en France, le droit d’usufruit du conjoint survivant
pendant le délai du report successoral au Vietnam lui donne un champ d’activité beaucoup
plus large.
452. – Il faut examiner maintenant la question sur quelle masse de biens porte-t-il le
droit d’usufruit du conjoint survivant. L’article 31, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la
famille dit que le juge peut ordonner le report du partage de « la succession ». Ce terme
signifie donc, d’une manière claire, que le partage de toute la succession est reporté, c’est-à-
dire que le conjoint survivant a le droit d’usufruit et l’obligation de garde et de conservation
sur toute la succession pendant le délai de report. Cette idée est confirmée par l’article 12 du
Décret n° 70/2001/ND-CP précité, qui mentionne les droits et obligations du conjoint
survivant concernant « la succession ».
À ce point, il est vraisemblable que l’effet du report de partage successoral apporte au
conjoint survivant à la fois des droits et des obligations qui peuvent dépasser ses
compétences. Or, face aux difficultés qui seront sûrement produites par le partage immédiat
de la succession, ce dont le conjoint survivant et la famille ont besoin, ce sont des conditions
matérielles élémentaires qui leur permettent d’organiser la nouvelle vie familiale, non pas un
droit patrimonial trop large que le conjoint survivant n’aurait même pas eu du vivant de son
époux. Donner au conjoint survivant l’usufruit de toute la succession signifie également le fait
qu’il est chargé de la gestion de tous ces biens, une obligation qui n’est pas du tout simple
477 L’article 815-3 du Code civil français : « Le ou les indivisaires titulaires d'au moins deux tiers des droits indivis peuvent, à cette majorité : 1° Effectuer les actes d'administration relatifs aux biens indivis ; 2° Donner à l'un ou plusieurs des indivisaires ou à un tiers un mandat général d'administration ; 3° Vendre les meubles indivis pour payer les dettes et charges de l'indivision ; 4° Conclure et renouveler les baux autres que ceux portant sur un immeuble à usage agricole, commercial, industriel ou artisanal. Ils sont tenus d'en informer les autres indivisaires. A défaut, les décisions prises sont inopposables à ces derniers. Toutefois, le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux visés au 3°. Si un indivisaire prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition ni la conclusion ou le renouvellement des baux ».
260
dans un nombre considérable de cas, surtout avec la succession qui contient des biens de
grande valeur nécessitant une gestion compliquée, tels que les immeubles, les titres en marché
de bourse, etc.
453. - Sous un autre aspect, la présente charge de gestion en bon père de famille, que
le conjoint survivant doit prendre, peut être un risque pour son cadre de vie stable. En effet,
l’article 12, alinéa 3 du Décret n° 70/2001/ND-CP précise qu’en cas des actes de mauvaise foi
en vue dilapider la succession ou de la mauvaise gestion de la succession effectués par le
conjoint survivant, les autres héritiers ont le droit de demander au tribunal de déclarer nuls les
actes en cause et d’autoriser le partage de succession ; le conjoint survivant doit leur payer des
dommages - intérêts conformément aux dispositions légales. La mauvaise gestion de la
succession faite par le conjoint survivant à cause de son manque d’expertise en la matière peut
donc lui coûter très cher : le partage successoral est ordonné, il perd non seulement les fruits
et revenus éventuellement perçus, mais surtout les conditions de base de la vie du ménage,
dont le maintien dans le logement de la famille. D’un point de vue comparatif, il est possible
de trouver que le conjoint survivant en France, avec son droit de jouissance d’un an sur le
logement de la famille et les meubles meublants qui le garnissent, ou avec les droits
d’administration limités envers les biens indivis, rencontrera moins de difficultés et d’ennuis
dans la gestion des biens en cause.
454. – Du point de vue économique, le report du partage de toute la succession vaut,
en fait, le blocage de cette masse des biens pendant la période maximale de trois ans : les
biens successoraux sont soumis à l’usufruit d’une seule personne et restent inaccessibles pour
toutes les autres. Si cela sert effectivement et justement la vie du ménage et du conjoint
survivant, l’esprit de la règle sera parfaitement réalisé ; mais si les biens en cause dépassent
largement les besoins quotidiens du ménage, ce sera un traitement excessif. Cet excès a des
influences négatives sur les droits et intérêts légitimes des autres héritiers. Le fait de glacer de
manière irraisonnable des masses de biens constitue également un gaspillage dans l’économie.
455. - Toutes ces complexités de la règle peuvent être évitées si le conjoint survivant a
le droit d’usufruit seulement sur les biens successoraux qui lui permettent juste un cadre de
vie stable de base, non pas nécessairement toute la succession. En droit positif, puisque la loi
ne fournit pas des dispositions plus précises, il convient de penser au rôle d’harmonisation du
juge. En effet, l’article 12, alinéa 2 du Décret n° 70/2001/ND-CP dispose l’intervention du
juge : « Dans le cas où les héritiers du défunt sont dans l’embarras, dans l’impossibilité de
261
travail, sans biens pour se nourrir et envers lesquels personne n’a l’obligation alimentaire, le
tribunal examine la situation et décide le partage de la succession en soupesant les droits et
intérêts du conjoint survivant et ceux des autres héritiers ». Cette règle prévoit seulement le
cas de concours des intérêts entre le conjoint survivant et les autres héritiers lorsqu’ils sont
tous dans la difficulté matérielle. À notre avis, dans une application par analogie, à la
demande de tout héritier et même du conjoint survivant, le juge peut également examiner le
concours des intérêts de ces personnes et délimite le report du partage à certains biens
successoraux déterminés, qui servent effectivement la vie du ménage et du conjoint survivant,
tels que le logement de la famille ; les autres biens font l’objet d’un partage partiel de la
succession entre héritiers. Il est possible de prendre comme référence comparative les articles
820, 821, 821-1 et 822 du Code civil français, qui disposent le maintien de l’indivision sur
logement de la famille ensemble avec le mobilier qui le garnit, et pour certains fonds servant
les activités productives et commerciales des héritiers.
456. - Par rapport au droit de jouissance temporaire du conjoint survivant en droit
français, le report du partage successoral dont bénéficie le conjoint survivant en droit
vietnamien a toujours une limite en cas de logement loué. En France, le droit de jouissance
temporaire permet au conjoint survivant d’avoir le remboursement des loyers par la
succession. Au Vietnam, dans tous les cas, sans autre accord avec les autres héritiers, le
conjoint survivant ne peut pas demander le paiement des loyers par la succession. Il pourrait
avoir une priorité dans la continuation du bail s’il cohabitait avec le défunt locataire dans le
local ou s’il était lui-même colocataire478, mais il doit payer toutes les charges du logement en
tant que nouveau locataire. Le conjoint survivant devra donc quitter le local s’il ne peut pas
payer les loyers, tandis que la succession est partagée sans report.
457. – Le présent inconvénient reflète la différence de nature entre le droit de
jouissance temporaire en France et le report du partage successoral au Vietnam479. En France,
le conjoint survivant a un droit réel d’office sur le logement de la famille, c’est pourquoi la
succession, d’une façon ou d’une autre, doit lui assurer le maintien temporaire dans ce local.
Au Vietnam, le conjoint survivant n’a pas de droits réels d’office sur le logement de la
famille ; le droit d’usufruit sur toute la succession, qui peut lui permettre d’avoir le maintien
478 L’article 497 et l’article 499, alinéa 3 du Code civil de 2005. 479 Le droit de jouissance temporaire en France et le report du partage successoral au Vietnam sont ici comparables seulement parce qu’ils sont des institutions, respectivement introduites par chaque système juridique en cause, qui permettent au conjoint survivant de se maintenir temporairement dans le logement de la famille.
262
temporaire dans ce local d’habitation, n’est qu’un effet dérivé du report du partage
successoral ordonné à sa demande.
458. – Il est encore nécessaire d’avoir une comparaison sur le délai des droits en
cause. En application de l’article 763 du Code civil français, le conjoint survivant a le droit de
jouissance sur le logement pendant un an ; selon l’article 822 du même Code, le maintien du
conjoint survivant dans les locaux d’habitation est flexible et peut devenir viager480. Au
Vietnam, l’article 12 du Décret n° 70/2001/ND-CP dispose : le report du partage de la
succession ne dépasse pas trois ans et s’interrompt lorsque le conjoint survivant se remarie481,
contracte des actes civils en vue de disperser la succession en cause, ou faire baisser la valeur
de cet héritage. Ainsi, les règles vietnamiennes prévoient une période pendant laquelle le
conjoint survivant et le ménage sont présumés d’avoir stabilisé leur vie ; la durée de leur
maintien dans les lieux varie donc selon les cas en ne dépassant pas un plafond de trois ans.
Une remarque paraît nécessaire : le délai du report de partage successoral en droit
vietnamien doit courir à partir du jour où la demande de partage est demandée et non pas du
jour de l’ouverture de la succession. En effet, le délai pour demander une liquidation de la
succession est de dix ans à partir de l’ouverture de la succession482, tandis que selon l’article
31, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille, la vie difficile du conjoint survivant et du
ménage, qui constitue le fondement du report du partage, doit être la conséquence directe du
partage. Si le report du partage court à partir de l’ouverture de la succession, et le partage de
la succession est demandé, par exemple, cinq ans après cette date, aucun report ne sera plus
possible, l’article 31, alinéa 3 ne pourra pas montrer sa valeur juridique.
459. - En conclusion, en France, le législateur établit le droit de jouissance du conjoint
successible sur le logement commun ou dépendant totalement de la succession ; il prévoit en
outre une possibilité pour le conjoint survivant de se maintenir dans le logement de la famille
par voie de maintien de l’indivision, avec des conditions plus restrictives. Au Vietnam, à
l’heure actuelle, le législateur met en place uniquement la voie de reporter le partage de la
succession pour assurer le maintien dans les lieux du conjoint survivant et du ménage, ceux
480 Cf. supra, nos 434 - 437. 481 La présente disposition ressemble à l’ancienne règle sur le droit d’usufruit de la femme survivante sous la dynastie des LE exposée ci-dessus, cf. supra, n° 426. L’esprit du législateur paraît assez clair : lorsque le conjoint survivant se remarie, il sort de la famille d’origine du défunt pour entrer dans celle de son nouvel époux ; les biens affectés à son droit d’usufruit doivent alors partagés pour que la famille d’origine du défunt récupère ce qui lui appartient. 482 L’article 645 du Code civil de 2005.
263
qui n’auront pas de toit si le partage immédiat a lieu. Puisque pendant le délai du report, tout
héritier ne sait pas encore sur quel bien concret porte sa part successorale, le conjoint
survivant et le ménage exercent leur droit d’usage sur le local d’habitation en cause comme ils
l’exerçaient du vivant du de cujus, sans être influencés par aucun héritier. Ils doivent, en
revanche, entretenir ce local comme s’il était le leur, et ils n’ont pas la possibilité d’en
disposer sans le consentement de tous les héritiers.
Un droit de jouissance d’office sur le logement tel que celui prévu à l’article 763 du
Code civil français n’apparaît pas encore dans les textes normatifs vietnamiens, mais le droit
de demander le report du partage successoral, au profit des intérêts légitimes du conjoint
survivant et du ménage, est déjà un progrès législatif considérable, qui correspond à la morale
traditionnelle de la population vietnamienne. Le législateur vietnamien n’établit pas
directement un droit de jouissance pour le conjoint survivant, car il n’est pas encore opportun
d’opposer la place de celui-ci à tout autre cohéritier, comme ce qui est fait en France. La
réalité de la famille vietnamienne à l’heure actuelle ne connaît pas une telle opposition qui se
construit d’office dans les dispositions légales. La voie du report de partage successoral, avec
l’expression « du conjoint et du ménage » qui attache l’intérêt de la personne veuve à celui de
la famille dont elle est toujours un membre, se montre raisonnable. Évidemment, il faut
toujours le rôle d’harmonisation du juge pour tout intérêt en cause dans chaque cas d’espèce,
qui assure la réalisation parfaite de l’esprit de la loi.
2 - Le droit d’habitation et d’usage viager du conjoint survivant sur le logement
a. Le droit français
460. - L’article 764, alinéa 1er du Code civil français dispose :
« Sauf volonté contraire du défunt exprimée dans les conditions de l’article 971, le
conjoint successible qui occupait effectivement, à l’époque du décès, à titre d’habitation
principale, un logement appartenant aux époux ou dépendant totalement de la succession, a
sur ce logement, jusqu’à son décès, un droit d’habitation et un droit d’usage sur le mobilier,
compris dans la succession, le garnissant ».
Ainsi, les conditions du droit d’habitation et d’usage viager du conjoint survivant
ressemblent à celles de son droit de jouissance temporaire, avec un ajout pourtant important :
l’absence de la volonté contraire du de cujus. L’objet de l’usage reste le même que celui du
264
droit de jouissance temporaire, mais l’étendue de l’usage s’étend jusqu’à la mort de son
détenteur. La combinaison des deux articles 763 et 764 du Code civil français forme un statut
du droit au logement du conjoint survivant, qui n’apparaissait jamais dans l’histoire. Par
conséquent, il est possible de conclure que ce statut est vraiment une réponse aux questions de
la société contemporaine.
Le législateur français prend une technique relativement simple pour présenter le droit
d’habitation et d’usage, en répétant dans l’article 764 ce qui est déjà dit dans l’article 763 et
en y ajoutant le défaut de la volonté contraire du défunt. Une fois que celui-ci restait
silencieux, son conjoint survivant bénéficie d’office du profit de l’habitation et de l’usage que
la loi a déterminé. L’accord implicite et présumé du de cujus simplifie beaucoup, dans ce cas,
la question du logement du conjoint survivant dans la procédure de succession. La loi a bien
utilisé la technique de droit viager, ce qui est assez fréquente dans la pratique juridique de la
France483, dans une structure normative légère pour achever le statut du droit au logement du
conjoint survivant. Le droit d’habitation et d’usage viager est l’un des droits successoraux du
conjoint survivant que le de cujus lui octroie implicitement (ou explicitement, s’il l’a
souhaité) mais dont le contenu est précisé par la loi.
461. - Dans le train de vie du conjoint survivant, ses droits d’habitation et d’usage
viagers sur le logement de la famille lui donnent encore la possibilité de trouver un nouveau
local d’habitation qui adapte mieux à la nouvelle situation de sa vie. En effet, l’article 764,
alinéa 5 du Code civil français dispose : « Par dérogation aux articles 631 et 634, lorsque la
situation du conjoint fait que le logement grevé du droit d'habitation n'est plus adapté à ses
besoins, le conjoint ou son représentant peut le louer à usage autre que commercial ou
agricole afin de dégager les ressources nécessaires à de nouvelles conditions
d'hébergement ». La doctrine explique l’intérêt considérable que cette disposition apporte à la
personne veuve, notamment quand elle est bien âgée484.
462. - Pour exercer ces droits d’habitation et d’usage, l’article 765-1 du Code civil
français dispose que le conjoint survivant doit manifester sa volonté d’en bénéficier dans le
délai d’un an à partir du décès.
483 Dans une vente en viager du local d’habitation, le vendeur peut réserver le droit d’usage et d’habitation sur ce bien immobilier. Pour une présentation détaillée de ce contrat, cf. M. ARTAZ, Viagers régime juridique et fiscal, 11e éd., Coll. encyclopédie Delmas, Delmas 2005, nos 501-508, p. 71-74. 484 Ph. MALAURIE, op. cit., n° 106, p.71.
265
Lorsque le défunt a refusé, dans les conditions de l’article 971 du Code civil485, les
droits d’habitation et d’usage viagers du conjoint survivant, celui-ci peut quand même espérer
un maintien viager dans le logement de la famille, par voie de maintien de l’indivision prévu
aux articles 821-1, 822, 823 du même Code486.
463. - Tous ces statuts contribuent à rendre tout à fait particuliers les droits
successoraux du conjoint survivant en droit français. Cette personne n’est pas un héritier
réservataire en présence de descendants, mais elle se place dans la concurrence avec les
descendants et les parents du défunt, ceux qui sont des héritiers à bon sens de ce terme. De
plus, elle a plein des droits en nature en ce qui concerne le logement de la famille.
b. Le droit vietnamien
464. - Au Vietnam, à l’heure actuelle, un droit viager du conjoint survivant sur le
logement, qui se produise dans la procédure de succession, n’existe pas. La raison de cette
situation sera clarifiée à travers la vraie place du conjoint survivant dans les règles juridiques.
Le conjoint survivant est l’héritier au premier rang, c’est pourquoi en l’absence
d’autres décisions du défunt dans son testament, il partage la succession avec les descendants
et les parents de celui-ci à parts égales. Il est en plus l’héritier réservataire, cette qualité le
protège contre toute tentative du défunt de le priver de toute la succession487. Devant ces
dispositions légales, formellement, c’est difficile à dire que le conjoint survivant a une place
trop moins avantageuse dans la procédure de succession. La loi, en se basant sur la morale
traditionnelle et les rénovations de la nouvelle société, a bien pris en considération la position
de cette personne dans la procédure de succession. Pourtant, pratiquement, il est clair que le
décès de l’un des époux entraîne assez de risques pour un élément important dans la vie de
l’autre, qui est le logement. Dans un grand nombre de cas, le local d’habitation est le seul
constituant considérable de la succession, et à la suite du partage de ce bien avec d’autres
héritiers, le conjoint survivant n’aura pas beaucoup de chances d’y rester, s’il ne peut pas
payer les quotes-parts de ceux-ci ; il n’aurait pas non plus la possibilité de se loger ailleurs à
cause de sa situation financière modeste. Il peut se maintenir temporairement dans les lieux
485 Il a manifesté cette volonté dans un testament par acte public, qui est reçu par deux notaires ou par un notaire assisté de deux témoins. 486 Cf. supra, nos 436-437. 487 La réserve héréditaire est inapplicable seulement dans le cas où le conjoint survivant est indigne de succéder conformément aux dispositions de l’article 643 du Code civil de 2005.
266
par voie de report du partage successoral, mais après le délai maximal de trois ans, que peut-il
faire ?
465. - Les points incomplets des dispositions légales se manifestent ici. D’une part, il
s’agit de l’absence de l’attribution préférentielle d’office du logement au conjoint survivant
dans le partage de la succession ; cette attribution n’est réalisée que par l’accord commun de
tous les héritiers ou par décision judiciaire dans chaque cas d’espèce488. D’autre part, il n’y a
pas encore une tentative de donner au conjoint survivant la possibilité de se loger, de façon
stable, jusqu’à son propre décès, ou au moins jusqu’à son remariage.
466. - Il convient d’avoir une connaissance générale qu’en droit vietnamien, le rapport
patrimonial régi par le droit civil est souvent résolu pour la pleine propriété. L’exercice par
une personne des droits de possession489 et de jouissance490, des notions presque équivalentes
dans leur ensemble aux usus et fructus dans la théorie juridique français, en séparation avec la
nue-propriété qui appartient à une autre personne491, n’est examiné qu’au premier pas. Les
rapports successoraux ne se trouvent pas en dehors de ce grand chemin. Le droit à la demande
du report du partage successoral est déjà un avancement significatif de la théorie juridique,
parce qu’il montre à la première fois, de manière claire, l’existence du droit d’usufruit et de la
nue-propriété dans un rapport familial. Sous un autre aspect, le droit viager n’est pas non plus
fréquent dans la vie juridique vietnamienne contemporaine492. La synthèse de ces deux
situations, c’est qu’une disposition sur le droit viager au logement du conjoint survivant, qui
laisse la nue-propriété aux autres héritiers, se montrerait incompatible aux autres règles en
cette matière. Une fois qu’une question de partage successoral est tranchée par les règles
juridiques vietnamiennes, un résultat absolu, qui consiste en la détermination des parts en
488 Même lorsque le conjoint survivant bénéficie d’une attribution préférentielle du logement et qu’il ne peut pas payer des quotes-parts des autres cohéritiers, comment finir le partage successoral en cause ? Il y a encore une lacune législative à ce point. Cf. infra, nos 473-475. 489 L’article 182 du Code civil de 2005 : « Le droit de possession est le droit de détenir et de conserver des biens ». 490 L’article 192 du Code civil de 2005 : « Le droit de jouissance est le droit de faire usage des biens et de percevoir les fruits et revenus qui en sont issus ». 491 Il est vraisemblable que la notion de la nue-propriété n’existe pas dans le Code civil vietnamien. En effet, l’article 164 du Code civil de 2005 (autrefois l’article 173 du Code civil de 1995) dispose : « Droit de propriété Le droit de propriété confère au propriétaire le droit de posséder, le droit de jouir et le droit de disposer de son bien dans le respect de la loi. Est propriétaire toute personne physique, toute personne morale ou tout autre sujet de droit titulaire de tous les droits de posséder, de jouir et de disposer d’un bien ». Ainsi, on ne trouve pas dans ces définitions la nue-propriété telle qu’elle est définie dans le système juridique français. 492 Mais ces notions se présentent dans la coutume et dans l’ancien droit. Cf. supra, n° 426.
267
pleine propriété, est attendu. Autrement dit, lorsque le conjoint survivant n’a pas le droit de
jouissance viager sur le logement de la famille, c’est parce que la tentative de lui attribuer ce
bien en pleine propriété n’a pas abouti.
467. - Au plan juridique, à l’heure actuelle, les dispositions légales se trouvent dans
une telle situation. Pourtant, la succession au Vietnam est souvent résolue sans recours au
juge493 ni à la présence d’un autre professionnel de droit494. Alors, que font-ils les habitants
dans la procédure de succession ? À ce point, la coutume occupe une grande place, dont le
culte du défunt est un élément important.
Normalement, le droit de se loger du conjoint survivant est attaché à son obligation de
pratiquer le culte du de cujus. Le conjoint survivant n’est pas forcé de quitter la famille
d’origine de son époux prédécédé tant qu’il continue à entretenir les enfants, à se comporter
avec les beaux-parents comme un membre de la famille et exerce les rites du culte du défunt.
S’il ne se remarie pas, il peut rester dans le logement où il cohabitait avec son époux jusqu’à
son propre décès. Il détient cette possibilité en tant qu’un membre de la famille. Si l’ancien
couple vivait indépendamment des deux familles d’origine, et il n’y avait que des enfants
communs, la question devient la plus simple : le maintien du conjoint survivant dans le
logement de la famille pendant tout le reste de sa vie n’est pas discutable, car il est le
fondateur de la famille ; le partage contentieux du logement de la famille comme un bien
successoral entre les enfants et leur parent survivant n’est pas moralement appréciée. Le
respect des enfants envers leur parent, qui est un standard moral de base, exclut de telles
concurrences entre eux. Le logement de la famille peut faire l’objet d’un partage en pleine
propriété entre les enfants en tant qu’un bien successoral, le conjoint survivant n’y participe
point, mais il réserve le droit d’habiter ce local d’habitation jusqu’à son propre décès, ou l’un
des enfants doit prendre l’entretien permanent de ce parent survivant. Le présent entretien
comprend évidemment l’obligation de loger celui-ci495.
468. - Ainsi, la population vietnamienne a clairement pensé au problème du logement
du conjoint survivant, et l’a résolu plutôt par l’attachement entre membres de la famille, non
493 Parce qu’il n’y a pas de contentieux entre héritiers ; ou ceux-ci ne veulent pas agir en justice pour faire traiter leur contentieux. 494 Au Vietnam, le partage successoral peut être valablement réalisé sans la présence d’aucun professionnel de droit. En France, le notaire doit toujours se présenter dans la procédure de succession. 495 On peut même voir ces traits coutumiers dans l’ancien droit du Vietnam. Par exemple, le Code de la dynastie des LE au XVe siècle. Cf. supra, n° 426.
268
pas par une liquidation pécuniaire nettement déclarée. Pourtant, ces règles morales et
coutumières dépendent totalement de la volonté des acteurs en cause ; lorsqu’un héritier les
dépasse en réclamant un partage franc de la succession selon les dispositions légales496, le
maintien dans les lieux du conjoint survivant peut être mis en cause. De toute façon, tant qu’il
n’a pas un droit réel sur le logement de la famille comme celui du conjoint survivant en
France, le conjoint survivant en droit vietnamien devra toujours faire face, un jour, à ce
risque.
En attente d’une disposition légale pour cette question du droit viager au logement du
conjoint survivant dans l’avenir, on peut toujours penser à un accord des héritiers, par lequel
le conjoint survivant peut se maintenir pendant tout le temps restant de sa vie dans le
logement de la famille, la propriété de ce bien appartient aux autres héritiers. De toute façon,
cette solution peut aider les héritiers à éviter un partage en pleine propriété du logement
familial, dont le résultat est une indivision avec beaucoup de difficultés dans la gestion et la
liquidation. Plus ou moins, cette solution est déjà mise en place dans la pratique de la famille
vietnamienne, il est conseillé maintenant aux membres de la famille d’exposer tout accord sur
le partage de la succession, autrefois oral, dans des actes authentifiés, qui constituent le
dossier du partage amiable de la succession. Toute violation ultérieure de ces accords écrits
pourra être traitée par voie judiciaire, en toute sécurité juridique.
469. - En somme, les droits d’habitation et d’usage viagers du conjoint survivant sur le
logement et les meubles le garnissant a été récemment établi dans le Code civil français. Dans
le système juridique vietnamien, une telle disposition est encore absente, mais il faut
comprendre qu’en pratique, le droit de se loger du conjoint survivant est presque toujours
traité par des mécanismes d’origine coutumière. Par ailleurs, le droit vietnamien manque
encore des normes écrites et une pratique judiciaire de la séparation entre le droit de
jouissance et le droit de nue-propriété, ainsi que du droit viager. Avec l’évolution des rapports
socio-économiques et des moeurs, il faudra avoir des mesures effectives pour protéger le droit
de se loger du conjoint survivant, mais l’établissement d’un cadre juridique sur le droit viager
496 A l’heure actuelle, les contentieux de ce genre ne sont pas rares devant les juridictions. Il y en a plusieurs causes : la valeur des biens immobiliers augmente vite, les mœurs évoluent, l’individualisme se développe…
269
dans ce domaine doit tenir compte des règles coutumières et nécessite des dispositions de
base, telle que la notion du droit viager en général497.
3 - L’attribution préférentielle du logement famili al ou du droit au bail servant ce
local au conjoint survivant
a. Le droit français
470. - En droit français, non seulement les droits d’habitation et d’usage, mais aussi la
possibilité de mettre le logement définitivement dans les mains du conjoint survivant, est
régie par les actes normatifs. En effet, selon l’article 831-2, alinéa 1er du Code civil français,
le conjoint survivant ou tout héritier propriétaire peut demander l’attribution préférentielle de
la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d’habitation, s’il y avait sa
résidence à l’époque du décès, et du mobilier le garnissant. Selon l’article 831-3, alinéa 1er du
même Code, l’attribution préférentielle de la propriété du local et du mobilier le garnissant
précitée est de droit pour le conjoint survivant.
En ce qui concerne le logement de la famille assuré par un bail, toujours dans le Code
civil, l’article 1751, alinéa 3 dispose qu’en cas de décès d’un des époux, le conjoint survivant
cotitulaire du bail qui sert effectivement à l’habitation des deux époux dispose d’un droit
exclusif sur ce bail sauf s’il y renonce expressément.
471. - Ainsi, d’abord, se montre à ce point l’unification des règles juridiques
françaises concernant le droit au logement du conjoint survivant. Le logement faisant l’objet
de l’attribution préférentielle de propriété ou de la continuation du bail est toujours celui qui
est déterminé pour le droit de jouissance temporaire et les droits d’usage et d’habitation
viagers. Une condition importante pour l’obtention de tous ces avantages : c’est l’occupation
effective du conjoint survivant sur le local.
Ensuite, il convient de constater que l’attribution préférentielle de la propriété du
logement familial ainsi que la continuation du bail de ce local d’habitation, toutes deux de
droit, sont des mesures considérables qui assistent les droits successoraux du conjoint
survivant. Dans le partage de la succession, la part que celui-ci reçoit varie en concurrence
497 L’accord commun entre cohéritiers déterminant le droit d’habitation viager du conjoint survivant sur le logement de la famille, que nous mentionnons ci-dessus, est pourtant valable dès maintenant, puisque les cohéritiers peuvent s’accorder sur le partage de la succession comme ils veulent, à la seule limite des interdictions légales. Or, en ce moment, un tel accord d’espèce n’est pas interdit par la loi.
270
avec les descendants et parents du défunt, il faut en plus tenir compte des légataires, mais en
tout cas, il a toujours la possibilité de se maintenir dans les lieux, car le local d’habitation tend
à lui revenir de manière d’office. Précisément, il a la possibilité de prendre le logement en
pleine propriété si ce dernier appartient aux biens successoraux, ou de continuer le bail qui a
donné à son époux et lui-même l’habitation, et qui s’établit maintenant exclusivement à son
propre nom. C’est pourquoi, ces deux possibilités assurent au conjoint survivant les droits en
nature dans le partage successoral, ceux qui sont les plus significatifs pour sa vie quotidienne.
Enfin, il convient d’avoir une remarque sur la technique législative utilisée dans ces
dispositions. L’attribution préférentielle de la propriété du local d’habitation est un droit
successoral d’ordre public du conjoint survivant ; ce dernier en bénéficie, par conséquent, en
qualité d’héritier. C’est une façon favorable de lui attribuer sa part successorale qui est
déterminée dans le partage de la succession. À la différence de ce droit, la continuation du
bail n’est pas un droit successoral du conjoint survivant, puisque l’article 1751, alinéa 1er du
Code civil français a institué la cotitularité du bail des époux sur le local d’habitation. Au
décès d’un des époux, le conjoint survivant continue le bail de manière d’office et exclusive
puisqu’il en est toujours le titulaire, sauf s’il ne le veut plus ; les autres héritiers n’ont donc
aucun fondement juridique à y intervenir.
b. Le droit vietnamien
472. - En droit vietnamien, l’attribution préférentielle des biens successoraux reste
encore une grande question de la procédure de la succession. Il convient d’examiner
successivement le cas du logement de la famille en pleine propriété (i), et celui où le local
d’habitation de la famille est assuré par un contrat de bail (ii).
i. Le logement de la famille en pleine propriété
473. - En droit vietnamien, la question sur l’attribution préférentielle des biens
successoraux déterminés au profit du conjoint survivant n’a pas encore une place dans des
actes normatifs. En réalité, il convient de constater que les règles juridiques régissant le
partage de la succession ne voient que leur commencement dans le Code civil : tout reste
encore au niveau des dispositions de principe.
En détail, le conjoint survivant peut, d’abord, se voir attribuer le logement de la
famille en qualité d’un bien successoral de son époux prédécédé si ce dernier a pris une telle
271
décision dans son testament498. C’est la solution parfaite relevant d’un époux qui s’intéressait
à la vie de son conjoint à la suite de son décès.
À défaut de volonté du défunt, l’article 685, alinéa 2 du Code civil dispose : « Les
héritiers ont le droit de demander le partage en nature des biens successoraux ; si un partage
en nature par parts égales est impossible, les héritiers peuvent d’un commun accord évaluer
la succession et désigner ceux auxquels seront attribués des biens successoraux en nature ; à
défaut d’accord, les biens successoraux sont vendus et le prix de la vente est partagé entre les
héritiers ».
Par effet de cette règle, l’attribution préférentielle du logement de la famille n’existe ni
de droit ni par décision judiciaire en droit vietnamien. Tous les héritiers, y compris le conjoint
survivant, doivent participer à un partage en nature du local. Lorsqu’un tel partage n’est pas
possible, à cause de la superficie modeste du local par exemple, l’attributaire de ce bien va
être déterminé selon l’accord commun de tous les héritiers. Le problème, c’est que si ceux-ci
n’arrivent pas à un accord, le juge ne pourra pas déterminer un bénéficiaire de l’attribution
préférentielle, puisque cette possibilité n’est pas abordée par la loi. Le local sera alors vendu
pour un partage en valeur entre héritiers après. La loi laisse encore une question juridique en
ne mentionnant pas la forme de la vente en cause. C’est pourquoi, à défaut d’accord commun
entre héritiers sur la vente, selon la logique courante, c’est la vente aux enchères qui aura lieu,
pour que le bien soit vendu au meilleur prix et qu’il y ait une égalité entre héritiers. Toutes ces
personnes peuvent évidemment participer à cette vente aux enchères en qualité d’acheteur
candidat.
474. - En réalité, d’une part, cette solution respecte absolument le droit
d’autodétermination des héritiers, qui sont des copropriétaires en indivision de la succession ;
elle a également des avantages considérables, puisqu’un partage en valeur a une égalité exacte
et met fin à tout litige concernant le bien, les droits des héritiers dans un plan général sont
donc assurés. Pourtant, d’autre part, en ce qui concerne le droit au logement du conjoint
survivant, il n’y a ici qu’un résultat négatif, car en l’absence d’un accord avec les cohéritiers,
498 L’article 684 du Code civil vietnamien : L’alinéa 1er : « Le partage d’une succession testamentaire doit être effectué conformément à la volonté du testateur; … ». L’alinéa 2 : « Lorsque le testament prévoit un partage en nature des biens successoraux, chaque héritier a droit de recevoir les biens qui lui sont attribués et les fruits et revenus en résultant ou doit supporter la perte de leur valeur jusqu’au partage de la succession; dans le cas où un bien qui lui est attribué en nature a été détruit par la faute d’autrui, l’héritier a le droit de demander réparation du préjudice subi ».
272
cette personne n’a aucun procédé pour se maintenir dans les lieux de manière stable. Même si
le conjoint survivant a une compétence financière considérable, il devra participer à la vente
aux enchères, celle qui dans sa nature juridique, ne concerne point la qualité d’héritier ou de
conjoint survivant. De surcroît, le logement de la famille est particulièrement important non
seulement par sa valeur d’usage et son prix souvent élevé, mais aussi parce qu’il est le lieu où
le culte du défunt et des autres membres prédécédés de la famille est pratiqué, où les
mémoires de la famille sont conservées à travers des générations. La vente de ce local à cause
du désaccord des héritiers sur le partage successoral signifie, en fait, la casse spirituelle de la
famille.
475. - À notre avis, au plan juridique, l’inconvénient le plus grand de l’article 685,
alinéa 2, c’est le défaut du pouvoir du juge de rendre une décision, en tenant compte des
intérêts des parties, dans la recherche d’une solution pour le partage successoral dans ce cas.
Si les héritiers ne trouvent toujours pas leur accord, l’unique décision que le juge peut
prendre, c’est d’ordonner la vente aux enchères du logement de la famille. L’absence de
l’intervention du juge dans le partage en nature du logement de la famille entraîne le défaut de
la protection des parties vulnérables et particulièrement du conjoint survivant, une personne
qui se trouve souvent en difficulté dans la procédure de la succession de son époux prédécédé,
puisque la vente aux enchères n’assure point son droit en nature.
En réalité, en droit vietnamien, dans la procédure de divorce, le juge peut désigner le
bénéficiaire de l’attribution préférentielle du logement de la famille parmi les deux divorcés
copropriétaires499. Se pose alors la question pourquoi il n’y a pas une disposition semblable
sur le pouvoir du juge dans le partage successoral entre cohéritiers copropriétaires ? Avec la
prise en compte de la place particulière du conjoint survivant en rapport avec le défunt ainsi
que la famille, dans l’avenir, le traitement de la question précitée pourra assurer à cette
personne l’accès stable au logement. Tout cela servira, sans aucun doute, à mieux conserver
les valeurs de l’attachement familial après la disparition d’un membre fondateur de la famille.
ii. Le logement de la famille assuré par un bail
476. - Dans ce cas, heureusement, le législateur vietnamien a des solutions plus
souples. Il convient de distinguer deux cas.
499 Les articles 95 et 98 de la loi sur le mariage et la famille. Cf. infra, nos 551 - 560.
273
En premier lieu, si les deux époux concluent ensemble le bail, il n’y a pas de grandes
complexités. L’article 497 du Code civil de 2005 dispose que les colocataires, dont les noms
figurent dans le contrat de bail, ont tous dans leurs rapports avec le bailleur les mêmes droits
et obligations et sont tenus solidairement de l’exécution de leurs obligations envers lui. C’est
pourquoi, lors du décès de l’un des époux, l’autre a évidemment le droit exclusif de continuer
le contrat de bail jusqu’à son expiration. La cotitularité du bail est ici établie par voie de
contrat, en conséquence, elle n’est pas influencée par la procédure de succession. Le bail est
poursuivi par celui qui est toujours son titulaire.
En second lieu, si seulement le nom de l’époux prédécédé figure dans le contrat de
bail, la continuation du bail est vraiment mise en cause. L’article 499, alinéa 3 du Code civil
de 2005 dispose que le contrat de bail des locaux d’habitation prend fin « par le décès du
locataire alors qu’il n’y a pas d’autres cohabitants ». Alors, s’il y a des personnes, telles que
le conjoint survivant et les parents du défunt, qui occupent encore ces locaux, le bail prend fin
ou continue, au moins jusqu’à son expiration ? Le législateur ne reste que là et laisse cette
disposition incomplète, donc incompréhensible. Autrefois, selon l’article 500 du Code civil de
1995, si le locataire est décédé pendant la durée du bail, le bail pouvait être continué par les
cohabitants du locataire jusqu’à son expiration. Cette disposition précise n’a pas été
maintenue dans le Code civil de 2005. Pourtant, en poursuivant cette idée raisonnable, il est
possible de donner une interprétation à l’article 499, alinéa 3 du présent Code, qu’à la suite du
décès du locataire, les personnes qui cohabitaient avec lui dans le local d’habitation loué
peuvent poursuivre le bail jusqu’à son expiration500.
477. - Ainsi, il est vraisemblable que le conjoint survivant a une chance de continuer le
bail, s’il cohabitait avec son époux locataire dans le local faisant l’objet du bail. Pourtant, à
cause du terme général du texte, la question se pose sur les droits de plusieurs cooccupants
envers la continuation d’un seul bail. Il convient d’examiner quelques situations d’espèce
dans ce domaine.
500 On peut croire encore que la continuation du bail d’habitation en cause par ces cooccupants est automatique, puisque le Code civil n’exige aucune déclaration, ni des cooccupants, ni du bailleur, à ce sujet. En pratique, après le décès du locataire, le bailleur demande automatiquement l’exécution du bail aux personnes qui cohabitaient avec lui et qui occupent actuellement les lieux. Ainsi, si le bailleur ou les cooccupants veulent mettre fin au bail, il faudra donner un congé explicite, qui suit sa propre procédure légale. En France, après le décès du locataire, la transmission du bail à ses proches, qui sont visés à l’article 14 de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989, est automatique. Cf. H. des LYONS, Y. ROUQUET, Baux d’habitation Rapports propriétaires-locataires Secteur privé · Secteur Hlm · Loi de 1948, 4e éd., Coll. Encyclopédie Delmas, Delmas 2005, nos 1629-1634, p. 251-252.
274
Si les époux ont vécu seulement avec leurs enfants communs, il n’y a souvent pas de
grandes difficultés concernant la continuation du bail. Dans la pratique de la famille
vietnamienne, il est difficile d’imaginer la discussion entre le conjoint survivant et ses propres
enfants sur celui parmi eux qui va continuer le bail ; et s’il y en avait, tout litige serait
rapidement fini sous l’influence des règles morales et coutumières. Ainsi, le conjoint
survivant et ses enfants peuvent continuer à cohabiter dans le logement loué et penser même à
un nouveau contrat de bail qu’ils proposeront au bailleur. Normalement, si les enfants n’ont
pas encore une situation financière stable, à cause de leur jeune âge par exemple, c’est le
conjoint survivant qui contracte avec le bailleur, pour l’exécution du bail actuel ainsi que la
possibilité d’un nouveau bail à son nom. Si le conjoint survivant est déjà âgé, c’est souvent
l’un des enfants qui discute tout avec le bailleur.
Dans un autre cas, lorsqu’il y a une concurrence entre les cooccupants du logement
concernant la continuation exclusive du bail, qui sera le bénéficiaire ? C’est le cas où les
personnes qui cohabitaient avec le locataire dans le logement loué, telles que son conjoint
survivant et ses parents, ne veulent plus cohabiter à l’heure actuelle501, tandis que et l’une et
l’autre partie souhaite continuer de manière exclusive le bail en cause jusqu’à son expiration.
Pratiquement, le maintien dans le local loué est toujours avantageux. D’une part, ceux qui y
restent ne doivent pas chercher immédiatement un nouveau logement ; d’autre part, les
personnes qui continuent le bail jusqu’à son expiration ont une grande potentialité de
contracter un nouveau bail avec le bailleur, et par cela, elles évitent toute charge résultant de
la recherche du nouveau logement ainsi que du déménagement.
En réalité, lorsque le locataire décède, le bailleur demande l’exécution du bail aux
cooccupants du local d’habitation, notamment le paiement des loyers et charges ; il peut le
demander à n’importe quelle personne parmi les cooccupants502. Une fois que le bailleur
reçoit totalement le règlement des sommes conformément au contrat, il laisse les cooccupants
du local s’arranger eux-mêmes pour l’habitation du local ; il n’intervient pas à ce contentieux.
478. - En l’absence de cotitularité du bail légale comme celle en droit français, la
continuation du bail par le conjoint survivant en droit vietnamien reste une grande question.
501 Ce souhait est tout compréhensible : au moment où elles ne se lient plus par aucun lien familial, chacune des parties doit construire sa nouvelle vie, elles n’ont pas d’intérêts à mener la présente cohabitation. 502 On peut croire que dans ce cas, chacune des parties concurrentes exécute rapidement les règlements chaque fois que ceux-ci sont lui exigés, pour démontrer au bailleur qu’elle a de la capacité financière pour continuer le bail !
275
Pendant le mariage, même s’il n’était pas le locataire nommé dans le contrat, le conjoint
survivant contribuait souvent au règlement des loyers et charges, car c’était son obligation de
contribuer à l’entretien du mariage, disposée à l’article 25 de la loi sur le mariage et la famille
de 2000503. Les autres membres de la famille qui cohabitaient avec les époux, tels que les
parents, les enfants du locataire, par contre, n’y participaient pas, en raison que le logement
n’était que l’une des obligations d’entretien que le locataire devait exécuter à leur profit504.
Après le décès de son époux, le conjoint survivant n’a pas de priorité par rapport aux autres
cooccupants du local dans la continuation du bail ; ses contributions passées à l’exécution du
bail ne sont pas prises en compte. Ainsi, le bail d’habitation ne peut pas être continué en
priorité par le conjoint survivant, qui a réglé, en conformité avec les dispositions légales sur la
solidarité conjugale, une partie ou même la totalité des loyers et charges du vivant de l’époux
locataire. Ce fait semble irraisonnable.
479. - Le contentieux concernant la continuation du bail d’habitation entre
cooccupants du local ressemble à la concurrence entre héritiers concernant l’attribution
préférentielle des biens successoraux en pleine propriété. En effet, le conjoint survivant et les
autres cooccupants du logement loué prétendent tous la qualité de cohabitant du locataire
prédécédé pour demander la continuation exclusive du bail, comme si les héritiers présentent
leurs quotes-parts dans les biens successoraux pour demander l’attribution préférentielle de
ceux-ci. Est-il alors possible de faire l’application par analogie de l’article 685, alinéa 2 du
Code civil de 2005 à la continuation du bail ? Précisément, l’habitation du local sera partagée
entre les cooccupants survivants, chacun jouit d’une partie indépendante du local pour sa vie
personnelle, telle qu’une chambre, il faudra en plus un arrangement pour l’usage les locaux
503 L’article 25 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Les actes exécutés légalement par un époux en vue de l'entretien du ménage oblige l'autre solidairement ». Or, le bail qui donne à toute la famille le local d’habitation est un acte exécuté en vue de l’entretien du ménage. Au Vietnam, en pratique, même si l’époux non signataire du bail ne connaît pas l’article 25 précité, il contribue presque automatiquement au règlement des loyers et charges, car il pense que cela est son obligation naturelle et évidente envers son ménage. En France, selon l’article 220 du Code civil, les dettes résultant du bail contracté par un seul époux obligent également l’autre solidairement, car ce contrat a pour objet l’entretien du ménage. Cf. H. des LYONS, Y. ROUQUET, op. cit., n° 1605, p.242. 504 On a l’exemple de l’obligation d’entretien de l’époux signataire du bail envers ses parents et ses enfants, disposée à l’article 36 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : «1. Les parents ont le droit et l'obligation de nourrir et d'entretenir leur enfant mineur ou leur enfant majeur handicapé, privé de sa capacité d'exercice en matière civile ou incapable de travailler et n'ayant pas de biens pour se nourrir. 2. L'enfant a le droit et l'obligation de nourrir et d'entretenir ses parents, notamment lorsque ces derniers sont atteints de maladie, de décrépitude ou sont handicapés; dans le cas d'une famille nombreuse, les enfants doivent nourrir et entretenir ensemble leurs parents ». Cf. supra, nos 325 - 328.
276
communs, tels que la cuisine ; les loyers et charges seront partagés entre eux. Même par une
simple imagination, il n’est pas difficile à trouver la complexité de cette solution : il y aura
sans doute de nouveaux contentieux entre intéressés concernant l’occupation du local. De
plus, il est impossible de déterminer un régime raisonnable pour le partage des loyers et
charges : les occupants n’aiment pas une créance solidaire, parce que l’un ne veut pas payer
pour l’autre ; à l’inverse, le bailleur n’apprécie pas le fait qu’il doit demander les parts
distinctes des loyers et charges à chacun de ces occupants du local.
Ainsi, lorsque les personnes qui cohabitaient avec le locataire prédécédé n’arrivent pas
à trouver une solution amiable pour la continuation du bail, puisqu’il est impossible de
trouver une solution juridique convenable, tous demeurent dans une situation de fait : chacun
continue à occuper le local comme ce qui était avant le décès du locataire. Les loyers et
charges sont évidemment leur créance solidaire ; le retard dans le règlement de cette créance
peut constituer un motif de la résiliation unilatérale du bail par le bailleur, en application de
l’article 498, alinéa 1.a du Code civil de 2005505. Dans ce cas, le conjoint survivant peut se
maintenir dans les lieux, mais il ne peut pas espérer pas une vie paisible avec les autres
cooccupants de ce logement qui ne veulent pas qu’il y reste. Par ailleurs, le conjoint survivant
doit faire face au risque de régler tous les loyers et charges au bailleur, lorsque les autres
cooccupant s’en soustraient506.
480. – Est-il convenable de songer au rôle du juge de déterminer le bénéficiaire de la
continuation exclusive du bail, en prenant en compte tous les intérêts légitimes des parties ?
Dans ce cas, la question centrale pour l’intervention judiciaire, c’est que sur quel fondement
juridique le juge peut motiver sa décision. Du Code civil de 1995 au Code civil de 2005, il est
impossible de trouver la réponse de cette question dans les dispositions légales. Les droits et
intérêts légitimes des cooccupants des locaux deviennent aujourd’hui flous plus que jamais. Si
505 L’article 498, alinéa 1 du Code civil de 2005 : « Le bailleur a le droit de résilier unilatéralement le bail et de demander réparation du préjudice causé
lorsque le locataire commet l’un des actes suivants: a) Non paiement des loyers pendant trois mois consécutifs sans motif légitime; b) Usage de l’immeuble non conforme à la destination contractuelle; c) Dégradation volontaire de l’immeuble; d) Réparation de l’immeuble, échange de baux ou sous location de tout ou partie de l’immeuble sans le
consentement du bailleur; e) Troubles habituels à l’ordre public et troubles de voisinage habituels; f) Atteinte grave à l’environnement ».
506 Le conjoint survivant ne peut intenter qu’une action judiciaire contre les autres cooccupants pour le remboursement des parts des loyers et charges qu’il a avancées. Il n’a pas le droit de demander l’expulsion de ces personnes, à cause de l’absence de fondement légal d’une telle demande.
277
les parties en cause apportent l’affaire devant le juge et demandent une solution judiciaire,
celui-ci n’a pas de fondement légal pour sa décision, quoi qu’il en soit le contenu. Le
problème pour tous, c’est que le juge doit toujours traiter la demande des parties, et que le sort
du contrat de bail avec des intérêts concernés doit être décidé.
Ainsi, le droit du conjoint survivant au bail du local servant le logement de la famille
dans les règles juridiques vietnamiennes n’est pas encore complet. À défaut de la conclusion
conjointe du bail, la cotitularité du bail est absente. Par conséquent, le conjoint survivant n’a
pas de moyens juridiques assurés pour continuer exclusivement en son nom le bail et se
maintenir alors paisiblement dans les lieux507.
481. - Pour une référence comparative dans ce domaine, il est possible de trouver
qu’en droit français, le juge peut intervenir pour déterminer la personne qui continue le bail
d’habitation au décès du locataire. L’article 14 de la loi n° 89-462 du 06 juillet 1989 dispose
qu’alors que le contrat de location est transféré au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir
des dispositions de l’article 1751 du Code civil508 ; aux descendants vivant avec le locataire
depuis au moins un an à la date du décès ; au partenaire lié au locataire par un pacte civil de
solidarité ; aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec
le locataire depuis au moins un an à la date du décès ; en cas de demandes multiples, le juge
se prononce en fonction des intérêts en présence. Ainsi, même si le conjoint survivant ne
satisfait pas aux conditions de la cotitularité du bail pendant le mariage selon l’article 1751 du
Code civil, sa possibilité de recevoir le transfert du bail d’habitation reste toujours potentielle,
à l’examen du juge.
482. - En somme, dans une vue globale, avec toute la nouveauté des réformes
récentes, on pourrait demander si le conjoint survivant en droit français est encore un faible
dans la procédure de succession, malgré sa place d’héritier formellement limitée. Au Vietnam,
le modèle de la succession horizontale affirme la place considérable du conjoint
survivant dans la dévolution successorale légale ; néanmoins, il manque des solutions réalistes
sur les droits en nature de celui-ci, notamment le droit au logement, qui est, dans un grand
nombre de cas, plus important que les parts successorales en principe. 507 L’histoire est un peu différente quand le conjoint survivant veut conclure un nouveau bail avec le bailleur : il n’y a alors pas de continuation de l’ancien bail, il faut arranger l’extinction de ce dernier avant de discuter un nouveau dont les clauses peuvent être totalement différentes. Mais si, à côté du conjoint survivant, les autres cooccupants du local veulent également un nouveau bail en exclusion de celui-là, la même concurrence revient. 508 Parce qu’il ne remplit pas la condition de vie effective dans les lieux. Cf. H. des LYONS, Y. ROUQUET, op. cit., n° 1623, p. 249.
278
Toutes ces questions juridiques suscitent les réflexions concernant la construction du
droit au logement du conjoint survivant dans les textes normatifs vietnamiens.
§ 2 : La construction raisonnable du droit au logement du conjoint survivant au
Vietnam
483. - Les analyses ci-dessus montrent clairement qu’il est opportun d’établir un cadre
juridique du droit au logement de la famille, un droit qui jusqu’à l’heure actuelle n’a pas
encore un statut complet. Le rôle des règles juridiques envers le présent droit se justifie
principalement par le recul des règles coutumières et morales dans ce domaine. De plus, avec
le développement de leur conscience juridique, les habitants font recours de plus en plus aux
règles juridiques et aux professionnels de droit pour une procédure de succession vraiment
assurée509. Un cadre juridique, qui peut résoudre les problèmes les plus délicats mais pressants
de la succession est bien attendu. Il convient d’envisager les idées sur le droit au logement du
conjoint survivant (A) et son rôle envers le statut du logement de la famille (B).
A. Le maintien du report du partage de succession et la recherche d’un droit
viager au logement, quel que soit le résultat du partage de la succession
484. - La situation du droit positif vietnamien concernant le droit au logement du
conjoint survivant peut être résumée comme telle : un droit à la demande de report du partage
successoral dans les conditions strictes qui permet un maintien temporaire dans le logement
étant un bien commun des époux ou dépendant totalement de la succession, pendant trois ans
au maximum ; l’absence du droit viager au logement et de la continuation indépendante du
bail servant l’habitation.
485. - Le droit à la demande de report du partage successoral est vraiment un point
avantageux de la nouvelle loi sur le mariage et la famille. C’était un ajout important aux
dispositions légales régissant la procédure de succession, qui se trouvaient principalement
dans l’ancien Code civil à l’époque. La règle se situe maintenant dans le nouveau Code civil
même. Ce complément a pour but de protéger la vie familiale, ou dans les cas plus
particuliers, le conjoint survivant, contre les effets négatifs du partage testamentaire ou légal
de la succession. Le maintien d’une telle disposition dans l’avenir paraît raisonnable.
509 À l’heure actuelle, il y a une situation de fait que la plupart des questions des habitants posées aux conseillers juridiques concernent la personne physique et la famille ; la propriété et la succession y sont toujours trouvées.
279
Pourtant, juridiquement, il faut affirmer que le droit à la demande de report du partage
successoral n’est pas le droit au logement du conjoint survivant. Il y en a deux raisons. D’une
part, la perte possible du logement n’est que l’un des cas de difficulté justifiant le report.
D’autre part, le but du report est d’éviter le désordre immédiat dans la vie du conjoint
survivant et du ménage, non pas directement d’assurer la possibilité de se loger du conjoint
survivant.
486. – Ainsi, en droit vietnamien, le traitement de la succession pour le conjoint
survivant en général, la résolution du droit au logement de celui-ci en particulier s’attachent à
la garantie de l’intérêt de la famille. En revanche, en droit français, le droit au logement du
conjoint survivant vise la protection de l’intérêt légitime de celui-ci comme un contrepoids
pour le droit des autres héritiers. C’est pourquoi, il convient de constater que le droit
vietnamien n’a pas le caractère individualiste profond comme le droit français. Ce fait résulte
de la différence de points de vue des deux systèmes juridiques. Le droit vietnamien insiste sur
l’importance du rapport conjugal et familial formé par un mariage légitime ; lorsque l’un des
époux décède, la famille existe toujours, et la loi se penche à assurer les intérêts de la famille,
dans lesquels se placent ceux du conjoint survivant. En droit français, lors du décès de l’un
des époux, la famille horizontalement formée par le mariage de celui-ci avec le survivant est
dissolue ; la loi protège traditionnellement l’intérêt de la famille par le sang du défunt, qui se
compose des descendants et ascendants, etc. L’intérêt du conjoint survivant français est
protégé comme un effet du mariage avec le de cujus ; cette personne est un étranger en
rapport avec la famille du défunt dans la résolution de la succession, et il bénéficie des
priorités pour balancer sa situation successorale moins avantageuse en tant qu’un héritier
légal.
487. - La place non absolument prioritaire du conjoint survivant en droit vietnamien se
montre clairement dans le Décret d’application de la loi sur le mariage et la famille.
Rappelons que l’article 12, alinéa 2 du Décret n° 70/2001/ND-CP dispose le partage immédiat
de la succession en faveur des héritiers du défunt510. Cette disposition montre que sous
l’aspect social, malgré la prise en compte des difficultés du conjoint survivant face au partage
de la succession, le législateur ne met pas cette personne dans une place prioritaire qui
510 Cf. supra, n°455.
280
s’oppose à la famille511. La raison est simple : dans la dévolution successorale légale, le
conjoint survivant a la même qualité d’héritier que les plus proches du défunt (descendants et
parents) ; il ne peut pas, en conséquence, avoir en plus un droit individuel qui l’importe dans
tous les cas sur le droit de tout autre cohéritier. Un droit temporaire automatique au logement
du conjoint survivant, comme celui qui est prévu à l’article 763 du Code civil français, ne
trouve pas son fondement juridique en droit positif vietnamien. C’est pourquoi, est proposé ici
le maintien du droit à la demande de report successoral, non pas l’établissement d’un droit
exclusif du conjoint survivant au logement.
488. - Afin d’assurer le maintien du conjoint survivant dans le logement de la famille à
la suite du partage de la succession, il convient de penser à l’attribution préférentielle de ce
local au conjoint survivant comme sa part successorale. Lorsque le logement de la famille est
un bien commun des époux, cette attribution est la meilleure solution pour éviter une
indivision entre le conjoint survivant et les autres cohéritiers, dont l’administration est
souvent difficile. Lorsque le logement en cause est un bien propre du défunt, son attribution
préférentielle au conjoint survivant est quand même une solution raisonnable, car elle sert
d’éviter le déménagement du conjoint survivant, ce qui pourrait entraîner des dépenses
irraisonnables et qui n’est pas convenable à la coutume du culte du défunt sur place, exercé
par le conjoint survivant dans un lien spirituel avec son époux prédécédé. En réalité, au
Vietnam, une telle liaison abstraite, simplement d’ordre moral, peut consolider d’une manière
effective l’attachement entre membres de la famille.
489. - Dans ces deux cas, est mentionné uniquement le logement de la famille, c’est-à-
dire que l’attribution préférentielle du local d’habitation au conjoint survivant ne doit être
accordée que si cette personne occupe effectivement ce local au moment de l’ouverture de la
succession ou suivant cet événement. La présente attribution préférentielle a pour but de
faciliter la vie nouvelle du conjoint survivant, en assurant l’attachement entre membres de la
famille (par exemple, le maintien dans le logement familial est une condition favorable à
l’entretien des jeunes enfants effectué par le conjoint survivant). Elle prend en considération
le lien strict entre le conjoint survivant en tant que membre de la famille et les autres membres
de celle-ci, conformément à la tradition morale de la nation. Dans un cas ou un autre, il
faudrait que l’attribution préférentielle puisse être prononcée par le tribunal, si elle n’est pas
511 Nous suivons également cet esprit : même si le report du partage successoral est ordonné, il faudrait que celui-ci n’apporte pas au conjoint survivant des droits dépassant ses compétences de jouissance et de gestion, que les intérêts légitimes des autres héritiers soient également protégés. Cf. supra, nos 452-455.
281
adoptée par l’accord commun de tous les héritiers. À ce point, les activités judiciaires jouent
un rôle important : une fois saisi pour un partage successoral, le tribunal devrait examiner les
éléments permettant l’attribution préférentielle du logement de la famille au conjoint
survivant, comme le bien sur lequel porte la part successorale de cette personne.
490. - L’attribution préférentielle a un grand avantage, qui est de permettre au conjoint
survivant de devenir propriétaire de plein droit du logement de la famille ; son hébergement
est donc assuré. Pourtant, dans le cas où la valeur du logement en cause dépasse celle de sa
part successorale, le remboursement des parts des autres cohéritiers n’est pas une question
simple, surtout lorsque le conjoint survivant se trouve dans une situation financière modeste.
Il convient d’aborder l’hypothèse dans laquelle le conjoint survivant est très âgé, handicapé
ou malade et n’a pas la possibilité de régler les quotes-parts des autres cohéritiers dans le
logement qui lui est attribué ; il ne peut pas non plus se loger ailleurs. Dans ce cas-là, une
indivision existe ; le droit des autres cohéritiers se réduit, de fait, à la nue propriété sans
usufruit, puisque ceux-ci n’occupent pas le local, et le conjoint survivant ne peut leur rien
payer. Il est évident que plusieurs d’entre eux ne seront pas contents de cette situation ; ils
demanderont de payer la valeur de la part successorale du conjoint survivant pour prendre le
logement. De surcroît, il convient de remarquer qu’en pratique, tout le monde s’intéresse plus
à la valeur potentielle et future du local qu’à celle déterminée pour le partage successoral. Si
le tribunal maintient quand même l’attribution préférentielle au profit du conjoint survivant, il
y aura une décision avec esprit d’humanité au profit du conjoint survivant. Néanmoins, les
autres cohéritiers peuvent dire immédiatement que l’exécution de la partie du jugement, qui
porte sur le remboursement effectué par le conjoint survivant, n’aboutira jamais ; il y a, par
conséquent, une décision judiciaire mal exécutée en plus. Pour cette raison, une décision non
radicale sur une affaire successorale ne met pas fin, d’une part, au contentieux entre
cohéritiers ; elle crée, d’autre part, des questions sur l’efficacité de la loi : il est évident qu’ici,
les droits légitimes des autres cohéritiers ne sont pas garantis.
491. - Ainsi, le traitement des affaires successorales aboutissant toujours à la
détermination des parts en pleine propriété des héritiers et légataires, qui est actuelle et
courante en droit vietnamien, entraîne assez de problèmes lorsqu’il manque des moyens pour
une bonne réalisation du partage des biens successoraux. Pour cette raison, un cadre juridique
permettant le droit de jouissance (ou même droit d’usufruit) et le droit de nue-propriété dans
un rapport juridique est bien attendu. Ce sera la base indispensable des dispositions légales
282
instituant un droit d’usage viager sur le local d’habitation du conjoint survivant en difficulté.
Dans le cadre des dispositions en vigueur, il faudrait que le juge saisi pour une affaire
successorale encourage des parties à arriver à un accord, par lequel le conjoint survivant a un
droit d’usage viager sur le logement, le droit de propriété de ce local appartient aux autres
cohéritiers. Cette solution se montre réalisable surtout lorsque le conjoint survivant est assez
âgé. Il est également nécessaire de faire attention à la proposition des autres cohéritiers de
fournir au conjoint survivant un nouvel local d’habitation, et en revanche, de prendre le
logement en cause. L’acceptation d’une telle proposition par le conjoint survivant mettra fin
au litige et les intérêts des parties seront les mieux assurés. En tout cas, la patience du juge, en
aidant et guidant les parties vers un accord, facilite toujours la mise en application des
dispositions légales, et elle est évidemment appréciée par les justiciables.
B. La contribution du droit au logement du conjoint survivant dans le statut du
logement de la famille en droit vietnamien
492. - Dans la première partie de la présente étude, l’établissement de la notion du
logement de la famille ainsi que la protection de ce local pendant la vie continue de la famille
ont été soulignés. En effet, il s’agit d’une garantie du logement familial dans la
réglementation juridique du rapport patrimonial entre membres de la famille - des individus.
L’établissement du statut juridique du logement de la famille a pour but de l’importer sur les
manifestations excessives du droit de propriété de l’un de ces individus, en vue de défendre la
vie familiale, surtout les intérêts de la femme et des jeunes enfants. Normalement, le logement
de la famille doit exister parallèlement avec la vie familiale. C’est pourquoi, la réglementation
juridique sur ce local d’habitation dans la procédure de succession est une partie indispensable
du statut précité, qui est lui-même un composant tout à fait important et fréquent du rapport
patrimonial entre membres de la famille.
493. - En se basant sur ladite connaissance, il est possible de constater que le statut du
logement de la famille au sein du couple marié s’établit par la combinaison des dispositions
légales sur le logement commun de la famille au cours du mariage et de celles régissant le
droit au logement du conjoint survivant lors de la succession. La possibilité du conjoint
survivant de se loger à la suite du partage successoral fait partie du statut juridique du
logement de la famille, puisqu’en fait, c’est la possibilité de se maintenir dans le local
d’habitation où il vivait avec toute la famille. Le droit du conjoint survivant sur le présent
local s’attache à la famille dont son époux prédécédé et lui-même étaient membres, car il
283
continue cette qualité de membre de la famille après le décès de son époux. Les règles
juridiques, en cherchant à consolider le cadre familial de la vie du conjoint survivant, doivent
assurer au moins l’usage du conjoint survivant sur le local d’habitation dans lequel il a mené
et va mener sa vie effective. Ce local est, évidemment, le logement de la famille dont la
notion aurait été construite au cours du mariage. Dans le partage successoral, en tant qu’un
héritier qui demande son droit sur les biens successoraux, le conjoint survivant pourrait
participer dans la détermination du sort de plusieurs locaux d’habitation ; mais en ce qui
concerne son cadre de vie effectif à la suite du décès de son époux, c’est d’abord et surtout le
logement de la famille qui nécessite des réflexions profondes par toutes les parties, ainsi que
par le tribunal le cas échéant.
494. - Pour cette raison, dans la recherche d’un statut juridique du logement de la
famille comme une garantie de la vie familiale et une protection des intérêts légitimes des
membres de la famille, à côté de la réglementation juridique sur la disposition de ce local par
les époux au cours du mariage, il est nécessaire d’avoir des normes, ou au moins des solutions
judiciaires, qui permettent le plus possible au conjoint survivant de se maintenir dans les
lieux, tant qu’il en a encore besoin. Le statut du logement de la famille au sein du couple
marié se composera donc des règles matrimoniales et successorales, qui ont pour but de régir
de manière unifiée et synchrone une grande partie du rapport patrimonial entre époux
concernant leur hébergement.
* * *
284
CONCLUSION DU CHAPITRE : 495. - Au Vietnam, le conjoint survivant est
considéré comme un membre évident de la famille du défunt. Les règles juridiques
vietnamiennes s’efforcent de traiter le droit au logement de celui-ci en harmonisation avec les
droits des autres membres de la famille, en soulignant l’attachement familial et l’entraide
mutuelle entre le conjoint survivant et les descendants, voire les parents du défunt. C’est une
particularité du logement de la famille en droit vietnamien par rapport aux règles occidentales
équivalentes, où le caractère individuel des droits du conjoint survivant est clair. Pourtant, en
vue de leur perfectionnement, les textes normatifs vietnamiens nécessitent encore des règles
plus réalistes et précises, surtout en ce qui concerne le droit de jouissance du conjoint
survivant sur le logement de la famille.
285
CHAPITRE II
LE DÉCÈS DE L’UN DES MEMBRES DU COUPLE NON MARIÉ
496. - Est-il raisonnable de traiter le droit au logement au sein du couple non marié
lors du décès de l’un des concubins ? Cette question se pose immédiatement dans l’examen de
la pratique vietnamienne en la matière. En effet, dans des systèmes juridiques occidentaux tels
que celui de la France, où la notion du logement familial se stabilise déjà au fil du temps, le
logement familial n’est examiné, d’une manière traditionnelle, que dans le cadre du couple
marié (régimes matrimoniaux, succession, divorce) ; l’union libre en est exclue. La raison de
cette situation est simple : les justiciables ont à comprendre, et ils comprennent souvent, les
effets du mariage et les risques de l’union libre. En tout cas, ils ont le droit d’opter pour l’un
ou l’autre en étant tout conscients de leur choix. Le logement de la famille, un produit
législatif né initialement dans la réglementation juridique portant sur le mariage, est toujours
exclusivement réservé à cette union légale.
Pourtant, récemment, la présente distinction n’est plus bien claire. En France, certains
ouvrages d’ordre pratique ont mentionné systématiquement la solution du logement dans
toutes les formes de couple, pendant la vie ordinaire de l’union ainsi que lors de la procédure
succession et de celle de séparation. La nomination de “logement de la famille” est toujours
réservée au mariage ; pour les concubinages, il s’agit de « la résidence principale » ou
simplement du « logement » du couple512. L’apparition courante du logement dans le régime
juridique des formes de couples reflète, sans aucun doute, l’importance de ce bien dans la vie
quotidienne de chaque couple, qui attire l’attention des juristes, surtout des praticiens.
497. - Au Vietnam, il y a un contexte social tout à fait différent.
D’abord, pour plusieurs raisons économiques, sociales et culturelles, il y a de plus en
plus des personnes qui s’unissent sans enregistrement du mariage, mais elles ont vraiment
envie de construire une famille stable513. Ensuite, ces couples non mariés arrivent à construire,
en réalité, une vraie famille : mettre en commun des fonds de consommation, exécuter tous les
droits et obligations mutuels comme ceux des époux, faire naître des enfants, se présenter à
512 Cf. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, op. cit. 513 Cf. supra, n° 240.
286
tous les autres comme vrais époux, etc. Même pour les concubinages adultères, un
phénomène qui n’est pas rare au Vietnam, les deux membres du couple forment, dans
plusieurs cas, une union familiale : un local d’habitation distinct, des entraides mutuelles et la
naissance des enfants. Dans toutes ces situations, lorsque l’un des concubins décède, les droits
patrimoniaux des survivants, dont le droit au logement, posent de grandes questions à traiter.
De surcroît, le traitement revient souvent à l’autorité judiciaire, à la demande de toute partie
concernée.
Avant l’entrée en vigueur de la loi sur le mariage et la famille de 2000 et jusqu’au 31
décembre 2002, il était plus ou moins possible de faire référence à la notion du mariage de fait
pour résoudre des contentieux. Une fois reconnus comme époux grâce à leur mariage de fait,
les couples sans enregistrement du mariage bénéficient de toutes les dispositions légales
applicables au couple marié514. Les unions libres formées à compter du 01 janvier 2003 ne
sont plus reconnues comme mariages de fait : elles restent alors hors réglementation juridique,
tandis que c’est à l’heure actuelle que le nombre de concubinages augmente.
498. - Au Vietnam, pour une raison ou une autre, le concubinage n’est pas dans tous
les cas un choix actif des intéressés515. Il faut encore du temps pour que les habitants et
mêmes les autorités compétentes résolvent radicalement et consciemment l’option entre le
mariage et le concubinage, selon l’esprit initial de la loi. En tout cas, les droits et intérêts
légitimes des concubins et de leurs enfants doivent être protégés : la présente protection vise
la famille, « une cellule de la société 516», formée par ces personnes et leurs enfants. Pourtant,
la solution rigide de la loi sur le mariage et la famille concernant l’enregistrement du mariage
et ses effets laisse un vide juridique considérable, au contexte que cette loi et plusieurs autres
textes normatifs ne s’intéressent pas encore aux couples non mariés.
En ce qui concerne la question de logement familial lors du décès d’un membre du
couple non marié, il est possible de trouver une place fragile du concubin survivant (Section I)
et des droits encore flous des enfants nés de cette union (Section II).
514 Cf. supra, nos 85-86. 515 Cf. supra, n° 240. 516 Préliminaire de la loi sur le mariage et la famille de 2000.
287
SECTION I : LES DROITS LIMITÉS DU CONCUBIN SURVIVAN T
499. – Au Vietnam à l’heure actuelle, les droits du concubin survivant dans la
succession de son compagnon prédécédé sont d’une étendue toute étroite (§1). Pour mieux
stabiliser sa vie, le concubin survivant doit faire attention aux règles et techniques en sa
faveur, qui sont déjà présentes dans les textes normatifs en vigueur (§2).
§ 1 : La place légale défavorable du concubin survivant
500. - Étant juridiquement un étranger envers le défunt et la famille de celui-ci, lors du
décès de cette personne, le concubin survivant doit faire face aux droits successoraux tout
limités (A) et à l’absence totale des droits matrimoniaux (B).
A. Les limites des droits successoraux
501. - N’étant pas titulaire des droits successoraux légaux (1), le concubin survivant
peut quand même bénéficier du testament fait par son compagnon prédécédé (2).
1 - Les droits successoraux légaux
502. - Sans qualité d’époux du de cujus, le concubin survivant n’est pas non plus son
héritier dans la dévolution successorale légale. Tous les rapports entre ces deux personnes
sont traités selon les règles du droit commun. Ce principe a des effets importants sur le droit
au logement du concubin survivant, lorsque le logement familial appartient personnellement
au défunt
503. - Se trouvant en dehors des rangs d’héritiers, le concubin survivant ne peut pas
participer à la dévolution successorale légale. Par conséquent, il est exclu du partage légal de
la succession, c’est-à-dire qu’il n’aura pas le droit de prétendre une quote-part dans la
propriété du logement familial, si ce bien appartient totalement à la succession. Au sens
juridique, il est ainsi un étranger par rapport au local qu’il habite.
Un autre effet encore plus grave, c’est que dès l’ouverture de la succession, le
concubin devient un occupant sans titre du local d’habitation qu’il habite encore. Les héritiers
du de cujus peuvent l’expulser à n’importe quel moment sans qu’il puisse demander le
moindre maintien dans les lieux. Le concubin survivant doit faire face également au paiement
des indemnités d’occupation exigées par les héritiers, pour la période pendant laquelle il reste
288
sur place. À ce point, il y a un paradoxe : le concubin survivant doit d’abord subir le choc
causé par la disparition de son compagnon, il doit arranger des problèmes financiers éventuels
résultant de ce décès, il rencontre souvent des difficultés pour trouver un nouveau logement,
mais juridiquement, tant qu’il reste sur les lieux, tant qu’il paie les indemnités d’occupation.
En France, le concubin survivant doit faire face à la même situation : n’étant pas
héritier légal et n’ayant pas le droit de jouissance temporaire sur le logement familial comme
le conjoint survivant, il peut être obligé de libérer le local le plus tôt possible517.
504. - En droit vietnamien, la seule prérogative que le concubin survivant détient
pendant la procédure de succession, c’est l’administration du logement familial à la
désignation du testament ou selon l’accord entre les héritiers et lui-même (il est donc
administrateur désigné), ou pendant la période où les héritiers n’arrivent pas encore à désigner
un autre administrateur de la succession (il est alors administrateur temporaire). En effet,
l’article 638, alinéas 1 et 2 du Code civil de 2005 dispose :
« L’administrateur d’une succession est la personne désignée dans le testament ou
d’un commun accord entre les héritiers.
Quand l’administrateur de la succession n’a pas été désigné dans le testament du
défunt ou n’a pas encore été choisi par les héritiers, la personne qui possède, use ou gère un
bien du défunt administre le bien jusqu’à la désignation par les héritiers de l’administrateur
de la succession ».
Ainsi, le concubin survivant a le présent droit d’administration en qualité d’occupant
effectif des lieux. Même si ce droit ne peut être que temporaire, il apporte quand même au
concubin survivant des avantages réels considérables concernant le bien qu’il administre.
D’abord, tant que le concubin survivant administre encore le logement, il peut continuer à
user de ce bien conformément à ce qui avait été décidé par le défunt dans son testament à ce
qui a été convenu avec les héritiers ; il a ainsi une chance de se maintenir temporairement
dans les lieux518. Ensuite, le concubin survivant a la possibilité de se faire payer une
rémunération pour son administration selon l’accord avec les héritiers519. Il lui faut, pour tout
517 Dossiers pratiques Lefebvre, op. cit., n° 8340, p. 361. 518 L’article 640, alinéa 2.a du Code civil de 2005. 519 L’article 640, alinéa 2.b du Code civil de 2005
289
cela, l’exercice de toutes les obligations d’un administrateur de la succession, en fonction
qu’il est l’administrateur désigné ou temporaire520, surtout l’obligation de restituer le bien.
2 - Les droits successoraux testamentaires
505. - Le concubin survivant peut bénéficier d’un legs effectué par son compagnon
prédécédé, dont l’objet est le logement familial. Il bénéficie d’un grand avantage en ce qui
concerne le logement familial et tout autre bien clairement listé dans le testament : il s’agit de
l’attribution préférentielle de ces biens. Précisément, selon l’article 684, alinéa 2 du Code
civil de 2005, lorsque le testament prévoit un partage en nature des biens successoraux,
chaque héritier a le droit de recevoir les biens qui lui sont attribués et les fruits et revenus en
résultant ou doit supporter la perte de leur valeur jusqu’au partage de la succession; dans le
cas où un bien qui lui est attribué en nature a été détruit par la faute d’autrui, l’héritier a le
droit de demander réparation du préjudice subi. Ainsi, puisque le défunt a déclaré clairement
dans son testament que son concubin survivant recevrait le logement familial à la suite de son
décès, celui-ci en bénéficie l’attribution préférentielle légale dans le partage de la succession.
506. - Pourtant, les droits testamentaires du concubin survivant sont limités par la
réserve héréditaire instituée à l’article 669 du Code civil de 2005. En conséquence, il se pose
la question de régler la part légale des héritiers réservataires éventuels. Si les autres biens
successoraux ne sont pas suffisants à cette part, le logement familial légué sera touché. La
solution du partage des biens successoraux dans la succession légale, lorsque le partage en
520 L’article 639 du Code civil de 2005 dispose : « 1. L’administrateur de la succession visé aux paragraphes 1 et 3 de l’article 638 du présent code a les obligations suivantes: a) Dresser l’inventaire des biens successoraux; se faire remettre les biens successoraux en possession d’autrui, sauf les cas où la loi en dispose autrement; b) Veiller à la conservation des biens successoraux; ne pas vendre, échanger, donner, nantir ou hypothéquer les biens successoraux ni en disposer par tout autre moyen sans le consentement écrit des héritiers; c) Informer les héritiers de la composition du patrimoine successoral; d) Répondre des dommages qu’il causerait par la violation de ses obligations; e) Restituer les biens successoraux à la demande des héritiers. 2. La personne visée au paragraphe 2 de l’article 638 du présent code qui possède, use ou gère un bien du défunt a les obligations suivantes: a) Veiller à la conservation du bien du défunt; ne pas vendre, échanger, donner, nantir ou hypothéquer le bien ni en disposer par tout autre moyen; b) Informer les héritiers qu’elle possède, fait usage ou gère un bien du défunt ; c) Répondre des dommages qu’elle causerait par la violation de ses obligations; d) Restituer le bien du défunt aux héritiers conformément à ce qui a été convenu avec le défunt ou à la demande des héritiers ».
290
nature est impossible et sauf autres accords communs des héritiers, est la vente de ces biens
pour un partage en valeur521.
Le règlement des parts légales des héritiers réservataires en concurrence avec les
droits testamentaires du légataire fait-il partie du partage de la succession légale ? Il semble
que la présente question a une réponse positive. En tout cas, le legs établi par le défunt n’est
valable que dans la limite de la quotité disponible. Autrement dit, dans la procédure de
partage, il faut d’abord payer toutes les parts légales des héritiers réservataires par tous les
biens successoraux ; après cette démarche, tous les biens restants serviront ensuite de
l’exécution du testament du de cujus. Ainsi, dans le cas où une quote-part du logement
familial est affecté au paiement des parts réservataires, une autre revient au concubin
légataire, c’est l’article 685, alinéa 2 qui s’applique. Les intéressés doivent alors arranger un
partage en nature du local ; si un tel partage est impossible, le logement sera vendu.
Il est clair que lorsque le logement est vendu pour un partage en valeur entre héritiers,
le concubin survivant et ses enfants prendront le risque de ne pas pouvoir se maintenir dans
les lieux, s’ils n’arrivent pas à acquérir le bien en totalité.
La vente pour partage en valeur lorsque le partage en nature est impossible, en réalité,
n’est pas proprement imposée au concubin légataire, mais elle est commune pour tout
légataire et tout héritier en général, même s’il s’agit du conjoint survivant. Néanmoins, le
conjoint survivant légataire peut toujours procéder au maintien temporaire dans les lieux par
voie de report de partage de la succession, tandis que ce droit n’est pas octroyé au concubin
survivant.
Ainsi, en droit vietnamien, le concubin survivant, même s’il est aidé par le testament
de son compagnon prédécédé, risque quand même de devoir quitter le logement familial, à
cause de sa place hors statut légal du mariage.
507. - En France, le legs fait par une personne en faveur de son concubin a également
la limite de la quotité disponible. Pour le souci de logement du concubin survivant, le
concubin propriétaire peut procéder à un legs en usufruit, qui permet à celui-ci de rester dans
les lieux jusqu’à son propre décès et même de louer le bien tout en préservant l’héritage des
descendants. Il est encore possible de léguer à son concubin un simple droit d’usage et
521 L’article 685, alinéa 2 du Code civil de 2005. Cf. supra, nos 473 - 475.
291
d’habitation sur le logement jusqu’à son décès, avec l’avantage des droits de succession
moins élevés522.
Au Vietnam, le legs en usufruit et celui du droit d’usage et d’habitation restent encore
des notions inconnues pour une grande part de la population, voire des juristes. En effet, les
Vietnamiens ont toujours l’habitude de régler toute question patrimoniale en pleine propriété
et non pas par un démembrement du droit de la propriété, tel que l’usufruit ou l’usage.
B. L’absence des droits matrimoniaux
508. - Le concubin survivant ne bénéficie pas des protections légales qui relèvent des
droits matrimoniaux. Pour la procédure de succession, l’un des droits les plus importants du
conjoint survivant est celui au report de partage de la succession, disposé à l’article 31, alinéa
3 de la loi sur le mariage et la famille.
Rappelons que le droit au report de partage de la succession est un droit matrimonial
exclusif du conjoint survivant523, qu’il exerce seul pour ses propres intérêts ainsi que pour
ceux de sa famille. Autrement dit, il s’agit d’une mesure de protection que le conjoint
survivant fait appliquer au profit de la vie stable de la famille. Se trouvant dans la même
situation, le concubin survivant ne peut pas faire reporter le partage de la succession du de
cujus, pour quelque motif que ce soit.
En conséquence, une fois que le logement familial appartient en totalité à la
succession, le concubin survivant n’a pas la possibilité de se maintenir dans les lieux, il sera
expulsé à tout moment. De surcroît, tant qu’il reste sur place, tant que les indemnités
d’occupation qu’il doit payer augmentent.
509. - Sous un autre aspect, le concubin survivant ne peut pas non plus agir, à son
nom, pour l’intérêt de la famille née de son union libre avec le de cujus. Même si le partage
du logement familial entre les mains des héritiers entraîne beaucoup de difficultés pour la vie
de ses jeunes enfants et de lui-même, telles que la perte du droit d’occupation sur ce local, le
concubin survivant ne peut rien faire. En effet, l’article 31, alinéa 3 précité n’est pas fait pour
les concubinages.
522. Cf. Dossiers pratiques Lefebvre, op. cit., nos 8225-8275, p. 355-359. 523 Cf. supra, n° 449.
292
C’est pour cette raison que le concubin survivant doit procéder à d’autres techniques
juridiques en vue de protéger sa famille, par lui-même ou au nom de sa famille.
§ 2 : Les règles et techniques en faveur du concubin survivant
510. - Dans tout traitement du logement familial, le droit de propriété de ce bien
occupe toujours la place centrale. Par conséquent, les règles et techniques favorables au
concubin survivant se différencient donc selon que le logement familial est son bien personnel
(A), il appartient à la copropriété des deux membres du couple (B), ou il est assuré par un
contrat de bail (C).
A. Le logement familial étant un bien personnel du concubin survivant
511. – Il s’agit, sans aucun doute, du cas le plus favorable pour le concubin survivant
en cette matière. Étant juridiquement un étranger par rapport au défunt, le conjoint survivant
évite évidemment des présomptions du bien commun qui s’appliquent exclusivement aux
époux. Par conséquent, lorsque le titre de propriété du logement familial inscrit uniquement
son nom, il reste propriétaire de plein droit du local comme il l’est toujours, sans être
influencé par le décès de son compagnon. Sa situation de logement ne change point. Si les
héritiers du concubin prédécédé prétendent qu’une partie ou tout le local appartienne en
réalité à la succession, car c’était le défunt qui l’avait acquis par ses propres fonds, ils doivent
en présenter suffisamment des preuves.
512. - Au Vietnam, la présente situation apparaît de plus en plus nombreuse grâce aux
concubins « conscients 524», surtout dans les concubinages adultères. C’est souvent le cas où
un homme riche achète un local d’habitation distinct pour y entretenir une relation
sentimentale hors mariage avec une femme, mais le titre de propriété figure uniquement le
nom de celle-ci. Ce local est considéré comme un cadeau que l’homme adresse à sa
compagne, et indirectement, à ses enfants nés de cette union libre.
En fait, la présente technique peut se réaliser car au Vietnam, avec des transactions en
dehors du système bancaire, c’est bien difficile à examiner les ressources par lesquelles un
individu acquiert un bien. Dans le cas précité, le concubin bénéficiaire peut faire inscrire son
524 Nous l’insistons.
293
nom dans le titre de propriété en dispense permanente du devoir de démontrer la source
financière de son acquisition.
En France, les acquisitions et enregistrements de propriété semblables seront
rapidement démasqués grâces aux règles strictes des systèmes bancaires et financiers. Les
concubins doivent alors tenter d’autres techniques afin d’évincer les héritiers de l’un d’eux
lors de son décès : ils prévoient dans l’acte d’acquisition une clause d’accroissement ou une
clause tontinière : au décès du premier, le second est réputé être propriétaire de la totalité du
bien, et ce, depuis l’origine. Pourtant, cette technique présente des inconvénients en ce qui
concerne la fiscalité et la gestion du bien525.
513. - Continuons l’histoire du logement familial au sein du concubinage au Vietnam.
Au décès de l’un des concubins, il y a un grand combat juridique entre ses héritiers légaux et
le concubin survivant pour la propriété de ce logement. En traitant les contentieux en cause, le
juge doit examiner soigneusement les preuves fournies par les parties, il peut même demander
au concubin survivant par quelle ressource le local en litige s’est acquis à son nom. Pourtant,
de toute façon, dans la société vietnamienne où un nombre considérable de transactions
s’effectuent encore en espèce hors du système bancaire, c’est bien difficile à contredire la
qualité de propriétaire de celui dont le nom figure dans le titre de propriété, et le juge n’a pas
la possibilité de décider autrement. Sous l’aspect social, il est seulement possible de constater
qu’il y a des concubins qui savent bien s’occuper de leur avenir dès l’acquisition des biens
importants dans la vie de l’union libre.
B. Le logement familial relevant de la copropriété des deux concubins
514. - N’étant pas époux, les deux concubins ne peuvent poursuivre qu’une
copropriété par quote-part. Au décès de l’un deux, une partie de la valeur du logement
appartient à la succession et reviendra ensuite aux héritiers du défunt, le concubin survivant
ne pourra rien obtenir dans cette partie-là s’il n’est pas légataire. À ce point, il y a de grandes
questions qui se posent dans la pratique judiciaire : la détermination des quotes-parts
respectives (1) et la liquidation du bien indivis (2).
525 Ph. MALAURIE, H. FULCHIRON, op. cit., n° 323, p. 165. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, op. cit., n° 8355, p. 362.
294
1 - La détermination des quotes-parts de chacun des deux concubins
515. – Lorsqu’aucun titre de propriété n’a été établi pour le logement en cause526, la
propriété du local est prouvée par tout moyen de preuve, par toute personne concernée. Le
concubin survivant doit participer à cette démarche démonstrative pour soutenir son droit de
propriété sur une certaine quote-part du bien. En ce qui concerne son droit au logement, le
concubin survivant bénéficie d’un avantage matériel considérable dans ce cas, c’est que tant
que la propriété du local n’est pas définitivement déterminée, il peut rester toujours sur place
avec une dispense temporaire des indemnités d’occupation.
516. - Lorsqu’il y a un titre de propriété du local d’habitation en cause, qui inscrit les
noms des deux concubins comme copropriétaires mais ne montre pas clairement la quote-part
de chacun d’eux, comment la déterminer ? Afin de trouver une réponse raisonnable à cette
question, il convient d’examiner le cas d’analogie, celui des époux. En effet, au décès de l’un
des époux, le logement et tout autre bien qui appartiennent à leur copropriété indivise sont
divisés par deux, une moitié reste dans la propriété privée du conjoint survivant, l’autre moitié
rentre dans la succession du défunt. Un tel principe, ou plutôt une telle présomption, peut-elle
s’appliquer à la copropriété par quote-part des deux concubins ? La loi reste silencieuse à ce
point. Ainsi, le juge n’est pas autorisé à appliquer d’une manière d’office la division en deux
parts égales : chaque partie concernée doit fournir des preuves de la quote-part qu’elle
prétend. Si, à la fin, aucun intéressé ne peut démontrer, avec suffisamment de preuves, une
certaine quote-part, la division en deux parts égales sera la plus équitable solution, et le
tribunal pourra alors l’imposer aux parties.
En tout cas, pour le logement familial, le concubin survivant rentre dans une
copropriété par quote-part avec les héritiers du concubin prédécédé.
2 - La vente et l’achat des quotes-parts du logement familial
517. - Après la détermination des quotes-parts dans le logement familial, le concubin
survivant doit immédiatement arranger le partage de ce bien avec les héritiers. Rappelons que
même en cas du mariage, le conjoint survivant n’a pas droit à l’attribution préférentielle du
logement familial527. En cas du concubinage, le concubin survivant n’a évidemment pas cette
526 Rappelons que le fait qu’un local d’habitation est sans titre de propriété officiel n’est pas rare au Vietnam, à cause des imperfections du système administratif. 527 Cf. supra, nos 473 - 475.
295
priorité. Le partage du local entre cette personne et les héritiers du concubin prédécédé sera
effectué selon les règles du droit civil sur la copropriété par quote-part ; les règles sur le
partage de la succession entre héritiers ne s’appliquent pas au rapport entre le concubin
survivant et les héritiers.
L’article 224, alinéa 1er du Code civil de 2005 dispose : « Lorsque la copropriété est
susceptible d’être partagée, chacun des copropriétaires a le droit de demander le partage des
biens communs; si les copropriétaires sont convenus que les biens ne pourront être partagés
avant un certain délai, la demande en partage ne peut intervenir qu’à l’expiration du délai;
lorsque les biens communs ne peuvent être partagés en nature, le partage s’effectue selon
leur évaluation pécuniaire ».
Le concubin survivant a alors l’intérêt pour chercher un accord commun avec les
héritiers du défunt sur le report du partage du logement en cause. Le délai de report ainsi
convenu sera le temps nécessaire pour que le concubin survivant cherche un nouveau
logement, ou une autre solution en vue de l’acquisition du bien en totalité. Si la demande de
report n’est pas acceptée par les héritiers du défunt, il faut procéder au partage du logement.
518. – Il faut examiner d’abord le partage en nature. Pour un local d’habitation, le
partage en nature n’est possible que si sa superficie est suffisamment large, et que chaque
partie du local après le partage conserve encore sa destination d’usage, qui est l’habitation528.
À l’heure actuelle, où le logement est une question sociale pressante à cause du manque des
terrains et constructions, un local d’habitation assez large pour un partage en nature n’est pas
le cas courant en pratique. Par conséquent, les gens visent principalement un partage en
valeur.
Le logement familial fait alors l’objet d’une vente des quotes-parts de valeur. À ce
point, l’article 685, alinéa 2 du Code civil de 2005529 qui s’applique uniquement au rapport
entre héritiers n’est pas applicable au concubin survivant. La présente question relève du
champ d’application de l’article 223, alinéa 3 du Code civil de 2005 :
528 Les textes normatifs sur la construction disposent des conditions minimales d’un local d’habitation distinct, qui permettent l’usage de ce local en vue de l’habitation ; l’utilité et la transférabilité du local dépendent donc de ces conditions. 529 Cf. supra, nos 473 - 475.
296
« Lorsqu’un copropriétaire vend sa quote-part, les autres copropriétaires bénéficient
d’un droit de préemption. Si, à l’expiration d’un délai de trois mois pour les immeubles et
d’un délai d’un mois pour les meubles à compter du jour où les copropriétaires ont été
informés de la vente et de ses modalités, aucun d’entre eux n’entend se porter acquéreur, la
vente peut s’exercer au profit d’un tiers ».
Ainsi, lorsque les héritiers vendent leurs quotes-parts dans le logement familial, en
tant qu’un copropriétaire, le concubin survivant a trois mois pour décider d’en acheter ou non.
S’il arrive à tout acquérir, le logement familial deviendra son bien personnel, et tout litige se
prendra fin. Mais s’il n’accepte pas ces propositions de vente, les héritiers auront des
difficultés pour trouver un autre acheteur, qui acceptent payer des quotes-parts d’un bien qu’il
ne pourra pas occuper ou exploiter. Les héritiers peuvent partager l’usage et même
l’exploitation du local avec le concubin survivant. Néanmoins, pour cela, il faut que le local
soit suffisamment large ; par ailleurs, il y a peu d’héritiers qui souhaitent mener un tel usage
commun qui contiendra des contentieux quotidiens. Les héritiers arrivent alors à la solution
radicale, c’est de demander le partage du logement commun en valeur selon l’article 224,
alinéa 1er précité, et ils proposent le rachat de la quote-part du concubin survivant. En ce cas,
même si celui-ci ne veut pas céder sa quote-part, il doit quand même le faire, car il ne peut pas
contraindre les héritiers du défunt à demeurer dans la copropriété. Le concubin survivant
reçoit alors le paiement de la valeur de sa quote-part dans le logement, et libère les lieux.
519. - En France, dans la même situation, la solution est semblable. L’article 815 du
Code civil français dispose : « Nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le
partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou
convention ». Ainsi, les héritiers peuvent demander le partage dans les mêmes conditions que
le concubin séparé. Lors du partage, le concubin survivant ne bénéficie pas de l’attribution
préférentielle du logement. Lorsqu’il y a plusieurs demandes concurrentes du concubin
survivant et des héritiers sur la propriété du bien, le juge tranchera le contentieux530.
520. - En somme, la situation du concubin survivant concernant le logement familial
est plus favorisée lorsqu’il est propriétaire ou copropriétaire de ce local. Si ce dernier n’est
530 Si le logement est détenu par l’intermédiaire d’une SCI et en l’absence de dispositions particulières, les parts sociales du défunt dans la SCI sont transmises à ses héritiers, mais ceux-ci ne peuvent pas exiger que le logement soit vendu puisqu’il n’est pas en indivision. Cf. Dossiers pratiques Francis Lefebvre, op. cit., n°s 8345, 8350, p. 361-362.
297
qu’un bien propre du de cujus, son maintien dans le logement n’est point protégé par les
dispositions légales.
C. Le logement familial assuré par un contrat de bail
521. - En matière de bail d’habitation, avant d’analyser les dispositions légales au
Vietnam, il convient d’avoir une brève comparaison avec la référence de droit français. En
effet, dès 1989, le législateur français a prévu la possibilité pour le concubin notoire du
locataire décédé de continuer le bail d’habitation que celui-ci a contracté avant, sous condition
que ces deux personnes vivaient ensemble au moins un an à la date du décès. Le concubin
notoire exerce ce droit à la continuation du bail en concurrence avec d’autres proches du
locataire décédé, et le juge a le droit de décider lequel entre ces candidats qui va continuer le
bail531. Ainsi, à la différence du conjoint survivant qui bénéficie de la continuation d’office du
bail grâce à l’article 1751 du Code civil, le concubin survivant n’a aucune priorité pour
continuer le bail. De plus, si le concubin survivant vivait depuis moins d’un an dans le
logement, ou si le contrat de location datait depuis moins d’un an, cette personne ne peut pas
rester dans les lieux, sauf accord du propriétaire532.
522. - Au Vietnam, l’article 499 alinéa 3 du Code civil dispose que le contrat de bail
d’habitation prend fin lorsque le locataire décède et qu’il n’y a personne qui vivait avec lui. Il
est possible d’en déduire que s’il y a quelqu’un qui vivait avec le locataire, ce cooccupant
continuera le bail.
La loi ne dit rien sur la durée minimale de la cohabitation exigée. C’est pourquoi, les
éléments d’une habitation stable de chaque cooccupant dans le local sont pris en compte : le
local loué est son adresse postale, il s’y installe avec des matériels d’une vie quotidienne
normale, etc. Le concubin du locataire décédé peut satisfaire à cette condition.
Pourtant, lorsqu’il y a plusieurs personnes qui vivaient avec le locataire, et chacune
d’elles veut continuer le bail d’une manière exclusive, laquelle va s’octroyer le droit à la 531 L’extrait de l’article 14 de la loi du 06 juillet 1989 : « Lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré : - au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l’article 1751 du code civil ; - aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès ; - au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ; ». - aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès. En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence ». 532 Dossiers pratiques Francis Lefebvre, op. cit., n° 8325, p. 361.
298
continuation ? Dans ce cas, le concubin survivant rentre dans une concurrence avec des
descendants, ascendants, frères et sœurs, etc. du locataire décédé. La loi ne donne pas une
solution expresse à ce contentieux. Mais, juridiquement, les parties concernées peuvent
toujours demander au juge de le trancher. Le juge va examiner tous les intérêts en jeu afin de
se prononcer sur la question.
523. - Au plan de la forme des règles juridiques, il est possible de trouver dans ce
domaine de location une différence des nuances entre le droit français et le droit vietnamien.
En France, le concubin notoire est expressément mentionné dans un lien strict avec le
locataire décédé : il est un concubin de long terme (un an et plus) de celui-ci, il a alors
juridiquement le droit à la continuation du bail, un droit égal avec des proches du locataire.
Au Vietnam, le concubin du locataire n’est pas juridiquement abordé : afin de continuer le
bail, il montre sa cohabitation avec le locataire comme un simple élément de fait, ses rapports
personnels avec celui-ci ne sont pas remarqués. Ainsi, le concubinage533 est encore
formellement nié par la loi vietnamienne.
524. - Lorsque le bail d’habitation a été établi au nom des deux concubins, au décès de
l’un d’eux, le survivant continue évidemment le contrat car il est son cotitulaire, sauf autre
accord avec le propriétaire. En France, il y a également la même solution534.
SECTION II : LES DROITS DISCUTÉS DES ENFANTS NATURELS
525. - Étant héritiers légaux de premier rang de leur parent décédé, dans la dévolution
successorale légale, les enfants naturels ont tous les droits égaux à ceux des autres héritiers de
premier rang. Pourtant, ce n’est pas évident qu’ils puissent avoir l’accès qu’aux mêmes droits
successoraux en nature que ceux des enfants légitimes, que ces droits soient temporaires (§1)
ou définitifs (§2).
§1 : Le report du partage successoral
526. - Pour comprendre le vrai rôle du report du partage successoral en droit
vietnamien, il convient de rappeler encore ce droit subjectif sous l’aspect comparatif.
533 Cette notion ne contient pas des mariages de fait historiques, ceux dont les membres sont toujours considérés comme vrais époux et bénéficient de tous les droit légaux équivalents. 534 Dossiers pratiques Francis Lefebvre, op. cit., n° 8330, p. 361.
299
Précisément, dans le système normatif français, le droit au logement du conjoint
survivant est exclusivement fait pour lui : dans sa nature, ce droit est totalement individuel.
Au Vietnam, dans un effort de souligner la place du conjoint survivant dans la famille, le
législateur a institué son droit au report du partage de la succession, en attachant ce droit à
l’intérêt familial. En effet, le conjoint survivant l’exerce non seulement pour lui seul, mais
aussi pour sa famille ; sa demande est motivée non seulement par sa propre situation réelle,
mais aussi par celle de toute la famille, dont lui-même et d’autres membres tels que ses
enfants communs avec le défunt. Dans sa nature, le report de partage de la succession est un
droit familial, un droit collectif.
Le présent but familial souhaité est vraiment mis en cause dans le cas où la famille n’a
pas été construite sur la base d’un mariage légitime. En effet, la demande de report appartient
exclusivement au conjoint survivant. Tout autre membre de la famille, dont les parents et les
enfants du défunt, n’a pas ce droit. La situation de ces personnes dépend ainsi de la présence
du conjoint survivant dans la procédure de succession : s’il n’y a pas de conjoint survivant,
car le défunt n’avait jamais d’époux, car son époux était mort avant lui, ou surtout parce que
le survivant du couple n’avait pas la qualité d’époux, il n’y aura non plus le report de partage
de la succession.
527. - Pour une brève explication, il est possible de dire que l’absence du droit au
report de partage de la succession pour le concubin survivant est formellement due à la
position hors statut légal de l’union libre. Ce défaut peut néanmoins entraîner une différence
importante entre enfants légitimes et enfants naturels : les premiers peuvent bénéficier d’un
report de partage de la succession, qui signifie leur maintien dans le logement familial en
cause, grâce à la demande de leur parent survivant, mais les derniers jamais.
Cette différence entre enfants légitimes et enfants naturels constitue une inégalité
irraisonnable, socialement et juridiquement. En effet, le fait que les enfants naturels sont nés
d’une union libre de leurs parents n’est pas leur faute. Les concubins ont eu du temps et des
connaissances pour choisir activement le mode de leur vie de couple, tandis que leurs enfants
qui en sont issus, comme tout le monde, ne doivent pas être responsables du fait par qui ils
sont nés. En principe, les enfants naturels ne doivent pas être responsables de leur naissance
par les personnes sans qualité d’époux, mais sous l’aspect juridique, ils devront quand même
subir une inégalité par rapport aux enfants nés du mariage légitime, puisque leur parent
300
survivant ne peut pas protéger leur logement familial contre le partage immédiat de la
succession.
528. - En détail, selon l’article 685, alinéa 2 du Code civil de 2005, « les héritiers ont
le droit de demander le partage en nature des biens successoraux ; si un partage en nature
par parts égales est impossible, les héritiers peuvent d’un commun accord évaluer la
succession et désigner ceux auxquels seront attribués des biens successoraux en nature ; à
défaut d’accord, les biens successoraux sont vendus et le prix de la vente est partagé entre les
héritiers ». Ainsi, lorsque les enfants naturels n’arrivent pas à un autre accord commun avec
d’autres héritiers du défunt, le logement familial est vendu et chaque héritier reçoit sa part en
valeur. En pratique, avec les charges de logement toutes élevées à l’heure actuelle, un droit
d’usage temporaire est, dans plusieurs cas, plus important qu’une quote-part de propriété
réglée en espèce. Possédant une somme d’argent parfois modeste, à cause du grand nombre
d’héritiers par exemple, les enfants naturels ont souvent des difficultés de se reloger ailleurs :
il est clair qu’une telle somme n’est pas comparable à un maintien gratuit sur les lieux
pendant trois ans au maximum. Les enfants naturels rencontrent notamment des difficultés
lorsqu’ils sont encore des mineurs, ou majeurs sans capacité de travail. Il s’agit, à ce moment-
là, d’une casse horrible d’une famille, alors que la situation serait différente si le concubin
survivant ou un autre membre de cette famille créée par l’union libre a le droit de demander le
report de partage de la succession.
529. – La présente situation relève d’une double réticence du législateur dans cette
nouvelle disposition légale535. En premier lieu, c’est la réticence sur la question entre la
famille et les formes de couples. Par ses règles toutes claires, la loi consolide le mariage
légitime et nie totalement l’union libre. Avec ces dispositions toutes rigides, il est
vraisemblable que la famille visée dans la loi soit strictement attachée au mariage, alors que la
famille, dans sa nature, n’est pas fondée uniquement sur une union légitimement enregistrée.
La loi reste silencieuse pour tout ce qui concerne la famille créée par une union libre, c’est
pourquoi, les membres de cette famille peuvent perdre d’importants intérêts légitimes, tels
que ceux dans le cas de concubinage, où les enfants naturels n’ont pas la possibilité de se
maintenir temporairement dans leur logement familial suite au décès de leur parent. En
second lieu, il y a une attitude réticente concernant la nature du droit au report du partage
successoral. Le législateur ne confirme pas le caractère individuel de ce droit octroyé au 535 Rappelons que la demande du report du partage successoral n’apparaît à la première fois que dans la loi sur le mariage et la famille de 2000 ; cette règle est ensuite reproduite dans le Code civil de 2005.
301
conjoint survivant, puisque la demande de report n’est pas uniquement motivée par ses
propres intérêts personnels, mais le législateur ne confirme pas non plus le caractère familial
de ce droit, puisque tout membre de la famille autre que le conjoint survivant n’y a pas accès.
Or, la protection de toute la famille qui dépend, d’abord, de la présence, et ensuite, de la
volonté d’une seule personne statutaire, qui est le conjoint survivant, est une mesure
imparfaite et incompréhensible.
530. - À notre avis, avec le concept de plus en plus souple et donc réaliste de la famille
en droit vietnamien536, il convient de modifier l’article 686, alinéa 2 du Code civil de 2005 et
l’article 31, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille de 2000, comme quoi tout héritier, et
non seulement le conjoint survivant, puisse demander au tribunal le report de partage de la
succession, si le partage immédiat cause de graves préjudices à lui-même et à sa famille. En
cas de logement familial, la demande de report de tout héritier qui occupe effectivement ce
local comme sa résidence principale doit être particulièrement examinée. Lorsqu’un héritier
ne peut pas lui-même intenter en justice à cause de sa capacité limitée (il est mineur ou majeur
protégé), son représentant légal va agir pour son intérêt. Ainsi, le concubin survivant pourra
faire valoir les droits successoraux de son enfant incapable. Avec cette règle d’occupation
effective, une inégalité injustifiable entre enfants légitimes et enfants naturels sera, de plus,
effacée.
Une fois que le report est octroyé au profit des enfants naturels, le maintien dans les
lieux de leur parent - le conjoint survivant - sera assuré, car il occupe le logement au titre de
leurs enfants, si ceux-ci ne le contestent pas. Lorsque les enfants naturels sont encore mineurs,
le maintien dans les lieux du concubin survivant est évident, puisqu’il est leur représentant
légal.
Une telle disposition contribuera ainsi à renforcer l’existence solide de la famille.
§2 : L’attribution préférentielle du logement familial
531. - Le report de partage de la succession n’est qu’une mesure temporaire
permettant aux intéressés de préparer leur nouvelle vie matérielle. De toute façon, le bien
536 Rappelons que la loi sur la prévention et la lutte contre la violence dans la famille de 2007, à côté de la famille formée par le mariage, vise également la famille créée par l’homme et la femme qui mènent une vie maritale sans enregistrement.
302
successoral sera définitivement partagé entre héritiers. À ce point, il faut discuter encore la
situation des enfants nés de l’union libre.
Selon l’article 676, alinéa 1.a du Code civil de 2005, les héritiers de premier rang sont
le conjoint survivant, les parents biologiques et les parents adoptifs, les enfants légitimes, les
enfants naturels et les enfants adoptifs du défunt. Ainsi, dans la dévolution successorale, les
enfants naturels, en tant que héritiers au premier rang, rentrent dans la concurrence avec les
autres héritiers de même rang.
Même si les enfants naturels sont des héritiers testamentaires de toute la succession, ils
rentreront quand même dans la concurrence avec les héritiers réservataires537.
Le cas unique dans lequel les enfants naturels peuvent hériter de toute la succession,
c’est lorsqu’il n’y a pas d’autres héritiers au premier rang ou d’autres légataires.
532. - En tout cas, à cause de la concurrence avec d’autres héritiers et légataires, les
enfants naturels vont aboutir à une indivision avec eux tous sur les biens successoraux. Dans
le cas d’espèce du logement familial qui appartient à la succession, le maintien dans les lieux
des enfants naturels sera mis en cause lorsque les autres cohéritiers et légataires, c’est-à-dire
les copropriétaires du bien, réclament leurs parts. Rappelons que le concubin survivant -
parent des enfants naturels - ne peut rien faire pour eux. Lorsqu’il n’y a aucun autre accord
commun entre héritiers, le bien successoral est vendu pour un partage en valeur, ce qui
n’apporte aux enfants naturels qu’une somme d’argent non équivalente à leur besoin d’un toit
de long terme. Le droit au logement des enfants naturels, dans ce cas, est anéanti par
l’intervention légale des autres héritiers et légataires, ceux qui sont pratiquement étrangers à
cette famille créée par l’union libre et au logement en cause.
533. - La présente situation reflète clairement des inconvénients de l’absence d’une
attribution préférentielle légale des biens successoraux en droit vietnamien, surtout en ce qui
concerne le logement familial. Pour une protection du conjoint survivant dans le cadre du
mariage538 et des enfants naturels en cas de concubinage, il convient de songer à une
attribution préférentielle légale du logement familial au profit de tout héritier qui occupe
537 L’article 669 du Code civil de 2005. 538 Rappelons qu’en droit vietnamien, le conjoint survivant ne bénéficie pas non plus de l’attribution préférentielle du logement familial dans le partage successoral, et que cela lui cause beaucoup de soucis. Cf. supra, nos 473 - 475.
303
effectivement ce local et qui le prend comme résidence principale. Sous l’aspect comparatif,
le droit français a institué l’attribution préférentielle du logement familial au profit du conjoint
survivant539. Au Vietnam, l’attribution préférentielle en faveur de tout héritier - occupant
effectif sera une mesure considérable pour consolider l’attachement familial, une belle
tradition qui est malheureusement menacée à l’heure où les bonnes mœurs se reculent devant
des valeurs pécuniaires.
Lorsqu’il y a plusieurs héritiers - occupants effectifs qui demandent l’attribution
préférentielle du logement l’un en exclusion de l’autre, le tribunal examinera tous les intérêts
en cause, tels que la situation de vie et la compétence financière de chaque intéressé, afin de
déterminer le plus digne bénéficiaire.
* * *
539 Cf. supra, nos 470 - 471.
304
CONCLUSION DU CHAPITRE : 534. - N’étant pas époux, les membres de l’union
libre ne se soumettent pas au régime légal du droit de la succession dans le Code civil. Ils ont
à préparer un statut convenable du logement familial, tel qu’une copropriété, afin d’éviter les
risques envers le survivant lorsque l’un d’eux décède. Pourtant, la question sur le droit au
logement des enfants qui sont nés de cette union doit être strictement traitée par les
dispositions légales, notamment en égalité avec d’autres descendants du défunt, sans
distinction de leur qualité d’enfant naturel.
305
CONCLUSION DU TITRE : 535. - Le décès d’un membre du couple survient à la
famille toujours comme un événement non souhaitable, voire imprévisible. Cette surprise crée
des désordres considérables dans la vie des survivants, notamment en ce qui concerne leur
droit au logement. Le traitement du logement dans ce domaine se heurte à plusieurs questions
pressantes de la société : le veuvage, le partage des biens successoraux, la crise du logement,
les intérêts des enfants naturels, etc. En tout, il paraît raisonnable de se soucier de la
consolidation de la famille suite à une dissolution involontaire de l’union et un partage
inévitable des biens familiaux. Le droit vietnamien n’a que de premières réglementations, au
niveau général, dans ce domaine. Les nouvelles règles, qui devront être plus réalistes et
efficaces, se trouveront dans un statut légal indépendant du logement de la famille.
307
TITRE II
LE CHANGEMENT VOLONTAIRE : LA SÉPARATION
536. - Dans la famille, il y a des perturbations qui résultent directement de la volonté
des deux membres du couple. En effet, puisque les gens ont le droit de s’unir, ils ont
également le droit de se séparer. La loi doit alors assurer la tâche de réglementer toute
conséquence de cette séparation. Selon que les intéressés se sont unis dans le cadre d’un
mariage ou seulement d’un concubinage, les règles juridiques applicables au traitement de la
séparation se différencient nettement. La solution du logement familial en est un exemple : les
dispositions légales régissant le partage de ce bien pendant la procédure de divorce sont bien
abondantes (Chapitre I), tandis que celles concernant le sort du logement des concubins lors
de leur séparation restent beaucoup moins nombreuses (Chapitre II).
309
CHAPITRE I
LE DIVORCE
537. - Les époux s’unissent volontairement dans un mariage, c’est pourquoi ils ont le
droit de mettre fin aussi volontairement à leur union. Les formes de séparation des époux
occupent une place importante dans le droit de la famille de chaque pays.
En France, le législateur institue deux formes de séparation. Le divorce est une fin
définitive du mariage, car le rapport conjugal se dissout totalement540. La séparation de corps
permet aux époux de vivre séparément en conservant leur mariage541. Les cas et conditions de
ces deux catégories de séparation restent pourtant les mêmes542.
Au Vietnam, il existe une forme unique de séparation, qui est le divorce. À travers des
modifications importantes, même si l’on reconnaît qu’il y a des séparations de fait des époux
dans la société, le droit vietnamien contemporain nie toujours un statut juridique de la
séparation de corps543. Pour cette raison, est exposée ci-après la solution du logement de la
famille seulement pendant la procédure de divorce544.
538. - Le divorce est la dissolution artificielle du mariage. L’effet de cet événement est
la rupture du rapport conjugal entre deux individus ; il y a également la liquidation de la
masse des biens qui existent dans la vie commune des ex-époux. La solution du logement,
autrement dit, la garantie aux parties de se loger après leur séparation, fait partie évidemment
de la présente liquidation ; elle en est même un contenu tout à fait important et compliqué.
540 L’article 260 du Code civil français : « La décision qui prononce le divorce dissout le mariage à la date à laquelle elle prend force de chose jugée ». 541 L’article 299 du Code civil français : « La séparation de corps ne dissout pas le mariage mais elle met fin au devoir de cohabitation ». 542 L’article 299 du Code civil français : « La séparation de corps peut être prononcée à la demande de l'un des époux dans les mêmes cas et aux mêmes conditions que le divorce ». 543 NGUYEN Thi Thu Van, Le divorce et la séparation de corps en droit vietnamien - comparaison avec le droit français, thèse Paris II 2005, n° 100, p. 91-92. 544 Au plan du rapport personnel entre époux, en droit vietnamien, les époux n’ont pas l’obligation de cohabitation comme celle qui est disposée à l’article 215 du Code civil français. Ils peuvent donc se séparer de fait sans violer aucune règle juridique. Au plan du rapport pécuniaire entre époux, même si le législateur vietnamien n’insère pas dans la loi sur le mariage et la famille l’institution de séparation de corps, il y établit quand même le droit des époux de partager leurs biens communs au cours du mariage. La présente disposition peut être réputée comme une solution patrimoniale pour les époux qui mènent une séparation de fait. Le sort du logement familial lors du partage des biens communs au cours du mariage a été analysé dans la première partie de cette étude. Cf. supra, nos 179 - 184.
310
Les règles juridiques régissant cette question se trouvent dans l’ensemble des dispositions sur
la procédure de divorce, qui se varient à travers les systèmes juridiques internes.
539. - Le divorce régi par les dispositions légales vietnamiennes est bien différent de
ceux dans d’autres pays. Au titre d’exemple, il convient de faire une comparaison vietnamo -
française.
En effet, au Vietnam, la loi sur le mariage et la famille dispose deux cas de divorce :
celui par consentement mutuel545 et celui par la demande unilatérale de l’un des époux546.
Pourtant, il n’y a qu’un seul fondement du prononcé du divorce pour tous les deux cas : c’est
que la situation de la famille est grave, que le maintien de la vie commune est intolérable, que
les objectifs de la vie commune n'ont pas pu être réalisés547. Le juge ne doit pas tenir compte
de ce motif légal du divorce seulement dans le cas où la demande de divorce est présentée par
l’époux d’une personne déclarée absente548 : dans ce cas-là, le prononcé du divorce est
automatique. Pour les questions post-divorce (les rapports personnels et patrimoniaux entre
divorcés, ainsi que la garde et l’entretien des enfants), l’accord commun entre divorcés, qui
545 L’article 90 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Divorce par consentement mutuel Au cas où les époux demande ensemble le divorce, si la conciliation judiciaire n'a pas abouti et que le juge a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que les époux sont d'accord sur le partage des biens et sur le soin, l'entretien et l'éducation de leurs enfants, le juge prononce le divorce et homologue leur convention sur les biens et les enfants, en appliquant le principe de la protection des intérêts légitimes de la femme et des enfants; si les époux ne parviennent pas à une convention ou que celle-ci préserve insuffisamment les intérêts légitimes de la femme et des enfants, le juge décide de la solution ». 546 L’article 91 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Divorce demandé par un époux Si l'un des époux demande le divorce et que la conciliation judiciaire n'a pas abouti, le juge examine la demande et décide du divorce ». 547 L’article 89, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Le juge examine la demande de divorce et prononce le divorce s'il a acquis la conviction que la situation est grave, que le maintien de la vie commune est intolérable, que les objectifs de la vie commune n'ont pas pu être réalisés ». 548 L’article 89, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Le juge prononce le divorce si l'époux de la personne déclarée absente demande le divorce ». Pour la déclaration d’absence, l’article 78 du Code civil de 2005 dispose : « 1. Lorsqu’une personne a cessé de paraître depuis deux ans sans que l’on ait eu des nouvelles fiables sur sa vie ou sa mort alors que toutes les mesures nécessaires pour sa découverte ont été mises en oeuvre conformément aux dispositions de la procédure civile, le tribunal peut, à la demande de toute personne ayant un droit ou un intérêt en cause, déclarer l’absence. Le délai de deux ans court à partir du jour où l’on a eu de ses nouvelles pour la dernière fois; si ce jour ne peut être déterminé, le délai de deux ans court à partir du premier jour du mois suivant celui où l’on a eu de ses nouvelles pour la dernière fois; si le jour et le mois où l’on a eu de ses nouvelles pour la dernière fois ne peuvent être déterminés, le délai court à partir du premier jour de l’année qui suit celle où l’on a eu de ses nouvelles pour la dernière fois. 2. Si le conjoint de l’absent demande le divorce, le tribunal prononce le divorce ».
311
est contrôlé et homologué par le juge, occupe toujours la première place ; à défaut dudit
accord, le tribunal tranchera le contentieux549.
En France, il existe le divorce par consentement mutuel550, celui d’acceptation du
principe de la rupture du mariage551, celui pour altération définitive du lien conjugal552 et celui
pour faute553. Le motif du prononcé du divorce et la procédure de traitement des questions
concernant son effet se varient selon chacune de ces catégories de divorce. Dans toutes ces
dispositions, il y a un point commun avec le droit vietnamien, c’est le droit
d’autodétermination des parties. L’article 247 du Code civil français dispose : «Les époux
peuvent, à tout moment de la procédure, demander au juge de constater leur accord pour voir
prononcer leur divorce par consentement mutuel en lui présentant une convention réglant les
conséquences de celui-ci ».
Malgré ce point commun important, les différences entre le système de pluralité des
cas de divorce en droit français et le système de motif unique du divorce en droit vietnamien
sont considérables. En ce qui concerne la solution du logement lors du divorce, le droit
vietnamien a une réponse synchrone, tandis que celle du droit français est très disséminée554.
540. - Le divorce est une issue du mariage, c’est pourquoi il est bien influencé par ce
qui était fixé au cours du mariage. Au Vietnam, en principe, il n’y a qu’un seul régime
matrimonial, qui est légal : c’est la communauté des acquêts. Les époux, par voie des
conventions homologuées pendant le mariage, peuvent le transformer en des « régimes » de
549 Selon les articles 186, 187, 220 et 270 du Code de procédure civile de 2004, l’accord commun des parties peut être homologué par le tribunal avant ou pendant l’audience, en première instance ou en appel. 550 L’article 230 du Code civil français : « Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu'ils s'entendent sur la rupture du mariage et ses effets en soumettant à l'approbation du juge une convention réglant les conséquences du divorce » ; et l’article 232 du même Code : « Le juge homologue la convention et prononce le divorce s'il a acquis la conviction que la volonté de chacun des époux est réelle et que leur consentement est libre et éclairé. Il peut refuser l'homologation et ne pas prononcer le divorce s'il constate que la convention préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l'un des époux ». 551 L’articles 233 du Code civil français : « Le divorce peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci. Cette acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel » ; et l’article 234 du même Code : « S'il a acquis la conviction que chacun des époux a donné librement son accord, le juge prononce le divorce et statue sur ses conséquences ». 552 L’article 237 du Code civil français : « Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque le lien conjugal est définitivement altéré » ; et l’article 238, alinéa 1er du même Code : « L'altération définitive du lien conjugal résulte de la cessation de la communauté de vie entre les époux, lorsqu'ils vivent séparés depuis deux ans lors de l'assignation en divorce ». 553 L’article 242 du Code civil français : « Le divorce peut être demandé par l'un des époux lorsque des faits constitutifs d'une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune ». 554 Cf. infra, n° 543 et s.
312
communauté universelle555 ou de séparation de biens556. Ces derniers constituent néanmoins
des cas exceptionnels qui n’ont pas une présence considérable dans le traitement des divorces
devant les juridictions compétentes557.En France, à côté du régime matrimonial légal de
communauté des acquêts, il existe les régimes de communauté conventionnelle, de séparation
de biens, et de participation aux acquêts que les époux peuvent choisir au moment de se
marier ou au cours du mariage558. La présente différence de régime matrimonial entre les deux
systèmes juridiques entraîne celle de la solution du logement lors du divorce.
541. - En se basant sur cette connaissance globale, la question du droit des époux sur
le logement familial lorsqu’ils se divorcent sera traitée selon la nature juridique de ce local.
Précisément, seront envisagés la solution au cas où le logement en cause est un bien commun
des époux (Section I), celle au cas où il n’appartient qu’à l’un d’eux (Section II), et le
traitement du logement lorsque les deux époux vivent en commun avec la famille d’origine de
l’un d’eux (Section III).
SECTION I : LE LOGEMENT EN CAUSE ÉTANT UN BIEN COMM UN DES
ÉPOUX.
542. - Avec la distinction de base entre les biens communs et les biens propres des
époux, le sort du logement familial commun sera traité dans la procédure de divorce selon les
principes généraux (§1) et les dispositions particulières sur le partage et l’attribution
préférentielle de ce bien (§ 2).
555 L’article 32, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose que chacun des époux a le droit de verser ses biens personnels dans la masse des biens communs. Au cours du mariage, le régime de communauté des acquêts s’applique de manière d’office. C’est pourquoi, une fois que chacun des époux a versé tous ses biens personnels dans la masse des biens communs, la communauté des acquêts devient la communauté universelle de fait, car il n’y a plus de biens personnels présents. Rappelons que les voies par lesquelles chacun des époux peuvent avoir à nouveau des biens personnels (donation ou succession à titre personnel) sont exceptionnelles dans le train de vie quotidien du mariage. 556 Les articles 29 et 30 disposent des cas où les époux peuvent partager leurs biens communs au cours du mariage. L’article 8, alinéa 2 du Décret n° 70/2001/ND-CP précise : « Les revenus résultant du travail, des activités productives et commerciales et d’autres revenus légitimes de chacun des époux après le partage sont des biens personnels de chacun, sauf autre accord des époux ». Ainsi, lorsque les époux ont partagé tous les biens communs, la communauté des acquêts ne s’applique plus, ils poursuivent alors la séparation de biens. 557 Dans la vie familiale vietnamienne, à défaut des contentieux, les époux ne s’intéressent presque pas aux règles juridiques régissant leurs rapports patrimoniaux, ils ne les connaissent pas et ne les utilisent pas pour former un régime matrimonial autre que le régime légal. En conséquence, c’est le régime légal de communauté des acquêts qui s’applique automatiquement dans un grand nombre de cas. 558 Vivant dans un État où il y a une longue tradition juridique, assistés par des sources et personnels juridiques abondants, les habitants en France semblent plus actifs que ceux au Vietnam dans leur choix du régime matrimonial.
313
§1 : Les principes du partage des biens entre des parties lors du divorce.
543. - La liquidation des biens lors du divorce a de grandes influences sur la vie de
chacun des divorcés ainsi que la stabilité de leur famille. Les principes dirigeant cette
liquidation jouent, en conséquence, un rôle considérable dans la garantie des bonnes décisions
judiciaires. En droit vietnamien, les principes du partage des biens en cas de divorce sont
systématiquement institués à l’article 95 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 :
« 1. En cas de divorce, les biens communs des époux sont partagés d'un commun
accord entre eux ; à défaut d'accord commun, le juge décidera du partage. Les biens
personnels reviennent à leur propriétaire.
2. Le partage des biens communs est réalisé selon les principes suivants :
a) Les biens communs sont en principe partagés à part égale, mais il faut prendre en
compte la situation sociale et économique de chacun des époux et leur contribution au
développement du patrimoine commun. Le travail de l'homme ou de la femme au ménage est
considéré comme un travail rémunéré ;
b) Préserver les droits et les intérêts légitimes de la femme et de l'enfant mineur ou
majeur mais handicapé, incapable, invalide et dépourvu de biens personnels pour subvenir à
ses besoins ;
c) Protéger les intérêts légitimes de chacun des époux dans l'exercice de leurs
activités de production, de commerce et activités professionnelles afin de leur permettre de
continuer leur activité ;
d) Les biens communs sont partagés en nature ou en valeur; l'époux qui reçoit le bien
en nature dont la valeur est plus importante que la part qui lui est réservée, doit rembourser à
l'autre la différence de valeur.
3. Les obligations communes sont exécutées d'un accord commun entre les époux ; à
défaut d'accord, le juge décidera de la solution ».
544. - Les principes du partage des biens entre époux pendant la procédure de divorce,
qui sont tous concentrés dans la loi sur le mariage et la famille, constitue une valeur
traditionnelle du droit de la famille vietnamien contemporain. En effet, dès la loi sur le
314
mariage et la famille de 1959, le législateur a institué des principes du partage à l’article 29.
Dans la loi de 1986, ces principes ont été développés plus en détail à l’article 42. La loi de
2000, dans son article 95 précité, hérite toutes les règles de partage déjà établies par les deux
lois précédentes ; en même temps, elle présente quelques nouvelles précisions, telles que le
partage des biens communs en nature ou en valeur. En pratique, les principes de partage sont
comme des standards que les tribunaux doivent atteindre par leur décision dans chaque cas
d’espèce. La portée et la vitalité des principes consistent à ce point.
545. – Il est nécessaire d’envisager lesdits principes en détail. Dans la liquidation des
biens lors du divorce, l’accord commun entre époux tient toujours la première place. Le juge
n’y intervient qu’à défaut d’un tel accord. Pourtant, il faudrait faire attention aux principes
déterminés à l’alinéa 2 de l’article 95 : ce sont des standards légaux non seulement pour la
décision du juge mais aussi pour l’accord commun entre époux. Cela veut dire que la
conformité de la convention établie par les deux époux est contrôlée par le juge, afin d’éviter
des résultats de liquidation trop défavorables pour une partie ou pour les enfants et d’exclure
toute tentative de fraude portant atteinte à l’ordre public.
La théorie de la protection des personnes les plus vulnérables est clairement
manifestée dans ces principes : le législateur aborde directement « la femme et l'enfant mineur
ou majeur mais handicapé, incapable, invalide et dépourvu de biens personnels pour subvenir
à ses besoins ». En fait, le cas des enfants en difficulté cités ici est compréhensible : leur
capacité limitée ne leur permet pas une vie matérielle indépendante. Pour le cas de la femme,
il est nécessaire d’avoir une connaissance que, vu sa situation d’installation dans la société, la
femme rencontre souvent plus de difficultés que le mari, à la suite de leur divorce. La présente
réalité constitue le fondement social de la disposition légale précitée, qui a pour but d’éviter le
plus possible la disparité que la dissolution crée dans les conditions de vie respectives.
546. - En droit français, d’abord, il existe une règle générale qui met l’accord des
époux à la première place dans le traitement des questions patrimoniales. C’est l’article 265-2
du Code civil : «Les époux peuvent, pendant l’instance en divorce, passer toutes conventions
pour la liquidation et le partage de leur régime matrimonial ». Malgré la pluralité des cas de
divorce en France, les questions pécuniaires faisant partie des conséquences du divorce sont
traitées prioritairement par l’accord commun entre époux ; à défaut d’un tel accord, le juge
315
donnera une solution559. Dans tous les cas, la liquidation des biens n’est valable qu’avec l’avis
favorable du juge. Ainsi, dans une vue globale, les dispositions vietnamiennes et françaises
dans ce domaine ont plusieurs rencontres.
À côté de la règle générale précitée, le législateur français construit des dispositions
propres à chaque cas de divorce. L’esprit commun de toutes ces dispositions est la protection
du plus faible et la balance d’intérêt des parties à la suite du divorce. Un nombre considérable
d’exemples peut justifier ce commentaire. En cas du divorce par consentement mutuel, le juge
peut refuser l’homologation et ne pas prononcer le divorce s’il constate que la convention
formée par les époux préserve insuffisamment les intérêts des enfants ou de l’un des époux560.
Dans les divorces autres que par consentement mutuel, des dommages et intérêts peuvent être
accordés à un époux en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du
fait de la dissolution du mariage, soit lorsqu’il était défendeur à un divorce prononcé pour
altération définitive du lien conjugal et qu’il n’avait lui-même formé aucune demande en
divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint561. Par
ailleurs, il y a le système de prestation compensatoire, un capital forfaitaire versé par l’un des
époux à l’autre, qui tend à éviter le plus possible la disparité que la rupture du mariage crée
dans les conditions de vie respectives562 ; etc.
547. – En somme, les principes du partage des biens entre des parties lors du divorce
en droit vietnamien et en droit français n’ont pas de grandes différences dans leurs contenus
respectifs. En ce qui concerne la forme, les principes vietnamiens sont expressément établis et
réunis dans un article de la loi sur le mariage et la famille. Par rapport au droit français, le
présent système des principes de partage en droit vietnamien est une particularité. En effet,
une telle expression concentrée n’est pas présente en droit français. Pourtant, le contenu des
dispositions diverses sur les cas d’espèce reflète la volonté unifiée du législateur français.
559L’article 267 du Code civil français : « A défaut d'un règlement conventionnel par les époux, le juge, en prononçant le divorce, ordonne la liquidation et le partage de leurs intérêts patrimoniaux. Il statue sur les demandes de maintien dans l'indivision ou d'attribution préférentielle. Il peut aussi accorder à l'un des époux ou aux deux une avance sur sa part de communauté ou de biens indivis. Si le projet de liquidation du régime matrimonial établi par le notaire désigné sur le fondement du 10° de l'article 255 contient des informations suffisantes, le juge, à la demande de l'un ou l'autre des époux, statue sur les désaccords persistant entre eux ». En cas de divorce par consentement mutuel, la convention des époux qui règle les conséquences du divorce est obligatoire pour le prononcé de celui-ci : Cf. l’article 230 du Code civil français précité, n° 539. 560 L’article 232, alinéa 2 du Code civil français. 561 L’article 266, alinéa 1er du Code civil français. 562 Les articles de 270 à 281 du Code civil français.
316
La présente différence s’explique par la structure des dispositions légales régissant le
divorce. Au Vietnam, puisqu’il y a un motif unique du prononcé de divorce, les règles portant
sur son effet peut être réunies en vue de s’appliquer à tout cas d’espèce. En France, la
distinction entre quatre cas de divorce est légalement claire, la concrétisation des règles
régissant l’effet du divorce est alors une demande évidente pour faciliter la procédure.
§2 : Le partage et l’attribution préférentielle du logement commun
548. - En droit vietnamien, le partage et l’attribution préférentielle du logement se
lient strictement. Le législateur insiste sur la possibilité des époux et de leurs enfants de se
loger effectivement après leur divorce, il souligne alors les droits en nature plutôt qu’une
liquidation penchant pour la valeur comme celle de la succession. Par conséquent, la décision
judiciaire portant sur le logement doit toujours veiller à ce que l’une et l’autre puissent avoir
son propre toit. À défaut d’autres accords communs entre intéressés, le partage en nature est
toujours prioritaire ; s’il est impossible, il faut examiner l’attribution préférentielle au profit
d’une partie et favoriser le plus possible la recherche de logement de l’autre.
549. - Les modes de logement des époux sont divers563. Dans la procédure de divorce,
le partage et l’attribution préférentielle du logement commun se varie donc selon qu’il soit
une propriété des époux (A) ou seulement assuré par un contrat de bail dont les deux époux
sont colocataires (B).
A. Le logement commun étant un bien commun en pleine propriété des époux
550. - Le partage du logement commun est, sans aucun doute, l’un des points les plus
compliqués dans la procédure de divorce. Il convient donc d’examiner le contenu de la règle
vietnamienne en vigueur (1), puis de la mettre dans une comparaison avec la référence du
droit français, afin d’en tirer quelques propositions législatives et judiciaires (2).
1 - La règle vietnamienne régissant le partage du logement commun des époux
551. - À côté des principes applicables à tous les cas de partage des biens communs, le
législateur vietnamien adopte des dispositions exclusives pour le local d’habitation. L’article
98 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose : « Si les locaux à usage d'habitation
en copropriété entre les époux peuvent être divisés pour leur usage personnel, ils sont
563 Cf. supra, n° 18.
317
partagés conformément aux dispositions de l'article 95 de la présente loi ; s'ils ne peuvent
être divisés, l'époux bénéficiant des locaux doit rembourser à l'autre la part qui lui revient ».
Cet article a une grande valeur législative et judiciaire, sous plusieurs aspects.
a. Le rôle des nouvelles dispositions légales sur le partage de certains biens précis
552. - Au plan législatif, l’apparition de l’article 98 et de certains autres articles564
régissant le partage des biens particuliers tels que le logement, le droit d’usage des fonds de
terre, marque un avancement considérable du droit de la famille vietnamien. Les lois sur le
mariage et la famille de 1959 et de 1986 n’ont pas régi en détail le partage des biens des
époux lors de leur divorce, mais ont institué seulement des principes généraux. Par
conséquent, les juridictions devaient interpréter ces principes dans chaque cas d’espèce, elles
ont constitué leurs propres règles pour certaines catégories de biens dont le partage était tout
courant en pratique judiciaire, comme le cas exemplaire du logement familial565. Ainsi, les
nouvelles dispositions de la loi de 2000 reflètent, au niveau de loi, la grande fréquence du
partage du logement entre divorcés parmi les affaires familiales que les tribunaux ont à traiter,
une réalité existant depuis toujours.
553. - Sous un autre aspect, la mention expresse du logement des époux dans la loi
suscite des idées concernant l’embryon d’un statut légal du logement de la famille. Ainsi, en
droit vietnamien, ce statut a pris comme point de départ la procédure de divorce, ce qui est
bien différent du droit français, où le statut du logement de la famille a été construit d’abord
dans les rapports patrimoniaux entre époux au cours du mariage. La présente différence
s’explique par le contexte de la société vietnamienne, où d’une manière générale, les gens ne
s’intéressent aux règles juridiques régissant les rapports familiaux que lorsqu’il y a des
contentieux nés entre membres de la famille. Les dispositions légales servent au premier lieu
de résoudre ces litiges.
564 L’article 97 de la loi de 2000 régit le partage du droit d’usage des fonds de terre des époux. L’article 99 de la même loi régit le traitement du logement appartenant à l’un des époux. 565 Rappelons que bien avant l’adoption de la loi sur le mariage et la famille de 1986, la Cour populaire suprême a pris la Directive n° 69/TATC du 24 décembre 1979 sur la solution du logement et la garantie des locaux d’habitation des parties après le divorce.
318
b. La priorité du partage en nature
554. – Il convient d’examiner ci-après le contenu précis de la règle. La loi
vietnamienne vise le droit de se loger de toutes les deux parties à la suite de leur divorce.
C’est pourquoi, elle prévoit la possibilité de partager le local d’habitation entre leurs mains566.
Il faut faire attention au fait que ce n’est pas simplement le partage du droit d’usage, mais
celui en pleine propriété : à la suite du partage, deux nouvelles propriétés immobilières
apparaissent, dont les titulaires sont distincts l’un de l’autre. Le juge doit alors veiller à ce que
ces deux nouveaux locaux d’habitation répondent suffisamment aux conditions légales de
l’enregistrement du droit de propriété auprès de l’autorité compétente567, ainsi qu’à l’usage
normal en réalité des deux ménages.
555. - Le partage en nature paraît raisonnable lorsque le local est suffisamment large à
être partagé entre deux nouveaux ménages, et de plus, les deux ex-époux peuvent s’entendre
en tant que voisins568. Raisonnable, parce qu’aucune partie ne devra mettre en oeuvre la
recherche d’une nouvelle résidence, celle qui n’est pas du tout facile et rapide dans la plupart
des cas, notamment dans les villes.
Lorsque le local ne peut servir que l’usage d’un seul ménage à cause de leur superficie
modeste, celui qui bénéficie de l’attribution préférentielle du local doit effectuer un
remboursement de la part de valeur appartenant à l’autre. Par rapport au partage de la
succession569, le partage des biens communs des époux lors de leur divorce a une différence
importante : si le partage en nature n’est pas possible, le bien en cause ne sera pas vendu pour
un partage en valeur, mais il faudra désigner un bénéficiaire de l’attribution préférentielle du
bien, qui réglera la part de l’autre partie dans ce bien. Ainsi, dans la procédure de divorce, le
législateur insiste sur les droits en nature des intéressés, qui servent directement et
effectivement leur vie quotidienne, plutôt que sur un partage parfaitement égal en valeur mais
qui peut causer des désordres à une partie ou à une autre, quand elle n’a plus d’accès au
logement.
566 En fait, cette idée est déjà confirmée dans la pratique judiciaire depuis longtemps ; une systématisation des règles précises a été faite dans la Directive n° 69/TATC précitée. 567 En pratique, le juge et son greffier peuvent se rendre sur place pour un examen matériel du logement en cause. Ils peuvent encore procéder à l’arpentage du local, dont le résultat servira la décision du tribunal. Une condition de base de l’enregistrement du droit de propriété des logements, c’est que le local doit être suffisamment large pour l’habitation, conformément à la législation sur les constructions. 568 Cf. infra, n° 559. 569 Cf. supra, nos 473 - 475.
319
556. - En pratique, puisque l’attribution préférentielle du logement fait partie de la
liquidation totale de toute la communauté des biens dans la procédure de divorce, l’époux qui
ne reçoit pas ce local va recevoir d’autres biens égaux à sa part résultant du partage de
l’ensemble des biens communs. Il peut évidemment arriver le cas où le logement tient la plus
grande valeur de la communauté570, et son bénéficiaire doit rembourser, en argent liquide ou
en d’autres catégories de biens, la part de son ex-conjoint qui n’est pas toute réglée par les
autres biens communs. C’est à cette attribution que plusieurs questions se posent.
c. Les critères de l’attribution préférentielle
557. - D’abord, se pose la question concernant le fondement de l’attribution
préférentielle. Lorsque celle-ci ne peut pas se baser sur un accord commun entre époux, elle
est réalisée par la décision du juge. Puisque la loi ne fixe pas une attribution préférentielle de
droit, le juge va examiner la situation en respectant les principes prévus par l’article 95 de la
loi sur le mariage et la famille. La décision sur le logement doit surtout tenir compte des deux
catégories de besoin des parties, l’une pour la consommation, l’autre pour la production.
En premier lieu, selon l’article 95, alinéa 2.b de la loi sur le mariage et la famille, le
partage des biens communs des époux doit veiller à la préservation des droits et des intérêts
légitimes de la femme et de l'enfant mineur ou majeur mais handicapé, incapable, invalide et
dépourvu de biens personnels pour subvenir à ses besoins. Ainsi, le droit au logement des
divorcés est strictement lié au droit de garde et d’entretien des enfants. Il y a un cas tout
courant en pratique : lorsque les enfants sont encore de jeune âge, c’est souvent la femme qui
les gardera et qui a donc plus de chances d’être le bénéficiaire de l’attribution préférentielle
du logement de la famille. Le tribunal attribue le local d’habitation à la femme afin de
favoriser l’entretien et l’éducation des enfants qu’elle garde. Le fait que le mari laisse son ex-
épouse et ses enfants habiter le logement familial montre, en quelque sorte, l’exécution
spirituelle de ses obligations envers ses enfants571.
En second lieu, en application de l’article 95, alinéa 2.c de la même loi, le partage des
biens communs des époux doit assurer la protection des intérêts légitimes de chacun des
époux dans l'exercice de leurs activités de production, de commerce et activités
570 Vu la composition du patrimoine familial des habitants au Vietnam à l’heure actuelle, ce cas est même très courant en pratique. 571 Ce fait peut encore constituer l’exécution matérielle de ses obligations envers ses enfants. Cf. infra, nos 571 - 572.
320
professionnelles, afin de leur permettre de continuer leur activité. C’est pourquoi, l’époux qui
mène des activités productives, commerciales ou professionnelles dans le logement de la
famille, par exemple ce local est le siège de sa société, est prioritaire dans l’attribution
préférentielle du bien par rapport à l’autre qui a une activité distincte ailleurs.
558. - Lorsqu’il y a ces deux besoins qui se concurrencent, le juge va soupeser tous les
intérêts en cause pour déterminer, d’une manière la plus raisonnable possible, le bénéficiaire
de l’attribution préférentielle du logement. À notre avis, les intérêts des jeunes enfants
devraient être à la première place et pourraient l’importer sur les conforts des activités
lucratives d’un époux, puisque favoriser la vie des enfants peut aider à conserver les valeurs
de la famille, même si celle-ci est influencée par le divorce des parents.
Le problème s’élève principalement dans le remboursement effectué par le
bénéficiaire du local à son ex-époux.
d. Les questions pratiques concernant le partage, l’attribution préférentielle et le
remboursement
559. - D’abord, il y a des cas où le logement commun est assez large pour faire l’objet
d’une division du droit d’usage entre des parties, mais ces personnes ne veulent point se
prendre comme des voisins. C’est une demande compréhensible au point de vue sentimental,
mais si aucune des parties ne peut régler la quote-part du local qui ne lui appartient pas, les
divorcés doivent alors habiter l’un à côté de l’autre, dans une vie de voisinage peu aimable qui
n’apporte que de mauvaises influences à leurs propres enfants. En pratique, la vie de
voisinage des divorcés, qui contient éventuellement de nouveaux contentieux, est l’un des
éléments que le juge doit prendre en compte en examinant le partage en nature du local
d’habitation en cause. Elle ne constitue pourtant pas une condition décisive : il faut d’abord
garantir que chacune des parties ait son logement après le divorce. C’est pourquoi, le partage
en nature sera toujours ordonné, même si les parties ne s’aiment pas comme voisines,
lorsqu’elles ne peuvent pas présenter un autre accord acceptable, que le local a une superficie
suffisante et que la recherche du logement ailleurs de chacune d’elles est difficile.
560. - Une autre situation, c’est que le partage en nature du logement est impossible à
cause de sa superficie modeste, son attribution à l’un des époux doit avoir lieu, mais le
bénéficiaire du local, qui est déterminé selon les principes de l’article 95 de la loi sur le
321
mariage et la famille, n’a pas la possibilité de rembourser la part de l’autre. Dans ce cas-là, le
juge a fait une bonne application de l’article 95, mais l’intérêt légitime de l’époux qui ne se
voit pas attribuer le local d’habitation reste pratiquement une grande question : il doit quitter
le local, mais sans remboursement réel de sa part dans les biens communs, comment peut-il se
reloger ailleurs ? La loi sur le mariage et la famille ainsi que tout autre texte d’application
restent encore silencieux dans ce contexte.
Pour comprendre profondément les caractéristiques des règles vietnamiennes exposées
ci-dessus, en cherchant des réponses à ces questions fondamentales, il convient d’étudier
l’expérience du droit français dans ce domaine, d’une manière systématique.
2 - Les réflexions dans une vue comparative
561. - En droit français, le traitement du rapport patrimonial entre époux lors du
divorce est régi tout en détail. Il est nécessaire d’avoir une comparaison entre les mécanismes
de partage des biens familiaux, notamment le logement commun, en France et au Vietnam (a),
qui sera la base des propositions pour le maintien de l’indivision (b) et le remboursement au
profit de l’époux non bénéficiaire (c) en droit vietnamien.
a. La comparaison des mécanismes de partage
562. - En droit français, le partage et l’attribution du logement commun lors du
divorce sont régis par les règles du droit des régimes matrimoniaux. Ces activités font partie
de la liquidation du régime matrimonial à l’occasion du divorce.
Pour le partage des biens communs en général, le droit français utilise une technique
différente que celle du droit vietnamien. Précisément, le présent partage est effectué à travers
l’institution de la communauté (des biens). Il est possible d’avoir un résumé de la procédure
de liquidation prévue dans le Code civil français. D’abord, l’article 1468 dispose : « Il est
établi, au nom de chaque époux, un compte des récompenses que la communauté lui doit et
des récompenses qu’il doit à la communauté, d’après les règles prescrites aux sections
précédentes ». Ensuite, selon l’article 1470, après que la balance soit faite, si le compte
présente un solde en faveur de la communauté, l'époux en rapporte le montant à la masse
commune ; s'il présente un solde en faveur de l'époux, celui-ci a le choix ou d'en exiger le
paiement ou de prélever des biens communs jusqu'à due concurrence. Enfin, l’article 1475,
alinéa 1er dispose : « Après que tous les prélèvements ont été exécutés sur la masse, le surplus
322
se partage par moitié entre les époux ». Cette procédure de liquidation n’est pas réservée
uniquement au divorce : celui-ci n’est que l’un des cas où la communauté se dissout572.
Ainsi, en France, il y a une liquidation de la communauté au bon sens du terme, dont
le divorce est l’un des motifs. Au Vietnam, même s’il y a le régime matrimonial légal de
communauté des acquêts, l’institution de la communauté comme celle en droit français
n’existe pas. C’est pourquoi, la liquidation de la communauté des biens lors du divorce a lieu
directement entre les deux époux, elle est considérée comme l’une des mesures de traitement
pour les rapports patrimoniaux entre époux. La technique de liquidation présentée ci-dessus573
est tout à fait différente du droit français : on ne fait pas des récompenses entre chacun des
époux et la communauté574 ; tous les biens communs sont en principe partagés à parts égales,
mais il faut prendre en compte la situation sociale et économique de chacun des époux et leur
contribution au développement du patrimoine commun ; le travail de l'homme ou de la femme
au ménage est considéré comme un travail rémunéré.
563. - Les règles juridiques françaises sur le régime matrimonial renvoient la plupart
des questions concrètes du partage de la communauté aux dispositions du droit de la
succession concernant les partages entre cohéritiers, avec néanmoins des particularités du
divorce. Précisément, l’article 1476 Code civil français dispose :
« Le partage de la communauté, pour tout ce qui concerne ses formes, le maintien de
l'indivision et l'attribution préférentielle, la licitation des biens, les effets du partage, la
garantie et les soultes, est soumis à toutes les règles qui sont établies au titre "Des
successions" pour les partages entre cohéritiers.
Toutefois, pour les communautés dissoutes par divorce, séparation de corps ou
séparation de biens, l'attribution préférentielle n'est jamais de droit, et il peut toujours être
décidé que la totalité de la soulte éventuellement due sera payable comptant ».
572 L’article 1441 du Code civil français : « La communauté se dissout : 1° par la mort de l'un des époux ; 2° par l'absence déclarée ; 3° par le divorce ; 4° par la séparation de corps ; 5° par la séparation de biens ; 6° par le changement du régime matrimonial ». 573 L’article 95, alinéa 2.a de la loi sur le mariage et la famille de 2000. 574 Le versement par chaque époux de ses biens propres dans la masse des biens communs, qui est prévu à l’article 32, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille de 2000, est volontaire et irrévocable.
323
Dans l’ensemble des dispositions sur le partage auxquelles la règle précité fait
référence (les articles de 816 à 842 du Code civil français), il faut remarquer qu’il n’y a
aucune disposition sur la division d’usage du logement entre divorcés, tandis que l’attribution
préférentielle du local à l’un d’eux est régie d’une manière précise. Les époux peuvent,
évidemment, par voie d’une convention homologuée, partager le logement commun en nature
entre eux : ceci n’est pas du tout interdit par la loi. Pourtant, la loi n’envisage pas
expressément cette possibilité ; de plus, elle ne la considère point comme une solution que
peut prendre le juge. La présente situation peut être justifiée par la prise en compte, résultant
du législateur, des effets négatifs d’une telle solution dans la vie des deux nouveaux ménages.
Dans une comparaison avec ces règles du droit français, il convient de comprendre
que le partage en nature du local d’habitation en droit vietnamien conserve encore son
fondement dans la situation socio-économique à l’heure actuelle, puisque l’attribution
préférentielle au profit de l’un des divorcés signifie le déménagement de l’autre, ce qui n’est
simple qu’avec les compétences financières considérables.
564. - La demande de l’attribution préférentielle du logement commun de l’un des
époux peut être formée conformément aux règles successorales instituées par l’article 831-2
du Code civil français. Les motifs de cette demande ressemblent, en quelque sorte, à ceux en
droit vietnamien exposés ci-dessus575. Précisément, chacun des époux peut demander
l’attribution du local d’habitation ainsi que du local professionnel576. La présente coïncidence
peut s’expliquer par l’affectation réelle courante du logement partout dans le monde entier :
ce bien sert tout d’abord l’habitation, mais ses propriétaires peuvent également y mener
certaines activités professionnelles, notamment dans la région urbaine.
565. - Comme en droit vietnamien, puisque l’attribution préférentielle du logement
commun en droit français n’est pas de droit, le rôle du juge est précisément fixé en cas de
demandes concurrentes des époux. Selon l’article 267, alinéa 2 du Code civil français, le juge
statue sur les demandes d’attribution préférentielle. Plus précisément, l’article 832-3 du même
Code dispose qu’à défaut d'accord amiable, la demande d'attribution préférentielle est portée
575 Cf. supra, n° 557. 576 L’article 831-2 du Code civil français : « Le conjoint survivant ou tout héritier copropriétaire peut également demander l'attribution préférentielle : 1° De la propriété ou du droit au bail du local qui lui sert effectivement d'habitation, s'il y avait sa résidence à l'époque du décès, et du mobilier le garnissant ; 2° De la propriété ou du droit au bail du local à usage professionnel servant effectivement à l'exercice de sa profession et des objets mobiliers à usage professionnel garnissant ce local ; … ».
324
devant le tribunal qui se prononce en fonction des intérêts en présence ; en cas de demandes
concurrentes, le tribunal tient compte de l'aptitude des différents postulants à gérer les biens
en cause et à s'y maintenir. Le tribunal tient compte notamment des besoins de chacun des
époux, de la charge des enfants…, et pourra décider qu’il n’y a pas lieu à attribution
préférentielle ni pour l’un ni pour l’autre577. En tout cas, la condition de base pour la demande
de l’attribution préférentielle, c’est que l’époux demandeur habite effectivement le local.
Cette demande doit être appréciée à la date de la demande en divorce, mais également au
moment du partage578. L’époux qui se voit attribuer préférentiellement la propriété du
logement doit éventuellement verser à son conjoint une soulte. La loi prévoit que, sauf accord
des parties, la totalité de cette soulte sera payable comptant579.
Ainsi, globalement, les mécanismes de l’attribution préférentielle du logement
commun en droit vietnamien et en droit français ne se diffèrent pas.
b. Une proposition pour le maintien de l’indivision en droit vietnamien
566. – Il convient d’étudier maintenant une technique importante en droit français, qui
peut être bien utile pour chacun des époux et les enfants, c’est le maintien dans l’indivision.
Selon l’article 267, alinéa 2 du Code civil français, le juge statue sur les demandes de
maintien dans l’indivision. Le détail de ce droit est également régi par les règles sur
l’indivision successorale. L’article 823 du même Code dispose que le maintien dans
l’indivision ne peut pas être supérieur à cinq ans.
Au moment du divorce, le maintien dans l’indivision portant sur le logement se
montre favorable pour l’époux et les enfants qui restent sur place, car ils ont du temps à
préparer leur vie nouvelle. Les enfants ne doivent pas faire face à la perte immédiate de leur
environnement de vie dans et autour de ce local, et en même temps, l’époux occupant peut
chercher à régler la part de son ex-conjoint, afin d’acquérir définitivement le bien en pleine
propriété. Cet aspect est surtout remarqué par les professionnels de droit580. La seule
577 Cité selon A. DASTE, A. MORGEN-GUILLEMIN, Divorce Séparation de corps et de fait Conditions Procédure Conséquences Contentieux de l’après-divorce, 20e éd., Delmas 2007, n° 1648, p. 255. 578 Cité selon A. DASTE, A. MORGEN-GUILLEMIN, op. cit., n° 1648, p. 255. 579 L’article 1476, alinéa 2 du Code civil français précité, cf. supra, n° 563. 580 A. DASTE, A. MORGEN-GUILLEMIN, op. cit., n° 1649, p. 256.
325
obligation pour l’époux qui reste dans le local en indivision est de payer une indemnité
d’occupation, dont le recouvrement se prescrit par cinq ans581.
567. - En droit vietnamien, il n’y a pas de dispositions sur le droit de chacun des
époux de demander le maintien dans l’indivision pendant la liquidation des biens communs
lors du divorce. Ce défaut est bien regrettable vu la situation réelle dans plusieurs cas en
pratique : l’époux bénéficiaire de l’attribution préférentielle du logement commun reste sur
place avec éventuellement des enfants, mais il ne peut pas payer la part de l’autre époux dans
le bien, tandis que le droit de celui-ci d’exiger une indemnité d’occupation n’est pas non plus
mentionné dans les textes normatifs. De plus, l’époux bénéficiaire peut vendre le logement à
sa volonté, puisque ce bien lui appartient en pleine propriété après le partage des biens
communs582, et il se soustrait toujours à l’obligation de règlement envers son ex-époux. Ce
dernier n’a pas de droit direct sur la somme résultant de cette vente : il peut seulement mettre
en œuvre la procédure d’exécution pour réclamer le règlement de sa créance, mais il n’est
même pas un créancier hypothécaire. En effet, l’époux qui ne se voit pas attribuer le logement
ne sait pas à quel moment il pourra récupérer toute sa part dans le bien, son droit de créance
devient alors presque symbolique.
568. – La présente situation pourra être réparée si le droit de demander le maintien
dans l’indivision est inséré dans la loi sur le mariage et la famille. L’apparition d’une telle
disposition dans la loi renforcera mieux l’égalité des intérêts entre divorcés que l’unique règle
rigide sur l’attribution préférentielle en droit positif. Pendant la période de maintien, l’un des
divorcés qui occupe le local doit payer l’indemnité d’occupation et préparer le plus possible le
règlement de la part de l’autre, alors que celui-ci peut toucher l’indemnité d’occupation
comme la compensation du temps d’attente pour la récupération en valeur de sa part dans
l’indivision. De surcroît, tous les actes de disposition portant sur le local doivent se faire avec
l’accord des deux divorcés indivisaires.
En réalité, le fait de charger encore l’époux occupant de l’indemnité d’occupation
pourra lui créer plus de difficultés financières, mais si les solutions en matière patrimoniale
pendant la procédure de divorce n’assurent pas l’égalité entre parties, les nouveaux
contentieux verront leur naissance, et les rapports entre tous les acteurs en cause, dont les
581 Cité selon A. DASTE, A. MORGEN-GUILLEMIN, op. cit., n° 1649, p. 256. 582 Pour l’enregistrement de son titre de propriété auprès de l’autorité compétente, il lui suffit de présenter la décision judiciaire ayant force de chose jugée, qui dit que le logement lui est attribué.
326
divorcés et leurs enfants communs, s’aggraveront. L’indemnité d’occupation peut rappeler
l’époux occupant à son obligation de règlement envers son ex-époux et lui pousser à
l’exécuter le plus tôt possible. L’harmonisation des intérêts légitimes des parties et la
prévention des nouveaux litiges sont des raisonnements principaux de cette proposition pour
l’activité législative.
En ce qui concerne la durée maximale du maintien, il convient de penser au délai de
trois ans, qui s’applique déjà au report du partage successoral. De toute façon, la durée du
maintien dans l’indivision et le montant de l’indemnité d’occupation dans chaque cas
d’espèce seront toujours fixés par le juge, dans la limite des dispositions légales, par voie
d’homologation de l’accord amiable présenté par les parties ou de décision en cas de
contentieux.
c. Une proposition pour le règlement de la part de l’époux non bénéficiaire dans le
logement
569. - L’attribution préférentielle du logement commun en droit français peut
constituer l’exécution de la prestation compensatoire, un capital forfaitaire que l’un des époux
est tenu de verser à l’autre lors du divorce, au moment où le devoir de secours entre eux prend
fin. Cette prestation est « destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la
rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives »583. L’article 274 du Code
civil français prévoit l’une des modalités d’exécution de la prestation compensatoire :
« Attribution de biens en propriété ou d’un droit temporaire ou viager d’usage, d’habitation
ou d’usufruit, le jugement opérant cession forcée en faveur du créancier ». Ainsi, dans ce cas,
l’un des époux laisse sa quote-part dans le logement commun à son conjoint comme
l’exécution de la prestation compensatoire dont il est débiteur au profit de celui-ci.
570. - Au Vietnam, il n’existe pas de système de prestation compensatoire. Pourtant,
en application de l’article 60 de la loi sur le mariage et la famille, en cas de divorce, si l'époux
dans le besoin réclame des aliments pour des motifs légitimes, l'autre époux doit les lui
fournir en fonction de ses capacités584. Selon l’article 18, alinéa 1er du Décret 70/2001/ND-
583 L’article 270 du Code civil français. 584 La notion de l’obligation alimentaire en droit vietnamien a des ressemblances avec celle de l’obligation alimentaire en droit français. Il est possible de voir l’obligation alimentaire entre membres de la famille disposés aux articles 203, 205, 206, 207, 208, 212 du Code civil français. Autrefois, pendant la procédure de divorce pour rupture de la vie commune, selon l’ancien article 202 du Code civil français, l’époux qui avait pris l’initiative du divorce devait verser une pension alimentaire à l’autre. À
327
CP, l’obligation alimentaire peut être exécutée par l’attribution d’une pension ou d’un bien
d’après l’accord commun entre le débiteur et le créancier ou le tuteur de celui-ci.
Il est alors possible de songer à la solution par laquelle l’attribution préférentielle du
logement commun constitue l’exécution totale ou partielle de l’obligation alimentaire au
profit du bénéficiaire du logement, par son ex-conjoint. Une telle solution se montre
avantageuse au cas où le créancier de l’obligation alimentaire, à cause de l’insuffisance des
autres biens communs, doit à son ex-époux la quote-part de celui-ci dans le logement qu’il se
voit attribuer. Les époux peuvent se mettre en accord sur cette modalité de l’exécution
de l’obligation alimentaire et du règlement de la différence de valeur à la suite du partage des
biens communs. À notre avis, à défaut de l’accord commun entre parties, le juge pourrait
insérer ce contenu dans sa décision afin de simplifier l’exécution des obligations pécuniaires
post-divorce. De toute façon, cette solution est très favorable pour l’époux créancier de
l’obligation alimentaire, car le montant du remboursement qu’il doit effectuer à l’autre époux
se réduit, même jusqu’à zéro.
En pratique, dans ces dernières années, il est constaté que la pension alimentaire entre
époux est de plus en plus demandée et ordonnée pendant la procédure de divorce. La présent
pension est attribuée souvent en une seule fois, selon la convention entre époux ou
volontairement par l’époux (souvent le mari) qui a pris l’initiative du divorce585. Dans ce
contexte, l’idée sur la compensation des obligations exposée ci-dessus sera tout réalisable586.
571. - Il est encore possible de penser à la solution par laquelle, l’attribution
préférentielle du logement commun au profit de l’époux ayant la garde des enfants constitue
l’exécution totale ou partielle de l’obligation alimentaire de l’autre époux envers les enfants.
Dans ce cas, l’obligation alimentaire est la relation entre les enfants et l’un des parents, tandis
que le règlement de la différence de valeur dans le partage des biens communs est le rapport
entre époux. Pourtant, l’époux qui a la garde de l’enfant va recevoir et gérer dans ses mains le
partir de l’entrée en vigueur de la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004, cette disposition s’est effacée avec la disparition du divorce pour rupture de la vie commune. 585 NGUYEN Thi Thu Van, op. cit., n° 504, p. 386. 586 L’un des époux peut déclarer qu’il abandonne son droit de créance contre l’autre pour sa part dans le logement commun, comme une sorte de la pension alimentaire qu’il donne volontairement à celui-ci, afin de l’aider de surmonter des difficultés après le divorce. Cet époux peut abandonner sa part dans le logement dès le partage des biens communs, mais s’il le fait purement et simplement, il devra faire face à une nouvelle demande de son ex-conjoint sur la pension alimentaire, à cause de laquelle il sera tenu de faire des versements périodiques au profit de celui-ci. Il a donc l’intérêt à maintenir son droit de créance pendant un certain temps, pour voir si l’autre époux présente une telle demande…
328
montant de l’obligation alimentaire versé par l’autre ; c’est pourquoi, une compensation entre
les deux obligations précitées simplifiera leurs exécutions. Le seul inconvénient de cette
solution, c’est que les enfants ne touchent pas directement une pension alimentaire versée par
l’époux débiteur de l’obligation alimentaire, leur vie dépend totalement de l’entretien
réellement effectué par l’époux qui les garde. Pour cette raison, dans chaque cas d’espèce, il
faut un accord ou une décision judiciaire fixant clairement cette modalité d’exécution des
deux obligations distinctes en même temps, dans lequel (laquelle) le mécanisme de prise en
charge des enfants doit être précisément établi et la responsabilité d’assurer une bonne vie des
enfants doit être concrètement engagée par l’époux qui a leur garde, selon les dispositions sur
la gestion du montant de l’obligation alimentaire.
572. - Pour tous ces deux cas de compensation d’obligations, certaines remarques
s’avèrent nécessaires.
Premièrement, l’article 50 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose que
l’obligation alimentaire ne peut être remplacée par d’autres obligations. Les propositions sur
la compensation des obligations exposées ci-dessus observent toujours cette disposition,
puisque l’époux débiteur de l’obligation alimentaire ne la remplace par une autre obligation,
mais il l’exécute par son droit de créance envers l’époux bénéficiaire de l’attribution
préférentielle du logement commun, pour une part de la valeur de ce bien.
Deuxièmement, la compensation des obligations constitue l’exécution en une seule fois
de l’obligation alimentaire. Elle doit observer strictement les conditions et la procédure fixées
par l’article 18, alinéa 2 du Décret 70/2001/ND-CP :
«L’exécution de l’obligation alimentaire en une seule fois prévue à l’article 54 de la
loi sur le mariage et la famille est mise en place dans les cas suivants :
a) Selon l’accord commun entre le créancier ou son tuteur et le débiteur ;
b) À la demande du débiteur qui est acceptée par le tribunal ;
c) À la demande du créancier ou de son tuteur qui est acceptée par le tribunal au cas
où le débiteur dilapide régulièrement ses biens ou se soustrait intentionnellement à
l’exécution de son obligation alimentaire et que ses biens présents suffisent à l’exécution de
ladite obligation en une seule fois ;
329
d) À la demande de l’époux qui a la garde des enfants portant sur le prélèvement
possible des biens qui reviennent à l’autre époux après le partage des biens communs pour
servir l’exécution de l’obligation alimentaire de celui-ci envers ces enfants ».
Troisièmement, rappelons que l’obligation alimentaire a pour but de subvenir aux
besoins élémentaires des créanciers, qui sont l’un des époux et les enfants, et de les aider de
surmonter des difficultés matérielles. Par conséquent, lorsque la vie quotidienne de ces
personnes nécessite vraiment une pension alimentaire versée par l’époux débiteur plutôt que
l’abandon ou la réduction du droit de créance de celui-ci, le juge doit ordonner le présent
versement et rejeter la demande de compensation des obligations, peu importe qui est le
demandeur. En effet, pour exister, tout être humain a besoin d’abord des biens réels avec
lesquels il peut se nourrir et s’entretenir, non pas de la compensation abstraite des obligations.
L’examen soigneux du juge sur la situation réelle de chaque intéressé est alors exigé.
B. Le logement commun assuré par un bail contracté par les époux.
573. - Le droit vietnamien régit en détail le cas où le logement familial est assuré par
un contrat de bail. Afin d’analyser les règles vietnamiennes dans ce domaine, il convient
d’avoir une connaissance brève sur celles du droit français comme une référence comparative.
En droit français, selon l’article 1751, alinéa 1er du Code civil, le droit au bail est
réputé appartenir à l’un et à l’autre époux, quelque soit le régime matrimonial et nonobstant
toute convention contraire, et même si le bail a été conclu avant le mariage. C’est l’une des
mesures de protection du logement de la famille au cours du mariage587.
L’alinéa 2 du même article dispose : « En cas de divorce ou de séparation de corps, ce
droit pourra être attribué, en considération des intérêts sociaux et familiaux en cause, par la
juridiction saisie de la demande en divorce ou en séparation de corps, à l’un des époux, sous
réserve des droits à récompense ou à indemnité au profit de l’autre époux ». Il est possible
d’avoir deux commentaires sur cette question.
En premier lieu, à la différence avec l’attribution préférentielle du logement de la
famille étant un bien commun en pleine propriété des époux, qui emprunte les règles régissant
le partage de la succession, l’attribution préférentielle du droit au bail servant du logement
587 Cf. supra, nos 90 - 91.
330
familial en cas de divorce est directement régi dans le Code civil par un article indépendant.
La règle se trouve, en fait, parmi les dispositions du Code civil sur le contrat de louage : elle
en constitue une exception du droit commun en faveur de la familiale.
En second lieu, le législateur français ne parle que de l’attribution préférentielle, non
pas du partage du droit au bail qui sert du logement familial entre les deux parties après leur
divorce. La raison d’une telle absence de partage est évidemment semblable au cas de
logement familial en pleine propriété588.
En droit vietnamien, le Décret n° 70/2001/ND-CP distingue deux cas : le bail
contracté par l’un des époux ou par tous les deux, avant ou après la célébration du mariage,
avec l’État (1) ; celui qui est contracté par tous les deux époux avec une autre personne que
l’État (2).
1 - Le contrat de bail contracté avec l’État
574. - Dans ce premier cas, il faut d’abord connaître la particularité historique du
contrat de bail que les individus contractent avec l’État mentionné dans le Décret n°
70/2001/ND-CP (a), avant d’examiner la réglementation juridique en vigueur (b).
a. La particularité historique
575. - Il y a des dizaines d’années, les fonctionnaires et les ouvriers des entreprises
étatiques, sélectionnés selon certains critères, avaient le droit de louer des locaux d’habitation
construits par l’État, aux loyers modérés. Au cours du mariage du locataire, le contrat de
location pouvait s’établir seulement au nom de l’un des époux, car il était le fonctionnaire ou
ouvrier satisfaisant aux conditions de contracter le bail, mais sa situation familiale, dont la
présence de son époux et de ses enfants, était prise en compte dans l’examen de sa demande
de bail, afin de trouver un local d’habitation convenable à sa famille. C’est pour cette raison
que cette catégorie de bail avait nettement le caractère familial.
À l’heure actuelle, les loyers de ces baux deviennent tout à fait symboliques par
rapports à ceux du marché589. De plus, les locataires ont le droit d’acheter les locaux qu’ils
588 Cf. supra, n° 563. 589 L’article 1er de la Décision n° 17/2008/QD-TTg du 28 janvier 2008 du Premier Ministre institue le tableau des loyers de standard pour les locaux d’habitation appartenant à la propriété d’État qui ne sont pas encore améliorés ou reconstruits :
331
louent, avec également des prix modérés. Les conditions et modalités de cette forme
d’acquisition sont disposées en détail dans le Décret n° 61-CP du 05 juillet 1994. Pour ces
raisons, le droit au bail d’un local d’habitation loué par l’État dans ce cas est très proche du
droit de propriété et tient donc une grande valeur réelle.
576. - À partir de l’adoption de la loi n° 56/2005/QH11 du 29 novembre 2005 sur les
locaux d’habitation, il y a encore au Vietnam la notion du logement social. L’article 3, alinéa
3 du Décret n° 90/2006/ND-CP du 06 septembre 2006 définit : « Le logement social est le
logement construit par l’État ou par les organisations, les particuliers de tout composant
économique afin d’être mis en bail ou en location-vente aux personnes mentionnées aux
articles 53 et 54 de la loi sur les locaux d’habitation, selon le mécanisme disposé par l’État ».
Le logement social est, en fait, une solution de l’État pour la question de logement des
fonctionnaires et ouvriers, avec notamment le loyer et le prix de vente tous modérés. L’État
met en place des mesures d’encouragement considérables en vue de favoriser le
développement de cette catégorie de logement. C’est pourquoi, à notre avis, il convient de
classer le logement social dans l’ensemble des locaux faisant l’objet du contrat de bail conclu
avec l’État mentionné dans le Décret n° 70/2001/ND-CP précité, afin d’élargir le champ
d’application des dispositions de ce texte qui sont toutes favorables à la vie familiale.
b. La réglementation juridique
577. - Selon l’article 28 du Décret n° 70/2001/ND-CP, dans ce cas, si la durée du bail
ne s’expire pas encore au moment du divorce, les époux devront s’accorder sur la
continuation du contrat de bail ; à défaut d’un tel accord et en présence du besoin d’usage de
toutes les deux parties, le tribunal donnera la solution en application de l’article 95 de la loi
sur le mariage et la famille. Si les époux ont amélioré et réparé le local loué, ou ont construit
un nouvel immeuble dans la superficie du local loué, les époux devront s’accorder sur le
partage du droit d’usage du local et du nouvel immeuble ; à défaut d’un tel accord, le juge
Catégorie de logement
Villa (classe) Logement courant (rang)
Classe, rang de logement
I II III IV I II III IV
Loyer (dong/m2 d’usage/mois)
11.300 13.500 15.800 24.800 6.800 6.300 6.100 4.100
Au titre d’exemple, le loyer du logement courant de rang IV dans ce tableau n’est égal relativement qu’à un huitième de celui fixé par un contrat de bail avec un particulier dans la ville de Hanoi, la capitale du Vietnam, pour un logement de même état de confort.
332
mettra en application l’article 95 précité pour trancher la question. Si seulement un divorcé a
besoin de l’usage du local, il doit rembourser à l’autre la quote-part de celui-ci dans le droit au
bail du local ainsi que la part de cette personne dans le local amélioré, réparé ou construit590.
Ainsi, il existe ici une protection du logement familial ayant des points semblables
avec l’article 1751 du Code civil français, puisque toutes les dispositions citées ci-dessus ne
dépendent pas du signataire et du moment de conclusion du contrat de bail. Sous un autre
aspect, le législateur vietnamien confirme la possibilité de partager le droit au bail entre
parties au divorce591, celui qui n’est pas abordé en droit français. Le partage peut être réalisé
par un accord commun entre parties ou par une décision du juge, selon les principes institués
par la loi sur le mariage et la famille.
578. - Ces dispositions peuvent s’expliquer par la spécificité du droit au bail contracté
avec l’État. En effet, lorsque le bail était conclu au cours du mariage, le local d’habitation en
cause a été donné au bail avec la prise en compte de la situation familiale du locataire, surtout
l’équivalence entre la superficie du local et le nombre des membres de la famille. C’est pour
quoi, lorsque les époux divorcent, le droit au bail est considéré appartenant à toute la famille
plutôt qu’à seulement l’époux signataire ; le partage en nature de ce logement est
matériellement réalisable et raisonnable. Lorsque le bail était conclu avant le mariage par un
seul époux, le partage du droit d’usage sur le local lors du divorce peut quand même avoir
lieu. Il est vraisemblable qu’avec cette règle, les auteurs du Décret n° 70/2001/ND-CP veulent
faire bénéficier du contrat de bail à loyer modéré, qui est un avantage donné par l’État, à toute
la famille, comme une mesure de protection en faveur de celle-ci. Par ailleurs, avec un statut
juridique tout proche du droit de propriété, ce droit au bail peut être partagé entre époux
lorsqu’ils divorcent, comme dans le cas où le logement familial est un bien commun en pleine
propriété des époux.
2 - Le contrat de bail contracté avec des particuliers
579. - Le traitement du droit au bail que les époux contractent avec des particuliers est
disposé à l’article 29 du Décret n° 70/2001/ND-CP.
590 Toutes ces solutions sont bien réaffirmées dans la pratique judiciaire. Cf. TUONG Duy Luong, Giải quyết quyền lợi của vợ chồng ñối với nhà, ñất thuê của Nhà nước, Tạp chí Khoa học pháp lý số 2/2007 (La résolution des droits et intérêts des époux sur les locaux d’habitation, les fonds de terre mis en bail par l’État, Revue de Science juridique n°2/2007). 591 L’article 95, alinéa 2.d de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose que les biens communs des époux peuvent être partagés en nature ou en valeur.
333
Il est indispensable de remarquer d’abord qu’en cas du bail conclu avec un particulier,
l’article 29 précité ne s’applique que si tous les deux époux sont les signataires du contrat. Le
bail conclu par un seul époux avec un particulier lui donne un droit exclusif au bail, ce droit
va être traité en cas de divorce selon les règles sur les biens propres de cet époux. Une telle
solution est totalement différente que celle du droit français à l’article 1751 du Code civil.
C’est pourquoi, il convient de constater qu’en droit vietnamien, la cotitularité du bail n’est
vraiment établi que dans le cas où le bailleur est l’État, grâce à la particularité de ce contrat de
location592, sinon elle doit être expressément fixée par les clauses du contrat de bail, selon
lesquelles les époux sont colocataires.
580. - En ce qui concerne le contenu de la réglementation, l’article 29 du Décret n°
70/2001/ND-CP dit que la possibilité de partager le droit d’usage du local n’est pas
automatique, mais elle doit assurer l’intérêt du propriétaire du local. Par conséquent, l’avis du
bailleur est pris en compte dans toutes les décisions concernant les locaux loués.
En effet, si le bail ne s’expire pas encore au moment du divorce, les époux se mettront
en accord sur la superficie que loue chacun d’eux et concluront de nouveau les contrats de
bail avec le propriétaire. Ainsi, cette règle permet un partage en nature du local d’habitation
loué entre époux, qui sera légitimé par les deux nouveaux baux avec le bailleur. Pourtant, tout
accord entre époux doit se soumettre à l’examen de ce dernier, qui est le propriétaire du bien.
Par conséquent, si le bailleur n’accepte que l’un des époux pour la continuation du bail après
leur divorce, ceux-ci devront déterminer celui d’entre eux qui va continuer le contrat, par un
accord commun.
581. - Si le logement loué a été amélioré, réparé ou si, avec l’accord du propriétaire,
un nouveau local a été construit mais toujours attaché au local loué, l’un des divorcés qui
continue de se maintenir dans les lieux doit rembourser à l’autre une part de la valeur du local
amélioré, réparé ou construit. Il est important de remarquer que cette règle exige à l’époux
bénéficiaire du droit au bail non pas le remboursement d’une part du prix des travaux
effectués, mais celui d’une part de la valeur actuelle des locaux améliorés ou construit à
nouveau. La valeur actuelle des locaux est souvent plus grande que le prix des travaux
effectués, tandis que les locaux appartiennent toujours à la propriété du bailleur. Pour
résoudre toutes ces complexités, en pratique, chaque fois que les époux locataires font des
592 Cf. supra, n° 575.
334
travaux d’amélioration ou de construction dans les locaux loués, le prix des travaux et la
valeur des nouveaux locaux sont partagés entre eux et le bailleur selon une convention : par
exemple, les locataires sont dispensés des loyers pendant un certain temps, tandis que le
bailleur récupérera tous les locaux en pleine propriété lorsque le bail aura pris fin. Ainsi, au
moment où les époux divorcent, il reste seulement le partage des prix et valeurs entre eux, le
bailleur n’y intervient pas, puisque ses droits et intérêts sont déjà traités par des conventions
antérieures.
582. - Lorsque les époux, avec l’accord du propriétaire, ont construit un logement
indépendant des locaux loués et qu’ils ont réglé la valeur du droit d’usage de terre au
propriétaire, l’article 29, alinéa 4 du Décret n° 70/2001/ND-CP dit que le partage de ce
nouveau logement est effectué selon l’article 95 de la loi sur le mariage et la famille. Dans ce
cas, le nouveau logement appartient en pleine propriétaire aux époux locataires, car ils ont
payé le prix de la construction et celui du droit d’usage de terre. Les époux le partagent alors,
lors de leur divorce, comme tout autre bien commun.
583. - Le bail conclu entre les deux époux et un particulier est, dans sa nature, un
contrat civil entre individus. En insistant sur l’intérêt du bailleur, la loi laisse la question sur la
continuation du bail à l’accord commun entre époux et à la volonté du bailleur. Précisément,
les époux doivent, par leur accord commun, décider tout ce qui concerne la continuation du
bail ; l’accord commun entre époux doit, par ailleurs, être accepté par le bailleur. Celui-ci a le
droit de refuser le partage en nature du droit d’usage sur le local entre époux (qui entraîne les
deux nouveaux contrats de bail). Pourtant, son droit de désigner exactement celui qui va
continuer le bail n’est pas abordé dans le texte. Il semble donc que les époux réservent ce
droit de désignation, réalisé par un accord commun entre eux. De surcroît, à défaut de
l’accord commun entre époux, en application de l’article 95 de la loi sur le mariage et la
famille, il est possible de penser à l’intervention du juge à la demande des parties : le juge
désigne l’époux qui va poursuivre le bail, en tenant compte des intérêts de toutes les
personnes concernées. Le bailleur n’a qu’à accepter ce locataire jusqu’à la fin du bail593.
584. - En somme, à la différence du droit français qui crée une balance des intérêts
légitimes des parties en tout cas de bail au moyen de la cotitularité de bail, le droit vietnamien
593 Le divorce des époux locataires ne fait pas partie des motifs de la résiliation unilatérale du bail par le bailleur et de l’extinction du bail disposés à l’article 498, alinéa 1er et à l’article 499 du Code civil de 2005. Le bailleur doit donc, lui aussi, continuer le bail.
335
n’assure ces intérêts d’une manière effective que dans le cas où le bailleur est l’État ; sinon,
tous les deux époux doivent absolument contracter ensemble le bail. Lorsque le propriétaire
du local est un particulier, et que le bail n’a été conclu par qu’un seul époux, l’époux qui
mérite d’être protégé dans la procédure de divorce devrait déménager si ce n’est pas lui qui
était le signataire du contrat de location.
585. – Il est nécessaire d’avoir encore un commentaire sur la technique législative des
règles juridiques dans ce domaine. La loi sur le mariage et la famille ne régit que le partage du
logement qui appartient en pleine propriété à tous les deux époux ou à l’un d’eux594. Le
partage les locaux d’habitation loués par les époux n’est disposé que dans le Décret n°
70/2001/ND-CP595. La présente différence entre les règles de loi d’une part, et les règles
réglementaires d’autre part, est irraisonnable, puisque le logement familial est important pour
les époux et leur famille par sa destination d’usage, il est le toit sous lequel vit la famille.
Qu’il soit un bien en pleine propriété des époux ou seulement assuré par un contrat de bail,
cette valeur reste intacte. Le présent éparpillement des règles dans des textes différents reflète
la réticence du législateur dans la construction du statut juridique du logement familial.
À notre avis, avec l’apparition de plus en plus courante du logement loué dans la vie
familiale, il convient de systématiser toutes les règles régissant le logement de la famille
pendant la procédure de divorce dans la loi sur le mariage et la famille. Ce sera encore une
contribution importante au statut juridique indépendant souhaité du logement familial dans le
droit de la famille.
SECTION II : LE LOGEMENT EN CAUSE ÉTANT UN BIEN PRO PRE DE
L’UN DES ÉPOUX
586. - Dans la procédure de divorce, le traitement du logement familial qui
n’appartient qu’à l’un des époux doit faire face à une question fondamentale. Il s’agit de la
concurrence entre le respect du droit de propriété de l’époux propriétaire et la protection des
intérêts légitimes de l’autre époux, qui a éventuellement des contributions personnelles à ce
local et qui a droit à une solution raisonnable de logement. Devant cette problématique, le
législateur vietnamien institue un principe rigide concernant le droit de propriété (§1), mail il
adopte également des solutions souples en faveur de l’époux non propriétaire (§2).
594 Les articles 98 et 99 de la loi sur le mariage et la famille de 2000. 595 Les articles 28 et 29 du Décret n° 70/2001/ND-CP.
336
§1 : Le principe rigide du droit de la propriété
587. - En droit français, le cas où le logement familial appartenant à un seul époux
peut apparaître tant dans le régime de communauté que dans le régime de séparation de biens.
Naturellement, lors de la dissolution du mariage, l’époux propriétaire conserve son droit de
propriété sur le logement, que le divorce ait été prononcé pour ou contre lui, qu’il exerce ou
non l’autorité parentale. Le divorce ne peut pas porter atteinte à son droit en pleine propriété.
588. - En droit vietnamien, l’article 99 de la loi sur le mariage et la famille dispose :
«Si les locaux à usage d'habitation appartiennent à un époux mais qu'ils sont affectés
pour usage commun, en cas de divorce, ces locaux appartiennent toujours à cet époux mais il
doit rembourser à l'autre époux une partie de la valeur des locaux, compte tenu de la
contribution de ce dernier à leur entretien, leur restauration et leur réparation ».
Cet article délimite clairement son champ d’application : il ne s’applique qu’au
logement personnel de l’un des époux qui a été affecté à l’usage commun de toute la famille,
c’est-à-dire qu’il ne régit que le local d’habitation dans lequel les époux cohabitent, avec
éventuellement des enfants et d’autres membres de la famille, tels que les parents de l’un
d’eux. Chaque époux peut avoir plusieurs logements qui lui appartiennent en pleine propriété,
mais seulement celui où habite la famille est soumis à la réglementation spéciale fournie par
la règle précitée ; tous les autres logements personnels de chacun des époux restent
simplement ses biens propres.
Ainsi, dans la procédure de divorce, le législateur insiste sur l’occupation effective du
local d’habitation en cause. Celui-ci, qui reste un bien propre de l’un des époux, rentre dans le
champ d’application de l’article 99 puisqu’il est affecté à l’usage de toute la famille ; en
d’autres termes, puisqu’il est le logement de la famille. C’est la présente caractéristique qui le
distingue de tout autre logement personnel de chacun des époux, qui suit le statut juridique
normal des biens propres des époux. Pour cette raison, il est raisonnable de constater que
l’article 99, avec sa réglementation particulière qui sera exposée ci-après, manifeste encore
une fois l’embryon d’un statut juridique du logement de la famille en droit vietnamien.
589. – Il faut donc examiner le contenu de la règle. À la rencontre avec le droit
français, le droit vietnamien affirme le maintien du droit de propriété de l’époux propriétaire.
Cette disposition correspond, en fait, au principe institué à l’article 95, alinéa 1er de la loi sur
337
le mariage et la famille, qui dit que dans le partage des biens, « les biens personnels
reviennent à leur propriétaire ». Un effet important du maintien du droit de propriété dans ce
cas, c’est qu’en l’absence d’accord de l’époux propriétaire, l’autre époux doit quitter le
logement en cause, qu’il ait ou non la garde de l’enfant, qu’il soit ou non gravement malade
ou handicapé.
Une telle réglementation semble évidente, vu le respect du droit de propriété de
l’époux propriétaire. Pourtant, dans la vie commune de la famille, l’autre époux, qui sait
parfaitement qu’il n’est pas propriétaire du bien, peut quand même avoir des contributions à la
conservation, à l’entretien, voire à la reconstruction du logement, car celui-ci constitue sa
résidence principale. Si l’époux non propriétaire doit partir les mains vides, tandis que la
valeur du logement a été bien conservée ou même élevée grâce à ses apports, il est
vraisemblable que l’époux propriétaire bénéficie d’un enrichissement sans cause. C’est à ce
point pratique que le législateur vietnamien fournit une harmonisation des intérêts des époux.
590. - En effet, la loi exige que l’époux propriétaire, tout en gardant son droit de
propriété, doive « rembourser à l'autre époux une partie de la valeur des locaux, compte tenu
de la contribution de ce dernier à leur entretien, leur restauration et leur réparation ».
L’article 30, alinéa 2 du Décret n° 70/2001/ND-CP précise les conditions de mise en
application de cette règle : « Dans le cas où le logement en cause a été reconstruit, restauré,
amélioré, l’époux propriétaire doit rembourser à l’autre époux une part du local reconstruit,
restauré, amélioré dont celui-ci bénéficie au moment du partage des biens lors du divorce ».
Ainsi, le remboursement n’aurait lieu s’il y avait au cours du mariage des travaux de
reconstruction, de restauration, d’amélioration dans le logement, qui nécessitait un certain
financement. Si les époux n’en ont pas effectué, l’époux non propriétaire est présumé ne pas
avoir contribué à la valeur présente du logement ; les actes d’administration courants qu’il fait
en tant qu’occupant effectif du local ne lui donne pas droit au remboursement, puisque ces
actes sont ses obligations évidentes.
Comme dans le cas où les deux époux ont contribué ensemble aux travaux dans les
locaux d’habitation loués596, la contribution de l’époux non propriétaire dans ce cas est réglée
non pas par le prix des apports au moment où les travaux ont été effectués, mais par une part
de la valeur actuelle du logement. La présente part peut être déterminée, conformément aux
596 Cf. supra, n° 581.
338
principes généraux institués à l’article 95 de la loi sur le mariage et la famille, par l’accord
commun des époux ou à défaut, par une décision judiciaire. Pour une chiffre précise, la part
dont l’époux non propriétaire bénéficie doit correspondre à celle de ses apports dans le coût
total des travaux qui ont permis le local d’avoir la valeur actuelle.
591. - La présente règle de remboursement des contributions fait penser à l’apparence
du bien commun concernant le logement personnel de l’un des époux. Rappelons que par le
seul fait de laisser toute la famille occuper son logement personnel, l’époux propriétaire ne
verse pas automatiquement ce bien propre dans la masse des biens communs des époux,
puisqu’il n’y a pas de versement implicite des logements personnels dans la communauté597.
Le local d’habitation affecté à l’usage commun de la famille ne devient donc pas un bien
commun, comme ce que l’article 99 affirme dès ses premiers termes. Néanmoins, cette
affectation fait apparaître une possibilité de partager la valeur du logement en cause chaque
fois que les époux y effectuent des travaux, puisque le remboursement que l’époux
propriétaire doit effectuer à l’autre s’impute sur la valeur actuelle du local.
À ce point, le législateur vietnamien met en œuvre un mécanisme juridique particulier.
Précisément, le logement lui-même reste un bien propre de l’époux propriétaire, mais sa
valeur rentre fictivement dans la copropriété par quote-part des époux, au moment où ils se
divorcent, et cela en vue de permettre à l’époux non propriétaire d’avoir une créance exigible,
dont le montant est clairement déterminé, contre l’époux propriétaire. Les intérêts des époux
concernant le logement familial appartenant à l’un d’eux sont harmonisés par une mesure de
nature pécuniaire.
Une telle mesure reflète également le principe rigide du droit de propriété : au divorce,
chacun des époux récupère tout ce qu’il a apporté à la vie commune.
À côté de ladite récupération des fonds, la possibilité de se reloger après le divorce de
l’époux non propriétaire est encore favorisée par certains droits en nature.
597 L’article 13, alinéa 1er du Décret n° 70/2001/ND-CP dispose : « Le versement des locaux d’habitation, des droit d’usage de terre et des autres biens de grande valeur appartenant à la propriété personnelle de l’un des époux dans la masse des biens communs des époux conformément aux dispositions de l’article 32, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille doit être constaté par un acte, signé par tous les deux époux. Le présent acte peut être notarié ou authentifié conformément aux dispositions légales ».
339
§2 : Les solutions souples favorisant la recherche du logement de l’époux non
propriétaire
592. – D’un point de vue comparatif, le droit vietnamien et le droit français ont tous
des dispositions détaillées sur la possibilité de se loger de l’époux non propriétaire après le
divorce. Pourtant, la solution de l’un diffère bien de celle de l’autre. Un bref examen du droit
français peut mettre en évidence la particularité des règles vietnamiennes en cette matière, qui
relève en fait de la vie familiale des Vietnamiens.
593. - En effet, afin d’assurer la stabilité de la vie familiale post-divorce, le législateur
français a mis en oeuvre la possibilité de l’époux non propriétaire de rester dans le local sous
certaines conditions. Il y a donc l’article 285-1 du Code civil :
« Si le local servant de logement à la famille appartient en propre ou personnellement
à l’un des époux, le juge peut le concéder à bail au conjoint qui exerce seul ou en commun
l’autorité parentale sur un ou plusieurs de leurs enfants lorsque ceux-ci résident
habituellement dans ce logement et que leur intérêt le commande.
Le juge fixe la durée du bail et peut le renouveler jusqu’à la majorité du plus jeune
des enfants.
Le juge peut résilier le bail si des circonstances nouvelles le justifient ».
Ainsi, la possibilité de rester dans le local de l’époux non propriétaire n’est pas
gratuite, mais elle est assurée par un bail contracté avec l’époux propriétaire. Ce bail résulte
non pas de la propre volonté des parties, mais de la décision du juge598. À cause de ce
caractère non consensuel, les conditions de la concession du bail sont clairement fixées.
Brièvement, le bail est au profit de l’époux qui a la garde de l’enfant. La concession du bail se
base ainsi sur l’intérêt des enfants : le logement est concédé en bail parce que les enfants le
prennent comme leur résidence habituelle ; le parent avec lequel ils vivent devient le titulaire
du droit au bail pour garantir leur maintien dans les lieux tant qu’ils en ont besoin pendant
leur minorité. La durée du bail est alors décidée par le juge selon le besoin effectif des
enfants, avec la limite évidente de leur majorité.
598 Les deux parties peuvent toujours s’accorder elles-mêmes sur un tel bail et présentent leur convention au juge en vue d’une homologation, mais c’est une autre histoire.
340
594. - Les normes de l’article 285-1 laissent plusieurs questions à réfléchir en réalisant
la concession du bail. Par exemple, comment le loyer est-il fixé ? Évidemment, l’accord
commun entre époux sur cette somme est une solution normale. À défaut de cet accord, selon
la doctrine, le juge va intervenir, puisqu’il est compétent de connaître des conséquences de
divorce et que le bail prévu par l’article 285-1 doit être considéré comme une conséquence du
divorce599. Une autre question concerne la possibilité du titulaire du droit de bail de sous-louer
le local ou de l’échanger contre un autre qui lui conviendrait mieux. Dans ce cas, la réponse
est plutôt négative, puisque le but du législateur est de permettre à l’époux non propriétaire,
en tenant compte de sa situation, de conserver un local dont il est présumé avoir besoin ; les
actes tels que la sous-location ou l’échange ne trouvent pas de fondement600. Sous un autre
aspect, la loi laisse la résiliation éventuellement prononcée par le juge dans un champ très
flou, car les cas de résiliation ne sont pas expressément cités. En effet, la règle ne mentionne
que des « circonstances nouvelles », celles qui peuvent être librement examinées par le juge.
D’une manière générale, les techniques de l’article 285-1 ne sont pas très appréciées
par la doctrine. Il est dit que l’établissement d’un bail entre époux au moment du divorce
constitue un paradoxe, car à la dissolution du lien conjugal, les époux continuent à se lier par
un lien contractuel. La solution du divorce ne met fin à tous les liens, et elle en crée des
nouveaux. Par ailleurs, il est constaté que le pouvoir large d’appréciation et de décision du
juge dans toute la procédure de concession du bail peut dispenser un bienfait de la loi601.
595. - En droit vietnamien, dans la recherche d’une décision balancée du divorce, le
Décret d’application de la loi sur le mariage et la famille dispose qu’au cas où les locaux
d'habitation appartiennent à un époux mais qu'ils sont affectés pour usage commun, l’époux
propriétaire a l’obligation d’aider l’époux non propriétaire de chercher un nouveau logement,
si cette personne rencontre des difficultés et ne peut pas elle-même en trouver. De plus,
l’époux qui n’a pas encore le nouveau logement a le droit au maintien dans les lieux pendant
six mois pour le chercher602.
Avec ces dispositions, la solution vietnamienne est tout à fait souple. En réalité, au
moment du divorce, les époux ont toute la possibilité de transférer le local d’habitation étant
le bien personnel de l’un à l’autre, de mettre ce bien dans une indivision ou d’établir un bail,
599 A. DASTE, A. MORGEN-GUILLEMIN, op. cit., n° 1646, p. 254. 600 A. DASTE, A. MORGEN-GUILLEMIN, op. cit., n° 1646, p. 254-255. 601 G. CORNU, Droit civil - La famille, 9e éd., Coll. Domat, Montchrestien 2006, n° 417, p. 618. 602 L’article 30, alinéa 1er du Décret n° 70/2001/ND-CP.
341
etc. À défaut de tels accords, la loi n’impose pas aux parties un nouveau lien juridique, tel
qu’un lien contractuel au moyen d’un bail forcé. En revanche, la loi vietnamienne prend deux
mesures, l’une d’orientation et l’autre de matériel.
596. – En premier lieu, l’obligation de l’époux propriétaire d’aider l’autre dans la
recherche du nouveau logement a un contenu tout à fait large, qui varie selon la situation
d’espèce de chaque affaire. La présente règle a sa source dans la pratique judiciaire. En effet,
bien avant la loi sur le mariage et la famille de 2000, le fait que l’époux propriétaire et sa
famille d’origine aide l’époux non propriétaire de trouver un nouveau logement a été suggérée
dans la Directive n° 69/TATC du 24 décembre 1979 de la Cour populaire suprême603. À
l’époque, cette aide n’a pas été instituée par les textes normatifs comme une obligation de
l’époux propriétaire, c’est pourquoi la Cour insistait plutôt sur les mesures d’information et de
conciliation que le juge devait mettre en œuvre dans le traitement de l’affaire, pour que les
parties puissent arriver à une solution raisonnable, par laquelle chacune d’elles a un local
d’habitation. Précisément, la Cour exige que « les fonctionnaires des tribunaux doivent avoir
non seulement l’esprit de la responsabilité, mais aussi des manières populaires, de
l’enthousiasme pour discuter la solution qui assure la bonne application des politiques et du
droit et qui convient à la situation réelle604 ». La présente idée directrice reflète la pratique
judiciaire toute animée dans ce domaine, ainsi que la portée considérable de l’aide entre
divorcés dans la recherche du logement de chacun d’eux.
Pour cette raison, le Décret n° 70/2001/ND-CP officialise cette activité du juge, en
disposant que désormais l’aide de l’époux propriétaire envers son ex-conjoint n’est plus
simplement facultative, mais elle est son obligation. Celle-ci peut être exécutée dans plusieurs
façons, matérielles ou industrielles. Le juge, en tenant compte de la situation de chaque partie
et du contexte social du lieu où les époux habitent, peut ordonner le contenu précis de cette
obligation. En effet, à la campagne, il est toujours possible de penser à l’aide matérielle, tels
que les matériaux de construction que l’époux propriétaire fournit à l’autre. Dans les régions
urbaines, le support d’information sur les offres de vente ou de bail des logements peut
également favoriser la recherche du local d’habitation de l’époux non propriétaire.
603 Partie A, l’article 2.a, c, d de la Directive n° 69/TATC suggérait qu’à la campagne, le mari et sa famille d’origine devrait aider la femme, qui gardait éventuellement des enfants communs, d’avoir un nouveau logement après le divorce. Cette aide pouvait être renforcée par la participation de la coopérative. À l’époque, dans les régions rurales, les fonds de terre servant l’habitation de chaque famille étaient assez larges, les matériaux de construction élémentaires étaient bien disponibles. C’est pourquoi, avec les efforts de toutes les parties et la contribution de la communauté, la femme pouvait avoir un nouveau logement après le divorce. 604 L’introduction de la Directive n° 69/TATC.
342
597. – En second lieu, joint à cette mesure d’orientation, le maintien temporaire dans
les lieux de l’époux non propriétaire est une solution réaliste, sous deux aspects. En ce qui
concerne l’époux non propriétaire, cette période est vraiment utile car elle lui permet d’avoir
du temps pour trouver un nouveau logement ainsi que pour préparer la nouvelle vie après le
divorce. Quant à l’époux propriétaire, le maintien de son ex-conjoint dans le local peut le
pousser à exécuter son obligation d’aider celui-là dans sa recherche de logement ; s’il veut
récupérer son bien immobilier personnel le plus tôt possible, il aura une bonne motivation
pour favoriser ladite recherche de logement, avec des contributions concrètes et actives.
En ce qui concerne la durée du droit au maintien dans les lieux de l’époux non
propriétaire, le délai de six mois, d’une part, se montre raisonnable pour la recherche d’un
nouveau logement ; d’autre part, il ne met pas les divorcés dans une vie de proximité à contre
coeur trop longue.
598. - De toute façon, la solution du logement familial appartenant à un seul époux
lors du divorce n’est pas du tout simple, car elle concerne les intérêts de chaque divorcé, ceux
des enfants ainsi que les éléments sentimentaux délicats. Pourtant, lorsque les deux parties ne
peuvent plus bien s’entendre et ils terminent déjà leur rapport conjugal par le divorce, un lien
forcé entre elles, qui porte un caractère contractuel et pécuniaire, tel qu’un bail forcé du
logement familial, n’aurait pas l’effet positif dans tous les cas malgré son but parfait. Par
rapport à la règle française, il est possible de constater qu’en droit vietnamien, l’époux
propriétaire ne reçoit ni loyer ni indemnité d’occupation pendant le maintien de l’autre époux
dans les lieux, mais son droit de propriété est limité en tout cas pendant seulement six mois au
maximum. Après ce délai de maintien, l’époux non propriétaire doit partir et le bien revient
entièrement à son propriétaire. Avec tous ces aspects, la solution souple du Décret n°
70/2001/ND-CP se montre convenable à la vie familiale vietnamienne.
599. - Dans une vue systématique, il convient de dire que l’obligation d’entraide de
l’époux propriétaire envers l’autre dans la recherche du nouveau logement, le droit de celui-ci
de se maintenir temporairement dans les lieux, tous comme la pension alimentaire entre
époux, se basent sur le devoir de secours des époux au cours du mariage. C’est pourquoi, ce
sont les droits à titre gratuit, sans contrepartie, que l’un des époux peut réclamer en fonction
de sa situation précise dans la procédure de divorce.
343
Les solutions juridiques concernant le logement personnel de l’un des époux sont
proches de celles portant sur le local d’habitation de la grande famille, lorsque les époux
cohabitent avec la famille d’origine de l’un d’eux.
SECTION III : LE SORT DU LOGEMENT FAMILIAL EN CAS D E VIE
COMMUNE DES ÉPOUX AVEC LES PARENTS DE L’UN D’EUX
600. - À la tradition vietnamienne, après la célébration du mariage, l’un des époux
vient vivre en commun avec la famille de l’autre, en qualité d’un membre de celle-ci. La
présente tradition est notamment courante pour les femmes.
Dans la vie commune, une masse de bien s’établit au sein de la famille. La distinction
entre les biens propres de chacun des époux, les biens communs des époux, les biens des
parents, les biens indivis de tous les membres de la famille est presque absente. Pourtant,
lorsque les époux divorcent, la distinction entre les biens qui leur appartiennent et ceux qui
appartiennent aux parents de l’un d’eux est vraiment nécessaire pour la dissolution de la
communauté entre eux. La situation est surtout compliquée en ce qui concerne le logement
commun dans lequel cohabitent tous les membres de la grande famille.
601. - Pour trancher cette question, l’article 96 de la loi sur le mariage et la famille
vietnamienne dispose :
«1. Si les époux vivant avec leurs parents divorcent et que leur part dans la masse des
biens communs de la grande famille ne peut être déterminée, une partie de biens communs
revient à l'époux qui quitte le foyer, en tenant compte de la contribution des époux au
développement du patrimoine commun ainsi qu'à la vie de la famille. Le partage de biens est
ainsi réalisé d'un commun accord entre les époux et les parents ; à défaut d'accord commun,
le juge décidera de la solution.
2. Au cas où la part de biens appartenants aux époux dans la masse commune de la
grande famille peut être déterminée, les biens sont extraits de la masse commune pour
partage ».
Dans la mise en application de cet article au cas du logement commun, au sens que
c’est le logement où cohabitent les époux et les parents de l’un d’eux, il convient de distinguer
344
plusieurs cas. Cette problématique sera examinée selon que le logement existait avant
l’arrivée de l’un des époux à la famille (§1), ou s’est acquis après ce moment (§2).
§1 : Le logement existant avant l’arrivée de l’un des époux à la famille
602. - Au moment de l’arrivée de la belle-fille ou du beau-fils à la famille, il existait
déjà un logement, qui appartenait, d’une manière courante, aux parents de l’autre époux.
Toute la famille, y compris ce nouveau membre, continuait à cohabiter dans ce local jusqu’au
divorce des époux. Dans ce cas, la belle-fille ou le beau-fils va partir en ne pensant pas au
partage ou à l’attribution préférentielle du logement, puisqu’il n’en a pas le droit. S’il a
contribué à l’entretien du local, il recevra un remboursement de ce travail.
Pourtant, il faut faire attention au fait que cette personne rencontre souvent des
difficultés en cherchant de se reloger ailleurs, car tous les biens qu’elle reçoit après le divorce
ne sont pas suffisants pour l’accès à un nouveau logement. Le juge peut-il avoir une solution
plus raisonnable ?
603. - À notre avis, devant cette situation réelle de l’intéressé, il conviendrait de faire
une application par analogie de l’article 30 du Décret n° 70/2001/ND-CP analysé ci-dessus.
Précisément, la grande famille a l’obligation d’aider l’ex-belle-fille ou l’ex-beau-fils de
chercher une nouvelle résidence ; les aides concrètes sont ordonnées en fonction du contexte
de l’affaire, comme celles au cas où l’époux propriétaire doit aider son ex-conjoint dans la
recherche de logement. Si elle rencontre de grandes difficultés dans la recherche d’un
nouveau local d’habitation, cette personne bénéficiera du maintien dans les lieux pendant six
mois.
§2 : Le logement apparaissant après l’arrivée de l’un des époux à la famille
604. - Si le logement en cause a été construit ou acquis au cours du mariage, la
situation sera examinée selon deux cas prévus à l’article 96 de la loi sur le mariage et la
famille précité.
Dans le cas prévu à l’alinéa 2, la procédure semble simplifiée. Le logement est
d’abord extrait de la masse des biens communs de la grande famille. Puis, en tant qu’un bien
345
commun des époux, il sera partagé entre eux selon les principes institués par l’article 95 de la
même loi605.
Dans le cas prévu à l’alinéa 1er, la masse des biens communs revenant à l’époux qui
quitte le foyer peut-elle comprendre une superficie du logement, lorsque cet époux en a
besoin ? En d’autres termes, le logement peut-il faire l’objet d’un partage en nature entre cet
époux et la grande famille ? Un tel résultat peut être réalisé d’un commun accord entre les
époux et les parents : c’est, sans aucun doute, la solution idéale. Néanmoins, à défaut de cet
accord, qu’est-ce que le juge peut décider pour assurer l’intérêt de toutes les parties ? Il
importe de remarquer que, dans la majorité des cas, l’époux qui quitte le foyer est la femme,
même avec les jeunes enfants communs à charge directe. Par conséquent, la solution du
logement dans ce cas-la concerne non seulement l’intérêt pécuniaire des parties, mais aussi la
protection des femmes et enfants.
Puisque la pratique est tout à fait diversifiée, le rôle du tribunal tient une grande place
dans la recherche de la présente solution. En tout cas, le juge doit bien respecter les principes
institués à l’article 95 de la loi sur le mariage et la famille, qui, à notre avis, s’appliquent
également à la détermination d’une partie des biens communs revenant à l’époux qui quitte le
foyer. La présente détermination doit observer non seulement les règles de l’indivision du
droit commun, mais aussi celles propres à la vie conjugale et familiale. Autrement dit,
l’indivision en cause s’établit au cours de la vie familiale, c’est pourquoi sa dissolution
partielle doit assurer à la fois toutes les portées économiques et sociales de la masse des biens.
605. - Ainsi, dans plusieurs cas, lorsque le local d’habitation de la famille a une grande
superficie, il est possible de procéder à l’attribution d’une part de ce local à l’ex-belle fille ou
à l’ex-beau fils. Cette solution n’est pas simplement une proposition doctrinale, mais elle a été
mentionnée dans la Directive n° 69/TATC du 24 décembre 1979 de la Cour populaire
suprême sur la solution du local d’habitation et la garantie du logement pour les parties aux
divorces. La présente Directive a étendu même l’application de l’attribution d’une part du
local à un divorcé au cas où le local avait existé avant l’arrivée de celui-ci à la famille, mais
au moment du divorce, il passait déjà une longue période dans ce local et y considérablement
605 Cf. supra, nos 543, 545.
346
contribuait. La dite attribution est alors réputée comme le remboursement en nature de sa
contribution au logement et à la vie familiale606.
* * *
606 Partie A, section 2.b et Partie B, section 2, Directive 69/TATC.
347
CONCLUSION DU CHAPITRE : 606. - Les contentieux concernant le logement
familial sont nombreux et tendus dans la procédure de divorce. La diversité des modes de vie
commune de la famille ainsi que la pluralité des régimes juridiques des locaux d’habitation
entraînent la complexité de chaque cas d’espèce. Étant conscient de cette situation, le
législateur vietnamien construit des règles bien précises pour le partage du local d’habitation
dans la liquidation du patrimoine familial, en prenant en considération le support des règles
d’origine morale et coutumière. L’esprit directeur de ces dispositions légales est de protéger
les personnes les plus vulnérables, dont la femme et les jeunes enfants.
Pour un statut juridique souhaitable du logement de la famille dans l’avenir, il
convient d’avoir des dispositions légales synchrones, réunies dans la loi sur le mariage et la
famille, qui mettent en valeur les aspects positifs précités des règles actuelles et qui peuvent
fournir une meilleure balance des intérêts entre parties. Ce sera une contribution importante à
l’effectivité de la solution du logement pendant la procédure de divorce, par l’accord commun
des époux ainsi que par la décision judiciaire.
349
CHAPITRE II
LA SÉPARATION
DES MEMBRES DU COUPLE NON MARIÉ
607. - À la différence de l’unité des règles sur le traitement du logement de la famille
pendant la procédure de divorce, il existe une dispersion des dispositions concernant le sort du
logement commun des concubins lorsque ceux-ci se séparent.
L’établissement et la vie courante de l’union libre, traditionnellement, constitue la
source de plusieurs débats juridiques. Sans aucun enregistrement légal, le point de départ de
l’union libre n’est pas si socialement remarquable que la célébration du mariage. Pourtant, au
moment où la vie commune des deux intéressés se termine par leur séparation, ils peuvent
quand même aller devant l’autorité judiciaire compétente et prétendre tout ce qui s’est passé
entre eux pour faire valoir leurs droits actuels.
En France, pendant un certain temps, on pensait toujours que l’union libre ne pourrait
être examinée qu’au moment de sa rupture607. De plus en plus, la réalité des couples hors
mariage, surtout en ce qui concerne les rapports patrimoniaux, se clarifie. Pendant la vie
commune, les deux parties se lient par les rapports d’entraide et de supports stricts, qu’ils
établissent ces liens d’une façon naturelle et volontaire sans aucun engagement juridique, sans
s’intéresser à la loi. Lors de leur séparation, les deux intéressés changent complètement
l’attitude : ils font référence à la loi pour la détermination des intérêts respectifs. Ainsi, les
effets de l’union libre pendant la vie commune sont bien différents de ceux qui apparaissent
après la séparation608.
Au Vietnam, pour plusieurs raisons historiques609, l’union libre n’est pas examinée
uniquement à sa dissolution, mais la vie commune des deux membres du couple est bien prise
en considération dans la pensée sociale et surtout dans la réglementation juridique. Ces
éléments de fait arrivent même à influencer nettement le traitement des contentieux lors de la
rupture du rapport entre ces deux personnes. C’est pourquoi, pour la solution des questions 607 J. RUBELLIN-DEVICHI (dir.), Droit de la famille, Dalloz action 2001/2002, p.390. 608 P.MALAURIE, H.FULCHIRON, op. cit., n° 320, p. 163. 609 Cf. supra, nos 230 - 232.
350
patrimoniales après la dissolution de l’union libre, dont le logement de la famille, il y a une
diversité des règles de forme (Section I), et également une diversité des règles de fond
(Section II).
SECTION I : LA DIVERSITÉ DES RÈGLES DE FORME
608. - Au Vietnam, lors de la dissolution de leur union libre, les deux concubins se
demandent presque toujours si tout ce qui a eu lieu entre eux peut leur donner la qualité
d’époux l’un envers l’autre. Autrement dit, ils veulent savoir, avant de se séparer, s’ils sont
dans une union considérée comme mariage légitime, et si oui ou si non, quelle procédure
qu’ils doivent poursuivre afin de régler les effets de leur séparation. Le législateur, quant à lui,
s’attache à la réalité complexe de la société vietnamienne et adopte une pluralité des règles. Il
convient d’examiner celles-ci selon que les intéressés adressent au tribunal une demande de
divorce (§1) ou une demande de partage de la copropriété (§2).
§1 : La demande de divorce
609. - Dans un grand nombre de cas, les concubins vietnamiens ne font pas légaliser
leur union libre par l’enregistrement du mariage, car ils ne connaissent pas cette démarche
administrative obligatoire ou n’en comprennent pas l’importance, mais ils se considèrent
toujours mari et femme. En conséquence, lors de leur séparation, ils adressent une demande
de divorce au tribunal610. L’intervention juridique qui sera fournie ensuite est elle-même
complexe dans son contenu. La solution se varie selon que, conformément aux dispositions
légales, le mariage de fait doive être reconnu (A) ou nié (B) par le tribunal.
A. Le mariage de fait reconnu
610. - Rappelons qu’afin de résoudre avec souplesse la diversité des unions conjugales
et consolident de temps en temps le principe de l’enregistrement du mariage, la Résolution n°
35/2000/ QH10 adoptée le 09 juin 2000 par l’Assemblée nationale contient des dispositions
de transition. Dans ce texte, il y a des solutions importantes pour la dissolution de l’union
libre :
610 C’est curieux qu’au Vietnam, socialement, les gens peuvent faire peu d’attention à l’enregistrement du mariage, mais à la séparation du couple, ils savent bien qu’il faut aller devant le tribunal pour faire trancher tout contentieux. Ils commencent presque toujours par une demande de divorce, en croyant qu’ils sont époux depuis toujours.
351
- L’homme et la femme qui ont établi le rapport conjugal avant le 03 janvier 1987,
date d’entrée en vigueur de la loi sur le mariage et la famille de 1986 sans faire
l’enregistrement du mariage sont encouragés d’accomplir cette formalité. Dans ce cas, la
demande de divorce éventuelle est reçue et traitée par le tribunal en application des
dispositions sur le divorce de la loi sur le mariage et la famille de 2000.
- L’homme et la femme vivant en concubinage à partir du 03 Janvier 1987 jusqu’au 1er
janvier 2001 et répondant suffisamment aux conditions de contracter le mariage ont
l’obligation de faire l’enregistrement du mariage dans le délai de deux ans, à compter de la
date d’entrée en vigueur de la présente loi jusqu’au 1er janvier 2003. Au cours de ce délai,
s’ils ne font pas enregistrer leur union mais forment une demande de divorce, celle-ci est
traitée par le tribunal en application des dispositions sur le divorce de la loi sur le mariage et
la famille de 2000.
Après le 1er janvier 2003, s’ils ne font pas l’enregistrement du mariage, la loi ne
reconnaît pas leur qualité d’époux611.
611. - Ainsi, dans ces deux cas, l’union libre établie par l’homme et la femme est
considérée comme un mariage légitime. L’autorité judiciaire l’appelle « mariage de fait ». Par
conséquent, les deux intéressés acquièrent la qualité d’époux. Leur séparation est un divorce
au sens strict du terme, soumis à toutes les règles concernées dans la loi sur le mariage et la
famille de 2000.
Il y a donc le premier principe : pour toute l’union libre reconnue comme mariage de
fait, la procédure qui s’applique à la séparation du couple est celle du divorce.
B. Le mariage de fait nié
612. - Toujours selon l’article 3 de la Résolution n° 35/2000/QH10, à partir du 1er
janvier 2001, sauf les deux cas précités, la qualité d’époux de l’homme et de la femme vivant
en concubinage sans enregistrement du mariage n’est pas reconnue par la loi. Le tribunal
reçoit la demande de divorce éventuelle et déclare la non reconnaissance du rapport conjugal.
S’il y a une demande concernant les enfants et le patrimoine, le tribunal appliquera les alinéas
2 et 3, article 17 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 pour la traiter.
611 L’article 3 de la Résolution n° 35/2000/QH10.
352
La loi de 2000 durcit ici la réglementation envers le concubinage. Toute l’union libre
établie après l’entrée en vigueur de cette loi ne peut plus être reconnue comme mariage de
fait. La réponse juridique à chaque cas d’espèce est expresse : la loi permet au juge d’enrôler
la demande de divorce des intéressés, et ensuite, de déclarer qu’ils ne sont pas époux dans sa
décision. Le juge ne s’arrête pas simplement là. Il peut encore intervenir pour traiter les
contentieux entre les deux concubins concernant leurs rapports personnels et patrimoniaux.
613. - Dans ce cas-là, le cadre juridique dont le tribunal se sert est l’article 17, alinéas
2 et 3 de la loi sur le mariage et la famille de 2000612. Cet article porte, en fait, sur les effets
juridiques de l’annulation du mariage qui a été illégalement contracté et qui a été ensuite
enregistré. L’union libre dissolue volontairement par les deux concubins, dans sa nature, n’est
pas un mariage annulé, parce que le concubinage en cause n’a jamais été un mariage
enregistré. L’article 17, alinéas 2 et 3 s’appliquent ici simplement parce que le législateur
groupe les effets juridiques des deux situations différentes précitées dans le même traitement
judiciaire.
Il y a donc le deuxième principe : toute l’union libre n’étant pas reconnue comme
mariage de fait bénéficie d’une procédure judiciaire distincte pour sa dissolution, qui est la
non reconnaissance du rapport conjugal, mais les effets juridiques qui en résultent sont
traités comme ceux de l’annulation du mariage.
§2 : La demande de partage de la copropriété
614. - En pratique, il y a des gens qui ont mené une vie commune pendant un certain
temps. Lors de leur séparation, ils prétendent ne pas être époux et demandent l’intervention du
tribunal seulement pour déterminer la propriété de chacun sur des biens concernés, comme
s’il s’agit simplement de l’histoire entre deux particuliers du droit commun. Même si les
intéressés ne demandent pas le traitement de leur rapport personnel, le juge devra toujours 612 L’article 17 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Effets juridiques de l'annulation du mariage 1. L'annulation du mariage contracté illégalement entraîne l'interruption de la relation conjugale entre les époux. 2. Les droits des enfants du couple dont le mariage est annulé sont réglés de la même manière que dans les cas de divorce. 3. Les biens appartenant aux personnes dont le mariage est frappé de nullité sont répartis selon les principes suivants: les biens appartenant en propre à chacun des époux lui reviennent; les biens communs sont répartis d'un commun accord entre les parties; à défaut d'accord, les biens sont répartis par le juge qui doit prendre en considération la contribution de chaque partie; les intérêts légitimes de la femme et de l'enfant sont prioritairement protégés ».
353
vérifier avec prudence les vraies relations entre ces personnes. En se basant sur ces
informations réelles, le tribunal rend une décision qui doit protéger efficacement tout intérêt
en jeu. Il faut donc distinguer la demande de bonne foi (A) de celle de mauvaise foi (B),
présentée dans chaque cas d’espèce par les parties.
A. La demande de bonne foi
615. - Avec le développement de la conscience juridique au sein de la population, il y
a de plus en plus des concubins qui comprennent qu’ils ne sont pas époux et qu’il ne faut pas
l’intervention judiciaire pour terminer leur rapport personnel. C’est pourquoi, ils n’adressent
pas au tribunal une demande de divorce mais se séparent automatiquement comme ils se sont
automatiquement unis autrefois. Lorsque ces personnes n’arrivent pas à un accord pour
arranger leurs rapports pécuniaires, ils demandent au juge la détermination des quotes-parts
respectives dans les biens litigieux. La demande sera enrôlée dans la section des contentieux
sur le droit de propriété, et non pas celle des contentieux familiaux.
Puisque les intéressés ont mené une vie commune et les biens en contentieux sont plus
ou moins liés à celle-ci, le juge procède quand même à une vérification de la vraie situation de
ces personnes sous l’angle juridique, il cherche également à comprendre le vrai motif de la
demande de partage. Après avoir affirmé que la vie commune des concubins ne constituait pas
un mariage de fait613, et que la demande de partage vise effectivement une liquidation de la
masse des biens en cause, le juge traitera le contentieux selon les règles du droit civil.
616. - En pratique, la présente situation peut arriver aux concubinages établis après
l’entrée en vigueur de la loi sur le mariage et la famille de 2000 (le 1er janvier 2001). Dans ce
cas, parce que les concubins ne sont jamais juridiquement considérés comme époux, et ils ne
demandent pas non plus le prononcé de divorce, le juge n’a pas à déclarer dans une décision
judiciaire qu’ils ne sont pas époux. Le juge va donc suivre la procédure civile du droit
commun pour trancher le litige, en abandonnant l’article 17, alinéas 2 et 3 de la loi sur le
mariage et la famille de 2000, qui n’est pas lié à la demande formée par les parties.
Il y a donc le troisième principe : lorsque les concubins ne demandent pas le prononcé
sur leur rapport personnel mais seulement l’intervention judiciaire pour leurs rapports
613 Parce que la vie commune en cause ne satisfait pas aux conditions disposées par la Résolution n° 35/2000/NQ-QH précitée.
354
patrimoniaux, le juge tranche le litige conformément aux dispositions légales régissant le
droit de propriété pure et simple.
B. La demande de mauvaise foi
617. - Il y a des concubins qui ont mené une vie commune stable répondant
parfaitement aux conditions du mariage de fait ; par ailleurs, ils se comportaient devant les
tiers comme vrais époux. Néanmoins, pour une raison quelconque, ils ne veulent pas que la
reconnaissance de leur qualité d’époux soit évoquée par toute autre personne. Autrement dit,
ils veulent nier activement et totalement leur rapport conjugal de fait, en se considérant
comme simples particuliers du droit commun. Ils adressent au tribunal une demande de
liquidation de la copropriété, pour faire valider par une décision judiciaire ce partage.
Dans ce cas, après avoir découvert le vrai rapport personnel entre les deux intéressés,
qui était un mariage de fait, que va-t-il faire le juge ? Précisément, il continue à traiter la
demande selon les règles de la procédure civile générale, ou il doit déclarer d’office que les
intéressés sont liés dans un mariage de fait, et que leurs rapports personnels et patrimoniaux
sont soumis aux règles du divorce ?
618. - À l’heure actuelle, la présente question reste encore discutable. Sous l’aspect
législatif, l’article 3 de la Résolution n°35/2000/QH10 n’est pas clair : le mariage de fait et la
qualité d’époux sont reconnus lorsque les concubins en cause demandent le prononcé de leur
divorce ; cette reconnaissance est implicitement considérée comme une faveur que la loi
octroie à des unions libres de grande ancienneté (celles qui sont établies avant le 03 janvier
1987). Mais lorsque les concubins veulent nier activement leur qualité d’époux de fait, les
tiers peuvent-ils prétendre cette qualité ? Le juge a-t-il la possibilité d’imposer au couple le
statut légal de mariage, avec tous ses effets juridiques ? La loi reste silencieuse à ce point.
Dans la doctrine, certains auteurs affirment que lorsque les conditions subjectives et
objectives d’un mariage de fait se réunissent, il est impossible pour le juge d’en nier la
reconnaissance, même si les intéressés ne veulent pas confirmer leur rapport conjugal614.
619. - À notre avis, dans ce cas, le juge doit vérifier le vrai motif de la demande de
partage, en examinant la situation financière actuelle du couple, surtout les actes contractés
par eux avec les tiers. Si le tribunal constate que la demande de partage de la copropriété ne
614 NGUYEN Van Cu, NGO Thi Huong, op. cit., p.74 - 75.
355
vise que le but d’échapper à la solidarité conjugale, de se soustraire à l’exécution des
obligations envers les tiers, ou même d’éviter les principes rigides du partage des biens entre
époux dans la procédure de divorce, etc., il déboutera les intéressés à leur demande actuelle au
motifs qu’ils sont époux, qu’ils ne peuvent pas automatiquement se séparer sans un divorce
prononcé par une juridiction compétente, et que tout partage des biens entre eux doit donc
s’effectuer selon les dispositions de la loi sur le mariage et la famille de 2000.
Par ailleurs, s’il y a une action civile des tiers portée contre les deux membres de ce
couple, par laquelle les demandeurs prétendent la qualité d’époux de ces personnes, le juge
considérera les concubins défendeurs comme époux à cause de leur mariage de fait, et leur
solidarité conjugale sera constatée selon les dispositions de la loi sur le mariage et la famille
de 2000.
Une telle activité active du juge est une mesure efficace pour garantir la sécurité des
transactions civiles et commerciales dans la société, ainsi que pour protéger les personnes les
plus vulnérables dans ces rapports. Il est possible de trouver la portée de cette intervention
judiciaire dans quelques cas typiques.
620. - Dans le premier cas, les tiers croient souvent à la qualité d’époux des concubins,
et donc à la solidarité conjugale de ces personnes, lorsqu’ils contractent avec eux. Ce crédit se
base sur les comportements des membres du mariage de fait entre eux-mêmes et envers toute
autre personne, qui font apparaître l’image des vrais époux se liant par un mariage légitime.
Les tiers de bonne foi dans ce cas méritent une garantie judiciaire contre toute manipulation
des époux de fait.
Dans le second cas, lorsque les deux membres d’un mariage de fait se séparent, l’un
d’eux prétend le défaut de l’acte de mariage pour ne pas exécuter des obligations conjugales
envers l’autre, surtout en ce qui concerne la détermination et le partage des biens communs.
L’autre partie, sous pression de son époux de fait et sans connaissance nécessaire des
dispositions légales, n’ose pas demander un divorce, il ne peut faire qu’une action en partage
de copropriété par quote-part, qui sera moins favorable615. Le juge doit donc intervenir en vue
d’équilibrer les intérêts légitimes de toutes les deux parties résultant de leur mariage de fait,
en neutralisant la fraude de l’époux de mauvaise fois. 615 Dans le cadre du mariage, la propriété indivise est présumée ; le partage des biens communs est, en principe, de deux parts égales. Pour la propriété par quote-part, c’est toujours la contribution purement pécuniaire de chaque copropriétaire qui compte pour la détermination des quotes-parts et le partage des biens communs.
356
De toute façon, le mariage de fait est un bienfait que la loi octroie à un certain nombre
de concubins, pour les protéger en qualité d’époux. À l’inverse, ces personnes ne peuvent pas
nier la présente qualité en portant atteinte aux intérêts légitimes des tiers ou même de l’une
entre elles.
Toutes ces règles de forme complexes entraînent des règles de fond non moins
nombreuses en cette matière.
SECTION II : LA DIVERSITÉ DES RÈGLES DE FOND
621. - Selon que la demande de partage du logement familial est présentée dans
laquelle des procédures précitées, le juge applique les règles de fond équivalentes. La
liquidation de la masse des biens des concubins est soumise donc aux dispositions de la loi sur
le mariage et la famille (§1), ou à celles du Code civil (§2).
§1 : Le partage selon la loi sur le mariage et la famille
622. - Dans ce cas, le partage du logement familial est demandé en même temps que le
principe du divorce. Après le traitement du rapport personnel entre intéressés, le juge décidera
le partage selon les règles de la procédure de divorce (A) ou celles de l’annulation du mariage
(B).
A. Le partage selon les règles du divorce
623. - Étant considérés comme époux légitimes, les concubins membres d’un mariage
de fait bénéficient de toute la protection légale concernant le logement familial en cas de
divorce, qui a été exposée ci-dessus616.
B. Le partage selon les règles du mariage annulé
624. - L’article 17, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 dispose :
« Les biens appartenant aux personnes dont le mariage est frappé de nullité sont répartis
selon les principes suivants: les biens appartenant en propre à chacun des époux lui
reviennent; les biens communs sont répartis d'un commun accord entre les parties; à défaut
d'accord, les biens sont répartis par le juge qui doit prendre en considération la contribution
616 Cf. supra, nos 542 - 605.
357
de chaque partie; les intérêts légitimes de la femme et de l'enfant sont prioritairement
protégés ».
En droit vietnamien, l’annulation du mariage est une sanction civile qui s’applique aux
mariages illicites. Selon l’article 8, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille de 2000, « le
terme "mariage illicite" s'entend de la formation d'une relation conjugale en établissant l'acte
de mariage sans remplir les conditions requises par la loi pour contracter mariage ». Ainsi,
avant que leur mariage soit annulé, les deux époux mènent toujours une vie commune qui est
soumise à toutes les dispositions légales portant sur les droits et obligations des époux, dont la
détermination des biens communs et des biens propres. Le présent principe a des effets
considérables sur le partage des biens après l’annulation du mariage entre deux ex-époux,
donc entre deux membres de l’union libre dans ce cas. Il faut examiner successivement les
contenus du traitement juridique en cette matière.
1 - La valeur relative de l’accord des parties
625. - L’article 17, alinéa 3 précité dit expressément que le juge n’intervient pour la
liquidation des biens des ex-époux qu’à défaut d’accord entre parties. Ainsi, tout d’abord,
celles-ci peuvent d’un accord commun déterminer des biens propres et des biens communs, et
puis liquider leur communauté de biens dans la manière qu’elles veulent. Se pose
immédiatement la question si le juge a le pouvoir d’homologuer l’accord commun entre les
deux intéressés.
La réponse de cette question peut être trouvée dans les derniers mots de l’article 17,
alinéa 3 : « les intérêts légitimes de la femme et de l'enfant sont prioritairement protégés ».
Or, la loi institue le principe de la protection des personnes les plus vulnérables après avoir
mentionné les deux possibilités du partage des biens des deux ex-époux, soit par la
convention, soit par la décision judiciaire. Il est possible d’en déduire que ce principe
s’applique à tous les partages, qu’ils soient conventionnels ou judiciaires. Par conséquent,
l’accord commun des ex-époux sur la liquidation des biens doit quand même être examiné et
homologué par le juge, en vue de la garantie du principe précité. Toute convention de partage
qui ne respecte pas celui-ci sera annulée par le tribunal. Ensuite, après l’explication des
dispositions légales effectuée par le juge, les parties doivent trouver un autre accord, qui
assure mieux les intérêts prioritairement protégés ; sinon, le juge va donner une solution
judiciaire.
358
626. - Pour la dissolution de l’union libre, lorsque les deux concubins demandent au
juge de liquider leur masse de biens, dont le logement familial, le juge doit quand même au
préalable inviter les parties à établir entre elles une convention de partage, celle qu’il va
contrôler et homologuer conformément aux dispositions légales. Le tribunal ne donne sa
propre solution qu’aux points sur lesquels les deux parties n’arrivent pas à un accord
commun, ou leur accord ne respecte pas le principe de la protection des personnes
vulnérables.
Ainsi, le partage des biens entre concubins lors de leur séparation dans ce cas suit un
chemin assez proche des règles du divorce, avec le rôle central du juge. La raison est simple :
l’article 17 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 est fait pour les personnes dont le
mariage illicite est annulé ; qu’il s’agit de l’annulation du mariage illicite ou du divorce, les
règles juridiques ont toujours pour but de traiter les rapports entre deux personnes qui ont eu
la qualité d’époux pendant une période déterminée, ce traitement légal reste donc unifié pour
l’un et l’autre cas. Les concubins bénéficient donc de cet aspect positif de l’article 17.
627. – D’un point de vue pratique, l’homologation du juge a une grande valeur
protectrice, vu la réalité de la matière. En effet, une convention entre concubins sans
homologation du juge peut contenir en elle-même plusieurs risques. D’une part, n’étant pas
professionnel de droit, l’une des parties pourrait se tromper de l’effet exact des clauses de la
convention, par conséquent elle n’arrive pas à conserver ses propres intérêts. D’autre part, si
les deux concubins manipulent un partage qui vise en réalité de se soustraire à l’exécution des
obligations envers des tiers, le juge n’aurait pas la possibilité d’intervenir d’office pour
garantir la sécurité des actes civils.
628. - Pour la question du logement familial, il n’est pas toujours évident que la
convention de partage entre concubins garantisse toujours le droit au logement de chacun
après leur séparation. Sans intervention de l’autorité judiciaire, les parties vulnérables telles
que la femme et les jeunes enfants risquent de quitter le local d’habitation en cause et de se
lancer dans une recherche du nouveau logement, avec beaucoup de difficultés matérielles et
spirituelles à la suite de la casse de leur famille. Sous l’aspect psychologique, au Vietnam,
lorsque l’un des concubins dont le nom figure seul sur le titre de propriété dit que le logement
est à lui, qu’il l’a acquis par ses propres revenus de travail tandis que l’autre ne travaillait pas,
ce dernier pense qu’il n’a aucun droit sur ce bien, et qu’il doit partir. Ce concubin accepte
enfin une convention de partage dans laquelle le logement appartient totalement à son ex-
359
compagnon, et aucun support de relogement n’est pas lui donné. En réalité, dans un tel cas, sa
contribution à la vie de son concubin propriétaire, dont le travail de ménage et l’entretien des
enfants, n’est pas légitimement prise en compte.
Pour éviter toutes ces risques, il est donc conseillé aux membres de l’union libre de
demander la liquidation des biens par le juge lorsqu’ils se séparent : c’est une faveur légale
que la loi octroie aux unions libres, compte tenu de la tradition familiale vietnamienne, en vue
de préserver, si c’est possible, la vie de la famille.
2 - La présomption des biens communs
629. - Une fois que le juge doit liquider la masse des biens des ex-époux dont le
mariage est annulé ou des concubins, il doit d’abord déterminer les biens communs et les
biens propres.
La question, c’est sur quelle base juridique peut-on déterminer chaque masse de
biens ? Il convient d’examiner d’abord le cas de principe, qui est celui des deux membres
d’un mariage annulé. Il est vraisemblable que le rapport personnel particulier entre les deux
personnes en cause, qui sont ex-époux, leur faire bénéficier la fameuse présomption des biens
communs instituée à l’article 27, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille de 2000 : « Tout
bien dont la propriété est contestée par l'un ou l'autre époux est réputé bien commun si l'on
ne prouve qu'il est propre à l'un des époux ». En effet, le rapport de mariage, même établi
illégitimement dans le passé, a fait naître de bonne foi une communauté de biens des époux
selon les dispositions légales. À partir de l’établissement du mariage, tous les biens acquis par
les époux étaient considérés biens communs, sauf autre accord et à l’exception des biens
résultant de la donation ou à la succession en faveur personnelle de l’un d’eux, qui restent des
biens propres de celui-ci. L’annulation du mariage ne peut pas remettre en cause la masse de
biens communs ainsi créée par tous les deux époux, qui existe dans une indivision. Celui des
deux époux qui prétend qu’un certain bien lui est propre doit en avoir la charge de preuve.
630. – En empruntant ce mécanisme de liquidation de l’annulation du mariage, la
liquidation des biens des concubins lors de leur séparation, qui est effectuée par le juge,
bénéficie des avantages légaux remarquables. Précisément, tout bien qui existe dans la vie
commune des deux membres de l’union libre est considéré bien commun sauf autre accord et
jusqu’à la preuve contraire apportée par l’un d’eux. La charge de preuve appartient toujours
360
au concubin qui prétend sa propriété privée sur un bien déterminé. La base de cette
démonstration est également empruntée de l’article 32, alinéa 1er de la loi sur le mariage et la
famille, qui cite les catégories de biens propres des époux.
Dans une brève comparaison, le droit français a la même solution à ce point. En effet,
en France, si les concubins ne parviennent pas à prouver à qui appartient le bien, ce dernier est
réputé indivis. Le bien sera partagé en fonction des apports s’il y en a preuve, ou par moitié
dans le cas contraire617.
631. - Pourtant, il y a une différence importante entre les ex-époux dont le mariage est
annulé et les concubins : les biens communs des ex-époux existent dans une copropriété
indivise légale, tandis que ceux des concubins ne sont soumis qu’à une copropriété par quote-
part. En effet, le Code civil dit expressément que la copropriété indivise légale est
exclusivement réservée aux époux618, elle n’est donc pas applicable aux unions libres sans
enregistrement de mariage.
En droit vietnamien, se pose la question concernant la détermination des quotes-parts
de chacun des concubins sur les biens communs, dont le logement est presque toujours au
centre des discussions. Pour traiter ce contentieux, le juge est équipé des techniques du droit
de la famille, qui sont plus souples que celles du droit civil en général.
3 - Le partage harmonieux des biens en propriété
632. - Le partage des biens entre concubins à leur séparation observe d’abord les
principes fondamentaux du droit de la propriété. Ainsi, l’article 17, alinéa 3 de la loi sur le
mariage et la famille dit que « les biens appartenant en propre à chacun des époux lui
reviennent ». Dans une manière semblable, chacun des concubins récupère en totalité ses
biens propres.
Sous l’aspect comparatif, cette solution est courante à travers des systèmes juridiques
internes. En France, il est dit que chacun des deux concubins acquiert pour son propre
compte, à cause de l’absence de régime matrimonial619.
617P. MALAURIE, H. FULCHIRON, op. cit., n° 330, p. 169 - 170. 618 Les articles 217 et 219 du Code civil de 2005. 619 P. MALAURIE, H. FULCHIRON, op. cit., n° 330, 169 - 170.
361
La solution est plus souple en ce qui concerne les biens communs. Selon l’article 17,
alinéa 3 précité, « les biens sont répartis par le juge qui doit prendre en considération la
contribution de chaque partie ; les intérêts légitimes de la femme et de l'enfant sont
prioritairement protégés ». Dans ces règles, il y a une double harmonisation du juge,
concrètement pour le cas du logement de la famille.
a. La détermination des quotes-parts dans les biens communs
633. - Le principe de partage des biens communs des concubins est de prendre en
considération la contribution de chaque partie. Ce principe est différent de celui du droit civil
en général620. En fait, la loi met en valeur la réalité de la vie commune des concubins : ils se
partageaient les charges et travaux domestiques, l’un travaillait pour des revenus, l’autre
faisait du ménage et s’occupait des enfants, etc. Tout s’est ainsi passé comme s’il s’agissait
d’une famille normale, formée par un couple marié. La nature de la vie familiale des
concubins est, à travers cette règle, respectée, voire protégée. Il est possible de trouver dans
les termes « la contribution de chaque partie » l’inspiration du principe « le travail de
l'homme ou de la femme au ménage est considéré comme un travail rémunéré » institué à
l’article 95, alinéa 2 de la loi sur le mariage et la famille de 2000.
634. - Pour le logement de la famille qui appartient à la copropriété par quote-part des
concubins, s’il n’y a pas d’autres preuves sur la contribution majoritaire de l’un d’eux, il
convient d’envisager une quote-part de moitié à chacun, nonobstant la situation de travail de
chaque membre du couple pendant la durée de leur union. Sous l’aspect économique, avec la
valeur évolutive des immeubles dans le marché, la détermination d’une moitié à chacun est
raisonnable pour l’équilibre d’intérêts entre les deux parties. Sous l’aspect social, une quote-
part considérable dans le logement familial sera une base importante du traitement du droit au
logement des parties, tel qu’un partage en nature ou une attribution préférentielle.
b. L’attribution préférentielle du logement familial
635. - La loi institue expressément une priorité dans le partage des biens communs des
concubins : « les intérêts légitimes de la femme et de l'enfant sont prioritairement protégés ».
Une fois encore, on trouve l’inspiration du principe de partage des biens entre époux à leur
divorce : « préserver les droits et les intérêts légitimes de la femme et de l'enfant mineur ou
620 Cf. infra, n° 643.
362
majeur mais handicapé, incapable, invalide et dépourvu de biens personnels pour subvenir à
ses besoins »621. En réalité, la femme, qu’elle sorte d’un mariage ou d’un concubinage, doit
souvent faire face à un grand nombre de difficultés concernant sa réinsertion professionnelle,
sa force physique, ses chances de retrouver une union familiale avec une autre personne, etc.
De plus, étant la mère, elle veut naturellement prendre en charge directe ses enfants, surtout
lorsqu’ils sont encore mineurs. Cette situation n’est pas comparable à l’homme, qui s’est
souvent bien installé dans le milieu professionnel, qui a donc des occasions de bien gagner la
vie, de trouver une autre union, etc. En tenant compte de la nécessité de protéger la vie
familiale cassée par la séparation des deux concubins, la loi fait toujours attention aux
personnes les plus vulnérables, comme elle le fait en cas de divorce.
636. - Pour le logement familial, la possibilité d’un partage en nature doit être d’abord
examinée. Ce partage en nature doit garantir l’usage du local d’habitation poursuivi par
chaque concubin, qui est équivalent à sa quote-part. La présente situation est prévue à l’article
222, alinéa 1er du Code civil de 2005 : « Chacun des copropriétaires par quote-part a le droit
d’user et de percevoir les fruits et les revenus issus des biens communs proportionnellement à
sa quote-part dans la copropriété, sauf les cas où il en a été convenu autrement ou sauf les
cas où la loi en dispose autrement ».
Lorsqu’un partage en nature est impossible, il convient d’envisager une attribution
préférentielle au profit de la concubine qui vit avec ses jeunes enfants, conformément à l’idée
directrice présentée par l’article 17, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille. Le juge peut
arriver à prononcer cette faveur par la combinaison de toutes les règles qui régissent les
rapports pécuniaires, telles que celles sur l’obligation alimentaire du concubin envers ses
enfants, comme la technique qu’il utilise dans la procédure de divorce622. Pourtant, afin de
protéger également les intérêts légitimes du concubin qui ne reçoit pas le logement, le juge
peut ordonner à la concubine de régler la plus possible la quote-part de son ex-compagnon par
ses biens propres et ses quotes-parts dans d’autres biens communs : une compensation
pécuniaire entre les deux parties doit donc être mise en oeuvre. En tout cas, une solution
définitive et absolue pour le contentieux patrimonial entre concubins servira à éviter toute
plainte ultérieure concernant l’exécution des obligations par l’un ou par l’autre ; la bonne
décision judiciaire aidera également les parties de stabiliser leurs vies respectives après la
période de concubinage. 621 L’article 95, alinéa 2.b de la loi sur le mariage et la famille de 2000. 622 Pour le détail de cette technique, cf. supra, nos 571-572.
363
637. - Il reste une remarque importante : lorsque le logement familial appartient en
propre ou est attribuée à l’un des concubins, l’autre ne bénéficie ni du maintien dans les lieux
pendant six mois, ni de l’aide de son ex-compagnon dans la recherche du nouveau local
d’habitation. Ces avantages légaux sont exclusivement réservés aux époux623. Leur absence
dans le concubinage est considérée comme un point défavorable que les concubins ont à
accepter à cause du caractère libre de leur union.
4 - L’absence de la solution concernant les biens loués
638. - L’article 17, alinéa 3 de la loi sur le mariage et la famille aborde seulement des
biens en propriétés des intéressés. Les biens relevant d’un rapport de location avec les tiers,
tels que le droit au bail d’habitation, ne sont pas mentionnés. C’est pourquoi, le contentieux
entre concubins concernant ces biens sera traité selon les règles du droit commun.
639. - Ainsi, lorsque les deux concubins se séparent, s’ils ont conclu ensemble le bail
avec le bailleur, le droit à la continuation du bail nécessite un accord commun entre les
colocataires et le bailleur. Si les concubins ne veulent pas continuer ensemble le bail et
n’arrivent pas à désigner celui entre eux qui va prendre tout seul le bail, le bailleur aura le
droit de choisir le locataire qui lui convient.
Lorsque le bail a été conclu par seulement l’un des deux concubins, celui-ci va
continuer le bail car il est toujours le seul locataire en rapport avec le bailleur. Que ce dernier
soit l’État ou un particulier, le concubin qui n’a pas participé à la conclusion du bail n’y a
aucun droit. La cotitularité du bail dans le cas où le bailleur est l’État ne s’applique qu’aux
époux, les membres de l’union libre n’ont pas le droit d’en bénéficier. Ainsi, à ce point, il y a
encore une différence importante entre le statut du mariage et la place moins avantageuse du
concubinage.
Dans tous les cas précités, les concubins ainsi que le bailleur ont toujours le droit de
demander au juge de trancher les contentieux entre eux concernant la continuation du bail
d’habitation après la dissolution de l’union libre. Pourtant, il faut rappeler que le juge rendra
sa décision en se basant uniquement sur les règles du droit civil régissant le bail d’habitation
et n’intéressera pas au rapport personnel entre les deux concubins.
623 L’article 30, alinéa 1er du Décret n° 70/2001/ND-CP.
364
640. - Pour cette raison, les concubins ont nettement l’intérêt de conclure ensemble le
bail d’habitation qui leur sert du logement familial. Même si l’un d’eux l’a conclu tout seul
avant le commencement de leur union, l’autre pourra proposer sa participation à l’acte : le
contrat de bail sera signé à nouveau avec tous les deux concubins comme locataires. Il faut
pourtant distinguer deux cas :
Dans le cas où le bailleur est un particulier, ladite nouvelle conclusion du bail semble
tout réalisable, car le propriétaire a en plus un débiteur solidaire auquel il peut exiger le
règlement des loyers et charges, il acceptera la proposition du nouveau bail signé par tous les
deux concubins.
Par contre, dans le cas où le bailleur est l’État, cette solution est presque impossible,
puisque pour contracter un bail d’habitation avec l’État, l’intéressé doit satisfaire aux
conditions particulières du travail, du revenu, etc. ; une fois que la demande de bail est
acceptée, le contrat de location est établi entre l’État et l’intéressé pour une période
déterminée, pendant laquelle ce dernier ne peut pas demander la révision du contrat juste pour
y ajouter une autre personne comme locataire624. Le concubin du locataire doit donc accepter
le fait qu’il ne peut pas participer au contrat. Par conséquent, il doit prévoir la recherche du
nouveau logement lors de la dissolution de son union libre.
§2 : Le partage selon le Code civil
641. - Lorsque les deux concubins vont devant le tribunal et lui demandent le partage
de leur masse de biens dont le logement familial, au moyen d’une action portant sur le droit
de propriété, en l’absence de mariage de fait de ces personnes, le juge doit appliquer toute
règle du droit civil pour traiter le contentieux. Le tribunal n’a pas à s’intéresser aux
dispositions exposées ci-dessus de la loi sur le mariage et la famille concernant le partage des
biens entre concubins, puisque dans ce cas, les intéressés ont exclu eux-mêmes leur qualité de
membres de l’union libre en se présentant comme des particuliers du droit commun, l’un est
totalement étranger par rapport à l’autre.
624 Pour cette raison, l’article 29 du Décret n° 70/2001/ND-CP dispose que la cotitularité du bail d’habitation conclu avec l’État des époux s’établit d’office par leur mariage, sans aucune autre formalité concernant la conclusion du bail.
365
Ce choix a des effets remarquables sur le traitement du contentieux. En effet, il y a un
revirement de la charge de la preuve (A) et une détermination absolument pécuniaire dans la
détermination des quotes-parts dans la copropriété (B).
A. Le revirement de la charge de preuve
642. - Dans le rapport pécuniaire entre deux individus du droit commun, il n’y a
aucune présomption des biens communs comme celle entre époux. En conséquence, c’est le
titre de propriété qui compte. Précisément, pour les biens enregistrés tels que le logement,
celui dont le nom figure dans le titre de propriété est automatiquement considéré comme le
propriétaire. Celui qui le contredit doit motiver sa demande par toute catégorie de preuve.
Ainsi, même si le logement a été acquis pendant la vie commune des deux concubins,
avec la contribution pécuniaire de tous les deux, celui qui faire inscrire uniquement son nom
dans le titre de propriété, ou au moins dans l’acte d’acquisition, est considéré comme le seul
propriétaire du local. L’autre concubin se charge alors de démontrer son apport dans le prix
d’acquisition du bien. La présente charge de preuve sera très difficile, voire inefficace, vu les
transactions purement en argent liquide au Vietnam.
Cette situation reste pourtant courante dans plusieurs régions au Vietnam. Lorsque les
concubins s’entendent encore bien, l’un laisse l’autre compléter toute formalité de la
conclusion du contrat d’acquisition ainsi que de l’enregistrement du droit de propriété sur le
local auprès de l’autorité compétente ; l’un ne se pose aucune question sur le fait que
seulement le nom de l’autre figure dans ces documents. À la dissolution de son union libre, le
concubin dont le nom ne figure pas dans les documents concernant le droit de propriété sur le
logement peut se voir privé de ce local.
Il est conseillé donc aux concubins de préparer et de conserver soigneusement toute
preuve de son apport pécuniaire dans l’acquisition de tout bien commun, avec surtout des
documents importants comme l’acte d’acquisition, le titre de propriété.
B. La détermination strictement pécuniaire des quotes-parts dans les biens
communs
643. - Une fois que chacun des deux concubins arrive à prouver son apport dans
l’acquisition du bien, sa quote-part n’est établi qu’à la hauteur de cette somme. Toute
366
contribution de l’un à la vie commune, qui favorisait le travail rémunérateur de l’autre, n’est
pas prise en compte pour la détermination des quotes-parts de chacun dans le bien commun625.
La présente façon de déterminer les quotes-parts des concubins dans le logement
familial peut influencer négativement le droit au logement de l’un d’eux. Précisément, le
concubin qui n’a qu’un apport minoritaire à l’acquisition du logement de la famille aura peu
d’intérêts concernant ce local. En effet, le copropriétaire majoritaire a toujours des priorités
dans l’occupation et l’usage du local, le copropriétaire minoritaire devra même quitter les
lieux si sa quote-part est trop pécuniairement modeste. Si cette situation arrive à une femme
qui aidait toujours son concubin par son travail au ménage, mais qui n’a contribué
formellement qu’une petite somme à l’acquisition du bien, la privation du logement est une
solution irraisonnable envers cette femme, mais le juge ne peut décider autrement.
Cette situation montre encore une fois la position fragile des personnes vulnérables
lorsque l’union libre se dissout. Il vaut mieux donc aux concubins de demander l’intervention
du juge dans le cadre de l’article 3.c de la Résolution 35/2000/QH10 et de l’article 17, alinéa
3 de la loi sur le mariage et la famille de 2000, même s’ils connaissent bien qu’ils ne sont pas
époux. Ces dispositions constituent une exception qui vise à protéger la vie familiale de tous
ceux qui n’ont pas la qualité d’époux : les concubins devraient en profiter pour préserver leurs
intérêts légitimes.
* * *
625 En France, l’un des concubins peut demander à l’autre des indemnités pour l’enrichissement sans cause. Au Vietnam, la population et même l’autorité judiciaire ne s’habituent pas encore à ce concept.
367
CONCLUSION DU CHAPITRE : 644. - Le traitement des contentieux
patrimoniaux, dont le logement de la famille, entre des concubins lors de leur séparation est
soumis aux règles de forme et de fond bien variées. Le législateur, d’une part, nie toute
reconnaissance de l’union libre, mais d’autre part, il prévoit quand même l’intervention du
juge pour la dissolution de cette forme de couple avec des règles relativement plus favorables
que le droit civil en général. De toute façon, c’est une mesure ayant pour but de conserver les
valeurs familiales dans la société contemporaine, quelque soit la forme du couple. Le statut
légal du logement de la famille dans l’avenir devra suivre cette idée directrice.
368
CONCLUSION DU TITRE : 645. - En droit vietnamien, la solution du logement de
la famille lors du divorce et celle à la séparation des concubins ont des convergences et des
divergences. Les convergences sont dues au souci du législateur de protéger la vie familiale
nonobstant la forme du couple, surtout les intérêts légitimes de la femme et des jeunes
enfants. Les divergences trouvent l’origine dans la position hors statut légal de l’union libre,
dont les conséquences doivent être acceptées par ceux qui s’unissent sans se faire octroyer
légalement la qualité d’époux.
Dans la recherche d’une meilleure protection juridique de la vie familiale, le
rapprochement des dispositions légales concernant le logement de la famille dans ces deux
procédures sera une mesure réaliste et efficace.
369
CONCLUSION DE LA SECONDE PARTIE : 646. - La solution du local
d’habitation lors des perturbations de la famille est toujours un grand sujet du droit de la
famille. Suite à un décès ou une séparation, les questions d’ordre patrimonial se posent, les
intérêts des membres de la famille seront soumis aux traitements juridiques. Au Vietnam ainsi
que dans plusieurs autres pays, les législateurs font des efforts pour adopter des dispositions
les plus convenables à la réalité sociale, dans l’idée directrice de protéger la vile familiale et
les personnes vulnérables. Dans ce processus, le développement des techniques et
mécanismes juridiques joue un rôle important. La mise en application des dispositions légales
effectuées par les tribunaux y a également une contribution considérable.
À côté de ces rencontres entre les pays, le droit vietnamien et d’autres systèmes ont
également des différences résultant des situations socio-économiques respectives.
Généralement, il est raisonnable de constater que dans ce domaine, le droit des pays
européens tels que la France possède des institutions et techniques juridiques abondantes,
alors qu’en droit vietnamien, les règles coutumières et morales fournissent encore une
assistance importante aux règles juridiques.
Dans une perspective du statut légal du logement de la famille en droit vietnamien, la
naissance des nouvelles règles juridiques, qui se base sur la mise en valeur des belles
traditions et la consultation des expériences étrangères, est tout à fait souhaitable.
371
CONCLUSION GÉNÉRALE
647. - La question du logement de la famille se pose à ce moment où la société
vietnamienne se trouve en plein changement. L’intégration internationale ouvre des occasions
de développer l’économie nationale, qui font appel naturellement à la participation active de
chaque individu et chaque famille. Les gens s’intéressent également à la sécurité sociale, avec
de meilleures conditions de travail, de soins médicaux, d’éducation, de loisirs, et des garanties
pour la vie familiale, celle qui assure toujours l’insertion sociale de chaque personne. De plus,
les mœurs évoluent, la population doit faire face, plus que jamais, à l’individualisme, aux
nouveaux modes de vie, aux soucis différents des jeunes et des vieux, et donc aux exigences
de protéger les valeurs familiales, pour que la famille reste toujours le lieu où chacun sente le
bonheur et le sens de sa vie.
648. - En droit vietnamien, puisqu’il n’y a pas encore de dispositions légales portant
systématiquement sur le logement de la famille, il faut construire la notion de celui-ci. La
méthode comparative est l’une des démarches importantes de ce processus. Dans un pays
occidental tel que la France, le logement de la famille n’a pas eu en un seul moment sa place
importante comme celle en droit positif. Le logement de la famille en droit français a vu sa
naissance dans la grande réforme des régimes matrimoniaux en 1965, et puis son statut s’est
développé à travers plusieurs lois successives qui ont modifié le Code civil, pour arriver aux
dispositions en vigueur, qui soulignent la garantie du logement de la famille au cours du
mariage, pendant la procédure de divorce et lors de la succession. Les Français ont encore à
résoudre des questions du logement des groupes familiaux qui ne se forment pas sur la base
d’un mariage, dont le concubinage et le PACS. Tout ce chemin est compréhensible : en 1965,
le concubinage n’était pas si présent comme maintenant ; en 1999, on n’a pas pu imaginer
l’option qu’un grand nombre de gens feraient pour le PACS, à la place du mariage, etc. Le
présent chantier législatif concernant le logement de la famille en France n’est pas, de toute
façon, une exception du travail juridique. En effet, la société étant toujours une entité
évolutive, la loi qui la régit l’est également.
649. - En prenant en compte des expériences étrangères, il faut examiner la réalité de
la société vietnamienne. Même si la population considère toujours le mariage comme le
fondement principal de la famille, elle n’exclut pas d’autres accès à celle-ci. Ce qui est le plus
372
important, ce n’est pas la façon dont une famille se forme, mais c’est la famille elle-même. On
se trouve devant un groupe de personnes, où il y a les individus qui se comportent comme
mari et femme, parents et enfants, frères et sœurs. Il reste à trouver les règles juridiques qui
leur permettent d’organiser la vie commune, de prévoir et de traiter les contentieux internes,
de réaliser les fonctions naturelles et sociales de la famille. Le statut légal du logement
familial, qui garantie le toit commun de la famille, n’est que l’une des tâches que la loi doit
assumer dans la protection de la présente cellule de la société.
650. - Ainsi, il est nécessaire de construire la notion du logement de la famille en droit
vietnamien selon une philosophie, simple mais profonde : là où il y a la famille, il faut
protéger le logement de la famille. La protection de ce bien particulier se réalise, avant tout,
par la couverture de sa notion pour tous les aspects de la vie familiale. Il y a donc le logement
familial dans les familles différentes : le mariage enregistré, le mariage de fait, l’union libre. Il
y a également le logement de la famille dans les rapports familiaux différents : ceux entre les
deux membres du couple, ceux entre parents et enfants, et plus généralement ceux entre les
membres de la famille qui occupent effectivement les lieux. Il y a, par ailleurs, le logement de
la famille dans toutes les activités familiales : la vie purement civile de la famille, ou la
production et le commerce menés au sein du foyer familial. Il y a évidemment le logement de
la famille dans toute période de la vie familiale : pendant la durée de l’union, lorsque l’un des
membres de la famille décède en laissant sa succession aux survivants, et au moment où les
deux membres du couple envisagent une séparation volontaire. Tous ces aspects, ce sont des
situations, des événements qui peuvent arriver à toute famille. La notion et le statut du
logement de la famille doivent être toujours là, disponibles, pour l’usage des habitants et des
autorités judiciaires.
651. - La notion du logement familial en droit vietnamien se lie donc strictement aux
pensées de la réglementation juridique sur la famille. Il faut d’abord établir et perfectionner le
statut légal du logement de la famille au sein du mariage, puisque, quoi qu’il arrive, celui-ci
reste toujours l’union fondamentale et principale de l’homme et de la femme, qui crée la
famille, assure la continuation successive des générations et développe la société. Partant de
cette famille de référence formée par le mariage, il y a d’autres solutions pour logement du
couple non marié. Précisément, le logement de la famille s’attache aux règles protectrices
mais obligatoires du mariage, une institution solennelle de la société et du droit, dont celles du
régime matrimonial, du divorce, de la succession. Les unions libres n’ont pas possibilité de
373
bénéficier totalement de ces dispositions favorables, car il est impossible de protéger autant
ceux qui s’engagent moins envers la loi. Les deux membres du couple non marié ont toujours
à prévoir et à traiter eux-mêmes un grand nombre d’éléments de leur union libre, notamment
le logement de la famille, par leurs conventions. Il ne s’agit pas ici d’une inégalité entre des
familles, car on vise toujours l’égalité des enfants dans des familles différentes, en rapport
avec leurs parents. En effet, les enfants, qu’ils soient nés d’un couple marié ou non marié,
doivent avoir les mêmes droits et obligations concernant le logement familial qu’ils occupent
ensemble avec d’autres membres de la famille. Dans le statut du logement de la famille, les
réglementations juridiques différentes entre le mariage et l’union libre n’influencent que les
deux membres du couple : c’est la différence résultant de la liberté de choix de la vie en
couple.
652. – Afin d’arriver à une telle notion souhaitable du logement de la famille en droit
vietnamien, il y a plusieurs travaux à effectuer dans les activités législatives et judiciaires. Il
est nécessaire de perfectionner la technique législative, notamment en ce qui concerne la
généralité des règles du droit de la famille à l’heure actuelle. L’efficacité de la réglementation
juridique demande des normes précises, des règles définitives, plutôt que des déclarations
générales qui ne sont renforcées par aucune sanction civile. En tenant compte de la présente
nécessité, il convient, d’abord, de dénommer expressément le logement de la famille dans la
loi sur le mariage et la famille, et ensuite, de développer son statut légal dans tous les
domaines familiaux précités. La mise en application de ces dispositions légales par les
juridictions, qui prennent en compte toujours le rôle des coutumes et mœurs, fournira des
expériences nécessaires pour l’évolution de la notion, conformément au contexte réel de la
société.
653. - L’étude critique et comparative permet, ainsi, de proposer une notion du
logement de la famille en droit vietnamien, qui répond aux attentes des familles différentes,
dans les situations variées de la vie familiale. Le logement de la famille, c’est le lieu où nous
vivons, nous entretenons les relations affectives naturelles de l’humanité, et qui attend
toujours notre retour après les heures de travail. Faisons donc nos efforts pour que le logement
familial, comme la famille, reste dans notre vie, à jamais./.
375
ANNEXE 1
CERTAINS ARRÊTS DU CONSEIL DES JUGES
DE LA COUR POPULAIRE SUPRÊME DU VIETNAM
1. ARRÊT N° 14/2003/HDTP-DS DU 28-5-2003 SUR L’AFFAIRE DE
DIVORCE
LE CONSEIL DES JUGES DE LA COUR POPULAIRE SUPRÊME
......................
À l’audience du 28-5-2003, statuant en procédure de supervision sur l’affaire de
divorce entre :
Demanderesse : Madame Nguyen Thu Lan, 42 ans ;
Défendeur : Monsieur Tran Huan Dung, 42 ans ;
Tous domiciliés à l’appartement 106, N35 au 39 Tran Khanh Du, Ville de Hanoi.
Les ayants cause :
1. Monsieur Tran Nga, 70 ans;
2. Madame Tran Thi Tam, 68 ans;
Tous domiciliés au 8e hameau, Dinh Cong, Thanh Tri, Ville de Hanoi.
3. Monsieur Nguyen The Phong, 53 ans, domicilié à l’appartement n°3, Bâtiment A3,
Résidence de la Radio la Voix du Vietnam, quartier Thanh Xuan Bac, arrondissement Thanh
Xuan, Ville de Hanoi.
4. Madame Tran Thi Xuyen, 74 ans, domiciliée à l’appartement n°202, A1 Résidence
Dau, impasse Le Duan, arrondissement Dong Da, Ville de Hanoi.
5. Monsieur Nguyen Viet Cuong, 45 ans, domicilié à l’appartement n°202, A1
Résidence Dau, impasse Le Duan, arrondissement Dong Da, Ville de Hanoi.
6. Madame Do Thi Thin, 61 ans, domiciliée à l’appartement n° 107 N35, 39 Tran
Khanh Du, Ville de Hanoi.
7. Madame Tran Thi Lan Anh, 44 ans, domiciliée au 8e hameau, Dinh Cong, Thanh
Tri, Ville de Hanoi.
376
8. Monsieur Nguyen Minh Hai, 40 ans, résidant actuellement en Pologne (adresse
inconnue).
CONSTATANT QUE :
Madame Nguyen Thu Lan et Monsieur Tran Huan Dung se sont légitimement mariés
le 08-02-1985. En 1996, les contentieux ont été nés entre eux. En 2001, Madame Lan a
présenté une demande de divorce, à laquelle Monsieur Dung a donné son consentement.
L’enfant commun : Tran Hoang Bao né le 11 août 1986
Les biens communs :
+ Un certain nombre de meubles actuellement soumis à l’administration de Madame
Lan, dont la valeur totale est de 34.180.000 dongs.
+ Une moto actuellement soumise à l’administration de Monsieur Dung, dont la valeur
est de 20.000.000 dongs.
+ Un terrain vendu en 2000, dont le prix est de 31.654.000 dongs.
Les dettes communes : les deux parties reconnaissent la totalité des dettes est de : 2
taels d’or + 1300 USD + 4.000.000 dong, dont les créanciers sont :
- Madame Lan Anh 2 taels d’or + 200 USD,
- Madame Thin 200 USD,
- Madame Xuyen, Monsieur Cuong 4.000.000 dong + 400 USD
- Monsieur Hai 500 USD
Le logement que les deux époux occupent actuellement est l’appartement P106-N35,
Résidence de l’Hôpital 108, n° 39 Tran Khanh Du, Ville de Hanoi.
Sur l’origine du présent logement : Madame Lan déclare que sa belle-mère, qui est
Madame Tran Thi Tam, et elle-même ont travaillé ensemble à l’Hôpital 108. En 1985,
Madame Lan s’est mariée avec Monsieur Dung, les deux époux ont cohabité avec la famille
de ce dernier au 24 Phan Chu Trinh, ils ont ensuite déménagé à la Résidence de l’Hôpital 108,
tandis que les parents de Monsieur Dung ont déménagé au 8e hameau, commune Dinh Cong,
Thanh Tri. En 1988, Madame Tam est partie à la retraite, elle a reçu un financement attribué
par l’Hôpital 108 en vue de la construction de son logement, Madame Tam a dit à Madame
Lan que si cette dernière pouvait faire attribuer un logement conformément aux droits de
Madame Tam, elle le donnerait aux deux époux. Madame Lan a déposé une demande de
logement, grâce à ses efforts personnels et aux aides chaleureuses de son département, en
377
1990, l’Hôpital 108 a attribué un logement de 18m2 à l’A6 Résidence de l’Hôpital 108. La
décision d’attribution n’a inscrit aucun nom, c’était elle-même qui a écrit le nom de Madame
Tran Thi Tam dans ladite décision. Suite à cette attribution, son couple a habité le logement.
En 1997, à cause d’un aménagement de terrain, l’Hôpital a permis aux époux Lan et Dung de
déménager à l’appartement 106 N35 Résidence de l’Hôpital 108 au 39 Tran Khanh Du, Ville
de Hanoi, dont la superficie était de 40,02 m2. En 1998, Madame Lan et Monsieur Dung ont
brisé tous les mûrs, reconstruit tout l’intérieur de l’appartement (ils ont empiété sur un terrain
public de 15m2), les frais des travaux étaient de 74.000.000 dongs. À l’occasion de
l’inauguration du nouveau logement, les deux époux ont invité les proches des deux familles
d’origine à y venir, devant tous ces invités, les parents de Monsieur Dung ont déclaré donner
le présent logement aux deux époux. En 1999, Madame Lan a donné de l’argent à Monsieur
Dung et au père de celui-ci en vue d’acheter en liquidation le logement. Pour cette raison, le
cahier rouge626 portant sur le présent logement a été délivré, le beau-père l’a donné à Madame
Lan et elle le garde jusqu’à maintenant. Ainsi, malgré le fait que la décision d’attribution du
logement et le cahier rouge inscrivent le nom de Madame Tran Thi Tam, mais le présent
logement appartient en réalité aux époux Lan et Dung. De surcroît, Madame Tam et son mari
n’ont jamais habité les locaux mais ils résident toujours au 8e hameau, commune Dinh Cong.
À l’heure actuelle, lors du divorce, Madame Lan prétend la garde de l’enfant et l’attribution
d’une moitié dudit logement.
Madame Tam, Monsieur Nga et Monsieur Dung déclarent : L’appartement en cause a
été attribué à Madame Tam, son prix d’achat a été également réglé par les ressources de
Madame Tam et Monsieur Nga, Madame Tam n’a donné au couple de Monsieur Dung le
droit d’usage des locaux. Si ce couple s’entend bien, le logement leur sera donné ; s’ils
divorcent, le logement devra être restitué à Madame Tam et Monsieur Nga, ceux-ci
rembourseront les frais des travaux d’amélioration aux époux Dung et Lan.
Par le jugement civil en première instance n°62 du 26-3-2001, la Cour populaire de la
Ville de Hanoi a décidé :
- De reconnaître le divorce par consentement mutuel entre Madame Lan et Monsieur
Dung.
- En ce qui concerne l’enfant : De reconnaître la convention entre Madame Lan et
Monsieur Dung ; de confier à Madame Lan la garde de leur enfant commun nommé Tran
Hoang Bao, né le 11-8-1986. D’ordonner à Monsieur Dung le paiement d’une pension
626 Le titre du droit d’usage des fonds de terre, dont la couverture est de couleur rouge.
378
alimentaire de 200.000 dongs/mois jusqu’à l’âge de majorité de l’enfant ou jusqu’à un
changement ultérieur.
-En ce qui concerne les biens : De déterminer les biens communs des deux époux
comme suivants :
+ Les meubles : 54.180.000 dongs.
+ Le prix de vente du terrain : 31.654.000 dongs.
+Les frais de construction du logement : 53.525.000 dongs.
Total : 139.259.000 dongs.
D’en attribuer à Madame Lan 3/5 = 83.555.400 dongs
D’en attribuer à Monsieur Dung 2/5 =55.703.600 dongs
- En ce qui concerne les biens en nature :
D’attribuer à Madame Lan :
+ Les meubles actuellement soumis à son administration 34.180.000 dongs
+ Le prix de vente du terrain : 31.654.000 dongs.
+1/2 des frais de construction du logement : 26.762.000 dongs.
Total 92.496.000 dongs
D’attribuer à Monsieur Dung : une moto 20.000.000 dongs, 1/2 des frais de
construction du logement 26.762.000 dongs.
Total= 46.762.000 dongs
Madame Lan est tenu de régler à Monsieur Dung la différence de 8.940.000 dongs
- En ce qui concerne le logement : De déclarer que l’appartement 106 N35 au 39 Tran
Khanh Du, Hanoi appartient à Madame Tam et à Monsieur Nga ; d’ordonner à Monsieur
Dung et à Madame Lan de restituer tout le présent logement à Madame Tam. Madame Tam,
Monsieur Nga sont tenus à régler les frais de construction à Madame Lan et Monsieur Dung,
dont 26.762.000 dongs chacun. Madame Lan est autorisée à se maintenir dans la troisième
chambre, à droite à partir de la porte principale pendant le délai de deux ans, le couloir et les
toilettes sont soumis à l’usage commun.
- En ce qui concerne les dettes : Monsieur Dung est tenu au règlement de 700 USD +
2 taels d’or
Madame Lan est tenu au règlement de 600 USD + 4.000.000 dongs.
379
Suite à la première instance, Madame Lan, Monsieur Dung et Monsieur Nga ont fait
appel.
Par la décision d’appel n° 24 du 05-3-2002, la Chambre d’appel de la Cour populaire
suprême à Hanoi a décidé :
- De déterminer les biens communs des époux Tran Huan Dung et Nguyen Thu Lan
d’une valeur totale de 171.359.000 dongs.
- D’en attribuer à Madame Nguyen Thu Lan 3/5 = 102.815.400 dongs
- D’en attribuer à Monsieur Tran Huan Dung 2/5 = 68.543.600 dongs
- Madame Nguyen Thu Lan reçoit les biens d’une valeur de 124.596.000 dong, tandis
que les biens lui attribués sont d’une valeur de 102.815.000 dong, le surplus est donc de
21.781.000 dongs. Madame Nguyen Thu Lan est tenu de rembourser à Monsieur Tran Huan
Dung la somme de 21.781.000 dongs.
- Monsieur Tran Huan Dung reçoit une moto Spacy d’une valeur 20.000.000 dongs,
ainsi que la somme de 26.762.000 dongs que Madame Tam et Monsieur Nga lui remboursent.
Le total est de 46.762.000 dongs, Monsieur Dung a en outre le droit de recevoir de Madame
Lan 21.781.000 dongs.
- Madame Tran Thi Tam et Monsieur Tran Nga sont tenus de régler à Madame
Nguyen Thu Lan la somme de 26.762.000 dongs
- Madame Tran Thi Tam et Monsieur Tran Nga sont tenus de régler à Monsieur Tran
Huan Dung la somme de 26.762.000 dongs
- En ce qui concerne les dettes :
Madame Lan est tenu de régler à Madame Do Thi Thin 200 USD, à Monsieur Nguyen
Viet Cuong 400 USD, à Madame Tran Thi Xuyen 4.000.000 dongs. Monsieur Tran Huan
Dung est tenu de régler à Madame Tran Thi Lan Anh 2 taels d’or et 200 USD, à Monsieur
Nguyen Minh Hai 500 USD.
Madame Nguyen Thu Lan est tenu de rembourser à Monsieur Tran Huan Dung la
différence de 1.300.000 dongs entre règlements de dettes.
De déclarer que l’appartement 106-N35 au 39 Tran Khanh Du, Hanoi appartient à
Madame Tran Thi Tam et à Monsieur Tran Nga. Monsieur Tran Huan Dung et Madame
Nguyen Thu Lan sont tenus de restituer tout le présent logement à Madame Tam, Monsieur
Nga.
380
- Madame Nguyen Thu Lan est autorisée à se maintenir dans la troisième chambre (à
droite à partir de la porte principale) dans le délai de 12 mois (à compter de la date de
prononcé de la décision d’appel). Le couloir, les toilettes sont soumis à l’usage commun.
Madame Nguyen Thu Lan sont tenus de restituer à Madame Tran Thi Tam, Monsieur
Tran Nga les titres de propriété de l’appartement 106-N35 au 39 Tran Khanh Du, Hanoi
(qu’elle garde encore).
La décision d’appel a en outre des prononcés sur les dépens de partage des biens.
Suite à l’audience d’appel, Madame Nguyen Thu Lan ont déposé plusieurs
réclamations en vue de l’attribution de 1/2 du logement à son profit, ce qui favoriserait
l’entretien envers son enfant.
Par la Décision d’opposition n°12 du 15-11-2002, le Président de la Cour populaire
suprême a attaqué les prononcés portant sur le logement dans la Décision d’appel n°24 du
05-3-2002 de la Cour d’appel de la Cour populaire suprême à Hanoi comme quoi il faudrait
attribuer à Madame Lan une superficie du logement et cette quote-part serait déduite des
contributions de Madame Lan aux locaux.
Par la Conclusion n° 38 du 14-3-2003, le Parquet populaire suprême a émis son accord
avec la Décision d’opposition du Président de la Cour populaire suprême ; a demandé au
Conseil des Juges de la Cour populaire suprême de juger en supervision, d’annuler ladite
Décision d’appel, de déférer le dossier à la Chambre d’appel de la Cour populaire suprême à
Hanoi en vue de rejuger en appel conformément aux demandes de la Décision d’opposition
précitée.
ATTENDU QUE :
La décision d’appel a correctement résolu le rapport de mariage et la garde, l’entretien
de l’enfant commun, mais la détermination des biens communs de Madame Lan et de
Monsieur Dung ainsi que le partage du logement étaient irraisonnables.
Le titre de propriété de l’appartement 106 N35 au 39 Tran Khanh Du, Hanoi inscrit le
nom de Madame Tam comme propriétaire. Le présent logement a été acheté en liquidation, le
titulaire du droit d’achat était celui du droit d’usage qui avait été attribué par avant. Le
premier logement attribué n’avait qu’une superficie de 18m2 à A6 Résidence de l’Hôpital
militaire 108. Suite à l’attribution, il n’y avait que les époux Lan et Dung qui habitaient les
locaux. En 1997, les époux Lan et Dung ont été autorisés à déménager à l’appartement 106
N35 dont la superficie était de 40,02m2. En 1998, les époux Lan et Dung ont amélioré et
381
élargi les locaux jusqu’à 55,02m2. Ce n’est qu’en 1999 que l’achat en liquidation du logement
avait lieu et la superficie inscrite dans le titre de propriété n’était que de 40,02 m2. Ainsi, il
reste encore 15m2 qui existe en dehors du titre de propriété inscrivant le nom de Madame
Tam.
Avec la formation du droit de propriété et l’occupation des locaux précitées, il y a
certaines questions à clarifier : La superficie de 18m2 attribuée au premier temps répondait-
elle exclusivement aux droits de Madame Tam comme ceux des autres cadres, ou prenait-elle
en compte le fait que Madame Lan, qui était la belle-fille de Madame Tam, travaillait
également à l’Hôpital (selon les déclarations de Madame Lan, la décision d’attribution du
logement n’a inscrit aucun nom, c’était elle-même qui a écrit le nom de Madame Tam dans
ladite décision) ? Lors du changement d’appartement, l’augmentation de la superficie de
18m2 à 40,02m2 était-elle ordinaire comme celles des autres foyers, ou prenait-elle en compte
les occupants effectifs des locaux ? La vente en liquidation du logement en 1999 tenait-elle
compte uniquement des droits de Madame Tam, ou prenait-elle en considération les membres
du foyer qui occupaient effectivement les locaux ? Pendant la procédure de la demande de
logement, ainsi que celle de la délivrance du titre de propriété, Madame Lan avait-elle des
contributions ? Les juridictions de premier degré et de second degré, en déclarant simplement
que les frais d’amélioration du logement appartenaient à la masse des biens communs de
Madame Lan et Monsieur Dung, tandis qu’elles n’ont pas encore suffisamment clarifié les
questions précitées, n’ont pas correctement assuré les droits et intérêts légitimes des
intéressés.
En réalité, le titre de propriété de l’appartement 106 N35 au 39 Tran Khanh Du inscrit
le nom de Madame Tam, mais ont été apportés à cet ensemble de biens les biens et
contributions conjointes des époux Dung et Lan ; à la suite du divorce, Madame Lan assure la
garde et l’entretien de l’enfant mais elle n’a pas d’autres locaux d’habitation, il faut donc
examiner l’attribution préférentielle d’une part des biens en nature au profit de Madame Lan,
qui est équivalente aux investissements que Madame Lan et Monsieur Dung ont réalisés dans
la réparation, l’amélioration, l’élargissement… dudit logement ; les droits et intérêts des
intéressés seront ainsi assurés.
Par ces motifs,
382
DÉCIDE :
- D’annuler la totalité des prononcés sur le partage des biens et les dépens de partage
des biens (y compris le règlement des dettes) de la Décision d’appel n°24 du 05-3-2002 de la
Chambre d’appel de la Cour populaire suprême à Hanoi et du jugement en première instance
n°62 du 26-3-2001 de la Cour populaire de la Ville de Hanoi dans l’affaire de divorce entre
Madame Nguyen Thu Lan et Monsieur Tran Huan Dung.
- De déférer le dossier de l’affaire à la Cour populaire de la Ville de Hanoi, pour
qu’elle instruise et juge en première instance le partage des biens conformément aux
dispositions légales.
- Les autres prononcés de la Décision d’appel précitée qui n’ont pas été attaqués par la
Décision d’opposition conservent leur force de la chose jugée.
2. ARRÊT N° 34/2003/HDTP-DS DU 23-12-2003 SUR L’AFFAIRE DE MARIAGE
ET DE FAMILLE
LE CONSEIL DES JUGES DE LA COUR POPULAIRE SUPRÊME
....................
À l’audience du 23-12-2003, statuant en procédure de supervision sur l’affaire de
mariage et de famille entre :
Demanderesse : Madame Vo Thi Hoang Anh, née en 1968
Adresse : n°299 Ly Tu Trong, quartier Ben Thanh, 1er arrondissement, Ho Chi Minh –
Ville.
Résidant temporairement au 30/14 Calmete, quartier Nguyen Thai Binh, 1er
arrondissement, Ho Chi Minh – Ville.
Défendeur : Monsieur Tran Van Muoi, né en 1959
Adresse : n° 1830 Deerfiel Cir, Corona, CA 91720 – USA
Résidant temporairement au 299 Ly Tu Trong, quartier Ben Thanh, 1er arrondissement,
Ho Chi Minh – Ville.
Les ayants cause :
1. La Banque de dépôt commerciale par actions A Chau
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Adresse : n°442 Nguyen Thi Minh Khai, 3e arrondissement, Ho Chi Minh – Ville.
2. Monsieur Nguyen Van Tu
Adresse : n° 408 Pham Van Hai, 5e quartier, arrondissement Tan Binh, Ho Chi Minh –
Ville
3. Madame Tran Thi Minh Tuyet
Adresse : n°30/14 Calmete, quartier Nguyen Thai Binh, 1er arrondissement, Ho Chi Minh
– Ville.
4. Madame Vo Tran Diem Thy
Adresse : n°30/14 Calmete, quartier Nguyen Thai Binh, 1er arrondissement, Ho Chi Minh
– Ville.
CONSTATANT QUE :
Monsieur Muoi est Américain d’origine vietnamienne, qui s’est marié avec Madame
Hoang Anh le 27-8-1996 au Comité populaire de Ho Chi Minh – Ville.
Les époux Muoi et Anh se sont mis en contentieux et mènent une séparation de fait
depuis Octobre 2001. Madame Anh demande le divorce. Monsieur Muoi demande la réunion
en vue de l’entretien des enfants communs.
Les époux ont deux enfants communs :
- Tran Anh Phuong, née le 29-11-1995.
- Tran Phuong Phuong, née le 18-10-1999.
Chacun des époux demande la garde des enfants sans avoir besoin des pensions
alimentaires payées par l’autre.
En ce qui concerne les biens :
- Les époux reconnaissent à l’unanimité :
+ Les deux voitures et deux motos, les époux se partagent conventionnellement chacun
une voiture, une moto, sans avoir besoin du remboursement de la différence de valeur.
+ Les marchandises de l’entreprise Phuc Anh, qu’ils ont créée, comprennent 224 motos
d’une valeur de 919.378.000 dongs et 10.812 USD.
+ Les époux ont la totalité des dettes de 151.940 USD (900.000.000 dongs envers la
Banque A Chau ; 61.000 USD envers Monsieur Tu ; 15 taels d’or envers Madame Tuyet).
Les biens en contentieux comprennent :
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Selon Madame Anh :
+ Le logement au 299 Ly Tu Trong, 1er arrondissement est un bien commun des époux,
elle demande le partage du présent bien en deux parts égales.
Selon Monsieur Muoi :
+ Le logement au 299 Ly Tu Trong, 1er arrondissement est son bien propre, qu’il a acquis
tout longtemps avant son mariage. À l’époque, il était étranger d’origine vietnamienne, c’est
pourquoi il a demandé à Madame Anh d’accomplir les formalités d’acquisition au nom de
cette dernière en 1993. Madame Anh a conclu un contrat de prêt de 110.000.000 dongs avec
Monsieur Muoi, ce montant était exactement égal aux frais d’enregistrement du logement, elle
a mis celui-ci en hypothèque à Monsieur Muoi. Ce dernier prétend sa propriété privée sur
ledit logement.
+ Madame Anh administre encore 108.000 USD, qui sont le surplus démontré dans les
cahiers, Monsieur Muoi demande le partage de cette somme en deux parts égales.
+ Le cautionnement déposé lors de la création de l’entreprise est de 1.000.000.000 dongs,
Monsieur Muoi exige que Madame Anh le lui rembourse.
Le 17-12-2001, Monsieur Muoi et Madame Anh (pages n°141-142) rédigent chacun un
acte disant que :
* Madame Anh accepte de remettre à Monsieur Muoi la totalité des motos de
l’entreprise, Monsieur Muoi est tenu de payer la dette de 151.940 USD. Monsieur Muoi est en
outre tenu de rembourser à Madame Anh 4.500 USD.
* Monsieur Muoi accepte de recevoir lesdites motos et de payer la dette sous condition
que Madame Anh lui rembourse le capital, les fonds restants dans la caisse et qu’elle ne
remette en cause la propriété privée de Monsieur Muoi sur le logement.
Par le jugement civil de première instance 440/HNST du 02-4-2002, la Cour populaire
de Ho Chi Minh – Ville a décidé :
1. En ce qui concerne le rapport conjugal : d’accepter la demande de divorce de
Madame Vo Thi Hoang Anh.
2. En ce qui concerne les enfants communs :
- Madame Hoang Anh continue à assurer la garde des deux enfants communs :
Tran Anh Phuong, née le 29-11-1995
Tran Phuong Phuong, née le 18-10-1999.
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Les pensions alimentaires au profit des enfants ne sont pas examinées en l’absence de
demande de Madame Hoang Anh.
- Monsieur Muoi a le droit et l’obligation à la visite, au soin, à l’entretien, à l’éducation
des enfants communs.
- Pour les intérêts des enfants, en cas de nécessité, il sera possible de changer le régime
de pension alimentaire ou la personne qui assure la garde de ceux-ci.
3. En ce qui concerne les biens :
a) De reconnaître la convention entre Madame Hoang Anh et Monsieur Muoi portant sur
les biens suivants :
- 4 véhicules :
+ Monsieur Muoi reçoit la voiture de marque Honda Accord, immatriculée 52M-7279 et
la moto Dream II, immatriculée 50M-7622 : ces deux véhicules sont actuellement soumis à
l’administration de Monsieur Muoi.
+ Madame Hoang Anh reçoit le camion de marque KIA, immatriculée 54M-7540, qui est
actuellement soumis à l’administration de Monsieur Muoi, et la moto Spacy, immatriculée
51T5-1999, qui est actuellement soumis à l’administration de Madame Hoang Anh.
- En ce qui concerne les marchandises restantes+ les dettes à recouvrer et les dettes à
payer :
- Monsieur Muoi reçoit la totalité des 224 motos de plusieurs types + 919.378.000 dongs
+ 10.812 USD. En même temps, il est tenu au paiement de la totalité des dettes de 151.940
USD, y compris celle envers la Banque commerciale A Chau, celle envers Monsieur Tu et
celle envers Madame Tuyet, toutes démontrées dans le bilan établi le 28-7-2001.
- Monsieur Muoi est tenu de rembourser à Madame Hoang Anh 68.404.000 dongs
(équivalents à 4.500 USD), qui est la différence entre les deux masses de biens que chacun
des époux reçoit.
- Madame Hoang Anh est tenu de remettre à Monsieur Muoi toutes les factures des
motos que la SARL Phuc Anh a entrées, jusqu’à 01-4-2002.
b) En ce qui concerne les biens en contentieux :
- Le logement au 229 Ly Tu Trong, quartier Ben Thanh, 1er arrondissement, Ho Chi
Minh – Ville : Madame Hoang Anh reçoit le présent logement et est tenue de rembourser à
Monsieur Muoi 1/2 de sa valeur au moment de l’exécution du jugement.
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- De débouter Monsieur Muoi de sa demande de 54.000 USD remboursés par Madame
Hoang Anh
c) En ce qui concerne les dettes envers la Banque commerciale A Chau
Monsieur Muoi est tenu de payer à la Banque commerciale A Chau les capitaux de
450.000.000 dongs et les intérêts jusqu’au 20-5-2002, avec le taux de 0,9%/mois. Au delà de
cette date, si Monsieur Muoi n’arrive pas encore à régler la totalité des dettes, il sera tenu de
payer les intérêts à la Banque avec un taux de pénalisation de 1,35%/mois à compter du
21-5-2002 jusqu’à l’exécution totale du présent prononcé.
- À compter de la date où le présent jugement a la force de chose jugée, si Monsieur
Muoi ne paie pas les dettes envers la Banque commerciale A Chau, Madame Hoang Anh sera
tenu de régler la totalité desdits capitaux et intérêts, puis ces sommes seront déduites du 1/2
de la valeur du logement que Monsieur Muoi reçoit.
- La Banque commerciale A Chau sera tenue de restituer les titres du logement
hypothéqué à Madame Hoang Anh quand elle aura récupéré tous les capitaux et intérêts.
d) Monsieur Muoi est tenu de payer à Madame Tran Thi Minh Tuyet 15 taels d’or SJC et
à Monsieur Nguyen Van Tu 494.032.500 dongs (équivalents à 32.000 USD) dès que le
présent jugement a la force de chose jugée.
4. La décision mettant en application les mesures urgentes provisoires n° 12/ADKCTT
du 04-3-2002 de la Cour populaire de Ho Chi Minh – Ville deviendra caduque quand
Monsieur Muoi aura accompli l’exécution de toutes ses obligations fixées par le présent
jugement.
5. En ce qui concerne les dépens civils en première instance :
Madame Hoang Anh en est condamné aux 29.289.000 dongs ;
Monsieur Muoi en est condamné aux 29.289.000 dongs et 18.626.000 dongs. La totalité
est donc de 47.915.000 dongs.
De restituer à Madame Hoang Anh 50.000 dongs de dépens provisoires déposés selon la
facture n° 024679 du 17-5-2001 de la Chambre d’exécution, Ho Chi Minh – Ville.
Le 15-4-2002, Monsieur Muoi a fait appel pour demander :
- La réunion familiale, la garde des enfants.
- La réexamen total du partage des biens.
387
Par la Décision civile d’appel n°34/HNPT du 18-9-2002, la Chambre d’appel de la Cour
populaire suprême à Ho Chi Minh – Ville a décidé :
De débouter Monsieur Muoi de son appel, de maintenir le jugement civil de première
instance n°440/HNST du 02-4-2002 de la Cour populaire de Ho Chi Minh – Ville.
1. En ce qui concerne le rapport conjugal : d’accepter la demande de divorce de
Madame Vo Hoang Anh.
2. En ce qui concerne les enfants communs :
Madame Vo Hoang Anh assure la garde et l’entretien des deux enfants communs :
- Tran Anh Phuong, née le 29-11-1995.
- Tran Phuong Phuong, née le 18-10-1999.
- Les pensions alimentaires au profit des enfants ne sont pas examinées en l’absence de
demande de Madame Anh.
Monsieur Muoi ont les droits et obligations à la visite, au soin, à l’entretien, à
l’éducation des enfants communs.
Pour les intérêts des enfants, en cas de nécessité, il sera possible de changer le régime de
pension alimentaire ou la personne qui assure la garde de ceux-ci.
3. En ce qui concerne les biens :
Le logement au 299 Ly Tu Trong, quartier Ben Thanh, 1er arrondissement, Ho Chi Minh
– Ville : Madame Vo Thi Hoang Anh le reçoit et est tenue de rembourser à Monsieur Tran
Van Muoi 1/2 de sa valeur selon le prix au moment de l’exécution de la présente décision.
De débouter Monsieur Muoi de sa demande de 54.000 USD remboursés par Madame
Hoang Anh dans leurs fonds communs de 108.000 USD.
4. Les autres prononcés du jugement de première instance, qui n’ont pas été attaqués par
l’appel, ont eu la force de chose jugée (y compris les dépens).
5. De condamner Monsieur Muoi aux 50.000 dongs de dépens d’appel civil (déduits des
dépens d’appel provisoires déposés).
Monsieur Muoi a présenté des réclamations :
- Le logement au 299 Ly Tu Trong est son bien propre, il l’a acquis avant son mariage.
L’attribution préférentielle dudit logement au profit de Madame Anh décidée par les
juridictions lui cause des préjudices, le logement en cause est le siège de l’entreprise de
Monsieur Muoi dont le Comité populaire de la Ville a permis la création
388
- Les liquidités restantes de 108.000 USD dans la caisse ont été enlevées par Madame
Anh, Monsieur Muoi en réclame la moitié.
- Le capital fixe d’un milliard de dongs déposé lors de la création de l’entreprise n’est pas
encore traité.
- La dette de 900 millions de dongs envers la Banque, lorsque Madame Anh a quitté la
résidence familiale, Monsieur Muoi en a payé plus de 500 millions de dongs, le fait que les
juridictions le condamnent à payer 450 millions de dongs qui restent est irraisonnable et
injuste.
- En ce qui concerne la convention passée le 17-12-2001, Monsieur Muoi accepte de
recevoir les marchandises et les dettes uniquement sous condition que Madame Anh ne
remette en cause la propriété privée de Monsieur Muoi sur le logement et qu’elle lui restitue
les fonds encore soumis à son administration. À l’heure actuelle, Madame Anh garde toutes
les factures douanières et ne les lui restitue pas, Monsieur Muoi ne peuvent pas donc vendre
les motos restantes, il doit en subir les préjudices.
Par la Décision n°23/KNDS du 29-4-2003, le Président de la Cour populaire suprême a
attaqué les prononcés concernant le partage des biens de ladite Décision d’appel.
Par la Conclusion n°97/KL-VKSTC-V5 du 06-10-2003, le Président du Parquet
populaire suprême a émis son accord avec la Décision du Président de la Cour populaire
suprême ; a demandé l’annulation des prononcés sur le partage des biens de ladite Décision
d’appel pour qu’il soit rejugé en appel.
ATTENDU QUE :
1. En ce qui concerne le logement au 299 Ly Tu Trong :
Monsieur Muoi déclare qu’il a acquis le logement au 299 Ly Tu Trong d’un prix de 416
taels d’or de Monsieur Lim Fang, les ressources affectées au présent achat étaient le prix de
vente de 360 taels d’or de son ancien logement au 125 Ly Tu Trong et les fonds qu’il avait
reçu lors de son divorce avec son épouse précédente. À l’époque, l’État n’autorisait pas
l’achat des logements par les étrangers, c’est pourquoi à la présentation de Monsieur Nguyen
Van Tu, Monsieur Muoi a demandé à Madame Hoang Anh d’acheter le logement au nom de
celle-ci. À ce moment-là, Monsieur Muoi et Madame Hoang Anh n’ont pas encore été mariés.
Les déclarations de Monsieur Muoi sont conformes à celles de Monsieur Lim Fang (le
vendeur du logement) et à celles de Monsieur Nguyen Van Tu (ami de Madame Hoang Anh
et Monsieur Muoi ensemble, et beau-frère de Madame Hoang Anh). Monsieur Lim Fang
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déclare qu’il était propriétaire du logement au 299 Ly Tu Trong, mais parce qu’il était
étranger d’origine vietnamienne, les titres de propriété portaient toujours le nom de l’ancienne
propriétaire, qui était Madame Giang Cam Huong. C’était Monsieur Muoi qui a visité le
logement, il n’a fait Madame Hoang Anh venir accomplir les formalités d’achat au nom de
celle-ci qu’après que Monsieur Lim Fang et lui-même avaient convenu du prix du logement.
C’était Monsieur Muoi qui a directement livré de l’or à Monsieur Lim Fang, mais il est venu
toujours avec Madame Hoang Anh à chaque livraison. Lorsque Monsieur Lim Fang a remis la
maison à Monsieur Muoi, il restait encore 90 taels d’or à payer, Monsieur Muoi ne les a réglés
qu’environ un mois après (la déclaration du 16-10-2001, page 204).
Monsieur Nguyen Van Tu déclare : Au début Monsieur Muoi avait acheté le logement
proche de la porte Nord du marché Ben Thanh ; après sa rencontre avec Madame Hoang Anh,
les deux personnes se sont discutées et ont vendu ledit logement pour un prix de près de 400
taels d’or, puis elles ont acheté le logement au 299 Ly Tu Trong. À ce moment-là ces deux
personnes ont poursuit une vie commune mais elles ne se sont pas encore mariées. Tous les
documents d’achat ont été faits par Madame Hoang Anh (la déclaration du 19-11-2001, page
206). À l’audience de première instance du 29-3-2002, Monsieur Tu confirme qu’il avait
présenté Madame Hoang Anh à Monsieur Muoi pour l’accomplissement des formalités du
présent achat au nom de celle-là.
Les déclarations de Madame Hoang Anh concernant le logement au 299 Ly Tu Trong,
par contre, contiennent des contradictions. Selon procès-verbal des déclarations du 25-6-2001,
Madame Hoang Anh a dit : Le logement au 299 Ly Tu Trong avait été acquis avant le
mariage mais pour l’attachement conjugal, elle acceptait que ce bien soit commun. À la
déclaration du 28-6-2001, Madame Hoang Anh a dit que Monsieur Muoi voulait également le
divorce, mais il s’inquiétait du partage du logement et des biens. Au procès-verbal de la
confrontation du 30-8-2001 et à l’audience de première instance du 29-3-2002, Madame
Hoang Anh a déclaré que le logement au 299 Ly Tu Trong était un bien commun, elle a
reconnu que le logement au 125 Ly Tu Trong avait été vendu avant l’achat de celui au 299 Ly
Tu Trong, mais le prix de vente du premier ne restait pas intacte car Monsieur Muoi était tenu
à payer des dommages et intérêts à une autre femme. À l’audience d’appel du 19-8-2002,
Madame Hoang Anh déclare que c’était elle qui a acheté le logement au 299 Ly Tu Trong,
mais elle ne se souvient pas du prix, elle n’arrive pas à démontrer par quelles ressources elle a
pu acheter ledit logement. En somme, malgré le fait que seulement le nom de Madame Hoang
Anh est inscrit dans le titre de propriété du logement au 299 Ly Tu Trong, elle reconnaît
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toujours que celui-ci est un bien commun, en même temps elle n’arrive pas à démontrer ses
propres ressources affectées à l’achat en cause.
Pour ces raisons, il est possible de conclure que le logement au 299 Ly Tu Trong est un
bien commun de Monsieur Muoi et Madame Hoang Anh, que Monsieur Muoi y a de plus
grandes contributions. Dans le partage dudit logement, les juridictions de premier degré et de
second degré ont attribué à chacune des deux parties 1/2 de sa valeur car elles n’avaient pas
correctement examiné et apprécié l’origine du bien et les contributions de chacune des deux
parties ; cela est irraisonnable et ne garantit pas les droits et intérêts pécuniaires des intéressés.
En ce qui concerne le partage en nature : Monsieur Muoi est étranger, il doit donc
prouver qu’il répond suffisamment aux conditions légales d’être propriétaire d’un logement.
Au cas où Monsieur Muoi arrive à démontrer qu’il satisfait aux conditions d’être propriétaire
du logement au 299 Ly Tu Trong, l’attribution préférentielle du celui-ci devra tenir compte
des contributions respectives et des besoins réels de chacune des parties.
2. En ce qui concerne la somme restante de 108.539 USD
Monsieur Muoi a fait des déclarations et en a fourni la preuve, qui était le cahier que
Madame Hoang Anh avait établi à compter du démarrage des affaires (juin 1994), avec le
capital initial de 58.000 USD. Au mois de décembre 1998, après déduction des frais, le capital
était de 184.182 USD. Au mois de décembre 2000, le capital était de 121.035 USD. Ensuite,
au mois d’avril 2001, le capital restant était de 108.539 USD. Le présent cahier a été gardé et
rempli d’une manière continuelle par Madame Hoang Anh. Ainsi, les preuves de la situation
actuelle du capital restant doivent être à la charge de Madame Hoang Anh. Le fait que les
juridictions de premier degré et de second degré ont chargé Monsieur Muoi de la présente
obligation de démonstration et l’ont débouté de sa demande de remboursement est incorrect.
3. En ce qui concerne les dépens. Il faudra régulariser les dépens conformément au
nouveau partage des biens.
Par ces motifs et vu l’article 77 alinéa 4 de l’Ordonnance sur les procédures du traitement
des affaires civiles,
DÉCIDE :
D’annuler la 3e rubrique portant sur les biens et les dépens concernant ces biens de la
Décision civile d’appel n°34/HNPT du 18-9-2002 de la Chambre d’appel de la Cour populaire
suprême à Ho Chi Minh – Ville pour l’affaire de mariage et de famille entre la demanderesse
Madame Vo Thi Hoang Anh et le défendeur Monsieur Tran Van Muoi.
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De déférer le dossier de l’affaire à la Chambre d’appel de la Cour populaire suprême à
Ho Chi Minh – Ville pour que celle-ci la résolve en procédure d’appel conformément aux
dispositions légales.
3. ARRÊT DE SUPERVISION N°13/HDTP-DS DU 25-02-2005 SUR
L’AFFAIRE DE “CONTENTIEUX DE LA SUCCESSION”
LE CONSEIL DES JUGES DE LA COUR POPULAIRE SUPRÊME
Le 25 février 2005, au siège de la Cour populaire suprême, est ouverte l’audience en
procédure de supervision pour le contentieux de la succession entre intéressés :
Demanderesse : Madame Tran Thieu Khanh, née en 1960
Domiciliée au 139 Phan Dinh Phung, 9e groupe, 2e quartier, Ville de Ca Mau,
province de Ca Mau.
Défenderesse : Madame Luu Thoai Sum, née en 1940
Domiciliée au 211 Ly Thai Ton, 6e groupe, 2e quartier, Ville de Ca Mau, province de
Ca Mau.
Les ayants droits :
1. Monsieur Vuong Nhat Hung, domicilié au 272 VIEWNOUNT AVE TORONTO
CANADA.
2. Monsieur Tran Dieu, domicilié au 196 Ly Thuong Kiet, 1er groupe, 6e quartier, Ville
de Ca Mau, province de Ca Mau.
3. Monsieur Tran Vinh, domicilié au 139 Phan Dinh Phung, 9e groupe, 2e quartier,
Ville de Ca Mau, province de Ca Mau (affecté d’une maladie mentale congénitale).
4. Madame Luu Bich Xuyen, domiciliée au 163 Tran Hung Dao, 8e groupe, 5e
quartier, Ville de Ca Mau, province de Ca Mau.
5. Madame Luu Gia Thuan, domiciliée au 32/12, 5e groupe, 2e quartier, Ville de Ca
Mau, province de Ca Mau.
6. Monsieur Luu Quoc Thanh
7. Monsieur Luu Quoc Oai
392
8. Madame Luu Gia Loi
9. Madame Tran Thi Phuong
Tous domiciliés au 211 Ly Thai Ton, 6e groupe, 2e quartier, Ville de Ca Mau, province
de Ca Mau.
CONSTATANT QUE :
Monsieur Vuong Cam Mang s’est marié avec Madame Tran Thi Ngoc en 1948, ils
avaient 4 enfants communs : Vuong Nhat Hung, Tran Dieu, Tran Vinh (affecté d’une maladie
mentale congénitale), Tran Thieu Khanh. En 1959, Monsieur Mang s’est encore marié à
Madame Luu Thoai Sum et ils avaient 5 enfants communs : Luu Bich Xuyen, Luu Gia Thuan,
Luu Quoc Thanh, Luu Quoc Oai, Luu Gia Loi. Monsieur Mang et ses deux épouses
poursuivaient une communauté de vie et d’activités économiques familiales.
Avant 1975, toute la famille habitait à Ho Chi Minh – Ville, en 1976 ils ont vendu leur
logement à Ho Chi Minh-Ville et ont déménagé au 211 Ly Thai Ton, 6e groupe, 2e quartier,
Ville de Ca Mau, province de Ca Mau, le dernier logement appartenait à Madame Ly Thi
Trieu - mère de Madame Ngoc.
Le 04-4-1978, Madame Trieu a établi l’acte de transfert du logement à sa fille
Madame Ngoc. En 1979, Monsieur Vuong Nhat Hung a immigré au Canada. En 1983,
Madame Tran Thieu Khanh s’est mariée et est partie habiter ailleurs. En 1985, Monsieur Tran
Dieu a acheté un logement, Madame Ngoc, Monsieur Tran Vinh y sont venus alors cohabiter
avec Monsieur Dieu (Monsieur Vinh est ensuite venu cohabiter avec la famille de Madame
Khanh).
Le logement au 211 Ly Thai Ton était habité et administré par Madame Sum et ses
enfants Monsieur Thanh, Madame Loi, Monsieur Oai et son épouse Madame Phuong.
Madame Sum a effectué des travaux d’amélioration et de réparation en 1995 et en 2002.
En 1995, Madame Ngoc est décédée sans laisser aucun testament.
Le 14-5-1998, Monsieur Mang a fait un testament, par lequel il a confié tout le
logement en cause à Madame Tran Thieu Khanh. En 1999, Monsieur Mang est décédé.
Madame Khanh a déposé au tribunal une demande de partage successoral pour exiger
la récupération dudit logement.
La défenderesse (Madame Sum) a reconnu que le logement en cause avait été acheté
393
de Madame Ly Thi Trieu par le prix de vente du logement de la famille à Ho Chi Minh –
Ville, c’est pourquoi toute la famille avait poursuivi une vie commune dans le présent local ;
elle a contesté le testament de Monsieur Mang et a demandé une liquidation légale de la
succession.
Messieurs Vuong Nhat Hung et Tran Dieu ont renoncé à leurs parts successorales et
ont demandé l’attribution de ces parts à Madame Tran Thieu Khanh.
Selon le procès-verbal d’évaluation du 25-7-2003 (pages 126-134), le logement et le
terrain au 211 Ly Thai Ton, 6e groupe, 2e quartier, Ville de Ca Mau valaient : le logement
37.586.900 dongs, le terrain de 78,92 m2 197.300.000 dongs, la totalité était de 234.886.900
dongs. Les largeurs du terrain étaient de 2,65m et de 2,80m.
Par le jugement civil de première instance n°15/DSST du 22 décembre 2003, la Cour
populaire de la province de Ca Mau a décidé :
1. D’ordonner à Madame Luu Thoai Sum, Monsieur Luu Quoc Thanh, Monsieur Luu
Quoc Oai, Madame Luu Gia Loi, Madame Truong Thi Phuong – occupants du logement au
211 Ly Thai Ton, 6e groupe, 2e quartier, Ville de Ca Mau, province de Ca Mau la restitution
desdits logement et terrain à Madame Tran Thieu Khanh. Celle-ci est autorisée à accomplir
les formalités d’enregistrement de son droit de propriété du logement et de son droit d’usage
des fonds de terre envers les locaux précités conformément aux dispositions légales.
2. De condamner Madame Tran Thieu Khanh à rembourser à Madame Luu Thoai Sum
la valeur de la quote-part de celle-ci dans lesdits logement et terrain de 78.295.633 dongs.
3. Madame Tran Thieu Khanh est tenue à l’administration de la part successorale de
Monsieur Tran Vinh de 22.618.737 dongs (puisque Madame Khanh assure actuellement
l’entretien de Monsieur Tran Vinh).
4. Madame Luu Thoai Sum et les autres cooccupants des locaux ont le droit de s’y
maintenir dans le délai de 90 jours à compter de la date où le présent jugement a la force de
chose jugée. À l’expiration de ce délai, ils seront tenus de restituer le logement et le terrain à
Madame Tran Thieu Khanh.
5. En ce qui concerne le remboursement que Madame Tran Thieu Khanh doit
effectuer, à compter de la date où Madame Sum dépose une demande d’exécution du
jugement ayant force de chose jugée, si Madame Khanh est en retard dans l’exécution de son
obligation, elle devra payer les intérêts de retard fixés par la Banque de l’État, conformément
394
aux temps et montants retardataires.
6. De dispenser les parties des dépens de partage des biens. Madame Tran Thieu
Khanh et Madame Luu Thoai Sum sont tenues de payer chacune 50.000 dongs de dépens
civils en première instance.
À la suite de l’audience en première instance, le 06-01-2004, Madame Luu Thoai Sum
a fait appel pour demander l’attribution préférentielle du logement en cause à son profit, au
motif qu’elle n’avait pas d’autres locaux d’habitation ; que ses enfants et elle-même ont habité
le présent logement d’une manière stable à compter de 1976 jusqu’à l’heure actuelle.
Par la décision civile d’appel n°115 du 19-4-2004, la Chambre d’appel de la Cour
populaire suprême à Ho Chi Minh – Ville a décidé :
1. D’accepter l’appel de Madame Luu Thoai Sum, de modifier partiellement le
jugement en première instance n°15/DSST du 22-12-2003 de la Cour populaire de la province
de Ca Mau.
D’attribuer à Madame Luu Thoai Sum le droit de propriété du logement au 211 Ly
Thai Ton, 6e groupe, 2e quartier, Ville de Ca Mau, province de Ca Mau. Madame Sum est
autorisée à contacter les autorités compétentes afin de lui faire délivrer le titre du droit
d’usage des fonds de terre et du droit de propriété du logement conformément aux
dispositions légales.
Madame Luu Thoai Sum est tenue de rembourser à Madame Tran Thieu Khanh la
somme de 156.590.366 dongs (y compris la part successorale de Monsieur Tran Vinh de
22.618.737 dongs, que Madame Khanh reçoit en qualité de représentant légal de ce dernier).
En ce qui concerne la somme que Madame Sum doit rembourser à Madame Khanh, à
compter de la date où Madame Khanh dépose une demande d’exécution de la décision
judiciaire ayant force de chose jugée, si Madame Sum est en retard dans l’exécution de son
obligation, elle devra payer les intérêts de retard fixés par la Banque de l’État, conformément
aux temps et montants retardataires.
2. Les autres prononcés du jugement de première instance qui n’ont pas été attaqués en
appel conservent leur force de chose jugée.
3. Madame Luu Thoai Sum n’est pas condamnée aux dépens civils d’appel, elle peut
donc récupérer les dépens provisoires déposés selon la facture n°012225 du 06-01-2004 de la
Chambre d’exécution de la province de Ca Mau.
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À la suite de l’audience d’appel, Madame Tran Thieu Khanh a présenté des
réclamations pour demander l’attribution préférentielle du logement à son profit, au motif
qu’elle assurait l’entretien de Monsieur Tran Vinh, qui était affecté d’une maladie mentale
congénitale.
Le 21-7-2004, le Comité des Juges de la Cour populaire de la province de Ca Mau a
adopté la note officielle n°30 demandant au Président de la Cour populaire suprême
d’attaquer la décision d’appel précitée.
Le 29-9-2004, la Commission de législation du Conseil populaire de la province de Ca
Mau a adopté la note officielle n°02 demandant au Président de la Cour populaire suprême
d’attaquer la décision d’appel afin de maintenir le jugement de première instance en ce qui
concerne le partage en nature du logement au 211 Ly Thai Ton, 6e groupe, 2e quartier, Ville
de Ca Mau, province de Ca Mau.
Le 29-12-2004, le Président de la Cour populaire suprême a émis la Décision
n°120/KNDS attaquant la décision d’appel précitée, demandant au Conseil des Juges de la
Cour populaire suprême de juger l’affaire en procédure de supervision, d’annuler le jugement
de première instance et la décision d’appel, pour que la juridiction de premier degré résolve à
nouveau l’affaire conformément aux dispositions légales.
À l’audience le représentant du Parquet populaire suprême émet son accord avec la
décision du Président de la Cour populaire suprême, demande au Conseil des Juges de la Cour
populaire suprême de juger l’affaire en procédure de supervision, d’annuler le jugement de
première instance et la décision d’appel, pour que la juridiction de premier degré résolve à
nouveau l’affaire conformément aux dispositions légales.
ATTENDU QUE :
Le fait que les juridictions de premier degré et de second degré ont déterminé que le
logement au 211 Ly Thai Ton, 6e groupe, 2e quartier, Ville de Ca Mau, province de Ca Mau
était un bien commun de Monsieur Vuong Cam Mang, Madame Tran Thi Ngoc, Madame Luu
Thoai Sum, qu’elles ont reconnu la légitimité du testament établi le 14-5-1998 de Monsieur
Vuong Cam Mang dans la limite de ses quotes-parts fixées conformément aux dispositions
légales, qu’elles ont attribué à Madame Tran Thieu Khanh la totalité des successions de
Madame Tran Thi Ngoc et de Monsieur Vuong Cam Mang, est juridiquement correct.
Au cours du traitement de l’affaire, au procès-verbal d’évaluation du 23-7-2003, le
Conseil d’évaluation s’est basé sur la Décision n°25/2003/QD-UB du 08-7-2003 du Comité
396
populaire de la province de Ca Mau pour déterminer que la valeur du droit d’usage des fonds
de terre dans lesquels se situait le logement en contentieux était de 197.300.000 dongs. Le fait
que les juridictions de premier degré et de second degré ont reconnu ladite évaluation du
Conseil d’évaluation est incorrect, car le prix précité n’a pas exactement reflété la valeur du
bien en contentieux, n’a pas garanti les droits et intérêts légitimes des cohéritiers qui ne
bénéficiaient pas de l’attribution préférentielle du bien. Dans ce cas, il aurait fallu déterminer
la valeur du droit d’usage des fonds de terre et celle du logement selon le prix de transfert réel
dans la localité.
Madame Tran Thieu Khanh et Madame Luu Thoai Sum demandent toutes les deux
l’attribution préférentielle des locaux, tandis qu’en réalité Madame Tran Thieu Khanh assure
actuellement l’entretien de Monsieur Tran Vinh affecté d’une maladie mentale congénitale,
elle reçoit et administre 2/3 de la valeur du bien (les successions de Monsieur Mang et de
Madame Ngoc) ; Madame Sum, quant à elle, ne reçoit que 1/3 de la valeur du bien, il faudra
donc examiner la demande de Madame Khanh concernant l’attribution préférentielle des
locaux à son profit. Le fait que la juridiction de second degré a modifié le jugement de
première instance et attribué le droit de propriété du logement à Madame Luu Thoai Sum,
tandis qu’elle n’avait pas instruit, clarifié la situation, le besoin de logement des intéressés
(notamment la question si le besoin de logement de Madame Luu Thoai Sum est vraiment
plus pressant que celui de Madame Tran Thieu Khanh ?), est irraisonnable.
Par ces motifs et vu l’article 291, alinéa 3 ; l’article 297 alinéa 3 ; l’article 299 alinéa
1er du Code de procédure civile ;
DÉCIDE :
D’annuler la décision civile d’appel n°115 du 19-4-2004 de la Chambre d’appel de la
Cour populaire suprême à Ho Chi Minh - Ville et le jugement civil de première instance
n°15/DSST du 22-12-2003 de la Cour populaire de la province de Ca Mau dans l’affaire de
contentieux de la succession entre Madame Tran Thieu Khanh et Madame Luu Thoai Sum.
De déférer le dossier de l’affaire à la Cour populaire de la province de Ca Mau pour
que celle-ci la rejuge en première instance conformément aux dispositions légales.
____________________________________________
397
ANNEXE 2
EXTRAIT DE LA RÉSOLUTION
DU CONSEIL DES JUGES DE LA COUR POPULAIRE SUPRÊME
N° 02/2000/ND-HDTP DU 23 DÉCEMBRE 2000 GUIDANT
LA MISE EN APPLICATION DE CERTAINES DISPOSITIONS
DE LA LOI SUR LE MARIAGE ET LA FAMILLE DE 2000
LE CONSEIL DES JUGES DE LA COUR POPULAIRE SUPRÊME
Vu l’article 20 et l’article 21 de la loi sur l’organisation judiciaire de 1992 (amendée,
complétée le 28 décembre 1993 et le 28 octobre 1995) ;
En vue de la mise en application uniforme des dispositions de la loi sur le mariage et la
famille qui a été adoptée par l’Assemblée nationale de la République socialiste du Vietnam le
09 juin 2000 et qui entrera en vigueur le 1er janvier 2001 ;
DÉCIDE
De guider la mise en application de certaines dispositions de la loi sur le mariage et la
famille adoptée par l’Assemblée nationale de la République socialiste du Vietnam le 09 juin
2000 comme suivants :
…
3. Les biens communs des époux (Article 27).
a. L’article 27, alinéa 1er dispose les biens communs des époux et leur forme de
propriété. « Les autres revenus légitimes » des époux au cours du mariage peuvent être la
récompense, l’allocation, la somme gagnante de loto dont les époux sont bénéficiaires, ou les
biens dont les époux acquièrent le droit de propriété conformément aux dispositions des
articles 247, 248, 249, 250, 251 et 252 du Code civil… au cours du mariage.
b. L’article 27 alinéa 2 dispose : “Lorsque l'enregistrement du droit de propriété est
obligatoire pour un bien faisant partie de la copropriété, les noms des deux époux doivent être
mentionnés dans le titre de propriété ».
En pratique, seulement le titre de propriété des biens de très grande valeur, qui sont
particulièrement importants pour la vie familiale, mentionne les noms des deux époux (tels
398
que : le logement, le droit d’usage des fonds de terre…), mais ce ne l’est pourtant pas dans
tous les cas. Le titre de propriété des autres biens pour lesquels l’enregistrement du droit de
propriété est obligatoire n’inscrit souvent que le nom de l’épouse ou celui de l’époux (tels
que : la moto, la voiture, les bateaux…). Par ailleurs, l’article 32, alinéa 1er dispose en détail
les biens propres de chacun des époux. Afin de protéger les droits et intérêts légitimes des
parties, lorsque les biens acquis par les époux au cours du mariage sont soumis à
l’enregistrement légal du droit de propriété mais le titre de propriété n’inscrit que le nom de
l’un d’eux, en l’absence de contentieux, ces biens sont considérés comme biens communs des
époux ; s’il y en a une prétention de bien propre, l’époux dont le nom figure dans le titre de
propriété devra prouver qu’il a acquis le bien en cause par voie de succession personnelle, de
donation personnelle au cours du mariage ou que ce bien résulte de ses biens propres disposés
à l’article 32, alinéa 1er (par exemple, il a une somme d’argent par voie de succession
personnelle, il affecte cette somme à l’achat d’une moto et il ne verse pas celle-ci dans la
masse des biens communs). Si l'on ne prouve que le bien en cause est propre à l'un des époux,
en application de l’article 27, alinéa 3, il sera réputé comme bien commun des époux.
4. Le droit de succession entre époux (Article 31)
À côté des dispositions concrètes portant sur le droit de succession entre époux,
l’administration de la succession de l’époux prédécédé ou déclaré décédé par l’autorité
judiciaire, l’article 31 alinéa 3 dispose encore : « Dans le cas où le partage de la succession est
demandé par les héritiers, le conjoint survivant peut demander au juge de déterminer les parts
respectives des héritiers et de reporter le partage dans un délai déterminé s'il est établi que le
partage immédiat de la succession portera gravement atteinte à la vie du conjoint survivant ou
du ménage; à l'expiration du délai fixé par le juge ou si le conjoint survivant s'est remarié, les
héritiers peuvent demander au juge de procéder au partage de la succession ».
Dans la mise en application de l’article 31 alinéa 3, il faut faire attention aux faits
suivants :
a. Le partage immédiat de la succession portera gravement atteinte à la vie du conjoint
survivant et du ménage lorsqu’il entraînera un grand nombre de difficultés auxquelles le
conjoint survivant et le ménage devront faire face, telles que : défaut du logement, perte du
moyen de production unique …
Exemple n° 1 : Avant son mariage, Monsieur A a acquis un logement courant de rang 4
dont la superficie est de 25m2. Ensuite, il s’est marié avec Madame B et il n’a pas versé ce
399
logement dans la masse des biens communs des époux. Après la naissance d’un enfant
commun, Monsieur A est décédé tandis qu’il n’avait fait aucun testament. Les parents de
Monsieur A réclament le partage du logement puisque celui-ci est un bien appartenant à la
succession. Madame B et son enfant n’ont pas d’autres locaux d’habitation et ne peuvent pas
encore se loger ailleurs. Il est de plus impossible de procéder à un partage en nature du
logement en cause. Dans ce cas, le partage successoral de ce logement portera gravement
atteinte à la vie de Madame B et de son enfant.
Exemple n°2 : Monsieur C et Madame D se sont mariés et ils ont acquis conjointement
un logement dont la superficie est de 20m2. Après la naissance d’un enfant commun,
Monsieur C est décédé sans laisser aucun testament. Les parents de Monsieur C réclament le
partage de sa quote-part dans ce logement comme un bien successoral. Madame D et son
enfant n’ont pas d’autres locaux d’habitation, tandis que le partage en nature de ce logement
n’assurera pas les conditions élémentaires de leur vie ; Madame D n’a pas non plus la
possibilité de régler en valeur les parts successorales des parents de Monsieur C. Dans ce cas,
le partage successoral de la quote-part de Monsieur C dans le logement de 20m2 portera
gravement atteinte à la vie de Madame D et de son enfant ... ».
b. Dans le cas prévu à la rubrique a de la présente section, le Tribunal doit expliquer au
demandeur qui prétend le partage successoral qu’il n’a que le droit de demander la
détermination des parts successorales et qu’il ne pourra demander ledit partage qu’à
l’expiration d’un délai fixé, trois ans en l’espèce, si pendant le présent délai le conjoint
survivant ne se remarie pas encore. Si la personne présente une demande pour la
détermination de sa propre part successorale, le Tribunal l’enrôlera. Dans ce cas, si le
demandeur n’est pas dispensé du dépôt des dépens provisoires, des dépens, il devra déposer
les dépends provisoires comme dans une affaire sans demande pécuniaire.
c. Le Tribunal enrôle la demande de partage successoral pour le cas prévu à la rubrique
a de la présente section :
c1. À l’expiration du délai fixé par le Tribunal ;
c2. Au remariage du conjoint survivant.
Dans ce cas, si l’intéressé n’est pas dispensé du dépôt des dépens provisoires, des
dépens, il devra les régler comme dans une affaire avec demande pécuniaire.
…
400
7. La conciliation judiciaire (Article 88)
En application des dispositions à l’article 88, suite à l’enrôlement de la demande de
divorce, le Tribunal procède à la conciliation conformément aux dispositions légales en
matière de procédure civile ; c’est pourquoi, le Tribunal doit procéder à la conciliation
conformément aux dispositions à la section II de la Résolution n° 03/HDTP du 19 octobre
1990 du Conseil des Juges de la Cour populaire suprême « Guidant la mise en application de
certaines dispositions de l’Ordonnance relative à la procédure civile » (cf. Recueil des textes
en matière pénale, civile et procédurale ; T. 2 ; publié par la Cour populaire suprême en 1992 ;
p. 292, 293).
8. Le motif du prononcé du divorce (Article 89)
a. En application des dispositions de l’article 89, alinéa 1er, le Tribunal prononce le
divorce s'il a acquis la conviction que la situation est grave, que le maintien de la vie
commune est intolérable, que les objectifs de la vie commune n'ont pas pu être réalisés.
a1. La situation des époux est grave lorsque :
- Les époux n’ont ni d’amour, ni de respect, ni d’entretien, ni d’entraide mutuelle ; par
exemple, chacun ne connaît que soi-même et ne s’occupe plus de la vie de l’autre, même s’ils
ont été conseillés, conciliés à plusieurs reprises par leurs proches ou leurs établissements.
- L’un des époux exerce toujours des violences envers l’autre ou porte atteinte à
l’honneur, à la dignité et au prestige de l’autre, même s’ils ont été conseillés, conciliés à
plusieurs reprises par leurs proches ou leurs établissements.
- L’un des époux a des rapports extra-conjugaux, il continue à en maintenir même s’il a
été conseillé par l’autre époux, par ses proches ou son établissement ;
a.2. Afin de constater que le maintien de la vie commune des époux est intolérable, il
faut examiner si leur situation actuelle est déjà grave comme l’interprétation faite à la
rubrique a.1 de la présente section. Lorsqu’en réalité, l’un des époux poursuit toujours des
rapports extra-conjugaux, ou les deux époux maintiennent leur séparation de corps, ou ils se
donnent toujours des violences et des insultes, il est raisonnable de constater que le maintien
de la vie commune des époux est intolérable.
a.3. Les objectifs du mariage n’ont pas pu être réalisés lorsqu’il n’existe pas
d’attachement conjugal ; qu’il n’y a ni d’égalité des obligations et des droits entre époux ; ni
401
de respect mutuel d’honneur, de dignité, de prestige ; ni de respect de la liberté de conscience
et de religion de l’un des époux ; ni d’entraide mutuelle.
b. En application de l’article 89, alinéa 2 : « Le juge prononce le divorce si l'époux de la
personne déclarée absence demande le divorce ». En pratique, peuvent avoir lieu les deux cas
suivants :
b1. L’un des époux demande au tribunal, en même temps, de déclarer l’autre époux
absence et de prononcer le divorce. Dans ce cas, si le Tribunal déclare la personne en cause
absence, il prononcera également le divorce ; si le Tribunal constate que les conditions de la
déclaration d’absence ne se réunissent pas encore, il déboutera le demandeur de sa demande.
b2. L’un des époux a été déclaré absence par le Tribunal à la demande des personnes
ayant cause. Après que la décision judiciaire déclarant l’absence ait force de chose jugée, le
conjoint de l’intéressé demande au Tribunal le prononcé du divorce. Dans ce cas, le Tribunal
prononcera le divorce.
b.3. Lorsque le Tribunal prononce le divorce de la personne déclarée absence, il devra
traiter l’administration des biens du présent intéressé conformément aux dispositions de
l’article 89 du Code civil.
…
11. La garde, le soin, l’éducation, l’entretien des enfants suite au divorce (Article 92).
Dans la mise en application de l’article 92, il faut faire attentions aux faits suivants :
a. En application de l’article 92, alinéa 1er, l'époux qui ne prend pas l'enfant directement
en charge doit exécuter ses obligations alimentaires à l'égard de l'enfant. Il s’agit d’une
obligation parentale ; par conséquent, nonobstant la capacité économique de l’époux qui
prend directement l’enfant en charge, l’autre époux doit toujours exécuter ses obligations
alimentaires à l’égard de l’enfant.
Au cas où l’époux qui prend directement l’enfant en charge ne demande à l’autre époux
l’exécution de ses obligations alimentaires à l’égard de l’enfant pour quelque raison que ce
soit, le Tribunal doit lui expliquer que la demande de l’exécution des obligations alimentaires
fait partie des droits et intérêts de l’enfant, pour que ce parent les protège. Si le Tribunal
constate que le défaut de demande est volontaire, que l’époux qui garde l’enfant est
entièrement capable de l’entretenir, il n’ordonnera pas à l’autre époux l’exécution de ses
obligations alimentaires à l’égard de l’enfant.
402
b. Les pensions alimentaires se composent des frais minimaux de l’entretien et de
l’apprentissage de l’enfant, convenus par les parties. Si les parties n’arrivent pas à un
consentement, en dépend de chaque cas d’espèce et de la capacité respective de chacune
d’elles, le Tribunal décidera les pensions alimentaires d’une manière raisonnable.
c. L’exécution des obligations alimentaires peut être mensuelle, trimestrielle, annuelle
ou en une seule fois conformément au consentement des parties. Si celles-ci n’arrivent pas à
un consentement, le Tribunal décidera le mode mensuel de la présente exécution.
d. Lorsque les époux n’arrivent pas à un consentement pour désigner celui qui prend
directement l’enfant en charge, le Tribunal confiera ce dernier à l’un d’eux en se basant sur
les droits et intérêts sous tous les aspects de l’enfant, notamment les conditions favorables à
son développement physique, à son apprentissage et à son évolution spirituelle. Si l’enfant est
âgé de neuf ans révolus et plus, le Tribunal devra lui demander avec qui il souhaite vivre en
commun.
En principe, l’enfant âgé de moins de trente-six mois est confié à sa mère, sauf si les
parties en ont convenu autrement.
12. Le partage des biens des époux en cas de divorce (les articles 95, 96, 97 et 98)
Le partage des biens des époux en cas de divorce doit strictement observer les principes
institués à l’article 95. Par ailleurs, en dépend de chaque cas d’espèce, le Tribunal procédera à
la mise en application des dispositions aux articles 96, 97, 98 en équivalence. Pourtant, il faut
faire attention au fait que : la détermination de la valeur des biens communs, ou de celle que
chacun des époux rembourse ou reçoit, doit se baser sur le prix de transfert réel sur place au
moment du prononcé de la décision.
13. L’entrée en vigueur de la Résolution
La présente Résolution a été adoptée par le Conseil des Juges de la Cour populaire
suprême le 23 décembre 2000 et entrera en vigueur le 10 janvier 2001.
La présente Résolution remplace la Résolution n° 01/NQ-HDTP du 20 janvier 1988 du
Conseil des Juges de la Cour populaire suprême guidant la mise en application de certaines
dispositions de la loi sur le mariage et la famille (de 1986).
Tout autre texte d’interprétation adopté par la Cour populaire suprême et étant en
contradiction avec les interprétations de la présente Résolution est aboli.
403
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407
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408
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411
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413
INDEX ALPHABÉTIQUE
(Les chiffres renvoient aux numéros des paragraphes)
A
Acte normatif 100-102, 116-118
Actes de disposition 175, 185, 187
Administration de la succession 439, 453, 504
Administration légale 291 et s.
Application de la loi 23, 110-111
Attribution préférentielle
- divorce 557 et s.
- succession 470 et s.
Autorité parentale 301
B
Bail d’habitation
- concubinage 247, 521 et s., 638 et s.
- divorce 573 et s.,
- mariage 141 et s.,
- succession 476 et s.,
Bail forcé 593-594
Biens 140
Biens communs 134 et s., 542 et s.
Biens propres 134, 149 et s., 586 et s.
C
Code civil français 43
Concubin survivant 501-505, 520
Concubinage 222 et s., 523-524
414
Conjoint survivant 385 et s.
Conscience juridique 21, 106
Consentement des époux 131, 189-193, 202 et s.
Copropriété
- catégories
- logement
- membres de la famille
144, 247
18
255-258
Couple 73-74, 76, 253
Couple marié 77 et s., 390
Couple non marié
- causes historiques 83, 220
- décès 496 et s.
- séparation 607 et s.
- union 85, 219 et s.
Coutume
- logement 16, 406
- traitement des contentieux 19, 107, 119
- valeurs 69-71
Culture 42, 392
D
Décès 384, 535
Devoir de secours 599
Dévolution successorale 395, 531
- droit français 419, 421, 424
- droit vietnamien 422, 425-431
Divorce 538-539, 623
Droit au logement 592, 595
- divorce 548
- maintien dans les lieux 597-598
- obligation d’entraide mutuelle 596, 603, 605
Droit d’habitation et d’usage viager 460-462
415
Droit de jouissance temporaire 434-435
Droit de la famille vietnamien 29, 35-41, 72
Droit de succession
- comparaisons
396, 482, 486
- coutume 466-467
- droit positif 464-465
- propositions 468-469, 487 et s.
E
Éducation juridique 35, 109, 193, 249
Enfant
- administration des biens
286 et s.,
- histoire 274, 279-280, 283
- notion 262-263
- propriété 264-265, 276-278, 282-284
- protection 301-302
Enfant naturel 525, 527, 534
Enregistrement du mariage 80-81, 230-231, 237
Exécution 182, 195, 197-201
F
Famille
- cohabitation 267-270, 338-341, 399 - 400
- comparaisons 2, 4-5
- perturbation 383, 646
- réalité 8, 26, 649
- réglementation 6, 62, 258-259
Foyer familial 256, 335 et s.
416
G
Généralité des règles juridiques 56-61
Grande famille 600 et s.
H
Héritier réservataire 439, 442, 506
I
Individualisme 17, 20
Intervention des tiers 194, 201
J
Juridiction
- activités judiciaires 23, 250, 489
- contentieux familiaux 112-114, 233, 257
- Cour populaire suprême 120
- décision de justice 65, 117
- guide juridictionnelle 121
- organisation judiciaire 48-50
Jurisprudence 66-68
L
Legs 507
Local d’habitation 1, 13
Logement de la famille
- comparaisons 3, 648, 10-13
- consentement 131 et s.
- étude 7, 27, 76
417
- modes de logement 18
- notion 1, 650 et s.
- protection 169 et s.
- rôle de l’enfant 285 et s.
- réglementation juridique 14, 19, 652
- voie judiciaire 202 et s.
Logement social 576
Loi sur le mariage et la famille 44-46
M
Maintien dans l’indivision 436-437, 566
Maintien temporaire
- administration de la succession
441
- bail 443, 456
- concubin survivant 508
- copropriété 440
- report du partage successoral 457, 459
- voies 438
Mariage de fait 84, 248
- dispositions de transition 610, 612
- doctrine 232-233
- propositions 619-620
- reconnaissance 618
Méthode comparative 24-25
Meubles meublants 146-147, 156, 165-168
O
Obligation alimentaire 570-572
Occupation effective 9, 323, 413, 489
418
P
Partage des biens communs
- au cours du mariage
125, 156, 179 et s.
- divorce 543-547, 556, 560
Partage du logement 550 et s.
Partage successoral 473-475, 528, 532
Pitié filiale 267
Prescription 208-216
Présomption du bien commun 134-136
Prestation compensatoire 569
Propriété privée 18, 151
R
Régimes matrimoniaux
- comparaisons 104-108, 118, 184, 540
- liquidation 546, 562-563
Report du partage successoral 448 et s., 485, 509
- caractères 526, 529
- propositions 530
S
Science juridique 33, 42
Séparation 183, 536-537, 645
Société créée de fait 351, 364, 376
Solidarité familiale
- lacunes 333
- logement commun 167, 254, 320
- obligation d’entretien 266, 326
Source du droit 64
Sujets de droit 335
419
T
Technique législative 87 et s., 158-164, 585
Testament commun 444-445
Travaux législatifs 109
U
Usufruit 419-420
V
Veuvage 391
Vide juridique 51-53
Vie familiale 328, 497, 633
Vie sociale 647
Voie judiciaire 128, 203-208, 180
Z
Zone rurale 16
Zone urbaine 15, 17
421
TABLE DES MATIÈRES
Introduction 1
Chapitre préliminaire : La présentation du droit de la famille vietnamien
contemporain
23
Section I : Les éléments constitutifs 23
§1 : La théorie juridique 23
A. L’histoire du droit la famille vietnamien contemporain 24
B. La position du droit de la famille dans le système juridique vietnamien 27
§2 : La législation 29
§3 : La juridiction 32
A. Les contentieux familiaux par rapport à l’organisation interne de l’autorité
judiciaire
32
B. Les contentieux familiaux face à l’insuffisance du droit 34
Section II : Les caractéristiques 34
§1 : Les caractéristiques des dispositions du droit de la famille 35
A. La généralité des règles juridiques 35
B. Le lien strict entre le mariage et la famille 38
§2 : Les caractéristiques de la mise en application du droit de la famille 39
A. Le rôle modeste de la jurisprudence 39
B. La prise en compte des règles morales et coutumières 42
PREMIÈRE PARTIE
LE LOGEMENT DE LA FAMILLE
EN TEMPS ORDINAIRE DE L’UNION
TITRE I - LE COUPLE 49
Chapitre I : Le couple marié 51
422
Section préliminaire : La notion du couple marié 51
§1 : Le principe : l’enregistrement du mariage. 51
A. L’enregistrement du mariage avant 1945 52
B. L’enregistrement du mariage à partir de 1945 53
§2 : L’exception de la période de transition : la vie conjugale stable sans
enregistrement
54
A. Le contexte social 54
B. La solution législative 56
Section I : La technique législative 58
§1 : La technique législative des règles juridiques en vigueur 58
A. Le droit français 58
1 – La dénomination du logement de la famille 59
2 – La structure de la réglementation 60
B. L’interprétation des dispositions vietnamiennes 61
1 - L’impératif 61
2 – La sanction 63
§2 : Les causes et les effets juridiques de la technique législative 64
A. Les causes 65
1 - Les actes normatifs 65
a. L’étendue des dispositions légales 65
b. L’histoire de l’établissement de l’institution 67
2 – La pratique juridique 68
B. Les effets 70
1 - Sous l’aspect des habitants 70
2 - Sous l’aspect des juges 71
§3 : Les réflexions en vue du perfectionnement du droit vietnamien 73
A. La nécessité d’une interprétation portant sur les règles de principe dans la
loi sur le mariage et la famille
73
1- L’interprétation 73
2- L’autorité réalisant l’interprétation 74
B. La perspective d’un nouveau régime matrimonial dans la loi sur le mariage
423
et la famille 76
1 - L’insertion d’une expression 76
2 - L’insertion d’un article 78
Section II : Le contenu des règles 79
§1 : Le principe de la disposition du logement de la famille : le consentement des
époux
79
A. L’affectation du logement à la jouissance de la famille 80
1- Le logement de la famille étant un bien commun des époux 80
a. Le logement 83
i. La fragilité du logement familial assuré par un bail d’habitation 84
ii. La complexité du bien ayant la grande valeur ou constituant
l’unique source d’existence de la famille
86
b. Les meubles garnissant le logement de la famille 88
2- Le logement de la famille étant un bien propre de l’un des époux 89
a. L’affectation des biens propres à la jouissance commune de la
famille
91
b. La limite du droit de disposition sur les biens propres affectés à la
jouissance commune de la famille
93
i. La complexité des conditions de la protection légale 93
ii. Les lacunes de la protection légale 96
B. La protection du logement de la famille 98
1 - Les actes contractés par l’un des époux 98
a. Les actes nécessitant le consentement de tous les deux époux 98
i. La question de l’acte à cause de mort 101
ii. Le sort du logement familial lors du partage des biens communs
au cours du mariage
103
iii. Les actes civils ayant pour but de garantir l’exécution d’une
obligation pécuniaire
106
b. La manifestation du consentement des époux 107
2 - Les actes en provenance des tiers 110
a. La référence comparative 110
b. La solution vietnamienne 112
i. L’exécution des obligations pécuniaires des époux 112
424
ii. Les garanties du droit au logement de la famille 113
§2 : La conséquence juridique de la violation à la condition du consentement des
époux
115
A. L’action en justice 115
B. La prescription de l’action : dispositions, causes et effets juridiques 117
1 - Les dispositions en vigueur 117
2 - Les raisons de ces dispositions 119
3 - Les effets juridiques de ces dispositions en pratique 121
Chapitre II : Le couple non marié 125
Section I : La place du couple non marié dans la réglementation juridique 125
§ 1 : Des variétés en droit comparé 126
A. Le concubinage : une situation purement de fait 126
B. Les couples enregistrés 127
1 – Le modèle scandinave 127
2 – Le modèle néerlandais 128
3 - L’enregistrement des couples hors mariage sur la base contractuelle 129
§2 : La solution définitive du droit vietnamien 129
A. La question résultant des anciens textes 130
B. La réponse de la loi sur le mariage et la famille de 2000 132
Section II : Le logement familial au sein de la vie commune du couple non marié 135
§1 : La complexité de la problématique 135
A. Sous l’aspect social 135
B. Sous l’aspect juridique 137
§2 : La recherche des règles protectrices en droit vietnamien 139
A. Les solutions techniques 139
B. Les solutions d’orientation 141
TITRE II - LES AUTRES RAPPORTS FAMILIAUX 145
Chapitre I : Les parents et leurs enfants 149
425
Section préliminaire : La généralité du rapport patrimonial entre les parents et
leurs enfants
149
§1 : L’enfant mineur : la pensée sociale sur l’absence de son droit de propriété 149
§2 : L’enfant majeur et ses parents âgés : l’évolution de la société et ses effets 151
Section I : La constitution du droit de propriété de l’enfant 153
§1 : Les anciens textes 153
A. La ligne uniforme de l’ancien droit 154
B. Les renouvellements consécutifs du droit contemporain 155
§ 2 : Les dispositions en vigueur 157
A. Le maintien de la disposition sur le droit de propriété de l’enfant 157
B. Le développement des règles sur le droit de propriété de l’enfant 157
Section II : L’exercice du droit de propriété de l’enfant affectant le logement de la
famille
159
§ 1 : La gestion des biens propres de l’enfant mineur et l’enfant majeur incapable 159
A. L’enfant âgé de moins de quinze ans et l’enfant majeur incapable 159
1 - Les règles d’administration 159
a. Les actes d’administration 160
i. Les questions concernant la mise en œuvre de l’administration 160
ii. Les questions concernant l’étendue des actes d’administration 164
b. Les actes de disposition 165
2 – La sanction civile envers la mauvaise administration 166
a. La tardiveté de l’intervention protectrice 166
b. L’abstraction des termes 167
c. La complication du mécanisme de protection 168
B. L’enfant âgé de quinze ans révolus et plus 169
1 - L’administration par l’enfant 170
a. Les actes d’administration 170
b. Les actes de disposition 170
i. Les actes nécessitant le consentement des parents 171
ii. L’étendue nécessaire du consentement des parents 171
426
2 – L’administration déléguée aux parents 172
a. Le mécanisme de délégation aux parents 172
b. La possibilité de la délégation aux tiers 173
§ 2 : La contribution de l’enfant majeur ou « émancipé » au logement de la famille 174
A. La participation de l’enfant au bon déroulement de la vie familiale 174
1 – La participation industrielle de l’enfant 174
a. La volonté de l’enfant en tant que occupant effectif du logement 174
b. Le transfert implicite du logement familial au sein de la famille 175
2 – La participation matérielle de l’enfant 175
a. Le fondement juridique de la participation matérielle 176
b. La mise en œuvre de la participation matérielle 177
B. L’apport de l’enfant pour subvenir aux besoins de la vie courante de la
famille
178
1 - L’amélioration, la réparation du logement familial appartenant aux
parents
178
2 - L’accès à un local servant le logement familial 179
Chapitre II : Le foyer familial 183
Section I : Le statut juridique limité du foyer familial en tant qu’un sujet du droit
civil
183
§1 : L’incoordination entre la tradition civile et l’administration étatique 184
A. Le foyer en tant qu’un modèle familial vietnamien 184
B. L’insertion du foyer familial dans le Code civil 186
1 - L’apparition de la notion du foyer familial dans le système normatif 186
2 – La période de transition 188
3 - L’officialisation du foyer familial dans le Code civil 192
§2 : La position de l’institution de foyer familial dans les dispositions légales
régissant la vie patrimoniale de la famille
192
A. Une famille étroite dans le foyer familial 193
B. Un statut flou du foyer familial 195
Section II : La protection incomplète du logement familial par les règles
juridiques sur le foyer familial
199
427
§1 : Le mécanisme insuffisant de la protection du logement familial étant un bien
commun du foyer
200
A. La contradiction 201
B. L’omission 205
1 - La défaite du principe de consentement devant la complexité des titres
de propriété du logement familial
206
2 - La défaite du principe de consentement à cause de l’absence d’une voie
judiciaire
208
§2 : L’absence de la protection du logement familial étant un bien propre de l’un
des membres du foyer
209
§3 : Quelques réflexions sur le foyer familial en rapport avec le logement de la
famille
210
DEUXIÈME PARTIE
LE LOGEMENT DE LA FAMILLE
LORS DES PERTURBATIONS DE L’UNION
TITRE I - LE CHANGEMENT INVOLONTAIRE : LE DÉCÈS 219
Chapitre I : Le décès de l’un des époux 221
Section I : La nécessité du droit au logement du conjoint survivant 222
§1 : Le cadre de vie stabilisé du conjoint survivant et l’attachement consolidé
entre membres de la famille
222
A. La généralité de la situation 223
1 - L’humanité et la société 223
2 – La moralité 225
3 - L’économie 226
B. La particularité du Vietnam en rapport avec des pays occidentaux 226
1 – La dévolution successorale 227
2 – La pratique de la vie familiale 230
a. Les modes de cohabitation au sein de la famille vietnamienne 230
b. La question du veuvage en France 232
428
§ 2 : Le statut complet du logement de la famille au sein du couple marié 234
A. Les enjeux juridiques 234
1 - L’officialisation des belles valeurs de la moralité et de la coutume 234
2 - Le complément des règles juridiques régissant le rapport patrimonial
entre époux
235
B. Le rôle du droit au logement du conjoint survivant envers le statut légal
souhaitable du logement de la famille
236
1 – Le rôle des époux envers le logement de la famille 236
2 – Le rôle du logement de la famille envers les époux 237
Section II : La réglementation juridique sur le droit au logement du conjoint
survivant
238
§1 : La situation actuelle du droit au logement du conjoint survivant au Vietnam 238
A. Le droit au logement du conjoint survivant dans la dévolution successorale
légale
239
1 - Les dispositions légales en vigueur 240
a. Les dispositions françaises 240
b. Les dispositions vietnamiennes 241
2 - Les explications historiques 242
a. La situation du droit français 242
b. La situation du droit vietnamien 243
B. Les droits divers du conjoint survivant sur le local d’habitation constituant
la résidence principale du couple
246
1 – Le maintien temporaire dans le logement familial 246
a. Le droit français 246
i. Le droit de jouissance temporaire sur le logement 246
ii. Le maintien de l’indivision 248
b. Le droit vietnamien 250
i. La réserve héréditaire 250
ii. Le testament commun des époux 253
iii. Le report du partage successoral 254
2 - Le droit d’habitation et d’usage viager du conjoint survivant sur le
logement
263
a. Le droit français 263
429
b. Le droit vietnamien 265
3 - L’attribution préférentielle du logement familial ou du droit au bail
servant ce local au conjoint survivant
269
a. Le droit français 269
b. Le droit vietnamien 270
i. Le logement de la famille en pleine propriété 270
ii. Le logement de la famille assuré par un bail 272
§ 2 : La construction raisonnable du droit au logement du conjoint survivant au
Vietnam
278
A. Le maintien du report du partage de succession et la recherche d’un droit
viager au logement, quel que soit le résultat du partage de la succession
278
B. La contribution du droit au logement du conjoint survivant dans le statut du
logement familial en droit vietnamien
282
Chapitre II : Le décès de l’un des membres du couple non marié 285
Section I : Les droits limités du concubin survivant 287
§ 1 : La place légale défavorable du concubin survivant 287
A. Les limites des droits successoraux 287
1 - Les droits successoraux légaux 287
2 - Les droits successoraux testamentaires 289
B. L’absence des droits matrimoniaux 291
§ 2 : Les règles et techniques en faveur du concubin survivant 292
A. Le logement familial étant un bien personnel du concubin survivant 292
B. Le logement familial relevant de la copropriété des deux concubins 293
1 – La détermination des quotes-parts de chacun des deux concubins 294
2 – La vente et l’achat des quotes-parts du logement familial 294
C. Le logement familial assuré par un contrat de bail 297
Section II : Les droits discutés des enfants naturels 298
§1 : Le report du partage successoral 298
§2 : L’attribution préférentielle du logement familial 301
430
TITRE II – LE CHANGEMENT VOLONTAIRE : LA SÉPARATION 307
Chapitre I : Le divorce 309
Section I : Le logement en cause étant un bien commun des époux. 312
§1 : Les principes du partage des biens entre des parties lors du divorce. 313
§2 : Le partage et l’attribution préférentielle du logement commun 316
A. Le logement commun étant un bien commun en pleine propriété des époux 316
1 - La règle vietnamienne régissant le partage du logement commun des
époux
316
a. Le rôle des nouvelles dispositions légales sur le partage de certains
biens précis
317
b. La priorité du partage en nature 318
c. Les critères de l’attribution préférentielle 319
d. Les questions pratiques concernant le partage, l’attribution
préférentielle et le remboursement
320
2 - Les réflexions dans une vue comparative 321
a. La comparaison des mécanismes de partage 321
b. Une proposition pour le maintien de l’indivision en droit vietnamien 324
c. Une proposition pour le règlement de la part de l’époux non
bénéficiaire dans le logement
326
B. Le logement commun assuré par un bail contracté par les époux. 329
1 – Le contrat de bail contracté avec l’Etat 330
a. La particularité historique 330
b. La réglementation juridique 331
2 – Le contrat de bail contracté avec des particuliers 332
Section II : Le logement en cause étant un bien propre de l’un des époux 335
§1 : Le principe rigide du droit de la propriété 336
§2 : Les solutions souples favorisant la recherche du logement de l’époux non
propriétaire
339
Section III : Le sort du logement familial en cas de vie commune des époux avec
les parents de l’un d’eux
343
431
§1 : Le logement existant avant l’arrivée de l’un des époux à la famille 344
§2 : Le logement apparaissant après l’arrivée de l’un des époux à la famille 344
Chapitre II : La séparation des membres du couple non marié 349
Section I : La diversité des règles de forme 350
§1 : La demande de divorce 350
A. Le mariage de fait reconnu 350
B. Le mariage de fait nié 351
§2 : La demande de partage de la copropriété 352
A. La demande de bonne foi 353
B. La demande de mauvaise foi 354
Section II : La diversité des règles de fond 356
§1 : Le partage selon la loi sur le mariage et la famille 356
A. Le partage selon les règles du divorce 356
B. Le partage selon les règles du mariage annulé 356
1 – La valeur relative de l’accord des parties 357
2 – La présomption des biens communs 359
3 – Le partage harmonieux des biens en propriété 360
a. La détermination des quotes-parts dans les biens communs 361
b. L’attribution préférentielle du logement familial 361
4 - L’absence de la solution concernant les biens loués 363
§2 : Le partage selon le Code civil 364
A. Le revirement de la charge de preuve 365
B. La détermination strictement pécuniaire des quotes-parts dans les biens
communs
365
Conclusion générale 371
Annexe 1 375