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Hugues Aufray, éternel défenseur des valeurs universelles Le magazine chrétien de l’événement Qui n’a, un jour, chanté de l’Hughes Aufray ? Au point d’oublier que le troubadour a aujourd’hui 85 printemps. Se méfiant de tous les dogmatismes, il n’hésite pas à confier que les valeurs qui le motivent s’inspirent des paroles premières du Christ. + Christian Van Rompaey analyse : y a-t-il un avenir pour les chrétiens d’Orient ? « Il est facile de faire naître une guerre. Mais après ? », se demande Armand Veilleux Annelise Detournay enquête : De « Jeunesse Ouvrière Chrétienne » à « Jeunes Organisés et Combatifs », la mutation de la JOC MENSUEL (ne paraît pas en juillet et en août) - SEPTEMBRE 2014 - N° 369 PRIX : 2,50 e DÉPÔT LIÈGE X - P302066 RUE DU BEAU MUR, 45 - 4030 LIÈGE BELGIQUE - BELGIE P.P. LIEGE X 9/249 Sylvie Germain, romancière spirituelle Bart De Wever, « fürher » de Flandre ? Couverture : © J.B. Mondino Oradour : au cœur du massacre, il y a 70 ans

Le magazine chrétien de l’événement · 2014. 9. 24. · Hugues Aufray, éternel défenseur des valeurs universelles Le magazine chrétien de l’événement Qui n’a, un jour,

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Hugues Aufray,éternel défenseurdes valeurs universelles

L e m a g a z i n e c h r é t i e n d e l ’ é v é n e m e n t

Qui n’a, un jour, chanté de l’Hughes Aufray ? Au point d’oublier que le troubadour a aujourd’hui 85 printemps. Se méfiant de tous les dogmatismes, il n’hésite pas à confier que les valeurs qui le motivent s’inspirent des paroles premières du Christ.

+ Christian Van Rompaey analyse : y a-t-il un avenir pour les chrétiens d’Orient ?

« Il est facile de faire naître une guerre. Mais après ? », se demande Armand Veilleux

Annelise Detournay enquête : De « Jeunesse Ouvrière Chrétienne » à « Jeunes Organisés et Combatifs », la mutation de la JOC

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Sylvie Germain, romancière spirituelle

Bart De Wever,« fürher » de Flandre ?

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Oradour : au cœur du massacre, il y a 70 ans

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Choses vues

Elle est retraitée depuis peu. Déjà auparavant, elle consacrait tous ses dimanches après-midi à du bénévolat dans un centre de

soins palliatifs. Elle apprécie ce contact vrai avec des personnes en fin de vie, quand les faux-semblants ont disparu. Aujourd’hui, elle dispose d’un peu plus de temps. L’occasion de nouveaux contacts. Récemment, elle se renseignait sur un service d’accueil pour jeunes enfants. Une de ses amies, aujourd’hui décédée, s’y était investie. C’était en quelque sorte sa bouée de sauvetage, ce qui maintenait un peu de sens dans son existence. « Elle a choisi de mettre fin à une vie qu’elle trou-vait trop lourde, mais c’est sûrement une activité qu’elle aurait aimé poursuivre. Si je m’y engage, je pourrais peut-être la rendre encore un peu présente… »

discrétion

C’est l’assemblée annuelle d’un journal local, qui poursuit sa route depuis de nombreuses années uniquement par l’investissement de collaborateurs béné-voles. Un seul but : créer du lien entre les personnes et faire écho aux propositions des multiples associations actives dans le village. Une dame y assumait depuis longtemps la tâche ingrate de rechercher des publicités auprès des commerçants et de relancer les mauvais payeurs. Pas toujours gratifiant mais indispensable pour la survie du mensuel. Elle voulait arrêter depuis plusieurs années, mais aucun candidat pour ce service incon-fortable et répétitif ne se présentait. Elle continuait donc d’année en année. Cette

fois, un volontaire s’est déclaré. Elle pou-vait enfin se retirer. Elle aurait pu savourer les remerciements et les ovations qu’un si long engagement aurait assurément provoqués. Mais elle a pris les devants et a demandé qu’on applaudisse le nouveau volontaire, si courageux d’accepter une telle charge, détournant ainsi l’attention sur quelqu’un d’autre.

AnonymAt

Un anniversaire comme tant d’autres. Une centaine de convives, de la bonne humeur, une ambiance bon enfant. Sauf que Michelle Martin fait partie des invi-tés. Plusieurs invités la connaissent, parce qu’ils font partie du réseau qui s’efforce de l’accompagner dans son effort de réinser-tion. Quelques-uns la reconnaissent sans avoir jamais eu de contacts personnels avec elle. D’autres ignorent sa présence. Peut-être l’un ou l’autre ne serait-il pas venu s’il avait su… Qu’importe ! Celle qui devait attirer l’attention ce soir-là, c’était bien celle qui fêtait son anniversaire.

BULLEs

Les bulles de savon volent un peu partout entre les étals du marché. Sans doute un enfant, en vacances dans cette petite sta-tion balnéaire, est-il en train de s’amuser ? Au coin d’une allée du marché, un ambu-lant, fort âgé déjà, est assis sur un tabou-ret. Entre les mains, il tient une sorte de canard d’où sortent à jets continus des séries de bulles de savon. Probable-ment le dernier gadget à la mode. Moins

poétique qu’un enfant qui s’émerveille devant la magie de l’eau savonneuse. Pourtant, malgré son âge, le vieil homme prend visiblement un plaisir intense, autant de voir ses bulles envahir les envi-rons que du regard étonné des passants. Il sourit de toutes ses dents. Tellement satisfait qu’il n’a pas l’air très préoccupé de vendre ses machines à bulles. À moins qu’il ne s’agisse d’une technique de vente sophistiquée ?

Ex-Voto

« En souvenir de mon papy adoré », « Pro-tégez notre petite Audrey  », «  Que notre amour dure toujours  », «  En remerciement pour ma guérison »… Ces messages sont griffonnés sur des galets entassés devant une statue de la Vierge, dans un « cran », sorte de petite crique du Pas-de-Calais. Le long du chemin des douaniers, la sta-tue fixe la mer. Les randonneurs y jettent un regard attendri ou moqueur, mais il semble que chacun respecte le geste de ceux qui ont confié là leurs souhaits les plus chers. Qu’espéraient vraiment ceux qui se sont arrêtés là, dans ce lieu d’inter-cession sauvage ?

C’est dans le détail du quotidien que se révèlent le sel et le poivre de la vie

L’autre à la première place

José GérArd

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L’appel 369 - Septembre 2014

Éditorial

S o m m a i r e

Choses vues2 L’autre à la première place

Éditorial3 Intérêts, capital et démocratie

Découverte4 Hugues Aufray prend toujours

le large

À la Une6 De Wever, « fürher » de Flandre ?8 JOC : Trois lettres, un esprit10 La ferme de la différence

Signe12 Chirurgien nomade14 Un certain Jésus « déshabillé »

Évangile à la Une16 Septembre :

Réconciliations en vue

Éclairage17 En terre d’islam… • Chrétiensarabes :

un avenir impossible ? • Ilnefautpasdésespérer

de l’islam • LemessageoriginelduCoran

Vu21 Oradour, témoignage du martyr

Rencontre24 Sylvie Germain :

« L’essentiel, ce sont les Évangiles »

Ça se vit27 Un autre regard sur les réfugiés

Eh ben ma foi28 L’art d’engendrer les guerres.

Et après ?29 Le « ministère » du redressement

Parole30 Lever-Dieu

À voir31 Sous la plume d’un poilu32 À lire, à voir, à écouter…34 Une vie à soi35 Annonces

Intérêts et démocratie

Dans un pays aussi complexe et divisé que la Belgique, où les décisions politiques sont quasi toujours le fruit de consensus et de coalitions, un parti peut-il, à lui seul, reven-

diquer être la voix de toute une communauté ? Alors que nous avions choisi de poser la question dans ce numéro à propos de ce qui se passe depuis des mois en Flandre (voir pp. 6-7), voilà que l’interrogation touche aussi désormais le sud du pays. En effet, si elle se met en place, la coalition «  suédoise  » portera au gouvernement fédéral des représentants de trois partis du Nord, qui représentent une large majorité des électeurs de cette partie du pays, et d’un seul parti du Sud, qui est loin, à lui seul, d’incarner 50,001% des votants de la communauté dont il est issu.Dans la Constitution et les coutumes de formation des gouvernements, rien ne s’op-pose à cette situation. Mais ce n’est pas un hasard si la loi fondamentale belge décrète notamment que le gouvernement doit compter autant de ministres francophones que néerlandophones. Lorsqu’il a été pensé, cet article laissait bien supposer que le gouvernement devait être, dans chaque communauté, l’émanation de l’expression politique d’une partie appréciable des électeurs.« Le gouvernement sortant avait déjà failli à cette habitude », fait-on souvent remarquer, en utilisant le cas d’espèce d’hier pour justifier ce qui pourrait se produire aujourd’hui. L’affirmation n’est pas inexacte, mais les contextes et les rapports de force sont toute-fois fort différents. En 2010, un gouvernement où les partis du Nord du pays ne représentaient pas la majorité des électeurs avait été mis sur pied après 541 jours de crise. Cette fois, nous ne sommes qu’au lendemain du scrutin. Et, surtout, le différentiel entre l’expression majoritaire et le poids des partis n’est pas comparable. En 2011, les trois partis fla-mands qui avaient accepté d’entrer dans le gouvernement fédéral représentaient 49% des sièges attribués à la Flandre à la Chambre des représentants, et environ 47% des suffrages exprimés en Flandre (un calcul précis n’est pas possible en fonction du grand nombre de petits partis et de listes bilingues).Les trois formations politiques n’étaient donc pas l’expression d’une majorité, mais d’un fifrelin.Si la majorité « suédoise » voit le jour en 2014, le seul parti francophone qui y prendra part ne représentera que 32% des sièges francophones à la Chambre et environ 26% des votants du Sud.Alors que des décisions importantes doivent être prises pour l’avenir socio-économique du pays, cette disparité est plus que problématique. Elle remet en cause la notion même de démocratie au sens où on la vit en Belgique depuis 55 ans, c’est-à-dire depuis que le pays n’a cessé d’être dirigé par des gouvernements de coalition. Dans cette affaire, les intérêts propres des partis et du personnel politique semblent prévaloir sur ceux de la population.

Frédéric AntOinE

FAmiLLE Et éGLiSE : L’EnQUêtE COntinUE !

Urgent  : vous avez encore jusqu’au 8 septembre pour répondre en ligne sur internet à la grande enquête lancée par L’appel auprès de ses lecteurs. Pour de bons résultats, nous avons besoin de davantage de réponses. Nous comptons donc sur vous. Adresse du sondage : via le site internet de L’appel (www.magazine-appel.be) ou notre page facebook (www.facebook.com/lappelmagazine). Ou via l’adresse web : http://docs.google.com/forms/d/1nFQq4rtmmII4QN52vNfK4zV36VLOIq13j3UAKhyzpCI/viewform?usp=send_form

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Découverte

À 85 printemps, Hugues Aufray revient. Bon pied, bon œil.Sa voix affirmée, vigoureuse, convaincante, impressionne. Il ne

cherche jamais ses mots, mais aime déco-cher quelques flèches. Pas la peine de lui demander pourquoi il « continue » de chan-ter à son âge : « Cela aurait l’air de dire qu’il y a un moment où l’on a commencé, sourit-il. Chanter, c’est naturel et je n’ai jamais arrêté.

Tout le monde chante. Les bébés commencent par pleurer. C’est leur façon à eux de s’expri-mer. La voix, c’est ce qui permet à l’être humain de communiquer. Pourquoi je m’arrêterais ? »La retraite n’est donc pas à l’ordre du jour. « Je suis étonné quand on dit qu’un artiste prend sa retraite. Cela, c’est pour les gens qui travaillent. Les artistes ne travaillent pas, ils passent leur temps à s’amuser… Je ne plaisante pas vraiment. »

FOLk SOnG, FREnCH SOnG

Dans la mémoire collective ou les bio-graphies, il y a pourtant bien un moment où Hugues Aufray « a commencé »… Un premier disque de quatre chansons (dont deux de Gainsbourg, encore inconnu !) en 1959, une troisième place à l’Eurovision en 1964 avec Dès que le Printemps revient. Puis l’ouverture vers les chansons anglo-

Avant son prochain concert en Belgique, le troubadour infatigable livre quelques réflexions bien senties. Se définissant comme politiquement incorrect, chrétien agnostique, artiste un peu en marge, Hugues Aufray garde une pêche d’enfer. Pour celui qui se méfie de tous les dogmatismes, les valeurs qui le motivent s’inspirent des paroles premières du Christ.

À 85 bERgES

Hugues Aufrayprend toujours

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ViE BUiSSOniÈRE Et SCULPtURE. Pour le chanteur, les artistes ne travaillent pas. ils passent leur temps à s’amuser…

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Découvertesaxonnes qu’il interprétera en français. À l’époque, l’anglais est moins maîtrisé par le public, de nombreux chanteurs adaptent des versions françaises. La vague yé-yé déferle. Halliday et Mitchell se déhanchent. Aufray, lui, fait découvrir Bob Dylan au monde francophone. Puis, il reprend aussi des chansons de Georges Brassens ou Félix Leclerc. Entre deux générations et entre deux styles, Aufray trace son (micro)sillon. Et les succès s’accumulent  : San-tiano, Céline, Stewball, Adieu Mr le profes-seur, Debout les gars, Hasta Luego…

SCOUt JAmAiS !

Alors qu’il figure au répertoire de tous les chansonniers que l’on trimbale lors des feux de camps, Hugues Aufray ajoute  : «  Beaucoup de gens pensent que j’ai été scout parce que tous les scouts, qu’ils soient protestants, catholiques, juifs, musulmans ou encore athées, m’ont récupéré. Pourtant, je n’ai jamais fait partie d’un mouvement de jeunesse. » Né en 1929, il n’a pas encore onze ans quand la Seconde Guerre mon-diale éclate. «  à ce moment, la France est perturbée. Le scoutisme a plus ou moins disparu. Puis il a été rejeté par les gens de gauche qui considéraient le scoutisme comme de droite ou bourgeois. » C’est plus tard qu’il s’intéresse à Baden Powell. Notamment lorsqu’en 2007, il écrit Tendons-nous la main qui sera l’hymne du centenaire du mouvement scout français, chanté devant des milliers de scouts au Champ de Mars à Paris. « BP était un pionnier. Il a inventé l’écologie. Il a appris aux jeunes à vivre en harmonie avec les autres, les animaux, la nature. Toutes ces valeurs invitent à vivre avec l’autre, son prochain. »

inCLASSABLE

Nature, solidarité, altruisme, antira-cisme… Hugues Aufray est un peu le porte-étendard des valeurs universelles. « Protest singer » sans être trop engagé ? « Je suis politiquement incorrect car quand on ne peut être classé politiquement, on est forcément incorrect  », s’amuse-t-il. Mais derrière la dérision, c’est l’incompré-hension qui domine. Car s’il a chanté de nombreuses fois pour des causes huma-nitaires ou «  pour la gauche  », on le dit parfois «  de droite  »… Sans doute un effet collatéral d’un concert donné pour les jeunes giscardiens ou du soutien à la candidature de Chirac en 2002 ?

On sent bien que ces étiquettes l’éner-vent. « Je suis contre l’engagement. L’enga-gement c’est l’aveuglement  ! Le XXIe  siècle nous indique que, le monde ayant évo-lué, les concepts de gauche et de droite sont dépassés. L’engagement a ceci de dangereux  : il vous oblige à beaucoup de concessions.  » Pour celui qui a traversé une époque ravagée par le fascisme et aveuglée par le communisme, le constat est cinglant. « Après avoir chanté pour les jeunes giscardiens, les communistes ne m’ont plus engagé. C’est là que l’on voit que le dogmatisme est dangereux. »

CHRétiEn AGnOStiQUE

Si on l’amène sur le terrain de ses convic-tions, Hugues Aufray n’est pas moins disert. « Je me définis aussi comme chrétien. Les valeurs qui m’animent, je les ai trouvées dans les paroles premières du Christ. On a le droit de penser que par sa parole, le Christ nous a donné ses indications, tout à fait naturelles : tu ne tueras point, tu ne voleras pas… Ce n’est pas extraordinaire en soi, mais le dire, c’est bien  !  » Ancien élève au

Collège de Sorèze (Tarn) chez les Domi-nicains, Hugues Aufray garde d’eux un excellent souvenir. Leur particularité  : ils étaient très modernes. Mais il ajoute : « Je me considère aussi comme agnostique. Cela veut dire que l’image d’un Dieu tradi-tionnel, avec une grande barbe, qui décide de tout et que l’on prie pour obtenir des faveurs, je n’y crois pas. Dieu n’est pas un comptable, il n’est pas là pour additionner ce que l’on fait de bien ou de mal. Pour moi, Dieu est un mystère. La vie est un mystère. »

éCOUtE DAnS LE VEnt

«  J’ai devant moi une photo de Georges Brassens, dont on dit à tort qu’il était athée. Il y a une grande différence pourtant entre athéisme et agnosticisme. L’athée a une certitude, tandis que moi je n’en n’ai aucune, insiste Hugues Aufray. Je suis un enfant de Montaigne. Je me pose des ques-tions et j’ai des réponses qui me viennent de ma conscience. » Pas étonnant que le mor-ceau Blowin’in the wind ait séduit le trou-badour, lorsque Dylan dit que la réponse est dans le vent… «  Dylan parle souvent de Dieu dans ses chansons. Le vent c’est la conscience. »

DétRESSE Et Amitié

Dans les valeurs qui définissent aussi Hugues Aufray, le mot amitié a une place centrale. «  La fidélité en amitié est fonda-mentale. Je suis fidèle à mes sentiments. Je ne sais pas désaimer quelqu’un que j’ai aimé. » Il poursuit  : «  Quand j’avais treize ou qua-torze ans, je voulais faire de la sculpture et de la peinture. Le manque d’argent pour entrer aux Beaux-arts en a décidé autrement. Je me suis mis à chanter et j’ai été pris par le tour-billon du succès. Mais dans mon parcours, les faillites ou les coups durs se sont parfois présentés. ‘Tout ce qui ne me tue pas me rend plus fort’ disait Nietzsche. J’ai pu surmonter les épreuves difficiles qui m’ont été imposées par certains associés. Je n’en suis pas mort. Cela m’a évité de sombrer dans le travers de chanter des valeurs de partage et de ne pas savoir les vivre… Quand on est trop riche, c’est qu’on n’a pas assez partagé ! »

LA mORt ESt nAtURELLE

Sa fin de vie, il la voit arriver sereine-ment… «  à 85 ans, on a le droit de consi-

dérer que ce n’est pas choquant de disparaître. La mort est une chose naturelle pour quelqu’un qui a vécu. Cela a l’air très simple, mais c’est pourtant vrai. Tout

meurt : la nature, les saisons… Il y a la nais-sance, la maturité puis vient la fin. Ce qui est choquant, c’est la mort d’un enfant, car il n’y a rien de plus sacré. »La mort, il l’a côtoyée jeune. La guerre, bien sûr. Mais aussi le suicide de son frère Francesco, d’un an son aîné. «  C’est un drame que je porte. Il aurait dû faire carrière car il avait une très belle voix d’opéra. » Un grand frère qui avait prédit à son cadet  : «  Tu seras concertiste…  » Francesco avait bien vu. Une sorte de fidélité envers un encouragement.Et une fidélité envers les gens simples, les laissés pour compte, les différents, ceux qui se situent à la marge.

Stephan GRAWEZ

En concert le  dimanche 9/11 2014 à 15h au Forum de Liège. Une initiative du Patro et des Scouts de Soumagne. En première partie, « Les 100 choristes ». : www.solmania.beBilletterie : Forum-Liège ( 04.223.18.18 : www.ticketmaster.be/event/453

Retrouvez l’interview complète avec Hugues Aufray sur www.magazine-appel.be (Rubrique « Les + de L’appel »)

«  Les valeurs qui m’animent, je les ai trou-vées dans les paroles premières du Christ. »

Des plAces à gAgner. Dans son numéro d’octobre, L’appel offrira des places pour le concert de Liège. Restez donc attentifs.

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À la Une6

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14 L’IRRÉSISTIbLE TENTATION DE L’HISTOIRE

De Wever, « fürher » de Flandre ?

SymBiOSE. Le couple fusionnel De Wever - Flandre est-il réel ?

Lorsque l’on obtient 31,88% des votes dans sa Région, et que l’on repré-

sente 20,26% des élec-teurs d’un pays au niveau fédéral, peut-on affir-mer parler au nom de tout un peuple  ? Et si l’on a obtenu ces scores, n’est-ce pas, au moins en partie, parce qu’on s’est présenté à des élections comme l’unique légitime (et obligatoire) voix de ce peuple ? Si l’on prend un peu de distance par rap-port aux résultats des élections du 25 mai dernier, ces questions ne peuvent être écartées. Que la N-VA soit le premier parti en Flandre et même en Belgique, nul ne le conteste. Mais cela lui permet-il de se confondre avec la Communauté dont il est issu ? Même en étant le premier, il ne représente ni la majorité, et a fortiori la totalité, d’un corps électoral.

Et POURtAnt…

Tout le discours de la N-VA, qui se résume dans la plupart des cas à celui de son pré-sident, tourne cependant autour de cette

confusion d’identité, savamment entrete-nue  : même à 30%, N-VA = Flandre. Une symbiose complète, un couple fusionnel, qui disqualifie tout autre parti qui oserait encore s’identifier à la Flandre. Le 25 mai dernier, Bart De Wever a été très clair à ce propos, dès les premières phrases de son speech de victoire  : «  Les Flamands ont choisi et ils ont choisi de changer. Ils ont choisi la N-VA. » En utilisant la formule «  les Flamands  », comme il le fait fré-quemment, et notamment lors du débat télévisé qui l’opposait à Paul Magnette, le leader du parti s’approprie à son seul pro-fit l’ensemble du peuple flamand. Ce soir d’élections, comme à d’autres occasions, il ne dira pas « une partie des Flamands » ou «  certains Flamands  ». Ce n’est que dans la suite de son propos qu’il nuan-cera en précisant : « Nous avions demandé

la confiance aux Flamands, et un sur trois nous l’a accor-dée.  » Un bémol purement stratégique puisque, dans la suite de son message, le président de la N-VA conti-nuera à se présenter comme le chef de tous les Flamands, déclarant notamment  : « Nous devons aussi protéger les intérêts de la Flandre au niveau fédéral ». Une mission

qui ne peut incomber qu’au parti incar-nant l’ensemble du peuple flamand…

tEntAtiOn

Une telle velléité d’identification d’une partie à un tout porte un nom : totalita-risme. «  Une forme de pouvoir (…) abso-lue, ayant pour principale caractéristique de tendre à la dissolution de la frontière entre l’État et la société », comme le défi-nit l’Encyclopédie Universalis. Ou un « sys-tème politique dans lequel l’État, au nom d’une idéologie, exerce une mainmise sur la totalité des activités individuelles  », selon Le Larousse.L’histoire politique belge a toujours été marquée par la présence de partis poli-tiques dominants. Mais aucune de ces

Un malaise commence à étreindre une partie de la Flandre, celui de la menace d’un totalitarisme politique et idéologique, qui tendrait à s’imposer à tous. Subtilement et sournoisement. Au nom de la N-VA, et par l’entremise de son charismatique leader. Crainte non fondée ou retour de bâton d’une histoire pas si lointaine ?

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À la Une 7

L’appel 369 - Septembre 2014

grandes formations n’avait cédé jusqu’ici à la tentation de se confondre avec l’en-semble de l’État ou de la Nation. On pour-rait ne voir dans ces paroles que du dis-cours et de l’effet de manches. Mais déjà, le fait que cette assimilation entre un parti et l’ensemble de la population d’une composante du pays soit faite tant ad intra (quand le parti parle aux Flamands) que ad extra (quand il parle aux Franco-phones) pousse à écarter cette hypo-thèse. Comme l’écrivait le chercheur Ico Maly, docteur en philosophie de l’Univer-sité de Tilburg, « à la démocratie flamande correspond donc la nation flamande, et cette nation parle d’une seule voix à tra-vers Bart De Wever », « personnification de la communauté morale qui défend avec orthodoxie les intérêts des ‘Flamands’. »

PEnSéE UniQUE

Ce positionnement dépasse aussi le cadre des discours. Une partie des Fla-mands qui ne partage pas le point de vue de la N-VA, ni de ceux qui lui sont proches, dénonce de plus en plus sous le manteau le climat malsain qui com-mence à régner en Flandre. Bien sûr, la N-VA ne dispose pas de milices chargées de créer un régime de terreur parmi ceux qui ne pensent pas comme elle. Mais elle n’en a pas besoin. Les militants et les supporters du parti suffisent parfois pour dissuader d’exprimer des avis différents. « Dans ma commune, raconte un habitant de la périphérie flamande de Bruxelles, je n’oserais pas mettre à ma fenêtre une affiche pour un candidat Sp.a [socia-liste]. Non, je n’oserais pas ! » Car tous les «  bons  » Flamands sont sensés soutenir la N-VA. De même, dans certaines locali-tés, il vaut mieux ne pas avoir des goûts culturels trop ouverts au modernisme et à la diversité. Ces choix-là ne cadrent pas avec ceux de la N-VA, que tous les Flamands sont supposés partager. Une sorte de pensée unique menace ainsi de s’installer, clouant au silence les anticon-formistes. Une situation, qui en rappelle d’autres, vécues par le passé…

ViLAin PEtit CAnARD

Autre comparaison possible avec les fantômes du passé : la victimisation face à l’innovation. Cette technique, qui n’a pas seulement été utilisée par les com-munistes, prétend qu’un parti «  révolu-

tionnaire  », voulant le bien du peuple, est nécessairement rejeté par les politi-ciens en place. Bien des pouvoirs se sont bâtis sur ce mécanisme, allant dans cer-tains cas jusqu’à susciter eux-mêmes les actes délictueux dont ils se sont ensuite désignés victimes. La N-VA n’en est pas là mais exploite à l’envi toutes les occasions de souligner les ostracismes manifestés à son égard. Le discours de victoire de Bart De Wever, le 25 mai, débute d’ailleurs par ce thème  : «  Le courage a vaincu la vio-lence. Jamais on n’a voulu utiliser autant de puissance pour essayer de déconcerter les Flamands. » Quelques jours plus tôt, dans son message aux Francophones, le pré-sident commençait aussi par se plaindre : «  Elio Di Rupo refuse tout débat avec moi. Par contre, il ne se prive pas de m’atta-quer personnellement, sans me donner la chance de répondre.  » La N-VA affirme être partout considérée comme pestifé-rée. Alors que, depuis 2012, elle compte trente-huit bourgmestres et participe à une centaine de majorités communales. Jusqu’à ce printemps, le parti était déjà au pouvoir à la Région flamande. Autant de postes qui lui garantissaient une capa-cité d’action incontestable. Mais adopter une « attitude Calimero », pour reprendre les mots du chercheur Ico Maly, n’est-il pas le meilleur moyen de rassembler ses supporters ?

tOUt Et RiEn

Surtout si le discours du parti invite à mesurer les victoires en fonction du che-min parcouru. Un exercice qui plaît beau-coup à son président, comme en atteste cet extrait de son discours de clôture du Congrès de février 2014, reproduit avec complaisance, comme beaucoup d’autres, par la presse flamande  : «  J’in-vite qui me soupçonnerait d’un optimisme excessif à se rapporter à l’année bénie 2002, année de notre congrès de fonda-tion. Lorsque, sous la direction inspirée d’un jeune homme inconnu, sympathique mais un peu dodu, nous avons voulu concevoir un parti pour six millions de Flamands. Un parti flamand de soutien populaire, un syn-dicat de l’intérêt général flamand. (…) Ceux qui étaient déjà là à l’époque, à Louvain, se souviendront de l’ambiance particulière. C’était un exercice basé purement sur la foi. Personne en dehors de la salle n’aurait parié un sou sur nous. Nous n’avions rien au-delà de la force de nos convictions. Regardez-nous aujourd’hui. » De rien à tout, est-ce là l’itinéraire « normal » d’un parti qui se dit démocratique ?

Frédéric AntOinE

Ico MALY, L’idéologie politique de la N-VA, revue Démocratie, 2013.

FLASH-BACk30 janvier 1933. Adolf Hitler devient chancelier d’Allemagne. Un impressionnant cortège aux flambeaux célèbre cette victoire. Pourtant, le parti nazi était alors loin d’être majoritaire au Reichtag, le Parlement allemand. Lors des élections de novembre 1932, il n’avait obtenu « que » 33,1% des votes (moins deux millions de voix par rapport au scrutin précédent, survenu en août). Mais le parti national- socialiste était le premier, et, fin de 1932, l’entourage du vieux président Hinden-bourg était parvenu à le convaincre qu’Hitler était l’unique espoir du pays, notam-ment face au chaos et à une menace de prise du pouvoir communiste…Mussolini n’était pas non plus à la tête d’un parti majoritaire lorsqu’il est devenu Pre-mier ministre après sa « marche sur Rome » en 1922. Comme Hitler, il était à la tête d’une majorité hétéroclite… que l’un et l’autre finiront par phagocyter puis anéan-tir. Tout en établissant un climat de terreur vis-à-vis de qui ne partageait pas leurs opinions, grâce à l’aide des organisations paramilitaires qu’ils avaient mises sur pied.Dans son discours de clôture du Congrès Nazi de 1934, Hitler pouvait parler au nom du « peuple allemand », affirmant son but : « que tous les Allemands deviennent des National-Socialistes ». « Quand notre parti n’avait que sept membres, il avait déjà deux principes : avoir une véritable idéologie. Et être, sans compromis, le seul et unique pouvoir en Allemagne. »Tant pis pour qui n’était pas d’accord. Dans un autre discours, le führer avait été clair à ce propos : « Une nouvelle communauté est en train de se bâtir en Allemagne. » « Ceux qui ne peuvent même pas voir plus loin que le bout de leur nez méritent notre pitié plus qu’autre chose. »

F.A.

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On ne dit plus « Jeunesse Ou- vrière Chrétienne » mais « Jeu- nes Organisés et Combatifs ». Par contre, le terme «  jociste  »

reste. À l’occasion de son assemblée générale extraordinaire, la JOC-JOCF a décidé de changer la signification des initiales de son nom. «  La Jeunesse Ouvrière Chrétienne s’est éloignée depuis quelques années de l’intuition de son fon-dateur (l’abbé Cardijn)  », titrait un article publié en janvier dernier. « Pas du tout ! », répondent en chœur Émilie Delcourt, permanente à la JOC carolo, Marina Mir-kès, présidente de la JOC de 1989 à 1993

RUPTURE ?

JOc : Trois lettres, un espritLa JOC a changé la signification des initiales de son nom, en y supprimant les références « ouvrière » et « chrétienne ». À deux doigts de la béatification, Mgr Cardijn allait-il, une fois encore, se retourner dans sa tombe ? Une jeune permanente régionale, une ancienne présidente fédérale, et le responsable du CJC s’expliquent : « Le choix vient des jeunes jocistes. Il est mûrement réfléchi. »

et Julien Bunckens, secrétaire général du Conseil de la Jeunesse Catholique.

LES JEUnES À LA BARRE

Pour Émilie Delcourt, ce changement de nom, n’est pas une lubie dans l’air du temps mais le choix des jeunes jocistes. Un choix mûrement réfléchi, débattu entre permanents, avec les jeunes, dans les différents organes de décision. Des jeunes qui vivent avec leur temps, qui ont de nouvelles préoccupations… «  Il y a bien sûr toujours de jeunes chrétiens à la JOC, mais face à une Église qui ne rajeu-

nit pas, qui est assez statique, même eux se détachent… » Le projet, assure Émilie, reste dans la continuité des principes fon-dateurs de la JOC créée par Cardijn. L’un de ces principes étant de donner la voix aux jeunes du milieu populaire et de les mettre au centre du mouvement et des décisions. «  Ce sont eux qui guident les thématiques de campagnes, d’actions. Elles varient d’ailleurs en fonction du terrain. Dans de grandes villes comme Bruxelles ou Liège, on va surtout travailler autour de l’aspect sécuritaire, des droits des jeunes. à Charleroi, les membres ont une vision très globale des problèmes de société, avec une réflexion sur la consommation et ils veulent trouver des alternatives locales et interna-tionales. » Des thèmes qui rejoignent ceux mis en avant par l’extrême-gauche. Peut-on dès lors parler d’un noyautage du mou-vement par le PTB ? « Loin de là ! La JOC, comme le MOC d’ailleurs, partage des idées de la gauche progressiste qui envisage une société plus solidaire. Les jeunes des milieux populaires avec lesquels nous tra-vaillons sont tellement dans la m… qu’ils peuvent être attirés par les idées d’extrême-gauche, mais il n’y a pas chez nous d’affiliés à un parti, quel qu’il soit  ! » La JOC carolo s’installe cependant parfois dans la salle culturelle du PTB local, «  La Braise  »… « Nous avons relativement peu de moyens, se défend la jeune permanente. Et, à l’in-verse du Centre Jeunes Taboo, rattaché à la FGTB, avec qui nous travaillons réguliè-rement, nous n’avons pas de local sympa pour accueillir les jeunes, organiser des

JEUnES JOCiStES. Ce sont eux qui sont à la source du changement de nom.

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FAITS

resTAUrATIOn. La col- légiale Saint-Denis à Liège propose de visiter son retable de la Pas-

sion, nouvellement restauré. Ce chef d’œuvre de l’école brabançonne du début du XVIe siècle est une sculpture en bois polychrome composée de 150 figurines.DIMInUTIOn. L’Ins-titut des Œuvres de Religion (IOR), surnommé la « Banque du Vatican » a connu une moins bonne année finan-cière, causée par la réforme de l’institut afin de le rendre plus transparent. Quelques 400  comptes appartenant à des clients extérieurs au Vati-can ont été fermés causant un départ de fonds d’un montant de 44 millions d’euros.

prOFessIOnnA-lIsMe. Une for-mation en gestion

et conservation du patrimoine mobilier religieux va être orga-nisée dès septembre à Namur. Elle a été mise sur pied par l’université de Namur et l’évê-ché. La formation est destinée aux responsables qui gèrent le fonctionnement des églises et désirent les initier à tous les aspects de la gestion du patri-moine de celles-ci.VIcTIMes. Après les avoir longuement re - çues, le pape a célébré la messe au Vatican, le 7 juillet, en pré-sence de six adultes victimes d’abus sexuels commis par des prêtres. Lors de son homélie, il a demandé pardon pour les di-rigeants de l’Église qui avaient «  omis de réagir aux abus dont ils avaient connaissance ».OUVerTUres. « Il y a vraiment

un problème, mais il n’est pas majeur. Cela prendra du

temps, mais il y a des solutions et je vais les trouver. » Telle est la déclaration qu’a faite le pape François à propos du célibat des prêtres, le 13 juillet, dans une interview accordée au quotidien italien de gauche La Repubblica.

ciné-débats, etc. La Braise est donc une opportu-nité d’étendre nos activités. Ça ne va pas plus loin, nous veillons à notre identité. »

éVOLUtiOn PAS RéVOLUtiOn

«  Cette polémique, elle est loin d’être récente  !  » réplique pour sa part Marina Mirkès. Perma-nente puis présidente du mouvement dans les années 1980 et 1990, elle rappelle que les débats autour du changement de nom étaient alors déjà d’actualité. «  La JOC évolue, et c’est bien. Déjà à l’époque, nous travaillions la question de la recherche de sens, plutôt que les questions d’Église. De jeunes musulmans, d’autres non-chrétiens avaient rejoint nos rangs, et la question du C était posée… Le choix de conserver le terme chré-tien était alors cohérent parce qu’on était dans la période post-scission entre la CIJOC, restée fidèle au Vatican, et la JOCI (JOC Internatio-nale) dont nous faisions partie.  » Les tensions avec l’Église ne sont pas neuves. «  Non  ! Il y a vingt à trente ans se créait déjà une distance par rapport à l’Église, et des frictions avec les adultes, y compris avec le MOC, la CSC. Quand par exemple on a abandonné la notion d’aumô-nier et opté pour celle d’animateurs d’adultes, ça a été le tollé  !  » Pour Marina, ni à l’époque, ni maintenant, il n’y a de rupture avec Cardijn. « C’est une adaptation. Parce que c’est justement une dimension importante et une force de la JOC d’évoluer avec la société, de trouver une façon de donner une place aux jeunes, avec leurs inté-rêts, leurs préoccupations.  » Avec son regard d’ancienne, elle observe aujourd’hui deux ten-dances dans la JOC : un axe gauche plus radical, clairement ouvriériste, et un axe tourné vers la transition écologique. « Dans une société de plus en plus violente, il est normal que les actions des jeunes soient plus tranchées. L’important est de poursuivre le débat, de veiller à rester autonome et de garder la distance critique pour trouver des réponses.  » Elle rappelle également que le rapprochement avec la gauche n’est pas neuf, qu’il va vers un changement de société soli-daire qui donne le pouvoir aux gens. « Déjà à

l’époque, au moment des élections, la JOC avait publié une affiche dont le slogan était : “À gauche toute  !”  » Et de rappeler, en clin d’œil, que le livre La révolte des enfants de Cardijn, publié par son époux, Pontien Kabongo, aumônier puis accompagnateur d’adultes, avait pour cou-verture une affiche représentant, côte à côte, Jésus, le Ché, Allende et Rosa Luxembourg. Un ouvrage paru… 1975.

BESOin DE RECOnnAiSSAnCE

«  Le fait d’avoir un C dans son nom n’est pas le plus important », précise Julien Bunckens. Pour le chef du CJC, la référence chrétienne doit faire sens pour les jeunes qui doivent s’y retrouver.

«  Ce qui compte, c’est l’ouverture, la méthode, les moyens concrets de faire vivre les valeurs partagées.  » Il voit plu-tôt l’abandon du terme chrétien comme une opportunité pour la JOC. «  Cela va leur per-

mettre de trouver un espace médiatique plus large. Ne nous voilons pas la face : il y a une cer-taine forme de discrimination envers l’associatif chrétien, des a priori. L’un des objectifs de la JOC est de sensibiliser le plus grand nombre de jeunes à des thèmes comme la précarité de l’emploi, les brutalités policières… Dans cette vision-là, cette décision est cohérente. » Elle n’est donc pas une négation de Cardijn. «  Non, l’esprit est toujours là, ce sont les jeunes qui ont la parole. » Et de rappeler aussi que de nombreux mou-vements, dont le patro, débattent de leur appartenance à la sphère chrétienne. Concer-nant l’accusation de collusion avec les partis d’extrême- gauche, le chef du CJC la balaie, lui aussi. «  Les jeunes réagissent face à un monde politique où la gauche est de plus en plus au centre. On peut parler d’une forme de virage, un peu plus à gauche, un peu plus forte qui peut se rapprocher de la gauche-extrême. Mais le PTB n’a pas pris le pouvoir  ! Pour discuter très régulière-ment avec des permanents jocistes, je peux en attester. » Le cardinal Cardijn peut, semble-t-il, reposer en paix. Et arrêter de se retourner !

Annelise DEtOURnAy

LA JOC, 90 AnS DéJÀLa JOC a été fondée en 1924, par l’abbé Joseph Cardijn, en partant d’un constat : la détresse matérielle, religieuse et morale des jeunes travailleurs, trop souvent laissés à l’abandon. L’ambition de la JOC était de sortir ces jeunes de leur isolement et de les grouper dans un mouvement. Avec la Jeunesse Ouvrière Chrétienne, le fondateur voulait développer une vie associative autonome, fondée sur la prise de responsabilités. Celle-ci repose sur la pratique d’une méthode, « Voir, Juger, Agir », toujours utilisée à ce jour.

«  La JOC évolue, et c’est bien. Déjà dans les années 1980 et 1990, nous travaillions la ques-tion de la recherche de sens, plu-tôt que les questions d’Église. »

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14 AgRICULTEURS PORTEURS DE HANDICAP

La ferme de la différence

La ferme est située à Neder-Over-Heembeek, nom bien difficile à prononcer pour le non-natif néer-landophone, en pleine terre fla-

mande bruxelloise. Détente bucolique et activités laborieuses, champs, fleurs, arbres, sentiers… Ce n’est pourtant pas une exploitation comme les autres. Elle est issue de l’idée de Nelly Filipson, fon-datrice en 1971 d’un Centre de réadap-tation ambulatoire (CRA) qui prend en charge à long terme des enfants « diffé-rents ». Et puis les bambins ont grandi et ont été confrontés aux contraintes de la vie adulte et notamment du travail. De là, l’objectif de lancer une ferme où ils

auraient un job. Elle a commencé modes-tement avec un élevage de poulets, pour évoluer vers différentes activités agri-coles et répondre de plus en plus systé-matiquement à des objectifs de création d’emplois. Depuis 1984, le projet s’est considérablement enrichi sur la certitude que le travail est un outil d’intégration sociale et qu’il doit être utile, valorisant et rémunérateur pour toute personne porteuse d’un handicap. Aujourd’hui, 140 personnes handicapées entourées de 30 responsables travaillent à « Nos Pilifs » dans différents secteurs professionnels. Et la diversité des jobs ne manque pas dans cette importante entreprise.

LE GRAnD SAUt éCOLOGiQUE

Vouloir tout raconter de «  Nos Pilifs  » serait téméraire car le projet résulte d’une histoire de volonté et de généro-sité, de défis, de recherche de subsides, de réflexions et d’audace. Avec peut-être autant d’échecs que de réussites. Les uns comme les autres ont forgé la mise en place progressive de différents secteurs d’activité là où il n’y avait, voici trente ans, qu’un champ de chicons  ! Premier petit tour par la boulangerie-épicerie. Du pain est cuit quotidienne-ment, les travailleurs commencent à sept heures du matin. Non, pas plus tôt… Car à

Cinq hectares de production

durable et bio fournissent

un emploi à des personnes

handicapées au nord de

Bruxelles.

La ferme « Nos Pilifs » relève

le défi de la culture rentable

sans pesticide, de la solidarité

entre travailleurs et

de l’excellence professionnelle.

DES PROJEtS FLORiSSAntS. L’Entreprise de travail Adapté (EtA) emploie 140 travailleurs handicapés.

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cOnDAMnÉs. Deux haut gradés de l’ar-mée argentine ont été condamnés à la per-pétuité pour l’assassi-

nat de Mgr Enrique Angelelli, évêque de La Rioja, en 1976, pendant la période de dicta-ture. Son meurtre avait eu lieu au lendemain d’un hommage rendu par l’évêque à deux prêtres, tués alors qu’ils tra-vaillaient dans des quartiers pauvres. La junte avait affirmé que Mgr Angelelli était mort dans un accident de la route.

F r A n c - M AÇO n . Dans les Alpes fran-çaises, la mise à l’écart, fin 2013, du curé de Megève pour cause d’appar-tenance à la franc-maçonnerie continue à faire réagir. L’inté-ressé, Pascal Vesin, a reçu le soutien d’un autre franc-ma-çon, lui aussi catholique (mais pas prêtre), qui vient de pu-blier un livre pour le défendre, sous le titre Je suis chrétien et franc-maçon, où est le pro-blème ? Il s’est engagé à distri-buer l’ouvrage dans toutes les loges de la région et à l’offrir à l’évêque de Haute-Savoie, qui avait destitué l’abbé Vesin.

MÉDIAs «  cHrÉTIens  » ? Le torchon brûle entre l’épiscopat espagnol et les médias audio-visuels généralistes qu’il dé-tient. Certains évêques repro- chent à la radio et à la chaîne « 13tv » de ne pas répondre aux idéaux de l’Évan-gile. Ces médias sont accusés d’être devenus des chaînes de propagande du Parti popu-laire au pouvoir, ainsi que de l’extrême-droite espagnole.

peIne cApITAle. Des groupes de pression militent, aux Philippines, pour la réintroduction de la peine de mort dans le code pénal. La Conférence des évêques catholiques du pays s’y oppose, rappelant qu’ils prêchent l’Évangile de la vie.

INDICESquoi cela servirait-il de fixer un horaire que ces jeunes ne pourraient respecter  ? Tout est une question d’organisation et de matériel appro-prié. Cet esprit vigilant sur l’écoute et l’accom-pagnement de ces travailleurs pas tout à fait comme les autres préside à toutes les tâches. C’est le cas à l’épicerie-bio où les clients doivent bien accepter de faire la file. Bio, c’est le maître-mot à la ferme. Un choix qu’a fait le directeur de cette Entreprise de travail adapté (ETA), Benoît Cysens, en connaissance de cause. « On savait que le bio pouvait poser des problèmes de coût et de durabilité des produits. » Mais il fallait se lancer dans ce mouvement exponentiel des consommateurs d’aujourd’hui. « On a perdu peu de clients, poursuit Benoît. Et on en a gagné beaucoup. Nous avons accueilli les gens du quartier, les personnes de passage qui viennent se promener et visiter nos animaux.  » Le domaine s’organise en effet en deux par-ties. D’un côté, un espace accessible au public, comme le parc anima-lier avec ses ânes, ses cochons, ses moutons, ses poules, ses lapins. On peut venir y jeter un œil par le chemin prin-cipal de la ferme qui borde la grande «  Pro-menade verte de Neder-Over-Heembeek  » bien connue des Bruxellois amateurs de nature. De l’autre côté, l’exploitation agricole est réser-vée aux activités professionnelles, liant les pro-grès économiques et environnementaux. Ce qui fait de la ferme une entreprise durable où s’exercent pas moins de six métiers différents. Leur choix ne s’est pas fait au hasard mais par complémentarité et visant chaque fois l’utilité sociale dans le quartier et le contact avec le client et les visiteurs.

JARDinS AU SOL OU SUR LE tOit ?

L’activité la plus porteuse de «  Nos Pilifs  » est l’entreprise des jardins. Fort appréciée, elle n’utilise ni pesticide, ni engrais chimique, ni substrat à base de tourbe mais des matériaux locaux et labellisés ainsi que des techniques respectueuses de l’environnement. Les mares naturelles, l’épuration des eaux par lagunage, les piscines écologiques, le compostage et les toitures vertes n’ont plus de secret pour les équipes. Et puis il y a la jardinerie avec une grande variété de fleurs, d’arbres fruitiers, de plantes sauvages, et quelque 25 variétés de plants de tomates ! Mais qu’en est-il de la manutention, cette acti-vité souvent associée au travail des personnes handicapées ? Son côté routinier pose question

à Benoît Ceysens qui tient à ce que chaque tra-vailleur puisse donner sens à son boulot. L’idée est venue alors de lancer «  Nos Pilifs-Web  » en rassemblant des commandes par internet. Groupées, elles diminuent les frais de trans-port et proposent toute la palette de produc-tion de la ferme  : des paniers bio (huit sortes distribuées dans vingt points-relais à Bruxelles) à l’épicerie ou à la jardinerie, sans oublier les fleurs !

Un GODEt À L’EStAminEt

Le responsable, trois animateurs et neuf tra-vailleurs accueillent aussi les écoles, organisent des anniversaires et des stages durant toute l’année. Les animations tournent autour de l’alimentation et la biodiversité, la ferme «  à l’ancienne  » et au fil des saisons. Cette solide équipe gère également les potagers ainsi que

l’élevage de poulets dont les œufs sont ven-dus à l’épicerie. Enfin, dernière activité lucra-tive qui ouvre à l’em-ploi, l’estaminet. Tout le monde peut s’y ins-taller et boire un verre ou même dîner sur la terrasse. Beaucoup de

Bruxellois s’y rafraîchissent en fin de prome-nade et après avoir « fait leur épicerie ». Car si le sens d’une telle ferme est de garder en priorité l’emploi accessible aux personnes handicapées et de fournir des services rentables, sa réussite dépend des clients. Des citoyens qui ont com-pris l’intérêt, pour leur propre santé et pour la société, d’opter pour des circuits-courts, des emplois locaux. Des citoyens sensibles aussi au partage du travail avec ceux qui ont plus de mal à se faire accepter dans un circuit profes-sionnel classique.

Godelieve UGEUx

Détente bucolique et activités laborieuses, champs, fleurs, arbres, sentiers… Ce n’est pourtant pas une exploita-tion comme les autres.

«  Nos Pilifs  » est ouvert tous les jours de 10h30 à 18h et le samedi de 9h à 18h. 347 Trassersweg, 1120 Bruxelles. ( 02.262.11.06 : www.fermenospilifs.be

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DiALOGUE. Pour le chirurgien, c’est la seule manière de créer des passerelles.

ENTRE VIOLENCE ET ESPÉRANCE

Martial, chirurgien nomade

«C e n’est qu’à la fin de ma vie professionnelle que j’ai pris la décision de larguer les amarres, de brûler les

échelles derrière moi et de concrétiser enfin une aspiration de près d’un demi-siècle  : étendre le temps et l’espace, quitter son univers mental, nourrir son imagination, observer d’un angle différent, rêver d’un autre possible. » C’est par ces mots que le

chirurgien Martial Ledecq décrit sa déci-sion de quitter le Centre hospitalier de Libramont où il a exercé durant 25 ans pour partir avec Médecins Sans Frontières, en gardant un pied-à-terre à Libin, en province du Luxembourg. Il va vivre des expériences où se croisent des violences extrêmes et des gestes de tendresse inat-tendus. Le Sida qui exclut des familles et laisse les malades dans la plus grande

solitude. Des enfants pris en tenaille par un conflit qui les dépasse. Des blessés de guerre. Il opérera et amputera sous les bombes des hommes des deux camps. Pour le médecin, il est important de conti-nuer à regarder tous ces êtres comme des humains, à prendre conscience qu’ils sont tous porteurs de dignité, souvent cachée. «  Face à la guerre, il y a certainement des crimes de guerre, mais la guerre elle-même, n’est-elle pas un crime ? »

éLARGiR SOn REGARD

Ne regarde-t-on pas trop souvent le monde à travers sa petite fenêtre avec l’envie de venir avec son savoir  ? Ne serait-il pas plus intéressant de deman-der à cet homme qu’on rencontre ce que lui voit, vit, comprend  ? Comment réa-gir face à la question de l’injustice, de la violence, de l’inutile, de la gratuité ? Face à des pouvoirs totalitaires, en Syrie, en Irak ou ailleurs, n’est-il pas un peu naïf de croire encore en l’Homme  ? Toutes ces questions, Martial Ledecq se les est posées. Mais il continue à penser que la foi en l’humain est possible s’il y a regard, contact, empathie. De petites choses peuvent bouleverser le regard. «  Je me souviens de cette infirmière syrienne qui me demande si je soignerai Bachar el-Assad et qui, devant ma réponse, me dit : “moi pas”. Pourtant, quelques instants après, elle a partagé le peu de nourriture qu’elle avait avec un soldat des forces syriennes blessé qui lui demandait à manger. »

HAÏti, LE BOULEt DE L’ESCLAVAGE

Son périple l’emmène également en Haïti. Là-bas, la question qui le taraude

Le docteur Martial Ledecq a voulu « ouvrir son regard » sur le monde en rejoignant Médecins sans frontières dans des missions à haut risque. À Haïti, en Syrie, au Burundi, au Pakistan, en Afghanistan et dans bien d’autres pays déchirés par la guerre et la misère. De quoi ébranler ce chrétien et le plonger dans une quête de sens.

© Magazine L’appel – Paul FRANCK

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INDICES

recOnVersIOn. L’église Sainte- Catherine, dans le centre de

Bruxelles, connaîtra bientôt sa nouvelle affectation. La Ville

étudie divers projets de réa-ménagement qui transforme-raient l’édifice en lieu sportif, en théâtre, en passage couvert, en musée ou en brasserie. L’option de lieu de recueillement n’est pas non plus exclue, si l’église redevenait en partie affectée au culte. Pour « tester » cette situa-tion, l’archevêque de Malines-Bruxelles a décidé d’y faire re-dire la messe dès cet automne.

pAnel THÉOlOgI- QUe. Les théologiens Philippe Bacq, Ignace Berten, Florence Hos-

teau et Paul Tihon ont dialo-gué sur Dieu, la mort et l’Église après lecture du livre Croire en un Dieu qui n’existe pas ? du pasteur hollandais Klause Hen-drikse, à l’invitation de Sonalux (Solidarité de chrétiens de Na-mur et Luxembourg). FeMMe ÉVÊQUe. Le sy-node général de l’Église anglicane d’Angleterre a voté récemment en faveur de l’ordination épiscopale des femmes. « Une grande aventure commence, faite de renaissance et, en même temps, de désac-cord. Notre défi sera de faire les comptes avec les divisions et de continuer à aimer ceux qui s’opposent à cette décision. Peu d’institutions y réussissent  », a déclaré, Justin Welby, l’arche-vêque de Cantorbéry.rÉFOrMe MÉDIATI- QUe. Le Vatican en-tend revoir la coordination entre ses divers médias (Radio Vatican, News.va, vatican.va, Centre Télévisé du Vati-can…), notamment dans le but de faire des économies. Une commission, présidée par un ancien patron de la BBC, a douze mois pour réformer l’ensemble. Et mettre l’accent sur les médias qui pourront davantage toucher les jeunes.

est celle de l’esclavage et de ses conséquences. En effet, après que la population d’origine a été complètement décimée en moins de 80 ans de présence espagnole, il a fallu la remplacer par des esclaves venus d’Afrique, pour assurer l’exploitation du pays. Cet esclavage a été long-temps justifié par les pouvoirs politiques et reli-gieux. Même après l’indépendance conquise par les esclaves, la France, ancienne puissance coloniale, a poussé l’iniquité et l’aveuglement jusqu’à réclamer à la première république noire de l’histoire américaine 150 millions de franc-or d’indemnités. Haïti a payé la quasi- totalité de cette somme. Au- jourd’hui, dans ce qui s’appelle la «  Cité Soleil  », le quartier le plus violent de Port-au-Prince et un des plus grands bidonvilles du monde, c’est en même temps l’enfer et le paradis. Comment continuer dans cette violence totale une mission qui apparaît comme impossible  ?, s’est interrogé plusieurs fois Martial. « Et pourtant, poursuit-il, est-il pos-sible de penser que donner quelques caresses positives aux victimes et aux bourreaux n’est pas un geste romantique  ? Faut-il connaître les ténèbres pour savoir que la lumière existe, l’hor-reur pour apprécier la quiétude et la sérénité. Car dans cet océan d’absurdité, il y a encore et tou-jours des moments de grâce absolue. »

LE SEnS DE LA JUStiCE

Que ce soit en Haïti, en Syrie, au Burundi, au Pakistan, en Afghanistan ou dans d’autres pays déchirés, le chirurgien a été confronté aux enjeux de l’aide humanitaire. Une aide certes nécessaire, mais qui risque d’être dérisoire si on ne s’applique pas à retrouver le sens de la justice. Pour le docteur Ledecq, son travail ne peut pas se défaire de la question métaphy-sique. Son origine chrétienne n’y est pas pour rien. « Si Dieu est Grand, il est peut être aussi Petit.

Lorsqu’il s’incarne, ce n’est pas en Roi de la terre, c’est dans une humble famille qu’il commence sa vie, et c’est sur une croix qu’il la termine entre deux brigands. » Au final, dans ces situations extrêmes, Martial aura trouvé une réponse essentielle  : l’impor-tance du dialogue. En face de cultures radicale-ment différentes, c’est là une manière de créer des passerelles. Les émotions essentielles sont universelles, le prochain est partout le même. Alors pourquoi se replier frileusement sur soi-même  ? Il a en effet été souvent confronté dans ces pays déchirés à la question des into-

lérances réciproques qui pourraient, selon lui, venir de la préten-tion de détenir l’ultime vérité. Ce qui vaut évi-demment pour tous les systèmes de pensée y compris les systèmes religieux. «  Si aucune civilisation, aucune reli-gion ne revendiquait le monopole de Dieu, nous pourrions sans doute

vivre dans la nécessaire harmonie qui s’impose à notre survie. » Pour faire sens, le docteur Ledecq reprend une citation d’Emmanuel Levinhas  : «  Le lieu originel du sensé, l’acte fondateur de l’Éthique est la rencontre bouleversante du visage d’autrui, l’épiphanie du visage dans sa nudité et sa fragilité qui me commande infiniment. Je suis responsable de toi gratuitement et sans culpabi-lité. »Le chirurgien des tranchées a en tout cas réussi à dénicher le bien, l’humanité, l’espoir dans chacune de ses rencontres. «  à travers le nomadisme de quelques années, j’ai acquis la conviction que nous avons un fond commun d’humanité, de sagesse et une énorme réserve de tendresse les uns pour les autres. » Être nomade ne serait-ce pas profondément évangélique ?

Paul FRAnCk

Martial LEDECQ, Itinéraires d’un chirurgien nomade, Neufchâteau, Weyrich Éditions, 2014. Prix : 15,90 € - 10% = 14,31 €

«  à travers le nomadisme de quelques années, j’ai acquis la conviction que nous avons un fond commun d’humanité, de sagesse et une énorme réserve de tendresse les uns pour les autres. »

CHOCS DE CiVLiSAtiOnLe médecin ardennais est lucide : le regard occidental est marqué par un rationalisme fon-damental qui se heurte à d’autres regards. Ce sont des chocs de convictions. L’Afrique, par exemple, peut-elle se payer le luxe d’être athée ou agnostique ? Lorsque les choses tournent mal, que la guérison n’est pas au rendez-vous, que penser ? « Le quémandeur était-il indigne, la supplique mal formulée, le Tout Puissant sourd à l’appel. Autant de questions éternelles que des générations d’hommes et de femmes se sont posées au bord de l’abîme des pensées infinies. Chacun y répondra à l’aune de ses propres expériences. »

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DéCAPAnt. L’évêque remet en cause certains passages

et notions de l’évangile, comme le pêché originel et la Passion.

THÉOLOgIE CRITIQUE D’UN ÉVÊQUE CONTESTATAIRE

Un certain Jésus« déshabillé »

Les travaux des théologiens et des exégètes ne manquent pas pour tenter de déceler dans les Évan-giles ce qui relève de la vérité his-

torique, de la conviction ou du mythe. Ces recherches aboutissent souvent à des interprétations loin des credo offi-ciels. Souvent la contestation par les gens d’Église se fait très prudente dans l’expression pour ne pas effaroucher les fidèles traditionnels ou les gardiens du dogme. Cette fois, sans langue de bois, et avec une franchise déconcertante, c’est un ancien évêque de l’Église épiscopale américaine qui exprime un point de vue carrément critique dans un ouvrage inti-tulé Jésus for the non-Religious, traduit en français Jésus pour le XXIe siècle. Cette remise en cause du catéchisme officiel

choquera sans doute de nombreux chré-tiens mais peut être entendue et débat-tue.

– Tout dans l’Évangile ne doit pas être pris au pied de la lettre selon vous?– La Bible n’est pas un ouvrage bio-graphique ou historique. Sa rédaction est plus une tentative pour saisir, au moyen d’interprétations et de narrations l’«  expérience  » du Christ. Je considère par exemple comme des portraits pure-ment mythologiques les récits de la nais-sance, absents à l’origine du christianisme primitif.

– Il faut revoir les credo ?– Le christianisme est un système de croyances du XXIe siècle, mais qui s’ap-

puie sur la Bible, rédigée il y a deux à trois mille ans. Il transmet des credo datant du IVe  siècle et utilise des pratiques liturgiques élaborées pour la plupart au XIIIe  siècle. Je veux mettre ma foi à l’épreuve du dialogue avec les connais-sances du monde où je vis. Cela signifie que nous, chrétiens, allons devoir gran-dir et changer. Nous pouvons y arriver et nous verrons alors, j’en suis convaincu, la naissance d’un «  Nouveau Christianisme pour un Nouveau monde ».

– Parmi les dogmes, vous remettez en question la notion de péché originel…– Je pense que le péché originel, qui part de l’hypothèse d’une perfection originelle dont nous serions déchus, est une idée qui a perdu toute valeur depuis

L’interprétation des Évangiles,

de la figure de Jésus,

de son message doit être radicalement

revue en fonction des connaissances

scientifiques d’aujourd’hui

et des recherches sur les croyances

juives du premier siècle.

C’est la conviction de John Shelby

Spong, ancien évêque de l’Église

épiscopale américaine de tradition

anglicane. © S

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AUng sAn sUU KYI. La célèbre opposante bir-mane a reçu le soutien

des évêques de son pays afin de lui permettre de participer aux élections présidentielles de 2015. La junte militaire qui dirige la Birmanie a en effet inséré dans la Constitution un amendement pour empêcher le prix Nobel de la Paix 1991 de pouvoir y prendre part.

FrAncescO MIlITO. Évêque en Calabre, il a ordonné la suspen-

sion de toutes les processions religieuses dans son diocèse. Motif  : il y a peu, un cortège s’était arrêté devant le domi-cile d’un parrain de la mafia assigné à résidence.

MAHMOUD MAn-sOUr eT MOrel

MAlKA. Ils se sont mariés le 17 août dans la banlieue de Tel-Aviv. Lui est palestinien et mu-sulman, elle est juive mais s’est convertie à l’islam il y a cinq ans. Hormis quelques tensions familiales, la fête aurait dû être parfaite si un groupe de l’ex-trême-droite israélienne n’était venu tout gâcher au nom du refus de l’assimilation (mariage d’une juive avec un non-juif ).

OscAr rODrIgUeZ MArADIAgA. Arche-vêque de Tegucigalpa

(Honduras) et président de Caritas International, il a décla-ré : « Si saint Paul avait cherché à entrer en Europe aujourd’hui, il aurait été catalogué parmi les clandestins et renvoyé chez lui ».

JOsepH AnDrÉ. Vi-caire de la paroisse St-Jean-Baptiste de Na-

mur durant la deuxième Guerre mondiale, il était à la tête d’un réseau qui cachait des enfants juifs. Début août, Ingrid Landes, fille de l’un de ceux-ci, et deux de ses enfants, sont venus des USA à Namur pour rendre hommage à celui qui avait sauvé leur père et grand-père. L’histoire de l’abbé André a inspiré à E. E. Schmidt son livre L’enfant de Noé.

FEMMES ET HOMMESque les travaux de Charles Darwin l’ont totale-ment invalidée. L’idée de Jésus mort sur la croix pour racheter les péchés des hommes est bien étrange. Elle suppose que Dieu ne peut donner son pardon sans un sacrifice humain ou une offrande de sang. Cela fait de Dieu un monstre, de Jésus une victime et de vous et moi des « assassins coupables de la mort du Christ ». Rien ne me plait dans la théologie de l’expiation, qui a donné naissance à ce concept. D’un point de vue intellectuel, la théologie de l’expiation est morte, mais une grande partie de l’Église chré-tienne s’y accroche encore. Elle est constam-ment évoquée dans nos hymnes et nos litur-gies. Les chrétiens doivent apprendre que cette théologie d’hier est morte et que son cadavre ne peut plus être ranimé artificiellement pour fonctionner dans le monde d’aujourd’hui.

– Dans votre livre, le plus surprenant, c’est que vous doutez aussi de la réalité du récit de la Passion ?– Le récit de la Passion apparaît pour la première fois chez Marc. Lorsqu’on lit ce passage, il apparait qu’il n’a pas été écrit par des témoins ocu-laires. Aucune source ne le laisse entendre. Pour moi, la description de la crucifixion vise à présenter celle-ci comme l’accomplissement des Écritures hébraïques. Les deux sources sur lesquelles s’appuie Marc sont essentielle-ment le Psaume 22 et Isaïe 53. Les détails sur les réactions de la foule, le dernier cri de Jésus, le partage de ses vêtements entre les soldats, l’épreuve de la soif viennent du Psaume 22. Isaïe, au chapitre 53, décrit un personnage qu’il appelle le Serviteur souffrant, et c’est là que se trouvent les détails sur les voleurs crucifiés avec Jésus. Isaïe dit aussi que le Serviteur « intercéda en faveur de ceux qui le tourmentaient », ce qui est à rapprocher des paroles de Luc qui montre Jésus priant pour ceux qui plantaient les clous et pour le voleur pénitent.

– Il faut, écrivez-vous, lire le récit de la Passion comme un texte liturgique pour les premiers chré-tiens de tradition juive.– Une étude attentive de ce premier récit de la Passion, sous la plume de Marc, révèle qu’il a été délibérément composé de manière à couvrir une journée complète de vingt-quatre heures, depuis le crépuscule de ce que nous appelons le Jeudi saint jusqu’au crépuscule du Vendredi saint. Il est divisé en trois périodes de huit heures qui sont bien délimitées. Cet agen-cement me porte à penser qu’il n’a pas été écrit pour être raconté mais pour servir de texte liturgique.

– Dernier récit des Évangiles : La Résurrection…– Je ne mets pas en doute la réalité de l’« expé-rience » de la résurrection par les disciples mais je m’interroge sur l’exactitude de toutes les descriptions rapportées par les évangiles. Un rapide regard aux quatre évangiles révèle que, sur la résurrection, ils ne proposent guère plus qu’une série d’affirmations contradictoires. Les disciples étaient juifs. Ils avaient une vision du monde nourrie de la lecture des Écritures et des traditions liturgiques juives, ce qui influen-çait leur regard sur tout ce qui leur arrivait. Ils ont vu en Jésus une analogie avec l’agneau pascal. Pour eux, la crucifixion était le sacrifice parfait de Yom Kippour, où le sang de l’animal sacrifié était placé dans le tabernacle, pour que les fidèles puissent venir à Dieu « par le sang de

l’agneau ».

– Qui reste-il de Jésus pour vous après ce « décapage » ?– Jésus pour moi est la Vie. À travers lui, tout ce que signifie pour moi le nom de Dieu fut brusque-ment révélé de manière tout à fait nouvelle. Il est celui qui a brisé les préju-

gés, les stéréotypes, les frontières religieuses, celui qui est ouvert à ce qui est Dieu, ouvert à l’Amour. Jésus est la révélation de Dieu, le por-teur de ce que Dieu signifie, c’est à dire l’Amour et le fondement de ce qui est.

– L’image de Dieu change alors…– L’image d’un Dieu, divinité « toute puissante et créatrice de toutes choses » qui « siège pour juger nos actes » est une définition théiste qui, je le crois, a été anéantie, non par moi mais par Copernic, Galilée, Isaac Newton, Charles Darwin, Sigmund Freud et Albert Einstein, parmi d’autres. Un Dieu qui peut être menacé par de nouvelles connaissances ne peut vrai-ment pas être autre chose qu’une idole fabri-quée par les hommes. Dieu dépasse le voca-bulaire des hommes, il dépasse leur compré-hension, mais je crois que nous faisons « l’expé-rience » de Dieu. Dieu est pour moi la source de Vie qui m’appelle à vivre pleinement, la source d’Amour qui me libère pour que j’aime sans compter, la raison d’être qui me donne le cou-rage d’être moi-même.

Propos recueillis par Gérald HAyOiS

John SHELBY SPONG, Jésus pour le XXIe siècle, Paris, Karthala, 2014. Prix : 20,50 € -10 % = 18,45 €.

«  D’un point de vue intel-lectuel, la théologie de l’expiation est morte, mais une grande partie de l’Église chrétienne s’y accroche encore. »

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Évangile à la Une

SEPTEMbREles Évangiles des dimanches ne sont pas des textes anciens et poussiéreux.

Tous les jours, ils résonnent dans l’actualité.

réconciliations en vue

DimAnCHE 7 SEPtEmBREERREUR…

En 2009 et 2010, Daniel H., un sexagénaire de la région du Centre, subit plusieurs interven-tions dans un hôpital de Char-leroi. Lors d’une de ces opéra-tions, on lui pose une sonde uri-naire dans le ventre… mais sans prévenir personne. Durant les mois qui suivent son passage à l’hôpital, le malade souffre de douleurs soudaines et handi-capantes. Il faut attendre 2013 pour que l’hôpital fasse un nouvel examen et découvre, à l’intérieur du corps, un petit tuyau enroulé d’une vingtaine de centimètres. Depuis lors, Daniel demande qu’on recon-naisse l’erreur, pour qu’il puisse être remboursé des nombreux coûts entraînés par la douleur. Mais l’hôpital et le chirurgien semblent faire la sourde oreille et lui demandent de prouver lui-même la faute. En géné-ral, lorsqu’il y a plainte, moins de 10% des médecins recon-naissent spontanément avoir commis une erreur médicale…« Si ton frère a commis un péché, va lui parler seul à seul et montre-lui sa faute. S’il t’écoute, tu auras ga-gné ton frère. » (Matthieu 18, 15)

DimAnCHE 14 SEPtEmBRECOnDAmné, mAiS…

Remontant à pieds de Rome, Jérôme Kerviel, ancien trader de

la banque française Société Générale a été arrêté lorsqu’il est arrivé en France, dans la commune de Menton, le 19  mai dernier. Condamné à trois ans de prison, il a été contraint de commencer sa peine. Mais sa marche « contre la tyrannie des marchés » a été reprise par un prêtre français ori-ginal, le père Gourrier, psycho-logue de formation entré dans les ordres à quarante ans après avoir dirigé une grande maison d’édition de Paris. Pour Patrice Gourrier, comme pour tous ceux qui soutiennent l’ancien trader, Kerviel n’a pu agir seul et avoir fait perdre cinq milliards d’euros à sa banque sans que personne ne soit au courant de ses trop superbes résultats…« Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé. » (Jean 3, 17)

DimAnCHE 21 SEPtEmBREPOUR tOUS

La création d’un «  revenu de base  » inconditionnel a de plus en plus la cote. Il serait accordé à tous, tout au long de la vie et versé périodiquement à titre individuel, sans prendre en compte l’existence d’autres revenus ni contrepartie de l’exécution d’un travail. Pour

ses promoteurs, « ce revenu de base vise à permettre à chacun et chacune de mener une vie digne et de participer à la vie en société sous toutes ses formes ». Il ne dissuaderait pas de tra-vailler, mais permettrait à ceux qui se satisferaient de ce socle minimal d’être «  libérés du tra-vail contraint ou de la néces-sité d’en rechercher un » et ainsi « auraient la possibilité d’utiliser leur temps pour se consacrer à des activités librement choi-sies  ». Pour plusieurs écono-mistes, même en période de crise, le système pourrait être finançable. Selon le philo-sophe et économiste Philippe Van Parijs, ce revenu univer-sel permettrait d’éliminer les trappes à pauvreté, d’encou-rager le travail, de lutter contre la précarité et de libérer les femmes au foyer de la dépen-dance financière à leurs maris.« Ceux qui n’avaient commencé qu’à cinq heures s’avancèrent et reçurent chacun une pièce d’argent. Quand vint le tour des premiers, ils pensaient recevoir davantage, mais ils reçurent, eux aussi, chacun une pièce d’argent. » (Matthieu 20, 9-10)

DimAnCHE 28 SEPtEmBREViGnEROnS VOLOntAiRES

Avec le réchauffement clima-tique, il ne devient plus sau-grenu de rêver à une produc-tion de vins wallons de qualité. La dernière expérience en date est cependant audacieuse, car

elle ne se situe pas au cœur d’une vallée au climat tem-péré, mais en Ardenne. À Wi-brin, dans la vallée de l’Ourthe Supérieure, une centaine de pieds viennent d’être plantés sur une terrasse entourée d’un mur de pierres sèches. L’opé-ration, initiée par le président du syndicat d’initiative, a été réalisée avec l’aide d’un vigne-ron de la Moselle qui, jusqu’ici, se contentait de venir dans le village… vendre ses propres vins. Le cépage choisi, le Sola-ris, a pour caractéristique de résister aux hivers froids et aux champignons. L’an prochain, cent cinquante pieds supplé-mentaires seront plantés sur une autre terrasse, la première récolte étant prévue en 2018. Mais, déjà, l’initiative peut compter sur l’aide de plusieurs vendangeurs.«  Un homme avait deux fils. Il vint trouver le premier et lui dit  : “Mon enfant, va travailler aujourd’hui à ma vigne.” Celui-ci répondit  : “Je ne veux pas.” Mais ensuite, s’étant repenti, il y alla. Abordant le second, le père lui dit la même chose. Celui-ci répondit  : “Oui, Seigneur  !” et il n’y alla pas. Lequel des deux a fait la volonté du père ? » (Mat-thieu 21, 28-30)

Frédéric AntOinE

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Éclairage 17

L’appel 369 - Septembre 2014

EN TERRE D’ISLAM

Chrétiens arabes : un avenir

impossible ?

Depuis l’invasion islamique du VIIe  siècle, les chrétiens arabes ont été les partenaires obligés des musulmans dont ils par-

tagent la culture et la langue. Mais ceux-ci ont toujours eu du mal à accepter qu’un arabe ne soit pas aussi un musul-man. «  Que ce soit dans les zones chiites ou sunnites, les chrétiens ont toujours

été victimes de discrimination, assure un habitant de Cisjordanie. Les organisa-tions islamiques soutiennent en priorité les musulmans. Quand il y a des possibilités de travail, elles sont d’abord proposées aux musulmans, surtout s’il s’agit de postes dans les administrations. Les commu-nautés au pouvoir travaillent pour elles-mêmes. Les femmes chrétiennes ne sont

pas les bienvenues dans certains quartiers musulmans… » Et pourtant, dit ce Palestinien qui habite près de Jérusalem, « nous sommes arabes. Chrétiens et arabes. Nous parlons la même langue. Nous ne sommes pas les descen-dants des croisés. Ni des colons. Ni des objets-souvenirs pour touristes d’un chris-tianisme des premiers temps. On ne peut

Minorité tolérée mais discriminée, les chrétiens arabes ont pris le chemin de l’exil depuis de nombreuses années. Ils créent ou rejoignent d’autres communautés chrétiennes en Europe ou en Amérique. Aujourd’hui, la montée d’un islamisme intolérant, et souvent violent, les pousse manu militari vers la sortie. Peut-on imaginer qu’un jour il n’y ait plus d’arabes chrétiens dans cette région, berceau du christianisme ?

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« UN BON ARABE NE PEUT ÊTRE QUE MUSULMAN » (kADHAFi)Dès que le pouvoir musulman s’est installé sur les terres évangélisées par les chrétiens, celui-ci a instauré un statut spécifique déterminant les devoirs des non-musulmans. Juifs et chrétiens devaient accepter le statut de dhimmi, ce qui signifie « pro-tégé » en arabe. Ce statut de protection organisait aussi leur infériorité juridique. Ils devaient payer un impôt et respecter des règles de vie contraignantes (habillement, habitat, activités…). Il n’en était pas moins un statut légal de citoyenneté. L’appli-cation de ce statut variera d’une région à l’autre selon qu’elles connaissent ou non des périodes de crise. Il s’estompera sous l’empire ottoman et ne sera aboli, en théorie, qu’à la fin du XIXe siècle sous la pression européenne. Crises politiques, dégradation des conditions de vie, manque de travail, avenir incertain, discriminations, violences, exac-tions… se succèdent. Au fil des années, la présence chrétienne au Proche-Orient va diminuer. Non pas en chiffres absolus, mais par rapport au développement démographique des populations locales. L’exode des chrétiens du Proche-Orient n’est donc pas un phénomène récent. La situation, parfois pénible, est devenue dangereuse pour les chrétiens là où l’islamisme strict s’impose, mais aussi pour les musulmans qui ne se reconnaissent pas dans le développement d’un islam violent et conquérant.

nous définir seulement comme des arabes qui ne se sont pas convertis à l’Islam… De nombreux chrétiens ont partagé les aléas des nations arabes, de l’Égypte à l’Irak, en passant par la Syrie. Les chrétiens d’Égypte étaient du côté de Nasser lors de la nationa-lisation du canal de Suez. Mais aujourd’hui, il ne suffit plus de nous mettre de côté. On nous pousse avec violence vers la sortie. Voyez ce qui se passe en Irak… » Les chrétiens, explique l’abbé Bernard Saintmard, doyen de Virton et animateur de nombreux pèlerinages en Palestine, ont occupé de nombreux postes à res-ponsabilité, ouverts de nom-breuses écoles et organisa-tions sociales dans l’ensemble du monde arabe, excepté dans les Émirats arabes, sans faire de prosélytisme. Beau-coup de musulmans ne se reconnaissent pas dans ces mouvements violents, mais ils restent discrets. « En Israël aussi, ajoute-t-il, les chrétiens arabes n’ont pas facile.  Ils sont représentés à la Knesset, mais n’ont guère d’influence. Ils sont pris en étau entre la droite israélienne, les ultra-orthodoxes dont l’influence grandissante est une catas-trophe, même pour Israël, et entre l’isla-misme extrême du Hamas du côté arabe. »

DéSiLLUSiOn

Les violences en Égypte, la guerre en Syrie, l’installation de l’« État islamique » en Irak ces mois d’été sont d’autant plus tragiques qu’il y a deux ans à peine les «  printemps arabes  » avaient soulevé l’enthousiasme de milliers de jeunes, d’hommes et de femmes, de chrétiens, de laïcs et musulmans mêlés qui, avec audace, avaient exprimé leurs envies de liberté et de démocratie, et réussi à déboulonner des dictateurs qui sem-blaient installer pour l’éternité ! Ils ont vite

déchanté. Bien organisées, rodées depuis de nombreuses années, les organisations islamistes, ont repris le dessus. « à l’écoute des résultats électoraux en Égypte, en Tuni-sie, nous avions le sentiment que l’histoire faisait machine arrière, dit un étudiant qui était sur la place Tahrir. L’exode des chré-tiens va se poursuivre. On ne peut pas nous enlever nos rêves. Mais on peut nous empê-cher de les réaliser. Le passé revient. »Les Coptes d’Égypte ont toujours souf-fert de violences plus ou moins systéma-tiques, tout au moins dans les régions rurales. Ils ont connu incendies et des-

tructions d’églises ou d’institutions chré-tiennes. Soit leurs constructions sont trop hautes, soit on les accuse d’occuper illéga-lement des terrains dont elles sont pour-tant légitimement propriétaires, soit elles chercheraient à convertir des musulmans. Les kidnappings, dans le but d’obtenir des rançons, sont fréquents. Les autorités n’interviennent que mollement. Ou elles organisent des séances de «  réconcilia-tion  » incitant les victimes à retirer leurs plaintes. De telles discriminations exis-taient sous Moubarak. Elles se sont ampli-fiées sous la présidence de Morsi qui vou-lait leur imposer la Charia. C’est ce qui a déterminé leur opposition au gouverne-ment Morsi… et provoqué de nouvelles attaques contre leurs églises, leurs écoles ou les habitations de particuliers.

FiDÈLES Et inFiDÈLES

En Syrie, les chrétiens ont longtemps sou-tenu le régime alaouite du clan Hassad, père et fils. La laïcité «  proclamée  » de

l’État leur paraissait une protection suffi-sante. Si des chrétiens se sont retrouvés du côté des rebelles, les hiérarchies ecclé-siastiques sont restées fidèles au régime. Ce choix ne les a pourtant pas protégés du groupe islamiste le plus violent, l’« État islamique en Irak et au Levant » (EILL) qui avait commencé à opérer en Irak. En Irak, il y avait plus d’un million de chré-tiens avant les guerres du Golfe. Ils ne sont aujourd’hui plus que 400 000, soit moins de 2% de la population. Et ceux qui restent sont coincés dans la guerre que se livrent sunnites et chiites. Mossoul, dont le nom évoque la

douceur de la mousseline, est tombée en juin dernier aux mains des djihadistes de l’EIIL après quatre jours de combat. Un mois plus tard, malgré les assurances données par les dji-

hadistes, les chrétiens de Mossoul avaient à « choisir » entre la conversion à l’islam, payer un impôt aux islamistes, ou quitter la ville. Menacés de mort, ils ont fui en masse vers le Kurdistan irakien, se faisant souvent racket-ter dans leur fuite les quelques biens qu’ils avaient réussi à emporter avec eux. «  Nous avons vécu depuis des siècles à Mossoul en harmonie avec les musulmans, déclare Mgr Boutros Mouchi, évêque syriaque-catholique de Ninive en Irak, au journal libanais L’Orient-Le jour. Ils ont brûlé les livres, les documents et tout ce qui se trouvait à l’intérieur du bâtiment.  » L’exode des chrétiens ne date pas d’au-jourd’hui. Mais c’est la première fois que les chrétiens sont obligés d’abandonner leur ville sous une telle violence. Faut-il en conclure que l’«  on ne pourra plus jamais cohabiter avec des musul-mans » s’interroge un chrétien perdu avec sa famille sur la route de l’exil avec ses maigres bagages ?

Christian VAn ROmPAEy

« L’exode des chrétiens va se poursuivre. On ne peut pas nous enlever nos rêves. Mais on peut nous empêcher de les réaliser. Le passé revient. »

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Éclairage 19

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À plus de 80 ans, le père Henri Bou-lad, directeur du centre culturel d’Alexandrie, jésuite et théologien

égypto-libanais, a vu le Printemps arabe égyptien éclore sous ses fenêtres avant d’être récupéré par d’autres idéaux que ceux des révolutionnaires. Il ne cesse de fustiger le double langage des islamistes, qui promettent la démocratie mais réta-blissent la charia. Il ne cesse aussi de décrier l’angélisme teinté de cynisme de l’Occident et son « pragmatisme poli-tique »  : peu importe le pouvoir pourvu qu’on ait le pétrole et le gaz, sans oublier le marché des armes. Aussi, presse-t-il les occidentaux à ne pas s’allier aux fon-damentalistes musulmans. Il ne peut comprendre comment les États-Unis ont choisi de se mettre du côté de l’Arabie Saoudite plutôt que du côté de Nasser à l’époque de la construction du barrage d’Assouan, dans les années soixante. Évi-demment, l’un avait du pétrole, l’autre pas. L’Arabie saoudite est pourtant aux antipodes du projet démocratique tant vanté par les États-Unis à travers le monde. De plus, il soutient financiè-rement les mouvements islamiques les

plus durs. «  On en voit aujourd’hui les conséquences  ! », fait remarquer Antoine Sfeir, directeur de la revue Les Cahiers de l’Orient.

nE PLUS ABRUtiR LES COnSCiEnCES

Il y a une quinzaine d’années, aux membres d’une organisation sociale belge de passage au Caire, le père Henri Boulad avait exprimé son étonnement et ses craintes de voir l’islam s’installer et construire des mosquées en Europe. «  Vous êtes aveugles, disait-il. C’est la porte d’entrée d’un islamisme dont vous ne connaissez pas encore la capacité de nuisances.  » Propos alors considérés comme excessifs, au moins pour l’Europe. Aujourd’hui, Henri Boulad poursuit son combat. Mais, dit-il, il faut parler avec les musulmans qui acceptent d’analy-ser la position de l’Islam dans le monde contemporain. Envers et contre tout. Ce qui s’est passé pendant les printemps arabes ne peut se perdre. Un processus important s’est mis en marche. L’actualité de ces derniers mois n’encourage peut-

être pas à l’optimisme. Et cette région du monde connaîtra sans aucun doute une longue période d’instabilité et d’incerti-tudes, mais aujourd’hui, « on ne peut plus abrutir les consciences ».

COntAGiOn DémOCRAtiQUE

Les sociétés islamiques progressent comme le font ces rivières souterraines qui semblent surgir de nulle part quand elles reviennent au jour. En marge des événements largement médiatisés, sou-vent violents, il existe aussi de «  longues accumulations et de lentes adaptations  ». Au-delà d’un religieux omniprésent, trop instrumentalisé par la conquête du pou-voir, on ne peut nier « la montée, récente, mais irréversible, de la sécularisation en terre d’islam  ». C’est ce qu’affirment des chercheurs musulmans et occidentaux, réunis en 2012 au Collège des Bernardins à Paris. « La contagion démocratique » a eu des résultats divers, disent-ils, décevants, voire terrifiants selon les pays. « C’est l’hi-ver après le printemps. » Mais cette conta-gion a gagné l’ensemble du monde arabe

Il ne faut pas désespérer de l’islam

PRintEmPS ARABES. Vont-ils favoriser la sécularisation en terre d’islam ?

Au vu du passé et de

l’actualité immédiate, peut-

on encore espérer que les

musulmans vivent un jour

dans des États de droit,

démocratiques et pluralistes ?

S’il existe un islam de la

cohabitation, il est temps qu’il

s’exprime !

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14 islamique à partir de mots d’ordre iden-tiques  : dignité, liberté, démocratie, état de droit, droits de l’homme. « Même si ce cours est incertain, il a ouvert un espace public à la modernisation sociale et cultu-relle. »Deux marqueurs principaux, l’un socio-culturel, le statut de la femme, l’autre institutionnel, la conception du droit, mais aussi le dévelop-pement du syndicalisme, des nouvelles formes de contesta-tion et de toutes les pratiques qu’on a vu se développer durant les printemps arabes, sont des signes de ce changement. Para-doxalement, l’exemple vient de l’Iran et de l’Égypte qui ont été les premiers à reconnaître le droit de la femme à s’émanciper, dès les années 1920. Si ces mouvements sont partis d’une relecture du Coran, ils sont aujourd’hui une reven-dication laïque d’égalité et de réforme du droit. Qu’il s’agisse du mariage, de l’habil-lement, de la liberté de circuler, de s’expri-mer, du droit à entreprendre des études, en Algérie, en Tunisie, en Palestine, le

LE mESSAGE ORiGinEL DU CORAn

féminisme arabe existe, bien que mal vu et combattu par tous les régimes.Quant au droit islamique, celui-ci est clai-rement, pour les musulmans, «  une loi venue du ciel ». Mais depuis le XIXe siècle, le droit musulman (la charia), confronté à la modernité, est contraint d’entendre l’appel à la raison et aux principes de jus-

tice. L’islam est contraint de s’inspirer du droit international, en l’adaptant à son contexte particulier certes. Mais il sort de la tradition fondamentaliste.

DAnS LES COnSCiEnCES

Malgré les violentes secousses de ces der-nières années, « le monde arabo-islamique [serait] en train de se séculariser, sans pour autant “sortir du religieux”. » Pour l’heure,

il existe une «  cohabitation paradoxale  » de l’islamisme et de la sécularisation qui provoque de fortes réactions de défense identitaire. L’islamisme sera-t-il pour autant «  soluble dans la modernisation et la sécularisation  » que certains pensent «  irréversibles  »  ? Oui sans doute, mais dans combien de temps ? Après combien

de victimes ?On ne peut guère être opti-miste dans l’issue des prin-temps arabes à court terme. Mais, c’est un fait  : « Une révo-lution s’est mise en marche dans les consciences. Lente, discrète, moins médiatisée… Le prin-

temps arabe a déclenché un processus de remise en question et d’analyse qui, cou-plée avec l’Internet, sera déterminante pour l’avenir des pays arabes », analyse le Père Boulad. Les réseaux sociaux permettent d’accéder « à une autre culture qui échappe au pouvoir en place et qui, bientôt, jouera comme un contre-pouvoir. » 

Christian VAn ROmPAEy

Malgré les violentes secousses de ces der-nières années, le monde arabo-islamique serait en train de se séculariser, sans pour autant « sortir du religieux ».

Pour bien comprendre le blocage actuel et la guerre que se livrent actuel-lement les musulmans, il faut remonter au message originel de Mohammed. « Celui qu’il a délivré à La Mecque et qui, à l’époque, était un message d’ouverture, de tolérance et de profonde spiritualité…, explique Henri Boulad. N’ayant pas été suffisamment entendu, Mohammed s’est déplacé à Médine pour y fonder une société où le religieux devenait indisso-ciable du politique, du social, du cultu-rel et du militaire. C’est à ce moment-là que l’islam, qui n’était que religion, est devenu un système englobant. Ce qu’il est toujours resté depuis.  » Le message s’est «  figé dans une interprétation défi-nitive des textes religieux qui prévaut aujourd’hui encore ».

Tous ceux qui ont tenté de questionner le Coran et d’en proposer une lecture plus philosophique ont toujours été violemment contrés. De plus, en privilégiant les textes de Médine sur les premiers textes de La Mecque, «  les plus beaux versets du pro-phète, ceux affirmant qu’il n’existe pas de contrainte en religion comme ceux préco-nisant de fraterniser avec les autres croyants, notamment les chrétiens et les juifs, ont disparu. » Dès lors, le Coran a enfermé l’islam dans une intolérance qui a marqué toute son his-toire, du Xe siècle à nos jours. Voilà com-ment l’islam est devenu l’islamisme,

allant jusqu’à menacer de mort tout qui remet ce texte en question, qu’il soit musulman, chrétien, journaliste, athée… ou caricaturiste. (CVR)

Pour aller plus loin…Bichara KHADER, Le Monde arabe expliqué à l’Europe, Paris, L’Harmattan, CERMAC, Academia Bruylant, 2009. Prix : 44 € -10% = 39,60 €.Marie DE VARNEY, Chrétiens d’Orient, François Bourin Éditeur, 2013. Prix : 20 € -10% = 18 €.Jacques HUNTZINGER, Les printemps arabes et le religieux. La sécularisation de l’Islam, Paris, Collège des Bernardins, Parole et Silence, 2014. Prix : 10 € -10% = 9 €.Antoine SFEIR, L’islam contre l’Islam. L’interminable guerre des sunnites et des chiites, Paris, Biblio essais, Grasset, 2013. Prix : 6,85 € -10% = 6,17 €.Bernard HEYBERGER, Les chrétiens au Proche-Orient. De la compassion à la compréhension, Paris, Payot, 2013. Prix : 16 € -10% = 14,40 €.Reportage de 40 pages « Aux sources du monde chrétien », Revue Géo, décembre 2013.

CORAn. Est-il possible qu’il soit interprété d’une manière

plus philosophique ?

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il y a septante ans, le 10 juin 1944, une unité de la Waffen SS allemande raye de la carte une petite localité du Limousin français située à quelques kilomètres de Limoges : Oradour-sur-Glane. 642 hommes, femmes et enfants sont massacrés puis brûlés et la ville totalement incendiée.Contrairement aux villes martyres de la guerre 14-18, Oradour n’a pas pansé ses plaies et n’a pas été reconstruite au même endroit, en espérant oublier au plus vite. Aujourd’hui, le témoignage de cette barbarie est toujours là. Vivant dans la mort. Et se visite avec émotion.

MÉMOIRE « VIVANTE » DE LA MORT

Oradour, témoignage

du martyr

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miSSiOn : RASER ORADOURCe samedi-là, les cent vingt SS de la 2e division Das Reich pénètrent dans la petite bourgade. La veille, ils ont pendu 99 otages dans la ville de tulle, mais à Oradour on n’en sait rien. En guise de représailles à des attaques de maquisards survenues depuis le débarquement, ils ont aujourd’hui ordre de raser Oradour. La population, qui n’a jamais vu d’Allemands depuis le début de la guerre, croit à un simple contrôle d’identités. En début d’après-midi, tous les habitants sont amenés sur le champ de foire, de gré ou de force. Les Allemands exigent que les hommes soient séparés des femmes et des enfants.

ABAttUS À LA mitRAiLLEttEAvant 16h, les hommes sont dispersés en six groupes dans des granges, les deux garages automobiles de la localité, et un chai. Une fois les lieux déblayés par les otages, les SS installent à l’extérieur des mitraillettes en batterie, et tirent dans le tas. Alors que les victimes s’écroulent, les bourreaux répandent de la paille et de l’essence, boutent le feu aux bâtiments puis se mettent à piller les environs. tous ceux qui ont réussi à se cacher sont débusqués et assassinés sur place. Chaque maison est incendiée.

BRûLéES DAnS L’éGLiSEPlus tard dans l’après-midi, 350 femmes et enfants sont enfermés dans l’église. Les SS tentent de faire sauter le bâtiment. Comme la charge explosive est insuffisante pour que l’édifice s’écroule de lui-même, ils pénètrent dans l’église, tirent sur tout qui bouge, puis y mettent le feu. Dans leur poussette dont le métal fond, les nourrissons meurent avant les autres. Une seule femme réussira à s’échapper du massacre de l’église.

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Le Centre de la mémoire, qui gère l’accès au village, est ouvert 7 jours sur 7 du 1er février au 15 décembre, de 9 à 17, 18 ou 19h selon les saisons. Accès payant à l’exposition permanente Comprendre Oradour, accès gratuit au village. (http://www.oradour.org)

HéBétEmEntDans la soirée, du tramway venant de Limoges débarquent des voyageurs horrifiés. De loin, ils avaient aperçu que le village n’était plus qu’un brasier, mais n’avaient pas imaginé entrer dans une cité remplie de cadavres. Sur les 642 personnes abattues, seuls 52 corps seront identifiés. Le massacre ne fera que trente survivants. Des « miraculés » de la haine.

mémORiALAlors que la guerre se termine, les autorités françaises décident de conserver en l’état les ruines de la ville détruite. Comme un monument historique. Longtemps, on accédera au lieu en toute liberté, comme si on y arrivait en descendant du tram de Limoges… Depuis 1999, un Centre de la mémoire a été édifié en bordure du village. il permet d’entrer dans les lieux, laissés intacts (mais légèrement plus aménagés que jadis), et de visiter une exposition qui resitue le drame d’Oradour dans son contexte, de la montée du nazisme aux procès qui ont suivi. Où ont notamment été mis en cause des Alsaciens, enrôlés malgré eux dans la division SS, et qui avaient été forcés de participer à l’anéantissement de la localité.

textes et photos : Frédéric AntOinE

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« L’essentiel, ce sont

les Évangiles »

Rencontre

Philosophe de formation, romancière, essayiste, la Française Sylvie Germain rencontre un lectorat de plus en plus large, creusant dans ses écrits une interrogation spirituelle d’inspiration chrétienne.

© Tadeusz Kluba

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Rencontre

-V ous êtes née à Châteauroux en France en 1954 et évoquez dans un de vos tout derniers livres la mémoire de vos deux

parents. Qu’ont–ils transmis de marquant ?– C’était une famille traditionnelle, plu-tôt unie et aimante qui permettait de se structurer à peu près convenablement, rien n’étant jamais parfait. Je suis la der-nière d’une fratrie de quatre. La place qu’on occupe dans une fratrie a beau-coup d’importance dans la manière dont on appréhende le monde et dans sa relation aux autres. Je n’avais pas à subir la rivalité d’un frère ou d’une sœur qui arrive après moi. Je n’étais pas non plus l’enfant unique à qui tout est dû. D’emblée, j’ai été dans le partage et par-fois aussi naturellement dans le conflit. S’il fallait rentrer dans les détails, c’est évidemment plus complexe mais en bref, je suis issue d’un type de famille peut-être en voie de disparition actuel-lement…

– Une famille attachée à des valeurs dites tradition-nelles comme le respect de l’autorité par exemple… ?– Oui. J’avais un père très doux, dénué de toute brutalité, ouvert, mais qui avait une grande autorité naturelle, doté d’une sorte de charisme que lui reconnaissaient tous ses amis.

– Un homme qui avait probablement le sens de l’État, du bien commun, de par sa fonction de sous-préfet de la République… – Effectivement. Je crois que les valeurs que l’on acquiert le plus sont celles qui viennent non pas par des discours mais par l’exemple. Mon père venait d’un milieu très modeste de paysans. Il a vécu dans une maison où il n’y avait pas de livres. Il était l’exemple typique de ces enfants boursiers de la République. Il lisait énormément et a fini par faire des études de sciences politiques. Il se pas-sionnait aussi bien pour la science que la philosophie. Parmi ses grandes passions, il y avait le poète Paul Valéry et Teilhard de Chardin.

– Et votre mère ?– Elle était plus dans le côté passionnel, plus irascible, plus méditerranéen. Cela s’équilibrait.

– Votre adolescence s’est ancrée dans les années 1960, dans un milieu catholique, avant la révolution culturelle de 1968…

– Catholique, oui mais je pense que c’était plus par tradition et habitude, comme dans beaucoup de foyers. Ma famille n’était pas profondément investie dans des activités liées à l’Église. On pra-tiquait. On allait à la messe le dimanche mais c’était plutôt, je pense, une démarche un peu formelle. Le fait d’aller au catéchisme a induit évidemment des choses, même si celui que j’ai reçu était vraiment très indigent. Il n’empêche qu’il a formé mon imaginaire d’enfant. Cela a déposé des images, des sortes de mytho-logie et cela oriente la sensibilité d’une personne. Mon père avait une spiritualité profonde. Il restait fidèle à son Église mais intérieurement, il en était distancié. Il se posait beaucoup de questions.Ma mère allait plus à l’église par conven-tion sociale et habitude. Quand des épreuves sont venues dans sa vie, elle l’a complètement désertée. Je suis un peu héritière de ces deux figures.

me posait problème. Finalement, avant de quitter ce que je ne comprenais pas, j’ai décidé d’approfondir ma propre tradi-tion. J’ai pensé que je passerais peut-être ma vie autour d’une sorte de trou où la croix aurait été désouchée et que je res-terais là, à cet endroit. Des décennies plus tard, aujourd’hui, je suis toujours là, à côté de cette croix, avec des questions…

– En faisant des études de philosophie avec notamment Emmanuel Levinas comme maître et un mémoire sur l’ascétisme chré-tien, vous avez approfondi les questions liées à la foi, qui doit, écrivez-vous, être pen-sée, interrogée…– Effectivement, des affirmations comme l’incarnation ou la résurrection ne sont souvent pas croyables, ni vraisemblables ni prouvables. Mais si on élimine cela au nom d’une sorte de crédibilité scienti-fique, alors on n’est plus du tout dans l’es-pace de la foi. On peut continuer à porter

de la considération et de l’inté-rêt aux Évangiles et au Christ en disant  : «  C’est un homme admirable, un grand sage comme

Socrate ou Bouddha.  » Beaucoup de per-sonnes en sont là. Pourquoi pas. C’est déjà beau de garder le Christ comme un certain modèle de vie mais on s’éloigne alors pour moi complètement de l’essen-tiel.

– Où est-il pour vous ?– Pour moi, l’essentiel ce sont les Évan-giles. Parfois, il y a des oripeaux, des divergences d’interprétation selon les Églises. Je pense que, génération après génération, on ressent une nécessité d’adaptation pour que le sens continue à passer. Parfois, les formulations sont tellement datées qu’on les comprend de travers aujourd’hui alors qu’au temps où elles étaient formulées, les contempo-rains les comprenaient, les entendaient, y trouvaient du sens, portaient du fruit. Aujourd’hui, certains mots n’ont plus de sens ou ont pris un autre sens. Du coup, cela provoque des contre-sens qui peuvent éloigner les gens…

– Comme par exemple le péché originel, la notion de victime expiatoire… ?– Oui, il y a beaucoup d’expressions ainsi où l’insistance mise sur la «  souf-france  » qui a abîmé tant de personnes. À ce niveau-là, je pense qu’il faut sans arrêt être vigilant. Maintenant, sur le fond du fond, si on retire tout de la subs-tance des paroles de Jésus, si on le réduit

« Je suis partagée entre foi et doute. »

– Vient la période de la jeunesse où sou-vent beaucoup prennent distance avec l’Église. C’était aussi votre cas ?– J’éprouvais de l’ennui par rapport à ce qu’on proposait. Ce n’était pas suffisam-ment habité. J’allais aux offices. La liturgie n’était pas envoûtante. Plus j’avance en âge, plus je me rends compte de la néces-sité d’une beauté liturgique dont parle tellement bien Maurice Zundel pour sen-sibiliser l’imaginaire, évangéliser la sensi-bilité ou comme il disait « évangéliser l’in-conscient ». Sans être une rebelle, il y a eu une sorte d’éloignement par ennui mais en même temps, les questions demeu-raient intactes et cinquante ans plus tard, elles sont toujours là à me tarauder.

– Quelles questions par exemple ?– J’ai été dans un grand désarroi à une certaine époque surtout à l’égard de la personne du Christ. Est-ce qu’on adhère ou non à l’idée de l’incarnation et de la résurrection qui vont de pair. Si on exclut un des deux, il y a quelque chose qui ne va pas. Ce sont les deux grandes nuits, celle de la Nativité et celle de Pâques, qui ne peuvent pas être dissociées. Les deux sont l’une et l’autre fondamentales. Cette question était vraiment pour moi un grand tourment. Un moment, dans mon désarroi d’adolescente, je me suis dit que je devrais peut-être me convertir au judaïsme puisque c’était le Christ qui

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Rencontreau simple Jésus de Nazareth, aussi belle figure cela puisse-t-il donner, pour moi alors, on retire l’essentiel. Mais en même temps, le mystère reste entier. Je n’ai pas de réponses toutes faites. Je fais partie de cette foule de personnes qui sont entre foi et limite de l’incroyance parce que, comme d’autres, je suis constamment travaillée par le doute. Il y a cette phrase admirable dans l’Évangile de cet homme qui vient auprès de Jésus pour qu’il sauve son enfant et qui dit  : « Seigneur, je crois. Viens en aide à mon peu de foi.  » Dans la même phrase, il semble dire une chose et son contraire mais il dit ainsi la vérité humaine. On est là. On a confiance et pas tant que cela. On espère et on désespère à la fois. On sait et on ne sait pas. Cet homme vient et il dépose cette contra-diction, cette supplication aux pieds du Christ.

– Au catéchisme, on ensei-gnait aussi que Dieu était créa-teur, tout puissant et amour. Des qualités apparemment difficilement conciliables pour beaucoup… Vous préférez parler de Dieu autrement, par des métaphores notamment.– Déjà le mot «  Dieu  » pose problème. En français, le mot est dérivé de Zeus, le dieu grec. C’est déjà très mal parti. Chacun met sous ce vocable plein de choses. Beaucoup de gens autour de moi rejettent le Dieu monothéiste parce qu’il serait source de toutes les guerres et toutes les tragédies. Ce n’est pas vrai. Ce n’est pas si simple. Il suffit de regar-der l’histoire. On peut tuer aussi au nom de dieux au pluriel, au nom de « Pas de Dieu », de Mammon ou d’idoles. Mais il est vrai qu’au sein du monothéisme, cela peut susciter des comportements inté-gristes absolument insupportables et qui en arrivent à tout renverser et à nier complètement le message d’origine. On rappelle suffisamment souvent toutes les dérives de l’Église. Elles furent nom-breuses  : Les croisades, l’Inquisition. On le sait. Il ne faut pas l’oublier. Mais il ne faut pas non plus se repaître de cela et rejeter au temps présent le legs. Der-rière ce chaos, ces trahisons, les défail-lances de l’Église en tant qu’institution humaine, avec son lien au pouvoir, il faut garder et extraire de cette gangue le texte d’origine.Jeune, constatant qu’on avait tué au nom du Christ, je me disais déjà  : « Mais où ont-ils pu trouver dans l’Évangile le moindre mot qui justifierait leurs actes  ?  »

J’étais ahurie et je le suis toujours. Quant à la science, elle ne peut pas tout prouver elle-même. Si un jour, on prouvait l’exis-tence de Dieu, on ne serait plus dans le domaine de la foi et il y aurait des gens qui nieraient les évidences. Je crois que le débat sur l’existence de Dieu, sur la meilleures voie d’accès vers lui, sur qui est le meilleur prophète, ce débat sera là jusqu’à la fin de l’humanité.

– Certains pensent que Dieu est main-tenant d’une certaine façon absent du monde et que c’est à nous de le porter. Vous êtes sensible à cette idée ?– Oui, Dieu est devenu présent de manière inédite, littéralement inouïe par l’incarnation, si on reste dans l’espace chrétien. Il faut que cette incarnation se reproduise constamment. Les grands

mystiques le disent très bien. La Nativité n’est rien si elle n’a pas lieu dans le cœur de chaque homme. Si la résurrection n’a pas lieu dans le cœur, la pensée, l’esprit d’une personne, alors elle n’existe pas et Dieu n’est pas là non plus pour celui qui ne le fait pas exister. Par ailleurs, Dieu est. Il y a la fameuse défi-nition dans l’Exode : « Je suis celui qui suis. » Si Dieu est, on ne peut pas empêcher que ce qui est… soit. Mais en même temps, ce n’est pas ce qui le fait exister pour nous. Celui qui dit «  Dieu n’existe pas  » parce qu’il n’y croit pas a raison. Pour cette per-sonne non croyante, Dieu n’« existe » pas au sens étymologique du terme. Il ne le fait pas « sortir ». Il n’y a pas « exode ». Il ne se passe rien pour cette personne. Le croyant est celui qui fait exister Dieu en lui et par lui…

– Et vous, votre manière de le faire exister, c’est plutôt par l’écriture…– J’aimerais que cela soit plus par mes actes… Il y a toute une dynamique dans notre façon d’agir, de penser, de faire ou de ne pas faire qui fait ou non être Dieu en nous…

– Vous avez étudié la philosophie, été enseignante un temps et puis vous avez commencé à écrire, connu le succès, l’es-time auprès de lecteurs de plus en plus nombreux avec très souvent dans vos écrits, cette interrogation spirituelle. L’écri-

ture est-elle une manière pour vous d’être au monde ? – Oui, c’est pour moi une manière vitale d’être au monde, comme une respiration. Dans toutes les disciplines artistiques, pour les créateurs, leur discipline est leur manière d’être au monde, de vraiment « vivre » et de goûter la saveur de la vie parfois jusqu’à l’amertume. Pour moi, en l’occurrence, c’est l’écriture. Ce n’est pas neutre puisque l’on y manie le langage, la pensée. Pour arriver à maintenir vivace cette interrogation spirituelle fondamen-tale, oui, j’ai besoin de l’écriture, qu’elle passe par la fiction ou des essais.

– On peut être « utile » par l’écriture ? – Je ne me pose pas la question de l’écri-ture comme une sorte d’instrument. Parfois, on écrit, dit ou fait des choses

qui provoquent chez l’autre des réactions démesurées par rapport à la petite chose qu’on a faite, dite ou écrite, parce que cela a déclenché quelque chose qui était déjà

en eux. Il y a aussi des malentendus, y compris chez les lecteurs. Ce que je vois et qui m’intéresse, ce sont que les écrits circulent. Si cela donne du positif, tant mieux. Je ne m’imagine pas écrire des choses venimeuses ou visant à désespé-rer mes contemporains. Mais quand je prends la plume, je ne pense jamais à être utile à un lecteur. Sinon, il y a un manque de spontanéité et d’authenticité. J’essaye de pratiquer l’écriture comme une tenta-tive de saisir le mystère de la vie, même si on sait que c’est en partie insaisissable. Voilà ce qui me motive, me donne envie de continuer, même après des échecs.

– Écrire des phrases, c’est aussi une tenta-tive de clarté face à l’obscur…– C’est essayer de déceler un petit peu de sens, de signification et de direction, même si cela louvoie beaucoup. J’écris aussi pour continuer à vivre un peu plus. Peut-être un jour, m’en détacherai-je. Certains grands sages y arrivent. J’aime beaucoup cette phrase de Maurice Blan-chot  : «  Nous écrivons pour tendre vers le silence.  » C’est un horizon de silence qui obsède l’écrivain et comme on n’y arrive pas, on recommence.

Propos recueillis par Gérald HAyOiS

« L’écriture, c’est pour moi une manière vitale d’être au monde, comme une respiration. »

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Ça se vit

Un autre regard sur les réfugiés

Hospitalité et rencontre, voilà les deux porte-dra-peaux du projet «  Mai-son Josefa  » en plein

cœur d’Ixelles. Cette maison accueillera et hébergera dans un habitat agréable et convivial des personnes rendues vulnérables par la migration. Des personnes qui ont obtenu leur permis de séjour. Des hommes comme des femmes, pour favoriser l’occa-sion de vivre ensemble. «  Ce sera, explique Gilbert Grangon, co-fon-dateur et administrateur délégué de la Fondation Josefa, un lieu où s’expérimentera dans le quotidien la rencontre, le partage, l’écoute. » Un lieu d’échange dans une réciprocité enrichie par la migration des uns et des autres. En effet, il ne s’agit pas de mettre ensemble des réfugiés ou de vouloir traiter le pro-blème « des » réfugiés mais de se laisser toucher par l’autre, dans sa singularité, notamment sur le plan des convictions et de la spiritualité.

miGRAtiOn Et SPiRitUALité

La Maison Josefa pourra héberger une cinquantaine de réfugiés avec d’autres résidents prêts à partager et à rendre possible ce défi. Il est prévu un espace logement, mais aussi des espaces de ren-contre et un espace interconvictionnel, permettant aux résidents de partager également sur ce qui les fait vivre, sur ce qui donne sens à leur vie.Derrière ce projet, on retrouve la Fonda-tion Josefa, dont le but est de récolter des fonds qui serviront à la construction.

Mais pas seulement. Ses visées sont plus larges  : sensibiliser aux questions de migration. Ses bureaux se trouvent au troisième étage du 174 rue Joseph II à Bruxelles. Juste derrière la Commission euro-péenne. Symbolique. En effet, quelles sont les politiques de l’Europe en terme de migrants ? La question des flux migra-toires n’a jamais été aussi actuelle, la pro-blématique aussi aiguë. Suite aux nom-breux foyers de conflits dans le monde, les demandes d’asile augmentent. Les réfugiés sont souvent perçus comme un

danger. «  Et si nous changions de regard », lance Gilbert Grangon.

EnRACiné DAnS L’éVAnGiLE

Changer le regard, c’est là tout le sens du projet. La Fondation, d’utilité publique, «  ambitionne de mettre en relation des réfugiés rendus vulnérables par le déracine-ment de leur pays d’origine et qui cherchent à s’insérer, à trouver une place, à devenir membre actif de cette société qui les accueille, dans le but de changer le regard des uns et des autres  », détaille Gilbert Gran-gon. C’est donc bien plus qu’une

question d’intégration ou d’assimilation. Il s’agit vraiment d’un projet qui contribue à faire des différents partenaires des acteurs d’une société qui donne toute sa place à celles et ceux qui sont prêts à s’y engager. La vision de la Fondation puise sa source et son enracinement dans l’Évangile. Elle invite chacun et l’ensemble de la société à s’intérroger sur ses certitudes. Qui est du bon côté de la frontière ?

Paul FRAnCk

: www.josefa-foundation.org

MAISON JOSEFA

Un lieu d’hébergement pas comme les autres va bientôt naître à Bruxelles. Il sera un lieu d’accueil des réfugiés, un endroit d’échange, un espace où l’on pose un autre regard sur la migration.Plus qu’intégrer les réfugiés, il s’agit de les rendre acteurs de la société.

QUEStiOn DE FROntiÈRESelon les derniers chiffres, 67 personnes détiendraient une fortune équivalente à celle de 3,5 milliards de personnes. « Cette équation suffit à montrer l’absurdité de la situation, dénonce Gilbert Grangon. De quelle autorité, moi, plutôt du bon côté de la frontière, puis-je me permettre de refuser que certains de ces trois milliards et demi de personnes franchissent la frontière de mon pays ? Ne serait-il pas plus légitime de deman-der à ces 67 citoyens de déplacer la frontière de leur portefeuille, plutôt que de laisser les États dépenser des fortunes publiques pour tenter d’endiguer des flux migratoires ? » (P.F.)

ixELLES. La maison accueillera une cinquantaine de réfugiés

et d’autres résidents.

© Josefa

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Eh ben ma foi

Au moment de rédiger cette chronique, l’armée d’Israël pilonne depuis trois semaines la bande de Gaza. Hôpitaux,

ambulances et écoles sont frappés. Le nombre des victimes ne cesse de croître, surtout des civils et un nombre effarant d’enfants. Des crimes contre l’humanité sont commis, mais l’autorité israélienne sait qu’elle jouit d’une pleine impunité, comme lors des guerres précédentes. Elle sait aussi qu’elle peut poursuivre impu-nément son blocus de Gaza. Parmi les nombreuses raisons de cette impunité, il y a sans doute le fait que presque tous les chefs d’État occidentaux ont eux aussi besoin d’immunité pour leur rôle dans un long chapelet de conflits armés.

commEnt EnGEndrEr UnE GUErrE ?

Saddam Hussein était un dictateur. Mais la population irakienne avait atteint un niveau de développement supérieur aux autres pays du Golfe, que pouvait envier plus d’un pays d’Europe. Georges W. Bush et ses complices ont voulu faire à l’Irak le cadeau de la démocratie. Depuis lors, le territoire est à feu et à sang et aucun des pays de la « coalition » ne s’en occupe.Les Talibans n’étaient certes pas une bé-nédiction pour l’Afghanistan. À ce pays aussi on a voulu faire manu militari le don de la démocratie occidentale. La situation actuelle est dix fois pire qu’elle n’était sous les Talibans et les armées d’occupation se sont retirées sur la pointe des pieds.Mouammar Kadhafi était un tirant, mais il avait maintenu dans une certaine co-hésion l’ensemble composite des tribus formant la Lybie et avait offert à celle-ci

un développement envié par les pays voi-sins. Nous l’avons assassiné et depuis lors la Lybie, encore plus que l’Irak, est à feu et à sang.

iLs s’En LAVEnt LEs mAins

Nos pays occidentaux se sont concertés pour reconnaître à quelques aventu-riers syriens exilés le titre de «  pouvoir légitime » et les aider à renverser Bachar el-Assad. Celui-ci est toujours au pou-voir ; son pays est détruit par des hordes d’extrémistes. La population a tout perdu et se trouve dans une situation immensé-ment plus pénible qu’avant notre inter-vention libératrice.Et que dire de l’Ukraine où la commu-nauté européenne a encouragé le ren-versement d’un gouvernement légitime quoique corrompu par un groupe d’op-posants, ne représentant qu’une partie du pays  ? Le nouveau gouvernement s’est empressé de légiférer contre une section importante de sa population suscitant un mouvement sécessionniste qu’il a tout de suite décidé d’écraser par la force armée. Au lieu de reconnaître leur responsabilité dans ce gâchis, les Européens et les USA en font la Russie l’unique responsable.

PétroLE Et GAZ

Comment se fait-il qu’une fois le chaos installé, dans presque chacun des cas sus-mentionnés, aucun des pays occidentaux ne semble se soucier des populations vic-times de ces conflits. L’explication ne se-rait-elle pas que, dans chaque cas, le bien de la population concernée n’était pas le

véritable objectif de l’intervention ? Quels étaient, alors, les objectifs ?Ils sont nombreux, mais dans chacun de ces conflits il y a une forte odeur de pétrole et de gaz naturel. C’était assez évident pour la guerre d’Irak. En Afgha-nistan, il fallait assurer la construction du gazoduc TAPI. En Syrie, il s’agissait de per-mettre la réalisation du projet américano-européen de gazoduc Nabucco contre-carrant ainsi les projets Nord Stream et South Stream de Vladimir Poutine. Derrière la destruction de Gaza, il y a la volonté de permettre à Israël d’exploiter impunément les énormes réserves de gaz naturel situées dans les eaux territoriales palestiniennes.Malheureusement, dans toutes ces inter-ventions, l’empire américain comme les anciens empires coloniaux européens sont en train de perdre leur âme et d’ac-célérer leur propre déclin moral aussi bien que politique.

Armand VEiLLEUx, Père abbé de l’abbaye de scourmont

(chimay)

Il est facile de faire naître une guerre. Encore faudrait-il que ceux qui les engendrent ne s’en lavent pas les mains lorsqu’elles sont devenues hors contrôle.

Conflits d’intérêts

L’art d’engendrer les guerres. Et après ?

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Eh ben ma foi

Après la pause estivale, nous replongeons dans nos activités quotidiennes et leur rythme parfois effréné. Le récit de la

femme courbée (Luc 13, 10-17), nous rap-pelle que l’Évangile de Jésus-Christ est un évangile de libération. Car ce récit parle de l’usage du temps et plus particulière-ment de la conception du sabbat. Jésus entre en dialogue avec cette femme, il lui permet de retrouver son identité pre-mière, celle que Dieu lui a donnée.

CE QUi RELÈVE DE DiEU SEUL

Nos critères de réussite et nos critères d’échecs ne sont que des critères hu-mains. Ils ne sont pas le dernier mot sur la vérité de notre être. Ceci appartient à Dieu. La vérité de chacune de nos vies ne peut se résumer à la somme de nos réus-sites ou de nos échecs, à ce que nous pos-sédons ou ne possédons pas. Dieu nous libère de cette illusion qui peut nous faire tant souffrir, tant courir… pour nous ouvrir à une identité non pas comptable, mais offerte.Nous sommes des êtres nés d’un Amour qui nous précède et nous accueille à la fin de notre vie. Cet Amour a posé une parole à l’origine de notre existence, une parole de bonté qui dit notre dignité et que nul ne peut ôter. Une parole de dou-ceur et de confiance dans un monde qui les oublie trop souvent. Une parole que Jésus-Christ a fait résonner tout au long de son ministère et qu’il nous appartient de transmettre. Une parole qui, littérale-ment ou non, relève.

FêtER LA LiBERté

Le chef de la synagogue considère Jésus comme une sorte de médecin qui tra-vaille un jour de repos en guérissant cette femme. Cela ne pouvait-il pas attendre un rendez-vous du lendemain matin ? Non, le Royaume n’attend pas, il surgit  ! C’est lui que nous pouvons percevoir chaque fois qu’un être humain est relevé !Alors qu’on l’accuse de ne pas respecter la règle du repos par son geste vis-à-vis de cette femme, Jésus, au contraire, sou-ligne combien son action s’inscrit dans la tradition portée par l’Exode du sabbat comme libération. Le sabbat est une fête : on ne se souvient pas du sabbat comme d’une sorte de repos forcé indifférent au monde et ses souffrances ; mais on actua-lise le sabbat. Le Dieu de Jésus est le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu des vivants, le Dieu vivifiant  ! Comme Dieu a libéré son peuple d’Égypte, il libère cette femme et chacun, chacune d’entre nous.

LiBRE « DE » DOnC LiBRE « POUR »

Nous voici donc face à une femme libé-rée. Libérée de la courbure physique due à la maladie et de la courbure morale due à l’enfermement sur elle-même. Mais libérée aussi du temps des hommes et ses contraintes.Et si Dieu nous libère, ce n’est pas pour que nous retombions sous la coupe du premier tyran venu  ; ce n’est pas pour que nous nous laissions corseter par des contraintes extérieures qu’elles soient

religieuses, politiques ou sociales ou bien par les forces intérieures de l’orgueil ou de la convoitise. Si un jour de repos nous libère des liens du travail, prenons garde à ne pas nous aliéner à nouveau, même à la société des loisirs !Nous voici donc libérés de la crainte de ne pas être suffisamment aimés ou de devoir être parfaits pour plaire à Dieu. Libérés de la loi chaque fois qu’elle n’est plus au ser-vice de la vie des humains, mais libérés aussi des puissances de ce monde et du regard des autres.Libérés « de » donc libérés « pour »… pro-tester encore contre tout ce qui aliène, enferme, asservit l’être humain. À travers cette femme redressée, Jésus annonce un temps indéfini de libération pour nous-mêmes et au service d’autrui.

Être débordé et toujours en mouvement nous évite parfois de nous interroger sur le sens de notre vie. Mais à trop ployer sous les charges, comment partager celles des autres ou leur ôter un peu des leurs ?

VOIR PLUS LOIN

Le « ministère » du redressement

Laurence FLACHOn,Pasteure de l’église protestante

de Bruxelles-musée (Chapelle royale)

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Parole

DU PAin, DU Vin. La messe ultime.

« Et comme Moïse a élevé le serpent dans le désert, il faut que le Fils de l’homme soit élevé »

(Jean 3, 14)

lever-DieuTrois jours avant sa mort,

le vieil abbé veut encore dire la messe depuis son lit d’hôpital. La dire toute

entière, comme à l’autel, la cha-suble déposée sur le lit… Pour les mots, ça va. Le récit l’habite depuis si longtemps. Mais le bras n’y est plus, la main tremble. Alors, au moment de l’Élévation, il fait signe à Marie-Thérèse : qu’elle prenne le calice et qu’elle le sou-lève…Il a 88 ans. Elle 82. Et ils savent qu’ils vont se quitter. C’est très dur. Pour elle surtout. Ce n’est pas qu’elle soit seule, l’arrière grand-maman. Elle sait bien l’at-tention de toute sa tribu. Mais à qui confier cette affection spi-rituelle qui la fait vivre depuis si longtemps  ? Car voilà 45 ans qu’elle l’accompagne. J’entends la pudeur d’une si grande tendresse quand elle évoque sa présence d’ange-gardienne sur un chemin « parsemé d’embûches ».Je n’étais pas dans la chambre… mais je la célèbre avec eux, cette messe ultime, et je le vois, le calice porté à quatre mains, même si deux seu-lement le soulève. Quatre mains qui, pour la première fois, parce que c’est la der-nière, vont jouer ensemble le concerto de l’Élévation. À ce moment-là, ce moment rare, peut-être inédit, où une femme porte le calice d’un homme, n’est-ce pas aussi leur histoire qu’elle soulève, pour elle, pour lui, et pour la multitude ?

éCARtER LES DOiGtS

Je n’ai pas oublié le temps où l’Élévation mélangeait encore la ferveur et le trem-blement. Le célébrant se tenait dos au peuple. Au moment du soulèvement,

l’acolyte agitait la sonnette. En une seconde, comme à la mosquée quand la vague des dos s’incline vers le sol, les fronts se baissaient et les mains cachaient les yeux pour que le buisson ardent aperçu le temps d’un éclair au-dessus de la tonsure ne se voit plus qu’à l’intérieur de soi. Seul, le prêtre pouvait regarder sans se brûler. Un ami engagé sur le terrain de la laïcité philosophique m’a confié que sa rupture d’avec le catholicisme remontait à l’Élé-vation. Lui aussi voulait voir comme ce n’est pas permis ! Alors, pendant les jours qui précédaient la messe, il a marchandé avec Dieu en lui achetant d’avance, à force de prières et autres petits sacri-

fices, le droit de transgresser. Petit garçon pourtant obéissant aux consignes de sa mère, il a osé, ce matin-là, écarter les doigts plus longuement. Et rien ne brûlait dans les mains du prêtre… Luther, déjà, craignait ici le retour du faux sacré, le danger d’adorer un Dieu trop exposé. Et pourtant, après avoir envisagé de la supprimer, il maintint quand même l’Éléva-tion, en mémoire, peut-être, de la Parole qu’on soulevait déjà dans la synagogue. Et parce que Jean lui-même parle d’élever le Fils de l’Homme. « Notre Dieu est un Dieu qui élève  » confiait à ses moines Dom André Barbeau, abbé à Val Notre-Dame, au Québec, et il ajoutait que l’Ascension élève sur-tout quelque chose en nous.

éLEVER UnE tEnDRESSE

Ce soulèvement millénaire, que la liturgie chrétienne n’introduira qu’au XIIe siècle, Balzac va l’ap-peler Lever-Dieu. Deux mots au lieu d’un, mais tellement reliés.

Du coup, le geste, soudain, paraît plus proche et plus familier. Le lever-Dieu comme le lever du jour, comme le levain dans la pâte, comme on élève un enfant, comme on relève un paralytique.En élevant le calice de son vieil ami, Marie-Thérèse fait bien plus qu’accom-pagner fraternellement un dernier geste liturgique. Elle élève une tendresse et fait de son élévation un soulèvement. À leur insu, dans le secret d’une chambre, et d’une vie, ces deux-là ont écrit une nouvelle parabole : la parabole du lever-Dieu ?

Gabriel RinGLEt

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À voir

à BrUXelles (Koe-kelberg), conférence : « Érasme et More, héré-

tiques  ? Mise en évidence d’un endoctrinement  », avec Alfred Denoyelle, KUL, le 20/9 à 14h30 au sous-sol de la Basilique natio-nale du Sacré-Cœur à Koekelberg (porte 1, salle « Mimosa »).- [email protected]

à BrUXelles, concert  : «  Commémorations 14-18 » avec le chœur « Terpsichore » dirigé par Xavier Haag, le 23/10 à 20h en l’église Notre-Dame du Chant d’Oiseau, avenue du Chant d’Oiseau, 2, 1150 Bruxelles.(  02.761.42.75 et 0477.77.79.27 - [email protected] 

à BrUXelles, confé-rence  : « Le visage de la

chimère  : leçons d’un mythe de-venu réalité » avec Benoît Lenge-lé, chirurgien, auteur de la pre-mière greffe de visage humain, le 20/10 à 20h30 au Square Brussels. Entrée piétonnière  : rue Mont-des-Arts à Bruxelles. Entrée par-king (Albertine)  : rue des Sols à Bruxelles.( 02.543.70.99 - [email protected]

à BrUXelles, concert de la saint Michel  : le 25/9 à 20h en la cathédrale Saints-Michel-et- Gudule.

(  02.217.83.45 :  www.cathedrale stmichel.be

à erMeTOn-sUr-BIerT, colloque liturgique  : « Présence du Christ dans sa Parole  » avec le Père Yves-Ma-rie Blanchard, Institut Catholique de Paris (ICP), le Père Louis-Marie Chauvet, ICP et Institut Supérieur de Liturgie (ISL) et Sœur Loyse Morard, du 15/9 de 10h au 18/9 au Monastère Notre-Dame Béné-dictines, rue du Monastère, 1.( 071.72.00.48 - [email protected]

à lIBrAMOnT, conférences  : «  Témoins et pro-vocateurs d’hier et d’aujourd’hui », les

jeudi 25/9 (St Benoit) avec Sœur Marie- Raphaël (Bénédictine du monastère d’Hurtebise) et 2/10 (St Jean) avec Sœur Thérése- Marie (Supérieure d’Hurtebise), de 20h à 22h à l’Institut St-Joseph, Grand’rue 16.( 061.53.38.67 et 061.22.25.90

CALENDRIERgUERRE INTIME

sous la plumed’un poiluAvec ses Lettres à Élise, Jean-François Viot signe une pièce bouleversante et profondément humaniste. Les lettres que Jean et son épouse Élise s’échangent entre 1914 et 1918 racontent le quotidien de ces héros anonymes de la Grande Guerre.

Jean était instituteur dans un petit village d’Auvergne, lorsqu’il est mobilisé en août 1914. Il part à la guerre, le sourire aux lèvres, convaincu qu’elle ne durera pas.

D’ailleurs dans le train qui l’emmène au front, l’ambiance est celle d’un départ de colonie de vacances. Personne ne sait encore ce qui va advenir. Élise, son épouse, gère le ménage et élève seule ses deux jeunes enfants. Très vite, elle découvre qu’elle est enceinte. Sa fille s’appellera Jeanne, en hommage à ce papa qui se bat là-bas, dans le Nord, dans des tranchées cinq étoiles, avec vue sur les Boches. Mais la guerre s’enlise et les soldats aussi, dans la boue et au milieu des rats. Dans aucun des deux camps, personne ne sait vraiment pourquoi on se tire dessus. Cette guerre est obstinément absurde. À la Noël 1915, les ennemis font la trêve. Chacun visite la tranchée de l’autre camp, on s’échange des cigares et du chocolat. Mais le lendemain, les tirs reprennent de part et d’autre. Le miracle de Noël n’aura duré qu’une nuit.

CHAiR À CAnOn

Jean-Marie Pétiniot, qui s’est beaucoup investi dans le projet de ce spectacle, incarne le jeune soldat avec intensité. Et s’il n’a pas l’âge du rôle, peu importe. Ce sont toutes les victimes de la guerre qu’il symbolise, celles d’hier et d’au-jourd’hui. Les soldats qui servent de chair à canon sont de toutes les époques. Des deux côtés de la ligne de front, ils vivent le même enfer. Jean-François Viot a le don d’évoquer les hor-reurs de la guerre, sans insistance, dans une émotion toute maîtrisée. Ainsi, lorsque le fils de Jean lui demande de lui envoyer un casque alle-

mand, comme un trophée, Jean lui écrit : « Que penserais-tu si un petit garçon allemand deman-dait à son papa de lui envoyer un casque français, et que ce casque soit justement le mien ? » Même dans les tranchées, Jean reste un instituteur et il envoie à son fils quelques problèmes pour qu’il révise ses mathématiques  : «  Une com-pagnie comporte deux cents hommes. Au bout de cent jours, cent cinquante hommes sont hors de combat. Combien de temps faudra-t-il pour qu’une compagnie disparaisse ? »

LE SORt DES FEmmES

Mais les hommes ne sont pas les seuls à souf-frir de la guerre. Élise, jouée avec une justesse stupéfiante par Sophie Lajoie, est une femme déterminée qui prend des initiatives, remplace son mari à l’école, gère la ferme familiale et affronte seule le machisme de l’administration ou l’égoïsme inouï de la comtesse du village. Cette pièce qui est aussi destinée à tourner dans les écoles est une belle leçon d’histoire, ryth-mée, intense et dramatique. Portées par des comédiens sincères et une équipe enthousiaste, les Lettres à Élise bouleverseront les spectateurs, quel que soit leur âge, parce qu’elles racontent la guerre au jour le jour, sur le terrain, par ceux qui la subissent et non par ceux qui la décident.

Jean BAUWin

Lettres à Élise, de Jean-François Viot du 18 au 21/9 sous le chapiteau des Baladins du Miroir, chemin du bois des dames, 8 à Thorembais-les-Béguines. (  010.88.83.29 :  www.lesbaladinsdumiroir.be En tournée ensuite dans les écoles. Demandes à adresser Aline Lourtie aline.lourtie@ lesbaladins.be

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VIVE LA DIVERSITÉPour cinq semaines, le Théâtre de la Place des Martyrs offre un focus Hamadi, cet auteur, comé-dien et conteur qui offre sur la diversité et le vivre ensemble un regard affûté et bousculant. Il jouera en alternance deux spectacles. Papa est en voyage traite des sujets les plus divers : l’immigration, les exils, les petits et les humbles, les autres, les relations hommes-femmes et les cultures du Sud. Avec Sans ailes et sans racines qu’il a écrit et qu’il joue avec son fils Soufian El Boubsi, il confronte un père laïque et tolérant à son fils converti à un islamisme radical. Un spectacle coup-de-poing. (J.Ba)Papa est en voyage et Sans ailes et sans racines d’Hamadi, en alternance, du 19/9 au 25/10 au Théâtre de la Place des Martyrs, Place des Martyrs, 22 à 1000 Bruxelles. : www.theatredesmartyrs.be ( 02.223.32.08

RIRE INFERNAL

Après le rire purificateur de son Purgatoire, Dominique Bréda explore à présent les flammes de l’enfer. Un enfer pavé d’intentions drôles. Il reprend le principe de son succès précédent  : une suc-cession de courtes scènes encore plus explosives, plus cruelles, plus abrasives… Bref, il emmène ses damnés spectateurs vers le pire et les fait s’esclaffer de tout ce qui devrait les faire pleurer. La seule façon de survivre en enfer est peut-être d’en rire. « L’enfer veut se moquer de nous ? Nous survivrons en nous moquant de l’enfer. Habil-lez-vous léger, il fera très chaud dans la salle. » (J.Ba)L’enfer de Dominique Bréda, du 11/9 au 18/10 au Théâtre de la Toison d’or, Galerie de la Toison d’Or, 396-398 à 1050 Ixelles. (  02.510.05.10 : www.ttotheatre.be

LIÈgE 1944 EN CLICHÉSAprès les rappels en août du début de la Première Guerre mondiale, voici ceux de la Libération en septembre 1944. Ainsi, à son roman doublement primé Les étoiles de l’aube, Bernard Gheur ajoute un beau prolongement illustré avec de nombreuses photos en noir et blanc auxquelles s’ajoutent de multiples témoignages, dont pas mal d’inédits, plein de regards d’enfants, de jeunes et d’adultes sur la libération des villes en province de Liège, arrivée du Bip-Bop à Spa comprise. L’auteur y évoque aussi les souvenirs des armées, la résistance, l’accueil d’aviateurs alliés au cloître Ste-Croix à Liège et au café Lacroix à Embourg, le soutien de Mgr Kerkhofs aux familles juives, la joie des condamnés à mort, les cellules des femmes inci-viques au collège Saint-Barthélemy, les bombardements et les raids de V1 et V2 ayant fait plus de 2 500 morts à Liège au moment de la Bataille des Ardennes. Parmi les témoignages, ceux de Léon Hal-kin (1906-1998), professeur d’histoire à l’ULg, résistant et prisonnier politique de 1943 à 1945. Le tout pour rassembler des histoires lié-

geoises et… sacrées. (J.Bd) Bernard GHEUR, Liège 1944. Le 1er Américain, Neufchâteau, Wey-

rich, 2014. Prix : 25 € -10 % = 22,50 €.

gUSTAVE STOOP, PRÉCURSEUREntrepreneur et précurseur de l’ingénierie sociale, c’est ainsi que Charles Picqué, ministre d’État, et Michel Kesteman, directeur d’Espace social, décrivent le personnage de Gustave Stoop. Michel Kesteman en a écrit une courte, mais détail-lée, biographie. Il y décrit sa participation active à de multiples initiatives. Ce cadet d’une famille bruxelloise conserva-trice, devenu jeune animateur de plaine de jeux à Quaregnon, a été ordonné prêtre en 1959 avant de devenir professeur en techniques et professionnelles de 1960 à 1996. Pour ouvrir des issues aux jeunes fragilisés par la vie et pour ne pas être prêtre pour les chrétiens, Gustave Stoop a collaboré à des mouvements et maisons de jeunes, à la création d’Infor-Jeunes au temps du très contesté Petit livre rouge des écoliers et lycéens, mais aussi à l’auberge de jeunesse Sleep Well et à la communauté du Finistère. Resté un adepte de la cravate, il a aussi été membre du Rotary et du mouvement L’aiguillon au sein du PS, tout en restant défenseur du secteur associatif. Avec la référence à l’Évangile et la liberté de pensée d’un croyant, il a collaboré aussi au groupe Abrame, cet atelier bruxellois de recherche pour d’autres ministères dans l’Église

et, non sans conflits, au sein de Caritas Catholica. Pour Michel Kesteman, « Gustave est un résilient qui a tissé sa toile pour s’associer un réseau allié, facilitateur capable de multiplier son énergie propre ». Une Fondation Gustave Stoop a d’ailleurs permis de garder les traces de cet étonnant parcours. (J.Bd)Michel KESTEMAN, Gustave Stoop, debout et frontalier, Bruxelles-Mons, Couleur Livres, 2014. Prix : 10 € -10% = 9 €.

SECRET ENFOUI

Face au suicide de sa maîtresse, un patron arrogant se remet en question et

consulte un psychiatre, dont il espère une déclaration de non-culpabilité

qui le rassurerait. Malgré ses résistances, il entame un douloureux chemin

vers un passé qu’il a voulu occulter et qui a dirigé toute son existence.

Le roman explore le poids des traumatismes de l’enfance et les chemins

de guérison et de pardon possibles. (J.G.)

Marie-Laure DE CAZOTTE, Un temps égaré, Paris, Albin Michel, 2014. Prix : 21,30 € -10% = 19,17 €.

LES ENFANTS DU PÈRE PEDRO

Il y a vingt-cinq ans, le père Pedro Opeka,

Argentin d’origine slovène, est interpellé par le sort

des gens vivant sur une décharge à Tananarive, capitale de Madagas-

car. Alors qu’il y avait été nommé pour y diriger un séminaire lazariste, ce

prêtre décide de consacrer sa vie à ces rejetés de la société, convainc septante

familles de quitter la décharge et fonde, avec elles, un nouveau village à 75 km de

la mégapole. C’est la naissance de Akamasoa. Dans ce village, les familles disposent

d’un logement correct, les enfants sont scolarisés et le travail est rémunéré. Depuis

lors, dix-huit villages Akamasoa ont vu le jour dans l’île, 25 000 personnes vivent

dans une cité qu’ils ont bâtie, et 11 000 enfants vont à l’école. Un bel album

photographique retrace cette magnifique histoire et la vie à Akama-

soa. (F.A.)Pierre LUNEL, Akamasoa, rêves d’enfants, Monaco, édi-

tions du Rocher, 2014. Prix : 19,90 € -10% =

17,91 €.

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À lire, à voir, à écouter, à visiter… 33

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LE FANTASME DU PLOMbIERLorsque le plombier a terminé son travail, sa cliente lui pro-pose de le payer en nature… Mais avant d’accepter, le plombier lui pose une simple question  : « Pourquoi ? » Ils se mettent alors à parler de Dieu, de divorce, de la vie et de ses échecs. Bref, ce qui se présen-tait au départ comme la scène

inaugurale d’un film d’un certain genre (le plom-bier n’est-il pas en effet le fan-tasme universel de la ména-

gère  ?) dérape très vite dans une comédie sensuelle et phi-losophique. (J.Ba)Tuyauterie de Philippe Blasband, du 4/9 au 18/10 au Théâtre Le Public, rue Braemt, 64-70 à 1210 Bruxelles. (  0800.944.44

: www.theatrelepublic.be

à lIÈge, Brocante de la Bonne Femme : le 5/10 de 8h à 19h aux alen- tours de l’église Saint-

Lambert, rue du Beau-Mur, 45. (  0491.08.69.57 -  [email protected]

à lIÈge, grandes con-férences  : «  Pourquoi

les riches ont gagné  » avec Jean-Louis Servan- Schreiber, patron de presse et essayiste, le 2/10 à 20h15 à la salle de l’Europe du Palais des Congrès (Esplanade de l’Europe).(  04.221.93.74 -  [email protected] : www.grandesconferences-liegeoises.be

à MAlOnne, conféren- ces organisées par le ratelier  : « Diriger à la lumière de l’Evangile  » avec Michel Damar (ex-dirigeant d’entreprise) et Jo-seph Pirson, sociologue) le 8/10  ; « Quelles paroles pour les questions ethiques  » avec Joseph Duchêne, philosophe, le 15/10 et «  Au-delà des mots, quelles options so-ciales ? » avec Philippe Defeyt, pré-sident du CPAS de Namur, le 22/10 ; toujours à 20h à la Haute Ecole Henalux, département de Malonne, rue du Fond 123, auditoire CR2.(  081.45.02.99 (en journée) et 081.44.41.61 (en soirée)

à MArcHe-en-FAMenne, spec-tacle (lecture musicale)  : «  Le

Loup dans la Bergerie  » avec Pietro Pizzutti, ac-

compagné à la viole de Gambe par Johan Vlaeyen. Dans le cadre du Festival de musique baroque en Famenne-Ardenne, le 5/10 de 11h à 12h30 au Studio théâtre, rue des Carmes, 3.( 0479.02.21.68 - [email protected]

à MAreDsOUs, 7e Jour-née Interreligieuse : « L’in-terreligieux au Féminin  » avec Gaëlle Shifra (Bruxelles), Zah-ra Khatri (Bruxelles), Anne Soupa (Paris), le 13/9 de 9h30 à 16h30 à l’abbaye de Maredsous.(  082.69.82.60 et 0495.93.04.07 - [email protected]

à nAMUr, conférence  :

«  La pleine conscience pour les enfants et les ados expliquée aux parents » avec Alexandre Castan-heira, le 8/10 à l’Université de Paix, Boulevard du Nord, 4.(  081.55.41.40 -  [email protected]

CALENDRIERLÉgUER SA MÉMOIRE ?Transmettre son héritage culturel, ses valeurs, ses us et coutumes, est-ce encore possible aujourd’hui ? Beaucoup de personnes s’in-terrogent sur la transmission et mettent le doigt sur le fait que les instances traditionnelles tels les prêtres, les enseignants et les parents bien sûr, ne parviennent plus à transmettre le savoir-vivre, le respect, la ponctualité, le vivre ensemble. Ce dossier montre combien et comment les chemins et la voie de la transmission ont évolué. (B.H.) Transmission en crise ? Dossier n° 108, Malonne, Édi-tions Feuilles familiales, 2014. Prix : 10 € -10% = 9 €.

CURIEUSE MÉDECINEL’Hôpital Notre-Dame à la Rose accueille une exposition de plus de deux cents objets qui illustrent remarquablement l’évolution de la médecine et de la pharmacie du XVIe au XIXe siècle. Ces objets présentés dans le cloître et tout au long du parcours habituel de la visite, sont curieux, interpellants, originaux et témoignent surtout d’une pé-riode où les artisans et les méde-cins conjuguaient leurs savoirs pour faire évoluer les techniques médicales et scientifiques. La beauté de ces instruments les rend d’autant plus fascinants et inquié-tants. (J.Ba)D’Ambroise Paré à Louis Pasteur. Expo-sition jusqu’au 30/11 2016 à l’Hôpital Notre-Dame à la Rose, Place Alix de Rosoit à Lessines. ( 068.33.24.03 : www.notredamealarose.com

MISSION AU CANADASitué dans les espaces sau-

vages du Canada au XVIIe  siècle, ce roman re-

late au quotidien la vie au pays des Hurons et des Iroquois. Parti-cularité : il confronte les points de vue de trois protagonistes très différents impli-qués dans les mêmes événements. Un missionnaire jésuite, un chef de guerre

huron et une jeune captive iroquoise. Ce voyage dans les croyances et les cou-

tumes parfois cruelles décrit aussi les moti-vations pas toujours désintéressées de ceux

qui soutiennent les missions… (J.G.)Joseph BOYDEN, Dans le grand cercle du monde, Paris, Albin Michel, 2014. Prix : 26,80 € -10% = 24,12 €.

REVIVRE

Comment aider des

victimes d’abus sexuels à

survivre et à revivre, en particu-

lier lorsque l’abuseur était auréolé

d’une fonction protectrice  ? Une

tâche pour les psys sans doute. Mais

comme l’image de Dieu se construit

souvent au départ des figures parentales rassurantes, c’est

la confiance en Dieu elle-même qui est affectée par l’abus

d’un parent ou d’un prêtre. La guérison doit donc com-

porter un volet spirituel, (très) loin de l’idée d’une souf-

france que l’on peut « offrir à Dieu ». (J.G.)

Karlijn DEMASURE (sous la dir.), Se relever après l’abus

sexuel. Accompagnement psycho-spirituel des survi-

vants, Bruxelles, Lumen Vitae, 2014. Prix : 15 €

-10% = 13,50 €.

DÉCRYPTER LA SOCIÉTÉComment la société va-t-elle évoluer  ? De quoi l’avenir sera-t-il fait  ? Quelles tendances traversent le monde et en quoi cela va-t-il bouleverser

le quotidien de chacun ? Cet ouvrage tente de répondre à ces questions et à bien d’autres en partant de l’observation de

gens ordinaires, de leurs vécus, habitudes et suivis des modes. L’auteur décrypte les tendances sociétales et y ajoute une intui-tion personnelle. Il ouvre ainsi une nouvelle manière de per-

cevoir et comprendre les principaux modes de vie de ces dernières années. (B.H.)

Martine CLERCKX, Petit traité des tendances sociétales. Pour comprendre l’évolution de la société à l’aube du XXIe siècle, Bruxelles, Éditions Mols, 2014. Prix : 23,50 € -10% = 21,15 €.

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À lire

INTENSITÉ

Une vie à soiUne femme écrivain est au bord de l’effondrement, incapable d’écrire une ligne. Par la présence imaginaire d’une photographe dont elle découvre l’œuvre, elle reprend possession de sa propre vie. Un roman de Laurence Tardieu qui saisit l’être dans sa nuit profonde.

Laurence TARDIEU, Une vie à soi, Paris, Flammarion, 2014. Prix : 18 € -10 % = 16,20 €

Des lIVres MOIns cHers à

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Date : . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signature :

Un dimanche d’octobre 2011. Laurence, écrivain de quarante ans, entre dans

un célèbre musée parisien. À quoi a tenu sa décision de visiter cette exposition consacrée à la photo-graphe américaine Diane Arbus ? À une vague envie de se prome-ner dans un lieu chargé de sou-venirs d’enfance. À presque rien. Laurence ne connaît rien à la pho-tographie et encore moins celle de l’artiste américaine. Et pourtant, cette rencontre entre elle et cette femme morte cinq mois avant que la première ne vienne au monde, va la saisir et la soulever du sol. Elle décide de tout connaître de Diane. Photos, biographies, notes, souvenirs, fragments de lettres, Laurence s’imprègne de tout jusqu’à l’obsession. Apparaissent

comme des éclairs, d’étranges ressemblances entre leurs deux existences. Enfances parallèles en-fermées dans un climat d’irréalité, comme si leur propre vie ne leur appartenait pas. Comme si elles zonaient toutes les deux en de-hors d’elles-mêmes. Plus Laurence découvre qui avait été Diane, plus des pans entiers de sa vie à elle lui reviennent avec une acuité impitoyable qu’accompagne une grande douleur. Enfance pour-tant gâtée, ouatée. Adolescence rangée, avec quelques tentatives d’être soi vite réprimées par les parents. Laurence ressent la honte de venir de ce monde-là, pétri de convenances et de faux-sem-blants « où l’on parlait avec ces into-nations faussement chantantes  ». Une vie sans vie.

UN ÉCLATAdulte, Diane choisit la rupture avec ce milieu très bourgeois. Il s’agit de le fuir, le plus loin pos-sible, quitte à payer le prix fort. En-core un choix commun, une des-cente sociale voulue, de part et d’autre, parce que, pour chacune, avec plusieurs dizaines d’années d’écart, le bonheur n’était pas en haut de l’échelle. La façon dont la photographe se reconstruit après avoir quitté son milieu d’origine va aider l’écrivain qu’est Laurence, dans son chemin vers elle-même. « Je n’en pouvais plus, écrit-elle à la photographe morte depuis bien longtemps. Et alors, tu es entrée dans ma vie, et moi qui ne pouvais plus rien ressentir si ce n’est l’effroi tu m’as soulevée de terre. Tu m’as montré le chemin, me murmurant que je n’étais pas seule, et dans ma nuit profonde un éclat est apparu, de plus en plus intense. »«  Une vie à soi  », c’est l’aventure de l’appropriation de sa personne profonde, unique, quelque part dans ce lieu essentiel où respire le vivant. Certains y voient l’Esprit dont on dit qu’il souffle où il veut, quand il veut. Il a ses entrées se-crètes. Il saisit l’être dans sa nuit profonde, le pousse à chercher ce qui au cœur de sa personne s’était dissous, le fait passer de la nuit à la lumière. Ce roman qui éclaire la rentrée littéraire ressemble fort à un chemin de résurrection.

Chantal BERHin

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L’appel 369 - Septembre 2014

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Magazine mensuel indépendant

Éditeur responsablePaul FRANCK

Rédacteur en chefFrédéric ANTOINE

Rédacteur en chef-adjointStephan GRAWEZ

Secrétaire de rédactionSabine LOURTIE

Équipe de rédactionJean BAUWIN, Chantal BERHIN, Jacques BRIARD, Paul de THEUX, Annelise DETOURNAY, José GERARD, Gérald HAYOIS, Guillaume LOHEST, Gabriel RINGLET, Godelieve RULMONT-UGEUX, Thierry TILQUIN, Christian VAN ROMPAEY

Comité d’accompagnementBernadette WIAME, Véronique HERMAN, Jean-Yves QUELLEC, Gabriel RINGLET

Ont collaboré à ce numéroLaurence FLACHON et Armand VEILLEUX

Photocomposition et impressionImprimerie MASSOZ, Alleur (Liège)

AdministrationPrésident du Conseil : Paul FRANCK

Promotion - Rédaction - Secrétariat Abonnement – Comptabilité

Bernard HOEDT, rue du Beau-Mur 45, 4030 Liège(+Ê 04.341.10.04Compte n° 001-2037217-02 - IBAN : BE32-0012-0372-1702 - Bic : GEBABEBB- [email protected]: http://www.magazine-appel.be/

Publicité MEDIAL, rue du Prieuré 32, 1360 Malèves-Sainte-Marie, ( 010.88.94.48 - Ê 010.88.93.18

Abonnement individuel : 23,50 e. Autres types d’abonnements :

voir site internet ou sur demande.

Les titres et les chapeaux des articles sont de la rédaction.

Avec l’aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles

à nAMUr,   : «  Dépas-ser nos peurs, Oser le dialogue  » du 24/10 au 26/10 à l’Université de Namur, à l’Institut des Ursu-lines, à l’église Saint-Loup et à la cathédrale Saint-Aubain.(  081.72.50.37 -  [email protected] : www.rivesperance.be

à OrVAl, Journées de ressour-cement  : «  Le pain, le vin sont notre résumé. Approche poétique de l’eucharistie  », du 10/10 au 12/10 à l’ab-baye d’Orval.( 061.31.10.60 : www.orval.be

à rOcHeFOrT, Journée diocé-saine : « Youth for God », le 27/9 de 14h à 19h45.

[email protected]

à sAInT-HUBerT, retraite : « Un Dieu si proche du silence : Quand la spiritualité se fait poème », avec Gabriel Ringlet, prêtre et écrivain, ancien vice-recteur de l’UCL, du 3/10 au 5/10 au Monastère d’Hur-tebise. ( 061.61.11.27 : www.hurtebise.net

CALENDRIER

à rHODe-sT-ge-nÈse, Marcher et prier en Forêt de soignes  : le 22/9, organisé par le Centre spirituel, Avenue Pré au Bois, 9.( 02.358.24.60 - [email protected]

à spA, retraite : «  Avec Simon-Pierre, ses appels, ses doutes, ses élans  » avec le Père Pierre Mour-lon Beernaert, du 29/9 au 5/10 au Foyer de Charité, avenue de Clermont, 7, Nivezé.( 087.79.30.90 - [email protected]

à TIlFF, Matinée  : «  Entrepreu-neuriat social, économie so-ciale?  » avec Jacques Defourny, professeur et directeur du Centre d’Économie Sociale (ULg), le 3/10 de 9h à 14h à l’abbaye de Brial-mont, organisé par le Vicariat Évangile & Vie.( 04.230.31.66 - [email protected]

à WAVreUMOnT (sTAVelOT), Jour-née des personnes séparées, divorcées, divorcées remariées : conférence et partages, le 11/11 de 9h à 17h30 au Monastère St-Remacle, Wavreumont, 9. (  080.31.91.63 et 0473.77.02.05 - [email protected]

à WÉpIOn, Week-end Ados  : « Let’s go » avec P. Daniel de Crom-brugghe, Sr Françoise Schuer-mans, Antoine Beaudoint et Flo-rence Fastres du 26/9 au 28/9 au Centre spirituel La Pairelle, rue Marcel Lecomte 25. ( 0474.45.24.46 - centre.spirituel@lapairelle

à WÉpIOn, Week-end du ceFOc  : «  Sois jeune et bouge-toi  ! Quel sens à s’engager au-jourd’hui  ?  », les 11 et 12/10 au Centre La Marlagne, chemin des Maronniers, 26.( 081.23.15.22 - [email protected]

Page 36: Le magazine chrétien de l’événement · 2014. 9. 24. · Hugues Aufray, éternel défenseur des valeurs universelles Le magazine chrétien de l’événement Qui n’a, un jour,

Les Grandes Conférences Liégeoises

2014 2015

ASBL

Les conférences ont lieu au Palais des Congrès de Liège à 20 h 15Abonnements et préventes : www.gclg.be - Office du Tourisme - Stand-Info Belle-Île

Informations : 04 221 93 69 – 04 221 92 21www.gclg.be

2 octobre Pourquoi les riches ont gagné

6 novembreLa plus belle

conférence du monde

11 décembre Océan : risques et opportunités

8 janvierSans titre

5 févrierL’Europe : une

expérience personnelle !

5 marsLe meilleur

médicament, c’est vous !

2 avrilComprendre les temps

que sont les nôtres

Jean-Louis SERVAN-SCHREIBERPatron de presse - Essayiste

Pierre KROLLDessinateur - Caricaturiste

Isabelle AUTISSIERNavigatrice - Présidente WWF France

Rudy RICCIOTTIArchitecte - Ingénieur Co-auteur du futur Musée du Parc de la Boverie (CIAC)

Herman VAN ROMPUYAncien Premier ministre Ancien président du Conseil européen

Frédéric SALDMANNMédecin cardiologue - Nutritionniste

Paul JORIONTitulaire de la chaire «Stewardship of Finance» (VUB)