Le manoir mystérieux - beq. · PDF fileendroit jusqu’au mois d’août 1874, époque à laquelle Frédéric Houde revint à Saint-Albans avec son journal « Le Foyer », dont il

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  • Frdric Houde

    Le manoir mystrieux

    BeQ

  • Frdric Houde(1847-1884)

    Le manoir mystrieuxou

    Les victimes de lambition

    roman

    La Bibliothque lectronique du QubecCollection Littrature qubcoise

    Volume 838 : version 1.0

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  • Le manoir mystrieux

    dition de rfrence :Imprimerie Bilodeau Montral, 1913.

    Numrisation : Wikisource.Relecture : Jean-Yves Dupuis.

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  • Prface

    Frdric Houde

    Le roman que nous prsentons au public canadien mrite bon accueil, non seulement par lintrt du rcit et par la personnalit du hros qui nest rien moins que lintendant Hocquart mais encore par son auteur, dont la mort prmature ne lui permit pas de donner son uvre la forme du livre, qui en la multipliant en aurait assur la vie. Cette uvre remarquable fut crite par un journaliste de talent, par un des plus grands amis de la cause des Canadiens-franais aux tats-Unis, le lieutenant-colonel Frdric Houde, membre du parlement canadien et diteur propritaire du Monde , le journal franais le plus lu et le plus rpandu, alors que la Patrie tait ses dbuts et que la Presse tait natre.

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  • Lauteur du Manoir mystrieux est n Louiseville ou, comme on disait autrefois, la Rivire-du-Loup (en haut) le 23 septembre 1847. Houde fit de brillantes tudes au sminaire de Nicolet, et sa sortie entra au Constitutionnel des Trois-Rivires comme assistant-rdacteur.

    Il passa ensuite aux tats-Unis pour sy livrer au journalisme, avec un courage et une ardeur que rien ne put abattre. Le succs couronna ses efforts dans cette rude tche comme nous le verrons, et ce ntait pas une mince entreprise que celle de se faire un avenir dans cette carrire.

    Quand il se rendit aux tats-Unis1, Frdric Houde tait jeune et imbu dides un peu avances. Il donnait vers un libralisme nuageux et indfini. La rpublique des tats-Unis tait pour lui lidal, et en dehors de son nouveau pays dadoption, il ne voyait rien de bien, rien de beau. Frdric Houde dont lme tait noble et haute, et dont le sens de la justice tait si grand, ne tarda pas au contact de Messire Druon quitter ses

    1 (Houde assistait la 6e grande convention annuelle des Canadiens des tats-Unis, tenue le 30 aot 1870 Saint-Albans.)

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  • ides de jeunesse pour embrasser celles de patriotisme, qui rpondaient le mieux son activit dvorante et ses aspirations. Il ne cessa ds lors de se dpenser pour le bien de ses compatriotes, et durant les cinq dernires annes quil passa aux tats-Unis, on le vit prendre une part active dans toutes les socits, dans toutes les ftes et toutes les conventions canadiennes-franaises.

    Il se rendit dabord Saint-Albans, dans le Vermont, o il entra la rdaction du Protecteur Canadien , que rdigeait auparavant M. le grand vicaire Druon. Lorsquen 1872 cette publication fut suspendue, il entra la rdaction de lAvenir National que venait de fonder M. Antoine Moussette. Sous la direction de Frdric Houde, ce journal prit une influence considrable ; mais comme Saint-Albans tait un centre trop petit pour permettre Frdric Houde de dployer toutes ses facults, de satisfaire son activit, il sassocia dans lhiver de 1873, avec Ferdinand Gagnon et tous deux fondrent Worcester, dans le Massachusetts, Le Foyer Canadien , dont la publication se continua en cet

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  • endroit jusquau mois daot 1874, poque laquelle Frdric Houde revint Saint-Albans avec son journal Le Foyer , dont il tait devenu le seul propritaire. Au mois de juin de cette anne, Frdric Houde avait assist comme dlgu des Canadiens des tats-Unis la clbration de la Saint-Jean-Baptiste Montral, et il sy fit remarquer par plusieurs discours.

    Il retourna aux tats-Unis, et son sjour y fut de courte dure. Lanne suivante, il repasse au Canada comme rdacteur du Nouveau-Monde de Montral, dont il devint en 1879 lunique propritaire. Il nen continuait pas moins la publication du Foyer Canadien , qui peut tre considr comme ldition hebdomadaire amricaine du Nouveau-Monde.

    Sous sa direction, ce journal atteignit les hauts sommets de la renomme. Son rdacteur propritaire tait un vritable soldat en armes, vivant de luttes et de combats. crivain vigoureux, polmiste redoutable, mais franc et honnte, il puisa sa frle constitution dans ses combats de la plume et ses luttes politiques. Il ne

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  • lui suffisait pas dtre un des premiers journalistes de son pays, il voulut encore devenir lgislateur, et cest pourquoi il se fit lire dput fdral pour son comt natal en 1878. L, comme ailleurs, il fut un travailleur infatigable, et son nom resta synonyme de loyaut, dhonntet et dindpendance. Admir de ses partisans et respect de ses adversaires, il mourut le 15 novembre 1884, lge de 37 ans et quelques mois, dans sa paroisse natale, dont il a dcrit les beauts dans son roman le Manoir mystrieux . Quand Frdric Houde trouva-t-il le loisir dcrire ce roman ? Nous supposons quil lcrivit avant 1878, alors quil ntait pas encore entr dans les luttes politiques.

    Frdric Houde avait jet les bases dune saine politique dans son comt natal, et les lecteurs, enthousiasms de la nouveaut de ses principes, staient empresss daccepter sa doctrine nationale et patriotique ; fascins par laccent de sincrit dont tait faite lloquence de leur mandataire, les Maskinongeois avaient fini par lentourer dun respect pour ainsi dire idoltrique. Ils avaient de lui une opinion si haute, que, forcs

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  • de lui trouver un successeur, quand la maladie impitoyable let couch dans la tombe, ces braves gens crurent que seul un ministre du cabinet provincial tait digne de le remplacer auprs deux. Un groupe important dlecteurs se rendit en consquence auprs de lhonorable L.-O. Taillon, ministre du cabinet Ross, pour le prier de se laisser porter la candidature. Celui-ci, peu soucieux dabandonner son portefeuille pour entrer dans la politique fdrale comme simple dput, manifesta son tonnement de ce que la dlgation semblait ignorer les candidatures que la mort de Houde avait fait natre et dont lcho rpercut dans les gazettes parvenait jusqu lui. Les dlgus avourent navement qu ils ne voulaient pas donner aux autres comts loccasion de dire que le niveau de leur reprsentation avait baiss .

    Cette dmarche ne fait pas moins honneur aux Maskinongeois qu leur dput Frdric Houde. Nous laissons au lecteur le soin dapprcier son uvre que nous ne croyons pas indigne de notre littrature. Des critiques, plus autoriss et moins intresss, diront si lon a eu tort de lexhumer

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  • des vieux journaux. Javouerai que, devant le reproche souvent fait aux littrateurs canadiens de ne pas crire de romans, on tait en droit de penser quil ntait pas permis de laisser une uvre sincre senliser plus longtemps dans les sables de loubli.

    Frdric Houde partage avec Ferdinand Gagnon, Messire Druon et M. Antoine Moussette, lhonneur davoir fond aux tats-Unis le journalisme canadien-franais, dont le rle a t de seconder lloquence du clerg pour stimuler le patriotisme et la foi des Canadiens-franais. Ils furent les auxiliaires du clerg et comme lcho sonore des patriotiques appels de ces prtres admirables dont les noms sont synonymes : les Bdard, les Frimeau, les Chagnon, et tant dautres.

    Frdric Houde revient encore lhonneur davoir cr, Montral, le grand journalisme quotidien un sou. La popularit du Monde lui vint de la modicit de son prix.

    Ce patriote prouv, qui ne rva que la gloire de sa patrie, a laiss trois hritiers de son nom,

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  • dont un fils et deux filles. Frdric Houde avait pous une jeune Irlandaise de Saint-Albans, qui, aprs la mort de son poux, sjourna quelque temps Louiseville, puis se rendit Ottawa o elle obtint un emploi dans le service civil qui lui permit dlever ses enfants en bas ge. Fidle au souvenir de son mari, elle na pas voulu quils oublient la belle langue franaise. Les enfants de Frdric Houde vivent prs de leur mre, dans la capitale fdrale. Nous regrettons ne navoir appris ce dtail, quau moment daller sous presse. Nous aurions sans doute obtenu de cette source des renseignements intressants sur Frdric Houde.

    Avant de terminer, nous tenons remercier ceux qui nous ont aid dans notre travail, spcialement M. E.-Z. Massicotte, larchiviste provincial Montral, qui na pas marchand ses conseils, et M. Pierre Bilaudeau, lditeur du Manoir mystrieux dont la libralit nous a permis de lui donner le jour. La carrire dimprimeur et de journaliste de M. Bilaudeau lui a donn dacqurir sur le monde dil y a trente

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  • ans des connaissances et des dtails qui, sils taient crits, seraient extrmement intressants.

    CASIMIR HBERT.Mars 1913.

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  • I

    Lauberge du Canard-Blanc

    En 1743, le village de la Rivire-du-Loup (maintenant Louiseville) possdait une auberge qui, bien que ngalant pas lhtel Mineau daujourdhui, ntait cependant pas mpriser aux dbuts de ltablissement de cette belle et riche paroisse. Situe sur le grand chemin prs de la rive gauche de la petite rivire du Loup, elle tait tenue par Landre Gravel, homme dune cinquantaine dannes, ayant une femme active et propre, un fils complaisant et une jolie fille. Ajoutez cela lhumeur toujours agrable du propritaire et une cave remplie de bons vins, et vous conviendrez que ctait certes suffisant pour inviter les voyageurs sy arr