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Le mariage de l'écriture et de l'architecture

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Page 2: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

TRESORS

DE L'ÁRT

MONDIAL

RépubliqueDémocratique

populairedu Yémen

Un homme priaitil y a 2000 ans.

Rare statuette en albâtre

(hauteur 46 cm) apparte¬nant à la période arabe pré¬islamique. Moustachu, bar¬bu, une "mouche" rendue

par des lignes de points,il a un nom : Amm'alay duDerah'il. Travail du IIe siè¬

cle av. J.C. par un artistehimyarite (ancien peupledu Sud de l'Arabie).

Photo y Réunion des Musées

Nationaux, Paris

Page 3: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

LeCourrierde lunesc°D É C E (VI B R E 19 77 30« ANNÉE

PUBLIÉ EN 16 LANGUES

Français Japonais NéerlandaisAnglais Italien

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¡Allemand Persan

Arabe Hébreu

PortugaisTurc

Ourdou

Mensuel publié par l'UNESCOOrganisation des Nations Uniespour l'Éducation,la Science et la Culture

Ventes et distributions :

Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris

Belgique : Jean de Lannoy,1 12, rue du Trône, Bruxelles 5 i

ABONNEMENT : 1 an : 28 francs français ;deux ans : 52 francs français. Payement parchèque bancaire, mandat postal, CCP Paris12598-48, à l'ordre de : Librairie de l'Unesco,Place de Fontenoy - 75700 Paris.

Reliure pour une année : 24 francs.

Les articles, et photos non copyright peuvent être repro¬duits à condition d'être accompagnés du nom de l'auteuret de la mention « Reproduits du Courrier de l'Unesco »,en précisant la date du numéro. Trois justificatifs devrontêtre envoyés à la direction du Courrier. Les photos noncopyright seront fournies aux publications qui en ferontla demande. Les manuscrits non sollicités par la Rédac¬tion ne sont renvoyés que s'ils sont accompagnés d'uncoupon-réponse international. Les articles paraissant dansle Courrier de l'Unesco expriment l'opinion de leursauteurs et non pas nécessairement celle de l'Unesco oude la Rédaction. Les titres des articles et les légendesdes photos sont de la rédaction.

Bureau de la Rédaction :

'Unesco, place de Fontenoy, 75700 Paris, France

Rédacteur en chef :

René Caloz

Rédacteur en chef adjoint :

Olga Rodel

Secrétaires généraux de la rédaction :

Édition française : -Édition anglaise :Édition espagnole : Francisco Fernandez-Santos (Paris)Édition russe : Victor Goliachkov (Paris)

' Édition allemande : Werner Merkli (Berne)Édition arabe : Abdel Moneim El Sawi (Le Caire)Édition japonaise : Kazuo Akao (Tokyo)Édition italienne : Maria Remiddi (Rome)Édition hindie : H. L. Sharma (Delhi)

' Édition tamoule : M. Mohammed Mustafa (Madras)Édition hébraïque : Alexander Broïdo (Tel-Aviv)Édition persane : Fereydoun Ardalan (Téhéran)Édition néerlandaise : Paul Morren (Anvers)Édition portugaise : Benedicto Silva (Rio de Janeiro)Édition turque : Mefra Arkin (Istanbul)Édition ourdoue : Hakim Mohammed Said (Karachi)

Rédacteurs :

Édition française : Philippe OuannèsÉdition anglaise : Roy MalkinÉdition espagnole : Jorge Enrique Adoum

Documentation : Christiane Boucher ,Illustration : Ariane Bailey ;Maquettes : Robert Jacquemin

Toute la correspondance concernant la Rédactiondoit être adressée au Rédacteur en Chef. -

page

4 IL Y A MILLE ANS L'ESSOR DE LA CITÉ ARABE

par Mohammed Allai Sinaceur

11 FEZ

Une antique médina à préserver

12 GUILDES ET MÉTIERS

Une conception harmonieuse de la vie professionnellefondée sur la vie communautaire

par Youssouf Ibish

19 HORIZONS DE LA PENSÉE ARABE CLASSIQUE

par Mohammed Arkoun

23 LA MUSIQUE

Prière du c et de l'esprit, un art sensible et savantpar Bernard Moussait

25 HUIT PAGES EN COULEUR

33 APPRENDRE ET ENSEIGNER

Un même devoir religieuxpar Hisham Nashabi

35 LA MEDERSA

Une institution universitaire millénaire

par Badr-Eddin Arodaky

37 LE PETIT ÉCOLIER DU CAIRE

Un grand écrivain égyptien se souvient...par Taha Hussein

38 LE MARIAGE DE L'ÉCRITURE ET DE L'ARCHITECTURE

par Mustapha El-Habib

45 ARCHITECTURES YÉMÉNITES

46 MÉDECINS, INGÉNIEURS, INVENTEURS, SAVANTSQuand l'arabe était la langue de la sciencepar Sa/ah Gala/

53 NOS LECTEURS NOUS ÉCRIVENT

54 LATITUDES ET LONGITUDES

55 INDEX 1977 DU "COURRIER DE L'UNESCO"

2 TRESORS DE L'ART MONDIAL

REP. DEM. POP. DU YÉMEN : Un homme priait

V W

Notre couverture

Cette reproduction d'un carreau de faïence(18e siècle) évoque La Mecque avec au milieu,la Ka'ba, édifice cubique, lieu vénéré desMusulmans du monde entier, pôle de laprière et du pèlerinage. Le bâtiment qui est,selon la tradition islamique, le plus ancienlieu cultuel existant, abrite une pierre noirequi daterait de l'époque d'Abraham ; ellemarque le point de départ des processionsrituelles autour de la Ka'ba.

Photo © Musée d'Art arabe, Le Caire.

Page 4: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

La culture arabo-islamique des temps classiques tient une place de premièreimportance parmi les grandes civilisations de l'humanité : entre le 9e et le 13esiècle, cette culture vaste et riche s'étend de Bagdad, sur le Tigre, jusqu'àCordoue, au sud de la péninsule ibérique, en couvrant tout le Proche-Orient, leMoyen-Orient et l'Afrique du Nord. Son influence s'exerce sur une partieconsidérable du monde de l'époque et va constituer la transition essentielleentre l'Antiquité et l'Occident.

C'est à ce grand épanouissement culturel que le Courrier de l'Unesco consacre

IL Y A MILLE ANS

L'essorde la citéarabe par MohammedAllai

Sinaceur

UNE culture constitue un phénomènetrop complexe pour se laissertotalement prendre dans les rets

du discours. Aussi doit-on éviter les for¬

mules trop simples, surtout au sujet d'unecivilisation jaillie d'un message à destina¬tion universelle, au sein d'un peuple quisut forcer les remparts des puissancesd'Orient et d'Occident.

Il n'est pas d'expression ramassée, sifulgurante soit-elle, capable de tracer tousles chemins d'un espace culturel et desuggérer les rythmes d'une histoire dontchaque courbure amorçait un accomplis¬sement et dont le renouvellement a voca¬

tion d'actualité.

Des formules souvent tenaces, comme"la civilisation arabe se réfère essentielle¬

ment à des origines nomades", ne sont nivraies ni fausses et doivent être prisescomme des raccourcis simplistes par rap¬port à la double réalité des faits et dessentiments.

C'est pourquoi on notera sans grandesurprise que l'Islam, né dans le désert,s'accompagna d'une remarquable exten¬sion de la vie citadine.

Les bâtisseurs de l'empire musulmanfurent de grands fondateurs de villes :Coufa, Bassora, Bagdad (la plus grande vil¬le du monde au 9e siècle), Chiraz, Damas,

Alep, Al-Askar, Le Caire, Kairouan, Tunis.

MOHAMMED ALLAL SINACEUR, chef de la Divi¬sion de la Philosophie à l'Unesco, a été précédemmentchargé de recherche au Centre National de la RechercheScientifique en France, et par la suite professeur desociologie à l'Université Hassan II a Casablanca(Maroc). Il a publié de nombreuses études notammentsur des questions de philosophie et d'histoire desmathématiques

Mahdia, Alger, Tlemcen, Cordoue, Sara-gosse, Ouargla, Ghadamas, Sijilmasa,Awdaghost, Tadurakka, Tombouctou, etc.

Paradoxe que cette ardeur à créer oufaire renaître tant de villes et cette applica¬tion à vivre en citadins chez un peuple denomades, grandi dans l'aridité du désert !Besoin de se sédentariser ? Nécessité de

développer la cité pour que la religion s'yépanouisse ?

N'apporte-t-elle pas, en effet, à la com¬munauté politique, à l'Etat, la stabilité, lacontinuité, la "solidité de la pierre" ?Certes. Mais surtout n'oublions pasl'importance déterminante, aux débuts del'Islam, du commerce raison d'être deLa Mecque et son extension à la dimen¬sion du monde connu alors.

Cette grande révolution économique etsociale que fut l'Islam offre peut-être laseule explication pertinente de l'énigmed'une civilisation du désert si nettement

urbaine et dont on omet le rôle dans tropd'histoires du mouvement urbain mondial.

L'Arabie, au croisement de routes com¬

merciales qui relient toutes les régions degrande civilisation de l'Orient à l'Occident,est une zone de passage. Et dans cettezone de passage, une plaque tournante :La Mecque, à mi-distance entre le Yémenet la Syrie, nouant des liens originauxentre les tribus nomades et les clans de

citadins, soucieuse d'organiser la paix surles axes par lesquels lui vient la fortune.

D'anciennes civilisations sont déjà là :l'Islam les met en contact et en recueille

souvent l'héritage, ranimant nombred'anciens foyers de vie sédentaire, érigeantde nouvelles métropoles, pour jalonner oucommander les voies du commerce.

Les villes sont des têtes de ligne ou despoints d'aboutissement de routes com¬merciales qui vont de la Chine à l'Espagne.Les conquêtes musulmanes ouvrent unvaste domaine à la propagation du mouve¬ment urbain qui, de la Mésopotamie où ilexistait déjà, à la Syrie et à l'Egypte où ils'était bien ralenti, puis à l'Afrique, àl'Espagne et à la Sicile où il s'était depuislongtemps éteint, connaît partout unbrillant renouveau.

Page 5: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

ce numéro. Des écrivains et des historiens spécialisés des pays arabes,héritiers directs de cette culture millénaire, nous y exposent certains de sesaspects les plus marquants.

Signalons que l'Unesco prépare en ce moment un programme global d'étudessur la culture arabe, destiné à mettre en relief son authenticité, sa cohésion,

son universalité, ses apports aux autres cultures et les liens qu'elle entretientavec celles-ci. Une conférence importante sur les politiques culturelles dans lemonde arabe sera organisée par l'Unesco en 1979.

La cité, dans la rigueur desa construction, au milieu

parfois d'une natureadverse, reste la

manifestation peut-êtrela plus éclairante de lacivilisation arabe : et, au

ceur de la cité, la

Mosquée. A gauche,l'enceinte de ce qui a étéune des plus grandesmosquées du monde,38 000 mètres carrés de

superficie, dans le siteurbain de Samarra (Iraq),capitale des Abbassidesentre 838 et 889. Percée de

seize portes, l'enceinte esttoujours dominée (àdroite) par le minaretal-Malouiya ou "de laspirale", haut de 50 mètreset jadis relié par un pontâ la Mosquée.

Page 6: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

D'anciennes cités reprennent vie avecune plus grande dimension topographique,démographique, économique et sociale.Bagdad dépasse ainsi, au 10a siècle, lemillion d'habitants ; Damas et Cordoueatteignent trois à quatre cent mille habi¬tants le Caire un demi-million. Chiffres

impressionnants si l'on pense que les villeséconomiquement florissantes de l'Occidentmédiéval n'ont guère plus de trente ouquarante mille habitants ; Paris n'atteindratrois cent mille habitants qu'au 14e siècle I

Cette croissance rapide va subordonnerla campagne à la ville qui aspire produitsde ravitaillement et main-d'auvre.

Il serait faux de croire, cependant, quela ville vit essentiellement sur la campa¬gne ; celle-ci est en général trop pauvrepour fournir le surplus nécessaire à unecivilisation brillante ; organisée en commu¬nautés villageoises isolées et rétives, elleconstitue plutôt une menace pour la cité,dont l'activité essentielle, le commercelointain, motive l'alliance avec les tribusnomades au détriment des paysans restésà l'écart des grands mouvements commer¬ciaux comme à l'écart du grand courantorthodoxe de l'Islam.

Le grand historien Ibn Khaldoun (1332-1406) avait bien noté le caractère irrédentis¬

te de ces campagnards souvent retran¬chés dans les montagnes et le fait qu'ilscontribuèrent si peu à la prospérité desgrandes cités musulmanes, cités marchan¬des dont le sort reposait entièrement surle commerce extérieur. L'alliance .avec les

nomades fut commandée par la nécessitéd'assurer la sécurité le long des routescaravanières.

D'où l'importance des armateurs decaravanes et de leur rôle, non seulement

Trois pas vers la ville

Au milieu des sables, dans une urbanisation

dense mais contrôlée, les agglomérationsse formaient à proximité d'un point d'eauimportant. A gauche, des vues aériennesde Souk El Oued (Algérie), dans uneapproche progressive : elles révèlent letracé complexe de la voirie qui desserttoutes les demeures. Celles-ci, d'un seul

niveau, comportent un large espacentérieur, à la fois séparation et traitd'union avec les voisins.

Photo couleur

L'une des documentaires les plussaisissantes, les plus populaires aussi, surla vie dans les pays arabes au Moyen-Ageest constituée par les "Séances" ou"Maqâmât", rédigées par al-Hariri (1054-1122), décrivant des milieux divers. Ici,

une scène peinte par al-Wâsitî pour uneédition parue à Bagdad (Irak) en 1237 ;deux voyageurs, â l'entrée d'une bourgade,discutent avec un passant ; au fond, lesmonuments essentiels : la mosquée avecson minaret, le bazar à coupoles ; âtravers les portes des échoppes, on

aperçoit clients et commerçants.Photo © Bibliothèque Nationale, Paris.

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en Arabie et sur les routes qui s'y croi¬saient, mais encore en Afrique où, àtravers la mer sablonneuse ou pierreuse,de véritables ponts rejoignaient d'un côtéTindouf, Tripoli, Benghazi, de l'autreTombouctou, Kano, Abech, etc., villes à

l'origine desquelles, nous trouvons unnoyau de nomades, grands entrepreneursde transports du Sahara, et nombre decitadins originaires des villes méditerra¬néennes.

Ce phénomène n'est pas simple, il a euparfois un résultat curieux : la fixation detribus nomades en bordure du désert.

La prospérité des villes, fruit du com¬merce lointain, source de richesse et deprestige pour les grands marchands,s'inscrit sur les murailles des bâtiments, despalais, des mosquées et des medersas (col¬lèges).

Le plan de la ville traduit son rôle éco¬nomique et social : au centre, la rue mar¬chande le souk et au milieu du souk

la mosquée "cathédrale", symbole, auc des réalités économiques et finan¬cières, d'une exigence qui les dépasse.

On peut voir encore aujourd'hui dansles souks de Fès ou de Tunis la trace de

cette conception qui relie les différentsaspects de la vie et qui fait voisiner leprofit et le sacré. On attribue au califeOmar le propos suivant : "En tout, le bazar

marche d'accord avec la mosquée". Demême, l'imâm Malek aurait limité aux villes

pourvues de bazars l'obligation de célébrerla prière du vendredi dans une mosquée-cathédrale.

Après les souks, les foundouks, dépôtsde marchandises et hôtelleries pour les

Points cardinaux

Projection circulaire des cheminsaccédant à la Ka'ba, à travers le

"Haram", ou enceinte sacrée, 'extraite de l'Atlas de Mohammad

Charfi, de Sfax (Tunisie), du 16e

siècle. L'angle nord de la Ka'baest dit "irakien", l'angle ouest"syrien", l'angle sud "yéménite",tandis que l'angle vers l'orient estappelé "noir", à cause de la"Pierre noire", objet du culted'avant la prédication du Prophèteet qui y est scellée â 1 m 50 au-dessus du sol. (Suivant un usagefréquent des cartographes arabes,

le nord est placé au bas de lacarte.)

Photo © Bibliothèque Nationale, Pans.

marchands, puis la kissaria, ou césarée,sorte d'entrepôt fermé pour les denrées

précieuses. Non loin, le lieu du change,constitutif de la vie du marché, et parfoisun endroit où on bat monnaie. Autour de

ce noyau central, le labyrinthe des corpsde métiers, groupés par quartiers où l'onpeut voir les artisans dans leurs échoppes,portes ouvertes, coudre, tisser, ciseler,teindre, marteler le cuivre.

Tout cela, dans un ordre insaisissable

pour l' étranger que fascine le mystèredes rues étroites, rues aveugles ombragéesde frais treillis', rues muettes sur le secretdes maisons cachées derrière de hauts

murs sans trouée, rues bruis¬

santes des voix d'une population indus¬trieuse où le grand commerçant et lecourtier côtoient, dans les criées des

souks, le portefaix.

Figure centrale de cette cité marchande,l'autorité municipale incarnée par le muhta¬sib, le sâhib es-suq des textes anciens,veille à la régularité des transactions etmaintient les conventions dans le cadre de

l'obligation islamique, universellementreconnue, qui subordonne tout au devoird'ordonner le bien et d'interdire le mal. La

fonction du muhtasib est le signe d'unevie municipale spécifique.

A Fès, par exemple, nommé par lepouvoir central, le muhtasib surveille les

échanges, vérifie les poids et les mesures,fixe les prix, contrôle les fours, les mar¬chés, les industries, les bains, etc.

Au Caire, à l'époque ottomane, c'est unofficier supérieur de YOdjaq (milices dugouvernement du pacha), assisté par uncertain nombre d'agents, disposant d'untrésorier, d'un "secrétaire", d'un peseuret de préposés à l'exécution parfoissévère de ses sentences.

Son autorité couvre une partie desmarchés cairotes, et surtout les activités

aboutissant à la fabrication de produitsalimentaires et de produits de grandeconsommation. Il prélève également lestaxes sur les comestibles provenant del'extérieur. Il circule dans la ville, précédéd'un porteur de balance aux poids étalon¬nés, suivi d'un peloton d'exécuteurs despunitions qui peuvent être infligées séancetenante.

Représentant des volontés du pouvoir,il participe à toutes les cérémonies officiel¬les auxquelles assistent les corps de mé¬tiers. Mais il prend de plus en plus lafigure d'un dignitaire et ne se soucie plusguère de la qualité des produits.

La fonction de muhtasib a donc varié

selon les contextes sociaux et les vicissitu¬

des de l'histoire. Il en va de même pour lescorporations de métiers sur lesquelles lesspécialistes' discutent depuis plus d'unsiècle. Mais sans nous arrêter aux détails

qui les diversifient localement, notonsqu'elles ont partout des liens avec lesorganisations professionnelles soumises àun rituel initiatique, les futuwwa.

Le mot futuwwa dérive de fata, littéra¬lement jeune homme, et par extensionpersonne brave et généreuse ; il signifiedans ce contexte le pacte d'honneur entreles artisans. En fait, cet aspect idéologiques'enracine dans une histoire fort complexede la ville islamique.

C'est ainsi que se sont formés, sansdoute avant même l'époque abbasside,des groupes de jeunes soudés par lacamaraderie et le dévouement réciproque,si nous en croyons le grand voyageur IbnBatûta, qui avait vu des groupements dece genre dans l'Islam du 14e siècle. En

revanche, il faut, semble-t-il, rapprocherces groupements, d'une part d'autresgroupements, ceux des gens à l'existenceerrante, échappant au cadre de la Loi,d'autre part, de groupes urbains restreints.

On aurait alors un phénomène de la vieurbaine, lié'au jeu des clientèles et expri¬mant une manière de résistance aux me¬

naces internes ou externes. C'est en tout

cas un ciment de l'organisation corporati¬ve, même là où l'on ne prononce pas lemot.

A Fès, par exemple, on ne parle jamaisde futuwwa, mais les idéaux de l'organisa¬tion corporative imposent discipline etcohésion. Grâce à la corporation, tout lemonde se connaît, tout le monde estinformé, et l'esprit dé"' l'organisation règnecomme un système de .règles non écritesmais efficaces.

Personne ne transgresse vraiment, cesrègles élaborées, sinon.il est jugé par sespairs ; et le jugement des pairs exerce unecontrainte sévère dont la corporation estl'exacte expression. Cependant, la futuwwaproprement dite a fait l'objet, surtout enEgypte, de traités systématiques,- demanuels qui en décrivent les rites comme'

ce moment" d'initiation où le nouvel adeptereçoit une ceinture munie de nœuds dontle nombre varie selon les cas, etc. (voirarticle page 13).

Certes, les manuels donnent à la futuw¬

wa, ainsi qu'aux métiers, une généalogiesainte : ils rapportent qu'Ali, cousin etgendre du Prophète et consacré par luiCommandeur des croyants, eut la ceinturenouée autour des reins par le Prophète lui-même, qui avait été initié de cette manière

par l'ange Gabriel. Cette généalogie sainteest rappelée presque dans tous les livres, .parfois sous d'autres formes.

On trouve à Fès le patron, fondateur et .protecteur de la ville, Moulay Idris, lui-même descendant de Ali. Or, on ne peuts'empêcher de penser, à propos du rôle dela transmission, de l'initiation, à cettefutuwwa mystique qu'est la confrériereligieuse. Non seulement ces confrériesreligieuses sont présentes partout en tantque telles, à toutes les cérémonies et àtoutes les fêtes, mais elles sont animées

du même esprit initiatique et du mêmesens de la hiérarchie que l'antique futuwwa.

La plupart des derviches se recrutentparmi les artisans et les commerçants ;inversement, les gens de métiers ali¬mentent en membres la plupart des con¬fréries. Les relations entre ces deux ordres

sont complexes ; elles témoignent d'uneprofonde interpénétration de la vie profes¬sionnelle et de la vie religieuse ; qui plusest, il s'agit de phénomènes qui ont prisleur figure à peu près définitive au mêmemoment. Le code moral plonge ainsi sesracines dans l'assise religieuse.

Depuis le 16e siècle, corporations etconfréries semblent animées du même k

esprit traditionnel, de la même soumission F

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au principe d'autorité qui fait de tout' apprentissage, manuel ou intellectuel,l'objet d'une initiation exigeant le rapportdirect à un maître, car il faut, pour qu'unenseignement soit valable et compris,l'avoir reçu de la bouche même du maître.

C'est là un trait culturel important. Lespoints de contact entre le monde descorporations d'artisans ou de commerçantset l'univers de la mosquée ou de l'universi¬té sont multiples. La figure du "savant",gardien de la religion et garant de l'appli¬cation de sa loi, domine la vie intellectuel¬le et morale de la communauté citadine.

Cette vie intellectuelle est dominée parles sciences de la tradition islamique ;celle-ci, dans les débuts, assimile et re¬

nouvelle l'héritage grec. C'est dans lecadre de la nouvelle cité islamique, quis'est épanouie sur les alluvions déposéespar plusieurs vieilles civilisations, ques'établit ainsi un nouvel ordre urbain,favorable au développement de la médeci¬ne, de l'astronomie, des mathématiques,toutes sciences dont la valeur pratiquerépond aux nouveaux besoins.

Intense activité intellectuelle, nourrie

parfois de polémique, souvent de recher¬ches, toujours de cette curiosité qui est àla base des échanges, où trouve sonaliment une culture, urbaine certes, maisvariée et sans frontières. On connaîi les

célèbres discussions entre Abu Bakr-ar-

Razi (mort en 925 ou 935) et Abu Hâtim

ar-Razi (mort vers 934) où le premierdéfend la valeur logique de la connais¬sance : "Celui qui se donne pour tâche decomprendre et mène ses recherches danscette perspective, celui-là s'achemine versla vérité".

On connaît également les discussionssur les rapports entre grammaire arabe etlogique grecque qui nous sont rapportéespar Abû-Hayyân at-Tawhîdî, au coursdesquelles le grand philosophe as-Sirâfiembarrasse le logicien Matta en le contrai¬gnant à avouer que la correction linguis¬tique prime la logique, puisque l'incorrec¬tion est source d'obscurité, de non-sens, et

est, par conséquent, tout à fait illogique.

On devine derrière cette défense de la

culture arabe la fierté du citadin, plusempirique et plus ouvert, préférant à lastérilité des syllogismes les déchiffrementsprometteurs de réalités qui sont les signesde Dieu. C'est une vue singulièrementpragmatique, qui se défend, s'enseigne,se répand, s'impose.

Mais le développement de cette culturecitadine, d'abord éprise de liberté etd'humanisme, ne néglige point ses assisesreligieuses, ni les divers éléments de laculture arabe primitive, dont la force etl'efficacité sont accrues, dont la valeur est

même de plus en plus appréciée commeconstitutive d'une certaine identité cultu¬

relle d'abord et, ensuite plus récem¬ment comme volonté affirmée par unesociété encore active de se soustraire au

dépérissement.

Mais un moment vint où l'élément

novateur s'est effacé devant la fuite dans

une tradition fort vénérable, mais conçuesouvent d'une manière qui la rendaitinopérante. C'est ainsi que s'est effectuéeune traditionalisation progressive des

activités et des mentalités, dans les mé¬tiers, l'enseignement et les croyances.Confréries, corporations, principe d'autori¬té dans l'enseignement deviennent lespiliers de la vie religieuse, économique etintellectuelle : rigidité, hiérarchie, replie¬ment sur l'héritage.

Cependant, dans toutes les formesqu'elle a prises au cours de son évolution,la culture arabe marque mieux que toutautre phénomène un caractère très impor¬tant et très profond de la vie citadine. Nonseulement l'université, "commerce" de lascience, est la corporation par excellence ;non seulement elle occupe une placecentrale dans la cité puisqu'elle forme lescadres administratifs de celle-ci et consti¬

tue sa source morale ; mais encore, toutcomme le négoce et le parcours de l'échan¬ge, elle produit une culture qui est unmoyen de communication.

On a pu remarquer que l'alliance entreles villes et les nomades a négligé la cam¬pagne productive et l'agriculture. En re¬vanche, c'est un fait que la prospérité desvilles, l'éclat de la culture, l'épanouisse¬ment du commerce sont toujours allés depair.

Les villes, pôles majeurs de l'espace éco¬nomique espace qu'il convient de ne pasrestreindre au sens étroitement matériel

sont également les n�uds d'un réseauintellectuel, les foyers de la vie religieuse,les étapes marquantes sur les routes dupèlerinage. La circulation, dans le mondeislamique, a uni tous les aspects de la viecommune de l'Islam.

Un déplacement vers un centre com¬mercial est également un déplacementvers un centre d'études et de culture. Tout

foyer de négoce est aussi un centre d'ap¬pel intellectuel. C'est ce qui explique, sil'on considère le type d'alliance sociale etpolitique sur lequel s'est fondée la vie dela ville, que la culture comme moyen decommunication soit passée par-dessus lepaysannat, soit allée de métropole à métro¬pole et ait rassemblé dans un vaste réseauculturel la quasi-totalité des villes del'Islam. Entre Cordoue, Fès, Bagdad etSamarkand, il y a eu ainsi plus d'affinitésculturelles, plus de relations qu'entre Fèset sa campagne, Cordoue et sa région,Samarkand et son environnement.

Voie particulière et moyen de communi¬cation, la culture, organisatrice de la viede la Cité en tant que culture de l'Islam, -est donc le pont grâce auquel se crée,s'entretient et.se caractérise la puissanteunité de ce monde citadin. Il est significa¬tif qu'en terre d'Islam on ne trouve pasréellement de système d'auberges etd'hôtelleries : ce sont le foundouk (l'entre¬

pôt) et la mosquée qui se chargentd'accueillir T'étranger".

L'urbanisation profonde du monde arabe

rayonna si loin et si puissamment qu'elleporta la civilisation urbaine jusqu'au seuilde l'Occident, par l'afflux de richesses etde savoir où celui-ci devait trouver les

conditions de sa "Renaissance".

Dans l'histoire des cultures et des civili¬

sations, jamais il n'y eut mouvement sicomplexe et si ample, si riche et si douéde puissance unificatrice, de pouvoir de

mondialisation et d'universalisation. C'est

le premier de son genre : à la fois si diverset si profondément unifié. Et de fait, deBagdad à Cordoue, à travers la Sicile etl'Espagne, donc de l'Orient à l'Occident,et de l'Occident à Byzance, puis à nouveaude Byzance à l'Orient musulman, un espa¬ce économique se déploie, un circuit setrace et se referme, tout sillonné de routes

religieuses, intellectuelles, économiques,politiques aussi.

Ce fut grâce à l'essor urbain, dansl'histoire universelle et l'histoire la plusactuelle, l'apparition d'un nouveau rythme.Ce rythme dont se fait l'écho ce constat :

"Tu ne trouveras pas de nouveaux pays,tu ne découvriras pas de nouveaux riva¬ges : la ville te suivra". La ville I .

Les villes islamiques ont été des villes dejardins. Protégées par la hauteur jalousedes murs, l'eau et la verdure apprivoiséesy dessinaient l'espace d'une "rêverie horsdu monde". Le jardin, a-t-on dit, vivifiait"un carré de désert" en amenant l'eau, ens'enfermant d'un mur d'enceinte élevé

impénétrable à toute curiosité, derrièrelequel fleurissait un morceau de natureféerique, invitation au "délassement de lapensée en elle-même".

Mais au-delà de ce luxe d'immobilité et,

de silence, comme au-delà de l'accéléra¬tion du temps industriel, quelque chosedoit revivre de cette vie, cette paix deshorizons sans fins, où les êtres et les élé¬ments chantent l'amitié de l'homme dans

la jeunesse du monde.» M. A. Sinaceur

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FEZ une antiquemédina à préserver

Dans la ville qui a été jadis la capitale du Maroc, et l'un descentres les plus prestigieux de l'Islam ancien, la Médinalabyrinthique de Fez est restée presque pareille â ce qu'elleétait au Moyen-Age. Avec sa population laborieuse d'artisanset de marchands mégissiers, selliers, potiers, tanneurs,carreleurs, émailleurs, armuriers, sculpteurs de bois laMédina connaît l'animation la plus constante. La sauvegardede ce site unique, riche en monuments historiques, pose desproblèmes difficiles. En collaboration avec l'Unesco, legouvernement marocain prépare un projet important visantà préserver le caractère historique de la Médina de Fez, touten l'adaptant aux besoins actuels.

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2Photo Lengyel, Unesco.

1. Cette porte monumentale faisait partie des rempartsqui entouraient la cité au Moyen-Age. Son élégancetémoigne de la réputation de Fez comme grand centreartistique et intellectuel.

2. Des oliviers entourent la forêt des toits et les minces

minarets de Fez. Au premier plan, la vieille ville.

3. Les étalages dans les rues étroites et pavées de laMédina. Dans cette "artère" abritée par des nattes debambou, tous les commerces ont leur place, del'herboristerie â la bijouterie.

4. Muqarnas : alvéoles formant la voûte de lamosquée Al Qarawiyyîn, la plus vaste de l'Afrique duNord ; cette mosquée pouvait accueillir quelque22 000 fidèles.

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FEZ (suite)

Fez est nommée en arabe Fas ou "pioche". D'après une tradition, la ville auraitreçu ce nom parce que son fondateur Moulay Idris avait enterré une pioche dansle site de la nouvelle agglomération, en 790, afin de symboliser sa vocationartisanale. Tout artisan y appartenait à une corporation, ou guilde, qui veillaitâ la formation des apprentis et contrôlait de très près la qualité et les prix desproduits manufacturés. A droite, une tannerie où les ouvriers sont en train deteindre des cuirs dans des cuves larges et rondes. De même que d'autresindustries polluantes, les tanneries étaient situées de préférence à la périphériedes cités islamiques. Plus loin à droite, un vendeur vante ses paniers tressés,autre artisanat traditionnel à Fez. Au Moyen Age, les matériaux bruts et lesproduits manufacturés étaient vendus dans des entrepôts somptueusementdécorés et appelés foundouks (ci-dessous).

Photo Roland Michaud © Rapho, Pans.

»*

Guildes

et

métiers

une conceptionharmonieuse

de la vie

professionnellefondée sur

la vie

communautaire

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Photo J N. Reichel ©.Top-Réalités, Pans.

par Youssouf Ibish

DANS les villes de l'Islam, le systèmedes guildes englobait toute lapopulation impliquée dans les acti¬

vités économiques, production, distributionet services. Caractéristique à soulignerd'emblée, car à l'exception des hautsfonctionnaires du gouvernement, desofficiers de l'armée et des théologiens,toute la population urbaine était organiséeen guildes selon les métiers et les né¬goces : non seulement les artisans et lesmarchands, mais aussi les chanteurs, les

-courtiers-, les vendeurs à la criée, les musi¬ciens, les conteurs, les âniers et les bate¬liers, tout le petit monde des travaux etplaisirs quotidiens.

Le système des guildes ralliait aussi lespropriétaires de fabriques d'amidon, detanneries, de teintureries, d'ateliers de pré¬

parations soufrées. Ces petites industries,et d'autres du même genre, n'avaient pasplace dans les bazars. Elles étaient re-

YOUSSOUF IBISH, professeur de sciences politiques àl'Université Américaine de Beyrouth (Liban), est un spé-

' cialiste de la littérature et de la pensée islamiques. Uneversion plus exhaustive de cet article va paraître, parlessoins de ¡'Unesco, dans une étude sur la Cité Islamique.

léguées, sur les confins de la cité à causede leur puanteur.

Il est tout à fait évident que les guildesregroupaient aussi ceux qui n'avaient pasd'échoppes, mais travaillaient en plein airou à domicile : peintres, égoutiers, por¬teurs d'eau, marchands de sorbets, bar¬biers, messagers, porte-flambeaux, sages-femmes ; et encore de petits employés,ouvriers des abattoirs, monnayeurs, col¬lecteurs d'impôts. Grands seigneurs etgens de justice, riches et pauvres. Mu¬sulmans, Chrétiens et Juifs, autochtoneset résidents étrangers, tous relevaient dusystème des guildes.

Les caractéristiques conceptuelles etsociales du système des guildes se trans¬mettaient oralement de génération engénération. Les membres d'une guilde,dans la cité islamique traditionnelle, seconsidéraient d'abord et par-dessus tout,comme membres de la communauté des

Croyants (Umma).

Ce qui les unissait n'était pas l'ap¬partenance nationale, la race, ni les liens

du sang, mais la foi en un Dieu unique etle devoir de témoigner de sa présence,non seulement par la prière, mais danstoutes les tâches de la vie quotidienne.

' Par là même, activités religieuses etséculières ne sont pas séparées dansl'Islam. Devant Dieu et soumis à la Loi

révélée, un Musulman démeure, avecles autres Musulmans, sur un pied d'éga¬lité.

Les diverses guildes étaient intégrées àun système conceptuel et social étroite¬ment lié aux ordres soufis (ou mystiques). '

Le Musulman qui entre dans un ordresoufi se lie de son gré au Maître (shaykh)et, grâce à lui, à une chaîne ininterrompuede maîtres remontant au Prophète et, parlui, à tous les prophètes qui l'ont pré¬cédé, jusqu'à rejoindre Adam, et enfin sondivin créateur.

De même, être utile à la communauté

ne signifie pas seulement être honnête,secourable, généreux et bon pour lesautres hommes, mais, artisan ou mar¬chand, se montrer habile et compétent,pour rendre aux autres hommes les servi¬ces dont ils ont besoin.

Habileté et compétence, dans un négo¬ce ou un artisanat, ne peuvent êtreacquises que par un dur labeur, accomplisous la conduite expérimentée d'un maître-artisan. On n'y peut atteindre qu'en cher- .chant un maître et en étant initié au sein :

d'une guilde.

Là encore, nous découvrons que lesguildes forment une chaîne qui conduit dumaître, aux Saints Patrons. Conceptionharmonieuse, car il y avait un lien entrechacune des guildes puisqu'elles avaientune origine commune. -

La chaîne régit. donc les relations desdiverses guildes entre elles. Les maîtresdes guildes participent aux cérémonies Vd'initiation dans d'autres guildes que la '

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leur, et donnent des certificats de com¬pétence aux artisans de villes qui ne sontpas la leur. Les maîtres correspondent et,le cas échéant, se font visite afin d'ac¬corder l'ensemble de la production, labeauté des modèles, enfin les prix dansleurs villes respectives.

C'est quand le maître l'accueille dansson échoppe que le jeune apprenti va,pour la première fois, tâter du métier. LaFâtiha, première sourate du Coran, estalors récitée en présence de quelquesmembres de la guilde, et l'on dit que lejeune apprenti vient de franchir la premièredes "portes".

Pendant un certain nombre d'années,

l'apprenti ne recevra pas de salaire ni degages. Les siens vont se réjouir de savoirqu'il va tenir son métier d'un maître et que,par sa guilde, il sera intégré dans lasociété. Avant l'initiation, ils ne gagnent

donc que très peu d'argent, et ne sont pasen mesure d'ouvrir boutique à leur compte.

Quand un apprenti prouve qu'il connaîtparfaitement le métier qu'il apprend depuisson jeune âge, les membres de la guildecommencent à presser son maître : il fautl'initier. Mais le maître n'y consent pas

sans façons, remet la cérémonie à plustard, et sans décourager le solliciteurdéclare : "Ce garçon fait bien, mais sontemps n'est pas venu". Ou bien encore :"Ce garçon à l'étoffe d'un bon ouvrier,mais son sirop est toujours clairet !" - cequi veut dire que l'apprenti fait preuve dezèle et de compétence à l'ouvrage.

Quand le maître juge que le temps estvenu, il demande au shawish (personnechargée de maintenir l'ordre dans lesmarchés) de porter à l'apprenti un rameauvert, de basilic par exemple, ou de touteautre plante odorante. Il enregistre alorsle nom de l'apprenti, celui d'autres ap¬prentis s'ils sont plusieurs, pour les initiertous à la fois, et décide de fixer la date dela cérémonie. Le shawish va alors inviter

les anciens de la guilde et toute personneque le maître souhaite voir participer à lacérémonie.

Les guildes n'ont pas de siège par¬ticulier : aussi la cérémonie a-t-elle lieu

dans l'un des jardins de la ville, ou dansla maison d'un membre de la guilde. Leshawish introduit ceux qui vont être initiés,les mains croisées sur la poitrine en signede profond respect, et reste immobilesur un tapis vert, au milieu de l'assemblée.Alors l'adjoint du maître de la guilde ordon¬ne au shawish de réciter la Fâtiha, ce qu'ilfait à voix tiaute, pendant que l'assistance

se prosterne.

Après la prière, l'un des compagnonsdu maître procède au rite de la ceinture(ceinture ou châle). L'apprenti a les mainscroisées sur la poitrine : le corhpaqnon leslui place sur la tête, puis, déroulant laceinture, embobine l'initié de la taille auxchevilles ; enfin, ramenant les pans del'étoffe en avant, les noue par troisnle premier en l'honneur du maître de laguilde, le second en l'honneur du maître del'initié, le troisième en l'honneur du sha¬wish.

A ce rite, il y a une explication : seul leshaykh a pouvoir de défaire le premier destrois neuds en tant que chef de la guilde,

' ce qui signifie que l'initié ne peut désormais

ignorer qu'il lui doit stricte obéissance. Lesecond nrud peut être défait par le ,maître, c'est-à-dire que l'initié ne peutoublier jamais qu'il tient tout son savoir deson maître. Le shawish peut défaire letroisième nrud.

Ces n symbolisent v et pactede fraternité de l'initié au sein de la guilde ;désormais les membres de la guilde letiendront pour l'un de leurs frères. Puis lestrois nauds sont défaits.

Alors l'un des compagnons du maîtreest désigné pour être le "parrain" de l'ini¬tié. La plupart du temps, c'est le maître del'initié qui sera son parrain, mais il estpermis à l'initié de choisir quelqu'und'autre. Le parrain se porte garant de l'ini¬tié et lui servira de répondant.

Enfin, le maître de la guilde donne àl'initié ces conseils : "Mon fils, toutes les

guildes sont union de métiers, auxquelson fait confiance pour tout ce qui est del'argent, des biens et des créances. Tonmétier, c'est ton bien ;. veille sur lui detoutes tes forces. Si on te verse de

l'argent, n'abuse pas de la confiance quela guilde a en toi, en venant à le gaspiller.Prends garde à ne point trahir les membresde la guilde, car le traître ne peut échapperau jugement".

Le parrain s'approche alors de l'initié.C'est l'instant des promesses solennelles.Face à face, ils se prosternent à demi. Puisils se rapprochent l'un de l'autre jusqu'àce que se touchent leur pouce droit et leurgenou gauche.

Alors le parrain prend dans sa maindroite la main droite de l'initié ; c'est la

poignée de main fraternelle, fort caracté¬ristique, les deux hommes se resserrantmutuellement le pouce et l'index.

Le shawish recouvre les mains unies

d'une étoffe (mouchoir ou serviette), de

sorte qu'aucun des assistants ne puissevoir le signe échangé. Le parrain dit alorsà l'impétrant :

"Fais-moi. serment, au nom de Dieu

et de son Apôtre, de ne trahir jamais lesmembres de la guilde et de ne jamaistricher dans ton métier".

. L'initié fait le serment dans les mêmes

termes. Alors le shawish le conduit, la

ceinture désormais sur les épaules, auprèsdes anciens de la guilde, qui le félicitent,déclarant qu'il est leur frère.

L'initiation a pris fin. Tous s'asseoientet partagent un repas très simple, appeléTamliha (en quelque sorte, le "salant").Le sel a en effet une haute valeur symboli¬

que, et pour deux raisons : d'une part, lesel apparaît comme un lien entre les hom¬mes, puisqu'ils le partagent en mangeantle même mets ; d'autre part, "le sel desbazars" évoque l'opiniâtreté de l'ouvrierqui gagne sa vie à la sueur de son front.

C'est par un examen, déterminant la -compétence professionnelle, qu'un artisanpeut ensuite passer au rang de maître. Sil'on juge que l'artisan a les qualifications

- "requises pour devenir maître, il comparaitdevant une assemblée de la guilde, seule

' habilitée à se prononcer.

Dans certains cas, l'artisan est prié deprésenter un échantillon de son travail,particulièrement raffiné, avant qu'il ne soitdécidé de sa promotion. Le "chef-d' est alors soumis à l'assemblée

qui l'examine attentivement. S'il présentequelque défaut, la promotion de l'artisan

' est repoussée à une période ultérieure.La guilde est fort soucieuse en effet demaintenir sa réputation, et la haute qualitédes ouvrages du métier.

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On nomme "anciens" ou "notables"

ceux des maîtres qui ont atteint une posi¬tion influente. Ils assistent le maître de la

guilde dans ses fonctions. Ils prêtent leurconcours à l'inspecteur de marché (al-muhtasib) en veillant à faire respecterl'ordre et la loi dans les bazars. Ils sont

renommés pour leur grande conscience,leur haute moralité, et leur connaissanceapprofondie des affaires de la guilde.

Pour la nomination d'un nouveau maître

de la guilde, l'accord n'est pas toujoursfacile ; il ne s'agit pas en effet d'unenomination par vote majoritaire, mais à lafaveur d'une opinion unanime. Danscertaines guildes, la fonction de maître esthéréditaire et se transmet de père en fils.

Il n'y a pas là contradiction avec leprincipe de la sélection, la fonction nepouvant être héritée qu'avec l'approbationdes anciens du métier, qui prennent enconsidération la réputation du postulant,et les services qu'il a rendus dans le passé.

Le maître remplit ses fonctions dontla durée est indéterminée toute sa vie

durant, c'est-à-dire aussi longtemps qu'ilest physiquement et mentalement capablede remplir les devoirs de sa charge enhomme intègre et juste.

C'est encore le devoir du maître que deveiller à ce que soient respectés les règle¬ments du négoce, et de pénaliser ceux quiviendraient à discréditer les privilègesartisanaux. Si par exemple un tisserandfournit l'étoffe d'un habit qui ne se révèlepas conforme aux normes coutumières de

longueur et de largeur, le maître de laguilde vient la saisir, la déchire, et enaccroche les lambeaux au marché en

guise d'avertissement général.

Si encore on découvre qu'un membrede la guilde est coupable de fraude dansl'exercice de son négoce, le maître chargele shawish d'aller fermer sa boutique,laquelle ne pourra être ouverte à nouveausans le consentement du maître et des

anciens. Si un orfèvre est reconnu cou¬

pable d'avoir altéré son or, le shaykh desorfèvres fait retourner son enclume, si bienque l'orfèvre ne pourra plus travailler avantque le shaykh ne l'y autorise. Dans la plu¬part des cas, le traître et le voleur sontchassés sans merci et "une guerre expia¬toire est menée contre eux".

C'est aussi au shaykh qu'on fait appelpour trouver du travail, et c'est lui quirecommande les ouvriers aux maîtres. Lui

seul a le droit d'initier des apprentis quali¬fiés pour qu'ils deviennent artisans, et desartisans pour qu'ils deviennent maîtres. Ila aussi le privilège d'octroyer l'autorisationà un maître d'ouvrir une nouvelle boutiquedans le bazar de sa guilde.

Il négocie avec le gouvernement pourtoutes affaires concernant sa guilde, etnotamment pour ce qui est des taxes. Ilapaise les querelles qui viennent à éclaterentre membres de la guilde. Il mobilise lesmembres de la guilde en cas d'urgence etles précède en public dans les cérémonieset les processions.

En bref, le maître d'une guilde n'en estpas seulement le chef ; il en est le symbolemême. Sans lui, la guilde ne serait pas uneguilde. Plus encore, ses pouvoirs s'exer¬cent au-delà des bazars où il demeure

l'autorité centrale jusque dans lesquartiers résidentiels où vivent les membresde la guilde.

Dans la ville islamique, l'autorité du chefdes maîtres des guildes est considérable.Il est le chef de toutes les guildes, de tous

les ordres soufis, et dans certains cas, ledoyen des Ashraf (les descendants duProphète). En vertu de ce triple pouvoir,il contrôle toutes les guildes et, par leurcanal, tous les bazars, c'est-à-dire, auniveau économique, toute la productionet la distribution, aussi bien que tous lesservices.

En même temps, il est le maître desdirigeants des ordres soufis et, par leurintermédiaire, coordonne les affaires des

"loges", et contrôle les dépôts qui leursont confiés. Les hauts fonctionnaires et

les officiers de l'armée ne sont pas affiliésà des guildes, mais la plupart d'entre euxappartiennent aux ordres soufis et sontainsi dépendants de l'autorité du' maîtredes maîtres.

Celui-ci exerce dans la cité une autorité

effective, et la suzeraineté des chefs politi¬ques n'a sur lui aucune prise. Son autoritéspirituelle l'emporte sur le pouvoir tempo¬rel des rois et des sultans. Ne perdons pasde vue que nombre de grands person¬nages, au cours de l'histoire de l'Islam,,ont eux-mêmes appartenu aux ordres sou¬fis, et qu'ils se soumettaient à cette hiérar¬chie interne, même s'ils étaient au niveau

politique de véritables chefs.

Ce qui ne signifie pas, bien entendu,que le maître soit une figure politique, ausens moderne ou occidental du terme, niqu'il ne s'incline pas devant la séparationdes pouvoirs au sein de la société. Toutsimplement, il est, en l'absence d'un calife,un symbole de stabilité dans la sociétéislamique.

Sous l'influence du soufisme, les guildesamplifièrent considérablement les assisesmorales et spirituelles des métiers manuels.L'artisanat devait refléter la "vie intérieure" k

de l'artisan, à l'exclusion de tous autres f

Des dessins

éblouissants

La corporation des tisseurs de tapis(première photo à gauche : unefemme berbère à son métier) a

toujours été, dans les villesarabo-islamiques, l'une des plusgrandes guildes. En dehors des

carpettes de prière indispensables, lesMusulmans aiment décorer leurs murs

de tapis brillamment colorés. A gauche,des marchands de draps dans le bazarde Marrakech (Maroc méridional) livré

» aux jeux du soleil.

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motifs : productivité, renommée, ouargent.

Nous avons noté tout à l'heure quel'artisan devait soumettre un "échantillon

de son savoir-faire" aux anciens de la

guilde, avant qu'ils n'autorisent sa pro¬motion au rang des maîtres. Leur apprécia¬tion impliquait aussi le jugement qu'ilsportaient sur l'évolution spirituelle del'artisan.

Tout ensemble tendre à la perfection del'âme et s'efforcer de suivre la voie divine,

tel était l'idéal de l'artisan, si humble quefût son métier.

Au dix-neuvième siècle, c'est le déclin :peu à peu, dans le monde musulman, lesdiverses guildes disparaissent. Il y a à celades causes très nombreuses, à la foisintérieures et extérieures, extrêmement

complexes et jusqu'ici insuffisammentétudiées : petit à petit, les guildes vontsuccomber sous le poids d'événementssans précédent, auxquels elles ne sontpas en mesure de résister.

Avec la domination coloniale, les objetseuropéens manufacturés envahissent lemonde musulman : tant à cause de la

pression colonialiste que des prix compéti¬tifs, les artisans locaux restent, à la lettre,sans travail, et finissent par disparaître. Ceque recherchent la plupart du temps lescolonisateurs, ce sont les matériaux bruts :

leurs premières victimes sont les fabricantslocaux.

La réorganisation du gouvernementlocal sous la domination coloniale et l'intro¬

duction de nouveaux systèmes d'impôtsportèrent un coup fatal aux autoritéstraditionnelles et frappèrent durementl'artisanat.

Ainsi, l'autorité des maîtres de guildesse trouva sapée du jour où les maîtresn'eurent plus le pouvoir de décider quiouvrirait boutique dans les bazars. Taxeset charges nouvelles, écrasantes, firentque beaucoup de commerces passèrentaux mains des Européens, exemptés detaxes en vertu des capitulations.

Les moyens modernes de transportsbouleversèrent les modalités du trafic, et

jusqu'aux voies commerciales traditionnel¬les. Par exemple, à partir de 1880, la routedu pèlerinage à la Mecque venant d'Afriquedu Nord cessa de passer par le Caire, cequi eut des conséquences désastreusespour le commerce local. La constructionde la voie ferrée du Hedjaz, reliant Damasà Médine, eut les mêmes conséquences.

L'explosion démographique des 19e et20° siècles entraîna le surpeuplement desvilles musulmanes, qui allait de pair avecune sédentarisation et une urbanisation

accélérées. Ce processus s'accompagnaitde la dégradation des liens économiqueset sociaux.

Rien d'étonnant donc dans l'extinction

lente du système des guildes dans la citéislamique. Avec lui disparaissait ce quiavait été bien plus qu'une expression

. sensible de la solidarité socio-économique.Tout un univers spirituel était directementmenacé. L'orientaliste suisse Titus Burck-

hardt, avec finesse, a magistralementrésumé la situation (1) : "Je connaissais

un homme qui faisait des peignes. Il travail

lait dans la rue de sa guilde. On l'appelait'Abd al-Aziz et il portait toujours unedjellaba noire le vêtement flottant àcapuchon et manches et un turbanblanc à litham, le voile de visage, quicouronnait sa face aux traits quelque peusévères.

La corne de ses peignes, il la tirait decrânes de b qu'il achetait chez lesbouchers. Il faisait sécher les crânes dans

un recoin qu'il louait, en détachait lescornes, les ouvrait dans toute leur longueuret les dégauchissait au feu, procédé qui exi¬geait le plus grand soin, faute de quoi ellesse seraient cassées.

Dans ce matériau brut, il découpait des

peignes et façonnait des boites à antimoine(qu'on utilise comme fard à paupières) surun simple tour ; pour ce faire, il maniait,de la main gauche, un arc, lequel s'en¬roulait autour d'une toupie et entraînait larotation du dispositif. De la main droite, iltenait le ciseau, et du pied il poussait surle contrepoids. Tout en travaillant, il psal¬modiait des sourates du Coran.

J'ai appris qu'à la suite d'une maladiedes yeux commune en Afrique, il était déjàà demi aveugle : en raison d'une longueexpérience, il "sentait" son ouvrage plusqu'il ne le voyait. Un jour, il me dit, s'enplaignant, que l'importation des peignes deplastique nuisait à ses affaires : "Quelletristesse qu'aujourd'hui rien que pour unequestion de prix, on préfère des peignesd'usine, de mauvaise qualité, aux peignesde cornes qui sont bien plus solides. Et ilajoutait :

"Mais ce n'est pas tout. C'est folie ausside se tenir à une machine et de faire sans

cesse le même mouvement, sans réflexionaucune, pendant qu'un vieux métier com¬me le mien tombe dans l'oubli. Mon travail

peut vous paraître grossier ; mais il a unesignification cachée, si subtile qu'elle nepeut s'expliquer avec des mots. Monmétier, je ne l'ai su qu'après bien de lon¬gues années : même si je le voulais, je nepourrais pas le transmettre à mon fils si lui-même ne désire pas l'apprendre. Or je croisqu'il préférera prendre une autre occupa¬tion.

"Ce métier-là, on peut le suivre de l'ap¬prenti au maître jusqu'à ce qu'on rejoignenotre seigneur Seth, le fils d'Adam. C'estlui -qui le premier l'a enseigné aux hommes,et ce qu'apporte un Prophète car Sethétait un prophète doit viser un but par-ticulier, c'est clair, à la fois au dehors eten dedans. J'ai compris petit à petit quedans ce métier rien n'est dû au hasard,que chaque geste, chaque manière defaire, se charge d'un élément de sagesse.Mais tout le monde ne peut pas le com¬prendre.

"Mais même si on ne le sait pas, c'estbête et méchant de voler aux hommes

l'héritage des Prophètes et de les mettredevant une machine sur laquelle, jour après

jour, ils doivent accomplir une tâche quine signifie rien".

Youssouf Ibish

(1) Fès, Stadt des Islam (Fès, ville de l'Islam), Fribourg1960.

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Mille et un métiers

Depuis les marchands de sorbets et lessages-femmes jusqu'aux âniers, tout lemonde, dans les vieilles cités arabes,

appartenait à une corporation. A gauche,le marché très actif de Ghardaïa (Algérie).

Ecrire est un don

de Dieu

Les écrivains publics et surtout lescalligraphies jouissaient d'un grandprestige parmi la population, car l'écritureétait considérée comme une capacitéimportante donnée par Dieu à l'homme.Nombreux et puissants dans la sociétémusulmane, les professionnels del'écriture étaient employés dansl'administration civile des califes et

payés souvent fort cher. Une partie dela littérature classique arabe a pourauteurs des membres de cette profession.

Comme au Moyen-Age

Dans le monde musulman, le commerce

de détail a peu changé depuis le Moyen-Age. Les souks, vaste marché couvertoù les boutiques sont groupées d'aprèsles marchandises vendues, restent, aprèsun millier d'années, l'un des lieux les plustypiques des villes islamiques.Ci-dessous; une vue du souk voûté

d'Alep (Syrie).

Photo Unesco.

Un apprentissagepour la vie

L'apprentissage d'un travail artisanal étaitle seul moyen d'acquérir un

métier, et c'est pourquoi il constituaitun secteur essentiel du système des

guildes. Ci-dessus, déjeunes garçonsapprennent à travailler des plats en

cuivre, dans une école d'arts et métiers

islamiques â Tripoli (Libye).

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Horizons

de la pensée

C'est la mosquéeelle-même qui a étéle premier lieu etl'instrument du savoir.

A La Mecque mêmeaujourd'hui, dans unelecture qu'enveloppesymboliquement la -grande lumière de lamosquée, un pèlerintrouve un havre de

silence fait pour lerecueillement.

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arabe classiquepar Mohammed Arkoun

IL n'y a pas d'exemple de pensée vivan¬te, exploratrice, novatrice qui ne repo¬se, sur un ensemble de conditions

matérielles favorables, comme l'extension

de l'espace géographique, les richessesminières, agricoles et industrielles, laqualité du tissu urbain et des rapportsentre la cité et son environnement, la puis¬sance monétaire, la maîtrise de techniquesartisanales et commerciales par des popu¬lations ancrées dans de vieilles civilisations.

Il se trouve que la plupart de ces condi¬tions ont été satisfaites, à des degrés-variables, dans l'Empire musulman, del'Iran à l'Espagne, entre le 7S et le 12e sièclede notre ère. L'historien français MauriceLombard résume la situation de "l'Islam

face à l'Europe barbare" durant cette .période devenue classique dans l'histoirearabo-islamique, par' justement la perfec¬tion et le caractère exemplaire attachés aux

de civilisations accomplies notam¬ment, entre le 9e et le 11e siècle, par leslignes suivantes : ,

"Du seul fait de l'extension géographi¬que des conquêtes, le domaine musulmancomprend dans ses limites... les pays ausol le plus fertile : la Mésopotamie, richealors de son magnifique réseau d'irriga¬tion ; l'Egypte, grenier du monde antique ;les grandes plaines de l'Afrique du Nord etde l'Andalousie qui ont fourni en abon¬dance le blé et l'huile au monde romain".

L'Empire musulman comprend aussi "lesgrands pays miniers : Caucase, Afrique duNord, Espagne, ces paradis des métaux del'antiquité et, plus particulièrement, detoutes les mines d'or du monde : or de

l'Afrique orientale, de l'Oural et de l'Altaï,de l'Inde et surtout du Soudan, dont le

courant viendra irriguer le monde méditer¬ranéen jusqu'à l'époque, des grandesdécouvertes".

Il englobe également "les grands centresde production industrielle qui sont aussi

MOHAMMED ARKOUN, d'origine algérienne, est leDirecteur de l'Institut d'études islamiques de l'Univer¬

sité de Pans. Son autorité est reconnue dans le domaine ¡de l'histoire culturelle arabe, et H a donné de nombreu¬

ses conférences dans les universités européennes etaméricaines. Il est l'auteur d'ouvrages importants sur lacivilisai/on et la pensée arabes, notamment La Penséearabe, publiée aux Presses universitaires de France,Pans, 1975.

les grands centres urbains : villes de Mé¬sopotamie, de Syrie, d'Egypte. Les grandsports aussi et leur organisation maritime(navires, chantiers, population de marins) :ports du Golfe Persique et de la Mer Rou¬ge, Echelles de Syrie, Alexandrie, ports dudétroit de Sicile et du détroit de Gibraltar."

En outre, le monde musulman possède"le monopole du riche commerce detransit de l'Extrême-Orient, de l'Asiecentrale, de l'Océan Indien et de l'intérieurde l'Afrique vers la Méditerranée... Lemonde musulman domine toutes les

routes du commerce international : routes

continentales à travers l'Asie, routesmaritimes du Golfe Persique et de la MerRouge, routes caravanières du Soudanpar le Sahara, routes des fleuves russesvers la Baltique par la Caspienne".

"Enfin et peut-être surtout, le mondemusulman enferme dans ses limites les

populations les plus commerçantes duglobe avec leurs vieilles techniques éprou¬vées et leurs antiques traditions du né¬goce..." (1)

Etre attentif aux conditions matérielles

grâce auxquelles toute pensée peut s'épa¬nouir et s'exercer ne signifie pas que l'onrattache et fasse dépendre une "super¬structure" intellectuelle d'une "infrastruc¬

ture" matérielle. Il s'agit, en fait, de répéter,dans chaque contexte social et culturel,dans chaque conjoncture historique, les

' influencés et les transformations qu'exerce

l'activité culturelle en général sur la civilisa-' tion matérielle, et réciproquement.

Il importe donc d'insister sur les néces-saires réinterprétations et mise en perspec¬tive de la pensée arabe classique à lalumière des acquisitions de la connaissancemoderne.

Le Coran est un événement historiquede première grandeur parce qu'il constituel'avènement d'une religion universaliste. Enpartant de cette constatation, on peutdistinguer plusieurs grandes périodes dans ,le développement de la pensée arabe : lapériode classique proprement dite (900-950

à 1300 environ), apogée auquel conduitun cheminement ascendant (période deformation de 632 à 900-950) et d'où re¬

descendent, avec des continuités variées,plusieurs sentiers : période de conserva¬tion et de ruptures : 1300 à 1800, et enfinpériode de ce que l'on a appelé la "Renais¬sance" arabe : 1800 à nos 'jours.

La pensée arabe classique a prospectéavec plus ou moins d'insistance les ho-rizons suivants : horizon religieux, ethico-juridique, politique, social et économique,

(11 Espace et réseaux du haut Moyen-Age, Edit.Mouton, Pans-La-Haye 1972.

théologique, philosophique, linguistique,esthétique (littérature, musique, peinture,architecture...), scientifique et technique,historique et géographique, cosmo¬biologique.

Cette seule enumeration atteste la gran¬de mobilité des esprits et la diversité descuriosités. La spécialisation dans la connais¬sance n'a jamais empêché ni freiné la pas¬sion d'une connaissance unifiée, et mêmeglobale. Mû par un puissant désir deressembler à Dieu qui "embrasse touteschoses en Sa Science" comme dit le

Coran l'intellectuel de l'âge classiqueest un humaniste ouvert à toutes les for¬

mes et à tous les domaines de la connais¬

sance. C'est bien pourquoi, les frontièrestrop rigides que nous traçons aujourd'huientre droit, morale, esthétique, histoire,mythe, théologie, philosophie, sciencesexactes, etc., ne s'imposaient guère àcette époque.

Le mot adab, qui désigne aujourd'hui lalittérature, se référait à l'époque classiqueà une attitude générale de l'esprit devantle . monde, la connaissance, la conduiteprivée et publique, à un humanisme lettréet vécu à la fois, à cette civilisation spécifi¬que élaborée dans les cités islamiques du1" au 13e siècles de notre ère.

Voyons à présent comment les divershorizons, les divers domaines de la con¬naissance que nous avons cités interfèrentet se recouvrent, tout en se différenciant à

mesure que les clivages socio-culturelss'aggravent.

Tous les types de la connaissance,toutes les disciplines pratiquées par lapensée classique s'inscrivent dans l'horizonreligieux, ouvert par le Coran. Celui-ci neparlé pas seulement de Dieu. Un; Juge,Créateur... et de la Révélation confiée à

Mohammed ; il- n'instaure pas seulementun rapport religieux entre le croyant fidèleet son Créateur-Bienfaiteur, mais il déclen¬che d'irrésistibles curiosités dans tous les

domaines de la connaissance. ,

En ce qui concerne l'horizon éthico-juri-dique, l'élaboration de la loi religieuseimplique une attention accordée auxrelations sociales, aux activités d'échangeet de production, au statut de la propriété,de la personne privée et publique. Mais lesnormes retenues dans ce domaine doivent

découler non du jugement arbitraire d'unquelconque législateur humain, mais biendes énoncés explicites de Dieu dans leCoran, ou du Prophète dans le Hadith.

Or, les hommes ne peuvent correcte¬ment exploiter ces énoncés sans le recoursaux témoignages des générations succes¬sives de Musulmans depuis le début de la wRévélation (horizon historique), le recours f

19

Page 20: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Collection Unesco

d'suvres représentatives

Afin de mieux faire connaître dans le

monde les richesses du domaine littéraire

de la langue arabe, l'Unesco a mis eneuvre, au cours des années, un pro¬gramme de traduction et de publication enfrançais des puvres suivantes :

AL-GHAZALI. Erreur et délivrance (AIMunqidMin Adalal). (Édition bilingue.) Trad.,introd. et notes Farid Jabre. Beyrouth,Commission internationale pour la traduc¬tion des chefs-d'.uvre, 1959. 122 p., 55 p.(Autobiographie mystique d'un Soufi.)

. 0 Jeune homme (Ayyuha'l Walad). (Édi¬tion bilingue.) Trad. Touffic Sabbagh. Bey¬routh, Imprimerie catholique ; Paris, Mai-sonneuve et Larose, 1951. XXVI, 65 p.

(Conseils d'un mystique Soufi.)AVICENNE (Ibn Sina). Livre des directives et

remarques IKitâb ai-lsârât wâ l-tanbihati.Trad., introd. et notes A. -M. Goichon. Bey¬routh, Commission -internationale pour latraduction des chefs-d'euvre ; Paris, Vrin,

1951. 553 p. (Traité philosophique.)GAHIZ. Le livre des avares (Kitab al-bukhala).

Trad., introd. et notes Charles Pellat. Bey¬routh, Commission internationale pour latraduction des chefs-d'nuvre ; Paris, Mai-sonneuve et Larose, 1951. IX, 366 p.(Recueil d'anecdotes.)

. (Attribué à.) Le livre de la couronne

IKitâb At-Têg) (FiAkhlâq Al-Muluk). Trad.Charles Pellat. Paris, Les belles-lettres,

1954. 221 p. (Manuel didactique sur l'éti¬quette et la vie de cour.)

HUSSEIN. Kamel. La Cité inique. Trad, etintrod. Roger Arnaldez, préface Jean Gros-jean. Paris, Sindbad, 1973. 159 p. (Récitphilosophique.)

IBN HAUQAL. Configuration de la terreIKitâb surât al-ard). Introd. et trad. J. H.

Kramers et G. Wiet. Beyrouth, Commissioninternationale pour la traduction des chefs-d'guvre ; Paris, Maisonneuve et Larose,

1964. 2 vol. (Relation de voyage).IBN HAZM, 'Ali ibn Ahmad. Epitre morale

(Kitâb al-akhlâq wa-l-siyêr). (Edition bilin¬gue.) Introd., trad., index et lexique NadiaTomiche. Beyrouth, Commission interna¬tionale pour la traduction deschefs-d'euvre, 1961. LV, 174 p., 88 p.(Apologie de l'Espagne andalouse aux 9"-11* siècles.)

IBN KHALDÙN. Discours sur l'histoire univer¬

selle (Al-Muqaddima). Trad., introd. etnotes Vincent Monteil. Beyrouth, Commis¬sion internationale pour la traduction deschefs-d' 1967-68. 3 vol. Tome I,

1967, 476 p. ; tome II, 1968, 928 p. ; tomeIII, 1968, 1 426 p. (En vente à la LibrairieMax Besson, Paris.) (Philosophie de l'his¬toire.)

La poésie arabe. Choix et préface René R. Kha-wam. Paris, Seghers, 1960. 282 p. illus.

AS-SAYYAB. Badr Chaker. Le golfe et lefleuve (poèmes). Trad, et présent. AndréMiquel. Paris, Sindbad, 1977. 94 p.

en préparation :ADONIS. Les chants de Mihyar le Damascene.

Trad. Père Dubois. Paris, Sindbad.

AL-'AJAILY, 'Abdel-Salam. Damas téléphé¬rique IKulûb 'alai' aslâk). Trad. Petit.

AL FARÂBÎ. La cité vertueuse. Trad. R.P.

Jaussen. Beyrouth. Commission interna¬tionale pour la traduction des chefs-d'

AWAD, Emile Youssouf. Échos du Mont-Liban. Trad. Barbot. Paris, Publicationsorientalistes de France.

TAHA HUSSEIN. Au delà du Nil (Pageschoisies). Textes choisis et présentés parJacques Berque et trad. Michel Hayek,Anouar Louca, André Miquel, JacquesBerque et al. Pans, Gallimard.

ZAYN AL-ABIDIN. Muhammad B. Ah.

Relation de voyage au Dartour et auOuaddaï Trad, du turc Marcel Grisard et

Jean-Louis Bacqué-Grammond. Paris,Phébus (?).

Ces ouvrages ne doivent pas être commandésà l'Unesco.

S'adresser à son libraire habituel.

aussi aux sciences linguistiques, aux clari-' fications dogmatiques (horizon 'théologi¬

que), à un appareil méthodologique etconceptuel (horizon philosophique), àl'observation des mondes créés.

1 Pour avoir une idée précise de cette arti¬culation inévitable de toutes les sciences

sans exception, il suffit de parcourir legrand commentaire coranique de.Fakhr al-Din al-Râzî, où toutes les sciences concou¬rent à l'explication et au commentaire dutexte sacré et de ses énoncés.

La même interdépendance des sciencesse retrouve même si l'on part de l'horizonphilosophique. Celui-ci se distingue biende l'horizon religieux et s'affirme mêmecomme son opposé, ainsi que l'indiquentles controverses sur la raison et la foi, et

les oppositions entre sciences rationnelleset sciences religieuses, entre jugements dela raison et ceux de la loi religieuse.

Pourtant les philosophes rejoignent lesdocteurs es sciences religieuses par le biaisde l'éthique, de la politique et de la méta¬physique,, de la même façon que lesdocteurs de la loi utilisent largement lessciences instrumentales. (logique, mathé¬matiques, rhétorique, médecine, sciences

"naturelles, etc.) cultivées par des" philoso-, phes.

L'interprétation des deux domaines estdéjà avancée dans l'vuvre des Mu'tazilites(tenants de l'utilisation de la raison dans

tous les domaines, y compris le religieux)et dans celle d'humanistes comme Jâhiz.

Elle devient plus nette encore, au 10"siècle, avec les grammairiens, les juristes-théologiens, les lettrés, les médecins et lesencyclopédistes comme les Ikhwân al-Safâ (les Frères de la Pureté). Disons en

un mot, et les preuves ne manquent pas,que l'adab classique connaît un dynami¬sme conquérant et une exceptionnelleouverture.

L'histoire et la géographie telles qu'ellessont pratiquées à la même époque confir¬ment les tendances qui poussent vers lavérification des faits et l'universalisme.

Nombreux sont les auteurs qui écriventdes histoires universelles où la notation

chronologique des événements l'emporte(surtout après l'avènement de l'Islam) surles évocations mythiques des prophètes,des anciens rois perses ou des sages detoutes les nations. Par ailleurs, le vaste

empire islamique est parcouru par desvoyageurs, des missionnaires, des com¬merçants qui enrichissent de leurs observa¬tions une littérature géographique pré¬cieuse par ses renseignements, ses descrip¬tions et I' "état des lieux" qu'elle noustransmet.

Une connexion significative entre l'his¬toire, la géographie et la littérature seretrouve dans un. conte des Mille et Une

Nuits, Ajib et Gharîb (1). On y découvrecomment des événements historiquesprécis fournissent la trame d'un contemerveilleux dans lequel la consciencepopulaire projette et retrouve ses désirs,ses convictions et ses représentations.

Ce lien entre les sciences de l'homme et

la littérature se retrouve dans plusieursen particulier celle d'al-Biruni

(mort en 1048), savant d'une étonnante

modernité pour son temps (voir Courrierde l'Unesco, juin 1974).

(1) Un conte des Milles et Une Nuits: Ajib etGharîb, par André Miquel, Edit. Flammarion, Paris1977.

Les routes commerciales intercontinentales empruntées par les Arabesont également été les voies par lesquelles leur culture s'est répandue dansle monde du Moyen-Age. Ci-dessous, un pont jeté jadis par lesconstructeurs arabes sur le Nah al-Kalb ou "Fleuve du chien" (Syrie).

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Page 21: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

EA Seville, la Giralda (ou

"girouette"), édifiée en 1171des plans inclinéspermettaient aux cavaliersd'atteindre le sommet.

Photo © Rapho, Paris

De l'Espagnemusulmane

au Sud Marocain

Le long d'une ligne presquedroite, trois hauts lieux de l'Islam,

construits au 12e siècle par lesAlmorávides et dont les minarets

attestent encore la similitude des

formes.

MARRAKECH

RABAT

A Rabat, la Tour Hassan,construite en 1196 et

inachevée : tout autour, lescolonnes nombreuses de

l'ancienne mosquée, pour laplupart tronquées.

Photo © Jean Mazenod, Paris

A Marrakech, le minaret de

la Koutoubiyya. Construite en1140, elle a été, parce que malorientée, démolie et

reconstruite en 1195.

Photo © Almasy, Paris

Il y aurait beaucoup de noms à citerpour marquer la convergence des espritsdans la quête de la Vérité sous ses multi¬ples faces socio-culturelles, ainsi que leurdivergence quant aux procédures à suivreet aux sources à utiliser.

Retenons, en schématisant, que deuxcourants s'affrontent : l'un rationaliste

dans la ligne de la pensée grecque, etl'autre, le courant traditionaliste, qui s'entient à la compréhension immédiate destextes sacrés (Coran et Hadîth).

Pourtant, nombreux sont les penseurs-qui transgressent cette distinction. Ils sontsouvent de grande envergure : Ibn Sina(Avicenne, mort en 1037), Ibn Ruchd(Averroés, mort en 1198), Ibn Khaldûn ¡(mort en 1406), etc. , i

Si l'adab constituait un champ de ren¬contre, voire de communion, pour tousceux qui accédaient à la vie et à la culturecitadines, comment expliquer les rivalités,

les anathèmes allant jusqu'aux combats derues, entre les écoles et les "sectes" ? Une

abondante littérature rend compte desdivergences manifestées par divers groupeset mouvements par rapport à une ortho¬doxie supposée accessible à tous et réser¬vée en fait à l'Islam officiel (qu'il soit sun¬nite, chi'ite ou khârijite, selon les lieux etles moments de l'histoire).

C'est l'interprétation purement "religieu¬se" de ces divergences qui continue des'imposer jusqu'à présent dans les milieuxmusulmans. Mais de nos jours la sociolo¬gie historique met en évidence les relationsentre revendications sociales et culturelles

de l'époque (arabisés qui demandentl'égalité, la possibilité d'accéder aux postesde commande, etc.) et la formulation

qu'elles recevaient dans le contexte politi¬que du califat abbasside ; cette formulationne pouvait qu'être religieuse.

Le mouvement kharijite, par exemple,mouvement qui se voulait religieux, expri

mait, en fait, l'opposition des nomadesface à tout Etat centralisateur et autori¬

taire. Par ailleurs, les rangs des chi'ites ontété grossis par les non-Arabes convertis(mawali) à l'Islam, clients d'Arabes, et quiétaient artisans et marchands dans les

nouveaux centres urbains créés ou revivi¬

fiés par la conquête arabe (Bassora, Coufasurtout, Bagdad et les villes iraniennes).

De même, les changements sociaux etéconomiques intervenus aux 8e-9e sièclesfirent apparaître de nouveaux groupes demécontents : petit peuple des villes, tribusarabes dépossédées, paysans, etc., quiexprimèrent leur mécontentement dans etpar les diverses fractions chi'ites, elles-mêmes opposées au pouvoir.

C'est sur ces différenciations et opposi¬tions socio-économiques que reposent lescontroverses entre les différents groupesde théoriciens, de théologiens, les mouve- kments mystiques ou de jurisconsultes f

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Page 22: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Dans la vie culturelle arabe du 10e siècle, les savants encyclopédistesoccupent une place privilégiée par leur savoir scientifique, philosophique etreligieux. Ci-dessus, une ¡mage extraite de "Epîtres desFrères de la Pureté"(Rasâ'il Ikhwân as-Safâ). Des auteurs sont représentés entourés d'un scribeet de serviteurs.

détenteurs du pouvoir de contrôle doctri¬nal et mainteneurs de l'Islam officiel.

Une opposition célèbre existe en Islamentre l'effort de recherche personnelled'une part et l'imitation du passé, l'obéis¬sance à la tradition d'autre part. Opposi¬tion qui a évolué en fonction des clivagessociaux et des tensions entretenues dans

les villes par des groupes concurrentssinon rivaux. On note que la tendance auretour vers la tradition l'emporte dès ques'atténue la rivalité entre sunnites et chi'ites

ou dès que sunnisme ou chi'isme devien¬nent religion officielle.

Les institutions d'enseignement et lesystème éducatif mis en place à partir du11e siècle s'expliquent par la continuitédes conduites religieuses et des discoursqu'ils expriment.

Jusque là, Yadab, cette culture compriseau sens large du terme, s'élaborait et setransmettait dans les "cercles scientifi¬

ques" entretenus par les vizirs, princes,riches marchands, voire humbles hommesdévoués à la science, recherchés et écoutés

par de nombreux disciples'. Il faut ajouterà cette liste les boutiques de libraires où,tout comme aujourd'hui, se retrouvaientdes hommes de toutes les catégoriessociales. Brassage d'hommes, brassaged'idées.

Les sciences religieuses, elles, s'en¬seignaient dans les mosquées, lieux .deprière certes, mais aussi centres d'échan¬ges soçio-culturels intenses.

Au 11e siècle, une série d'événementscommencent à ébranler la puissance dumonde musulman et à menacer sa prospé

rité. Venus d'Asie centrale, les TurcsSeldjoukides s'installent en Mésopotamie,prennent le pouvoir à Bagdad et favorisentla restauration du sunnisme en réaction

contre la suprématie chi'ite au 10e siècle.Au Maghreb, des nomades venus d'Egy¬pte déferlent également, ébranlant lepouvoir, tandis que l'Espagne musulmaneest en proie à l'éclatement politique.

L'Islam arabe est au seuil d'une périodepleine de menaces portées par des forcesintérieures de désintégration et par desforces extérieures de destruction : les

Croisades des 12° et 13° siècles, l'invasion

mongole au 13e siècle et la Reconquêteespagnole qui durera jusqu'au 16e siècle.

L'Islam arabe résiste à tous ces dangers :il rassemble son patrimoine culturel et letransmet dans des médersas, ces écoles

qui se multiplient partout ; il le transmetdans des établissements urbains où sont

formés les mystiques, puis, à partir du 13esiècle, les membres des confréries. Parailleurs, le savoir philosophique, insépara¬ble de la science médicale et de sa prati¬que, continue d'être transmis dans leshôpitaux.

Mais le fait important, c'est que l'édu¬cation connaît à partir du 11e siècle uneévolution qui transforme l'apprentissagedu savoir, cet exercice libre et stimulantde la pensée, en une simple transmissionscolastique ; celle-ci est liée à la médersa,devenue institution officielle et s'appuiesur un enseignement traditionnel donnédans le cadre d'une seule école ou d'une

confrérie, à l'exclusion des autres que l'onprésente, explicitement ou non, comme

différentes, déviationnistes, voire héréti¬

ques.

La médersa est, en effet, un établisse¬ment d'enseignement doté d'une seulechaire, confiée à un maître reconnu dans

chaque école : il y a ainsi des médersaspour chacune des quatre écoles juridiques(malikite,. hanbalite, chafi'ite et hanifite),pour s'en tenir à l'Islam sunnite.

Des institutions ' spécialisées, ditesmaisons du Coran ou du Hadith se sont

multipliées sur le modèle des médersas.Un certificat, ou licence, n'est délivré parle maître que si l'étudiant reproduit stricte¬ment les formules, les raisonnements, lesréférences, les solutions prônées pourchaque cas, par la tradition propre à sonécole.

Cette reproduction est assurée, orale¬ment, par la récitation devant le maître, et,par écrit, grâce aux manuels, aux ouvragesde bibliographie et aux recueils. Le poidsde cette scolastique s'alourdit à mesureque s'aggrave l'emprise économique del'Europe occidentale sur l'Islam méditer¬ranéen. ,

Ainsi s'est cristallisée progressivementdans la conscience collective l'image à lafois idéalisée et étriquée d'un Islam "ortho¬doxe", image construite sous les contraintesde l'autodéfense d'une Communauté

menacée de l'intérieur et de l'extérieur à la

fois, et qui conserve toujours dans lessociétés actuelles une grande actualité.

De la sorte, les luttes de libération

nationale, la tragédie palestinienne parexemple, n'ont fait que renforcer encorela fonction idéologique de l'Islam et del'Age d'or de la pensée arabe.

Ce qui s'est passé dans le monde arabo-islamique du 7e au 13e siècle ne peut êtreenfermé dans l'espace mental habituelle¬ment désigné par le nom de Moyen Age.

Du point de vue de la pensée con¬temporaine, il serait essentiel, entre autres,d'imposer, avec des méthodes modernes,le redressement des perspectives histori¬ques et philosophiques. On sait combienles intellectuels arabes sont partout soumisaux urgences du développement économi¬que et social.

Voilà pourquoi des travaux aussi urgentset aussi simples que des éditions critiquesde grands textes classiques sont différés ouimparfaitement exécutés faute de cher¬cheurs compétents. Que dire du retardaffligeant de la recherche dans tous lessecteurs aujourd'hui prospectés par lessciences historiques et sociales !

On parle beaucoup du développementéconomique, mais on parle beaucoupmoins du sous-développement culturel, cequi se traduit par de vastes zones d'ombredans la connaissance de sociétés au passéprestigieux, comme c'est le cas de tout ledomaine arabe. -

Il me semble indiqué d'attirer ici l'atten¬tion sur la nécessité de parler d'un nouvelordre culturel mondial, en corrélation avecun nouvel ordre économique mondial, verslequel on s'acheminait pour la première foisdans l'histoire des hommes. -

Mohammed Arkoun

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Page 23: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Avant même les plaisirs de la chasse,l'exercice de la musique figure au premierplan de la vie, ainsi que le montre, ci-dessous, une plaquette en ivoire del'époque Fatimide (11e siècle).

La musiquePrière du ceur

et de l'esprit,art sensible

et savant

par Bernard Moussali

LJT EDUCATION musicale savante dans laculture (adab) arabe du 9e au 13° siècle

était indispensable : tout homme com¬plet, ou tout "honnête homme", se

devait d'être musicien.

D'un point de vue culturel, la musique arabepuisait à cette époque son inspiration dans lespoèmes (qasîda, ou ode surtout) antéislamiqueset "classiques" arabes. Epicurisme, érotisme,célébration de la Cité musulmane, tels étaient les

thèmes qui se partagaient les faveurs du musi¬cien. Un recueil de leurs chants nous est

parvenu, c'est le célèbre Livre des Chansons

(Kitâb al-Aghâni) transcrites par Abû-I Faraj al-Isfahânî (897-967). On y découvre la conceptiondu monde que reflétaient ces chants, celled'une société cultivée, complexe et tentée partoutes sortes d'aventures intellectuelles.

La période allant du 9e au 13e siècle de notre

ère est donc fondamentale pour la compréhen¬sion et la connaissance des musiques du mondearabo-islamique. C'est, en effet, pendant cesquelques siècles que la pratique musicalesavante atteignit son apogée à la cour descalifes abbassides (9e siècle), que des spécula¬tions théoriques extrêmement poussées enrésultèrent (milieu du 9e - 13e siècle) et qu'uneterminologie musicale, et sa transmission.

BERNARD MOUSSALI, musicologue libanais, estspécialisé dans les recherches sur le développement dela musique arabe en Egypte, en Syrie et dans l'Iraq, au19« et au début du 20> siècles.

s'élaborèrent, . permettant ainsi le dévelop¬pement ultérieur des musiques arabe, persaneet ottomane (14-196 siècles).

Elaborée dès le milieu du 7e siècle, à partir dufonds arabe anté-islamique ainsi que des influ¬

ences persanes et syriaques, la musique savantearabe se définissait au début du 9e siècle comme

une musique vocale, rythmique ou arythmique,vraisemblablement constituée par des succes¬sions de cinq, ou mieux sept "sons", d'impor¬tance différente, appelées échelles.

Cette musique arabe se rattachait ainsi audomaine des musiques modales, c'est à direbasées sur des notes à hauteur non-fixées, deséchelles particulières et des formules mélodi¬ques improvisées.

Elle exprimait sa conception du monde grâceà deux termes, l'un concernant la musiquevocale : naghma, ou mélodie ; l'autre concer¬nant la musique instrumentale : isba', ou doigt,acception disparue depuis et qui évoquait laposition du jeu des doigts sur les cordes du luth.

Les exécutants de cette musique obéissaientfous à un même rythme lors de l'interprétationd'une mélodie. En outre, cette musique permet¬tait aux ch,urs le chant à l'unisson ou à l'octa¬

ve ; la polyphonie superposition de deux ouplusieurs mélodies simultanées n'y apparais¬sant alors qu'accidentellement ou très secondai¬rement pour de brefs motifs d'ornementation.

L'accompagnement instrumental, étroitementdépendant du chant, suggérait à la fois lemouvement de la percussion et le pincementdes cordes. Les instruments utilisés par cettemusique étaient essentiellement ceux de la

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Page 24: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

famille des petits tambours sur cadre, tel le duff,à cadre rond, avec ou sans cymbale de cuivre,et les instruments de la famille du luth : luths bi-

cordes à caisse étroite et à manche long ; luthstunbûrs de Bagdad et du Khorassan, probable¬ment d'origine arabe ou persane, semblablesdans la forme mais différents par leurs accords ;luths '"wer" à quatre cordes, à caisse large et àmanche court, inventés par Mansûr Zalzal à lafin du 8e siècle et qui voulaient synthétiser lesaccords antérieurs.

Musique de chambre soumise aux contraintesde l'improvisation, elle était surtout le fait de

solistes, chanteurs et instrumentistes, dont lebut était de provoquer parmi l'auditoire uneémotion d'un type particulier, dite tarab, c'està dire émotion musicale.

D'un point de vue sociologique, on peut direque la musique arabe a été créée par troiscatégories de praticiens : les chanteurs d'abord,comme Ibrahim al-Mawsili, l'un des plus grands,(vers 743-806) ; leurs accompagnateurs ensuite,comme Mansûr Zalzal le luthiste (mort en 791),tous arabes d'origine ou clients arabisés -mawali-des Abbassides ; et, enfin, les esclaves musi¬

ciennes et danseuses, Mahbûba, 'Urayb,Danânîr, etc., venues de contrées diverses etgénéralement élèves des chanteurs.

Chacune des compositions de ces artistesétait jalousement gardée : elle se transmettaitsoit héréditairement de père en fils (comme cefut le cas pour Ibrahim et Ishaq al-Mawsili), soitmoyennant finance, le chanteur conviant alors

l'élève à l'écouter jusqu'à ce que ce dernierpuisse l'imiter. Dans le cas d'un élève-esclave,c'est le maître qui assurait financièrementl'apprentissage.

Le principe de cette transmission était auditif,mnémotechnique, n'excluant certes pas lesnotations musicales personnelles, aide-mémoirescodés et secrets mais jalousement gardés et neconnaissant aucune diffusion, ce qui préservaitla propriété des créateurs contre les plagiats.

En fait, une sévère compétition entre lesmusiciens leur interdisait tout sentiment durable

de solidarité, toute formation de guildes, com¬me c'était le cas pour les marchands ou lescommerçants (voir article page 13). C'est ainsique le musicien Ziriyâb (mort en 845) en fit la

cruelle expérience quand son rival Ishaq al-Mawsili réussit, par les menaces et les pres¬sions, à le faire chasser de la cour abbasside.

La lutherie, artisanat de fabrication des instru¬ments, restait individuelle ; chaque instrumentis¬te fabriquait en fait ses propres instruments,d'après les modèles que lui avaient légué sesprofesseurs.

Le calife al-Ma'mûn (786-833) avait institué à

Bagdad une "Maison de la Sagesse" dont l'unedes principales tâches était de traduire les textes

grecs, syriaques, etc. en arabe. Ce mouve¬ment de traduction fit, entre autres, connaîtreles théories musicales d'Aristote, d'Aristoxène,de Nlicomaque et de Ptolémée. Le concept grecde "musique", attesté dès Ishaq al-Mawsili, sedéfinissait comme "la science de la fabrication

des mélodies". Il permettait une vue d'ensembledes phénomènes tant vocaux qu'instrumentauxet découlait de fondements ' scientifiquesantiques. 7

Un important mouvement de réflexion sur lamusique marqua alors la fin du 9» siècle et seprolongea jusqu'au 13" siècle. Nous ne re¬tiendrons ici que quelques noms parmi les plusmarquants. En Irak et en Iran, le mouvement de

recherche musicologique fut illustré par al-Kindî(mort en 874), mathématicien, l'un des premiersthéoriciens de la musique, par les Frères de laPureté, groupe anonyme de philosophes ésotéri-ques et chi'ites (seconde moitié du 10° siècle),par Ibn Sînâ, le médecin et le savant, connuaussi sous le nom d'Avicenne (980-1037). En

Syrie, al-Fârâbi (mort en 950) philosophe de lacour hamdanite d'Alep, reste l'un des plusgrands théoriciens de la musique arabe par son

célèbre Grand Traité de la musique. En Egypte,citons Ibn al-Haytham (vers (965-1039), polygra-phe et commentateur de ses prédécesseurs ;enfin, c'est Ibn Bâja (mort en 1138) qui fit con¬naître les nouvelles théories musicales au

Maghreb.

Tous ces écrits et tous ces échanges témoi¬gnent d'une vie musicale intense. Tous lesauteurs, tous les théoriciens, considéraient lamusique comme un "art scientifique", à l'instarde l'arithmétrique, de la géométrie et de l'astro¬nomie. Leurs centres d'intérêt étaient l'acousti¬

que, la composition, le rythme et la science desinstruments de musique. Mais de grands pro¬grès restaient à réaliser dans les domaines dela propagation du son et des liens entre l'acousti¬

que et la physiologie. Signalons toutefois queles recherches entreprises dans le domaine de laconstruction des instruments aboutirent entre

autres à la création du qanûn, cithare à cordespincées, dont on attribue la découverte et laconstruction à al-Fârâbî.

Tous ces savants et chercheurs allaient buter

sur un problème dont ils ne purent trouver la. solution : celui de la notation d'un systèmemusical arabe, entre le 10» et le 13e siècles.

Des tentatives de diffusion d'une notation

alphabétique furent bien lancées, mais elles neréussirent pas à s'imposer à cause des pro¬blèmes que soulevaient la propriété artistiquedes textes et les plagiats dont ils risquaientd'être l'objet.

Enfin, la musique fut à l'origine d'une branchedes sciences occultes, telles qu'elles se consti¬tuaient dans les milieux ésotériques (les Frèresde la Pureté, par exemple) : la science des cor¬respondances, consacrée aux liens entre la

musique, les éléments, les végétaux, les ani¬maux, les cristaux et les couleurs.

Ce mouvement de pensée était porté, dans lapratique, par la diffusion du modèle musicalabbasside dans l'ensemble du monde arabo-

islamique. C'est ainsi qu'au Maghreb, le renou¬vellement du répertoire traditionnel et le déve¬loppement de la conception de la "suite musi¬cale" apparaissait comme un approfondisse¬ment des usages antérieurs.

Le chant des muwashshahât, qui étaient despoèmes affranchis de la métrique classiquearabe et qui furent créés en Andalousie vers lafin du 9e siècle, ouvrait la voie à toutes lesrecherches rythmiques, fondues dans le moule

des "suites". L'Andalousie musulmane, grâceau musicien Ziriyâb et à ses successeurs,répandait ainsi son influence dans le reste dumonde arabo-islamique.

Enfin, la confrérie des derviches "tourneurs"

Mawlawiyya, fondée par Jalâl al-Dîn al Rûmî(vers 1216-1273), se consacrait à des études et

des- approches musicales influencées, sansdoute, par les théories pythagoriciennes. Cetteconfrérie systématisait l'apprentissage de lamusique et de la danse sacrée (le fameux"tournoiement") et réussissait ainsi à se consti¬

tuer une source de rayonnement musical d'uneextrême importance.

L' du grand théoricien de la musiqueSafi al-Dîn al-Urmawî (mort en. 1294). devait

clore cette période par VEpitre à Sharaf al-Dînet, surtout, par Le Livre des cycles musicaux.

Ces ouvrages fixaient une terminologie musicaleprécise et apportaient une solution au problèmede l'échelle musicale arabe. Bien plus, al-Urmawî employait méthodiquement le terme demaqâm (position), mode musical savant arabe

et turc annonçant sa forme actuelle.

Le caractère homogène de la musique arabeallait ainsi se perpétuer jusqu'à nos jours. Par-delà toutes les différences secondaires de

modes, de rythmes, et de composition dessuites savantes, il participe au système culturelet artistique "classique" du monde arabe.

Bernard Moussali

K

Pages Couleurs

Page 25Illustration pour lesMaqamat ou "Séances"(voir légende photopage 6 et 48) : unconférencier dans une

bibliothèque aux nichesgarnies de livres.

Page 26Dans ces pages, ainsiqu'à la page 30,quelques images illustrantKalila et Dimna, recueilde fables traduit. en arabe

par Ibn al Mouqaffa(8° siècle), d'après uneversion persane desfables indiennes de Bidpaï.

Page 27Tout un monde fabuleux

où des canards soulèventune tortue, où un lion

assis fait la leçon à deschacals, où des corbeaux

enfument des chouettes.

Page 28Ce vaiseau illustrant les

pages des Maqamatnous rappelle que lesmarins arabes avaient

ouvert au trafic de

nouvelles routes

maritimes entre l'Asie,

l'Afrique et l'Europe, etqu'ils avaient mis aupoint de nouvellestechniques de navigationpar l'observation desastres.

Page 29Sur cette miniature ornant

le Livre des Antidotes

du Pseudo-Galien (voir

légende photo page 51)une scène champêtre : unpharmacien surveille lestravaux en cours dans

son jardin.

Page 30D'autres fables de Kalila

et Dimna i le singe et,la tortue, le cormoran

et l'écrevisse.

Page 31Scène de mosquée dansle livre des Maqamat :l'imâm s'adresse aux

croyants du haut duminbar (ou chaire).

Photos © Bibliothèque Nationale,Pans.

24

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Page 30: Le mariage de l'écriture et de l'architecture
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Page 33: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

La médersa ("lieu de la leçon") étaitl'université du monde arabe médiéval. Le

programme des études y était axé sur leCoran, sur la théologie et le droitislamiques. Mais nombre d'autresdisciplines, telles la grammaire, lalittérature, les mathématiques, étaientaussi, et sont aujourd'hui encore, detradition dans certaines médersas. Dans

ces instituts, l'enseignement était gratuit,comme l'étaient le logis et le couvert. Agauche : ¡mage d'un manuscrit, du débutdu 13e siècle ; on y voit un élève répondreau professeur tandis qu'un autre actionneun éventail suspendu au plafond.

Photo © Bibliothèque Nationale, Paris

Apprendreet enseigner :un même devoir

religieuxpar Hisham Nashabî

L^UNITÉ, tel est le caractère le plusconstant de l'Islam : unité de

Dieu, unité des aspects spirituelset séculiers de la vie, unité des domaines

religieux et temporel. L'éducation reflèteaussi cette caractéristique puisque, danscette optique, les différentes sciencesforment un tout unique et cohérent.Conception qui permit d'aborder et d'étu¬dier la plupart des sujets dans l'enceintede la mosquée.

L'acquisition du savoir était considéréecomme une "obligation religieuse", ce quiexplique qu'au sein de la société musul¬mane, les oulémas aient, de tout temps,occupé une haute position.

L'éducation, de ce point de vue, n'estplus un simple moyen destiné à accumulerles connaissances au nom du savoir ou de

la vérité, à s'instruire pour être un boncitoyen, ou encore pour acquérir un moyende subsistance, mais c'est d'abord et avanttoute chose un moyen de parfaire sonpropre développement moral et spirituel.

En fait, la société musulmane réprouvele "savant" qui hésite à transmettre sonsavoir aux autres. L'acquisition du savoirétant un devoir religieux, quiconque pos¬sède une parcelle de science doit impéra¬tivement la transmettre ce qui, d'ailleurs,en préserve la richesse et en garantitl'accroissement au fil des temps. On peutvoir dans cette attitude le précédenthistorique de ce qu'aujourd'hui nous ap¬pelons "la démocratisation de l'éducation".

En tant qu'institution éducative, la'mosquée fut le premier instrument, et le.plus efficace, qui permit à la société arabed'accomplir sa transition entre un premieretat, marqué par la tradition orale, et un

second, plus élaboré puisque fondé sur latradition écrite.

Le prophète Mohammad avait apportéun message essentiellement représentépar un livre : le Coran, Le Livre. Son étudeentraîna tout de suite une intense activité

éducative. Lire, écrire, compter n'avaientà l'origine d'autres buts qu'une meilleurecompréhension du texte coranique etl'appréciation des règles pratiques qu'ilpréconisait.

La tradition orale, fortement enracinéedans la conscience arabe depuis les tempspréislamiques, ne fut pas abandonnéepour autant, bien au contraire. La nouvellesociété islamique l'institutionnalisa etl'organisa d'une manière systématique.Conteurs, poètes et narrateurs d'avantl'Islam incarnaient cette tradition orale ; il

continuèrent, après l'Islam, à remplir leurfonction d'éducation générale du public,parallèlement à celle des autres éducateurs,suscités par la nouvelle société.

Ces éducateurs acceptaient tous, unani-ment, que la meilleure qualité d'un élève,c'était sa mémoire. Car il convient de rap¬peler que la plus haute aspiration des pre¬miers lettrés musulmans était d'apprendre

le Coran par c et, si possible, leshâdiths (traditions se rapportant aux faitset gestes du Prophète).

Le prophète Mohammad est le premierà avoir rassemblé les Arabes autour de lui

en un "cercle", pour leur enseigner la nou¬velle foi.

Pendant le règne des quatre premierscalifes (successeurs du Prophète à la têtede la communauté musulmane), les com¬

pagnons de Mohammad suivirent l'exemplede ce dernier et se mirent à expliquer à

leurs concitoyens les différents aspects del'Islam. Toutefois on peut affirmer qu'aucours du premier siècle de l'Hégire (7e-88siècle de l'ère chrétienne) (1), et l'appari¬tion de la mosquée en tant que centreéducatif mise à part, les structures del'enseignement ne connurent aucun déve¬loppement important.

HISHAM NASHABI, Libanais, est directeur du Maka-sed (Institut d'éducation Islamique) et professeur d'his¬toire à l'Université Américaine de Beyrouth et à l'Univer¬sité de Beyrouth.

(1) Hégire : ère musulmane qui commence en 622 del'ère chrétienne, date à laquelle le prophète Moham¬mad quitta La Mecque pour s'établir à Médine.

Pourtant l'étude de la langue arabe attiratrès tôt l'attention des lettrés et on com¬

mença de l'analyser dans les mosquées où,bientôt, elle occupa une place privilégiée.

Au cours de la même période, les discus¬sions théologiques se développèrent et lepremier "cercle" qui discuta de théologiese réunit dans la mosquée de Bassora(Irak).

La période couvrant les 98 et 10° sièclescoïncide avec l'apparition de grands légi¬stes, théologiens et linguistes musulmans.Mais elle est surtout marquée par la créa¬tion d'un autre centre d'enseignement : lekuttâb (mot dont la racine signifie "écrire"),qui allait devenir l'institution d'éducation"élémentaire" la plus répandue dans lemonde musulman.

Le développement du kuttâb résultaitprincipalement des activités de la nouvellecité ; il fallait savoir écrire en arabe pourpouvoir retenir le Coran et les hâdiths oupour accéder à des postes gouverne¬mentaux. En règle générale, le kuttâb avaitun seul professeur. Dans quelques casexceptionnels, la charge était divisée entredeux ou plusieurs enseignants, l'un pourle Coran, un autre pour les autres matières.

Mais l'enseignement n'avait pas seule¬ment lieu dans les mosquées et les kuttâbs,mais encore dans la demeure des oulémas

ou les boutiques des "marchands depapier", qui jouèrent un rôle important

' dans la propagation du savoir.

Entre le 10° et le 12e siècles, l'éducation

connut une évolution fort importante.C'est, en effet, au cours de cette périodeque la mosquée, sanctuaire et centre desréunions communautaires, devint une

université publique, au sens propre duterme. Cela est attesté par le très hautniveau intellectuel atteint par les "cercles"formés dans les mosquées et par les ouvra¬ges remarquables qui y ont été produits.

Deux autres institutions apparurent aucours de cette même période : les "mai- Wsons de la sagesse" et les "maisons de la fscience".

33

Page 34: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

y A la différence de la mosquée, ce n'étaitpas des sanctuaires, et leurs activités,purement académiques, n'avaient pasnécessairement trait aux sciences religieu¬ses. Les recherches académiques conduitesdans les mosquées avaient aussi sansdoute un caractère temporel ; mais il fautgarder présent à l'esprit que, dans lasociété islamique, le religieux et le tempo¬rel sont intimement liés.

La Maison de la sagesse de Bagdadconsacrait la majeure partie de ses activitésà la traduction. Bien qu'il soit difficile depréciser la date exacte de sa fondation,disons qu'elle se situe approximativementdans la seconde moitié du 8e siècle, soitsous les règnes des califes al-Mansour(754-775) et Haroun al Rachid (786-809)

mais qu'elle connut assurément son âged'or sous le règne du calife al-Ma'moûn(813-833). C'est à ce moment que dessavants de très grande valeur se réunirent,à l'instigation du calife, dans la bibliothè¬que de ce centre et entreprirent de traduiredes ouvrages grecs et indiens vers l'arabe,tout en poursuivant échanges et discus¬sions sur différents sujets scientifiques.

La première "maison de la science" quenous connaissons fut fondée au cours du

108 siècle en Egypte. Deux aspects la dif¬férencient des maisons de la sagesse :étudiants et enseignants y étaient plusnombreux et, d'autre part, on y accordaitun intérêt prioritaire aux mathématiqueset aux sciences médicales, alors que lesmaisons de la sagesse se "spécialisaient"dans les traductions. Notons que lesmathématiques englobaient alors l'arithmé¬tique, l'algèbre, la géométrie, l'astronomieet la musique.

Le 12° siècle vit se développer unenouvelle institution : la médersa ou collège(mot dont la racine signifie "apprendre").Institution patronnée et souvent contrôléepar l'Etat, on associe généralement sonnom à celui du vizir Nizâm al-Moulk,fondateur de la célèbre al-Nizâmiya deBagdad, construite entre 1065 et 1067(voir article page 35).

Mentionnons seulement une autre

institution, celle des centres de formationpropres aux ordres mystiques, ou soufis,qui n'entrent pas à proprement parler dansle cadre des institutions d'enseignement.

Considérée comme une branche de la

philosophie, la médecine était enseignéeà l'intérieur de la mosquée ; elle attira, entant que telle, l'attention de nombre dephilosophes musulmans : al-Farabi, parexemple, qui ne la pratiqua jamais, ouAvicenne, le célèbre philosophe et grandmédecin.

Mais c'est le bimaristân, équivalentmédiéval fort proche de l'hôpital moderne,qui remplissait la fonction double maiscomplémentaire de soigner les malades,tout en enseignant la médecine.

Mosquées, kuttâbs, maisons de la sages¬se et de la science, médersas et hôpitauxconstituaient donc les structures du systè¬me éducatif dans les villes arabes mais il ne

faut pas omettre de mentionner les initiati¬ves individuelles des oulémas ou les cours

d'apprentissage donnés à l'intérieur desguildes et des ordres mystiques : les deuxjouèrent un rôle non négligeable dans lesprocessus éducatifs.

34

Photo Sabine Weiss © Rapho, Pans

La grande mosquée Qarawiyyin à Fez estle centre de l'une des plus vieillesuniversités du monde, créée en 850, et où

l'on enseigne toujours le droit musulman.Assis, les étudiants forment cercle autour

du conférencier, suivant une tradition quiremonte aux temps les plus anciens del'Islam.

Le système éducatif musulman neconnaissait que deux niveaux : élémentaireet supérieur. Entre cinq et dix ans, lesenfants n'avaient d'autre choix que lafréquentation du kuttâb. Là ils apprenaientle Coran, le lisaient et en retenaient parc�ur tout ou partie, selon leurs capacités.Ils se familiarisaient avec l'écriture en

recopiant des passages du Coran et ap¬prenaient un peu d'arithmétique. Despoèmes et des contes moraux étaientparfois enseignés dans quelques kuttâbs.

Ce cycle durait approximativement cinqans. Il n'y avait pas de cycle intermédiaireavant d'accéder à l'enseignement de lamosquée. Si l'élève sortant d'un kuttâb

voulait poursuivre son éducation, il devaitchercher un "cercle" dans une mosquéeou une médersa.

C'est d'ailleurs immédiatement à la

sortie d'un kuttâb que la plupart des élèveschoisissait un métier. Le jeune enfant

devenait apprenti auprès d'un maîtreartisan, qui n'était souvent autre que sonpère ou un membre plus âgé de sa proprefamille (voir article page 13).

Les pédagogues distinguaient nettementles méthodes à utiliser avec des enfants de

celles qui conviennent aux adolescents etaux adultes. Ainsi dans le kuttâb on faisait

presque exclusivement appel à la mémoi¬re ; à cet âge, pensait-on, la mémoire esten général fort active et doit donc êtrepleinement utilisée.

Pour des matières autres que le Coran,il était généralement admis que le profes¬seur devait "aller du plus simple au pluscompliqué", tout en restant à la portée del'enfant qui l'écoutait. Avicenne insisted'ailleurs sur la nécessité de tenir comptedu tempérament et des aptitudes naturel¬les de l'enfant avant de l'orienter

vers une carrière ou une profession par- Lticulière. f

SUITE PAGE 52

Page 35: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

par Badr-Eddin Arodaky

La Médersaune institution universitairemillénaire

LJTECOLE naquit dans le monde arabe avec la mosquée deMédine, construite au 7e siècle par le Prophète et ses

compagnons. Dès lors et jusqu'au 10e siècle, partout où setrouvait une mosquée, celle-ci servit aussi à instruire les croyants

dans la foi nouvelle puis â leur enseigner leur religion. Cependant,

en raison de la complexité progressive des structures de la vie

sociale, des valeurs et des règles qui la régissaient, la communauté

islamique eut à faire face â de nouveaux problèmes qui soulevèrent

des interrogations et réclamèrent des solutions.

Un siècle après la mort du Prophète (632) de nouvelles formes

d'enseignement devenaient nécessaires : cercles d'études dans les

mosquées, mais aussi cercles dans les palais, les rues, voire sur les

places publiques. Cette "transmission du savoir" ne porta plusseulement sur le Coran, mais encore sur la littérature, la poésie, la

grammaire, etc.

On trouve sur la place de Mirbad, à Bagdad, des cercles qui

réunissent grammairiens, étudiants ou curieux. On trouve souvent

dans une même mosquée des cours de jurisprudence, de poésie,

de grammaire, etc.

Ces cours et ces cercles, ce sont déjà des "universités libres",

car l'enseignant y dispense son savoir, sans contraintes ni obliga¬

tions particulières et l'étudiant y a le libre choix des cours, desdiscussions et des cercles.

Ce brassage révèle en fait une profonde cohésion culturelle et

sociale. La transmission des idées par les hommes et les livres,

l'apport de diverses cultures qui viennent se fondre dans le même

creuset permirent à la culture arabe de connaître un développementet un essor sans précédent dans tous les domaines du savoir.

C'est sous le règne des califes abbassides (750-fin du 13e siècle)

que l'enseignement religieux s'érige en discipline distincte : Coran,

hâdith (traditions du Prophète) et jurisprudence sont confiés à des

enseignants, alors que d'autres étudient la langue, la littérature et

l'histoire. C'est également à cette époque que les cercles d'études

se multiplient et s'enrichissent pour constituer les noyaux de ce

qui va devenir la médersa.

La médersa ou madrassa (collège) était destinée aux adultes qui

avaient déjà suivi l'enseignement primaire dans les écoles privées

ou les mosquées.

C'est à partir du 10e siècle qu'elle fait son apparition en tant

qu'institution indépendante et distincte de la mosquée, quoique lacréation d'une médersa fût, au moins au début, réservée à un,

juriste ou à l'enseignement donné selon une école juridiqueprécise.

Très vite, ces établissements passeront sous le contrôle du

pouvoir et obéiront à sa "planification". La portée du contrôle et

le contenu de la planification furent en quelque sorte imposés par

la nature même des conflits qui opposaient alors la dynastie desFatimides aux califes abbassides.

Les Fatimides dominaient l'Egypte et la Syrie depuis 969 de

notre ère et ils essayaient d'arracher le pouvoir au calife abbasside

installé à Bagdad. Celui-ci gouvernait grâce à la force des Seldjouki-

des et dominait, dès 1055, toute l'aile orientale du monde musulman.

Cette lutte pour le pouvoir se doublait d'une lutte religieuse,

comme ce fut souvent le cas en Islam où les domaines religieux,

politique et temporel étaient quelquefois inextricablement liés.

Les Fatimides répandaient, en effet, leur doctrine, le chi'isme,

grâce à une intense propagande qui s'exerçait surtout dans les

mosquées des régions soustraites â leur pouvoir. Les Seldjoukides

tentaient de s'opposer â l'infiltration de ces messagers du chi'isme

BADR-EDDIN ARODAKY, sociologue et écrivain syrien, est professeur assistantà l'Université de Damas. On lui doit de nombreuses études sur la sociologie de laculture. "

formés à l'université d'al-Azhar, au Caire, qui, à cette époque,constituait le centre de l'enseignement chi'ite.

IMizâm al-Moulk (1018-1092), grand vizir des Abbassides, réagiten élaborant une politique pédagogique dont le but était, à long

terme, d'arrêter puis d'anéantir la poussée fatimide. La première

mise en de cette politique fut la création de la médersa al-

Nizâmiya (du nom de Nizâm al-Moulk), première "université" queconnut le monde arabe. Elle avait été fondée par les pouvoirs

publics, elle fut contrôlée, financée et administrée par eux.

Construite à Bagdad, centre politique et intellectuel du califat,la Nizâmlya représentait, en fait, beaucoup plus que le premier

collège public. Inaugurée officiellement en 1065 sous le patronagedu calife lui-même, la Nizâmiya servira, deux siècles durant, demodèle à toutes les médersas du monde musulman.

Modèle tout d'abord par son organisation ; son statut d'établis¬

sement public figure en toutes lettres dans l'acte de fondation faitpar Nizâm al-Moulk, chef de l'établissement. Sa gestion est contrô¬lée par le vizir lui-même ou par son délégué. Les étudiants bénéfi¬cient d'une bourse pendant toute la durée de leur scolarité (de 4 à6 ans). Cette bourse couvre tous les besoins de nourriture, de

logement ainsi que les frais divers entraînés par la fréquentationde la Nizâmiya. La médersa comprenait d'ailleurs de nombreuses

chambres destinées à loger maîtres et étudiants. La bibliothèquede l'école, enfin, était alimentée par des dons ou par des legs.

Modèle ensuite par le mode de recrutement ; les professeursétaient nommés par le chef de la Nizâmiya ou son délégué, d'aprèsdes critères, dont le plus important était l'appartenance à l'écolechafi'ite. Les traitements étaient prélevés sur un budget spécial,sorte de fondation inaliénable.

Modèle enfin, par l'enseignement qui y était dispensé. Les étu¬

diants et les enseignants devaient appartenir à l'école chafi'ite.Même si les méthodes éducatives dépendaient de chaque profes¬

seur (choisis parmi les grands savants et spécialistes de l'époque),le contenu lui-même avait un objectif purement religieux : rendre

les étudiants capables de défendre les principes du chafi'isme faceà la propagande fatimide et chi'ite.

La médersa était donc un établissement d'enseignement de

niveau supérieur ; on n'y enseignait pas seulement les disciplinesreligieuses (sciences coraniques, jurisprudence, etc.) mais encorela langue arabe, la littérature, la poésie, l'arithmétique, etc.L'étudiant ne pouvait y être admis qu'après avoir suivi les coursdes écoles ou les cercles des mosquées.

Deux siècles plus tard, l'éclat de la Nizâmiya fut éclipsé par celuid'une autre médersa, al-Mustansiriya (1227), du nom de son fon¬

dateur, le calife al-Mustansir. Celui-ci voulait faire de la nouvelle

médersa un centre intellectuel capable de faire revivre les gloires

culturelles de la grande époque, celle de califes comme al-Ma'mûnou Haroun al-Rachid. Cette école devait aussi être le centre d'une

renaissance de la culture arabe.

A la différence de la Nizâmiya, elle n'était pas consacrée à

l'enseignement d'une seule écple maïs à^celui^des quatre écolesjuridiques de l'Islam orthodoxe. Ouverture intellectuelle qui serefléta dans l'architecture de la médersa, puisqu'elle reçut quatre

¡wans (portique ou aile), un par école. En plus des sciences reli¬

gieuses, de nombreuses matières s'y enseignaient : mathémati¬ques, médecine, pharmacie, géométrie, etc.

Elle différait aussi de la Nizâmiya en ce que le nombre des

étudiants était fixe, limité à 308 : 62 pour chacune des quatre

écoles, 10 pour l'enseignement du Coran, 10 pour le hâdith, etc.

Trente ans après sa fondation, la Mustansiriya fut détruite par

les Mongols qui prirent et détruisirent Bagdad en 1258. Les livresde la médersa furent jetés dans le fleuve et ses professeurs noyés. LAprès cet assaut, les conquérants rebâtirent la médersa, qui conti- f

35

Page 36: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

nua d'exercer ses activités jusqu'à l'arrivée des Turcs Ottomans, quila transformèrent en caravansérail.

La troisième grande médersa, al-Azhar du Caire, resta jusqu'à lachute des Fatimides le sanctuaire du chi'isme et le centre de

formation de ses prosélytes. A l'arrivée de la dynastie ayyoubite

en Egypte (1171), elle perdit de son influence et ne la retrouva quequelques années plus tard en tant que centre d'enseignement dusunnisme, c'est-à-dire de l'orthodoxie musulmane : al-Azhar

s'alignait sur les deux autres grandes médersas. Au 13e siècle, ellesservaient toutes trois la même cause.

Mais alors qu'al-Azhar ne cessa de se développer et de rayonnersur l'ensemble du monde islamique, les deux autres médersas,

épuisées par les ravages des Mongols, déchirées par les convoitises

des différents princes qui régnèrent sur cette partie du monde.

finirent par décliner et cesser d'exister. Al-Azhar, pour sa part, est

aujourd'hui, plus de mille ans après sa fondation (970), la plus

grande université religieuse du monde arabe (voir page 35).

Ces trois grandes universités, al-Nizâmiya, al-Mustansiriya et al-

Azhar, que connut le monde musulman entre le 11e et le 13e siècle,servirent de modèles à d'autres institutions dont différentes villes

du monde arabe voulurent se doter : la Zâhiriya de Damas (1264),

le Nâsiriya du Caire, la fameuse Zaytuna de Tunis au 14e siècle et,

â Fès au Maroc, le non moins célèbre Qarawiyyin.

Pendant quatre siècles, toutes ces médersas jouèrent un rôle

important non seulement sur le plan politique et religieux, ce quijustifiait leur création, mais aussi sur le plan de l'expansion et de

l'approfondissement de la culture arabo-musulmane.

Badr-Eddin Arodaky

Coupole et minaret dominant la cour d'al-Azhar ("la splendide"), la grande mosquée du Caire, qui a été pendantplus de 1000 ans l'un des centres de l'enseignement pour tout le monde musulman. Vers le tournant du siècle,quand le grand écrivain égyptien Taha Hussein était encore étudiant, l'enseignement, â al-Azhar, était encore trèsproche de ce qu'il était au Moyen-Age. Aujourd'hui, en dehors de ses institutions pour les études islamiques etarabes traditionnelles. al-Azhar comporte des facultés pour les disciplines relevant des sciences naturelles ou sociales. Photo © Almasy, Paris

Page 37: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

par Taha Hussein

Le petit écolierdu CaireUn grand écrivain égyptiense souvient...

Taha Hussein est l'un des plus grands écrivains arabesde notre temps. Disparu en 1973 au Caire, il a laisséune nuvre d'une rigueur et d'une densitéparticulières. Devenu aveugle à l'âge de trois ans, il fitses études au Caire à la célèbre Université religieused'al-Azhar, et à l'Université égyptienne, puis àParis où il soutint une thèse à la Sorbonne. Dans son

Livre des Jours (tr. Jean Lecerf et Gaston Wiet,

préface d'André Gide, éd. Gallimard 1947), il trace,se mettant lui-même en scène sous le nom de

"l'enfant", le portrait de son enfance et de sonadolescence. Il livre ainsi au lecteur un compte-

rendu poétique mais fidèle de sa vie d'étudiant dansle Caire du début du 20e siècle. Les extraits du Livre

des Jours qu'on lira ci-dessous montrent quel'enseignement dispensé à cette époque au sein d'al-Azhar est fort proche des méthodes éducativespratiquées quelque dix siècles plus tôt sur toutel'étendue du monde arabo-islamique (voir articlepage 35). Notons que les réformes introduites justeaprès l'époque dont parle Taha Hussein amenèrentde profonds changements et une modernisation

d al-Aznar. Texte © copyright, reproduction interdite

Lm ENFANT marchait â côté de son compagnon et traversaitla cour. Il mettait le pied sur cette petite marche qui mar¬quait l'entrée de l'Université d'al-Azhar : alors son coeur

se remplissait de modestie et d'humilité, son âme était gonfléed'orgueil et de fierté. Il cheminait à petits pas sur cette natte éten¬due, un peu usée, au point de laisser le sol apparaître par endroits,comme si les pieds des visiteurs devaient s'imprégner de la béné¬diction qui s'attachait à ce sol sacré.

L'enfant aimait al-Azhar en cet instant où les fidèles achevaient

la prière de l'aurore et s'en allaient, les yeux encore lourds de som¬meil, former un cercle autour de telle ou telle colonne, attendant

le maître qui leur ferait un cours de "hadith", d'exégèse, de dogmeou de théologie... Çà et là un professeur commençait son cours,d'une voix engourdie, le ton de quelqu'un qui vient de s'éveiller,de faire sa prière et n'a pris aucune nourriture : ainsi son corpsn'a encore ni l'énergie ni la force voulues.

Il disait d'une voix tranquille, douce, légèrement chevrotante :"Au nom de Dieu clément, miséricordieux I Louanges à Dieu,maître des mondes ! Que sa bénédiction et son salut soient sur le

plus noble des Prophètes, notre seigneur Mohammed, sur safamille et sur ses compagnons ! Voici ce que dit l'auteur, queDieu ait son âme et nous fasse profiter de sa science, amen !"

... Il y avait dans le ton de l'aurore comme une supplicationenvers les vieux auteurs, pour s'attirer leur bienveillance, mais àmidi, les voix partaient à l'attaque : on aurait cru qu'elles assail¬laient des ennemis. Ce contraste émerveillait et amusait l'enfant.

Il suivait toujours son compagnon, gravissait les deux marches parlesquelles on accédait à I' "¡wan" (portiques entourant la courcentrale de la mosquée).

Son compagnon l'installait près de la chaise magistrale reliée parune grosse chaîne à une de ces colonnes bénies et lui disait :"Assieds-toi là. Tu vas entendre une leçon de hadith ; lorsque moncours sera fini, je viendrai te chercher." La leçon traitait des fonde¬ments du droit et son maître était le cheikh Râdi, que Dieu ait son

âme. L'ouvrage commenté était le Tahrir de Kamal ibn Houma.m(15e siècle).

L'enfant entendait ces mots qui le fascinaient : il n'arrivait pas àdémêler les sentiments. Il y avait de l'effroi et du désir et sans

doute du respect et de la vénération. Les fondements du droit !Que pouvait bien être cette science 7 Qui était donc le cheikhRâdi 7 Tahrir? Que signifiait ce vocable 7 Kamal ibn Houmam !Etait-il un nom plus magnifique que ces deux-là 7 Le savoir étaitvraiment un océan sans rivages et il y avait tout profit pour unhomme intelligent à s'y précipiter...

... Mais pour l'instant, il devait se borner à écouter sans com¬prendre. Combien de fois avait-il ressassé la même phrase afind'en pénétrer le sens intime ! Il n'y avait pas gagné grand'chose,sinon le respect de la science, une profonde déférence envers lessavants, le sentiment de son ignorance et la volonté de travaillerd'arrache-pied !

... Cette phrase, qui ne quittait plus son esprit et son coeur,, étaiten réalité très bizarre. Il l'avait entendue à l'état de demi-veille, au

moment où il allait s'endormir ; il l'avait retrouvée intacte lelendemain matin. C'était : "La vérité est la destruction de la destruc¬

tion." Qu'est ce que cela pouvait bien vouloir dire 7 Commentdétruire la destruction 7 Que pouvait être cette destruction 7 Etenfin, comment la destruction de la destruction pouvait-elle êtreidentique de la vérité 7...

L'enfant s'asseyait donc auprès de cette colonne et, tout enjouant avec cette chaîne, il écoutait le cheikh donner son cours de"hadith" : il le comprenait très clairement... Il n'avait qu'une seulechose à lui reprocher : cette cascade de noms propres et de pré¬positions qui se déversait sur la tête des étudiants : "Un tel dit,d'après un tel, d'après un tel, etc."

L'enfant ne voyait aucun sens à l'usage abusif de ces noms, ni àl'amas de ces prépositions ; il aurait voulu que le "cheikh" arrivâtvite au texte même du "hadith". C'est alors que tout son être sepenchait vers son maître, il écoutait avidement, comprenait et sedésintéressait du commentaire qu'il en donnait...

... L'enfant se demandait â quelle date il serait régulièrementinscrit à l'Université. Il n'était qu'un enfant se bornant à suivredeux leçons d'une façon studieuse et consciencieuse...

Enfin, le jour mémorable arriva : après la leçon de droit, l'enfantfut prévenu qu'il aurait à se présenter â l'épreuve de récitation duCoran, qui sert d'examen d'entrée. Il n'en avait pas été averti àl'avance et ne s'y était pas préparé. Sans quoi, il aurait effectuéune ou deux répétitions : or, il n'avait même pas songé à réciter leCoran depuis son arrivée au Caire. On juge de son émoi lorsqu'ilapprit qu'il serait interrogé une heure plus tard. Il partit au plus vi¬te pour la chapelle des Aveugles où l'examen avait lieu, très peurassuré, très inquiet même. Au moment où il s'approcha du jury,la peur le quitta. Il s'assit, attendant patiemment la fin de l'inter¬rogatoire du candidat qui le précédait, quand, soudain... un desdeux examinateurs l'appela. Il prit place devant le jury. On luidemanda de réciter la sourate de la "Caverne" et il avait à peinecommencé qu'on le priait de passer à celle de "l'Araignée" et,après quelques versets, il fut interrompu par un des examina¬teurs : "C'est bien, aveugle : tu es reçu !"

L'enfant fut scandalisé de cet examen qui ne signifiait absolu¬ment rien et ne témoignait nullement de la qualité d'une récitation. .Il s'attendait au moins à devoir réciter un morceau aussi long queceux qu'exigeait son père. Enfin il partit, content de son succès,furieux contre les examinateurs dont il méprisait la façon d'inter¬roger. Avant de sortir de la chapelle des Aveugles, son frère leconduisit à l'écart et un des domestiques entoura son poignet droitd'une ficelle dont on plomba les extémités. "C'est fini, lui dit cethomme, mes félicitations !"

L'enfant ne comprenait pas le sens de ce curieux bracelet ; sonfrère lui apprit qu'il devait le porter une semaine entière, jusqu'à lavisite médicale : on examinerait son état de santé, on évaluerait

son âge et il serait vacciné contre la petite vérole.

Mais il restait émerveillé de ce nouveau bracelet : c'était bien

naturel puisqu'il était le symbole de la réussite à l'examen d'entrée.Il avait donc franchi la première étape...

Taha Hussein

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Page 38: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Dans le monde arabo-islamique, le style de la calligraphie ornementale a toujours été étroitementapparenté à la décoration architecturale. Un exemple célèbre de cette similitude de formes estconstitué par l'arabesque si caractéristique par laquelle les architectes et les sculpteursmusulmans couvraient des murs entiers de palais et mosquées, comme en témoigne ce mur del'Alhambra de Grenade (Espagne). Construit au 14e siècle, l'Alhambra est l'un des palais arabes lesplus anciens entièrement conservés, et l'un des monuments les plus beaux de l'Espagnemusulmane, plus généralement de tout le'Ynonde arabe. L'ornementation de ces murs, sculptésen stuc, est d'une précision et d'un finissage exquis.

Photo Cart-Unesco

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Page 39: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

par Mustapha El-Habib

L'APPORT du peuple arabe se distin¬gue aisément des autres grandescomposantes de la civilisation islami¬

que dans les domaines religieux, historiqueet linguistique. Mais, parmi les nombreuxéléments constitutifs de la production isla¬mique, on le discerne avec moins de préci¬sion dans le domaine artistique et matérielen général.

Pourtant la contribution du peuple arabe

et de son génie existe indéniablement. Ilsuffit, pour s'en convaincre, de noter ladifférence fondamentale qui sépare lesmodes d'expressions artistiques propresaux peuples installés dans de vieilles cultu¬res homogènes (Egypte, Mésopotamie,Perse, etc.) des modes d'expressions queles premières sociétés islamiques mirentrapidement en puvre pour leurs propresbesoins.

Rappelons tout d'abord certaines don¬nées historiques et culturelles d'une extrê¬me importance et dont l'examen éclairerales conditions matérielles auxquelles lesArabes auraient été confrontés lors de leur

montée vers le Proche-Orient. Dans les

travaux modernes, ces données restent

généralement limitées au double foyergréco-latin et perse, qui joua un rôle fonda¬mental dans la formation de la civilisation

islamique.

Ajoutons, cependant, que ces deuxhauts lieux de culture ne furent pas lesseuls à modeler la personnalité de la civili¬sation islamique, puisque nous savons qued'autres foyers culturels y contribuèrentactivement. Parmi ces foyers, le Yémen,avec sa vieille et prestigieuse culture arabe,occupe une place privilégiée. C'est à cettecivilisation que les auteurs arabes attri¬buent, en effet, des emprunts aussi impor¬tants que le génie civil et l'organisationurbaine.

Nous savons en outre que vers le Nordde la Péninsule arabique, dans les confinsarabo-byzantins et arabo-persans, d'autresfoyers arabes s'étaient formés de longuedate au contact de ces grandes puissancesde l'époque, tout en manifestant uneoriginalité arabe évidente.

Citons, parmi les plus importantes, lesprincipautés des Palmyriens (Syrie actuel¬le), des Lakhmides (Irak) et des Ghassa-

nides (Syrie).

Nous connaissons particulièrement bienl'essor économique, politique et artistiquede la cité de Palmyre en Syrie qui, alliée àRome vers le 3e siècle de notre ère, entraen conflit avec la jeune dynastie sassanide,

qui régna en Perse de 226 à 651,dynastie qu'elle voulait supplanter. La

rapide conquête de l'Egypte et de l'AsieMineure par la célèbre reine de Palmyre,Zénobie (morte en 274), et par son filsWahballat n'est pas sans rappeler l'expan¬sion des Arabes quelques siècles plus tard.Rome, encore puissante, s'effraya de cesprogrès fulgurants et, après avoir vaincu -Zénobie, l'empereur Aurélien livra Palmyreau pillage (272).

Mais le déclin de cette capitale amenasur la scène du Proche-Orient d'autres

Arabes, les Lakhmides (3e - début du 7"siècle), originaires du Yémèn, professantun christianisme nestorien (1)', et qui firentd'al-Hira en Irak leur capitale.. Ils surentconserver un équilibre subtil dans leursrapports avec les Romains et les Persessassanides. Ils sont connus pour avoirprotégé les poètes et les arts ; de plus, ilsjouèrent un rôle important à la cour perse.

Les textes anciens nous parlent de labeauté de la ville avec ses nombreux

châteaux princiers. Elle devint le carrefourde trois courants culturels : un courant

perse, un courant arabe païen et auto¬chtone, et enfin un courant byzantin. C'està al-Hira que se développa l'écriture arabe,que la culture arabe urbaine connut sonessor et que le christianisme prit formeavant de pénétrer en Arabie.

Les Ghassanides enfin, autres Arabes

yéménites installés en Syrie et professantun christianisme monophysite (2), s'al¬lièrent, au début du 6e siècle, avec lesByzantins contre la Perse et les Lakhmides.Nous savons que les rois ghassanides, àleur tour, permirent à la culture arabed'atteindre le raffinement intellectuel le

plus achevé, et qu'ils prirent une part acti¬ve à l'urbanisation de la Syrie, puisqu'unehypothèse, aujourd'hui écartée, leur recon¬naissait même la création de Damas.

(1) Nestorianisme : doctrine religieuse de Nestorius(vers 380-451) selon laquelle il faut distinguer deuxnatures, humaine et divine, dans la personne deJésus-Christ.

(2) Monophysisme : doctrine qui ne reconnaît qu'uneseule nature en Jésus-Christ. Elle est professéeaujourd'hui par trois églises indépendantes : l'Eglisearménienne, l'Eglise Jacobite de Syrie et l'Eglise copted'Egypte et d'Ethiopie.

Spécimen d'écriture ornementale arabe. Cette tablette d'ivoire, provenant sans doute d'uneporte ou du revêtement d'un minbar (ou chaire) d'une mosquée, a été gravée en Egypte ouen Syrie en caractères tuluth (ou fleuris) pendant la période Mamelouk (13e ou 14e siècle).Traduction du texte : "Gloire éternelle et prestige inaltérable".

La disparition successive des royaumesde Ghassan (592) et de Hira (613), respecti¬vement supprimés par les Byzantins et lesPerses eux-mêmes, désorganisa les tribusarabes du désert syro-mésopotamien qui,sans doute en souvenir de cette vieille

communauté d'origine évoquée plus hautet par haine de leurs anciens suzerains,accueilleront favorablement leurs congé¬nères victorieux du Hedjaz se dirigeant versle Nord, à la veille de la mort du Prophète(632). Elles se joindront à leurs armées etfiniront par embrasser la religion arabo-islamique dont ils sont porteurs.

Ainsi, la montée des Arabes islamisésde la Péninsule arabique vers le CroissantFertile (région de terres riches en forme decroissant qui va de la Mésopotamie àl'Egypte) ne doit plus .apparaître seulementcomme un fait isolé et imprévu, commeun phénomène historique qui se développeau détriment des civilisations gréco-latineet perse, mais également comme un phé¬nomène historique en étroite relation avecle passé du Proche-Orient, qu'il régénère.

Cette renaissance devait être conduite

par le nomade du Hedjaz et ses congénèresarabes dont la conscience historique,culturelle et religieuse ne cessait d'évoluer,dès avant la naissance du christianisme, à

la fois au contact et en marge des grandscourants historiques de cette période.

On né peut limiter le problème de lacivilisation islamique à une simple' analysequantitative des quelques créations plasti¬ques du nomade lui-même. Il faut examinercomme un tout l'ensemble de, la société

arabe de cette époque, dont l'expérience,du nomadisme à la sédentarisation, est

commune, et s'étend au-delà du Hedjaz,voire de la Péninsule arabique. C'est cela,croyons-nous, qui doit aider à comprendrepourquoi l'originalité de l'art islamiques'est dégagée avec une telle rapidité.

Lorsque le prophète Mohammad entre¬prit l'éducation de sa propre maison dansl'exil (à Médine), il donna naissance à untype original de construction dont le plan,dans ses grandes lignes, devait inspirer lamosquée arabe dite hypostyle (dont le kplafond est soutenu par des colonnes). f

MUSTAPHA EL HABIB, spécialiste tunisien de l'art

arabo-lslamique, est chargé, à l'Ecole du Louvre, àParis, des cours d'épigraphie et de paléographie arabes.Conservateur de la Section des arts maghrébins auMusée des Arts Africains et Océaniens de Paris, U a

publié plusieurs études sur divers aspects de l'art et deta civilisation islamiques.

Photo Luc Joubert (S) Réunion des Musées Nationaux, Pans

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Page 40: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Photo Luc Joubert © Musée du Louvre, Pans

Jérusalem la sainte

Jérusalem est l'une des principales Villes Saintes de l'Islam. Depuis lesdébuts de l'islamisation, nombre de routes y menaient, jalonnées depierres milliaires où était marquée la distance les séparant de la ville : ci-dessus, une pierre milliaire portant le nom du Calife omeyyade Abd el-Malik. C'est à ce prince que l'on doit l'achèvement de la construction en691 du Dôme du Rocher (à droite). Une balustrade circulaire entoure le

rocher sacré (ci-dessous) : par sa conception architecturale et par sadécoration à base de mosaïques polychromes, l'édifice s'apparenteétroitement aux églises byzantines de l'époque. Le Dôme du Rocher(nommé également Mosquée d'Omar) est, avec la mosquée voisined'el-Aqsa, l'un des sanctuaires les plus importants de l'Islam.

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Page 41: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Indépendamment des emprunts et desinfluences qui sont à la base de toutecréation, nous pouvons relever déjà ici unecaractéristique déterminante dans l'organi¬sation de l'espace, héritée directement dunomadisme arabe. C'est ainsi que l'onexplique notamment cette disposition enlargeur, plutôt qu'en profondeur, de lasalle de prière, obéissant à l'habitudeancestrale des nomades de s'aligner côteà côte sur un front étendu.

Or, en dehors des différences de styles,c'est cette caractéristique qui distinguenettement la mosquée, par exemple desmonuments du culte chrétien. En outre,tout en donnant naissance à un type deconstruction original par l'espace nouveauqu'il délimite, le Prophète révélait une insti¬tution religieuse nouvelle dans laquelledevaient se traiter toutes les questions

politiques, religieuses, morales et socialesintéressant la communauté.

Les autres adjonctions d'élémentsarchitecturaux à la mosquée, après la mortdu Prophète, procèdent soit directementsoit indirectement de ses initiatives. Aux

premières appartiennent : le minaretservant à l'appel à la prière, qui s'effectuaitdu temps de Mohammad par-dessus le toitle plus élevé alentour ; la colonne et sonchapiteau, commémorant l'usage du troncde palmier, et son faîte, supportant le toitplat de la salle de prière ; aux secondessont dus : le mihrab, niche marquant dansle mur la direction de La Mecque, la villesainte de l'Islam ; et l'épigraphie ornemen¬tale remplaçant la décoration figurée desmonuments arabes anté-islamiques.

L'amélioration constante des techniques,sous l'égide des premières dynastiesarabes, amènera un perfectionnement del'architecture islamique. C'est ainsi que lestextes nous parlent d'une sorte de bétonen usage aux premiers siècles de l'Hégire,

fait d'un mélange de chaux, de sable,-d'argile et de cailloux, qui durcit rapidementdevenant semblable à une substance

rocheuse.

Cela explique le fait qu'à côté de lagrâce qui se dégage du monument arabo-islamique, on lui reconnaît en même tempsune résistance à l'usure peu commune.Cette résistance est confirmée par le parfaitétat de conservation de monuments aussi

exposés aux intempéries que certainesmosquées ou châteaux arabes du 98 sièclede la Péninsule ibérique.

Le problème de la composition dessupports, parallèlement à l'usage de piècesantiques, trouve une solution exemplairedans les créations orientales et occidenta¬

les, renouvelant complètement la concep¬tion de la colonne qui, avec son nouveaufût gracile et son chapiteau largementépanoui, semble dériver du monde végétalpour évoquer l'univers des palmeraies dans

La Grande Mosquée deSousse (Tunisie) est l'une

des plus anciennes dumonde arabo-islamique,certainement antérieure à

l'année 850 : on voit ¡ci un

coin de sa grande courentourée d'arcades

voûtées. On remarqueradans la partie supérieuredes murs une frise où la

calligraphie arabeintervient comme élément

décoratif dans le

complexe architectural.

Page 42: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Photos Naud © Afrique-Photo, Paris

Un lieu pour prierAux yeux du Musulman, tout lieu est bonpour prier : Allah agrée toujours la prière ducroyant. Toutefois, au moment de sa prière,le fidèle doit toujours se tourner vers laMecque. C'est ainsi que, dans le Sud algérien,en plein milieu du Sahara, des fidèles de

passage ont délimité par des pierres un petitenclos réservé â la prière (â gauche).Egalement dans le désert, mais enMauritanie, la mosquée de Chinguetti (ci-dessous) offre à la prière un cadre modeste etrustique adapté aux possibilités matérielles dela région. A l'autre bout du monde arabo-islamique, â Mossoul (Iraq), s'élèvel'admirable minaret penché de la GrandeMosquée (en bas, â gauche) du haut duquel lemuezzin invite à la prière. A droite, la coupoledu mihrab de la Grande Mosquée à Cordoue :construite par Abderaman I en 785, ce joyaude l'architecture arabo-islamique atteste lehaut niveau de civilisation atteint dès l'abord

en al-Andalus (ou Andalousie). Le mihrab,habituellement une niche plus ou moinsgrande vers laquelle doivent se diriger lesregards des croyants, est constitué, à

Cordoue, et c'est un cas presque unique, partoute une salle avec colonnes et coupole.

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Page 43: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Photo Georg Gerster © Rapho, Paris

lequel vivaient Mohammad et ses compa¬gnons.

La personnalité de la mosquée arabe-achève enfin de se dégager lorsque lesarchitectes affirment leur prévention contreles surfaces nues et les formes anguleuseset rectangulaires affectionnées par lesbâtisseurs grecs. Il s'ensuit alors une dou¬ble recherche portant à la fois sur le corpsdu bâtiment et sur son décor.

Cette double recherche tend à racheter

les angles par divers artifices et à renoueravec l'univers des formes ornementales

qui, à force d'avoir reproduit depuis desmillénaires les mêmes formules en Mésopo

tamie, en Perse et à Byzance,' était parvenuau terme de sa force créatrice.

La première recherche donne naissanceau développement de la coupole du dômeet des arcs, ainsi qu'à l'encorbellement,animé du muqarnas ou sculpture d'alvéolesprismatiques, qui ornent nombre de nicheset de plafonds d'édifices musulmans ;tandis que la seconde permet l'inventionde l'arabesque qui est une ornementationà base uniquement de motifs végétauxstylisés diversement agencés, suivantdeux règles d'esthétique nouvelles : l'alter:nance rythmique du mouvement et la

' tendance à recouvrir entièrement la surfaceà orner.

La rigueur mathématique de l'arabesqueprovoquera plus tard(16° siècle) l'admira

tion du peintre italien Raphaël qui l'intro¬duira dans l'art de la Renaissance. Mais au

bénéfice de la recherche esthétique pour larénovation du décor de la mosquée, on doitverser enfin l'invention de l'êpigraphiearabe ornementale dont l'association avec

l'arabesque est d'ailleurs étroite.

. Aucune civilisation n'a eu' recours autant

',que l'Islam à l'êpigraphie décorative. Quoi¬que d'un tracé plutôt rudimentaire, l'écri¬ture arabe, qui présente les caractéristiquesd'un alphabet sémitique s'écrivant de droiteà gauche au moyen de lettres pouvantêtre liées les unes aux autres, était déjà en

usage dans la Péninsule arabique sous sondouble espect anguleux et cursif avantl'apparition de l'Islam (5e - 6e siècle). Elledevait répondre surtout aux exigences ducommerce que pratiquait la société arabeavec ses voisins. .

Selon les auteurs arabes anciens, le

Prophète Mohammad était conscient durôle que pouvait jouer l'écriture dans lapropagation de la foi islamique. En effet,à côté des compagnons qui devaientretenir par c les révélations coraniques,suivant la tradition ancienne, il s'entoura

également de scribes chargés de consignerle texte révélé.

Avec la croissance de l'Islam dans la

Péninsule arabique, le besoin d'apprendreaux Musulmans l'écriture de la langue duCoran s'accrut considérablement. On cite

encore l'exemple du Prophète, à la bataillede Badr, libérant tout prisonnier sachantécrire s'il acceptait d'instruire en cettematière dix jeunes Musulmans.

Enfin, l'extension géographique del'Islam en généralisa l'emploi puisqu'elles'imposa en quelques années, commeécriture du Livre Saint, à tous les peuplesislamisés. En dehors de l'arabe, et autre¬

fois du turc, elle sert encore aujourd'hui àtranscrire des langues aussi variées que lepersan, l'hindoustani, le malais et certaineslangues d'Afrique Noire.

Les qualités esthétiques de l'écriturearabe, qui s'affirmèrent sutout au début del'ère islamique, s'établissent à la fois sur letracé fondamental des lettres et sur des

rapports de symétrie liés aux besoins dela composition.

Ces qualités esthétiques, s'ajoutant àson rôle sacré d'écriture coranique, luivalurent sans doute d'être rapidement

l'objet d'embellissements. Les calligraphiesarabes, d'époque plus récente, prêtent àAli, cousin et gendre du Prophète, l'inven¬tion de cet art, qui apparaît ainsi comme laplus arabe de toutes les créations plasti¬

ques de l'Islam et la plus ancienne.

La calligraphie arabe devint très tôt l'artle plus largement partagé par les citoyens,celui auquel tout homme sachant écrire kpeut accéder sans distinction d'ordre f

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Page 44: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

aaÁ A m

Photo © Yvette Vincent Alleaume, Pans.

matériel ou social. Elle est égalementconsidérée comme l'occupation noble parexcellence puisqu'elle seule permet dematérialiser le texte révélé du Coran.

Les deux types d'écriture coexistantdepuis les premiers temps de l'Islam (l'écri¬ture anguleuse et l'écriture cursive) connu¬rent l'un et l'autre un développementméthodique, dès que l'écriture arabeatteignit elle-même sa plénitude formelle,au terme d'une période de recherche quel'on situe autour du premier siècle del'Hégire.

L'écriture anguleuse dont la facture pré¬valut sur une quantité d'autres tentativesest celle qui porta également l'appellationde "Coufique" d'après la ville de Coufaen Irak, un des plus grands centres dela culture arabe classique. Elle servit trèstôt à transcrire principalement le textecoranique et fut de cette façon diffusée enmême temps que la foi dans tout le restedu monde islamique, utilisant à l'originedes lettres dépouillées, dont le déchiffre¬

ment est tributaire du contexte plus quedu graphisme des lettres elles-mêmes.

Cette transcription coranique fut à labase de recherches esthétiques originales,qui atteignirent leur perfectionnement versla fin du 8e et le début du 9e siècle. L'amé¬

lioration constante de ce type d'écritureornementale détermina l'ensemble de la

calligraphie arabe.

L'écriture anguleuse donna naissance àplusieurs genres, parmi lesquels le coufi¬que fleuri forme une judicieuse associationde caractères et de motifs floraux et végé¬taux pouvant être soit issus, soit indépen¬dants du corps des lettres. Le coufiquetressé combinant à l'infini des lettres à

hampes dressées, en association avec undécor floral et végétal, a donné de beauxexemples au Maghreb.

Enfin, procédant de la forme initiale des

lettres anguleuses, le coufique géométri¬que ou quadrangulaire, plus souvent enusage dans le décor architectural, peutêtre réalisé au moyen de pièces uniques,comme la brique cuite ou crue, diverse¬ment disposée pour reproduire des textesd'un agencement rigoureux, dans lesquelsles lettres se suffisent à elles-mêmes, sansaucune ornementation.

Cependant, vers le début du 10e siècle,l'écriture cursive ou naskhi, ainsi appeléeparce qu'elle fut choisie par les copistes etles savants, commença à être utilisée à sontour pour la transcription du texte corani¬que, alors qu'auparavant elle avait étéréservée exclusivement aux inscriptions

sur papyrus.

La'différence fondamentale qui distinguele coufique du naskhi réside dans le faitque le premier cherche à maintenir avanttout l'aspect statique des lettres, tandisque le second les associe dans une sortede ligne ondoyante ininterrompue.

En se conformant, dans une large me¬sure, aux normes de l'écriture anguleuse,le célèbre calligraphe et ministre abbassideIbn Muqla (mort en 939-40) inventa uneécriture cursive mathématiquement pro¬portionnée, dont les lettres possèdent cha¬cune sa structure propre.

C'est sur cette base que s'établit unautre grand calligraphe arabe, Ibn al-Bawwâb (mort en 1022) pour achever, dedonner à l'écriture cursive l'ensemble de

ses règles, permettant ainsi aux généra

tions suivantes de pratiquer librement,mais de manière rationnelle, l'art de lacalligraphie.

Nous avons essayé de définir l'apportarabe généralement méconnu dans ledomaine précis de la production matériellede la civilisation islamique. Nous avonssouligné l'identité' historique du peuplearabe, car celui-ci se situe à l'échelle des

grands peuples créateurs de la PéninsuleArabique et du Proche-Orient ancien, aveclesquels il vécut de longue date en étroiterelation.

Malgré cela, nous savons que la contri¬bution artistique de l'homme du Hedjaz etde ses congénères du Nord et du SudArabiques, promoteurs de la civilisationislamique, restera malaisée à saisir durable¬ment dans le domaine de la contribution

artistique, tant qu'une histoire exhaustivede la civilisation arabe anté-islamiquen'aura pas vu le jour. Les sources arabesanciennes, si peu exploitées et si mal inter¬prétées, abondent en considérations d'unintérêt suffisant pour qu'une enquêted'envergure soit menée, qui mettrait envaleur des témoignages matériels encoreenfouis, mais que les historiens de l'Anti¬quité qualifiaient de prestigieux.

Alors l'histoire de cette région cesserade n'être qu'un vaste champ de spécula¬tions à propos d'une banale séquence debatailles, d'intrigues diplomatiques et degénéalogies, et elle nous aidera à saisir unart dans toute son originalité. Peut-être

alors pourra-t-on envisager une histoire dejl'art arabe et non plus seulement islamique. I

Mustapha El-Habib

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Page 45: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Architectures Yéménites

Le Yemen est un des plus anciens foyers culturels de lacivilisation arabe. Pays montagneux mais fertile, l'antiqueArabia Felix a connu de nombreuses vicissitudes dans

l'histoire, mais a constamment gardé un caractère culturelet humain des plus originaux. Il englobe aujourd'hui deuxEtats indépendants, la République Arabe du Yemen et laRépublique Démocratique Populaire du Yemen. Parmi lescaractéristiques culturelles millénaires de cette régionarabo-islamique, la plus surprenante est à coup sûrl'architecture de ses villes. A gauche, un coin monumentalde Sanaa, capitale de la République Arabe du Yemen, où l'onvoit les traits typiques de l'architecture yéménite : demeureshautes avec terrasses, fenêtres aux vitraux multicolores,

merveilleuse décoration blanche, marron et verte. A droite,

un autre paysage urbain aussi fascinant dans la très vieilleville de Sada. Ci-dessous, bassin pour les ablutions dans l'unedes nombreuses petites mosquées de Zabid.

Photo © Yvette Vmcent-Alleaume, Pans.

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Page 46: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Médecins, ingénieurs,inventeurs, savantsQuand l'arabe était la langue de la science

par Sa/ah Galal

LJTEXPRESSION "science arabe"recouvre un mouvement vaste et

complexe, une entreprise que lespremiers califes Abbassides ont lancée à

Bagdad peu après 750. Le mouvement aconservé sa vigueur pendant six siècles aumoins. Il s'est progressivement étendu del'Andalousie jusqu'aux terres situées pardelà le fleuve Amou Daria, en Asie Centrale.

La langue arabe est vite devenue unelangue scientifique internationale et ceciplus que ne l'a jamais été aucune langue.

SALAH GALAL, rédacteur scientifique depuis 1959 duquotidien égyptien Al Ahram, est également le respon¬sable de l'édition arabe du mensuel Santé du Monde de

l'Organisation Mondiale de la Santé. Auteur ou traduc¬teur de diverses publications scientifiques, il est le cor¬

respondant de l'hebdomadaire Nature.

Antérieurement, au début du 8e siècle,

avant les premières traductions, l'arabeétait une langue de poésie, celle du Coran,celle des disciplines alors toutes neuves quiétudiaient la religion islamique et la languearabe elle-même.

Or, au 11e siècle, le grand savant al-Birouni pouvait en dire qu'elle était la lan¬gue la plus apte à exprimer la science !Mais al-Birouni venait bien après l'événe¬ment. Faire de l'arabe le véhicule de tradi¬

tions scientifiques auxquelles il était jusquelà étranger est une décision qui remonteau moins au 9e siècle. Il s'agit d'un acteprofondément original et créateur.

En optique, les découvertes de l'Islamse sont appuyées sur les fondations solideslaissées par les anciens Grecs. On a très

tôt traduit en arabe le traité d'optique dePtolémée. Cette version arabe fut elle-

même traduite en latin au 12e siècle, enSicile. La traduction latine est la seule ver¬

sion de l' que l'on connaisseaujourd'hui, l'original grec et la traductionarabe ayant été perdus l'un et l'autre.

A la suite de la traduction de leurs

en latin, des auteurs arabes seront

largement connus par leurs noms latinisés :al-Razi devient Rhazès, Ibn Sina devient

Avicenne, Ibn Rushd devient Averroès, etainsi de suite. Leurs livres sont lus et cités

très fréquemment par les écrivains del'Occident.

Au 10e siècle, Ibn al-Haytham énoncesa théorie de la vision complètement dif¬férente de toutes les théories contempo-

Photo Roland Michaud © Rapho, Paris

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Le grand réservoir de Kairouan (qui veut dire "campement" enarabe), en Tunisie, a été construit en 862 sur l'ordre de l'émiraghlabide Abou Ibrahim Ahmed ; c'est le plus important desouvrages hydrauliques attribués à ce dernier. Polygone de 48côtés et de 128 mètres de diamètre, il contient, à son centre, une

plateforme où s'élevait jadis un petit édifice. A proximité, il existeun autre réservoir, plus petit, également de forme polygonale, quicomporte 17 côtés et mesure 37 mètres de diamètre.

Photo Roland Michaud © Rapho, Pans

L'Asie centrale vue par le voyageur et le géographe Ibn Hauqal.Le titre de la carte, en écriture coufique, peut être traduit par"Image de ce qu'il y a au-delà du fleuve" ce fleuve étantl'Amou Daria au sud de la Mer d'Aral. A droite, dans la marge,

figure l'inscription "le Maghreb" (lieu où le soleil se couche).Voir également légende page 9.

raines et antérieures. Ibn al-Haytham estun mathématicien, non un philosophe dela nature. Mais il combine les doctrines

physiques et les méthodes mathématiques.

Aux philosophes de la nature, Ibn al-Haytham doit son idée que la vision seproduit quand la "forme" émanant d'unobjet pénètre dans l'dil. D'autre part, laméthode géométrique utilisée dans lesuuvres d'Euclide et de Ptolémée fait

grande impression sur le mathématicienqu'il est.

Quant à sa propre contribution, elle peutse définir comme une tentative pour appli¬quer la géométrie à la doctrine physiquedes formes. Il s'efforce de montrer com¬

ment une forme représentant les caractèresphysiques d'un objet peut pénétrer par lapupille et parvenir au cerveau où tout leprocessus de vision trouve son achève¬ment. Pour réussir la synthèse désirée, Ibnal-Haytham est conduit à modifier defaçon parfois fondamentale les théoriesanciennes ; par la même occasion, il dé¬couvre et formule des questions que per¬sonne n'avait jamais pu concevoir avantlui.- ! -

' Son Optique est une somme. On n'ytrouve pas seulement une théorie nouvelle

de la vision, mais aussi toute une discus¬sion sur la propagation, la reflection et laréfraction de la lumière et des couleurs.

Les auteurs latins du Moyen Age ont vitereconnu la supériorité de cette iuvre surles traités d'Euclide, de Ptolémée, d'al-Kindi et d'Ibn Sina, qui tous avaient ététraduits en latin. Au 13e siècle, Roger

Bacon parle d'Ibn al-Haytham comme del'auteur à consulter en matière d'optique.

L'art de guérir doit beaucoup aux effortsinfatigables de Hunayn Ibn Ishaq al-lbadi(809-873) : dans toutes ses branches, cet

art doit davantage à cet homme et à sonéquipe de traducteurs qu'à tout autreauteur ou maître de la même époque.Grâce à Hunayn, à ses élèves et à sescollaborateurs, les textes médicaux grecsles plus importants sont devenus disponi¬bles en arabe. Hunayn a aussi solidementétabli les bases sur lesquelles la médecinearabe allait pouvoir se développer : il aimaginé une méthodologie originale que lesiècle suivant devait adopter, modifier etperfectionner.

Le médecin Ibn Butlan a ainsi travaillé

sur les six "principes non-naturels" déjàidentifiés par Hunayn : pureté de l'air,modération dans les aliments et la boisson.

équilibre entre repos et travail, entre veilleet sommeil, élimination du superflu,importance enfin des réactions émotion¬nelles.

Que l'équilibre se maintienne entre cesprincipes, déclare-t-il, et l'on a la santé.S'il y a abus, donc déséquilibre, la maladiesurvient. Ibn Butlan recommande aussi

l'emploi de bonne musique pour élever lemoral des malades et hâter leur guérison.

La médecine et la thérapeutique arabesont atteint leur sommet en Andalousie :

c'est là que paraissent les rapports dumédecin Ibn Wafid et qu'lbn Zuhr (appeléAvenzoar dans les ouvrages en latin)soigne, enseigne et publie. Dans son célè¬bre Livre destiné à faciliter l'étude de la

thérapeutique et de la diététique, consacréau diagnostic et au traitement des mala¬dies, Ibn Zuhr décrit, et c'est peut-être lapremière fois dans l'histoire de la médeci¬ne, les abcès ' médiastinaux comme des

i inflammations du péricarde. Il insiste égale¬ment sur l'importance de l'expérimentationen médecine, aussi bien que des facteurscliniques et de l'étude pathologique.

C'est sous le patronage des califesarabes qu'apparurent les premiers hôpitaux iet ils se développèrent dans le monde I

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Hercule au firmament

Cette représentation de la constellation boréale d'Hercule, extraite du Traité des étoilesfixes de As-Soufi, bien qu'elle imite avec fidélité l'iconographie traditionnelle, s'en écartepar certains détails : ainsi, l'homme décrit par la constellation a bien l'attitude d'undanseur, comme dans les autres textes, mais il est dépourvu ici du cimeterre. Adolescentailleurs, il est représenté adulte et barbu dans ce Traité et, à la différence des autrespersonnages, il n'a pas de turban. Cette oeuvre est l'unique manuscrit musulmanoccidental découvert à ce jour qui mentionne son origine : Ceuta, 1224. Il se trouve à laBibliothèque Apostolique du Vatican.

La science dans la vie quotidienneLes Maqamat (que l'on traduit par "Séances") d'al-Hariri marquent l'apogée de la peinturearabe. De cette .uvre très populaire, il existe plusieurs manuscrits, dont l'un, datant de1237, à la Bibliothèque Nationale de Paris. Par les récits du narrateur Aboû Zayd. et parles 99 images de ce manuscrit (voire également page 6) l'auteur nous donne uncompte-rendu de la vie quotidienne arabe et du rôle qu'y tient la science. Ici, Aboû Zayd,à l'entrée d'une auberge de caravaniers, manie une espèce d'astrolabe afin de' déterminerla hauteur des astres à l'horizon.

( musulman. L'ancienne conception arabede l'hôpital est celle qui a servi de modèleaux établissements modernes, institutions

privées ou officielles.

Pour al-Razi, le grand philosophe etmédecin du 10B siècle, les hôpitaux avaient,une importance essentielle : parce qu'ilsdonnaient une formation pratique auxprofessions de santé, et parce qu'ils per¬mettaient de diffuser l'information médica¬

le. L'hôpital Adoudi de Bagdad était unexemple remarquable d'une institutions'acquittant de ces tâches. Son état-majorcomprenait 24 praticiens qui bénéficiaientd'une salle de lecture ainsi que d'une vastebibliothèque. Vers la fin du 10e siècle, sarenommée s'étendait jusque dans des payslointains.

En ce qui concerne l'ophtalmologie,branche de la médecine particulièrementétudiée dans le monde musulman, le

premier auteur arabe à écrire un manuelsystématique (complété par les figures) aété probablement Hunayn Ibn Ishaq. SonKuvre, développée par des auteurs ulté¬rieurs, a survécu jusqu'à nos jours. Elle secompose de dix traités, écrits entre 840 et860 et complétés par Hubaysh, élève, etneveu de Hunayn. Dans ces traités sontétudiées l'anatomie de l'eil, des nerfs

optiques et du cerveau, ainsi que la phy¬siologie, les maladies de l' et. leur traite¬ment.

Certes, Hunayn a largement puisé dansles ouvrages grecs ; mais il leur a ajoutébeaucoup d'observations personnellesinédites. De son côté, al-Razi, qui écrivaitau début du 10e siècle, a peut-être été lepremier à décrire les réflexes de la pupille.

Vers l'an 1000, une sorte de point culmi¬nant fut atteint avec le livre d'Ali Ibn Isa,

oculiste à Bagdad. Cet ouvrage Untrésor pour les ophtalmologues résu¬mait toutes les découvertes faites dans le

passé. A la même époque, Ammar Ibn Alial-Mawsil mettait au point la technique duretrait de la cataracte. Pour cela, il inventa

et utilisa une aiguille creuse, techniqueréinventée en 1846 par le médecin françaisBlanchet.

Ces belles performances se poursuivirentavec l' d'Ibn al-Haytham (Alhazen)et, un siècle plus tard, par un manuel pour .

oculistes, rédigé en Andalousie par f

Une chapelle en SicileUn détail de la chapelle du palais royal deRoger II, le roi Normand, à Palerme (Sicile),qui date d'environ 1140. La décoration dela voûte à alvéoles en bois, aussi bien queles "stalactites" qui y sont suspendues, esttrès célèbre : c'est le plus grand ensemblede peinture musulmane qui nous soit resté.Quelques spécialistes estiment qu'il échap¬pe â toute classification : il a été probable¬ment réalisé par des artistes oeuvrantd'après les traditions mésopotamiennes,dans une inspiration issue de l'Egypte desFatimides ou de Tunis.

Photo Michel Desjardins, © Top Réalités, Pans.

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Mon ami le cheval

La connaissance des animaux est un élément important de la civilisationislamique. Par exemple, le cheval particulièrement cher aux tribusnomades figure fréquemment dans l'art, mais aussi bien, et surtout,dans les sciences. Les Musulmans avaient la conviction profonde que lesanimaux, de même que les plantes et les minéraux, tenaient une grandeplace dans l'équilibre naturel. L'étude anatomique du cheval ici reproduiteest extraite d'un manuscrit égyptien conservé à la Bibliothèque del'Université d'Istanbul, et qui peut être daté du 15e siècle.

Photo Roland Michaud © Rapho, Pans Bibliothèque de l'Université d'Istanbul.

Muhammad al-Ghafiqi. Cet auteur illustrason manuel en représentant les instrumentschirurgicaux qu'il utilisait pour ses opéra¬tions de l'

"Quiconque se familiarise pleinementavec l'anatomie et la physiologie de l'hom¬me, sa foi en Dieu augmentera". Cettesentence a pour auteur le médecin etphilosophe arabe Ibn Rushd (Averroès).On comprend alors que les Arabes aientaccepté la chirurgie dès les premiers tempsde l'Islam (1). On voit aussi pourquoi leschirurgiens musulmans ont été les premiersà employer des narcotiques et des sédatifspendant les opérations : l'Islam enseigneque Dieu a fourni aux hommes un grandnombre de substances naturelles pour laguérison des malades.

C'est à al-Zahrawi, un habitant de

l'Espagne musulmane, que sont attribuéesles plus grandes découvertes chirurgicalesdu Moyen Age. Ce chirurgien a écrit uneencyclopédie médicale . Al-Tasrifconsacrée pour une grande part à l'obsté¬trique et à la pédiatrie, mais aussi à l'anato¬mie humaine en général. La partie qui traitede la chirurgie contient un débat sur lacautérisation, les soins à donner aux

blessures, l'extraction des flèches, l'hygiènebuccale et la remise en place des os dansles fractures simples ou multiples.

Al-Zahrawi employait, des antiseptiquespour soigner blessures et écorchures ; pourrecoudre, il utilisait les intestins d'animaux,

la soie, la laine ou d'autres produits ; il amis au point des techniques permettantd'élargir les conduits urinaires et d'explorerchirurgicalement les cavités de l'organisme.Il recourait à quelque 200 instrumentschirurgicaux, conçus par lui-même et qu'ildécrit dans ses livres. Ces instruments sont

ceux que les chirurgiens ont utilisés par lasuite en les modifiant, aussi bien dans la.

Chrétienté que dans l'Islam.

La façon dont al-Zahrawi étudie la santéde la mère et de l'enfant ainsi que la pro¬fession de sage-femme a un intérêt par¬ticulier au point de vue historique. Sontexte implique en effet que les nourrices etles sages-femmes formaient une professionalors florissante : on - s'explique alors larépugnance de nombreuses familles musul¬manes' conservatrices à ' demander le :

concours de médecins , c'est-à-dire kd'hommes pour les accouchements*normaux.

De l'agréableà l'utile

La pénurie d'eau était grandedans presque tout le mondearabe : le problème devenaitextrêmement grave dès lors qu'ils'agissait d'employer l'eau desrivières et des canaux au

bénéfice des campagnes ou pour

l'usage domestique. Les Arabesl'ont résolu par l'invention de lanoria, qui se répandra aussitôtdans l'Occident. Les inventeurs

d'appareils ingénieux ouamusants se consacreront eux-

mêmes â la création de

machines utiles, comme ce

système de roues hydrauliquesqui figure dans le Traité desmachines du grand inventeural-Yassari (13e siècle).

Les herbes

médicinales

Un Livre des Antidotes attribué

au médecin grec Galien (ditdonc du Pseudo-Galien) avait été

traduit en arabe : il sera

largement employé dans lemonde islamique. A droite, uneimage empruntée à unmanuscrit enluminé, datant de

1199 et réalisé probablement enIraq : on y voit deux herbesmédicinales dont on se servait

pour guérir les blessuresvénéneuses, et dont les nomssont écrits en arabe.

(1) A la différence d'autres régions en Occident où ladissection du corps humain était interdite pour desraisons religieuses.

Les yeux dans les yeuxL'ophtalmologie était une branche de lamédecine à laquelle les Musulmansprêtaient la plus grande attention. Auxconnaissances héritées des Grecs, l'Islam

ajoutera des investigations et desexpérimentations nouvelles, ainsi qu'entémoigne le Trésor pour lesophtalmologistes, le traité arabe le pluscélèbre écrit à ce sujet par Ali ibn Isa.,Dans cette page extraite d'un ouvrage surl'ophtalmologie conservé à la BibliothèqueNationale Egyptienne, au Caire, le . 'croisement des nerfs oculaires est décrit'et illustré. .

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Page 52: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Des médecins et obstétriciens aussi

capables que l'était al-Zarhawi ont puinscrire et former de nombreuses sages-femmes, les rendant ainsi plus compétentesdans l'accomplissement de leur tâche.

Si la pharmacie est une profession re¬connue, c'est à l'Islam et aux Arabes

qu'elle le doit. Tout en coopérant avec lamédecine, elle en est devenue scientifi¬

quement indépendante. Elle était pratiquéepar des spécialistes. C'est vers l'an 800, etsous le patronage des califes abbassides,qu'elle a obtenu ce statut. La premièrepharmacie possédée et gérée par un parti¬culier s'est ouverte au début du 9e siècle à

Bagdad. Dans cette capitale des Abbassi¬des, les médicaments et les épices d'Asieet d'Afrique pouvaient s'obtenir facilement.En peu de temps, on vit des pharmaciesapparaître dans d'autres grandes villes dumonde musulman.

Dans les appareils mécaniques réaliséspar les Arabes, on trouve deux grandescatégories : en premier lieu des machinesconçues pour un usage quotidien (moulins,systèmes pour monter l'eau, machines deguerre...) ; en second lieu des appareilsdestinés à émerveiller et à provoquer unplaisir esthétique. Ces derniers étaientconçus pour les petits cercles des cours.

Les inventeurs d'appareils ingénieux, ou"automates", pouvaient aussi dessiner desmachines utiles. Tel était le cas d'Ibn al-

Razzaz al-Jazari. Ces inventeurs étaient

des plus familiarisés avec le travail descharpentiers et constructeurs de moulins :ils en tiraient une bonne part de leur voca¬bulaire et en utlisaient bien des techniques,bien des outils et bien des mécanismes.

Ce sont les horloges monumentalesd'al-Jazari qui ont donné lieu aux systèmesautomatiques les plus impressionnants.Des cercles représentant le Zodiaque, lesoleil et la lune y tournaient à vitesseconstante. Pour sonner les heures, desoiseaux y lâchaient de leur bec des billessur des cymbales. Des portes s'y ouvraient,révélant des figurines. A intervalles ré¬guliers, des musiciens se mettaient à jouerdu tambour, du tambourin, de la trompet¬te ou d'autres instruments.

D'ordinaire, ces automates étaient

actionnés par un flotteur s'enfonçant àvitesse constante dans un réservoir d'eau.

Leur mécanisme comportait l'emploi desystèmes hydrauliques complexes quiapparaîtront bien plus tard en Europe,pendant la Révolution industrielle. Ils utili¬sent un type de valve conique, que Léo¬nard de Vinci mentionne le premier enOccident, et qui est entrée dans l'usage enEurope pendant le 16e siècle. Nombre derecherches restent encore à faire pour quel'on puisse établir complètement l'originedes idées de Léonard : on peut présumerqu'il avait eu l'occasion de connaître destraductions d'ouvrages arabes effectuéesà Tolède au 12e siècle.

La technologie arabe utilisait essentiel¬lement la pression de l'eau et celle de J'airpour actionner ses machines. Les relationsmathématiques qui sous-tendent cesphénomènes physiques n'avaient, pour laplupart, pas été identifiées et les concep¬tions des ingénieurs faisaient nécessaire¬ment de larges emprunts à l'expériencepratique.

Il existe deux types de moulins à eau quisont bien connus depuis les temps clas¬siques. Dans l'un, la roue est verticale etfait tourner les meules par l'intermédiairede deux roues dentées ; dans l'autre, laroue est horizontale et fait tourner les

meules sans intermédiaire. On a calculé

que le second type pouvait donner jusqu'à10 chevaux-vapeur avec un rendement de75 pour cent. Selon les récits des géogra¬phes et des voyageurs, nous savons queces deux types de moulins étaient trèscourants dans les pays musulmans.

Les cinq machines dessinées par al-Jazari étaient toutes conçues pour monterl'eau. Quatre d'entre elles possédaient descaractéristiques d'un grand intérêt pourl'histoire de la technologie.

La science des Arabes, leur médecine,leurs mathématiques et leur philosophie sesont transmises à l'Europe par l'intermé¬diaire de textes ; on en a de très nombreuxtémoignages. Par contre, les données sonttrès rares qui montrent une diffusion desidées technologiques par le même moyen.Ce sont bien souvent les récits des voya¬geurs, les observations des agents com¬merciaux, enfin les contacts directs entreartisans qui ont assuré la transmission destechnologies d'une culture à l'autre.Jusqu'à l'époque moderne, ces féconda¬tions réciproques ont sans doute été plusfréquentes et plus fructueuses que leséchanges écrits.

C'est du 9° au 11e siècle que la culturearabe y compris ses apports aux scien¬ces de la vie atteignit son plus hautdegré de développement. Au 12e siècleencore, elle connut de nombreux mouve¬

ments de renouveau. A cette époque, lemonde occidental commençait juste às'éveiller, à sortir des temps obscurs.

Du 12e siècle à la Renaissance, les tra¬ductions et les copies faites en Espagne,en Sicile ou en Syrie rendirent accessiblesen latin la masse des écrits arabes. En

Occident, à ces époques, les traductionsétaient souvent de pauvre qualité, toutcomme les connaissances... Mais, dansl'Europe occidentale du Moyen Age, cestraductions ressuscitèrent l'envie d'ap¬prendre.

En effet, dans les sciences de la vie, lesauteurs arabes n'ont pas seulement pré¬servé l'héritage classique de l'Antiquité :ils ont aussi apporté des données neuveset originales. Ils ont ainsi contribué aubien-être de tous les hommes sur tous lescontinents.

Salah Galal

APPRENDRE

ET ENSEIGNER

(

Suite de la page 34

L'enseignement à l'intérieur de la mos¬quée est caractérisé par le "cercle". Ils'agit d'un groupe de jeunes étudiantsformant cercle autour d'un professeuradossé à une colonne de mosquée. Cettepratique, qui sera reprise dans la médersa,était connue dès avant l'Islam et continue

d'être en usage de nos jours.

Dans un premier temps le professeurimprovisait son cours de mémoire, sansl'aide de textes écrits. Mais peu à peul'habitude se prit d'utiliser des notes écri¬tes. Au cours des âges, les livres despremiers maîtres devinrent des manuelspour leurs successeurs et pour les étu¬diants. Le rôle de l'enseignant se bornaalors bien souvent à lire et commenter ces

anciens livres, pratique qui reçut le nomde "lecture" et fit longtemps stagnerl'enseignement musulman.

Une autre méthode était celle dite

"discussion et questions". Bien querespectueux des opinions de leur maître,les étudiants discutaient avec lui lors de

séances animées, où les positions desétudiants différaient souvent de celles du

maître. C'est ainsi que se développa dansla vie académique musulmane l'art dudialogue et de la discussion, art codifié pardes règles d'une grande clarté.

Une autre pratique bien établie méritemention : le voyage "en quête de savoir"Ces voyages furent entrepris, dit-on, parles premiers musulmans pour recueillir leshâdiths que certains anciens conservaientdans leur mémoire et qui n'avaient pasencore reçu la sanction de l'écriture. Plustard, ces voyages eurent pour but la col¬lecte des expressions et des règles syntaxi¬ques, rares de la langue arabe. Puis cettepratique s'étendit à tous les domaines dela vie académique.

Le principe général de la transmissiondu savoir et de son acquisition dans lemonde musulman est que, peu ou prou,tout savoir est religieux et s'acquiert "aunom de Dieu". Cette orientation de l'intel¬

ligence humaine fournit la clause ultimeselon laquelle, toute entreprise séculièreétant placée sous le signe du divin, endernière analyse, l'éducation est au servicede Dieu.

hisham Nashabi

Contribution au progrès de la science

Le développement de la pensée scientifique arabe et ses apports à l'Europe mé¬diévale et à l'humanité en général ont été soulignés à diverses reprises par le Cour¬rier de l'Unesco (voir notamment le numéro de juin 1974) et ont fait, plus récem¬ment, l'objet d'un numéro de la revue trimestrielle de l'Unesco, Impact, Science etSociété ("La science et le monde islamique" mai-septembre 1976).

Pionniers de la recherche scientifique, les Arabes ont non seulement apporté deremarquables innovations scientifiques et technologiques, mais ils ont aussi, parleurs travaux de traductions assuré la transmission d'un trésor de connaissances

hérité de l'Antiquité, notamment de la Grèce, et favorisé ainsi un épanouissementde la science dans tout l'Occident. Les savants arabes ont joué un rôle capital dansl'évolution de la plupart des disciplines scientifiques (médecine, pharmacologie,astronomie, histoire naturelle, géographie, agronomie, mathématiques surtout).

C'est ainsi, pour ne citer qu'un exemple, qu'al-Kharizmi, père de l'algèbre (motd'origine arabe, "al-jabr"), laissa son nom au mot "algorithme" (arithmétique).

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Nos

lecteurs

nous

écrivent

LE "COURRIER"

EN LANGUE TSONGA 7

En tant qu'enseignant, spécialiste de larecherche ethno-historique et chroniqueurmusical, je voudrais vous féliciter pour votrenuméro de mai 1977 "Visages de l'Afrique".Il est vraiment dommage que le Courrier de¡'Unesco ne soit pas mieux connu parmi leséducateurs et les écrivains de l'Afrique duSud.

J'espère qu'un jour votre revue serapubliée aussi dans notre langue, le Tsonga,qui est parlé en Afrique du Sud, en Rhodé¬sie et au Mozambique.

Risimati Mudunwazi Mathonsi

Ga-Rankuwa

Afrique du Sud

BRAVO A VOTRE REVUE

Il y a dix ans, un professeur d'histoire, enclasse de seconde, me faisait découvrir votre

revue, à laquelle je me suis immédiatementabonnée. Depuis, c'est avec beaucoupd'enthousiasme que je lis le Courrier del'Unesco, riche en sujets historiques, archéo¬logiques, scientifiques, géophysiques ouethnologiques. C'est pour moi un enrichisse¬ment perpétuel, une découverte de tous lesproblèmes mondiaux, et, bien, sûr, le moyende créer une solidarité et une union entre

tous les peuples.

Ma profonde reconnaissance et un grandbravo à votre revue, partagés par monentourage.

Mme Thirion-Chiroux

Savigny-sur-OrgeFrance

ARISTOTE CONTESTE

C'est l'article du professeur C. Despoto-poulos (votre numéro d'octobre 1977) quim'amène à vous entretenir d'Aristote. Dans

une revue lue par des adolescents, fairel'éloge d'un personnage contestable, c'estune grande faute. Après avoir été rejeté parBacon (1561-1626), citons aussi BertrandRüssel, qui a écrit "...De par son influenceintellectuelle, Aristote fut un des plus grandsfléaux de l'humanité".

Marx a eu des mots laudateurs écrits à la

légère : "Aristote, le plus grand penseur del'Antiquité, imaginait...". Bourré des préju¬gés de son temps, Aristote était bien incapa¬ble d'imaginer et prévoir quoi que ce soit. Je

me suis donné la peine de retrouver ce pas¬sage de sa Politique : "Si la navette tissaittoute seule la toile, si l'archet tirait tout seuld'une cithare les sons désirés, les architectes

n'auraient plus besoin d'ouvrier, ni les maî¬tres d'esclaves". En s'exprimant ainsi, Aris¬tote donnait ces suppositions comme absur¬des : il se montrait rétrograde, esclavagiste,absolument anti-féministe, car il méprisaittous ceux qui travaillent à leur ménage, oucomme travailleurs libres (artisans) ou

comme esclaves. Pourtant, il y avait eu desengins mécaniques dès l'âge des Pharaons,mais Aristote avait très peu de notions demécanique. En fait, la mécanique ne prendrason essor qu'avec la disparition de l'escla¬vage.

Jean Pilisi

Issy-les-MoulineauxFrance

LES ALEMANIQUES

AUX AMÉRIQUES

Je vous félicite pour la qualité du Courrierde l'Unesco, et pour ses numéros surRubens, sur l'Acropole, etc. Toutefois, ausujet de votre numéro d'août-septembre1977 sur l'Amérique latine, numéro très inté¬ressant par ailleurs, je crois qu'on y a fait unoubli important à propos de l'apport des Alé¬maniques (Suisses, Alsaciens, Autrichiens,Bavarois, Rhénans, Hambourgeois,Berlinois, etc.).

Leur immigration fut plus massive enAmérique du Nord, mais, pour l'Amériquelatine, au 16e siècle, des géographes et astro¬nomes allemands étaient souvent engagéssur les bateaux portugais et espagnols. Le roid'Espagne donna une concession à descolons allemands et ceux-ci appelèrent cetterégion "Venezuela", c'est-à-dire "petiteVenise", bien qu'ils fussent brémois et ham¬bourgeois. Au 19° siècle, les emigrants pro¬venant de pays germaniques se comptentpar centaines de milliers dans le sud du

Brésil, en Argentine et au Chili. Au sud duBrésil, des villes portent les noms de NovoHamburgo, Germania, Oberlandia, etc.

Il y a environ 5 millions de Sud-Américainsd'origine germanique ; ils ont joué et ilsjouent un très grand rôle dans l'industrie,l'économie, la politique, l'architecture et lamédecine.

J.-L. Fronville

Hangest-en-SanterreFrance

AFRIQUE

TEMPORELLE

J'ai été excessivement intéressée et émer¬

veillée par le numéro que vous avez consacréà l'art africain. L'art africain dans tout son

ensemble, fait partie de "l'intemporel", aumême titre que les arts d'Assur et de Sumer,l'esthétique pré-colombienne ou les formesfascinantes et sans âge de l'Océanie.L'art africain exprime pour moi l'invitation àun retour aux sources, dans le thème de

formes qui n'ont pas d'âge, sont précairesen même temps, symbole du passage del'humanité sur notre planète. Ne disons pas,non plus, en ce qui concerne le cinéma, queles sociétés étrangères en profitent pourécouler leurs navets. J'ai des amis quirésident en Haute-Volta et qui peuventtémoigner que l'on y passe des filmsrelativement récents (pas plus d'un an) etde bons films, dans la mesure, toutefois, dela qualité des productions de ces dernières

années. L'Afrique est un des plus vieuxcontinents du monde ; ses conceptions,ses arts, ses musiques nous apportent unenrichissement constant.

Claude Lambert

Epinal, France

SPINOZA

ET LE JUDAÏSME

Je suis très reconnaissant au Courrier de

l'Unesco d'avoir consacré un article au

philosophe Baruch Spinoza (juin 1977). Nosassociations ont célébré le tricentenaire de

la mort de Spinoza, et à Paris nous avonsorganisé une soirée consacrée à ce grandhomme, à sa pensée universelle et à sesrelations avec le Judaïsme. Des hommes de

différentes croyances, et des athées, ontexprimé des idées assez diverses, mais leursconclusions ont été différentes de celles

auxquelles l'auteur de l'article sembleaboutir.

Spinoza exclu de la synagogue n'a jamaisrompu avec le Judaïsme, et malgré lesfortes pressions auxquelles il a été exposéet les tentatives d'un prosélytisme subtil, ilne s'est converti à aucune confession

chrétienne. Il est resté hébraïsant, éruditdans le Judaïsme et on lui doit la première

grammaire de l'hébreu.

De nombreuses correspondances témoi¬gnent de son courage et de son habiletéface aux propositions de ses "amis" non-juifs. Pour ne pas tomber sous la dépen¬dance de l'Eglise, il a refusé une chaire àl'Université de Heidelberg qui, comme laplupart des Universités de l'époque, étaitsous la dominance du clergé. Enfin, certainspassages de l'article du Courrier de l'Unescome semblent insister beaucoup trop surl'importance de l'argent au sein de lacommunauté juive.

Les idées de Spinoza ont été combattuespar des philosophes appartenant à destendances les plus diverses, mais l'oppositionde certains penseurs juifs aux conceptionsde Spinoza sont surtout d'ordre philoso¬phique ou théologique. Aux yeux de lamajorité des Juifs, sa condamnation étaitinjuste ; elle aurait d'ailleurs été inconcevableun siècle plus tard. Ce qu'il faut surtoutretenir, c'est que le système philosophiquede Spinoza a été à l'origine de plusieurscourants de la pensée moderne dans lesdomaines religieux, politique, éthique etscientifique.

S.H. HoffenbergDélégué permanent auprès de l'Unesco

B'nai B'Rith International Council

CONTRE

LES MASSACRES

Vous avez publié en mai 1976 la lettre d'ungroupe d'écoliers français ; ils protestaientcontre le massacre des bébés phoques.Leur lettre m'a fait longuement réfléchir.J'admire les motifs "humanitaires qui lesaniment, mais est-ce qu'ils réalisent quenombres de personnes humaines meurentde faim tous les jours 7 Quand je vois lesphotos prises en Afrique du Sud et que j'yvois des Noirs tués parce qu'ils réclamentleur liberté, comment pourrais-je encorepenser aux phoques ? Dans notre siècle,nombreux sont les individus que l'on tueavec encore moins d'attention que celle quel'on porte aux phoques.

A.M. Dalil

Téhéran, Iran

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Page 54: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

MiȤ i na lu

LECTURES

Pèlerinage â la Mecquepar Ezzedine GuellouzSud Editions, TunisDiffusé par Bibiliothèque des Arts,Lausanne-Paris, 1977.

L'Islam et sa civilisation '

7e-20e siècle

par André MiquelSeconde édition

Armand Colin, Paris 1977. ,

L'Islam et l'art musulman

par A. PapadopouloEditions d'art Lucien Mazenod

Paris, 1976.

Islam

par Umberto ScerratoEdition Fernand Nathan, Paris 1977.

L'Orient musulman au Moyen-Agepar Nikita ElisséeffEditions Armand Colin, Paris 1977.

Grands courants de

l'architecture islamiqueMosquéespar Ulya Vogt-GöknillSté Nile des Editions du Chêne

Paris 1975.

La peinture arabepar Richard EttinghausenEditions d'Art Albert Skira S.A. .

Genève 1977.

Le Livre des Jours

par Taha HusseinEditions Gallimard,Paris 1947.

Pour tous les livres ci-dessus s'adresser

à son libraire habituel. Ne pas passercommande à l'Unesco.

PUBLICATIONS UNESCO

Cultures - Vol. IV No. 1

Pensée et valeurs de l'Islam

Les Presses de l'Unesco et

La Baconnière

Paris-Lausanne, 1977.

ImpactScience et Société

La science et le monde islamique

Vol. 26 - No. 3 mai/sept. 1976Unesco, Paris.

Développement économique etaspects financiers de lapolitique de l'éducation en TunisieUnesco 1974 -215 p. 35 F.

L'éducation dans les pays arabesâ la lumière de la Conférence

de Marrakech

Unesco 1971 - 61 p. 6 F.

Politiques scientifiques ettechnologiques dans les états arabesUnesco 1970 -214 p. 20 F.

L'Islam et la question racialeUnesco 1970 -69 p. 6 F.

La politique culturelleen Egypte - 1972 - 103 p. 8 F.en Tunisie - 1977 - 56 p. 10 F.en Algérie - 1977 - 58 p. 8 F.

La science et la technologiedans le développement desEtat arabes

Unesco 1977 - 333 p. 30 F.

PHILIPPE OUANNES

Le matin du 23 novembre dernier,peu avant de mettre ce numéro sous

presse, nous apprenions la mort sou¬daine de notre ami Philippe Ouannès,rédacteur de l'édition française duCourrier de ¡'Unesco. La veille

encore, Philippe Ouannès avait tra¬vaillé, toute la journée, au milieu denotre équipe rédactionnelle â la pré¬paration de ce numéro du Courrier del'Unesco sur la culture arabe dont le

thème relevait de sa compétenceparticulière (il avait enseigné la litté¬rature islamique à l'Université deParis). Philippe Ouannès aura doncplus que quiconque ici, et jusqu'auxdernières heures de sa vie, contribué

â la naissance de ce numéro. Puisse

celui-ci,, ultime hommage au savoiret au courage de notre ami, â sagénérosité juvénile (il avait 38 ans),nous rappeler tout ce que lui doit leCourrier de ¡'Unesco et ce que nousperdons avec lui.

L'atome

et la paix

TSST

Le 18 novembre

1977 l'Administra¬

tion postale desNations Unies a

émis une série de

timbres commé-

moratifs sur le

thème "Utilisa- ,

tions de l'énergieatomiqsue à desfins pacifiques". Dans le système des NationsUnies, l'Agence Internationale de l'Energie ato¬mique a pour objectif de "hâter et accroître lacontribution de l'énergie atomique à la paix, lasanté et la prospérité dans le monde entier".Pour d'autres renseignements sur cette série detimbres, prière de s'adresser à l'Administrationpostale des Nations Unies, Palais des Nations,CH 1211, Genève 10, Suisse.

L'éducation

dans les états arabes

Les ministres de l'éducation et les ministres char¬

gés de la Planification économique dans les Etatsarabes, se sont réunis du 7 au 14 novembre àAbu Dhabi (Emirats Arabes Unis) à l'occasion

d'une Conférence sur les politiques de l'éduca¬tion dans le monde arabe, organisée parl'Unesco en collaboration avec l'ALECSO (Orga¬nisation de la Ligue Arabe pour l'Education, laCulture et les Sciences). Dans son discours

d'ouverture, M. Amadou-Mahtar M'Bow, Direc¬teur général de l'Unesco, a constaté que lesEtats arabes, confrontés au défi que comporte lepassage d'une société traditionnelle à unesociété moderne, avaient à maîtriser le dévelop¬pement technologique et le processus de l'urba¬nisation. A la fin de la conférence, les déléguésont adopté à l'unanimité une déclaration reflé¬tant leur détermination d'accélérer les processusdu développenemt en conjuguant les acquis dela science et de la technologie modernes et lesvaleurs traditionnelles authentiques porteuses deprogrès. La déclaration, qui prouve que les Etatsarabes ont opté en faveur de la démocratisation

de l'éducation, lance un appel préconisant lacoopération régionale et un mouvement de soli¬darité au bénéfice des pays les moins pourvus dela région.

L'éducation

et l'environnement

Au cours de la première Conférence ¡ntergouver-nementale sur l'éducation relative à l'environne¬

ment, qui s'est tenue à Tbilissi (URSS) du 4 au26 octobre 1977, les délégués de 60 nations ontadopté une déclaration définissant la manièredont l'éducation peut contribuer à l'étgde desproblèmes de l'environnement au niveau natio¬

nal et international. Organisée par l'Unesco et leProgramme des Nations Unies pour l'environne¬ment la Conférence a recommandé que l'éduca¬tion pour l'environnement soit introduite dansles programmes scolaires à tous les niveaux.Des spécialistes de l'enseignement relatif àl'environnement devaient être formés et un ef¬

fort devrait être fait en vue de l'éducation des

groupements professionnels dont les activitésconcernent l'environnement.

Un don de la Libye pour"L'histoire de l'Afrique"

La Libye a décidé de contribuer par un don de1 220 000 dollars à la mise en du projet del'Unesco de réaliser une Histoire Générale de

l'Afrique. Cette contribution permettra d'assurerla publication en français, en anglais, en arabe eten diverses langues africaines des huit volumes ;que comportera l'Histoire de l'Afrique.

L'Unesco

et le centre catholique

Le Centre Catholique international pour l'Unescoinforme les milieux catholiques de près de centpays sur les travaux de l'Unesco, grâce à un bul- 'letin périodique. Le Mois à l'Unesco, publié enfrançais, anglais, espagnol et allemand. Al'occasion du 30e anniversaire du Centre, le

Directeur général de l'Unesco, M. Amadou- ;Mahtar M'Bow a remis à M. Jean Larnaud,Secrétaire général de ce Centre depuis sa forma- ;tipn, la médaille d'argent de l'Unesco, en pré¬sence des membres du Conseil Exécutif, ainsique de Mgr Renzo Frana, Observateur perma- 'nent du Saint-Siège auprès de l'Unesco, du Car¬dinal.. Marty, archevêque de Paris, et de MgrEtchegaray, président de la Conférence épisco-pale française, etc.

Le Directeur généralde l'Unesco

à la Sorbonne

M. Amadou-Mahtar M'Bow, Directeur généralde l'Unesco a reçu, le 18 novembre 1977, lesinsignes de Docteur honoris causa de l'Universi¬té de Paris I Panthéon-Sorbonne. A cette

occasion, il a évoqué le rôle de l'université dansle monde actuel : "L'engagement au service dela communauté nationale et de la communauté

internationale réunies dans une aspiration identi¬que à un ordre mondial nouveau, fondé par unesolidarité de destin, est peut être la caractéristi¬que la plus neuve et la plus chargée de consé¬quences de la mission de l'universitéd'aujourd'hui".

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Page 55: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Index du Courrier de l'Unesco 1977

Janvier

A QUI APPARTIENT L'OCEAN ? (M.E. Gonçalves). L'or noir. La mer convoitée(M. Ruivo). L'Unesco et l'océanographie. Les promesses de l'Océan (D. Behrman).Troupeaux de baleines. L'océan travaille pour nous (C.N. Fedorov). La pollution(D. Behrman). Eprouvettes à la mer (T.R. Parsons). Exploration d'une vallée volcaniqueà 3 000 m sous mer (X. Le Pichón). Trésors d'art: Personnage maya (Honduras).

Février

EBLA. Métropole syrienne d'il y a 4 000 ans (P. Matthiae). L'Acropole en danger ; appeldu Directeur général de l'Unesco. Les églises du lac Tana (B. Abbebé). Le henné dubonheur (J. Saksena). De l'oral à l'écrit (S. Malya). Deux contes oraux. Bolivar et leCongrès de Panama (A. Uslar-Pietri). Trésors d'art : Masque (Zaïre).

Mars

HORIZON 1982. Le plan à moyen-terme de l'Unesco. Des idées-force pour l'action(A.M. M'Bow). Les droits de l'homme. La paix. La science et la technique. Au centre dudéveloppement : l'homme. L'éducation. Des chances égales pour tous. L'environne¬ment. Vers une communication à double sens. Des livres pour tous. Trésors d'art :L'idole bleue (Nouvelles-Hébrides).

Avril

L'INFORMATION A SENS UNIQUE. L'Unesco et les problèmes de la communication(M. Makagiansar). Les Agences de presse. Protection des journalistes. La presse rurale.L'agence de presse des Caraïbes (H. N.J. Cholmondeley). Communiquer par-delà lesobstacles U.A. Willings). Le marché des programmes télévisés (H. Topuz). Réseaud'information des pays non-alignés (P. Ivacic). Pour un nouvel ordre mondial de l'infor¬mation (R. Najar). Brecht et l'Unesco. Mass media et société ; 1 . Point de vue soviétique(Y.N. Zassourski et l.l. Kachlev) 2. Point de vue américain (W.G. Harley). Téléconféren¬ces (E.L. Sommerlad). Trésors d'art : Cuillère-merveille (Côte-d'lvoire).

Mai

VISAGES DE L'AFRIQUE. L'Afrique et sa culture. La sculpture des signes (O.Balogun). Vingt pays... Vingt masques. Au-delà de l'apparence (P. Ahyi). A l'école desproverbes (Tanoé-Aka, etc.). Musiques et (S. Mbabi-Katana) théâtre africain (D.Nwoko). Décoloniser l'image (F. Bebey). Trésors d'art : le Jumeau esseulé (Canada).

Juin

RUBENS. 400a anniversaire (M. Makagiansar). Rubens (R. Avermaete). Les logis deRubens. L'éternel féminin. Hommage philatélique. Pages couleurs. Rubens-diplomate(F. Baudoin). Spinoza (B. Reckers). Antonie van Leeuwenhoek (J.W.M. La Rivière).

Trésors d'art : Aurore (Belgique).

Juillet

FREINER L'AVANCE DES DESERTS (M. El-Kassas). La responsabilité du climat (H. F.Dregne). Les steppes de l'Asie centrale (A.G. Babaev et N.S. Orlovski). Le déferlementdes sables en Egypte (F. El-Baz). Et pourtant ils survivent... Le pétrole des pauvres, lebois de chauffage (E. Eckholm). Les grandes murailles vertes de Chine. Trésors d'art :Bélier ailé (Espagne).

Août-Septembre

AMERIQUE LATINE (L. Zéa). L'empreinte de l'Afrique (A. Carpentier). L'empreinteafro-brésilienne (G. Freyre). "Nous, peuple de métis" (J. Amado). Des Aztèques auxMexicains (O. Paz). La Passion selon les Yaquis. Vivre avec la mort. L'art et le Venezuela(A. Uslar-Pietri). Pages couleurs. Les civilisations de l'Altiplano (P. Macera). L'Indienface au monde moderne (J.E. Adoum). Le Paraguay (A. Roa Bastos). L'héritage espa¬gnol (R.F. Retamar). Un continent baroque (photos). Le premier tango à Buenos Aires(CF. Moreno). Le castillan outre-atlantique (M. A. Morinigo). Victoria Ocampo (J.Rigaud). Trésors d'art : L'homme au bec d'oiseau (El Salvador).

Octobre

POUR SAUVER L'ACROPOLE (Kh. Bouras). Le mal des Caryatides. Les métamor¬phoses du Rocher sacré (J. Travlos). L'Acropole avant Périclès. Une antique démocratie(M. Andronicos). L'AcropolelA. Diamantopoulos). Périclès et Plutarque. Pour copiesconformes (photos). Un village à l'ombre des colonnes (J. Lacarrière). Aristote (C. Des-potopoulos). Trésors d'art : Athéna (Italie).

Novembre

L'AFRIQUE AUSTRALE ET LE RACISME. L'apartheid (A.M. M'Bow). Les NationsUnies contre l'apartheid (E.S. Reddy). La réalité travestie (L. Rubin). L'inégalité enAfrique du Sud (tableau). La main-d' captive. Namibie, la longue marche versl'indépendance (S. MacBride). D'autres écoles pour une nouvelle Namibie (H. G.Geingob). De la Rhodésie à Zimbabwe (M. O'Callagan). Le racisme en sport (S.A.Ogouki). L'Unesco contre l'apartheid. La déclaration universelle des droits de l'hommetrente ans "après (K. Vasak). Texte de la Déclaration. Trésors d'art : Bison (France).

Décembre

L'ESSOR DE LA CITE ARABE IL Y A 1 000 ANS. (A. Sinaceur). Les guildes et corpo¬rations (Y. Ibish). La vie intellectuelle (M. Arkoun). L'enseignement et l'éducation (H.Nashabi). Les médersas (B. Arodaky). La musique arabe (B. Moussali). La science arabeclassique (S. Galal). Extrait du Livre des Jours (Taha Hussein). La mosquée arabe et lacalligraphie (M. El-Habib). Trésors d'art. Statue himyarite. (Rép. Dem. Pop. du Yemen).

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sant directement à l'agent général (voir liste ci-dessous). Vous pouvez vous procurer, sur simpledemande, les noms des agents généraux noninclus dans la liste. Les paiements des abonne¬ments peuvent être effectués auprès de chaqueagent de vente qui est à même de communiquerle montant du prix de l'abonnement en monnaielocale.

ALBANIE. N Sh. Botimeve Nairn Frasheri, Tirana.ALGÉRIE. Institut pédagogique national, 11, rue Ali Haddad,Alger, Société nationale d'édition et diffusion (SNED), 3 bdZirout Youcef, Alger. - RÉP. FED. D'ALLEMAGNE. UnescoKurier (Édition allemande seulement : Colmantstrasse, 22,5300 Bonn. Pour les cartes scientifiques seulement : GeoCenter, Postfach 800830, 7000 Stuttgart 80. Autres publi¬cations : S. Karger GmbH, Karger Buchhandlung, Angerhof-str. 9, Postfach 2, D-8034 Germenng/Mùnchen. - RÉP. DÉM.ALLEMANDE. Buchhaus Leipzig. Postfach 140 Leipzig,internationale Buchhandlungen, en R.D.A. AUTRICHE.Df Franz Hain, Verlags- und Kommissionbuchhandlung, Indus¬triehof Stadlau, D' Otto Neurath - Gasse, 1220 Vienne.

BELGIQUE. Ag. pour les publications de l'Unesco etpour l'édition française du "Courrier" : Jean de Lannoy,202, Avenue du Roi, 1060 Bruxelles, CCPOOO-0070823-13. Editionnéerlandaise seulement : N.V. handelmaatschappij Keesing,Keesingjaan 2-18,21000 Deurne-Antwerpen. RÉP. POP.DU BENIN. Librairie nationale, B.P. 294. Porto Novo. -BRÉSIL. Fundación Getúlio Vargas, Edltora-Divisao de Vendas,Caixa Postal 9.052-ZC-02, Praia de Botafogo, 188 Rio de JaneiroRJ BULGARIE. Hemus, Kantora Literatura, bd Rousky 6,Sofia. CAMEROUN. Le secrétaire général de la Commissionnationale de la République unie du Cameroun pourl'Unesco. B.P. N°1600, Yaounde. - CANADA. Renouf Pu¬blishing Co. Ltd., 2182 St. Catherine Street West, Montréal,Que H3H IM7. - CHILI. Bibliocentro Ltda., Casilla 13731Huéfanos 1160 of. 213. Santiago (21). - RÉP. POP. DUCONGO. Librairie populaire B.P. 577 Brazzaville. COTE-D'IVOIRE. Centre d'édition et de diffusion africaines. B.P.

4541. Abidjan-Plateau. - DANEMARK. Ejnar MunksgaardLtd., 6, Nórregade, 1165 Copenhague K. - EGYPTE (RÉP.ARABE D'). National Centre for Unesco Publications, N° 1,Talaat Harb Street, Tahrir Square, Le Caire. ESPAGNE.Ediciones Liber. Apartado 17, Ondârroa (Vlscaya) ;Sr. A. González Donaire, Aptdo de Correos 341, LaCoruna. Librería Al - Andalus, Roldana, 1 y 3, Sevilla 4.

Mundl-Prensa Libros, S.A. Castello 37,. Madrid 1.LITEXSA, Liberia Técnica Extranjera, Tuset, 8-10(Edificio Monitor! Barcelona. Mundi-Prensa Libros, S A., Cas¬tello 37, Madrid 1. - ÉTATS-UNIS. Unipub. Box 433,Murray Hill Station, New York, N.Y. 10016. - FINLANDE.Akateeminen Kinjakauppa, Keskuskatu 1, 00100 Helsin¬ki. FRANCE. Librairie Unesco, 7-9, place deFontenoy, 75700 Paris. C.C.P.. 12.598.48 - GRÈCE.Librairies internationales. HAÏTI. Librairie A la Cara¬velle, 26, rue Roux, B.P. 111, Port-au-Prince. - HAUTE-

VOLTA. Lib. Attle B.P. 64, Ouagadougou. - LibrairieCatholique « Jeunesse d'Afrique ». Ouagadougou.HONGRIE. Akadémiai Konyvesbolt, Vâcl U.22, BudapestV.A.K.V. Kc-nyvtârosok Boltja. Népkoztasasag utja 16,Budapest VI. INDE. Orient Longman Ltd. : KamaniMarg. Ballard Estate. Bombay 400 038 ; 17 ChinaranjanAvenue, Calcutta 13 ; 36a Anna Salai, Mount Road, Madras 2.B-3/7 Asaf Ali Road, Nouvelle-Delhi 1, 80/1 MahatmaGandhi Road, Bangalore-560001, 3-5-820 Hyderguda, Hyde-rabad-500001. Publications Section, Ministry of Education andSocial Welfare, 511, C-Wing, Shastri Bhavan, Nouvelle-Delhi-110001 ; Oxford Book and Stationery Co., 17 Park Street,Calcutta 700016; Scindia House, Nouvelle-Delhi 110001.IRAN. Commission nationale iranienne pour l'Unesco, av.Iranchahr Chomall N" 300 ; B.P. 1533, Téhéran, KharazmlePublishing and Distribution Co. 139 Shah Reza Ave. Opposite toUniver. of Téhéran P.O. Box 14/486, Téhéran. - IRLANDE.

The Educational Co. of Ir. Ltd., Ballymount Road Walkinstown,Dublin 12. ISRAEL. Emanuel Brown, formerly Blumstein'sBook-stores : 35, Allenby Road et 48, Nachlat BenjaminStreet, Tel-Aviv ; 9 Shlomzlon Hamalka Street, Jérusalem.

ITALIE. Licosa (Librería Commissionaria Sansonl, S.p.A.)via Lamarmora, 45, Casella Postale 552, 50121 Florence.JAPON. Eastern Book Service Inc. C.P. O Box 1728,Tokyo 100 92. LIBAN. Librairies Antione, A. Naufal etFrères; B.P. 656, Beyrouth. - LUXEMBOURG. LibrairiePaul Brück, 22, Grand-Rue, Luxembourg.MADAGASCAR. Toutes les publications : Commissionnationale de la Rép. dém. de Madagascar pour l'Unesco,Ministère de l'Éducation nationale, Tananarive. MALI.Librairie populaire du Mali, B.P. 28, Bamako. MAROC.

Librairie « Aux belles images », 282, avenue Mohammed-V,Rabat, C.C.P. 68-74. « Courrier de l'Unesco » : pour lesmembres du corps enseignant ; Commission nationalemarocaine pour l'Unesco 20, Zenkat Mourabitine, Rabat(C.C.P. 324-45). - MARTINIQUE. Librairie «Au Boul'

Mich », 1, rue Perrinon, et 66, av. du Parquet, 972, Fort-de-France. MAURICE. Nalanda Co. Ltd., 30, Bourbon Street ;Port-Louis. MEXIQUE. SABSA, Servicios a Bibliotecas,S.A., Insurgentes Sur N° 1032-401, México 12, - MONACO.British Library, 30, boulevard des Moulins, Monte-Carlo.

MOZAMBIQUE. Instituto Nacional do livra e do Disco

(INLD), Avenida 24 de Julho, 1921 r/c e 1" andar, Ma¬

puto. NIGER. Librairie Mauclert, B.P. 868, Niamey.NORVÈGE. Toutes les publications ; Johan Grundt

Tanum (Booksellers), Karl Johans gate 41/43, Oslo 1. Pourle « Courrier » seulement : A.S. Narvesens, LitteraturtjenesteBox 6125 Oslo 6. - NOUVELLE-CALÉDONIE. ReprexS.A.R.L., B.P. 1572, Nouméa - PARAGUAY. Agenda dediaros y revistas, Sra. Nelly de Garcia Astillero, Pte.Franco N° 580 Asunción. - PAYS-BAS. « Unesco

Koerier » (Édition néerlandaise seulement) Systemen Keesing,Ruysdaelstraat 71-75. Amsterdam-1007. Agent pour les autreséditions et toutes les publications de l'Unesco ; N.V.Martmus Nijhoff, Lange Voorhout 9. 's-Gravenhage POLO¬GNE. ORPAN-Import. Palac kultury I Naukl, 00-901 Varsovie,Ars-Polona-Ruch, Krakowskie - Przedmiescie N°7, 00-068Varsovie. PORTUGAL. Dias & Andrade Ltda. Livraria

Portugal, rue do Cormo, 70, Lisbonne. ROUMANIE.ILEXIM. Romlibrl, Str. Biserlca Amzei N° 5-7, P.O.B. 134-

135, Bucarest. Abonnements aux périodiques : Rompresfilateliacalea Victorieino 29, Bucarest. - ROYAUME-UNI.H. M. Stationery Office P.O. Box 569, Londres S.E.' 1 - SÉNɬGAL. La Maison du Livre, 13, av. Roume, B.P. 20-60,Dakar, Librairie Clairafrique, B.P. 2005, Dakar, Librairie « LeSénégal » B.P. 1954, Dakar. - SEYCHELLES. New ServiceLtd. Kingsgate House, P.O. Box 131, Mahé. - SUÈDE.Toutes les publications : A/B CE. Fntzes Kungl.Hovbodhandel, Fredsgatan, 2, Box 16356, 103-27 Stockholm,16. Pour le « Courrier » seulement ; Svenska FN-

Forbundet, Skolgrand 2, Box 150-50, S-10465 Stockholm-Postglro 184692. SUISSE. Toutes publications. Europa Ver¬lag, 5, Ramistrasse, Zurich. C.C.P. 80-23383. LibrairiePayot, 6, rue Grenus, .1211, Genève 11. C.C.P. : 12.236.

SYRIE. Librairie Sayegh Immeuble Diab, rue du Parlement,B.P. 704, Damas. - TCHÉCOSLOVAQUIE: S. N.T.L., Spalena51, Prague 1 (Exposition permanente) ; Zahraclnl Literatura, 11Soukenlcka, Prague 1 . Pour la Slovaque seulement : AlfaVerlag Publishers, Hurbanovo nam. 6, 893 31 Bratislava.TOGO. Librairie Êvangélique, B.P. 1164, Lomé, Librairiedu Bon Pasteur, B.P. 1164, Lomé, Librairie Moderne,B.P. 777, Lomé. TUNISIE. Société tunisienne de difusión,5, avenue de Carthage, Tupis. TURQUIE. Librairie Hachette,469 Istiklal Caddesi ; Beyoglu, Istambul. - U.R.S.S. Me|d-unarodnaya Kniga, Moscou, ' G-200 URUGUAY. EditorialLosada Uruguaya, S.A. Librería Losada, Maldonado, 1092,Colonia 1340, Montevideo. YOUGOSLAVIE. JugoslovenskaKnjiga, Terazije 27, Belgrade. Drzavna Zalozba Slovenije,Titova C 25, P.O.B. 50, Ljubljana. - RÉP. DU ZAIRE.La librairie. Institut national d'études politiques, B.P. 2307,Kinshasa. Commission nationale de la Rép. du Zaire pourl'Unesco, Ministère de l'Éducation nationale, Kinshasa.

Page 56: Le mariage de l'écriture et de l'architecture

Médine

ville du Prophète

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Après 13 ans de predication à la Mecque, Mohammad demeurera jusqu'à samort à 500 kilomètres de là, dans la ville de Yathrib, qui prendra le nom deMadînat-al -Nabî, ou "ville du Prophète", pour s'appeler plus tard,brièvement, al-Madina (La Ville). Cette ¡mage en céramique de facture '' ;mamelouk (Egypte), datant du 17e siècle, évoque les hauts lieux de Médine,notamment la demeure de Mohammad, archétype des mosquées.

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