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Le ministère de la culture se veut écoresponsable Mineurs chiliens Les 33 mineurs bloqués à 700 mètres sous terre depuis le 5 août pourraient remonter à la surface dans la deuxième quinzaine d’octobre, a annon- cé le ministère chilien des mines. Leur remontée était programmée en novembre, mais les sauve- teurs avancent plus vite que prévu. « 365 jours avec les oiseaux » L’ornithologue Philippe Dubois égrène le calendrier pour donner à découvrir autant d’espèces qu’il existe de jours. De l’oiseau le plus commun au plus exotique. Avec la collaboration des plus grands photographes d’oiseaux. Ed. de La Martinière, 744 p., 34 ¤ Les deux pôles de la lenteur Slow Food Fondée en 1989 pour défendre alimentation de qualité, respect de l’environnement et dynamisme des communautés locales, l’organisation Slow Food revendique 100 000 membres dans 1 300 antennes locales (les « conviviums ») de 150 pays. Slow Food France affiche 4 000 sympa- thisants dans 45 conviviums. Cittaslow Créé en 1999 à Greve in Chianti, en Toscane, le mouve- ment réunit 140 villes de 21 pays, comme Bra (Italie), Ludlow (Gran- de-Bretagne), Katoomba (Austra- lie), Levanger (Norvège), Fairfax (Californie), ou Uberlingen (Alle- magne). La plupart comptent de 10 000 à 20 000 habitants. « Nous nous opposons au courant dominant de l’urgence » Rigueur en Espagne Le ministère espagnol de l’environnement sera l’une des principales victimes de la rigueur bud- gétaire. Il perdra 34 % de ses crédits, selon le pro- jet de budget pour 2011, présenté jeudi 30 septem- bre. Les coupes les plus sévères affecteront les programmes de lutte contre la pollution de l’eau. Education Il manque 1,9 million d’instituteurs dans le monde Il va falloir recruter 9,1 millions d’enseignants d’ici à 2015 : 7,2 millions pour remplacer ceux qui partent à la retraite, et 1,9 million pour com- bler la pénurie et assurer la scolarisation de tous les enfants de 6 à 11 ans, selon le dernier rapport de l’Unesco sur la demande mondiale d’ensei- gnants du primaire, qui sera présenté, mardi 5 octobre, à l’occasion de la Journée mondiale des enseignants. Quatre-vingt-dix-neuf pays ont besoin d’accroître leurs recrutements en primaire, étant donné la crois- sance du nombre d’écoliers, alors que 108 pays peuvent envisager de les réduire. La pénurie se concentre pour moitié sur l’Afrique subsaharien- ne (1,05 million) et, dans une moindre mesure, dans les Etats arabes (281 000), en Asie du Sud et de l’Ouest (260 000), ainsi qu’en Amérique du Nord et en Europe occidentale (152 000). p Brigitte Perucca Santé La France maintient l’interdiction des biberons contenant du bisphénol A La secrétaire d’Etat à l’écologie, Chantal Jouanno, assure que la France va maintenir l’interdiction des biberons contenant du bisphénol A, en dépit de l’avis rendu, vendredi 1 er octobre, par l’Autorité européenne de sécurité des aliments. L’agence estime que ce composé chimique ne pré- sente pas de risque pour la santé. En Europe, le Danemark est le seul autre pays à interdire le bisphénol A. L’Union européenne doit prochai- nement fixer sa position. – (AFP.) Segonzac (Charentes) Envoyé spécial L e soleil se couche sur les vignes de Charentes, la ven- dangeuse rentre au garage chez Bernard et Monique Moreau. Une fin de journée ordinaire au pays du cognac… jusqu’à l’arrivée des amis et voisins, les bras chargés de plats maison, de raisin frais pres- sé, de légumes du jardin. Voilà le hameau de Deuville réuni pour un apéritif « slow food ». L’occasion rêvée pour le maire, Véronique Marendat (Nouveau Centre), d’ex- pliquer à ses administrés pourquoi leur commune de Segonzac vient de devenir la capitale française… de la lenteur. La municipalité est la première de France à adhérer à Cittaslow, le réseau international des « villes len- tes ». Inspiré du slow food, le mou- vement est né en Italie en 1999 et promeut une gestion municipale centrée sur la qualité de vie, l’écono- mie de proximité, le respect des paysages…, en réaction aux zones commerciales et industrielles, à l’étalement pavillonnaire et au tout-voiture devenus l’ordinaire d’un urbanisme débridé. Cette révolution tranquille compte de plus en plus de parti- sans. Cent quarante villes de 21 pays ont déjà adhéré à cette char- te de 70 obligations. On trouve des villes lentes dans toute l’Europe, mais aussi en Australie, en Corée du Sud, en Turquie, au Canada… « Fil conducteur » Que diable va chercher dans cet- te aventure une commune de 2 300 âmes, que ne guette aucun risque de mégapolisation ? « Les petites communes sont les moins armées face aux pièges d’un déve- loppement anarchique. Ce qui nous intéresse, c’est moins le label que la démarche. Nous avons des choix importants à faire. Cittaslow va donner un fil conducteur à notre politique d’aménagement », expli- que la jeune femme, élue atypique dans cet univers de viticulteurs. Ouverture d’un parc public, rénovation de bâtiments viticoles en bureaux, retour du petit com- merce, réhabilitation d’un réseau de ruelles piétonnes et cyclables, structuration d’un marché de pro- ducteurs locaux, investissement dans la petite enfance et la maison de retraite, création de jardins par- tagés, transformation de la station d’épuration en bassins filtrants naturels… les chantiers ne man- quent pas. La commune ne part pourtant pas de zéro. Tels des Monsieur Jourdain de l’aménagement du ter- ritoire, les Ségonzacais faisaient du « slow » sans le savoir. Et pas seulement parce que les Charen- tais arborent pour emblème un escargot – la cagouille –, qui est aus- si le logo de Cittaslow. « Le cognac nous a donné une culture de la len- teur : la vigne, le vieillissement en fûts, cela apprend un rapport au temps particulier », pense Colette Laurichesse, l’adjointe au maire, qui a ficelé le dossier Cittaslow. Le cognac est aussi l’occasion de mettre en valeur compétences et productions locales : plus petite cité universitaire de France, Segon- zac héberge l’Université interna- tionale des eaux-de-vie et bois- sons spiritueuses et le Centre inter- national des eaux-de-vie, sans oublier l’Institut français de la vigne et du vin. Surtout, la munici- palité a voté, dès 2006, un plan local d’urbanisme qui encadre strictement les constructions, interdisant l’étalement des hameaux, empêchant le mitage du territoire. « On ne construira de logements que sur des terrains pro- ches du centre et sous forme d’éco- quartiers », assure M me Marendat. Une ambition rare pour une com- mune de cette taille. Pas question pour autant, pour cette professeure d’économie et de gestion, de passer pour une adepte de la décroissance, dont se revendi- quent certains apôtres du « slow ». « Ce que nous voulons, c’est une crois- sance raisonnée, sortir de la consom- mation abrutie des zones commer- ciales. Mais pour garder notre popu- lation, nous devons lui donner accès à des services et des emplois, donc créer des zones d’activité. » Paradoxalement, pour la petite commune, l’adhésion à Cittaslow a entraîné… une formidable accélé- ration du temps. Des journalistes comme s’il en pleuvait, des appels incessants d’urbanistes, de munici- palités… Nourri par les écrits du philosophe allemand Hartmut Rosa, auteur de l’essai Accélération (La Découverte, 474 p., 27,50 euros), ou du journaliste canadien Carl Honoré, auteur en 2004 du best-seller Eloge de la len- teur, le monde occidental se prend de passion pour la lenteur, slogan et paradigme d’un mode de vie alternatif où figure en bonne place le souci de l’écologie. Epicentre du phénomène dans l’Hexagone, Segonzac travaille aujourd’hui avec la direction de Cittaslow pour enrôler d’autres communes et constituer un réseau français de villes lentes. La municipalité animera à la Foire de Paris, en avril 2011, un espace Cit- taslow qui servira de vitrine à la constellation de la lenteur. p Grégoire Allix La révolution des « villes lentes » gagne la France Dans les Charentes, Segonzac devient la vitrine d’un mouvement qui met en avant la qualité de la vie Planète L e domaine national de Cham- bord envisage de chauffer au bois son donjon, les écuries et l’enceinte basse du château. La Cité de la porcelaine de Sèvres récupère les eaux de pluie pour ali- menter les broyeurs servant à la fabrication de pâte à porcelaine… Les exemples de bonnes prati- ques écologiques déployées par le ministère de la culture ne man- quent pas et celui-ci s’applique à les mettre en avant pour montrer qu’il apporte sa touche à la politi- que « écoresponsable » défendue par le gouvernement. A l’occasion d’un forum, jeudi 30 septembre, sur « culture et développement durable », le ministre de la culture, Frédéric Mitterrand, a ainsi expli- qué qu’il ne fallait pas opposer protection du patrimoine et déve- loppement durable : « C’est bien le même objectif qui est en vue, celui de la préservation de nos héritages ainsi que la protection et l’amélio- ration de notre cadre de vie. » Un programme d’actions étalé sur les trois prochaines années sera adopté d’ici à décembre. Car au-delà des exemples présentés jeudi, le ministère veut repenser l’ensemble de ses politiques et de ses modes d’intervention. Pour l’occasion, bien sûr, le papier était issu de forêts « gérées durable- ment » et le traiteur était « éthique, solidaire et responsable ». Mais le ministère veut aller au-delà de l’achat de produits bio et locaux, de la « rationalisation du parc automobile » ou du développe- ment de « l’éco-mobilité » des agents et du public. « On peut imaginer que, s’agis- sant de la conservation des œuvres, on conçoive des équilibres entre hygrométrie et température qui permettent des économies d’énergie », avance Valérie Vesque- Jeancard, secrétaire générale adjointe du ministère. La doctrine d’une température à 20 ºC et d’une hygrométrie à 50 % aurait vécu. Le projet de Centre de restau- ration et de conservation des musées de France, prévu pour 2015 à Cergy-Pontoise, qui regrou- perait les réserves des musées situés en zone inondable, comme le Louvre, Orsay, le Centre Pompi- dou, etc., devrait prendre en comp- te ces nouvelles réflexions. « Rationaliser » Tout comme le futur Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée, qui ouvrira ses portes à Marseille en 2013. Le bâti- ment, situé à l’entrée du port, pompera l’eau de mer à 8 mètres de profondeur pour avoir une tem- pérature stable et l’utilisera pour gérer les conditions thermiques du bâtiment. Le soleil marseillais sera, lui, mis à contribution par l’utilisation de panneaux photo- voltaïques. Une réflexion est aussi menée sur le convoiement et le déplace- ment des œuvres. « Il n’est bien sûr pas question de limiter le rayonne- ment international de nos musées, mais on peut rationaliser les dépla- cements », fait valoir Guillaume Boudy, secrétaire général du ministère. Le ministère entend aussi fai- re de la culture un vecteur d’édu- cation au développement dura- ble à travers la formation des architectes, des urbanistes ou des métiers de l’audiovisuel en ini- tiant aux tournages à faible empreinte écologique. p Rémi Barroux Un apéritif « slow food » dans le hameau de Deuville, à Segonzac, vendredi 24 septembre. GREGORY BRANDEL/SYNCHROX POUR « LE MONDE » Entretien Pier Giorgio Oliveti est le direc- teur du réseau international Cit- taslow, basé à Orvieto, en Italie. Quel est le but de votre démarche ? L’objectif de Cittaslow est de bâtir des villes où les gens vivent plus heureux. De grosses erreurs ont été commises ces dernières décennies en matière d’aménage- ment, entraînant une consomma- tion effrénée de ressources et de territoire. Les villes perdent toute identité, tout lien social. La len- teur, cela consiste à redonner la priorité à l’humain, à réduire notre consommation, à arrêter le gaspillage, à mettre en valeur les produits et les savoirs locaux. Est-ce un réseau écologiste ? L’écologie devrait être un sujet primordial pour chacun d’entre nous. Notre mouvement est aussi éthique, humaniste. Nos valeurs forment un programme économi- que et social. Le monde de Cittas- low, ce sont des centaines de petits projets dans la solidarité, l’énergie, le tourisme, l’éducation, avec au centre la question de l’ali- mentation et la place du paysan. L’industrialisation de l’agricultu- re a été catastrophique pour la santé, pour l’environnement et pour l’économie. Nous devons revenir aux circuits de proximité. On hésite entre vous dire réac- tionnaires ou révolutionnaires… Nous ne sommes ni passéistes, ni ennemis de la technologie, ni opposés à la globalisation par principe. Nous ne sommes pas hostiles au concept de croissance s’il s’agit d’une économie verte. En ces temps où la finance est rei- ne, nous voulons changer le mode de développement. Nous sommes une contre-culture qui s’oppose au courant dominant du « fast- living », de l’urgence. C’est une révolution douce. Peut-on appliquer vos principes à de grandes agglomérations ? Les décisions importantes ne sont généralement plus dans les mains des citoyens. Il n’y a qu’au niveau local qu’on a une chance de reprendre en mains son futur. C’est pourquoi notre charte n’ac- cepte que les villes de moins de 50 000 habitants, où les maires ont une relation directe avec les gens. Mais nous avons des contacts avec des élus de Bruxel- les, de Vienne ou de Pusan, la deuxième ville de Corée du Sud, qui veulent utiliser nos concepts pour certains projets ou quartiers. Votre vice-président, Angelo Vassalla, maire de Pollica, en Ita- lie, a été assassiné le 6 septem- bre. La lenteur dérange ? Angelo Vassallo était un modè- le d’élu courageux, très impliqué dans Cittaslow et dans Slow Food, un militant écologiste qui n’avait pas peur de s’opposer à la camor- ra napolitaine ou aux criminels de Calabre. Il a perdu la vie pour cet idéal. Mais c’est une situation spécifique au sud de l’Italie. p Propos recueillis par G. A. 4 0123 Dimanche 3 - Lundi 4 octobre 2010

Le Monde

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Cittaslow France

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Leministère dela culture se veutécoresponsable

Mineurs chiliensLes 33 mineurs bloqués à 700 mètres sous terredepuis le 5 août pourraient remonter à la surfacedans la deuxième quinzaine d’octobre, a annon-cé le ministère chilien des mines. Leur remontéeétait programmée en novembre, mais les sauve-teurs avancent plus vite que prévu.

«365 jours avec les oiseaux»L’ornithologuePhilippe Duboiségrènelecalendrierpour donnerà découvrirautant

d’espècesqu’il existe dejours. Del’oiseau leplus communauplus exotique. Avecla collaboration desplus grandsphotographesd’oiseaux. Ed. de La Martinière, 744 p., 34 ¤

Lesdeuxpôlesdela lenteur

Slow Food Fondée en 1989 pourdéfendre alimentation de qualité,respect de l’environnement etdynamisme des communautéslocales, l’organisation Slow Foodrevendique 100000 membresdans 1300 antennes locales (les«conviviums ») de 150 pays. SlowFood France affiche 4000 sympa-thisants dans 45 conviviums.

Cittaslow Créé en 1999 à Grevein Chianti, en Toscane, le mouve-ment réunit 140 villes de 21 pays,comme Bra (Italie), Ludlow (Gran-de-Bretagne), Katoomba (Austra-lie), Levanger (Norvège), Fairfax(Californie), ou Uberlingen (Alle-magne). La plupart comptent de10000à 20000 habitants.

«Nous nous opposons aucourant dominant del’urgence»

Rigueuren EspagneLe ministère espagnol de l’environnement seral’une des principales victimes de la rigueur bud-gétaire. Il perdra 34% de ses crédits, selon le pro-jet de budget pour 2011, présenté jeudi 30septem-bre. Les coupes les plus sévères affecteront lesprogrammes de lutte contre la pollution de l’eau.

Education

Ilmanque 1,9million d’instituteursdansle mondeIl va falloir recruter 9,1millions d’enseignants d’ici à 2015 : 7,2 millionspour remplacer ceux qui partent à la retraite, et 1,9million pour com-bler la pénurie et assurer la scolarisation de tous les enfants de 6 à 11 ans,selon le dernier rapport de l’Unesco sur la demande mondiale d’ensei-gnants du primaire, qui sera présenté, mardi 5 octobre, à l’occasion de laJournée mondiale des enseignants. Quatre-vingt-dix-neuf pays ontbesoin d’accroître leurs recrutements en primaire, étant donné la crois-sance du nombre d’écoliers, alors que 108 pays peuvent envisager de lesréduire. La pénurie se concentre pour moitié sur l’Afrique subsaharien-ne (1,05 million) et, dans une moindre mesure, dans les Etats arabes(281 000), en Asie du Sud et de l’Ouest (260000), ainsi qu’en Amériquedu Nord et en Europe occidentale (152000). p Brigitte Perucca

SantéLa France maintient l’interdiction des biberonscontenant du bisphénol ALa secrétaire d’Etat à l’écologie, Chantal Jouanno, assure que la Franceva maintenir l’interdiction des biberons contenant du bisphénol A, endépit de l’avis rendu, vendredi 1er octobre, par l’Autorité européenne desécurité des aliments. L’agence estime que ce composé chimique ne pré-sente pas de risque pour la santé. En Europe, le Danemark est le seulautre pays à interdire le bisphénol A.L’Union européenne doit prochai-nement fixer sa position. – (AFP.)

Segonzac (Charentes)Envoyé spécial

L e soleil se couche sur lesvignes de Charentes, la ven-dangeuse rentre au garage

chez Bernard et Monique Moreau.Une fin de journée ordinaire aupays du cognac… jusqu’à l’arrivéedes amis et voisins, les bras chargésdeplatsmaison,deraisinfraispres-sé, de légumes du jardin. Voilà lehameau de Deuville réuni pour unapéritif « slow food ». L’occasionrêvée pour le maire, VéroniqueMarendat (Nouveau Centre), d’ex-pliquer à ses administrés pourquoileur commune de Segonzac vientde devenir la capitale française… dela lenteur.

La municipalité est la premièrede France à adhérer à Cittaslow, leréseauinternationaldes«villeslen-tes». Inspiré du slow food, le mou-vement est né en Italie en 1999 etpromeut une gestion municipalecentréesurlaqualitédevie, l’écono-mie de proximité, le respect despaysages…, en réaction aux zonescommerciales et industrielles, àl’étalement pavillonnaire et autout-voiture devenus l’ordinaired’un urbanisme débridé.

Cette révolution tranquillecompte de plus en plus de parti-sans. Cent quarante villes de21pays ont déjà adhéré à cette char-te de 70 obligations. On trouve desvilles lentes dans toute l’Europe,mais aussi en Australie, en Coréedu Sud, en Turquie, au Canada…

«Fil conducteur»Que diable va chercher dans cet-

te aventure une commune de2 300 âmes, que ne guette aucunrisque de mégapolisation ? « Lespetites communes sont les moinsarmées face aux pièges d’un déve-loppement anarchique. Ce quinous intéresse, c’est moins le labelque la démarche. Nous avons deschoix importants à faire. Cittaslowva donner un fil conducteur à notrepolitique d’aménagement », expli-que la jeune femme, élue atypiquedans cet univers de viticulteurs.

Ouverture d’un parc public,rénovation de bâtiments viticolesen bureaux, retour du petit com-merce, réhabilitation d’un réseaude ruelles piétonnes et cyclables,structuration d’un marché de pro-ducteurs locaux, investissementdans la petite enfance et la maisonde retraite, création de jardins par-tagés, transformation de la stationd’épuration en bassins filtrantsnaturels… les chantiers ne man-quent pas.

La commune ne part pourtantpas de zéro. Tels des MonsieurJourdainde l’aménagementdu ter-ritoire, les Ségonzacais faisaientdu « slow » sans le savoir. Et passeulement parce que les Charen-tais arborent pour emblème unescargot–la cagouille –,qui estaus-

si le logo de Cittaslow. « Le cognacnous a donné une culture de la len-teur : la vigne, le vieillissement enfûts, cela apprend un rapport autemps particulier », pense ColetteLaurichesse, l’adjointe au maire,qui a ficelé le dossier Cittaslow.

Le cognac est aussi l’occasion de

mettre en valeur compétences etproductions locales : plus petitecité universitaire de France, Segon-zac héberge l’Université interna-tionale des eaux-de-vie et bois-sonsspiritueuses et leCentre inter-national des eaux-de-vie, sansoublier l’Institut français de la

vigne et du vin. Surtout, la munici-palité a voté, dès 2006, un planlocal d’urbanisme qui encadrestrictement les constructions,interdisant l’étalement deshameaux, empêchant le mitagedu territoire. « On ne construira delogements que sur des terrains pro-

ches du centre et sous forme d’éco-quartiers », assure Mme Marendat.Une ambition rare pour une com-mune de cette taille.

Pas question pour autant, pourcette professeure d’économie et degestion, de passer pour une adeptede la décroissance, dont se revendi-quent certains apôtres du «slow ».«Cequenousvoulons,c’estunecrois-sanceraisonnée,sortirdelaconsom-mation abrutie des zones commer-ciales.Mais pour garder notrepopu-lation, nous devons lui donner accèsà des services et des emplois, donccréer des zones d’activité. »

Paradoxalement, pour la petitecommune, l’adhésion à Cittaslowaentraîné… une formidable accélé-ration du temps. Des journalistescomme s’il en pleuvait, des appelsincessantsd’urbanistes,demunici-palités… Nourri par les écrits duphilosophe allemand HartmutRosa, auteur de l’essai Accélération(La Découverte, 474 p.,27,50 euros), ou du journalistecanadien Carl Honoré, auteur en2004 du best-seller Eloge de la len-teur, le monde occidental se prendde passion pour la lenteur, sloganet paradigme d’un mode de viealternatif où figure en bonne placele souci de l’écologie.

Epicentre du phénomène dansl’Hexagone, Segonzac travailleaujourd’hui avec la direction deCittaslow pour enrôler d’autrescommunes et constituer unréseau français de villes lentes. Lamunicipalité animera à la Foire deParis, en avril 2011, un espace Cit-taslow qui servira de vitrine à laconstellation de la lenteur. p

Grégoire Allix

Larévolution des «villes lentes» gagne laFranceDans les Charentes, Segonzac devient la vitrine d’un mouvement qui met en avant la qualité de la vie

Planète

L e domaine national de Cham-bord envisage de chauffer aubois son donjon, les écuries

et l’enceinte basse du château. LaCité de la porcelaine de Sèvresrécupère les eaux de pluie pour ali-menter les broyeurs servant à lafabrication de pâte à porcelaine…

Les exemples de bonnes prati-ques écologiques déployées par leministère de la culture ne man-quent pas et celui-ci s’applique àles mettre en avant pour montrerqu’il apporte sa touche à la politi-que «écoresponsable» défenduepar le gouvernement. A l’occasiond’un forum, jeudi 30septembre,sur «culture et développementdurable», le ministre de la culture,Frédéric Mitterrand, a ainsi expli-qué qu’il ne fallait pas opposerprotection du patrimoine et déve-loppement durable : «C’est bien lemême objectif qui est en vue, celui

de la préservation de nos héritagesainsi que la protection et l’amélio-ration de notre cadre de vie.»

Un programme d’actions étalésur les trois prochaines annéessera adopté d’ici à décembre. Carau-delà des exemples présentésjeudi, le ministère veut repenserl’ensemble de ses politiques et deses modes d’intervention. Pourl’occasion, bien sûr, le papier étaitissu de forêts «gérées durable-ment» et le traiteur était «éthique,solidaire et responsable». Mais leministère veut aller au-delà del’achat de produits bio et locaux,de la «rationalisation du parcautomobile» ou du développe-ment de «l’éco-mobilité» desagents et du public.

«On peut imaginer que, s’agis-sant de la conservation desœuvres, on conçoive des équilibresentre hygrométrie et température

qui permettent des économiesd’énergie», avance Valérie Vesque-Jeancard, secrétaire généraleadjointe du ministère. La doctrined’une température à 20ºC etd’une hygrométrie à 50% auraitvécu. Le projet de Centre de restau-ration et de conservation desmusées de France, prévu pour2015 à Cergy-Pontoise, qui regrou-perait les réserves des muséessitués en zone inondable, commele Louvre, Orsay, le Centre Pompi-dou, etc., devrait prendre en comp-te ces nouvelles réflexions.

«Rationaliser»Tout comme le futur Musée

des civilisations de l’Europe et dela Méditerranée, qui ouvrira sesportes à Marseille en 2013. Le bâti-ment, situé à l’entrée du port,pompera l’eau de mer à 8mètresde profondeur pour avoir une tem-

pérature stable et l’utilisera pourgérer les conditions thermiquesdu bâtiment. Le soleil marseillaissera, lui, mis à contribution parl’utilisation de panneaux photo-voltaïques.

Une réflexion est aussi menéesur le convoiement et le déplace-ment des œuvres. «Il n’est bien sûrpas question de limiter le rayonne-ment international de nos musées,mais on peut rationaliser les dépla-cements», fait valoir GuillaumeBoudy, secrétaire général duministère.

Le ministère entend aussi fai-re de la culture un vecteur d’édu-cation au développement dura-ble à travers la formation desarchitectes, des urbanistes ou desmétiers de l’audiovisuel en ini-tiant aux tournages à faibleempreinte écologique. p

Rémi Barroux

Un apéritif «slow food» dans le hameau de Deuville, à Segonzac, vendredi 24septembre. GREGORY BRANDEL/SYNCHROX POUR « LE MONDE »

Entretien

Pier Giorgio Oliveti est le direc-teur du réseau international Cit-taslow, basé à Orvieto, en Italie.Quel est le but de votredémarche?

L’objectif de Cittaslow est debâtir des villes où les gens viventplus heureux. De grosses erreursont été commises ces dernièresdécennies en matière d’aménage-ment, entraînant une consomma-tion effrénée de ressources et deterritoire. Les villes perdent touteidentité, tout lien social. La len-teur, cela consiste à redonner lapriorité à l’humain, à réduirenotre consommation, à arrêter legaspillage, à mettre en valeur lesproduits et les savoirs locaux.

Est-ce un réseau écologiste?L’écologie devrait être un sujet

primordial pour chacun d’entrenous. Notre mouvement est aussiéthique, humaniste. Nos valeursforment un programme économi-que et social. Le monde de Cittas-low, ce sont des centaines depetits projets dans la solidarité,l’énergie, le tourisme, l’éducation,avec au centre la question de l’ali-mentation et la place du paysan.L’industrialisation de l’agricultu-re a été catastrophique pour lasanté, pour l’environnement etpour l’économie. Nous devonsrevenir aux circuits de proximité.On hésite entre vous dire réac-tionnaires ou révolutionnaires…

Nous ne sommes ni passéistes,ni ennemis de la technologie, ni

opposés à la globalisation parprincipe. Nous ne sommes pashostiles au concept de croissances’il s’agit d’une économie verte.En ces temps où la finance est rei-ne, nous voulons changer le modede développement. Nous sommesune contre-culture qui s’opposeau courant dominant du « fast-living », de l’urgence. C’est unerévolution douce.Peut-on appliquer vos principesà de grandes agglomérations?

Les décisions importantes nesont généralement plus dans lesmains des citoyens. Il n’y a qu’auniveau local qu’on a une chancede reprendre en mains son futur.C’est pourquoi notre charte n’ac-cepte que les villes de moins de50000 habitants, où les maires

ont une relation directe avec lesgens. Mais nous avons descontacts avec des élus de Bruxel-les, de Vienne ou de Pusan, ladeuxième ville de Corée du Sud,qui veulent utiliser nos conceptspour certains projets ou quartiers.Votre vice-président, AngeloVassalla, maire de Pollica, en Ita-lie, a été assassiné le 6septem-bre. La lenteur dérange?

Angelo Vassallo était un modè-le d’élu courageux, très impliquédans Cittaslow et dans Slow Food,un militant écologiste qui n’avaitpas peur de s’opposer à la camor-ra napolitaine ou aux criminelsde Calabre. Il a perdu la vie pourcet idéal. Mais c’est une situationspécifique au sud de l’Italie. p

Propos recueillis par G. A.

4 0123Dimanche 3 - Lundi 4 octobre 2010