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Supplément au Monde 20890 daté du 20 mars 2012. Ne peut être vendu séparément campus Tunis : débat de fond à la fac de théologie Cadres au bord de la crise de nerfs La revanche des geeks formation - recrutement - carrière Emploi • Recherche • Industrie Pour qui faut-il voter ?

Le Monde Campus

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Page 1: Le Monde Campus

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Page 2: Le Monde Campus

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Page 3: Le Monde Campus

mardi20mars2012 LeMondeCampus /3

Léditorial

Choix d’avenir

Le22avril et le6mai, lesFrançaisvontélireunprésidentde laRépubliqueaumomentoù lepaysest confrontéàunecriseéconomiqueet sociale sansprécédentdepuis lesannées 1930.Durant les cinqannéesdesonmandat sedessineraet sedécidera lamanièredont laFrancesortiradecette crise, levisagequ’elleprésenteraet lemodèlequ’elle représenterapourlesdécennies suivantes.Unepériodederupturesetde redéfinitions imposéespar lesmutationséconomiqueset socialesà l’œuvre,dontonaimeraitque lesdébatsde la campagneélectoraleencours soientenquelquesorte l’anticipation :onenestmalheureusementassez loin.C’estdommage, car celaaurait été lemoyend’intéresser les jeunes, enparticulier lesjeunesdiplômésdesuniversitésetdesécoles, à cequipourrait senouerà l’intersectiondes joutespolitiquesetdeleurpropreavenir.Comment lesentreprisesfrançaises–et les jeunesdiplômés français –peuvent-ils se faireuneplacedansuneéco-nomiemondialiséeaumomentoù lagéographiede laproductiondesbiensdeconsommation,de la répartitiondupouvoiréconomique,des flux financiers,maisausside l’innovation, est en traindebasculerverslespaysémergents ?Aumomentoùnotremodèledeconsommationdebiensetdeservices sociaux,basé sur le crédit

et legaspillagederessourcesnaturelleset financièresnonrenouvelables, est entréencrise ?Aumomentoù l’enrichissementdesunset l’appauvrissementdesautresremettentencause la cohésionsociale ?Aumomentoù la taylorisationdes tâches,y compris intellectuelles, et la réductionpermanentedesmoyensaunomde larentabilité financière, s’avèrent incapables,dans lesentreprises, d’aboutir à la«performance»età laqualitéexigéespar le sacro-saint client, épuisantaupassageles ressourcespsychiqueset l’engagementdesalariéspressurés ?Mais chaquecrised’unmodèleéconomiqueet social accouche, aprèsdesconvulsionsque l’onpeutespérer lesmoinsviolentespossibles, d’unnouveaumodèle. Laquestionquidevrait êtreposéeauxFrançais lorsdesprochaineséchéancesélectoralesestdesavoir lequel.Dans lespropositionsdescandidats, quelles sont cellesqui sontlesplusaptesà répondreauxdéfisqu’imposent lesmutationsencours ?Quellepolitiquepublique,quelleimpulsion, accompagnera lemieux la«montéeengamme»–en innovations,encompétences, enqualifications,enorganisation, en financement–querecommandentnombred’expertspourpermettreà l’économie françaisedegarder le capdans la tempêtemondiale ?Cesquestionsd’avenirméritentquel’onregarded’unpeuprès cequeproposenteffectivement les candidats.

AntoineReverchon

Page 4: Le Monde Campus

Libre à vous d’évoluer…

…avec un Groupequi porte vos ambitions

le groupe la poste reCrute plusieurs milliers de collaborateurs en 2012

En nous rejoignant, vous intégrez un grand groupe de services. L’ambition du Groupe La Poste : devenir le leader européen des serviceset des échanges, tout en restant fidèle à ses valeurs. Le Groupe La Poste, c’est aujourd’hui plus de 250 sociétés, rassemblant 280 000collaborateurs. la force du Groupe, c’est vous !

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C E R T I F I E D B Y T H E C R F I N S T I T U T E

Page 5: Le Monde Campus

mardi20mars2012 LeMondeCampus /5

Les propositions de trois des principaux candidats………………………………………....…………………………....……………P. 10L’autonomie des universités confrontée à la rigueur……………………………………………………………….....……………P. 12« Les trois leviers de l’excellence ont été pris en compte. » Entretien avec Yann Algan….…....……….…P. 14La voie de la professionnalisation………………………………………………………………………………………………………..……….…P. 16L’apprentissage nouvelle version……………………………………………………………………………………………………………...……...P. 18Faut-il parier sur la professionnalisation ?…………………………………………………………………………………………………....P. 20Le retour de l’industrie……………………………………………………………………………………………………………………......................……P. 22Reportage : L’INSA Toulouse prépare un virage sur l’aile………………………………………….........………………..………P. 24

Dossier :Lescandidats, l’industrieet les jeunesdiplômés P. 8

Président dudirectoire, directeur de la publication : LouisDreyfus.Directeur du«Monde»,membredudirectoire, directeur des rédactions : Erik Izraelewicz.Coordination rédactionnelle :AntoineReverchon, Pierre Jullien.Direction artistique :Michel Sikora.Rédacteurs en chef techniques :Christine Laget, AlexMonnet (adjoint). Edition :AmélieDuhamel.

Illustrateurs :Olivier Balez, EmmanuelKerner, StéphaneKiehl, Chloé Poizat et Rocco.Publicité :BrigitteAntoine. Fabrication : AlexMonnet, Jean-MarcMoreau. Imprimeur : Sego, Taverny.

Tunisie : Débat de fond à la fac de théologie…………………………………………………………..……………………………………...……P. 26Travailler auMaghreb et auMachrek…………………………………………………………………….…………………………………………...…P. 28Reportage :Où vont les jeunes diplômés européens…………………………………………………….....………………………………..P. 30La joyeuse revanchedes geeks…..........………………………………………………………………………………………………………………...………P. 32Le référencement, unmétier à part entière…………………………………………………………………………....……………...……..………P. 34Réseaux sociaux : tant de bruit pour si peu…………………………………………………………………………………………………..……P. 36«Desmilliers de conversations sur les entreprises. » Entretien avec Christine Balagué…………...........……P. 37Les écoles privées, un filonpour les investisseurs………………………………………………………………………………….………...P. 38

Editorial………………………………………………………………………………………………………………………………................................................………………p3Enbref……………………………………………………………………………………………………………………………………...................................................…………p6

Sommaire

« Loyauté et contratmoral sont associés à l’engagement. » Entretienavec Pierre Lamblin…..……..P. 42L’inquiétude dope la gauche chez les manageurs……………………………………………………………………………….…..…P. 43Manageur stressé sachant déstresser sans stress………………......……………………………………………………………..…P. 46Des avantagesmenacés par la crise……………………………………………..………………………………………………….………...…….P. 50

Dossier :Cadresauborddelacrisedenerfs P.40

Changer demétier, c’est toujours possible………………………………………………………...……………………………………………...…P. 52A la fac, le sport traîne la patte………………………………………………………………………………………………………………………………..…P. 54« Seuls 20 %des étudiants pratiquent le sport sur le campus. » Entretien avecGérardAuneau.....…..P. 56DRH, apprenez à reconnaître un« djeun »….………………………………………………………………………………………………...……P. 58Bienvenuedans la famille…………………………..………………………………………………………………….……………………………………..…....P. 60C’est uneplaisanterie, j’espère !……………………..……………………………………………………………………………………..……….…………P. 62Prépas privées pour concours publics……………………………………………………………………………………………………...……...……P. 64A lire……………....................................................…………………………………………………………………………………………………………………………...….…P. 66

Illustrationde couverture :OlivierBalez

Page 6: Le Monde Campus

6/ LeMondeCampusmardi20mars2012

L e Chili prépareun projet de loi

qui introduit un fortpourcentage derémunération à laperformance pour lesenseignants, avec uneévaluation régulière etle moyen d’augmenterson salaire jusqu’à 64 %.Selon Harald Beyer, leministre de l’éducation,le salaire d’un bon prof,qui avoisine 766 000pesos (1 600dollars),pourrait atteindre1,24million de pesos(2 600 dollars). Les profsmal notés pourraient,a contrario, voirleur salaire baisser.

LeChilietsesprofs

L es jeunes ont deplus en plus demal

à s’insérer dans la vieactive et considèrent quel’école les préparemal àtrouver un travail, selonleWorld Youth Report,un rapport de l’ONUsur l’emploi des jeunesdans lemonde publiéle 6 février et réalisé àpartir de témoignagesrecueillis auprès d’unmillier de jeunes de 15à 30 ans. En cause, seloneux, une formation tropthéorique.

Lesjuniorsetleurformation

Le nombre d’étudiants britanniquesinscrits à l’université pour la rentrée 2012est en recul de 8,7 % – 462 507 contre506 388 en 2011 –, après la hausse desdroits d’inscription qui vont doubler,voire tripler, jusqu’à 10 700 euros enAngleterre, selon les chiffres officielspubliés le 30 janvier par l’organismequi attribue les places, Ucas. Cette baisse(9,9 %) est plus sensible en Angleterre,frappée par la hausse des droits,qu’au Pays de Galles (– 1,9 %) et en IrlandeduNord (– 4%). A noter que le nombred’étudiants de l’Union européenne (UE)inscrits dans une fac britanniquea baissé de 11,2 %, un recul compensé parla hausse du nombre d’étudiants hors UE.

L’Angleterre et sesfrais de scolarité

Un documentaire surles méthodes employéespar l’assureur GAN pourrecruter sa force devente, intitulé La Gueulede l’emploi et diffusé surFrance 2 en octobre 2011,a provoqué une bellepolémique. Didier Cros,son réalisateur, a filmé,sans commentaires, unesession collective derecrutement de deuxjours, pendant laquelledix candidats passaientdes épreuves, quiillustrent la cruauté et lecynisme d’un systèmedevant aboutir à deuxembauches.Les réactionsenregistrées après coupdes candidats auxquelsaucune provocation n’aété épargnées’intercalent dans lacontinuité du processusde recrutement filmé.« La Gueule de l’emploi »,France TélévisionsDistribution, sortiele 4 avril, 16,99 euros.Le DVD contientle film de 94minuteset 32 minutes de bonus,avec des interviewsdu réalisateur DidierCros et du sociologueVincent de Gaulejac.

LeDVDdelapolémique La France compte 6,24 millions de « très

diplômés » (master, grande école etdoctorat), dont 710 000 « immigrés »,selon une étude du secrétariat généralde l’immigration. Les pays d’origine lesplus représentés sont l’Algérie et leMaroc (66 000 chacun) et la Tunisie(26 000). Entre ces trois pays duMaghreb, s’intercalent le Royaume-Uni(40 000) et l’Allemagne (30 000).En France, 41,3 % des doctorants sontétrangers, une « proportion très élevée,caractéristique des pays qui offrent unsystème d’enseignement supérieur dequalité et ont tissé un réseau grâce auxliens historiques et linguistiques », notel’étude. Sur l’ensemble des étudiantsentrés en France en 2002, un tiers y esttoujours présent.

LaFranceet sesétudiantsimmigrésL’Allemagne, où l’islam est devenu la

troisième religion (plus de 4millions de

musulmans, dont 45 % ont la nationalité

allemande), va pour la première fois

former cette année des imams dans

ses universités, notamment à Osnabrück,

où des prédicateurs suivent déjà une

formation continue. Dès la prochaine

rentrée dans cette université du nord-

ouest de l’Allemagne, unmaster en

cinq ans permettra à vingt-cinq jeunes

musulmans de devenir imams dans

unemosquée, professeur de religion

ou chercheur en théologie islamique.

La chancelière, Angela Merkel, veut ainsi

favoriser un islam «made in Germany»

plutôt qu’importé de l’étranger. Quelque

8 000 imams officiant de Hambourg à

Munich sont des fonctionnaires de l’Etat

turc envoyés dans les 896mosquées ou

communautés gérées par l’organisation

Ditib, directement dépendante du

ministère turc du culte. La plupart

parlent à peine allemand et ne restent

que quelques années en Allemagne.

L’Allemagneet ses imams

Paris arrive en tête du classementmondial des villes étudiantes grâceà sa qualité de vie, selon la sociétébritannique QS (Quacquarelli SymondsLtd) spécialisée dans les classementsuniversitaires, dans une étude publiée

le 14 février. Paris devance Londres,Boston, Melbourne et Vienne.

La prime à l’embauche de 3 000 euros d’un jeune stagiairea concerné 7 245 juniors très diplômés pour un coût totalde 20millions d’euros demai 2009 à juin 2010, selon uneétude publiée le 8 février par le ministère de l’emploi (Dares).

1ere 0003

BARBARASAX/A

FP

En bref

Page 7: Le Monde Campus

mardi20mars2012LeMondeCampus/7

Les universités sud-africainesdevraient pouvoir garder leursprofs jusqu’à 80 ans, a suggéréle ministre de l’enseignementsupérieur et de la formationcontinue, Emmanuel « Blade »

Nzimande, cité par le quotidienThe Times début mars.

L a Conférence desgrandes écoles (CGE)

a présenté le 14 févrierses propositions auxprésidentiables, parmilesquelles des frais descolarité payables aprèsle cursus, représentantunmois de salaire parannée d’étudessupérieures validée. Lesfrais de scolaritémoyenspasseraient ainsià 3 000 euros par an.En 2011-2012, ils étaientde 177 euros en licence,245 euros enmaster et372 euros en doctorat.En dix ans, cettemesurepourrait rapporter7 des 20milliards d’eurosselon la CGE.

Apprenez !Vous paierezplus tard

L a création de lachaire Google@HEC

par Google France etHEC Paris permettrad’organiser dès 2012des cours d’économienumérique pourles étudiants des deuxpremières annéeset des rencontresrégulières avec desprofessionnels, ouvertesaux étudiants d’écolesd’ingénieurs, de design,demanagement.

Une chaireGoogle@HEC

Le ministre de l’enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, a posé le 19 janvier la première

pierre de l’Espace Clément-Ader, le futur campus de Toulouse-Montaudran Aérospace, destiné

à figurer parmi les plus grands sites européens de l’aéronautique et de l’espace. Le nouvel

espace de recherche sera un pôle de haute technologie consacré à la mécanique des

structures, systèmes et procédés. Erigé sur une surface de cinquante hectares, le campus doit

être livré en principe en 2013.

Uncampusd’aéronautiqueàToulouse

Contrairement à bien des idées reçues, l’écart de taux d’activité entre diplômés dusupérieur et non-diplômés sur lemarché du travail n’a fait que croître entre 1975 et2010, selon une étude de la Dares (ministère du travail) publiée le 29 février. Le tauxd’activité des jeunes ayant achevé leurs études depuis un à quatre ans, qu’ils soienten poste ou en recherche d’emploi, était de 89% fin 2010. Il était de 94% chez lesdiplômés du supérieur,mais de 73% seulement chez les peu ou pas diplômés (niveaubrevet des collèges au plus), soit un écart de 21 points. Si le taux d’activité des diplômésdu supérieur est resté stable depuis les années 1970, celui des non-diplômés a baisséde 15 points entre 1978 et 2010. En 2010, le salairemédian était de 1 820 eurospour les très diplômés, 1 280 euros pour les titulaires d’un baccalauréat, 1 200 eurospour les diplômés de CAP ou BEP et 1 160 euros pour les peu ou pas diplômés.

Etudier pluspour gagnerplus

L es Cordéesde la réussite,

partenariats visant àfavoriser l’accès d’élèvesde quartiers défavorisésaux études supérieures,vont être étendues au-delà des zones urbainessensibles (ZUS), ontannoncé le 17 janvierLaurentWauquiez etMaurice Leroy, lesministres chargés del’enseignementsupérieur et de la ville,en visite au lycée Robert-Doisneau de Corbeil-Essonnes (Essonne).Cettemesure vise àplacer ce dispositifqui a fait ses preuvesau centre des projetspédagogiques desétablissements et del’étendre aux zonesrurales notamment,où les jeunes souffrentd’unmêmeniveaude difficulté que ceuxdes quartiers sensiblesdans l’accès auxformations d’excellence.Le gouvernement faitétat de 312 projetsmisen place en France,dans plus de2 000 établissements,et concernant47 000 élèves,pour un coût d’environ3 000 euros parétablissement et par an.

Les jeunesdezones ruralesboostés

SOS sciences ! Entre 2004et 2009, le nombre d’étudiantsinscrits en licence scientifiqueou en sciences et techniquesdes activités physiques etsportives a baissé de 7,4 %.

La baisse atteint 14 % pourles entrants à l’université.

sources : enquêtes emploi en continu 2003-2010, insee ; calcul dares-depp

35

45

55

65

75

85

95

Diplômésdu supérieur

Bacheliers

CAP ou BEP

Peu ou pasdiplômés

Ensemble

Taux d’emploi des jeunes sortis de formation initialedepuis un à quatre ans par niveau de diplôme de 2003 à 2010, en %

Champ : jeunes appartenant à unménage de France métropolitaine ayant terminé leurs études initialesdepuis un à quatre ans

2003 04 05 06 07 08 09 2010

80 -7,4%

MICHEL

VIALA

/PHOTO

PQR

Inaugurationdu futurpôle scientifique,avecLaurentWauquiez,ministredel’enseignement supérieur, le 19 janvier.

Page 8: Le Monde Campus

8/ LeMondeCampus mardi20mars2012

Page 9: Le Monde Campus

Cmardi20mars2012 LeMondeCampus /9

Les candidats,l’industrieet les jeunesdiplômés

présidentielle : pour qui faut-il voter ? D O S S I E R

Illustration

Rocco

Comment relancer la«marqueFrance»et, danslemêmemouvement, l’insertionprofessionnelledes jeunes ?Troisansetdemiaprès ledébutd’unecrise économique quimet àmal la cohésion dessociétésoccidentales, laquestionestdevenuecru-ciale. Campus a interrogé les quatre principauxprétendants à l’Elysée, ceux qui se sont installésau-dessus de 10% d’intentions de vote dans lessondages à la date du 8mars, et présentent des

Pour faciliter l’entréedes jeunes diplôméssur le marché du travail,trois des principauxcandidats à laprésidentielle insistent surla nécessité de dynamiserla recherche, d’aiderles petites entrepriseset de professionnaliserles études supérieures.

chances raisonnables d’accès au second tour.Parmi eux, seuleMarine Le Pen n’a pas réponduànosquestions. Les trois autres, François Bayrou,François Hollande et Nicolas Sarkozy, se rejoi-gnent sur unpostulat de départ : oui, l’industriefrançaise demeureuneperspectived’avenir pourles jeunes diplômés. Pour peu que l’on s’attaquede front à ses faiblesses.Ses faiblesses ? Tout d’abord, l’économie n’inno-vepasassez.«Laqualitéde la rechercheestbonne,souligneainsiPierreAlbertini, de l’équipedeFran-çois Bayrou,mais notre capacité d’innovation estmoyenne. » Pour lui, les travauxde recherche nesont pas assez valorisés et les produits •••

Page 10: Le Monde Campus

10/ LeMondeCampus mardi20mars2012

D O S S I E R présidentielle : pour qui faut-il voter ?

Emploi des jeunesEnseignementsupérieur

Tutorat d’étudiants au collège et au

lycée. Les étudiants volontaires rece-

vront unepetite rémunération.

Développementde l’alternance :pro-

portion obligatoire d’étudiants en

alternance dans les filières et, pour-

quoi pas, dans les entreprises et les

administrations.

Accès aupremier emploi :possibilité

de recruter un emploi sans charges

pendant deuxansouverte à toutes les

PME, création d’un contrat de travail

unique, un CDI avec constitution de

droits progressifs, pour limiter le

recoursexcessif auxCDDetauxstages.

L’enjeu :élever laqualitéde l’enseigne-

ment supérieur et non de quelques

campus réservés àune élite sociale.

Les pôles de recherche et d’enseigne-

ment supérieurdoivent aller plus loin

dans lamise en commundesmoyens,

l’organisation des études et la carte

régionaledes formations. L’intégration

des écoles dans ces pôles contribuera

à un rapprochement avec les univer-

sités et à l’établissementdepasserelles,

dansunedémarche volontaire.

Rénovation pédagogique : mise en

œuvre de méthodes plus participa-

tives,moinsmagistrales.

Uneloid’orientationpour larecherche

(2013-2017) devra redonner une pers-

pective,préciser lesprioritéset les rôles

respectifs des divers organismes, allé-

ger les contraintesadministratives.

Valorisationduparcoursdoctoral :« Le doctorat n’occupe pas, chez nous,

laplacequ’ilmérite. Le financement est

instable, les débouchés sont insuffi-

sants. L’Etat incitera les partenaires

sociauxà reconnaître le doctorat dans

les conventions collectives, le recrute-

ment de jeunes docteurs dans la haute

fonction publique, nationale et locale,

sera encouragé. »

Créer progressivement 150 000 em-

plois d’avenir réservés aux jeunes.

Contrat de génération : embauchede

jeunes en CDI dès lors qu’ils sont

accompagnésparunsalariéplus expé-

rimenté, qui lui-même estmaintenu

dans l’emploi jusqu’à son départ à la

retraite.

Nombredejeunessortantsansdiplôme

dusystème«divisépardeux»en2017.

Reconnaissance du doctorat dans les

conditions d’accès aux concours de la

fonctionpublique.

Lutte contre l’échec en licence par un

meilleur encadrement (5 000 des

60 000postes créésdans l’éducation).

Plannationalpour la vie étudiante et

«allocationd’étudessupérieuresetdefor-

mation»sousconditionsderessources.

Uneloi-cadre remplacera la loi relative

aux libertés et responsabilités desuni-

versités (LRU) : « gouvernance plus

collégiale et plus démocratique », com-

pensationfinancièredescharges trans-

férées.

Corriger les « inégalités territoriales »

des investissements d’avenir.

Rééquilibrage et simplificationde l’or-

ganisation du financement de la

recherche.

Réformeducrédit impôt recherche en

le recentrant sur les PME-PMI.

Objectif : que tout doctorant ait une

thèse financée avec un contrat de tra-

vail, donc une protection sociale, et

que cela comptepour la retraite.

Chargepédagogiqued’enseignement

ou de tutorat incluse dans le contrat

doctoral.

Reconnaissance du doctorat dans les

conventions collectives.

Les propositions de trois des principaux candidats

Recherche etdéveloppement

«Accélérer le rapprochement école-mondedu travail. SelonPôle emploi,40%desprojets de recrutement sontconsidérés par les entreprisescommedifficiles,malgré la crise ! »« Un diplôme qui ne débouche passur un emploi ne mérite pas sonnom. »Alternanceobligatoire endernièreannée de baccalauréat profession-nel, ainsi qu’enCAP.Relèvement à 5 % du quota dejeunes en apprentissage dans lesentreprises deplus de 250 salariés.

Augmenter lenombred’ingénieurs,notammentpar les voies parallèles(IUT, STS…).Les professeurs agrégés serontexclusivement affectés au lycée etenpremier cycle universitaire.Approfondir l’autonomie des uni-versités. Plusieurs idées : resserrerencore le conseil d’administration,créer un « sénat » des professeurspour les questions académiques etpédagogiques.Poursuivre l’objectif de faire émer-ger une dizaine de pôles universi-taires d’enverguremondiale.

Non communiqué

Page 11: Le Monde Campus

mardi20mars2012 LeMondeCampus /11

Réindustrialiser le pays pour

booster l’emploi, en particulier

des jeunes, est une priorité pour

chacun des candidats interrogés.

Qui ont chacun leurméthode.

Politique industrielle

conçus et fabriqués en Franceneprésen-tentpasunevaleur ajoutée satisfaisante.Pour M. Rousset, qui suit les questions indus-trielles dans l’équipe de François Hollande, lapriorité est de « recréer une politique industriel-le », ce qui passe, à ses yeux, par la nécessité de« reconstituer une capacité de prospective del’Etat. Il doit retrouver sa capacité de voir loin ».Quels seront la croissance, les secteurs porteurset les emplois de demain ? Il faut se montrer« plus souple, plus réactif » enmatière d’offre deformation, car « le système économique, lesopportunités, les marchés évoluent très vite,constate Jean-Baptiste de Froment, conseiller deNicolas Sarkozy.Mais il ne faut pas s’embarquerdans une démarche de planification oùondécrè-te quels sont les secteurs porteurs, estime-t-il. Laplanification étatique, on sait ce que ça donne ».Resteque, lorsqu’on interroge les troispostulantsà la fonctionprésidentielle sur ces secteurs, ils serejoignent là aussi : agroalimentaire, aéronau-tique, sciences de la vie, énergies, et tout ce quirelève, d’unemanière générale, des technologiesdepointe.De fait, les équipes de François Bayrouet de FrançoisHollande insistent sur la nécessitéde dynamiser la recherche. Chez le premier, onveut « préciser le rôle des différents organismes,alléger les contraintes administratives qui occu-pentde 30%à50%dutempsdes chercheurs, valo-riser les doctorants et le parcours doctoral ». Agauche comme au centre, on regrette que « lesjeunes docteurs n’aillent pas assez vers les entre-prises ».Pour FrançoisHollande, Vincent Peillondemande «une reconnaissance dudoctorat dansles conventions collectives. Il y vade l’intérêt géné-ral,dit-il.Cela favoriseraune culture de rechercheet d’innovation. C’est unepetite réforme enappa-rence, qui peut changer beaucoupde choses ».L’autre constat du conseiller socialiste relève du

tissu industriel. « Il existe unnoman’s land entreles grands groupes, aspirés par l’international, etles petites entreprises, déplore Alain Rousset. Lacréativité est élevée en France,mais onne sait pasfaire croître nos start-up. Les banques sont fri-leuses et les PME souvent cannibalisées par lesgrands groupes, qui récupèrent l’exploitation deleurs inventions. »D’où lavolonté, largementpartagée entre les can-didats, d’aider les petites entreprises. LeMoDemdéfend l’idée de les mettre en réseau avec lesgrandes, qui « ont le savoir-faire ». François Hol-lande etNicolas Sarkozypromettentunebanquepublique pour les financer, les socialistes réser-vant auxrégionsunrôlemoteurdans lapolitiqueindustrielle.«Si l’on a une stratégie de filières un peu pensée,on peut redresser la barre », souligneM. de Fro-ment en citant le redressement de la viticulturefrançaise. Pour le conseiller deM. Sarkozy, toutrepose sur la compétitivité, laquelle est d’ailleursl’objectif affiché de la réforme de la TVA annon-cée par le président de la République. « L’avenirde l’économie française est dans l’élévation degamme », plaide-t-il. L’idée est de «montrer ladifférence du savoir-faire français » en offrantdes produits à forte valeur ajoutée, qu’il s’agissede technologies de pointe ou de « saut degamme ». PourM. de Froment, l’enjeu est doncd’élever le niveau de qualification des salariés.« Il faut travailler sur l’employabilité, dit-il,apprendre à apprendre. » Il faut également for-mer davantage d’ingénieurs – « 10 000 de pluspar an » –, endéveloppant toutes les voies paral-lèles envisageables (IUT, STS, etc.).Travailler sur la professionnalisation des étudessupérieures est unobjectif rassembleur,mais lestrois candidats n’ont pas la mêmemanière d’yparvenir. Certes, ils se rejoignent sur l’idée derapprocher universités et entreprises, et de déve-lopper l’alternance. Mais, sur ce dernier point,les avis divergent : chez François Bayrou,M. Albertini estime qu’il faudrait « imposer uneproportionminimale d’alternance dans le supé-rieur », car « il existe trop peu de ces formationsau niveau master ». Chez Nicolas Sarkozy, onpense le contraire. « L’alternance dans le supé-rieur, c’est bien, expliqueM. de Froment,mais ilfaudrait rééquilibrer en faveur des CAP oudubacpro, là où l’insertion professionnelle est un vraienjeu. » L’équipe de FrançoisHollande est égale-ment favorable au «développement de l’alternan-ce »,mais la priorité doit aller à « la revalorisa-tion de la licence », insiste Vincent Peillon.

Benoît Floc’h

«Produire en France ».Cela s’adresse à la fois aux

entreprises et aux consommateurs et concerne les

produits industriels comme les services et l’agro-

alimentaire.

Réseau grandes entreprises-PME : partage des

savoir-faire, amélioration de la sous-traitance et

essaimage sont favorables à l’innovation et à l’ex-

portation.

Crédit impôt innovation : la clé de la réussite en

ce domaine est la rencontre d’un chercheur, d’un

entrepreneur et d’un financier. Pourmieux asso-

cier les laboratoires et les entreprises, un crédit

impôt innovation viendra compléter le crédit

impôt recherche qui profite encore trop peu aux

PME.

Créationd’unebanquede l’industrie,avecunedotationd’unmilliardd’eurosde fondspropres,pour prêter auxPME.Hausse de 1,6 % du taux normal de TVA, quipassera à 21,2%àpartir du 1eroctobre. LaCSGsurles revenus financiers sera relevée de 2 points.Tout cela doit compenser une baisse de 13mil-liardsd’eurosdes chargespatronales.«C’est unearme contre les délocalisations. Depuis dix ans,nousavonsperdu500 000emplois industriels àcause des délocalisations. Y a-t-il un problèmede coût du travail dans notre pays ? Oui, c’estune évidence. »

Créationd’unebanquepubliqued’investissement

pour développer les PME, le soutien aux filières

d’avenir et la conversion écologiquede l’industrie.

« Je ferai des PMEune priorité. »Mobilisation de

l’épargne, en créant un livret d’épargne industrie.

Favoriser la production et l’emploi en Francepar la

fiscalité et les aidespubliques en fonctiondes inves-

tissements réalisés et créationd’un contrat avec les

entreprises visant à la relocalisation des usines en

France. Remboursementdes aidespubliques reçues

pour les entreprises qui se délocalisent.

Trois tauxd’imposition sur les sociétés : 35%pour

les grandes, 30%pour lespetites etmoyennes, 15%

pour les très petites.

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D O S S I E R

Page 12: Le Monde Campus

12/ LeMondeCampusmardi20mars2012

qu’elles veulent et oùelles veulent aller. »Leminis-tère se réjouit du terrain conquis : « Elles se sontsaisies desmarges qui leur ont été données, assu-re-t-il,pouraméliorer significativement les condi-tions d’études et de travail des étudiants,enseignants-chercheurs et personnels, et pourdévelopper des formations et des politiques derecherche aumeilleur niveau international. »

Uneoccasion ratée ?Sur l’autonomiedesuniver-sités, droite et gauche se renvoient la balle. Al’UMP, on considère que la gauche aurait dû agirlorsqu’elle était au pouvoir. Chez les socialistes,onestimeque la réformemise enœuvre en2007parNicolas Sarkozy est à côté de la plaque.Qu’en est-il exactement ? Au-delà de la polé-mique inévitable sur un tel sujet à quelquessemainesdupremier tourde l’électionprésiden-tielle, lemouvement d’autonomie des universi-tés est formellement arrivé à son terme. Laquasi-totalité des universités bénéficient aujourd’huides dispositions de la loi relative aux libertés etresponsabilitésdesuniversités, dite «LRU», adop-tée le 10 août 2007 ; les dernières, situées outre-mer, enbénéficierontd’ici à la finde l’année.Pour les établissements, cela signifie concrète-mentunegouvernance resserrée autourduprési-dent avecunconseil d’administration réduit, unegestionautonomede lamasse salariale etdes res-sourceshumaines et, éventuellement, la disposi-tion du foncier. Cela représente, selon leminis-tère de l’enseignement supérieur, le transfert de7,3 milliards d’euros de masse salariale et de125 000emplois.Globalement, les présidents semontrent satis-faits de la réforme. « Le fondde l’affaire, expliqueKhaled Bouabdallah, président de l’universitéJean-Monnet de Saint-Etienne (Loire), c’est la por-tée politiquede tout cela : aujourd’hui, les univer-sités sont face à elles-mêmes. A elles de définir ce

La quasi-totalitédes universités bénéficientaujourd’hui desdispositions de la loi LRUadoptée en 2007.Mais le manque d’argentet le sous-encadrementconduisent à un bilanpour le moinsmitigé.

La réalité apparaît cependantmoins idylliquequeleproclame legouvernement.AlainBeretz, prési-dent de l’université de Strasbourg (Bas-Rhin), estde ceuxpourqui« l’autonomie est la seulegaran-tie d’uneuniversité ouverte, innovante, sans com-promis avec les puissances d’argent ou les partis.Pourtant,poursuitM.Beretz, l’autonomie est pré-sente dans les textes,mais elle ne passe pas dansles faits. C’est parce qu’en France ilmanque deuxingrédients essentiels à la réussite de l’autonomieuniversitaire : de l’argent et de la confiance ! »Defait, poursuit leprésidentde l’universitédeStras-bourg, « l’autonomie heurte demanière frontalela conception jacobineet centralisatricede lahauteadministration,maisaussidenombreuxélus,pourqui elle remet en cause leur visionde l’Etat ».Quant à l’argent, c’est une pomme de discorde.Cequi aurait dû constituerunpoint fort dubilandeNicolas Sarkozyest terni par le contexte finan-cier. A l’automne 2011, les difficultés de nom-breusesuniversités pourboucler leur budget ontjeté le trouble. Laurent Wauquiez, ministre del’enseignement supérieur, met en avant le faitque lesmoyensde fonctionnementprovenantdel’Etat ont progressé de « 23 % entre 2007 et 2011,soit deux fois plus en quatre ans qu’au cours desdixdernières années ».Tandis que, de l’autre côté,le Snesup-FSU, principal syndicat du supérieur,conteste vigoureusement. « Ces chiffres n’ontaucune valeur, assure StéphaneTassel, secrétairegénéral, car, dans les faits, les dotations

d o s s i e r présidentielle : pour qui faut-il voter ?

UL’autonomie des universitésconfrontée à la rigueur

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Page 13: Le Monde Campus

Safran recrute des ingénieurspour vivre desmissions clés

Les ingénieurs de Safran permettentà desmillions de voyageursde parcourir lemonde, tout en réduisantleur impact sur l’environnement

Le LEAP est une nouvelle génération demoteurs

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Page 14: Le Monde Campus

14/ LeMondeCampusmardi20mars2012

d o s s i e r présidentielle : pour qui faut-il voter ?

qui arrivent dans les établissements bais-sent. Le désengagement de l’Etat est patent. Noscraintes étaient justifiées. »Alors ? Le Parti socialiste reconnaît que, sur les9 milliards d’euros promis en tout par NicolasSarkozyen2007,«4milliards sont réellementarri-vés ».Pour le reste, il estdifficiled’avoirunevisionclaire sur les chiffres, selonque l’on s’en tient auxdépenses de fonctionnement ou d’investisse-ment, que l’on tient compteounonde l’inflation,desdispositifs gouvernementauxou fiscaux spé-cifiques comme le crédit impôt recherche…Cha-cunutilise les données à son avantage.Reste que la dotationde l’Etat par étudiant et paran abel et bienprogressé, passant de 8 619 eurosen 2006 à 10 180 euros en 2011, ce qui demeureinférieur à l’effort consenti par beaucoupd’autres pays occidentaux. Mais on assiste à uncoupd’arrêt de l’investissement public, qui s’ex-plique sans doute en grande partie par la crisefinancière et l’effort quemène l’Etat pour rédui-re ses dépenses. S’il y a euundébut de rattrapagepour les universités, après des années de négli-gence de la part des pouvoirs publics, le senti-ment général est que l’Etat s’est arrêté aumilieudu gué.Tout cela nemanque pas d’inquiéter les prési-

dents d’université. D’abordparce qu’ils craignentqu’à ce rythme, cela ne prenne encore vingt anspour combler le retard desuniversités françaisespar rapport à leurs concurrents étrangers. Ensui-te parce qu’ils redoutent que ces difficultés ne

viennent enrayer la dynamique enclenchée audébut du quinquennat.D’autant que les premiers pasn’ont pas toujoursété faciles.«Lemanquedepersonnels qualifiés estune évidence, souligne Khaled Bouabdallah, àSaint-Etienne. L’autonomie, c’est donc des struc-tures sous-encadrées avec des charges trois foisplus lourdes ! Il y a en effet des compétences quenousn’avionspas, comme les ressourceshumainesou les services financiers, par exemple, et il nous afallu recruter quelques personnes pour cela.Maisle problèmede sous-encadrement initial n’est pasrésolu. A Saint-Etienne comme ailleurs, l’autono-mie a été appliquée parce qu’un effort exception-nel a été assumé en interne. »Bref, l’autonomie n’est pas gagnée, et « elle n’estpas gratuite », note Louis Vogel, président de laConférencedesprésidents d’université.Pour quece soit une réussite, il ne faut pas avoir peur de lafinancer »,prévient-il. Avantd’interpeller les can-didats à l’électionprésidentielle :«Etes-vousprêtsà continuer l’effort, à trouver des financementspour l’université ?C’est leplacement leplus impor-tant que la France puisse faire. C’est lemoyen desortir de la crise. »

Benoît Floc’h

Les présidents craignent qu’à ce

rythme, cela prenne encore vingt

ans pour combler le retard des

universités françaises par rapport

à leurs concurrents étrangers

EN 2007,dans sonouvrageLa Société de défiance,YannAlgan citait en exemple la réfor-medesuniversités pour décrirele processus de fabriquede la défiance : commentle climat d’opacité dans lequelse faisait cette réformenepouvait que renforcer la défiancedes citoyenspar rapportau gouvernement et entre eux.Quel bilan tirez-vousaujourd’hui de cette réforme ?Dansunpays où la tendance estde se défier des institutions et dela hiérarchie, onpréfère toujoursune régulation étatique,mêmeinefficace, plutôt qued’être gérépar une gouvernance locale. C’estce qui a nourri la protestation audébut duprocessus de réforme.L’autonomiedesuniversités a,de fait, eu des ratés : cinqd’entreelles se sont retrouvées endéficit

et sont de retour aujourd’huisous tutelleministérielle.Maislamobilisationdes équipes aété une réussite et lamise enplace d’une évaluation externe

des établissements, avec,par exemple, la nouvelle Agencede l’enseignement et de larecherche, créeungarde-fouquipermet d’attendre des résultatspositifs de cette réforme.Et d’unpoint de vueéconomique ?Lebilande cette réformeest glo-balementpositif. L’autonomiedesuniversités était très atten-due, car c’est la gouvernancequ’elles exercentqui leurpermetd’être lemieuxplacées sur lascène internationale en termesd’insertiondesdiplômésetde recherche. La réforme leur adonnéuneautonomiedegestiondesbudgets (avant, 75%desbud-gets étaientpilotéspar l’Etat), deleurparc immobilier et des res-sourceshumaines, par exempleune capacitéd’évaluer les ensei-gnants et d’attribuerdesprimes

susceptiblesd’attirer des cher-cheurs auniveau international.A-t-on améliorénotre position-nement international ?Avecunehausse deprès de 20%des budgets, on reste loin desdotationsnécessaires pour riva-liser avec les plus grands (le bud-get d’Harvard est cent fois celuide Paris-VI).Mais on se rap-prochedesmeilleures pratiquesinternationales. L’excellence aca-démique est le facteur-clé de lacroissance et de l’innovation.Les trois leviers qui visentà atteindre l’excellence acadé-miqueont été pris en comptepar la réforme : l’autonomiedesuniversités, le recours auxparticipations (appels d’offres,partenaires privés, évaluationsexternes…) et le financement.

Propos recueillisparAnneRodier

« Les trois leviers de l’excellenceont étépris en compte »ENTRETIEN AVEC YANN ALGAN • PROFESSEUR D’ÉCONOMIE À SCIENCES PO

2007 Publie La Sociétéde défiance (Rue d’Ulm).2012 La Fabrique dela défiance… et comments’en sortir, avec PierreCahuc et André Zylberberg(AlbinMichel).

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16/ LeMondeCampus mardi20mars2012

diplômes de ce type s’élève à 35 000, dont 68%sont délivrés par les universités. Des chiffresmarqués par l’essor des licences pro : deuxdiplômes sur trois.Mais ce développement resteinégal selon les filières.Si trois spécialités – lettres et arts, sciencessociales, commerce et droit, et sciences –

« Après avoir généré débats et réticences au seinde l’université, la nécessité de la “professionnali-sation”est aujourd’hui admise par le plus grandnombre », estimait le Centre d’études et derecherches sur les qualifications (Céreq) dansune note consacrée l’an dernier aux « défis de laprofessionnalisation à l’université ». Elle est entout cas présente dans les propositions des can-didats à la présidentielle, car elle est l’une desréponses faite à la traditionnelle critique selonlaquelle la formation initiale ne préparerait passuffisamment à l’insertion professionnelle. Unreproche particulièrement adressé à l’universi-té, réputée trop éloignée des milieux profes-sionnels.C’est au tour du Centre d’analyse stratégique(CAS) de plaider pour undéveloppement de l’en-seignement professionnel initial dans le supé-rieur, afin de « relever le défi d’augmenter la pro-portion de diplômés du supérieur tout enaméliorant leur insertion professionnelle », pré-cise-t-il dans une note de janvier 2012 consacréeà l’enseignement professionnel initial dans lesupérieur.Si les formations professionnelles à l’universi-té ne sont pas nouvelles, elles « se sont dévelop-pées durant la période 1996-2010 pourmoitié audétriment des formations générales. Le resterésulte de la croissance de leur part dans l’offredes formations professionnelles du supérieur »,note le rapport. En octobre 2011, le nombre de

Les diplômesprofessionnels ontmontré qu’ils ouvraientaux étudiantsdemeilleuresperspectives d’emploi.Faut-il aussi appliquerla recette aux formationsgénérales ?

concentrent plus des deux tiers (71,4 %), deseffectifs à l’université, elles contribuent à peineà la moitié des formations professionnelles(48,3 %). Parallèlement, la loi sur l’autonomiedes universités (LRU) – qui introduit commenouvelle mission l’orientation et l’insertionprofessionnelle –, puis lesmesures « Plan pourla réussite » en licence, ont renforcé l’idée quel’université se devait d’être professionnalisan-te dans toutes les disciplines.Les formations professionnelles sont plus coû-teuses que les cursus généraux, notammentparce qu’elles accueillent des promotions defaibles effectifs. A titre d’exemple, avec unemoyenne de vingt étudiants par promotion, leslicences professionnelles représentent 20%dutotal des diplômes délivrés à l’université, alorsqu’elles n’accueillent que 2,8 % des étudiants.« Mais leur développement se justifie dans lamesure où elles offrent une meilleure insertionprofessionnelle », estime le CAS.Ce que confirme la deuxième enquête nationa-le sur l’insertion professionnelle des diplômésde l’université, publiée en novembre 2011 par leministère de l’enseignement supérieur et de larecherche. En dépit d’un marché du travailtendu, les diplômés de licence pro sont, en 2010,soit trentemois après l’obtention de leur diplô-me, 92% à être en emploi, et 91%pour les diplô-més demasters et de DUT.

ALavoiede laprofessionnalisation

d o s s i e r présidentielle : pour qui faut-il voter ?

Page 17: Le Monde Campus

Illustration

Rocco

mardi20mars2012 LeMondeCampus /17

Pour favoriser le développement de ces forma-tions, le CAS avance une série de préconisations.La première est de rationaliser l’offre et de limi-ter, voire réduire, dans certains domaines, lenombre de spécialités. Censée répondre auxbesoins dumarché du travail, la forte spécialisa-tion « ne favorise pas a priori une éventuelleréorientation des diplômés et peut au contrairelimiter leurmobilité professionnelle. Or, à l’avenir,les transitionsd’emploi et lesmobilités profession-nelles pourraient s’intensifier », souligne le CAS.Pour renforcer la coordination de l’offre régio-nale de formation, le CASpropose de rapprocherles universités des instances de la formationprofessionnelle et de renforcer les liens entreles universités et les sections de technicienssupérieurs des lycées.Autre piste censée, selon le CAS, améliorer laréponse des universités à l’évolution dumarché

du travail : l’assouplissement duprocessus d’ha-bilitation des diplômes. Il propose ainsi que l’ondonne aux universités la possibilité de « créer,à leur initiative, des diplômes nationaux de for-mation professionnelle, sous réserve de l’accordduministère et dans le cadre du contrat Etat-éta-blissement ».Enfin, alors que l’apprentissage, et d’une façonplus générale, l’alternance font l’objet de toutesles attentions politiques, le CAS préconise de« rendre les formations générales plus favorablesau développement des autres modes de profes-sionnalisation, notamment l’apprentissage ».Pour cela, il propose demoduler les périodes deformation et de travail en entreprise durant lecontrat d’apprentissage en permettant aux étu-diants d’effectuer la majorité de leur temps enentreprise (80 % aumaximum) durant la der-nière année d’un diplôme préparé en appren-

tissage, ou en accordant un label « période d’ap-prentissage » aux stages inférieurs à deuxmois.Ces préconisations renforceraient les résultatsattendus de la loi du 28 juillet 2011 sur le déve-loppement de l’alternance et la sécurisation desparcours professionnels qui n’a encore guèreproduit d’effets sur le terrain selon le rapportdes députés Jean-Patrick Gille (PS) et GérardCherpion (UMP) sur la mise enœuvre de la loi,rendu public le 15 février dernier. D’un point devue quantitatif, l’augmentation du nombred’étudiants en alternance concerne davantagele contrat de professionnalisation que le contratd’apprentissage.Or, le taux d’insertion des jeunes à l’issue d’uncontrat d’apprentissage est élevé – 83%pour lesdiplômés du secondaire et 90%pour les diplô-més du supérieur.

Catherine Petillon

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18/ LeMondeCampus mardi20mars2012

D O S S I E R présidentielle : pour qui faut-il voter ?

gedansuneagence de communica-tion digitale, je n’en serais pas làaujourd’hui… En un an, je me suisconstruit une expérience indispen-sable pour me vendre auprès desrecruteurs », soutient-ellemordicus.Le concept de l’apprentissage, dontle développement est proposé parlesprincipauxcandidats à l’électionprésidentielle, c’est une formationfifty-fifty. Engros, l’étudiantpasse lamoitié de son temps au bureau,l’autremoitié en classe. Ses étudessont financéespar la taxed’appren-tissage et par l’entreprise d’accueil.Le suivi est assuré par un maître

d’apprentissage, engénéral, le supé-rieur direct de l’étudiant dans l’en-treprise, et par un professeur. Les« responsables»de l’apprenti se ren-contrent deux fois par an pourcadrer les choses. Au final, c’est l’as-surance d’une formation théoriquesolide, assortie d’un début d’expé-rienceprofessionnelle. L’autre avan-tage, c’est le salaire– le smicaumini-mum, plus de 2 000 euros danscertains secteurs particulièrementrentables –, sans oublier l’ouverturedesdroitsauchômageetà la retraite.Oublié le temps où l’apprentissageétait cantonné aux artisans

Les études enalternance ne sontplus choisies pardéfaut. Car, à l’issuede leur cursus,les étudiants sontmieux formés etplus vite embauchés.

D L’apprentissagenouvelle version

Dans le milieu de « l’e-vin », onl’appelle «HélèneWorldWine ». Enréalité, la jeune femmes’appelleHé-lèneClément. Son rêve, niveaubou-lot, c’est dedorer l’imagedes grandscrus sur les réseaux sociaux.Elle y est presque. Quelques semai-nes seulement après l’obtention desonmastèreManagement des vinsetdes spiritueux,uncursusenalter-nancedistilléparBordeauxEcoledemanagement, la jeune femme de25 ans compte déjà quelquesbonnes touches auprès d’em-ployeurs potentiels. « Si je n’avaispas finimes études en apprentissa- •••

Lesbusinessschools commel’EDHEC (photo)

pratiquentdeplusenplus

l’alternance.Photo:

AntoineBelval

Page 19: Le Monde Campus

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À la SNCF, Kim et l’ensemble de nos ingénieurspratiquent l’innovation au quotidien dans tousnos métiers. À travers la grande diversité desmissions qu’ils remplissent, les ingénieurs qui nouschoisissent inventent les mobilités d’une époquenouvelle. N’attendez pas demain pour prendre del’avance, rejoignez-nous sur l’espace emploi desncf.com

Créditphoto:

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Page 20: Le Monde Campus

20/ LeMondeCampus mardi20mars2012

D O S S I E R présidentielle : pour qui faut-il voter ?

et auxétudiants sans le sou.Désormais, les cursus enalternancene sont plus des choix par défaut,quel que soit le niveau d’étude. En2011, lequartdesdiplôméssortisdesécolesd’ingénieursétaientd’anciensapprentis.Dans lesbusiness schools,l’apprentissage estmême en passede devenir la chasse gardée desgrosses têtes.A l’Edhec,uneécoledecommerce lilloise, la sélection estsévère à l’entréeducursus alternan-ce. Ses quatre-vingt-dix places sontprises d’assaut par les étudiants.« L’image de l’apprentissage a pro-fondément changé. Il y a encore dixans, leprincipeétait surtout considé-ré sous sonaspect social : cela servaità financer les études. Aujourd’hui,c’est avant tout uneméthode péda-gogique recherchée, quipermetd’ac-quérir un véritable savoir-être en

entreprise, d’intégrer les codes de lavie active », analyse Patrick Porche-ron, vice-président en charge de laformation à l’université parisiennePierre-et-Marie-Curie.Le cocktail détonne.«Engénéral, lesdiplômés enapprentissage trouventplus viteunemploi, dans l’entreprised’accueil ou ailleurs », confirmePatrickPorcheron.Souvent, le salaireà l’embauche bénéficiemêmed’unpetit supplément. « C’est la preuveque les entreprises considèrent lapérioded’apprentissage commeunevraie expérience professionnelle, etpas comme un long stage. Et puis,c’est bien mieux pour financer sesétudesquede travaillerdansun fast-food »,note Jean-Paul Soubeyrand,animateurdugroupeapprentissagede la Conférencedes grandes écoles(CGE) et directeur du centre de for-

mation des apprentis de l’ISEP, uneécoled’ingénieursparisienne.Répéter ces arguments à ElodieCombe, c’est tenter d’évangéliserunévêque. Après des études de droitprivé à l’université de Versailles-Saint-Quentin, la jeune femme de23 ans est acceptée enmaster 2 pro-fessionnel Droit de l’environne-ment, de la sécurité et de la qualitédans les entreprises. Lavoilàpropul-sée chez Renault, au service desdouanes. « C’était une occasion enor. Je n’avais pas fait de stage jus-qu’alors, simplement des petits bou-lots rémunérateurs l’été. »Pour1 100eurosnetparmois,ElodieCombeplanchetrois joursparsemai-ne sur les bancs de la fac, et deuxjours au siègeduconstructeur auto-mobile. Ses missions ? La fiscalitéenvironnementaleet la certification

qualité.Unvraiboulotavant l’heure,auquel s’ajoutent la rédaction d’unmémoire de recherche – le mêmeque les autres étudiants –, les jour-nées de cours, les vacances scolairespassées au bureau, l’abandonquasiintégral des fiestas du jeudi soir…«Questionrythme, c’estdur, c’estunebonne claque, confesse ElodieCombe.Maisà l’arrivée tout lemondeest très content. Personnellement, j’aiappris plus en un an en entreprisequ’encinqansà l’université ! »Devant le succès de l’apprentissage,lesuniversités et les écoles augmen-tent depuis une dizaine d’annéesleurs capacités en la matière. Au-jourd’hui, un étudiant peut suivren’importequel cursusenalternance,ou presque. Plus de trois businessschools surquatreetpresque lamoi-tiédesécolesd’ingénieursproposentces formations alternatives. Côtéuniversité, l’offre est importantedans les filières courtes, un peumoins au niveau des masters. Encause, la distance qui existe encoreparfois entre lesuniversitaires et lesentreprises, surtoutdans les filièresscienceshumaines.En Bretagne, l’université Rennes-IIpréparait traditionnellementsesétu-diantsàdevenirprofesseur,pasàtra-vailler dans le privé. « Certains cheznouspensent encore que l’apprentis-sageneconcernepas lesétudes supé-rieures.Mêmesinousavonsnouédesrelations avec les entreprises, ce n’estpas encore vraiment naturel, d’uncôté commede l’autre »,noteOlivierDesoubry,vice-présidentde l’univer-sité rennaise, quine compteaucuneformationenalternance.Malgré quelques blocages locaux, lefilon de l’apprentissage devrait glo-balement grossir sur les campus.«Lesentrepriseset leministèrede l’en-seignementsupérieurnous ledeman-dent… Les étudiants aussi. Pour eux,c’est une manière de compenser lemanqued’expérienceprofessionnelle.Beaucoup craignent la concurrencedesdiplômésdesécoles, réputéesplusproches dumonde de l’entreprise »,remarqueBéatrice Piazza, directricedes partenariats entreprise et inser-tion professionnelle à l’universitéParis-I-Panthéon-Sorbonne. Celatombebien : faire tomber quelquesbarrièresentre lesétudeset le travail,c’est justement l’idée de l’apprentis-sagenew-look.

JulienDupont-Calbo

LES ÉTUDIANTS qui quittent l’uni-versité sans diplôme sont au cœurdes préoccupations de la « grandecause nationale 2012 : l’emploides jeunes », comme l’indique lerapport dudéputéUMPde laHaute-SaôneAlain Joyandet, remisàNicolas Sarkozy en janvier. Pourrenforcer le suivi personnalisédes jeunes vers l’emploi, un accordnational interprofessionnel signéen avril 2011 a ainsi chargél’Associationpour l’emploides cadres (APEC) d’accompagnerles jeunes endifficultés dansl’enseignement supérieur etsouhaitant s’intégrer dans lemilieuprofessionnel. L’objectif estde faciliter leur rapprochementde l’entreprise.Ils seraient quelque 25 000 jeunesdans ce cas de figure, que le Centred’études et de recherches sur lesqualifications (Céreq) classe enquatre famillesde«décrocheurs» :«les studieux qui ne s’adaptent pasà la façonde travailler dans lesupérieur, les errants en déficitd’orientation ou qui ont cumulé degrandes lacunes, les opportunistesqui abandonnent le diplômepourun travailmêmeprovisoire, etenfin les raccrocheurs… qui se tour-nent vers des formations plus pro-fessionnalisantes »,décrit GérardBoudesseul, chargé d’études

duCéreq, à Caen.C’est la catégorie des « décro-cheurs opportunistes » que l’APECest chargée d’accompagner depuisla signature de l’accordnationalinterprofessionnel (ANI)sur l’accompagnement des jeunesdemandeurs d’emploidans leur accès à l’emploi,en avril 2011.Deuxmodules depréparationà l’emploi s’offrent à ceuxqui setournent vers l’APEC : un formatde cinqheures et un format « ser-vice renforcé » avec un référentAPECqui, dans un esprit deparrainage, fait avec l’étudiant lerecensement des compétences, lerepérage desmarchés, le pilotagevers la recherche d’emploi, voirel’accompagnement en emploi.En juin 2011, le rapport du séna-teur (UMP) ChristianDemuynckfixait l’objectif de réduire

demoitié le décrochageuniversi-taire d’ici dix ans. Le budget allouéà l’APECpour l’accompagnementest de deux fois 20millions d’eu-ros pour 50 000 jeunes sur deuxans. « 25 000 jeunes feront l’objetd’un accompagnement en 2011,et 25 000 en 2012, stipulait l’ANIdu 7 avril. Nous avons de longuedate des partenariats avecl’ensemble des établissementsde l’enseignement supérieur,maisce dispositif d’accompagnementn’est en place que depuis lami-novembre, il est donc unpeu tôtpour en faire unbilan, estimeBertrandHébert, directeur généralde l’APEC. Endeuxmoiset demi, l’APECa contacté près de120 000 jeunes pour leur proposerune aide,mais seuls 6 000ontdemandé à bénéficierde nos services, dont 2 000pourun service renforcé », ajoute-t-il.Aujourd’hui, l’APEC intervientà la demandedes personnels desétablissements. Les étudiants ne sebousculent pas pour demander del’aide. « Ce sont surtout des annéesde licence et demaster qui se tour-nent vers nous »,noteM.Hébert.Il reste doncun sérieux travail deciblage à accomplir pour drainerles « décrocheurs » depremièreannée.

AnneRodier

Faut-il parier sur laprofessionnalisation ?L’Agence pour l’emploi

des cadres amis

en place un dispositif

visant à réduire

le décrochage

universitaire.

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Page 21: Le Monde Campus

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96

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75138

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édition, imprimerie, reproduction

santé

capacitéà se spécialiser importeautant sinonplusque lapolitiquebudgétaire oumonétaire. Ce sontles pays qui ont perdu ou n’ont pas construit debase industrielle qui éprouvent aujourd’hui lesplus grandes difficultés à rebondir après le creuxde la crise. » Aumilieu des lamentations sur la

22/ LeMondeCampus mardi20mars2012

Réindustrialisons, réindustrialisons, le leitmo-tiv est partagé par tous les candidats à l’électionprésidentielle. Commeelle semble loin, l’époqueoù l’onvantait lemodèle anglo-saxond’une éco-nomie de services, où l’on prédisait le triomphedes « entreprises sans usines ». Auxpays émer-gents la productiondes biens de consommation,auxpaysriches leurconception, leurcommerciali-sation, leur financement.Aujourd’hui, après troisannéesdecrisequiontvus’effondrercesmythesde la«mondialisationheu-reuse», lespolitiqueséconomiquessontpolariséessur le sauvetaged’un système financier etmoné-taire à la dérive, croulant sous la dette, privée etpublique. Les marges de manœuvre paraissentbienfaiblespourenvisagerd’investirpour l’avenir.C’est pourtant cela qu’il faudrait envisager, affir-me un passionnant rapport du Centre d’analysestratégique (CAS, l’ancienCommissariat auplan)intitulé « Les secteurs de la nouvelle croissance :uneprojectionà l’horizon2030», publié le 17 jan-vier.« Identifier les avantages comparatifs, les sec-teurs capables de dégager des gains de producti-vité, d’avoir des effets d’entraînement, c’est bien cequi seradécisif pourmieuxorienter nos efforts. La

d o s s i e r présidentielle : pour qui faut-il voter ?

RUn rapport du Centred’analyse stratégiqueaffirme que le moteurde la croissance passepar une relance cibléedes activités industriellesqui, à leur tour,dynamiseront les activitésde services.

Le retourde l’industrie

Page 23: Le Monde Campus

Secteurscréateurs

plois

Secteursdestructeursd'emplois

évolution de l’emploi sectoriel,enmilliers*

de 2011 à 2016

à l’horizon 2030pour le scénario cible(nouveaumodèle de croissance à fort contenuen innovations, orienté vers les services,consommation et production « écoresponsable »)

*Chaque graphique a sa propre échelle

combus

tibles

et carb

urants

chimie

, caout

chouc,

plastiq

ue

posteet tél

écoms

bois et papier

automobile

produits minéraux

équipements et composants

électriques et électroniques

textile, habillement, cuireau, gaz, électricité

équipements du foyer

– 1 – 4– 3 – 12

– 6

– 97

– 8 – 21– 10

– 51– 12

– 38– 14

– 74

– 15

– 61– 19

– 62

– 17

– 61

métallurgie et

transformation

des métaux

équipementsmécan

iques

servicesgénérau

xdel’ad

ministatio

ncen

trale

– 19

– 50– 37

– 111

– 238

mardi20mars2012 LeMondeCampus /23

Le scénario de sortie de crise

combine une hausse des dépenses

de recherche et développement

avec desmesures pénalisant les

produits et services polluants et

incitant à la consommation de

biens et services écoresponsables

D’où le formidable potentiel de création d’em-plois des « services opérationnels » et du « conseilet assistance » (près de 400 000 emplois entre2011 et 2016, près de 1million à l’horizon 2030selon le CAS).Maintenance, sécurité, nettoyage, intérim… cesmétiers n’évoquent guère lesmilliers d’emploisqualifiés qu’attendent les jeunes diplômés.Erreur, affirment les experts du CAS, qui décri-vent une «montée engamme»des services ren-dusauxconsommateurs et auxentreprises, grâceaux innovations technologiquesmises aupoint…par l’industrie. En effet, la révolutionnumérique,par exemple, signifienon seulement l’apparitionde nouvelles industries symbolisées par Apple,Google et autresMicrosoft, mais encore, et sur-tout, unemodification dumode de distributiondes produits et services, de plus en plus indivi-dualisé, générateur de gains deproductivité, exi-geant plus de qualifications et de compétences.Un scénario qui devrait se répéter avec d’autresrévolutions, comme celles des biotechnologiesoudes technologies vertes, dans la santé, le bâti-ment, le transport…Enfin, le CAS estime que,malgré la forte contrac-tion actuelle des dépenses publiques, les besoinsliésà lademandesociale, commela formation, lesservices à la personne, la culture, les loisirs, nepourrontêtrecomprimésbien longtemps. Ils crée-ront massivement des emplois de plus en plusqualifiés dans les années à venir, que ce soit sousgestion publique ou privée : 170 000 entre 2011et 2016, 720 000à820 000à l’horizon2030 !L’intensité de ces évolutions structurelles varieraselon les scénarioséconomiques,maisaussi selonles politiques publiques qui serontmenées…parleprochainprésident. LeCASpropose trois scéna-rios.Unscénario«decrise»quiverrait lesgouver-nements, incapablesd’enrayer l’effondrementdelamonnaieuniqueet lahaussedes tauxd’intérêt,s’entêterdansdespolitiquesd’austéritébudgétai-reetdecasse sociale, audétrimentde l’innovationetde laqualitédes emplois et aubénéficedes ser-vices bas de gamme. Un scénario « contraint »(moyen)verraitune lenteethésitanteadaptation,portéepar les seulesévolutionsstructurelles fauted’une politique publique donnant l’impulsionnécessaire. Celle-ci serait à l’inverse lamarqueduscénario«cible » (souhaitable), encombinantunehausse des dépenses de recherche et développe-mentavecdesmesurespénalisant lesproduits etservices polluants et incitant à la consommationdebiens et services écoresponsables.Unscénario« favorableàunehaussedes compétencesdespro-fessions trèsqualifiéesmaisaussi intermédiaires ».

AntoineReverchon

pertede compétitivitéde la France et l’inexorablemontée du chômage, les auteurs de ce rapportaffirment que « les pertes d’emplois peuvent êtreréversibles, à conditiond’orienter les efforts sur lesactivitésporteuses (…). Le défi consistedoncà iden-

tifier ces activités suffisamment tôtpour préparer l’avenir ou, pour lemoins, offrir une perspective surlaquelle ancrer la confiance ».Voilà

un beau programme pour un candi-dat à la présidence !

Lesprospectivistes duCASparient sur «unenou-velle articulation industrie-services qui sera lemoteur de la croissance future permettant unemontée en gammedes prestations associées auxbiens et ayant de surcroît des bénéfices environ-nementaux». Il ne fautplus concevoir la diminu-tion du nombre d’emplois industriels au profitdes services comme le signe d’un déclin de l’in-dustrie, car nombre de ces emplois de service nepourraient exister sans le développement… del’industrie.Ne serait-ceque l’intérimqui, bienquecataloguédans les services (il s’agit d’unepresta-tion auxentreprises) est en grandepartie exercéau seinde l’industrie. Il en est demêmedes fonc-tions demaintenance, nettoyage, sécurité,maisaussi de logistique, informatique, conseil, mar-keting, etc., passées de l’industrie aux servicesalors qu’ils s’exercent pour et dans l’industrie.

d o s s i e r

Page 24: Le Monde Campus

LToulouse, correspondantLegénieurbaina-t-ilplusd’avenirque l’aéronau-tiquepourun jeune ingénieur ?C’est la questionsuggéréepar l’Institutnationaldes sciencesappli-quées (INSA)deToulouse, pourtant capitale fran-çaise de l’aéronautique. L’établissement, quidélivre 500 diplômes par an, vient demettre enplacedenouveauxcursuspluridisciplinairesori-ginaux. Surprise : ni l’aéronautique ni le spatialne figurent parmi les huit secteurs émergents,selon l’école, qui ambitionnede former ses futursingénieursàdes«métiersd’avenir » : géniebiochi-mique, génie civil, automatique et électronique,géniemathématiqueetmodélisation, etc.EADS,maisonmère d’Airbus, emploie pourtantsept centsdiplômésde l’INSAToulouse, selon JeanBotti, directeur techniquedugroupeeuropéenet

anciende l’école.Maisdemain ?EADS InnovationWorks emploie elle aussi sept cents ingénieurs,mais dans lemonde entier. L’unité Recherche ettechnologie du groupe, mise en place par JeanBotti, fait, elle, travailler soixantepersonnesàTou-

L’INSA Toulouse,prépare un virage

sur l’aile

d o s s i e r présidentielle : pour qui faut-il voter ?

louse,Nantes,Hambourg, PékinouBangalore.DidierMarquisne s’enoffusquepas. Ledirecteurde l’INSAToulouse estime«normal »que l’entre-prise se rapprochede sesmarchés et juge « inévi-table » la concurrencedenouveauxpays.AToulouse,oncommenceàs’alarmerdudévelop-pement de l’out-sourcing. En février 2011, deuxcents employés d’une SSII ont bloqué l’accès auxbureauxd’étudesd’Airbus,où ils travaillent, car ilsredoutentd’êtremisenconcurrenceavecdes infor-maticiens indiens. A l’INSA, on leur donne raisonàdemi-mot.Toutensoulignantqu’Airbusaété l’undes principaux recruteurs pour les systèmesembarqués :prèsdecinqcents ingénieursembau-chés cette année en France.Mais cemouvementsera-t-il durable, se demandeDidierMarquis ? Ledirecteurde l’écoleveutmiser sur«uneméthodo-logied’innovationdynamique»pourquesesélèvesgardent une longueur d’avance. Certains jeunesfraîchement émoulus de l’INSA ont déjà senti levent tourner. « J’ai pris conscience duphénomènequandonm’ademandéde former deuxTunisiensalors que j’étais en stage en quatrième année »,raconte Jean-Jacques Bois, qui a poursuivi sesétudes par unmaster spécialisé d’ingénieur d’af-faires industrielles pour créer sa propre entrepri-sedenanotechnologieavecuncamaradede l’école.A la confluencede laphysiqueetde la chimie, l’in-génierie des nanotechnologies est l’une des nou-velles spécialitésproposéespar l’école encinquiè-me année. Sept autres « parcours transversauxpluridisciplinaires » (PTP) sont proposés : riskengineering,énergie, génieurbain, ingénieriedessystèmes, systèmesembarqués critiques, biologiedes systèmes etmodélisation numériquemulti-physique.Dessupplémentsde formationà lacartequi reposent sur desprojets réalisés en communpardes étudiantsdedifférentesdisciplines.La gestion de l’énergie représente jusqu’à300 heuresdePTP.Lesdébouchéssontnombreuxetvariés.Mêmelebâtimentest intéressé.«DepuisleGrenellede l’environnement,nous intégrons sys-tématiquement le coût de l’énergie dans nosconstructions », affirmeRobert Dagrassa, patrond’une grande entreprise locale de BTP, lui-mêmeancien diplôméde l’INSA Toulouse. Comme lui,plus de soixante-dix étudiants sortent chaqueannéeavecundiplômedegéniecivil.A l’instardePolytechnique,DidierMarquis s’em-ploie à tisser des liens avec les autres écoles d’in-génieurs, bientôt regroupées au sein du collègeToulouseTechde l’universitédeToulouse.Cenor-malien, qui dirigeait l’Ecole centrale deMarseilleavantdereprendre les rênesde l’école toulousaine,mise sur la recherche pour faire la différence.L’école produit ainsi chaque année une cinquan-tainede thèses.

StéphaneThépot

Desétudiantsenapprentissage

chezAirbus.PascalPavari/AFP

L’INSAmise sur la formation

d’ingénieurs ayant de nouvelles

spécialités très pointues et

propose des parcours transversaux

et pluridisciplinaires

Page 25: Le Monde Campus

AUDIT, CONSEIL,EXPERTISE COMPTABLE

Rendez-vous suret kpmgrecrute.fr

Page 26: Le Monde Campus

26/ LeMondeCampusmardi20mars2012

I N T E R N A T I O N A L

à partir de 1991, lorsque le régimelance la répression contre les isla-mistes : tabousscientifiques,auteursbannisde labibliothèque, recherchesouscontrôlepolicier, avantagesauxenseignants à la soldedupouvoir etmise à l’écart des présumésprochesdumouvement islamisteEnnahda…«Ledialogueprofondn’étaitpaspos-sible. Une fois, j’ai essayé d’ouvrir ladiscussionavecmes élèves : le doyenm’aconvoqué. Il avaitun rapport surmon cours, écrit par un étudiant »,raconte Imed Shili. « Le climat étaitmalsain, résume Hmida Ennaifer,islamiste réputéprogressiste, retrai-té de la Zitouna. Des profs ont éténomméspour oter des programmestout cequipouvaitdonner lieuàuneinterprétation politique de l’islam. »«Onavouluprojeterune lecture idéo-logique, laïque, du Coran, accuseaussi le nouveau recteur AbdeljalilSalem.Onne peut pas imposer unelecture, nous voulons enseignerl’islamd’une façonscientifique. »« LamarginalisationopéréeparBenAli a, paradoxalement, créé lamon-téedusalafisme. Les jeunesn’avaientplusde repèreset se sont tournésversles prédicateurs de la télé », analysepour sa part Mohamed Chtioui, lenouveau directeur de l’Institut dethéologie.Cet islamologue,quinenie

passesorientationsislamistes,a long-tempsétécantonnéàl’enseignementsecondaire, malgré sa compétencescientifique reconnue. Cet hommepétillant espère redonner à la Zitou-na « son rôle scientifique et social »,pourenfaire« laréférenced’unislaméquilibréet tolérant».Cequifera,pro-fesse-t-il,« reculer l’extrémisme».Ahmed, l’étudiantenqamis-doudou-ne, s’est inscrit là, lui,«parceque l’is-lamabeaucoupd’ennemis » et qu’ilveut « apprendre à le défendre ».HmidaEnnaiferdécrypte :«Lesétu-diants de la Zitouna sont des jeunesd’originemodeste,pourqui lareligionreprésente aujourd’hui un éventuelascenseur social. »Alarentrée, enseptembre, il yabieneu quelques remous avec ces étu-diantsadeptesd’unelecturerigoriste.« Ils n’ont pas voulu des cours sur lesdroits de l’homme, les langues, laphilo…Mais ças’estarrangégrâceaudialogue», raconte IqbalGharbi, quienseigne l’anthropologie religieuse.Unematière sensible, où elle parle« de Freud, des liens entre psychana-lyseet religion, sansqu’il yaitderéac-tionviolente»,soulignecette islamo-logue partisane d’une séparationentre civil et religieux. A la Zitouna,le niqab est toléré. Une salle depriè-reaétéaménagée.

Tunis, correspondanceCombien de courants y a-t-il enislam ?Quatre, soixante-douze ?Est-ceunerichesseouunesourced’affai-blissement ? Imed Shili, professeurdephilosophie de l’islamà l’Institutde théologie de la Zitouna, à Tunis,expose àunequinzaine d’étudiantsdepremièreannée lesdiverses théo-ries des islamologues. Et peut-onprendreaupieddela lettrecethadith(« parole duprophète »), qui stipulequ’un seul de ces courants est dansle vrai et pourra prétendre aupara-dis ? Oui, défendent mordicus, dufonddelaclasse,deuxjeunesaulooksalafiste, pantalonmilitaire etman-teaude laine traditionnel pour l’un,qamis blanche (vêtement ample) etdoudounenoire pour l’autre. « Cer-tains islamologuessoulignentquecethadith aun faible degré de crédibili-té, puisqu’il n’aurait pas été rapportépardescontemporainsduProphète»,souligne l’enseignant. La discussionest animée, les deux étudiants co-riaces. « Ils ne veulent que lire leCoran. Je leur donne des méthodespour l’interpréter aujourd’hui, ex-plique Imed Shili. Je veux leur ap-prendre à accepter l’autre, et je peuxyarriver, il faut justede lapatience. »Libéréede ladictaturepuis confron-téeà lapousséesalafiste, l’université

Zitouna («l’olivier» en arabe) rede-vientunespacededébatreligieux.Etentends’yplacerà lapointe.Premier établissement d’enseigne-ment dans lemonde arabo-musul-man, créé auVIIIe siècle, il constituelepilierdel’écolemalékite, cecourantmodéré de l’islam sunnite, large-ment dominant en Tunisie. Le pèrede l’indépendance,Bourguiba (1903-2000) la réduit au minimum. Sonsuccesseur, le président Ben Ali, ladéveloppe, avantde lamettreaupas

Avecune approchepluridisciplinaireet scientifique,l’université Zitounatented’enseignerun islamadaptéauxexigencesdusiècle.Nonsansmal.

CTunis : débat de fondà la fac de théologieL’universitéElManar(Tunis)estun fiefdes étudiantsislamistes.

FethiB

elaid/AFP

Page 27: Le Monde Campus

mardi20mars2012LeMondeCampus /27

Depuis la révolution, quatre profes-seurs, considéréscommedespropa-gandistesde l’islambénaliste,ontété« dégagés »par les étudiants. La di-rection nommée a fait place à unedirection élue. Les étudiants isla-mistes,passéspar laprisonouempê-chés de s’inscrire, ont été réintégrés.L’Institut de théologie, tombé àquatre cents inscrits en 2010, encompte désormais près de deuxmille. Un master en finance isla-miqueaétémis surpied.A l’étroit dans ses locauxdu centre-ville, l’universitécherche40hectareset des financements pour bâtir uncampusà ladimensiondesesambi-tions. La faculté,qui«produit»quel-ques professeurs d’éducation reli-gieuse et beaucoup de chômeurs,veut former les imams – « desespionsoudes ignares, sousBenAli»,décritM. Chtioui. Le directeur parleaussi de relancer la recherche, demêler l’islamologie et les scienceshumaines… « La Zitouna doitremettre certains thèmes en débat :le fameux rapport entre temporel etspirituel, l’interprétation du Corandans le contexteduXXIe siècle »,esti-meHmidaEnnaifer.Quiavertit :«Lerenouveaupassepar l’indépendancevis-à-visdupouvoir, quelqu’il soit. »

ElodieAuffray

ISLAMISTES, «GAUCHISTES», sala-fistes…EnTunisie, depuis ledépartdeBenAli, l’universitéest l’unedesarènesoùse rencontrentet se confrontent les idéologies.«Lepouvoiravaitmis lamainsur toutes lesactivitéspolitiquesà l’université. Envingtans, il n’yaeuaucunmouvementétudiantmarquant», rappelleAdelThabti,ancienporte-parole, jusqu’à soninterdictionen1991, de l’Uniongénérale tunisiennedesétudiants(UGTE), prochedes islamistes.Ce journalisteest aujourd’huiprésidentde laLiguedesanciensde l’UGTE, crééeen juin. Sonobjectif : aider la jeunegénérationà rebâtir le syndicat. Cedimanchede février, ils sontunevingtaine,venusécouter les conseilsdesaînés.«Vousdevez séparer lapolitiqueet le syndicat. Il faut êtreprochedes étudiants, être tolérant et éviterle recoursà laviolence»,égrèneHabib Jemli. Cofondateurde l’UGTEen1985, il saitdequoi il parle : ladécennie 1980avus’affronter,parfoisviolemment, islamistesetétudiantsdegauche. Lesunscontre

lesautres, et tourà tourcontre lepouvoir, qui a jouédeces conflits.L’UGTEs’implante timidement :une trentainedecomitésontétécréés, pour 190facultés. C’estbeau-coupmoinsqu’àEnnahda :dotéedemoyensbienplus importants,labrancheuniversitésdupartiislamiste revendiqueuneprésencedansplusdecentétablissements.« Ilsmerappellent les jeunesduRCD[lepartideBenAli]. Ils veulentdéfendre les intérêtsdupouvoir,etnonceuxdesétudiants», taclela sexagénaireMounaOueslati,membredubureaude l’UniongénéraledesétudiantsdeTunisie(UGET), qui a luttébonanmalansous ladictature. Seul syndicatautorisépendantvingtans, l’UGETpréférerait le rester.Tout cepetitmondes’affronteraà la loyale lorsdesélectionsdesconseils scientifiques,prévuesenmars.Chacunasesbastions.Auxislamistes les facultésde sciences,

auxgauchistes, cellesde scienceshumaines.Que l’uns’aventure surle fiefde l’autre, et c’est l’affronte-ment, commeà la facdedroitdeTunis, où lesétudiantsensontvenusauxmains.C’estdansunechassegardéede lagauche, la facultédes lettresde laManouba, àTunis, ques’estcristallisé le conflit. Sous lapressiondes salafistes, quiontdébouléavec ledroit auniqab. Sidansd’autres facs, ons’estparfois accom-modéduvoile intégral, à laManou-ba, les enseignants refusentde tran-siger. La facultéest ainsidevenuele ferde lanceducombatavec leministèrede l’enseignementsupérieurpourqu’il tranchesurcettequestion.«C’estundébatdesociété», fait-onvaloir auministère.Aprèsavoir consulté l’équivalentduConseil d’Etat, leministre,unnahdaoui (membred’Ennahda)honnidesenseignantsdegauche, afinipar reconnaître la souverainetédechaque facen lamatière. Insuffi-sant, juge-t-onà laManouba,pourmettre finauxassauts salafistes.

E.A.

Les campus, champsdebataille politique

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28/ LeMondeCampus mardi20mars2012

I N T E R N A T I O N A L

Sonvoisin égyptienestunedestina-tionpriséedes expatriés et accueillede grands groupes français commeDanone, Lafarge, Total ou Air Li-quide.«Mais le travail des étrangersn’est plusaussi facile,déplore Ingi El-Hadidy de la chambre de commer-ce française en Egypte. Depuis larévolution, la délivrance des permisde travail est réduite, plusieurs entre-prises ont gelé les embauches et l’in-vestissement est attentiste. » « Lessecteurs des technologies, du com-mercial et de l’informationdevraientoffrir de nouvelles opportunités »,prévoit néanmoins Hanan Habib,

d’Ubifrance auCaire.Mais ce sont les pays du Golfe quirestent l’eldoradodes expatriés.Desgroupes internationaux, commeGoogle ou Nokia, y ont implantéleurs sièges régionaux. Selon le lea-der régional du recrutement enligne Bayt.com, les secteurs quiembauchent dans l’année à venirsont les télécoms, la banque et lafinance et la construction. La publi-cité, l’informatique et le médicalsont, eux, enperte de vitesse.Dubaï,moins glorieuse depuis sonrevers financier en 2009, conservetoutefois ses lettresdenoblesse

Beyrouth, Tunis, correspondancesLeMarocs’avèreunbonchoixpourles jeunes diplômés francophones :le royaumeabrite les filialesde tren-te-huit entreprises duCAC 40 et deprèsdemille sociétés françaises. Lesmultiplesappelsd’offresdemarchéspublics en partenariat avec l’Unioneuropéennesontégalementgénéra-teursd’emplois.L’Algérie impose,elle,desrestrictionsplusfortesauxinves-tisseursetauxsalariésétrangers.En Tunisie, les opportunités sont àconsidérer au cas par cas du fait dela petite taille du marché. Lesquelque mille deux cents entre-prises françaises du pays sont unbon tremplin,mais les filiales déta-chentdes salariésexpérimentésplu-tôtquedes jeunes. Lavoieprivilégiéerestedonccelleduvolontariat inter-national : cinquante à soixantejeunes cadres, principalement ingé-nieursdeproduction industrielle, dufait de l’importance de l’activité desous-traitance, ont ainsi choisi des’expatrier à Tunis. Les services etl’aéronautique sont aussi en pleinboum.«Ces jeunesveulent échapperà lamorosité dumarché du travailfrançais »,expliqueàTunisMichèle

LTravailler

auMaghreb et auMachrek

Fekid’Ubifrance, réseaud’accompa-gnement à l’exportation des entre-prises françaises. La Banque africai-ne de développement a égalementmis en place un « Programme dejeunes professionnels », ouvert auxcadresde tous lespaysmembres. En2010, laFranceétait la secondenatio-nalité représentée.La Libye, à la traîne en termes dedéveloppementéconomique, estunmarché prometteur, car les fondspublics gelés devraient être déblo-qués dans les mois à venir. Vinci,Veolia Environnement et GDF Suezsont déjà présents dans le pays.

Avec la redistributionattenduede la donneéconomique,les pays arabes offrentde nouvellesopportunités.Revue des perspectivespour les diplômésfrançais quisouhaitent fuirla morosité ambiante.

•••

La« circulaireGuéant »du31mai 2011 appelle lespréfets à réduirel’immigration légalede travail en France.Notantqu’«unegrandepartdu fluxprovient de changements de statut demandéspar les étudiants »,elle prescrit«uncontrôle approfondi »de cesdemandes et des cartesde travail.« Les étudiants étrangers ont vocation, à l’issuede leur séjourd’études, à regagner leurpayspour ymettre enœuvre les connaissancesacquises », justifie le texte.Devant la fortemobilisationde la sociétécivile, ClaudeGuéant a revu sa copie en janvier, à traversune circulairecomplémentaire. Ce texteplonge les étudiants étrangersdansuneinquiétudequipourrait les inciter à aller voir ailleurs (lire ci-contre).

Étrangersindésirables…enFrance

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mardi20mars2012 LeMondeCampus /29

LAMIÂA ATTEND chez elle la réponseau recours qu’elle a déposé à la pré-fecture endécembre. Cette titulaired’unmaster en contrôle de gestion,diplôméede l’Ecole supérieure decommerce de Toulouse, avait pour-tant été embauchéepar un cabinetde conseil en assurances. Elledemande en août son changementde statut et commence son contrat,profitant des sixmois d’activitéautorisés par sa carte de séjourétudiante. En octobre, sondossierest toujours en examen, elledemandedoncuneprorogation. Lapréfecture de Paris lui délivre alorsun récépissé, « mais qui stipulaitque je n’avais pas l’autorisation detravailler.Du jour au lendemain, j’aiété contrainte d’arrêter. Heureuse-ment quemon employeur estcompréhensif et promet demereprendre. » Lamiâa espère que lacirculaire complémentaire ferapencher la balance en sa faveur. « Sije ressens pour la première fois que

je suis étrangère, je ne perds pasl’amour que j’ai pour la France carellem’a formée et je refuse de partirsur unenote d’amertume. »

« LA DERNIÈRE FOIS, je suis arrivéedevant la préfecture à 4 h 30pourêtre sûre d’avoir une place. Des gensy avaient passé la nuit », se sou-vient Aouatef. Tunisiennedenatio-nalité, elle est françaised’éducation :études d’anglais à la Sorbonneetmaster de sciences politiquesàMontpellier, puis Institut deshautes études desNations unies.Après un an à la Banquemondiale,Aouatef souhaite élargir sescompétences en travaillant dansun centre social. C’est le débutdu casse-tête. « Ilm’a fallu faire laqueue à trois reprises pendant aumoins quatre heures. Je ne pouvais

pas déposermondossier car il n’yavait que quinze tickets par jourpour les personnes dansma situa-tion. » Fin février, elle attend tou-jours une réponse à sondossierdéposé ennovembre, et travailleavec un récépissé. Si elle ne s’in-quiète pas troppour elle-même,car elle a unprofil international,Aouatef pense que cesmesuresvont ternir l’image et la compétiti-vité de la France, « alors que lesdiplômés étrangers finiront tou-jours par s’en sortir, dans unautrepays oudans leur pays d’origine ».

AMINE, 26 ANS,n’est jamais sorti deTunisie,mais il rêve de la Francedepuis qu’il est gamin. Formé àl’Ecole nationale des sciences del’informatique, fleuron en lamatiè-re, voici deux ans qu’il travaillecomme ingénieur dans des socié-tés de prestationde services.Amine ambitionnemaintenant depasser cinq ou six ans en France

pour « nouer des contacts profes-sionnels, gagner de l’argent, puisretourner aupaysmonter unpetitprojet ».Unebonnepartie de sapromo s’est expatriée, ou l’envisa-ge. Unmoyende s’extraire desmauvaises conditions de travaildes ingénieurs en Tunisie : « Lessalaires sont faibles et la qualité desprojetsmédiocre. »A son retour, ilespère donc faire autrement.Maisles candidatures spontanées n’ontpasmarché. Aminedémarchemaintenant les chasseurs de têtesqui organisent des campagnes derecrutement ou jouent le rôled’agences d’intérim. Et, surtout, quis’occupent de la paperasse. «Audébut, j’étais tellement obsédé quej’ai fait une dépression. »Désor-mais, il relativise : « Si la Francedevient inaccessible, je chercheraid’autres voies. » LeCanada est unepossibilité, en vogue enTunisie.

Propos recueillis par CamilleFévrier et ElodieAuffray

Les galères de Lamiâa, Aouatef etAmine

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Page 30: Le Monde Campus

30/ LeMondeCampus mardi20mars2012

I N T E R N A T I O N A L

Grèce : lesétudiantshésitentàpartiràcausedelacrisePANTELIS STERGIANNIS aimeraitbienpoursuivre ses études dedroit en France. «Mais à cause dela situation économique, c’est diffi-cile d’aller à l’étranger », expliquece jeunehommede 22 ans.Ses parents ne sont pas pauvres,mais sonpère est retraité et samère professeur dansune école,deux catégories touchées par lesmesures d’austérité. «Mes parentsm’encouragent à partir,maisje sais que ça leur coûterait plusd’argent qu’ils ne le pensent. »Les étudiants grecs ont toujourseu le regard tourné vers l’Europe etles Etats-Unis. LaGrèce a toujoursété parmi les pays européens quienvoyaient le plus d’étudiants àl’étranger. « Il y a deux raisonsà cela, explique Lois Labriadinis,professeur de géographie à l’uni-versité deMacédoine, la difficultéd’entrer dans les bonnes universitésgrecques a poussé de nombreuxétudiants à partir à l’étranger et,de façonplusminoritaire, les élitesont la volonté d’envoyer leursenfants dans les grandes universi-tés américaines et anglaises. »M. Labrianidis, qui amenéuneétude sur le départ des jeunesdiplômés, n’observe pas lemêmephénomène en ce qui concerne lesétudiants. «Nous n’avons pas dedonnées fiables,mais jem’attendsà ce qu’il y en aitmoins quipuissent partir à cause de la crise.Les parents des classesmoyennesn’ont pas assez d’argent pour payerplusieurs années d’études à l’étran-ger. En plus, la situation dumarchéde l’emploi enGrèce n’encouragepas les étudiants à partir. Ils sedemandent si cela vaut la peine depasserundiplômeà l’étrangerpourrevenir travailler commebarman,comme cela se passe aujourd’hui. »

Espagne : lafuitedescerveauxANDREATORREGROSA, 26 ans, a faitsept ans d’études dans l’une desmeilleures écoles d’architecture

espagnoles.Mais en sortant de laPolitecnica deMadrid, en 2011, ellen’amêmepas cherchéun travailen Espagne. Avec près de 50%dechômage chez les jeunes et unebulle immobilière qui a sinistréle secteur de la construction, ellea filé tout droit auxPays-Bas. Et y adécrochéun contrat d’un an. « Laplupart demes copains de promoqui sont restés sont serveurs ouvendeurs dans des boutiques defringues », raconte la jeunefemme.Son cas n’est pas isolé. Plus de60 000Espagnols ont quitté leurpays en 2011, selon l’Institut natio-nal de statistiques espagnols (INE).Le soldemigratoire est redevenunégatif.Mais à la différence del’émigration espagnole des années1960qui avaient vu les ouvriersnonqualifiés, bataillons demain-d’œuvre bonmarché, tenter leurchance en France, enAllemagneou en Suisse, ce sont cette foisdes jeunes diplômés, si ce n’estsurdiplômés, qui partent danstoute l’Europe ou enAmériquelatine.AMadrid, les cours d’allemandaffichent ainsi complet. DevantleGoethe Institut, DimasVallina,19 ans, étudiant en ingénierieaéronautique, envisagedéjà d’émigrer à Berlin, où il a« plus de chances de trouverunbon travail ».« Le premier demapromod’ingé-nieurs des ponts et chaussées del’université de Cantabrie est partiau Pérou », affirme JoséUnceta,24 ans, qui cherche à obtenirunvisa pour aller enAustralie,à la recherche d’un futurmeilleur,« parce qu’en Espagneles entreprises licencientmais n’embauchent pas. »Les anciennes colonies, aveclesquelles les entreprises n’ontcessé demaintenir d’étroitsliens commerciaux, offrentdes opportunités. AuPortugal,40%des chômeurs ontmoinsde 34 ans et sont diplômés du

supérieur, et de plus enplusprennent la route pour allerchercher leur eldorado auBrésilet enAngola.

Irlande : les jeunesdiplômésn’ontpaslechoix

COMME LA PLUPART des jeunesdiplômés irlandais, JonathanCloonann’a guère eu le choixà la sortie de l’université. Sonmaster demarketing enpocheen 2009, il aurait peut-être putrouver un emploi àDublin,maisles opportunités étaient rares :partir à l’étranger était la solutionla plus évidente. «Aujourd’hui, onquitte l’Irlande par nécessité, paspar choix. » La preuve : « 65%demes amis d’université sont partis. »Avec la crise, l’Irlande est redeve-nueunpays d’émigrationdepuis2009.Mais contrairement auxannées 1980, lamain-d’œuvrequi part faute de travailest jeune, éduquée et diplômée.JonathanCloonan ad’aborddéménagé auxEtats-Unis, l’undes pays deprédilectiondes jeunes Irlandais pour allertravailler dans unmagazine detélévision. Puis il a eu la chanced’être recruté dans le programmejeunes diplômés deWPP,le premier groupemondialde publicité, et il va ainsi passerde pays enpays pour trois ans (ilest actuellement à Singapour).EamonFitzgeraldauneexpériencecomparable. S’il a décrochéun emploi àDublin après sondiplômedebusiness et de françaisen 2007, il n’a pas trouvé depostedans lemétier dont il rêvait :négociateur en vin. C’est à Londresqu’il a dénichécet emploil’andernier. Il n’est pas le seulà s’être installé dans la capitalebritannique, qui est, de loin, lapremière destinationdes jeunesIrlandais : «Des vingt étudiantsqui étaient dansma classe, seizesont à Londres », témoigne-t-il.

EricAlbert (à Londres),SandrineMorel (àMadrid)et Alain Salles (àAthènes)

Oùvont les jeunesdiplômés européens ?aux yeux des candidats. Sil’immobiliermarque lepas, l’indus-trie pétrochimique et le tourismesont enpleinboumdans la « VeniseduGolfe ».Son voisin Oman, moins connu,mise sur le tourisme et la distribu-tion. Les grandes entreprises fran-çaises comme Carrefour l’ont biencompris et s’implantent progres-sivement dans le pays. SelonBayt.com, 38%des sociétés prêtes àrecruter dans les troismois à venirsontbasées àOman.Le Qatar et le Koweït offrent égale-ment denombreuxpostes pour lesexpatriés. « Mais les Européens seretrouvent parfois en concurrenceavec des Indiens, des Pakistanais oudesAustraliens, réputés fortsen infor-matiqueetparlantcouramment l’an-glais»,prévientRamyLabaki, respon-sabledeBayt.comàBeyrouth.L’Arabiesaouditeest ladestination lamoinsattractiveauxyeuxdescandi-datsà l’expatriation,maiss’avèreêtrele pays qui propose le plus d’oppor-tunitéspour lesétrangers.«Lesdiplô-més locauxsedestinentpresque tousàdesemploisdans lepublic,expliqueLahcenAchy, économiste spécialistede lazoneà laFondationCarnegie. Ilsreçoivent des salaires conséquentspourdeshoraires limités,personneneveut donc rejoindre le privé. » Lesinfrastructures et les télécoms sonttrès dynamiques. Outre son activitépétrolière, le royaumeadécidéd’in-vestir dans le nucléaire, une chancepour l’expertise française.Dans lespaysduLevant, la situationest différente. Lesmarchés de l’em-ploi syrien et irakien sontmis horsjeu par les troubles sécuritaires ac-tuels. Le contexte au Liban est plusenviable. « Le régime fiscal est trèsintéressantpour lesentreprisesétran-gères,note LahcenAchy, et les expa-triés sont bien accueillis. »Mais cesdernierssontconfrontésàunphéno-mène unique dans la région : laconcurrence avec les diplômés lo-caux.DenombreuxLibanais sonteneffetdétenteursdemasters, souventobtenus dans des universités occi-dentales. « Pour les employeurs, cesont des Européens qui parlent l’ara-be »,note RamyLabaki. Lesmétiersoù lesEuropéensgardentuneexper-tisesont larestauration, lesorganisa-tions internationaleset lesONG.

ElodieAuffrayet Camille Février

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32/ LeMondeCampus mardi20mars2012

I N T E R N E T

Clément Wehrung est tout justediplôméde l’Essec. Il gagne trèsbiensaviemaisne faitnide la financenide la stratégie. Sa passion, c’est lecode, ces lignes de signes qui per-mettent de programmer des sitesWeb et applications informatiques.Dèssonenfance, il s’yadonneàfond.Enprépa, il créeuneplate-formedepartagede connaissancespour faci-liter les révisions. Puis, il intègre l’Es-sec où il développe « sans riendemanderàpersonne» l’applicationde l’école. Une prestation extrême-mentbienrémunérée.Onn’ensaurapas plus. « Je ne veux pas donner lefilon, explique le jeune program-meur.Leprixpour ledéveloppementd’une“appli”de base tourne autourde 5 000 euros.Mais si l’appli est unpeu plus compliquée, çamonte net-tement plus haut. » Alors que sesamis qui ont fait de la finance pei-nent aujourd’hui à trouver du tra-vail, Clément reçoitpléthored’offres.« Rien que cette semaine, j’ai étécontacté par une entreprise duCAC 40qui veut sonapplication. »Eneffet, aujourd’hui, le codeestpar-tout.« Ledéveloppeur travaille dansla télévision, les transports, dans le

Cmonde de l’art, des médias..., énu-mère avec enthousiasme AurélienFache, cofondateur du site d’infor-mationOwni.fr. Il ne s’agit pas justedudéveloppementdesitesWeboudeservices. Nous créons des dispositifsqui permettent de consommer etd’échanger l’information. »Lespécia-liste dumultimédia cite l’exempledes internautes qui ont créé descartes pour guider les sauveteurslorsdutremblementde terreàHaïti.« Les secouristes avaient besoin deconnaître l’état des lieux de Port-au-

Prince. De savoir si une route étaitbarréeoupas.Onparle de servicedecartographie en temps réel, il s’agiten fait de lignesde code. »Plus ces rangées de chiffres qui secachent derrière chaque site etapplication prennent de l’impor-tance, plus la programmationdevient un métier transversal.« C’est le cas des professions quibénéficient de beaucoupdemoyensfinanciers. Je pense notamment à labiologie avec le développementde labio-informatique, ou encore à l’ani-mation 3D», explique JeanVéronis,blogueur et professeur d’informa-tique et de linguistique.Le code serait-il le nouveau latin duXXIe siècle, un bagage culturel quenousallons tousdevoir intégrer ?AuRoyaume-Uni, le gouvernement ré-fléchit déjà à l’introductionde com-pétences informatiquesdebaseauxprogrammes scolaires. Aux Etats-Unis, la Maison Blanche a pris desparticipations dans Codecademy,une école du code qui propose descoursgratuits. Laquestion intéresseaussi les milieux académiques :dans Program or Be Programmed.Ten Commands for a Digital Age

(ORBooks, 2010), Douglas Rushkoffsouligne l’impact des logiciels etmédiasdigitauxdansnosvies.Avecun constat en forme de provoca-tion : si vousn’êtespasunprogram-meur, vous êtesunprogrammé.Lemouvementdevalorisationde laprogrammationnesemblepourtantpasavoir franchi laManche.Bienaucontraire, les clichés entourant lafigure du geek ont la vie dure. « Lesgens n’ont pas conscience en Francedu rôle des programmeurs. Certainsnous considèrent encore commedesbarbus un peu gros qui ne se laventpas et qui sont là juste pour exécu-ter», raconteAurélienFache.D’aprèsl’ingénieurendéveloppement, cetteperceptionstéréotypéeduhacker sedoubled’unecrainte liéeaupouvoirdes programmeurs. « Les datadéve-loppeurs ont permis de réinventerdesmodèles, desusages ; ça faitpeurà certains : on vient bousculer unordre qui était bien établi, on obligeà repenser lesmodèles économiquesexistants. »Aurélien Fache évoque le cas duquotidien britannique The Guar-dian, dont les équipes éditorialesvont être remaniées demanière à

La joyeuse revanchedesgeeks

Même si beaucoupdemonde toucheun peu au « code », lebon programmeurdemeure une denréerare. S’il a en plusun solide bagagecommercial, àlui l’avenir radieux.

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mardi20mars2012 LeMondeCampus /33

« Quandunétudiant vas’acheter unpull dans une grandeenseigne,donnepour exempleSylvie Suivre, de la Conférence desgrandes écoles (CGE), on luidemande souvent ses coordonnéespersonnelles afin de lui envoyer desinformations commerciales.Il ne réalise pas toujours que cesdonnées seront utilisées, qu’ellesvont circuler. »C’est tout l’intérêtde la conventionqu’ont signée,en décembre 2011, la CGE et laCommissionnationale de l’infor-matique et des libertés (CNIL) :sensibiliser les étudiants des220 écoles de la CGE à la place

grandissante des données person-nelles dans l’économie dunumé-rique, et à leur protection.La sensibilisation servira aussipour l’avenir, puisqu’une fois enposte, ces futurs diplômés devronttenir compte des règles de respectde la vie privée dans leur activitéprofessionnelle. La conventionprévoit que des sessions serontorganisées à cet effet ; enseignantset élèves seront aussi incités à tra-vailler sur ce thème. Elle demandeenoutre qu’un correspondantinformatique et libertés soit dési-gné dans chaque école. Jusqu’àprésent, seuls

40 établissements y ont procédé.Le correspondant permet d’éviter,à la source, que les écoles ne sefourvoient. La plupart d’entreelles, en effet, gèrent beaucoupdedonnées personnelles surleurs employés, leurs étudiantsou leurs anciens, acquises dansle cadre d’enquêtes d’insertion,par exemple. Dans tous ces cas, laCNIL a défini des règles. Or, il n’estpas certain que toutes les écoless’y plient, note la CGE. « Toutessont de bonne foi, tempère-t-elle,mais elles ne savent pas toujourscomment s’y prendre… »

Benoît Floc’h

Donnéespersonnellesnumérisées :attentiondanger

avoirmoins de journalistes et plusde développeurs. On pourrait citeraussi le rôle des programmeurs enpolitique : les Anonymous ontmontré que les codeurs pouvaientconstituer unnouveau contre-pou-voir qu’il faut désormais prendreen compte.

La mauvaise perception des pro-grammeurs en France se fait sentiraussi au niveau de leur formation.ClémentWehrungqui, lui, est auto-didacte, se dit frappé par le décala-ge avec l’apprentissagedu code auxEtats-Unis :«Lediplômede“compu-ter science” est le diplôme phare de

Standford et Berkeley depuis vingtans. Chez nous, il n’y a aucune écoledont le diplôme de programmeurinformatique soit réputé. C’est unmétier qu’on associe plus aux tech-niciens qu’aux ingénieurs. » Ainsi,malgré l’omniprésence du codedans la société actuelle, les pro-

grammeurs restentunedenrée rare.« Il y a de la demande mais pasd’offre. Nous avons besoin de pro-grammeurs de haut niveau et nousne les trouvons pas, déplore JeanVéronis, qui s’attriste de la délocali-sation du codage dans les paysémergents.Aujourd’hui, il en est ducode comme des composants élec-troniques : onnepeut plus les fabri-quer enEurope. Le codea été déloca-lisé, en Indenotamment. »Si le code touche à tout, est-ce à direque nous devrions tous toucher aucode ?De solides connaissances enprogrammationoffrent sans aucundoute une réelle plus-value sur lemarché du travail. « L’avenir, c’estd’avoir un profil technico-commer-cial, explique Clément Wehrung,qui travaille aujourd’hui pour leLivre scolaire, éditeur indépendantqui élabore desmanuels scolairescollaboratifs. Quand mon chef vavoir un gros client, il veut que je l’ac-compagneparce que j’ai une doublevision des choses. »Cet autodidactede la programmation a sumettre àprofit son important bagage tech-nique. Le problème, c’est d’acquérirce bagage. •••Ill

ustration

ChloéPo

izat

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34/ LeMondeCampus mardi20mars2012

I N T E R N E T

Jean Véronis seméfie ainside « l’intimation» à laprogramma-tion commeréponse à l’analphabé-tisme numérique. Car si la Francemanquedeprogrammeurs dequa-lité, c’est aussi parce qu’elle a voulufaire commesi l’informatique étaitunediscipline facilement accessibleà tous. « C’est une filière qui a émer-gé de toutes pièces dans les années1970. On a vite recruté des tas degens, on a laissé croire que tout lemondepouvait suivredes coursd’in-formatique et en même temps onn’a pasmis en place suffisammentde filières sérieuses. »Exemple éloquent de cetteméprisesur la discipline informatique aupoint d’avoir, d’après Jean Véronis,« vacciné la France contre lemythedu code » : le plan « Informatiquepour tous»,unprogrammedugou-vernement présenté en 1985 parLaurent Fabius, alors premierministre,pour initier lesélèvesà l’in-formatique.«Onavaitdesdotationsénormes pour acheter des ordina-teurs qui, pour laplupart, sont restésdans les placards des lycées. On neveut pas tous apprendre à construi-re des voitures, pourquoi le ferait-onavec les ordinateurs ? L’apprentissa-ge de l’informatique est quelquechose de très complexe, c’est un vraichallenge technologique. »Aurélien Fache, qui codedepuis dixans, est bien placé pour le savoir :« On ne devient bon programmeurqu’après plusieurs années d’expé-rience, après avoir lu des lignes etdes lignes de code. » Pour contrer lavision simpliste qui assimileraitl’informaticien au simple tech-nicien, il aime à citer l’ouvrage dePierre Lévy, De la programmationconsidérée comme un des beauxarts (La Découverte, 1992) quimontre que l’élaboration d’un logi-ciel ne relève pas tant de la tech-nique… que de l’art.AurélienFachevoit d’unbonœil lesinitiatives telles que Codecademypermettant de s’initier de façonludique aux bases de la program-mation,mais est lui aussi sceptiquequant à la banalisation du code.« Avoir des notions de programma-tion est indispensable pour tout lemonde. En faire un métier, c’estautre chose. »Une autre chose quidistingue un citoyen bien informéd’un adepte du8e « art ».

MargheritaNasi

LA PROFESSION DE SEO (SearchEngineOptimization) s’estdéveloppée récemment, avecla popularisationduWeb.« En 1995, à l’arrivée des premiersmoteurs de recherche commeYahoo Search, Infoseek,Hotbot,Altavista, de nombreux éditeursde sites ont cherché àdévelopperleur visibilité sur lesmoteurs derecherche populaires », raconteAlexandreVilleneuve, consul-tant en référencement depuis2006et président de l’associa-tion SEOCamp. En France, lespremières agences spécialiséesen SEOapparaissent en 1999.Aujourd’hui, il existe troisfaçons d’exercer cemétier :en agence, chez l’annonceur, ouen indépendant. Le principe esttoujours lemême : augmenterla visibilité des sites enoptimi-sant les aspects éditoriaux ettechniques, les liens entrantset les discussions à leur sujetsur lesmédias sociaux.Destâches qui nécessitent de lacréativité et la capacité à seremettre enquestion. « Leréférenceur doit s’adapter auxchangements d’algorithmes desmoteurs de recherche. La récentesocialisationdeGoogle avecGoogle+ par exemple tendàorienter les SEOvers unemeilleu-re intégrationdes levierssociaux », expliqueAlexandreVilleneuve.Lemétier comporte aussi unedimension éthique : afin degénérer du trafic vers ses sites,le référenceur peut être tentéd’abuser des failles deGoogle

enutilisant des techniques ditesdeblack hatpour contourner lesméthodes de classement… « Il ya plein d’astuces,mais àmanieravec précaution, carGoogle peutpénaliser les sites qui en abusent,en les“blacklistant” [en lesmet-tant sur liste noire]par exemple.Mais dans certains secteurs trèsconcurrentiels, la prise de risquedevient stratégique. »C’est pour-quoi l’imagedes référenceursn’est pas toujours très positive.A l’association SEOCamp, quimilite pourunemeilleurereconnaissance de la profession,on affirmeque leur réputations’améliore.En tout cas, lemétier a le ventenpoupe. Tous ceuxpour qui lavisibilité du siteWeb est straté-gique ont besoind’un respon-sable référencement. « C’est uneprofession recherchée. Il est diffi-cile de trouver de bons SEO»,témoigneTanguy Sauvin, diplô-méd’une école de commerce, etqui a découvert cemétier auhasardd’un stage.Il existe aujourd’hui peude formations spécialisées.«On trouve des techniciens, des

profils littéraires oudes as dumarketing…mais tous ont dûfaire des efforts pour acquérirune bonne connaissance généra-le duWeb », commenteAlexandreVilleneuve.Nombrede référenceurs sont donc auto-didactes, à l’instar de TanguySauvinqui s’est formé sur desforums, avec des collègues etdans la pratique.«C’est en agence de communica-tion que j’ai faitmes armes,parmanquede compétences eninterne. »Malgréunparcoursinitial sans véritable rapportavec cette profession, le jeunediplôméde l’ESCToulouse s’en-tiche de référencement SEO jus-qu’à en faire sa vie. «Ce quim’apoussé à continuer, c’est la néces-sité de progresser et de réinven-ter continuellement lesméthodes à appliquer. Celadonneun intérêt intellectuel etunaspect illimité aumétier. »L’expérience technique estcependant particulièrementappréciée, en témoigne l’éten-duede l’échelle des salaires.« Les candidats ayant une vraieexpérience avec unpassé dedéveloppeurs oud’intégrateurssont très prisés,déclare surAbondance, site d’informationsur le référencement et lesmoteurs de recherche, la fonda-trice du cabinet de recrutementHureca, PriscilleGiani. Ils par-viennent facilement à obtenirjusqu’à 5000ou 10000eurossupplémentaires sur leur rému-nération annuelle. »

M.N.

Le référencement, unmétier àpart entière

La valorisation

des sitesWeb

par lesmoteurs

de recherche

est devenue

une affaire

de spécialistes

RÉFÉRENCEMENT SOE (SEARCHENGINE OPTIMIZATION) : consiste àinscrire un site dans lesmoteursde recherche et annuaires et àorganiser le contenu autour demots-clés et de liens pour qu’ilapparaisse bienplacé dansunerecherche.CODE : ensemble d’instructionsécrites en langage informatiquepour créer logiciels, applications

ou sites Internet.APPLICATIONS (OU APPLI) :programmes informatiques quipermettent de réaliser des tâchesoudes fonctions.DATADÉVELOPPEURS : informati-ciens spécialisés dans les langages

qui permettent de traiter desbases de données (oudata).GEEK :passionnéd'informatique.PUREPLAYER : société qui exerceses activités uniquement surInternet ou site d'informationsans éditionpapier.JAVASCRIPT : langage deprogram-mation surtout utilisé pour créerdes pages Internet.

LéaDavy

Lexiquedesmotsdouxd’Internet

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mardi20mars2012 LeMondeCampus /35

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Eventuellement, lorsque la situationl’exige, il décroche son téléphone. Ila bien un compte sur Linkedin etViadeo, mais il ne le consulte plusdepuis qu’il est en contrat à duréeindéterminée. Et quand il revientdevant l’ordinateur avec son café,c’est sur Facebook qu’il passe une

dizainedeminutesà commenter lesphotos de sa soirée de la veille enveillant ànepas se faire repérer parses collègues.L’utilisationdes réseaux sociaux enentreprise véhicule beaucoup defantasmes. Si les Français sont detrès grands amateurs – avec 25mil-lions de comptes Facebook, la Fran-ce est ledixièmepaysutilisateurdusite aumonde –, ils répugnent à enfaire autre chose qu’unusage pure-mentpersonnel. Pourquoi ?Pour que l’usage des réseauxsociauxdans l’entreprise segénérali-se, il faudraitd’abordque les salariéssoient utilisateurs du service. Or,c’est encore loin d’être le cas. Dansune étude menée par le cabinetMichael Page en novembre 2011,36%des actifs interrogés déclarentmêmene jamaisutiliser les réseauxsociaux. Cetteproportiond’un tiersde réfractaires se retrouve, contrai-rementaux idées reçues,demanièreassez égale chez les seniors et chezles juniors, chez leshommeset chezles femmes. La seule disparité quel’on puisse constater se creuse enréalité entre lesmétiers et secteursd’activité. On comptera ainsi 80%d’utilisateursdes réseauxsociauxencommunication,marketingoudansles métiers liés à Internet, contre

54%enétudesouenproduction.Comment généraliser l’usage pro-fessionnel d’outils qu’un tiers del’entreprise n’a jamais approchés ?D’autant que, passé ce premiernoyau de non-connectés qui neposent même pas la question del’usagepersonnel ouprofessionnel,le type de réseau social utilisé parles salariés est révélateurde cequ’ilsen attendent. Facebook est en effethyperdominant, avec 61 % de sala-riés ayant ouvert un compte, tandisque lespursprofessionnels commeViadeo (9%) ou Linkedin (6%) arri-vent largement derrière, selon uneautre étude réalisée en janvier parl’organisme de formation Cegos.« Seul un salarié sur cinq se connec-te tous les jours depuis son lieu detravail. Une proportion équivalenten’amêmepas le choix car elle est pri-vée d’accès aux réseaux sociaux aubureau», expliquePhilippeGérard,manager des formations digitaleschez Cegos.La question du blocage, encore envigueur dans de très nombreusessociétés, apourtantperdude saper-tinence,maintenantque les salariésmunis de smartphones peuvent seconnecter aubureausanspasserparles systèmes de l’entreprise. Maiselle est révélatrice de la méfiance

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I N T E R N E T

Nouveau credodes communicants,mot d’ordre à la mode dans lesséminaires demanagement : le ré-seau social, révolutionnant les habi-tudes de travail, serait devenu in-contournable dans les entreprises.Benjamin est cadre dans une trèsgrande entreprise française où il sesoucie de mise en œuvre denormes environnementales. Cha-quematin, en arrivant au bureau,ce jeune trentenaire allume sonordinateur et va se servir un café.Après avoir consulté ses e-mails sursa boîte professionnelle, il seconnecte à Twitter et balaye lescomptes spécialisés auxquels il estabonné qui lui donnent les der-nières impressions des spécialistesdu secteur. Il fait suivre les informa-tions essentielles à ses collabora-teurs via l’Intranet et poste un liensur le hub de Viadeo en deman-dant des éclaircissements qui luiarriveront certainement très vite,postés par l’un des centaines demembres de ce forum spécialisé.Les réseaux sociaux ont changé savie et samanière de travailler.Sauf que Benjamin n’existe pas.C’est un doux rêve de consultant.Dans la réalité, il communique sansdoute par e-mail pour tout ce quirelèvedes échangesprofessionnels.

Si Facebook faitun tabac, l’usagedes réseauxà des finsprofessionnellesreste limité. Encause, la méfianceentre directionset salariés.

NRéseaux sociauxTant de bruit pour si peu

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qui subsiste dans de nombreusesentreprises. «Même si la directionmarketing le souhaite, elle n’aurapas forcément l’aval de la directioninformatique », explique PhilippeTorres, de l’atelier BNP Paribas, quicompare la situation actuelle à l’ar-rivée de l’e-mail ou du téléphonemobile, dont l’accès avait été limitéà ses débuts. «A chaque vagued’in-novation, on verrouille, on blacklis-te. Parfois, des questions de com-pliance [conformité aux règles]entrent en jeu commedans les entre-prises cotées ou dans la banque oùcertainsmétiers n’ont pas le droit dese parler. Mais généralement, lesentreprises ont dumal à appréhen-der ces nouveauxoutils. »

Desquestions se posent, de coût, desécurité, decontrôle surdes réseauxparnaturenonprivatifs et intercon-nectés.D’autantque l’évolutionrapi-de des outils ne facilite pas la tâche.

Lorsque les règles d’utilisation deFacebook sont susceptiblesde chan-ger à toutmoment, difficile d’inves-tir sanscrainte.Tels autant de lieutenantsDrogoduDésert des Tartares, les salariés sem-blent attendre une révolution deleur façon de travailler qui n’arrivejamais. Pourtant, les usages profes-sionnels se multiplient sur lepapier, « en ressources humainespour une large part : marqueemployeur, recrutement, évalua-tion, personal branding [mise enavant de son nom comme unemarque].Mais d’autres expériencesprennent de l’importance, enmar-keting, pour discuter avec les clientset mener des études, ou en vente,

maintenant que les boutiques enligne arrivent sur Facebook », listePhilippe Torres.Qu’attendent les salariés ? Si l’on in-terroge lesentreprises,23%déclarentposséder un réseau social interne(l’équivalent d’un Facebookd’entre-prise). Mais, à la même question,seuls 13%dessalariés répondentparl’affirmative. Même quand leurentreprise est active surdes réseauxexistants, peu le savent. Encoremoins le souhaitent. Lescraintesquireviennent leplussouventsont liéesà l’accès aux données personnellesdu salarié, à l’évaluationdes perfor-mances par ce canal et à leur effetchronophage.

SébastienDumoulin

Quelles sont les interrogationsdes entreprises auxquellespeuvent répondre lesrecherches de la chaireRéseaux sociaux : créationdevaleur économiqueet sociale, lancée en 2011 ?Lamajorité des entreprises ontpris conscience de l’importancedes réseaux sociaux, en raisonde leur nombre d’utilisateurset surtout du tempsqu’ilsy passent.Mais toutes n’ont pasencore élaboré de stratégiesur ce sujet. Elles s’ymettentcar elles ont compris l’enjeu,mais elles se sentent parfoisencore unpeuperdues.Il y a sur les réseaux sociauxce que l’onpourrait appeler unmarché de la conversation. C’estpour les entreprises un réel chan-gement deparadigme.Désormais,elles doivent communiquer avecdes communautés qui, enplus,échangent entre elles. La chaire aprécisément pour but de donnerdes éléments de connaissance etd’analyse des réseaux sociaux, demettre de la science derrière toutcela. L’équipe associe les quatreécoles de l’Institut TelecomEcoledemanagement, TelecomSudParis,TelecomBretagne et TelecomParis-Tech. Les quinze chercheurs qui laconstituent viennent d’horizonsdifférents : sociologie,marketing et

informatique. Une interdisciplina-rité nécessaire pour aborder lesujet. Nous bénéficions enoutreduvivier d’étudiants qui peuventnous aider dans des recherchesou tester des applications. Quantau financement, il repose surl’investissement de trois entre-prises partenaires (Danone, Pages-jaunes, La Poste), à hauteurd’unmillion d’euros sur trois ans.

Enquoi vos axes de recherchespeuvent-ils favoriser l’élabora-tionde stratégies de la part desentreprises ?L’une denos pistes de travailconcerne l’élaborationdemétriques : il s’agit de réfléchiraux indicateurs. Aujourd’hui,les entreprises ont tendanceà regarder le nombre de fansd’unepage Facebook, de followerssur un compte Twitter [le nombrede personnes qui suivent l’activitéd’un compte] ;or cela ne veut pasdire grand-chose.Mieuxvauts’interroger sur la nature descritères : est-ce le nombre de fans,leur tauxd’activité sur le réseau,leur niveaud’influence, etc. ?Undeuxième axede travail portesur la gestionde la relation clients.Désormais, les entreprisesendéportent unepartiesur les réseaux sociaux, surtoutsur Twitter. C’est l’undes rôles quipeut être dévolu au communitymanager. Là aussi, il faut réfléchirauxmanières de l’optimiser.Vous travaillez aussi surles usages desutilisateursde réseaux sociaux.Oui, nousnous intéressonsenparticulier à la géolocalisation.Pourquoi les gens se géolocalisent-ils ?Quelles différences de com-portements existe-t-il entre laFrance et les autres pays ? Ce sont

des questions cruciales pour lesentreprises. Car il y a derrière celabeaucoupde services à proposer.Nous explorons aussi la questionde la diversité culturelle. Il y a desvariations importantes entre lesréseauxqu’il faut connaître quandonétablit lastratégied’unemarque.Enfin, la structure des relationsentre les utilisateurs nousintéresse. Actifs sur deux réseauxenmoyenne, y développent-ils lemême cercle de relations, ypostent-ils lesmêmes choses ? Cesont des éléments qu’une entrepri-se doit de connaître pour savoir surquel réseau social placer ses efforts.La chaire cherchedonc aussi àétablir denouvellesméthodesd’analyse ?Pourune entreprise, il est utilede connaître, à partir desmillionsde conversations sur lesmarquesqui se déroulent sur les réseaux,les opinions des consommateurs.Cela leur permettraéventuellement deprévoir quelsseront leurs comportements.Pour cela, il est indispensabled’établir de nouvellesmanièresdemener des étudesmarketing.Il y a desmillions deposts surces réseaux : l’enjeu est de traiterdemanière quantitative des don-nées qualitatives.

Propos recueillispar CatherinePetillon

mardi20mars2012LeMondeCampus /37

«Desmilliersde conversations sur les entreprises»ENTRETIEN AVEC CHRISTINE BALAGUÉ • TITULAIRE D’UNE CHAIRE RÉSEAUX SOCIAUX À TELECOM ECOLE DE MANAGEMENt

2006ChristineBalaguéestcoprésidentedu think tankRenaissancenumérique.2010-2011Publie chezPearsonFacebook,Twitteret lesautres : intégrer les réseauxsociauxdansune stratégied’entrepriseetRéseauxsociauxet entreprises : lesbonnespratiques2011 Lancementde la chaireRéseauxsociauxàTelecomEcoledemanagement.

I N T E R N E T

Seuls certainsmétiers

comme ceux

de l’informatique

ou dumarketing sont

accros aux échanges

de type professionnel

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38/ LeMondeCampus mardi20mars2012

F O R M A T I O N

cation,mais souventmultisecteurs,à la recherchede la rentabilité pure,comme l’anglais Duke Street ou lefrançais Activa. On trouve aussi desfamily offices, c’est-à-dire des offi-cines chargéesdegérerdes fortunesfamiliales, tel Bregal Investment,pour leshéritiersdeC&A,ouOctant,holdingd’investissementdeRobertZolade, fondateurde lachaînederes-tauration collectiveElior.Le premier terrain de chasse de cesacteurs concerne les formationsmé-dicales et paramédicales, car ellesaboutissent à desmétiers réputés

rémunérateurs et en croissance.Ainsi, Novétude santé, créée fin2010, dont l’actionnairemajoritaireest Octant, compte déjà quatorzeécoles de formation auxmétiers desanté, dans l’ostéopathie,mais aussidans l’optiqueavec la récente acqui-sitiond’Esol, école supérieure d’op-tique.«Nousavons septacquisitionsen cours et visons un chiffre d’af-faires de 100millions d’euros, contre30actuellement», indiqueunporte-parole dugroupe.« J’ai été approché par pasmoins detrois fondsd’investissement, racontePatrickRoux, à la têtede trois écolesde prothésistes dentaires et d’unréseaud’unevingtainedecourspré-paratoires auxétudesde santé,dontl’objectif était,manifestement,d’amé-liorer la rentabilité. Or, il y a peud’économiesà faire sur les fraisadmi-nistratifs ou de communication,mais il est facile de tripler le bénéficeenaccueillant, par exemple, 35 élèvespar classe plutôt que 25, bien sûr audétriment de la qualité. » PatrickRouxadoncdécliné l’offre.Jean-François Poncet, créateur descoursGalien, réputésdans ledomai-nedes étudesmédicales, a, fin 2010,cédé 70 % de son réseau au fondsfrançais Activa, qui annonce pou-voir, d’ores et déjà, dégager 20%de

marge et a bien l’intention demul-tiplier ce type d’opérations. « Cetteacquisition s’est faite avec unmon-tant de dette raisonnable, de 15 % à20%, qui n’a rien à voir avec les LBOclassiques, plus proches de 80 % »,rassure Jean-François Poncet.Ces fonds ont aussi détecté l’explo-sion des formations artistiques etinvestissent donc dans les écolesd’art privées qui vont soit proposerdes préparations à l’entrée, de plusen plus sélectives, dans les écolespubliques réputées, soit accueillirles recalés. Bregal Investment a, viasa filiale Studialis, très récemmentacquis le célèbre cours de théâtreFlorent et le Strate College, école dedesign, qui viennent, dans sonpor-tefeuille, s’ajouter auConservatoirelibre du cinéma français et à l’Insti-tut d’études supérieures des arts.Le privé sait parfois, mieux quel’Education nationale, anticiper lesformations auxnouveauxmétiers,commeceuxde l’Internet, des jeuxélectroniques etde l’industrie cultu-relle. « Certaines de ces formationsexigentdes investissementsdansdesappareillages coûteux et vite obso-lètes, ce qui peut entraîner des pro-blèmes financiers ou des faillites »,prévient Patrick Roux. Le réseauinternational d’écoles d’informa-

L’enseignementsupérieur estdevenu un secteurtrès lucratifqui attire les fondsfinanciers.

LLes écoles privées, un filonpour les investisseurs

Les établissementsprivés forment18 % des étudiants de France et lesecteurpèse aujourd’hui 2milliardsd’euros de chiffre d’affaires : « C’estl’un des plus importants marchéseuropéens, puisque, dans les payscomparables comme l’Italie, ce sec-teur n’accueille qu’environ 8 % desétudiants », expliquePhilippeGras-saud, président du groupe EduSer-vices, plate-forme qui accueille15 000étudiants et fédèreuneving-taine d’écoles, de l’hôtellerie aumanagementenpassantpar les artsappliqués, et dont le fonds anglaisDuke Street est l’actionnairemajo-ritaire. « Lesmentalités ayant beau-coup évolué depuis une quinzained’années, en France, les parents sontdésormais prêts à payer une forma-tion professionnelle à leurs enfants,à condition qu’elle soit de qualité,d’unprixabordableetqu’elle condui-seàunemploi»,assureM.Grassaud.Ces écoles prospèrent sur les be-soins que l’Education nationale,avec sa tradition académique et saméfiancevis-à-visdumondeécono-mique, a dumal à combler.LaFrancevoit ainsi arriverounaître,depuis trois à quatre ans, des fondsd’investissement,parfois spécialisésdans l’enseignement, commel’énor-me société américaine Career Edu-

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mardi20mars2012LeMondeCampus /39

tiqueSupInfo, qui agrandi tropvite,avec des franchisésmal contrôlés,rencontredesdifficultés financières.Il chercheun repreneurdepuisprèsd’un an et est en pourparlers avecEduServices, de Philippe Grassaud,dont le fonds, Duke Street, semontre apparemmenthésitant.Dernier secteur intéressant cesinvestisseurs, les écoles de gestionet demanagement, dont le nombrene cessedegrandir, bienque le filons’épuise, avec la rentabilité.L’enseignement supérieur privé estencore très atomisé, avec ses deuxmille écoles, souvent auxmains deleurs fondateurs, pédagogues pastoujours excellents gestionnaires,mais cherchant à passer la main.Des proies idéales pour les fondsd’investissement… Les trophéesconvoités sont le parisien et trèsrentable Ipesup (préparation auxconcours Sciences Po et écoles decommerce) et l’Efap (Ecole françaisedes attachés de presse) de DenisHuisman.

Isabelle Rey-Lefebvre

•Duke Street, fonds britannique,revendiqueplus de 2milliardsd’euros de chiffre d’affaires etautant d’actifs sous gestion. Il estprésent dans la restaurationasiatique (Wagamama), la distribu-tion (Sandpiper), le paiement enligne (Payzone) ou la vente decroisières (QCNSCruise). DukeStreet a commencé à investir dansl’enseignement supérieur privé en2010 et a créé, en 2011, en France,EduServices, qui rassemble notam-ment Pigier (secrétariat,métiersde l’entreprise, beauté-mode…),l’Iscom (communication), l’écoleinternationale Tunon (hôtellerie,tourisme, événementiel), les sixécoles Ipac implantées en SavoieetHaute-Savoie (commerce)et les écoles Fortim, dans l’Ouest(management). EduServices formeenviron 15 000étudiants.

• Career EducationCorpora-tion (CEC) est une société améri-caine cotée auNasdaq, àNewYork,qui détient 90 écoles techniqueset professionnelles. Elle forme104 000étudiants dans la santé,

les arts appliqués ou la cuisine,aux Etats-Unis et en Europe, pourun chiffre d’affaires de 1,5milliardde dollars (au 30 septembre 2011),en baisse de 12%par rapport à2010. CEC s’est implanté en 2003en Europe, en rachetant le groupeInseec, qui comprenddouze écolesdemanagement, commerce,mar-keting et communicationpublici-taire (Supdepub), de préparationaux concours dans les secteursparamédical et social (Sup santé etSup social). En 2010, CEC a rachetél’InternationalUniversity ofMonaco, école de commerce spé-cialisée dans le luxe et la finance.L’Inseec encadre 11 500étudiants,dont 8 500enmanagement, etgénère un chiffre d’affaires de91millions d’euros.

• Lauréate InternationalUniversities, société américaineprésente dans 28pays, encadre65 000étudiants dans des forma-tionsmédicales et de santé,tourisme et hôtellerie(34 000étudiants), architecture etdesign (30 000étudiants),

notamment en Italie, au Brésil etauMexique. Laureate possède, enFrance, trois établissements : l’Eco-le centrale d’électronique, l’Institutfrançais de gestion et l’Ecolesupérieure de commerce extérieur.

•Bregal Investment, fondsd’in-vestissementbasé enSuisse, de lafamillehollandaiseBrenninkmei-jer, héritièredes fondateursdudis-tributeurde textilesC&A, détientenFrance, depuis 2007, le groupeStudialis, qui forme 14 000étu-diantsdans ses écolesde commerce(EcoledemanagementESG), demultimédia (Ecran,Digital Campus,àBordeaux, Toulouse,Montpellier,Aix-en-Provence) et d’artsappliqués (Conservatoire libreducinéma français, Ecoledesmétiersdunumérique,Hetic, Institutd’études supérieuresdes arts).Début 2012, Bregal a racheté le Stra-teCollège, écolededesign (Sèvres),et le cours Florentde théâtre.

•Octant est le fonds d’investisse-ment de Robert Zolade, fondateurdu groupe Elior de restaurationrapide. Il a crééNovétude santé etracheté, en 2010, Ipesud etObjectifconcours, des prépas privées pourles concours demédecine et leursdérivés, implantées àMontpellier,Grenoble etDijon. En 2011, Octanta, dans lamêmeveine, acquis Capesup,Horizon santé et deux écolesd’ostéopathie et, début 2012, uneécole d’optique. Le groupe compte14 écoles desmétiers de la santé etpèse 30millions d’eurosmais vise100millions àmoyen terme.

•ActivaCapital, fonds français,a acquis, en 2010, 70%des coursGalien (21 écoles, 8 000étudiants,18millions de chiffre d’affaires2011), spécialiste de la préparationaux concours depremière annéedes études de santé et d’internatdemédecine, de BTSd’optique,de première année de droit et desciences politiques. En 2011, Activaa achetéAssisteo, qui formedeslycéens aumétier d’aide-soignant.

I. R.-L.

Six acteursmajeurs enFrance

Illustration

ChloéPo

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Page 41: Le Monde Campus

Jmardi20mars2012 LeMondeCampus /41

« Je me suis totalement investi dans monmé-tier » ; « J’y ai mis le meilleur de moi-même » ;« Et d’un seul coup, du jour au lendemain vousne valez plus rien. » Ces réflexions de Paul Wer-tret, salarié modèle qui abat deux de ses supé-rieurs, le personnage principal du film de Jean-Marc Moutout, De bon matin, joué parJean-Pierre Darroussin et sorti en octobre 2011,illustrent parfaitement comment la force de l’en-gagement des cadres très investis dans leurentreprise se transforme en violence quand laqualité de leur travail se dégrade.Radio France, qui, d’avril à septembre 2011, arecueilli les témoignages d’environ 5 500 inter-nautes, majoritairement cadres et professionsintermédiaires, dans l’enquête «Quel travail vou-lons-nous ? », dresse un panorama inquiétant.Seulement 30%des personnes qui ont réponduindiquent que les choses vont bien : 5% trouventque « c’est formidable » et 25%que « ça va ».Pen-dant queprès de 70%affirment le contraire : « Jesuis fatigué » (27%) ; « C’est tellement dur que j’aienvie de partir » (13 %). 43 % déclarent vouloirchanger d’emploi. Enfin 30 % ne sont pascontents d’aller travailler lematin.« Les cadres, les intellectuels et les professionsintermédiaires sont à leur tour touchés par unedégradation de leur travail », résume la socio-logue Dominique Méda, membre du comitéscientifique de l’enquête de Radio France.Des indicateurs d’alerte de la dégradation de la

qualité sont bien là. Les « deux tiers des cadresindiquent travailler “souvent”ou “toujours”dansl’urgence », constatait en janvier l’Associationpour l’emploi des cadres (APEC) dans son enquê-te annuelle « Climat chez les cadres »,menée enjuillet 2011 auprès de 3 000 cadres en emploi du

Jusqu’alors, l’encadrementse sentait épargné par ladégradation des conditionsde travail en entreprise.Aujourd’hui, il subità son tour la pressiondu chiffre et l’incohérencedes logiques gestionnaires.Deux enquêtes dressentun état des lieux inquiétant.

secteur privé. La crise de 2008 se prolongeant,ceux-ci sont également en rupture de perspec-tives en termes de carrière et de salaire. Ce quicommence sérieusement à peser sur leurmoral.L’ambiance est à « l’inquiétude larvée », commen-te l’APEC. D’une enquête à l’autre, depuis plus detrente ans, les Français qualifient de « très gran-de » l’importance qu’ils accordent au travail, àhauteur de 80 % en 2008, contre 50 % en Alle-magne, voire moins de 50 % au Royaume-Uni,selon « l’European Values Study », une enquêtemenée tous les neuf ans dansplus de trente payseuropéens. Et ce rapport au travail s’intensifie :en 1999, ils n’étaient que 70%parmi les Françaisà accorder une « très grande importance » à leurtravail. Cet engagement lié à un rapport trèsaffectif à l’activité professionnelle est une spéci-ficité française qui n’a pas étémise àmal par lacrise. Le malaise exprimé aujourd’hui par lescadres en est d’autant plus grand.Il ne s’agit pas de tout voir en noir. L’enquête del’APEC affiche aussi de francs indices de satisfac-tion. Les cadres sont largement satisfaits de leursrelations avec leur hiérarchie, majoritairementcontents de leur équilibre vie professionnelle-vie privée. La question des conditions de travailétant la plupart du temps comprise comme l’en-vironnement, le bureau, les contraintes phy-siques, des enquêtes fontmême état d’amélio-ration ces dernières années. Le baromètre Ipsos2011 sur le bien-être des salariés indique

Cadres au bordde la crise de nerfs

•••Illustration

Stép

han

eKiehl

d o s s i e r

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42/ LeMondeCampus mardi20mars2012

d’ailleurs que la dégradationdes condi-tions de travail n’intervient quepour 5%dans ladémotivation de l’ensemble des salariés, le pre-mier facteur dedésengagement étant lemanquede reconnaissance.Alors de quel malaise parle-t-on ? L’expressionapparemment contradictoire d’une satisfactionet d’unmalaise grandissant chez les cadres tra-duit le fait que le travail ne répond plus à leursattentes en termes de qualité, non pas tant surles conditionsmatérielles, que sur la nature dutravail lui-même et son utilité pour la société,mise àmal par l’évolution de l’organisation desprocess et dumanagement. L’utilité du travailpour la société est très importante aux yeux de67,2 % des Français. Ils sont rejoints sur ce critè-re par les autres Européens : 69,7 % en Alle-magne, 63,9 % en Espagne, 63,2 % en Grande-

Bretagne, indique la dernière vague de « l’Inter-national Social Survey Programme» (2005), uneenquête internationale réalisée régulièrementdans une quarantaine de pays. C’est sur cette at-teinte portée à l’intérêt général que la qualité

du travail n’est plus au rendez-vous. « Attentesou revendications des cadres dans toutes les pro-fessions, confortées par toutes les enquêtes, por-tent sur le besoin d’accomplissement et d’actionpossible dans et par le travail. Ils veulent fairequelque chose qui compte à leurs propres yeux »,explique Pascale Levet, directrice technique etscientifique de l’Agence nationale pour l’amé-lioration des conditions de travail (Anact). Lescadres expriment de plus en plus leur aspira-tion à s’épanouir, parfois en retournant sur lesbancs de la fac. « Ceux qui se retrouvent enmas-ter II ne traduisent pas autre chose », estimeMme Levet.L’enquête de Radio France relaye cette fortedemande : 48,1%des personnes exprimées esti-ment que le travail idéal est celui qui leur per-met de continuer à apprendre, contre 9,6 % qui

d o s s i e r cadres au bord de la crise denerfs

Selon le psychologue du travail

Yves Clot, « il existe deux types de

fatigues au travail : celle des gros

efforts et celle du travail mal fait

ou avorté. Cette seconde fatigue

détraque lamachine humaine »

•••

La crise économique a-t-ellechangé le rapport des cadresau travail et leur engagement ?Leurniveaude satisfactionprofessionnelle reste élevé.Les jeunes diplômés sont dansune relation à l’entreprise, surlemodedudonnant-donnant.Reste que les cadres s’investis-sent toujours fortement dansle travail. Dans la dernière édi-tionde l’enquête «Climat chezles cadres », publiée en février,nous avons souhaité faire unéclairage particulier sur lanotiond’engagement. Les troisquarts se disent « engagés » vis-à-vis de leur entreprise actuelle,et unquart précisent être « toutà fait engagés ». Plus l’entrepriseest petite, plus la proportiondecadres engagés est importante.Vous avezdemandéaux cadresinterrogés de choisir les termesqui définissent l’engagement.Quedénotent leurs choix ?Lamajorité d’entre eux associentà l’engagement les notions de« loyauté » et le « contratmoral » : 72%d’entre euxontchoisi l’unde ces items, ou lesdeux. Pour certains, la loyauté

est une valeurmorale, person-nelle ; pour beaucoup, il s’agitd’une obligationqui découledu contrat de travail. La notiond’« enthousiasme» arrive entroisièmeposition.Onpeutaussi noter que c’est le premierterme choisi par les cadres qui se

disent «non engagés ». Viennentensuite les notions de «dépasse-ments de soi » et de «dévoue-ment ». Globalement, la visionde l’engagement qui se dégageest positive. Pour lamajorité descadres, l’engagement est un«moteur » du travail. D’ailleurs,les termes à connotationnégati-ve, tels que sacrifice, pression,obéissance, n’ont été désignésquede façonmarginale.Vousobserveznéanmoinsdes différences fortes selonle typedeposte occupédansl’entreprise ?Dans l’informatique, les cadressont 59%à se dire engagés parrapport à leur entreprise. C’est16 points demoins que l’en-semble des cadres. Beaucoupyont davantage des fonctionsd’experts quede responsables.Du coup, ils se voient commemoins impliqués,moins asso-ciés auxdécisions de l’entreprisequedans d’autres postes. Or ilressort de l’étude que l’engage-ment dépendde la positionhié-rarchique occupéedans l’entre-prise. Le fait d’avoir desresponsabilités, d’encadrer

des équipes et d’avoir bougéau seinde l’entreprise participeà l’engagement.Cet engagement implique-t-iluneadhésionau fonctionne-mentde l’entreprise ?Laplupart du temps, il existeune corrélation entrel’engagement des salariés et leursatisfactionpar rapport à leurposition au travail, au climatgénéral, etc. D’ailleurs, 67%descadres « engagés » sont prêts àrecommander leur société, alorsqu’ils ne sont que 23%parmi lesnon- engagés.Mais unebonnepartie exprime enmême tempsdes attentes fortes vis-à-vis deleursmanagers. Et des critiquesvis-à-vis du fonctionnement deleur entreprise. L’étude fait bienressortir ce paradoxe : les cadresont une visionpositive del’engagement tout en semontrant parfois critiquessur la gestionde l’entreprise.D’ailleurs, lamoitié des cadres« plutôt engagés » disent n’avoirpas oupeu confiance dans leurdirection.

Propos recueillispar CatherinePetillon

« Loyauté et contratmoral sont associés à l’engagement »ENTRETIEN AVEC PIERRE LAMBLIN, DIRECTEUR DU DÉPARTEMENT ETUDES ET RECHERCHE À L’ASSOCIATION POUR L’EMPLOI DES CADRES

1981-2001 Conseil enmanagement et stratégie,études à la Sofres.Depuis 2001 Directiondes études et recherchede l’APEC parmi lesquelles« La relation des cadresau travail et àl'entreprise », « Sphèresprivée et professionnelledes cadres», « L'engagementdes cadres » (2011)

PhotoRé

myLecourieu

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mardi20mars2012 LeMondeCampus /43

« Les prochaines élections sont importantes pourmoi car je suis àmi-chemindemavie profession-nelle ; de ce point de vue, je pense avoir mangémon pain blanc et les cadres commemoi n’au-ront sans doute pas droit à la retraite par réparti-tion. » Jean-Louis, 44 ans, travaille depuis vingtans dans une entreprise de transportmaritimeayant connu rachats et restructurations, au coursdesquels il a perdu son poste de directeuradjoint, se trouvant déclassé en responsable desopérations. Adhérent à l’UMPdepuis sa création,il est passé auMoDemaudébut de l’année, sen-sible au discours « responsable » de François

privilégient le fait de gagner beaucoupd’argent.Parmi les difficultés qui sont à l’origine de ladégradation de la qualité de travail, les per-sonnes interrogées par Radio France en citentprincipalement trois : lemanquedeperspectiveset lemanqued’effectifs,mais surtout l’obsessionde la rentabilité. Pour améliorer le travail, 18,9%estiment que la première des priorités est de« prendre le temps de faire du travail de qualité »,19,4 % proposent de « travailler mieux et tous »et 24% suggèrent d’« arrêter la course à la renta-bilité ». « Dans les témoignages écrits qui accom-pagnent les réponses, on assiste à une véritableexplosion de colère et de désespoir. Ils racontentcomment la poursuite de la rentabilité et de laproductivité à tout prix – y compris et surtoutdans des secteurs où ce qui compte, c’est lecontact, la prise en charge, le travail sur autrui, leservice au public – détruit non seulement le sensde lamissionmais plus généralement la possibi-lité même d’effectuer un travail de qualité. Neplus pouvoir bien faire son travail, être déchiréentre des injonctions contradictoires, devoirbafouer son éthique et sonmétier pour répondreaux prescriptions et aux critères d’évaluation quisont désormais omniprésents, voilà ce qui altèregravement et en son cœurmême, selon les témoi-gnages, le rapport au travail », rapporte Domi-niqueMéda.« Ce qui abîme la santé dans l’entreprise, c’estd’être empêché de travailler, confirme le psycho-logue du travail Yves Clot. Il y a deux fatiguespour les salariés : celle des gros efforts et celle dutravail mal fait ou avorté. Cette seconde fatiguedétraque lamachine humaine », ajoute l’auteurdu Travail à cœur (La Découverte, 2010).Comment en est-on arrivé là ? La norme, qui estun instrument demesure, est devenue, dans lesecteur public commedans le privé, un objectifprofessionnel, une fin en soi. Les critères utiliséspour évaluer le travail « qu’on leur balance »,disent les auditeurs de Radio France, ne coïnci-dent plus avec ce que les salariés considèrentimportant pourmener à bien leurmission. Prisdans des conflits de normes, ils ne peuvent bienla remplir qu’au prix d’une désobéissance : lenon-respect de ces critères, au risqued’être sanc-tionnés financièrement dans le déroulement deleur carrière. Ne pouvant plus décider de leurspriorités, les salariés déresponsabilisés ressen-tent unmépris à la fois de leur travail et de leurmétier, et donc un grand désenchantement.Davantage que les conditions de travail, c’est laqualité et le sens de l’activité professionnelle quisont remis en cause.

AnneRodier

Avec la précarisation,la peur du déclassementet la pression qu’ilssubissent, les personnelsd’encadrement pourraientbien délaisser la droitetraditionnelle et se tournervers le MoDem et le PSlors du scrutin du 22 avril.L

L’inquiétude dopela gauche

chez lesmanagers

Bayrou sur l’emploi, la dette, les retraites.Traditionnellement, les cadres du privé préfè-rent la droite parlementaire à la gauche, pour saproximité plus grande avec la culture d’entrepri-se. Les enquêtes du Centre de recherches poli-tiques de Sciences Po (Cevipof) montrent que,depuis 1978, ils lui ont accordémajoritairementleurs suffrages, et ce, malgré la transformationde leur univers de travail et leurs •••

d o s s i e r

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44/ LeMondeCampus mardi20mars2012

d o s s i e r cadres au bord de la crise denerfs

nale de l’Ugica-CFTC.Celanourrit une très grandefrustration. »D’après une enquête menée par la CFE-CGCauprès de ses adhérents, quatre thèmes vontfaire l’enjeude l’électionprésidentielle : l’emploi,la réindustrialisation, le pouvoir d’achat et l’édu-cation. Régis, responsable du projet efficacitéénergétique au sein d’un grand grouped’appareillage électrique,militant de l’UMP, s’estun temps laissé convaincre par le candidat socia-liste et sa volonté de recréer des branches indus-trielles : « Sans industrie, je n’ai plus ma place,c’est une attaquedirecte contremonmétier.Mais,avec la TVA sociale que vient d’instaurer le gou-vernement, je pense opter finalement pour Sar-kozy. Celle-ci va sauver des emplois d’ouvriers etde bureauxd’études,menacés de délocalisation. »De gauche, Mustapha, ingénieur-docteur dansunemultinationale de semi-conducteurs, hésiteentre les propositions, deMélenchon àBayrou :« On voit les projets partir à l’étranger, chacunessaie de défendre son pré-carré. Certains jeunesingénieurs, dont les salaires d’embauche ont bais-sé, estimant que leurs postes ne sont pas à la hau-teur de ce qu’ils attendaient, se radicalisent etenvisagent de voter pour les extrêmes. »Le « produire français » du candidat centristefait sensiblementmouche, par exemple auprèsd’Olivier, chef de projet informatique dans unePME de vingt-cinq salariés : « Il le démontre enfabriquant ses tee-shirts de campagne en Bre-tagne, ce quene font pas les autres. » Jérôme, res-ponsable de la propriété intellectuelle dans uneentreprise d’aéronautique, a choisi Jospin en2002 et Bayrou en 2007. Il se prononcera enfaveur du candidat qui fera reculer la « dictatu-re de la rentabilité à deux chiffres » dans lesentreprises : « Les dirigeants ont oublié quel’exemple vient d’en haut : ils se partagent desbonus et nous nous voyons refuser des augmen-tations de salaire. »Pour Michel, acheteur chez un équipementierautomobile, la globalisation est un fait auquelles entreprises doivent s’adapter, sinon elles cou-lent : « Lesmanagers doivent évoluer et ils en ontlesmoyens », dit-il, précisant qu’il votera à droi-te, comme d’habitude. « Les inquiétudes descadres sur l’avenir de la zone de l’euro et le finan-cement de l’économie, sur leur statut et leursrémunérations, introduisent de l’incertitudequant à leur choix politique prochain, selon Ber-nardVanCraeynest, président de la CFE-CGC. Lesancrages traditionnels sont bousculés ; moinsque jamais, ils voteront pourun candidat les yeuxfermés. »

NathalieQuéruel

Pour Jérôme, cadre dans

l’aéronautique, « les dirigeants

ont oublié que l’exemple vient

d’enhaut. Ils se partagent les bonus

et nous nous voyons refuser

des augmentations de salaires »

LE FAIT QUE, selon le dernier

« panel électoral 2012 »mené

par le Centre de recherches

politiques de Sciences Po

(Cevipof), FrançoisHollande

réunisse 41%des intentions

de vote chez les cadres

fonctionnaires (hors

enseignants) ne constitue pas

une surprise tant ces derniers

sont ancrés à gauche.

Mais le très faible score

deNicolas Sarkozy (10%)

n’en est pas seulement

la conséquence, comme

l’analyse Luc Rouban,

directeur de recherches au

CNRS : « Il avait proposé de

refonder la fonctionpublique,

mais la révision générale

des politiques publiques

a produit d’autres effets :

stagnation duniveaude vie

et délitement du statut social.

On observe aujourd’hui, en

particulier dans la fonction

publique d’Etat, une fracture

entre un sommet composé

d’une élite qui décide de tout

et, en dessous, des cadres opé-

rationnels, chargés de faire un

travailmécanique, perturbés

par les réorganisations et

privés de la dimension de

conceptualisation. »

Unmalaise profondqui nour-

rit la tentationde l’extrême

droite,Marine

Le Pen recueillant 14%des

intentions. «D’autantplus

que le Frontnational adélaissé

sondiscours poujadiste

antifonctionnaires auprofit

d’unprogrammesur l’avenir

d’une fonctionpublique, pro-

tégéedes influencespoli-

tiques »,observeM. Rouban.

N. Q.

LesfonctionnairesderrièreFrançoisHollande

conditions de salariés de plus en plusordinaires. Or 2007 amarqué un tournant : ladroite a cédé du terrain auprofit du centre, Fran-çois Bayrou a recueilli 22 % des voix cadres aupremier tour de l’élection présidentielle, l’extrê-me gauche 5%et l’extrêmedroite 5%. Les inten-tions de votemesurées par le « panel électoral2012 »duCevipof en janvier révèlent aujourd’huiune tendance à la dispersion : si Nicolas Sarko-zy arrive en tête avec 27%, il est talonnépar Fran-çoisHollande (25%) et suivi par François Bayrou(18 %) ; viennent ensuiteMarine Le Pen (9 %) etJean-LucMélenchon (7%).« Le sentiment de déclin social, la précarisation,la pression sur le travail, la remise en cause dessavoir-faire, et notamment ceux des ingénieursredistribuent les cartes, souligne Luc Rouban,directeurde recherches auCNRS. La crise aaccen-tué le triomphe des chiffres et de l’évaluation. Lescadres vivent unantagonisme : d’un côté, ils com-prennent le réalisme économique et, de l’autre,ne veulent pas être victimes de la financiarisationà outrance qui déstructure les pratiques socialesorganisant la vie de l’entreprise. »Sur le terrain, Elisabeth Jacques, déléguée syndi-cale CFE-CGCdansune entreprise industrielle dunordde la France, témoigned’un ras-le-bol crois-sant chez les managers : « Ce sont les bonnes àtout faire, chargées d’aller chercher la perfor-mance, de faire du reporting, de gérer la pénibi-lité de salariés qui vont devoir travailler jusqu’à62 ans, de s’occuper des risques psycho-sociauxdans leur équipe, etc., sans que les salaires et lespromotions suivent. On peut supposer que ladégradationdes conditions de travail vapeser sur

le vote lors des prochains scrutins. » Les cadres,situés dans le milieu ou en haut de la classemoyenne, se sentent abandonnéspar les respon-sables politiques : « Ayant des rémunérationscorrectes, ils cotisent àplein et ne bénéficient d’au-cune aide, tout en n’étant pas assez riches pourprofiter des niches fiscales et autres dispositifs,relate Clémence Chumiatcher, secrétaire natio-

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46/ LeMondeCampus mardi20mars2012

Ils sont les premiers visés, ceux vers qui lesregards et les rapports publics se sont tournés.Lesmanageurs sont au cœur de l’attention por-tée par les entreprises aux risques psycho-sociaux (les RPS). Car au quotidien, ils peuventdétecter le mal-être de leurs collaborateurs etréguler les tensions. Mais ils sont aussi la cibleprivilégiée du stress : leur place dans l’organi-gramme les soumet à des injonctions contradic-toires sansqu’ils aient pour autant lesmargesdemanœuvrenécessaires pour y faire face.Un constat déjà largement dressé en 2009,quand, en quelquesmois, la question du stressen entreprise se met à occuper le devant de lascène : suicides au travailmédiatisés, plan d’ur-gence lancé parXavier Bertrand,ministre du tra-vail, pour amener les entreprises de plus de1 000 salariés à accélérer la transpositionde l’Ac-cord national interprofessionnel (ANI) sur lestress. Avec, pour les employeurs, lamenace devoir leur nomapparaître sur une liste publiques’ils n’agissent pas en faveur de la réduction dustress et dumal-être au travail. Evénements etobligations légales qui obligent les entreprises àprendre conscience de l’ampleur du problème.Mais trois ans après le plan d’urgence, ce qui a leplus progressé, c’est certainement le nombre depages de catalogues de formations consacrées àla gestion du stress.

Former semble être devenu lemot d’ordre. C’estaussi le premier levier d’action pour les entre-prises, avec un succès inégal. Dans son bilan desaccords sur le stress signés par les entreprises, laDirection générale du travail (DGT) notaitd’ailleurs, en 2011, que « parmi les programmes

Trois ans après le pland’urgence sur les risquespsychosociaux lancépar les pouvoirs publics,rien n’a réellementbougé. Sauf les institutsde formationqui louent leurs servicesau prix fort.

IManageur stressé sachantdéstresser sans stress

d’actions formalisés dans les quarante-cinqaccords de fond, les mesures identifiées portentprioritairement sur la formation des personnelsd’encadrement (87 %) ». Les organismes de for-mation l’ont vite compris et ont vu là lemarchéqui s’ouvrait. Les offres se sont multipliées,créant un véritable business du stress.« Si les programmes devaient se limiter au voletindividuel, à la détection et à l’accompagnementdespersonnes en souffrance, lapréventionnepro-gresserait pas »,notait également le rapport de laDGT.Or c’est précisément à la gestion individuel-ledustressqu’est consacrée lamajoritéde ces for-mations. Elles proposent d’apprendre à « évaluersesmodes de fonctionnement face au stress », defaire le « stress-test, bilan de sa vulnérabilité »,d’« apprendre à se détendre intellectuellement,physiquement et émotionnellement »,ou encored’« éliminer le stress de sonmode de vie ».A celas’ajoute lamultitudedebilanspsyoude séancesde shiatsuproposés ; sans compter lavigueurdesoffres allant du simple charlatanisme à des pra-tiques proches demouvements sectaires ou del’exercice illégal de lamédecine.Si les services de formation, dumoins les plusimportants, parviennent en général à se prému-nir contre les officines, il n’en reste pas moinsdifficile de se repérer parmi les centaines d’offresde formation. C’est pour aider les entre-

d o s s i e r cadres au bord de la crise denerfs

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48/ LeMondeCampus mardi20mars2012

prises que les acteurs institutionnels éla-borent des repères. Peut-être aussi pour contre-balancer le poids pris par les cabinets et consul-tants privés.La cellule risques psychosociaux de la DGT doitainsi publier, dans les prochaines semaines, unguide pour aider les entreprises à choisir unconsultant. « Nous avions commencé par tra-vailler à une charte pour encadrer la professiondu consultant.Mais rapidement, il est apparuquela demande était plutôt du côté des entreprises :l’objectif est de les aider à élaborer une grille pourdéfinir leurs besoins et leurs attentes, et choisir leconsultant qui convient », explique MarianneRichard-Molard, chargée demission à la cellulespécialisée de la DGT.Quelle formation ? Pour quoi faire ? Commentla choisir ? C’est l’objet du guide intitulé Préven-tiondes risques psychosociaux : quelle formationpour les manageurs, publié en janvier dernier

« JUSQU’À PRÉSENT les forma-tions ciblaient plutôt les per-sonnes stressées. Désormais,la logique consiste àtravailler avec unmanageursur unprojet de conduitede changement », résumeFannyDumont,responsable du service desformations deprofession-nalisation auCentre natio-nal de la fonctionpubliqueterritoriale (CNFPT). Tra-vailler sur les organisationsde travail : c’est l’objectifque s’est fixé l’organismechargé de la formationdessalariés de la territoriale.Depuis lemois de janvierdernier, il propose denou-veauxmodulesà destinationdesmédecins,mais aussi desmanageurset des responsables desressources humaines…« La fonctionpublique terri-toriale est en fortemutationet change demodede

management. Par exemple,les rapprochements au seinde communautés decommunes entraînentdes fusions de services,des économies demoyens,desmobilités, parfoismalvécues. Il y a également uneévolutionde la demandesociale, qui engendre destensions sur les territoires »,liste FannyDumont.Des évolutions dont l’inci-dence sur le stress au travailest forte.Mais les collectivi-tés ne commencent quetimidement à s’y atteler.Selonune étudemenée fin2011 par le CNFPT, les collec-tivités «peinent à articulerles dispositifs liés à l’accom-pagnement des individus etles dispositifs collectifs ».Elles éprouvent aussi des

difficultés dans lamiseenœuvre de véritablesdémarches deprévention.« Les démarches globales,qui conduisent générale-ment à la productiondechartes demanagement nesont le fait que de quelquescollectivités, très peunom-breuses et de taille souventimportante »,note leCNFPT. « Pour lamajoritéd’entre elles, le travail sur lesrisques psychosociauxrelève de l’obligation légale ;d’autres y voient unoutil dedialogue social ; quelques-unes sont dans une logiquede prévention,mais celareste rare. Avec ces forma-tions, l’objectif est d’une partd’essayer de cesser de n’agirqu’enpompier, une fois queles problèmes sont là ;et d’autre part demettreces questions endébat »,insiste FannyDumont.

C. P.

Fonctionpublique territoriale :changer les organisationsde travail

« Si les programmes

de formation à la gestion

du stress se limitent au volet

individuel, à la détection et à

l’accompagnement des personnes

en souffrance, la prévention

ne progressera pas »

repères sur la réglementation juridique, lesmanifestations de stress…Ce sont les formationsqui dominent lemarché. « Elles permettent auxmanageurs de comprendre les liens entre le tra-vail, la santé et les risques psychosociaux. Le pre-mier bénéfice qu’elles apportent, c’est la dédra-matisation », estimeSégolène Journoud, chargéedemission à l’Anact, et coauteur du guide.Deuxième type de formation, « l’outillage ».Objectif : transmettre auxmanageurs des outilspour qu’ils puissentmettre enœuvredes actionsdeprévention. Il peut s’agir d’indicateurs demal-être, deméthodes pour analyser les causes. « Cesformations sont très influencées par les courantsdisciplinaires : elles diffèrent selon l’approchepsy-cho-cognitive, ergonomique, sociologique…»,pré-cise Ségolène Journoud.Enfin, « la régulation » cherche à intégrer la pré-vention dans lemanagement au quotidien.Le plus souvent, les entreprises en restent austade de la sensibilisation. Or « une session d’in-formation est souvent perçue comme insuffisan-te par les manageurs ; ils veulent des solutions,qu’on les aide à résoudre leurs problèmes. Dureste, la formation offre également un espace deparole qui sert aussi à situer sa pratique, à voirquelles solutions ses pairs ont trouvées », estimeStéphane Pezé, doctorant en sciences de gestionà l’université Paris-Dauphine, dont le travail estconsacré au travail identitaire des manageursface aux risques psychosociaux de leur équipe.Toutefois, « lemanageur n’est pas le seul acteurà exercer une influence sur la santé mentale deses subordonnés », insiste l’Anact, qui rappellequ’il doit être «mis en lien avec les autres acteursde l’entreprise, un médecin du travail, les res-sources humaines ».Car le risque de ces formations est de « stigma-tiser le manageur. Il est vite pointé comme celuiqui fait mal, au double sens du terme, poursuitStéphan Pezé. Si une entreprise reste persuadéeque le manageur peut tout, elle va se contenterde l’envoyer deux jours en formation avec l’idéequ’après il saura, et donc que cela va tout chan-ger. Or, si la formation est utile car il y a beaucoupd’idées reçues et de fantasmes, ce n’est pas celaqui va donner du temps en plus aumanageur ».En somme, la formation ne peut pas tout. C’estpourquoi « il est essentiel d’agir au-delà, insisteSégolène Journoud de l’Anact. C’est-à-dire demettre en place des dispositifs pérennes de pra-tiques managériales et de travailler sur uneapprocheglobale des facteurs de risques dans l’or-ganisation de travail ».

CatherinePetillon

par l’Agence nationale pour l’amélioration desconditions de travail (Anact ). Pour se repérerdans cette déferlante aux courants variés, l’Anacta élaboré une typologie de l’offre existante. Elleclasse les formations en trois niveaux. Toutd’abord les « sensibilisations » qui donnent des

d o s s i e r cadres au bord de la crise denerfs

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50/ LeMondeCampus mardi20mars2012

Enpleine campagneélectorale, laquestionde lacompétitivité de la France est de tous les débats.Le premierministre, François Fillon, a demandéauxpartenaires sociauxdedéfinirun«cadre juri-diqueappropriépourdesaccordsdits“de compéti-tivité-emploi”»,quipermettraientauxentreprisesde renégocier les contrats individuels, en contre-partie dumaintien de l’emploi. L’objectif affichéestd’améliorer lapositionde laFrancesur la scèneinternationale, en donnant aux entreprises desmoyens supplémentaires pour faire face auxchocs conjoncturels. La logiquedes accords com-pétitivité-emploi, c’est « l’articulation dans unmêmeaccordentre tempsde travail, organisationdu travail et rémunération»,précisait leministredu travail, Xavier Bertrand, dans un courrier du10 février.Autrementdit, l’idée est depermettre de renégo-cier salaire, temps de travail, mobilité géogra-phique, voire plus, dans le cadre d’un accord col-

lectif qui s’imposerait au contrat individuel,contrairement à cequeprévoit le droit du travail.Il faudrait doncenpasserparune loi, quinepour-rait intervenir qu’après le scrutinprésidentiel, etundébat avec l’ensembledespartenaires sociaux.Très fraîchement accueillis par les syndicats, lesaccords compétitivité-emploi répondent à uneforte attentedupatronat. Lors de laprésentation,le 14 février, des thématiques que les entreprisessouhaitent voir débattues durant la campagneprésidentielle, la présidente duMedef, LaurenceParisot, a longuement parlé de compétitivité,d’employabilité, et a implicitement fait référen-ce aux accords compétitivité-emploi en cestermes : « Nous allons faire acte de pédagogiepour que la durée du travail soit conventionnelle-ment négociée au niveau de la branche ou auniveaude l’entreprise. »Les cadres sont-ils ciblés par ce dispositif ? « Cesaccordsdoivent concerner les cadres, bien sûr, pour

Syndicats et patronatont ouvert des négociationsdestinées à améliorerla compétitivité desentreprises. La refontedu droit du travail pourraitaccroître la tendanceà unmarché des cadresà deux vitesses.

EDes avantagesmenacés par la crise

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mardi20mars2012 LeMondeCampus /51

limiter l’effort financier quipèserait sur l’ensemblede lamasse salariale, estime SylvainNiel, avocatendroit social etprésidentduCercledesDRH.L’ar-ticulationentre tempsde travail et salaire sedessi-ne, selon lui, en trois scénarios : « Une baisse dutemps de travail et du salaire, un maintien dutemps de travail et une baisse du salaire, ou unehaussedu tempsde travail pourunsalaire inchan-gé. »PourAntoineMorgaut, directeur Europe ducabinet de recrutement RobertWalters, ce n’estpas si évident : il estime au contraire que lesaccords compétitivité-emploi concernent plutôtlesnon-cadres, dans lamesureoù lapart variablede la rémunération des cadres intègre déjà lesaléas conjoncturels. « Il n’est pas rare que descadresdes sociétésde servicesacceptentdebaisserleur salairedansunepériodedemauvaise conjonc-ture pour éviter des départs », assure-t-il. Cesaccords appliqués aux cadres n’apporteraientdonc rien de plus à l’entreprise sur le rapporttempsde travail-salaire.Mais si l’objectif d’inverser la hiérarchie desnormes du droit du travail afin que la négocia-tion collective s’impose au contrat individuelentrait dans les faits, les clauses renégociables ducontrat ne se limiteraient pas au rapport tempsde travail-salaire. «Uneplus grandemobilité géo-graphique des cadres permettrait, par exemple,aux entreprises d’envisager plus sereinement leur

déploiement dans les régions », noteM. Niel. Aunomdumaintiende l’emploi, ce sont eneffet l’en-sembledes composantesducontratde travail quipeuvent être revues, les seuls éléments intan-gibles étant le salaire contractuel et la qualifica-tion.«Tout comme lamobilité, tous les avantagesen nature pourraient ainsi être supprimés ouréduits par de tels accords », affirmeM.Niel.Jusqu’alors, auniveaudu recrutement, lesmoda-lités du contrat de travail « sont en général peuaffectées par les crises, indiqueAntoineMorgaut.Maisonnoteunetendanceaffirméeà l’individuali-sation,avecdesrémunérationsdeplusenplusdiffé-renciées entre cadres et une augmentation de lapart de salaire variable » liée aux résultats de l’en-treprise. Lanouveauté2012esteneffetque lemar-chédel’emploidescadresprendlevisagedeJason :tousne sontplus logés à lamêmeenseigne. Alorsque lemarchéétait relativementpeuaffectépar lacrise, l’enquêteannuellede l’Associationpour l’em-ploi des cadres (APEC), menée auprès de 11 000entreprises sur leurs intentions de recrutement,révèleque les secteurs trèsexposésà laconjonctu-reaccusent«unfort ralentissementde leurs recru-tements».En2012,« lemarchédescadresestdésor-mais à deux vitesses entre les entreprises à fortsavoir-faire et les autres, et entre les cadres confir-més et les jeunes diplômés, dont le taux d’accès àl’emploi est à labaisse », indiqueBertrandHébert,

directeurgénéralde l’APEC. Lesmodalitésderecru-tement (nature des contrats, composantes de larémunération) reflètent cette fracture. En2009,ona constaté une hausse des CDD, qui ne concernaitque les jeunes», rappellePierreLamblin,directeurdudépartementétudeset recherchede l’APEC.Lescontrats compétitivité-emploi risqueraient doncd’accroître cette fracture.Le statut et lapositionsocialedes cadres seraient-ils affectéspardescontrats compétitivité-emploi ?Si l’onpeutcraindreundétricotagedudroitdutra-vail, il estpeuprobableque lamiseenplacede telsaccords change quoi que ce soit à leur positionsociale. Le président du cercle des DRH invoquedeux raisons : « La première, c’est que toutes lescatégories de salariés seraient concernées, sousforme de réduction des salaires chez les uns, desavantages ennature chez les autres. Toutdoit évi-demmentêtre traduit enmontants financiersafind’équilibrer les efforts entre catégories socioprofes-sionnelles. La seconde, c’est que ces accords sont àusage conjoncturel et devront donc être assortisd’une clausede“retouràbonne fortune”. »Jean-Paul Bouchet, secrétaire général CFDT-Cadres, fait lamême réponsemais pourd’autresmotifs. S’il estimequ’« il n’y a aucune raison queces accords ne s’appliquent pas à l’ensemble dessalariés », il considère que « le statut cadre dit“protecteur”appartient déjàaupassé et que ceux-ci, qui se sont longtemps surinvestis, ont pris leursdistances à l’égardde l’entreprise ». L’édition 2012de l’Observatoire des salariés TNS-Sofres, publiéele 15 février, constate en effet « une nette dégra-dation entre 2007 et 2011 de l’attachement dessalariés à l’entreprise, dans le privé comme dansle public. La plus forte dégradation étant celle dela qualité du travail, en recul de 10 points »,indiqueMuriel Humbertjean, directrice généra-le adjointe de TNS-Sofres.PourM.Morgaut, lescadressontdéjàdansunecul-ture departage de la responsabilité économique,lesaccordscompétitivité-emploinechangeraientdonc rien à leur position sociale ni à leur statut.«Mais ilsneserontacceptablesques’ils sontdirecte-ment et strictement liés à la conjoncture et que lesrevenusducapitalbaissentàdueproportion»,affir-me-t-il. Jean-PaulBouchetestimeque leproblèmeestailleurs.« Il faut retrouver les leviersdecompéti-tivité,explique-t-il.L’entrepriseaméliore sacompé-titivitéenréduisantsescoûtsmais,avanttout,grâceà l’investissement, à la formation, à la rechercheetau développement. C’est une vision réductrice decroireque le retourde lacompétitiviténepassequeparundétricotagedudroitdu travail. »

AnneRodier

Toutes les composantes

du contrat de travail pourraient

être revues, les seuls éléments

intangibles étant le salaire

contractuel et la qualification

cadres au bord de la crise denerfs D O S S I E R

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52/ LeMondeCampus mardi20mars2012

C A R R I È R E

n’ont pas passé de diplômeavant decommencer à travailler et qui s’ymettent sur le tard. Soit ce sont despersonnes qui souhaitent progres-ser dans leur domaine. Soit, enfin, ils’agit de reconversions. Ces dernièresreprésentent une large part, mêmes’il est difficile de la chiffrer », sou-

ligne Ariane Frehel, directrice duCentre d’enseignement parisien duConservatoire national des arts etmétiers (Cnam), un organisme deformation professionnelle où lamoyenne d’âge des quelque 9 500élèves – 38 ans actuellement – necesse de rajeunir. Hors de questionpour la plupart de repartir sur lesbancs de l’université. Trop long,trop coûteux, difficile à assumer.Par ailleurs, l’accès aux dispositifsde formation continue est compli-qué dans ces premières années. Lesjeunes diplômés du supérieur peu-vent oublier le congé individuel deformation (CIF) – étant donné lenombre limité de places, il est hau-tement improbable qu’ils soientretenus face à d’autres publics prio-ritaires.Plus utile aux jeunes actifs, le droitindividuel à la formation (DIF) per-met d’acquérir vingt heures dedroits par an et jusqu’à cent vingtheures sur sixans.Unchiffre cepen-dant loin de faire le compte pourdécrocher undiplômequelconque.Et, comme l’employeurdoit donnerson accord, il est peu probable depouvoir les utiliser pour se réorien-ter en changeant franchement dedirection.

Que faire ?Des solutions de reprised’études existent, en cours du soirou sur Internet, qui, au prix desérieux efforts et de quelques cen-tainesd’euros, peuventouvrir énor-mément deportes.C’est ce qu’a découvert Julie, uneassistante sociale de 27 ans quimène depuis la rentrée une doublevie. Tous lesmardis et les jeudis soir,entre 17 h 30 et 21 h 30, elle est enamphi ou en travaux dirigés avecune centaine de camarades de pro-motion. La journée, elle continue àexercer son activité au sein d’uneassociation d’accompagnement depersonnes séropositives. « Je n’enavais pas conscience audébut,maisc’est usant psychologiquement. Etpuis j’ai des ambitions, envie d’unposte à responsabilité, d’unmeilleursalaire », explique la jeune femme.Conduite à travailler sur les pro-blèmesde logement, elle a trouvé lamotivation pour devenir respon-sable de gestion locative chez unbailleur social. Renseignementspris,le Cnam, dont l’un des centres setrouveàdeuxpasde son lieude tra-vail, propose parmi quelque 500diplômes, titres et certificats, uneformation spécialisée. Julie s’estdonné trois ans pour venir à bout

Pour un jeuneà peine entrédans la vie active,se reconvertir estdifficile. Pourtant,à distance ou encours du soir, il resteenvisageable de seforger de nouvellescompétences.

MChanger demétier,c’est toujours possible

« Ma première année d’enseigne-ment commeprofesseur de françaisdans un collège sensible en Angle-terre a été un choc. J’ai soudain réa-lisé que ce métier dont j’avais rêvédepuis le lycée allait être unvrai cal-vaire », se souvientBérénice (lespré-nomsont étémodifiés). Pourtant, lajeune femme avait tout bien faitcomme il faut : une formationuni-versitaire enanglais et français, sui-vie d’unemaîtrise de l’autre côté dela Manche, soit cinq ans d’étudessans accroc.Mais, une fois en poste, le constatfut sans appel. « Ce n’était pas pourmoi. J’ai dû faire un trait sur l’ensei-gnement. »De retour enFrance, elleembraye, tout en continuantde tra-vailler en parallèle, sur un diplômeuniversitaire en gestion de projetshumanitaires, qu’elle décroche unan plus tard. Depuis, la jeunefemme a trouvé un CDI dans lacoopération internationale et samésaventure la fait presque sourire.«Mais, à l’époque, j’étais réellementperdue, ç’a été dur. »Une reconversion aussi précoce est-elle exceptionnelle ? Pas autant quel’on pourrait le croire. « Il y a vrai-ment trois publics qui reprennentdes études. Soit ce sont des gens qui Ill

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mardi20mars2012LeMondeCampus /53

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des neuf matières à valider et avendu sa voiture pour payer les4 500 euros requis. Une formationplutôt chère, les offres du Cnamtournantplus généralement autourde 500 euros pour une licence.Coup de chance, sourit la jeunefemme,« lorsque j’ai parlé de cepro-jet àmon employeur, il s’estmontrétrès compréhensif et a offert demepayer la première année ».Unbeau

geste,maispas si fréquent. 90%desétudiantsduCnams’autofinancent,mêmesi la très grandemajorité dessalariés informe leur employeur. Etles cours du soir ne sont pas unchoix facile. Il faut pouvoir se libé-rer suffisamment tôt, trouver letemps pour étudier le week-end etêtre patient. « En moyenne, lesétudes chez nous durent deux foisplus longtempsqu’à l’universitépour

un diplôme équivalent », rappelleAriane Frehel.Avec le développement des outilsinformatiques, il est aussi devenupossible de suivre une formation àdistance, que ce soit par le Centrenational d’enseignement àdistance(CNED)oudirectementdans lesuni-versités, qui sont de plus en plusnombreuses à proposer ce service.Regroupées au seinde la Fédération

interuniversitaire d’enseignementà distance (FIED), elles sont actuel-lement trente-sept à proposer descursusen lignequi touchentplusde60 000 étudiants. « Toutes lesma-tières enseignées à l’université sontconcernées, à l’exceptionde laméde-cine », fait valoir JacquesCarpentier,le président de la fédération.Moyennantquelque centainesd’eu-ros (650 pour une année de licenceau CNED, 900 pour le master) etune connexion Internet, tout lemondepeut se lancer.C’est ainsi que Fabienne Galley,sage-femme, a commencé à 29 ansdes études de psychologie qu’elle apoussées jusqu’aumaster auseindel’Institut d’enseignement à distan-cede l’université Paris-VIII.« J’aimissept ans en tout. Avec trois enfants,ça n’a pas été simple. Je me levaistous les jours pour étudier lematinentre 4 h 30 et 6 h 30 et j’avais tou-jours un cours dans mon sac pourrentabiliser lesmoments d’attente. »Avantages de la formule, une adap-tabilité hors du commun. Enrevanche, les abandons sont plusfréquents. Sans surprise. Changerdevie demande plus que de l’envie,une certaine abnégation.

SébastienDumoulin

PASSER UN DIPLÔME est unedémarche de longuehaleine. Bientrop longuepour certains, qui sedécouragent rien qued’y penser.Surtout que, une fois que l’on estlancé dans la vie professionnelle,le temps vient cruellement àmanquer.Mais si c’était justementcette activité professionnellequi permettait de valider toutoupartie d’une certification ?C’est ce que l’on appelle la valida-tiondes acquis de l’expérience(VAE). Unedémarche accessibleà toute personnepouvantjustifier de trois ans d’expérienceprofessionnelle en rapport avec le

diplômevisé, en tant que salarié,volontaire oubénévole, quel quesoit son âge et sonniveaude for-mation initial. De très nombreuxdiplômes sont ainsi accessiblesà des professionnels, notammentà l’université,mais aussi dansdes écoles d’ingénieurs oude commerce et de gestion.« LaVAE est un excellent dispositifpour faire reconnaître des compé-tences périphériques développéesdans l’entreprise, commeun

informaticien qui a des fonctionsdemanagement par exemple »,explique-t-on auConservatoirenational des arts etmétiers, oùun service accueille les profession-nels intéressés pour faire unpre-mier bilan deparcours.Enpratique, les candidats doiventconstituer undossier qui passeradevant un jury deprofessionnels.Celui-ci valide ounon la demandeaprès examen. Souvent, la valida-tion est partielle, le jury précisantquelles sont les connaissances etaptitudes qui restent à acquérir.Reste à retrousser sesmanches.

S.D.

LaVAE,undiplômeàportéedemain

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54/ LeMondeCampus mardi20mars2012

T E M P S L I B R E

souligne le lieutenant-colonel SergeDerongs, le responsable sport del’école.Mais les amitiés de vestiaires dePo-lytechnique sont une exceptiondans l’enseignement supérieur.Dans lesuniversités, seulement20%des étudiants sont inscrits dans unservice universitaire des activitésphysiques et sportives (Suaps).Ils sont encoremoins nombreux àparticiper aux championnats uni-versitaires. A la Fédération françaisedu sport universitaire (FFSU), quienvoie plus de cinquante athlètescet été à Londres pour les Jeuxolympiques, les comptes sont vitefaits. Sur ses 96 000 licenciés, lamoitié vient des écoles, l’autre desfacultés. « Le ratio est donc beau-coupplus important dans les écoles.Dans les universités, il n’y a pas derègles claires concernant le sport.C’est du cas par cas, selon la sensibi-lité du président de l’université ausujet. »

C’A la fac, le sport

traîne la patte

C’est une école extraordinaire, oùles étudiants portent un bicorne etfont du sport six heures par se-maine : Polytechnique, c’est lepara-dis des neuronesmusclés.A Palaiseau, quand on parle phy-sique, on pense d’abord transpira-tion et, après, mécanique desfluides. « Dans les autres écoles, lesgroupes d’élèves se forment à partirdes associations. Chez nous, la vies’articule autour des équipes spor-tives », explique Nicolas Pausson,le responsable sport des étudiants –là-bas, on dit « caissier sport » – dela plus prestigieuse des formationsd’ingénieurs.Pour intégrer « l’X », il faut êtreunetête enmaths,mais aussi enfiler sesbaskets et son maillot de bain. Lemarathon commence le jour duconcours d’entrée. Au programme,trois épreuves sportives : vitesse,demi-fond et nage libre. La notepeut être éliminatoire. Une foisadmis, les étudiants de Polytech-

nique commencent par choisir lesport qu’ils pratiqueront active-ment pendant toute leur scolarité.Pourquoi tant de sueur dans cettetrès grande école ? « Nos étudiants,qui n’ont pas connud’échec scolaire,doivent faire l’apprentissagede l’hu-milité grâceau sport. Cedernier joueaussi le rôle de soupape : les jeunesconnaissent d’intenses périodes dedébauche intellectuelle, ils ontbesoinde décompresser régulièrement »,

Si lesgrandesécolesimposentà leursétudiantsde fairemarcher leursneuroneset leursmuscles, raressontlesuniversitésoùstadesetsallesdegymsontunepriorité.

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mardi20mars2012 LeMondeCampus /55

metauxdirectionsde faire des choixstratégiques. Parfois, le sport ou laculture passent au second plan »,déplore Camille Galap, le karatékaprésident de l’université duHavreet président de la commission viede l’étudiant à la Conférence desprésidents d’université (CPU).L’histoire du jeudi après-midi réser-véauxcompétitionsest symptoma-tique. Traditionnellement, les facss’arrangeaient pour sanctuarisercette plage horaire. Celle-ci sertdésormais souventde fusible en casdeproblèmed’emploi du tempsoud’occupationdes salles.Un cadre prescriptif venu du hautclarifierait lesobligationsdechacun.CamilleGalap sebatdepuisunanetdemi, envain, pour faire signerunecharte du sport par le gouverne-ment, la CPU et les syndicats étu-diants. Son credo ? Réaffirmer laplace du sport dans la formation ettenter de résoudre la question dufinancement. « Toutes les universi-tés n’ont pas assez d’installationssportives oude ressourceshumaineset financières pour répondre auxbesoins des étudiants », constate leprésident havrais.L’argentdemeure le fondduproblè-me. A Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), seuls huitmille des trente-cinqmille étudiants pratiquent unsport. C’est peu,mais ils pourraientêtre bien plus nombreux. « Le pre-mier jour des inscriptions, à la ren-trée, les étudiants attendent troisheures pour pouvoir suivre l’activitéqui les intéresse. Ici commepartout,on refuse dumondeparmanquedemoyens », constate Marc Dupont,directeur du Suaps auvergnat.Depuis dix ans, suite àunedécisiondes tribunaux administratifs, lesuniversités ne demandent plus àtous leurs étudiants de payer le« droit sport ». Une cotisation quivenait abonder les budgets desSuaps. « D’un coup, nous avonsperdu plus de la moitié de notrefinancement»,déploreencoreGillesDurand, le président du Groupe-ment national des directeurs deSuaps (GNDS). « Avant la LRU [la loid’autonomie des universités de2007], on attendait que les créditstombent chaque année. C’est fini.Aujourd’hui, les directeurs de Suapsdoiventmonter un projet et aller ledéfendre devant la présidence del’université »,précise-t-il.

En dépit des apparences, les étu-diants aiment transpirer. D’abord,c’est quasiment gratuit. Ensuite, onpeut découvrir des disciplinesinconnues, et surtout faire des ren-contres, ce qui n’est pas toujoursévident sur les campus.«Parfois, onfait unpeuofficed’agencematrimo-niale ! », sourit-on au Suaps de Di-jon. Cette année, une soixantainedehandballeuses débutantes s’entraî-nent auxcôtésdesgarçons. Certainsballons doivent s’égarer exprès surle terrain d’à côté… « Les étudiantsen IUT ou enmatières scientifiquessont plutôt sportifs.Mais en scienceshumaines, ils sont engénéralmoinsassidus, plutôt relaxation-yoga-danse, voire carrément café-clopes »,souligne l’équipeduSuapsdeDijon.Question sport, dans les facs, ontrouve donc le pire comme lemeil-leur. « Les situations sont très va-riables d’un établissement à l’autre.Ces contrastes sont liés à la loi surl’autonomiedes universités, qui per-

Avant la loi LRU, les

cotisations tombaient

tous les ans. Aujourd’hui,

les responsables sportifs

doiventmonter leur projet

et aller le défendre devant

les présidents d’université

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T E M P S L I B R E

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56/ LeMondeCampus mardi20mars2012

T E M P S L I B R E

En introductiondevotrerapport sur le développementdu sport à l’université en 2008,vous commenciez par rappelerque les précédents rapportssur le sport étudiantn’avaientété suivis d’aucuneffet…Qu’en est-il duvôtre ?Mon rapport traîne dansunplacard depuis quelques annéeset rienn’a changé. C’est unpeula faute de la Conférence desprésidents d’université (CPU),très timorée sur le sujet. Elle freineà propos de la pratiquephysiqueobligatoire pendant aumoins unsemestre en licence, la principalepropositiondu rapport. Dansles grandes écoles, les jeunessont plus sportifs, car la pratiquephysique y est obligatoire. Nousétions censés réunir tous lesacteurs du sport dans l’enseigne-ment supérieur un anplus tard,lors d’assises oud’unGrenelle…Cela ne s’est toujours pas fait.Lasituationest-elle sinégative ?La santé des étudiants n’est pas sibonneque ça ! En 2008, nousavions tenu à réaffirmer le lienentre la santé et l’activité phy-sique, afin que les services univer-sitaires des activités physiques etsportives (Suaps) fassent biencomprendre aux étudiants que lesport était unmoyenpeu coûteuxet efficace deprendre soin d’eux-mêmes. La pratique du sport estobligatoire jusqu’à la fin du lycée,mais pas après.L’idée, c’est qu’après le bac c’estterminé ?Seulement 20%des étudiantsfont du sport sur les campus…C’est très peu. Le tauxd’étudiantsinscrits dans les Suaps est enpartie dû aumanqued’installa-tions dans les universités. Le planCampus a financé denouvellesconstructions,mais c’est restéponctuel et non systématique.Enplus, ces équipements universi-taires sont sous-utilisés. Sur leterrain, on voit des gymnasespleins pendant les cours et videspendant les vacances. C’est un

gâchis incommensurable. Il fau-draitmutualiser davantage entreles différents acteurs : lesmunici-palités, les clubs, les écoles et lesuniversités.A Toulouse, la politique de l’uni-versité est de s’ouvrir sur la cité.Nous louonsnos salles aux clubsdu secteur, et vice versa. Dans lerapport, nous avions aussi propo-sé que certaines universitésman-quant cruellement d’installations– c’est notamment le cas à Parisintra-muros – puissent fairevalider une activité physiquesur la base d’unepratique en club.Cela ne s’est pas fait.Certes, il existe unproblèmedecapacités d’accueil.Mais l’offre surles campus est-elle toujours adap-tée aux attentes des étudiants ?Cen’est pas forcément facile pourles Suaps de s’adapter auxnouvelles demandes des jeunes.Auparavant, ces derniers récla-maient des activités encadrées,en groupe.Mais, depuis vingt ans,

on remarqueun retour de l’indivi-dualisme. Beaucoupd’étudiantssouhaitent gérer individuellementleurs loisirs. Les Suaps devraientpouvoir proposer des activitésnouvelles aux étudiants,pas forcément encadréespar unprofesseur d’EPS. C’estun changement dementalité.Vousparlez dementalité.L’idéedu sport obligatoires’est-elle heurtée àdes réti-cences culturelles dans lesfacultés ?Chez certains universitaires, le faitde voir le sport intégrer tous lescursus peut venir gêner uneconception classique des études.Mais, en réalité, c’est unehistoirefinancière. Les universités sonttrès fébriles sur ce point en cemoment. La loi sur l’autonomiedes universités a aggravé lasituationdu sport. Certaines facsprivilégient la rechercheaudétriment de la pédagogie, quiest pourtant lamissionpremièrede l’université. Et les Suaps ontsouvent unbudget d’aumône,assujetti au bonvouloirdes présidents d’université.C’est doncpeineperdue ?Pas du tout. A l’échelle d’un Suaps,le sport obligatoire en licencecoûte l’équivalent d’environ628heures de travauxdirigés, àmultiplier par 40 euros de l’heure.C’est une grosse sommepourun Suaps,mais c’est très peu auregard de l’argent brassé dans lesuniversités. En rendant le sportobligatoire, on l’intègreautomatiquement auxmaquettesde formation et on reporte le coûtde lamesure sur le budget globalde l’université et nonplus surle budget consacré à la vie del’étudiant. Cela change tout. Laseule solutionpour faire avancerles choses, c’est donc que leministère fixe, avec le soutiende la CPU, des directiveset des règles fixant le statut, le rôleet les budgets des Suaps. Il ne fautpas perdre espoir !

Propos recueillis par J. D.-C.

« Seuls 20%des étudiants pratiquent le sportsur les campus…»ENTRETIEN AVEC GÉRARD AUNEAU •DIRECTEUR DE LA FACULTÉ DES SCIENCES DU SPORT ET DU MOUVEMENT

HUMAIN (F2SMH) DE L’UNIVERSITÉ TOULOUSE-III

Défendre l’allianceducorpset de l’esprit devant la hiérarchie,c’estnouveaudans les facs,maisc’estune rengainedans les écoles. SophieBordet, en charge des sports à l’Eco-le demanagement de Lyon, a rodéson argumentaire au fil du temps.« J’insisted’abord sur les classementsdes écoles qui prennent en comptecetaspectde la formation. Etpuis surla concurrence… Avec leur nouveaucampus et sonoffre sportive, l’Edhecnous pique des étudiants ! » Si celanesuffitpas, elle continuesaplaidoi-rie :«Ladifférenceentreunbonma-nager et un très bonmanager, c’estd’avoir un savoir-être en plus d’unsavoir-faire. Beaucoup de nos deu-xièmesannéesdeviennent capitainede leur équipe pour s’entraîner àprendredes responsabilités. »Sondernier argument : la santé.« Sion ne leur propose pas assez desport, les étudiants vont picoler. Etpuis les élèves sortant de prépa seretrouvent seuls dans le grandbain.Nous repérons rapidement les plusfragiles. Ils se confient à nous, pas àleur prof de marketing », affirmeSophie Bordet.En général, elle obtient gain decause. Les grandes écoles semblenten effet avoir perçu l’intérêt dusport etymettent lesmoyens. Beau-coup d’entre elles, notamment lesécoles d’ingénieurs, le rendent obli-gatoire. Ainsi, dans lesAlpes, à l’INPGrenoble, le sport est de règle lesdeux premières années, expliqueJean-Marie Cicut, le responsablesport de l’école iséroise. « Sans cettecontrainte, un tiers de nos élèves nepratiqueraient pas », estime-t-il.Tout n’est pas rose pour autant. « Ala fac, le sport est rattachéà la vie del’étudiant, alors que, dans les écoles,c’est la direction des études qui s’encharge directement. L’importancequi est donnée à l’exercice physiquen’est pas lamême. Mais comme lesSuaps, nous manquons d’installa-tions, de professeurs, et les chosessont très variables d’un endroit àunautre… C’est notre lot commun àtous », affirmeGérardVaillant, pré-sident du Syndicat des profs desport des grandes écoles (l’APSCGE),en poste à l’Insa de Rennes. Selonses calculs, il n’y aurait que centsoixante profs de sport titulairesdans les grandes écoles françaises.Moins d’unpar établissement.

JulienDupont-Calbo

1988GérardAuneaudevientmaîtrede conférences ensciencesdusport.1993-2005Présidentde la Fédérationfrançaised’éducationphysiqueetdegymnas-tiquevolontaire.1998Directeurde l’UFRStapsde l’universitéPaul-Sabatier.2008Remet le rapportDiagana-Auneausur ledéveloppementdusport à l’universitéauxministresValériePécresse,RoselyneBachelotetBernardLaporte.

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Le Monde vous invite à découvrir la réalité de cette guerre au travers des travaux des historiens,des témoignages des protagonistes des deux pays, des portfolios et des documents inédits.

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58/ LeMondeCampus mardi20mars2012

M A N A G E M E N T

Souvent affublée de la lettre « Y »,cette nouvelle génération auxcontours flous (sesmembres sont,au sens large, nés entre 1978et 1994)n’est, bien sûr, pasuneet indivisible.La résumer ainsi peut vite tournerà la caricature. «On connaît tousunemployé technophile et paresseux,c’est Gaston Lagaffe, et ce n’est pasvraiment une nouveauté ! », railleJean Pralong, responsable de lachaire Nouvelles carrières à RouenBusiness School. Mais des traitsdominants sont toutdemême rele-vés par nombred’entreprises.Et, qu’elle soit fantasmée ou pas, laproblématique est prise au sérieuxpar les services de ressources hu-maines. Lemessage remontant dela part demanagers parfois dépas-sés étant le plus souvent : « Querépondreauxexigencesnouvelles deces jeunes diplômés ? »C’est bien làtoute la question. «Que faire quandun salarié prend des pauses régu-lières ? Que répondre quand il medemande de partir plus tôt ? » Le

management cherche aujourd’huià trouver le subtil équilibre entreimposition des règles et nécessairecompromis.Lesprofilsdes jeunesdiplômés sontdivers, les réponses des entreprisesaussi.«Beaucoupdesociétéspoursui-vent leur marche, certaines d’entreelles estimant qu’il n’y a pas grand-chose à faire », relève Julien Pouget,consultantenmanagement. « Cellesquiacceptentd’évoluercherchentnon

seulement à répondre à la questionde l’intégrationdes jeunes diplômés,mais également à faire face à desimpératifs de recrutement. Dans dessecteurs comme l’énergie, parexemple, les enjeux de renouvelle-ment dupersonnel vont être impor-tants»,poursuitM.Pouget.Séduire le jeune ingénieur est doncdevenu un enjeu de premier ordrequi semanifeste enamontdurecru-tement, dans les campagnes decommunication, bâties autourde lafameuse « marque employeur ».L’entreprise montre qu’elle sait« parler jeune ». La présence sur lesréseaux sociaux en est une illustra-tion. Lavalorisationde la cooptationcomme mode de recrutement enestuneautre – avec lamise enplacede primes pour les salariés recom-mandantunbonprofil.EDF fait partie des entreprises quiprésentent la compréhension decette génération « Y » comme unvéritable enjeu. «Nous sommes trèsattentifs à répondre à leurs attentespuisque l’immense majorité de

Comprendreles jeunes diplôméspourmieuxles intégrer,c’est le défi lancéaux entreprisesconfrontéesà une générationen décalage avecles standards établis.

CDRH, apprenezà reconnaître un « d’jeun »

Certains font comprendre à leurssupérieurs qu’ils ne sontpasprêts àsacrifier leur vie privée pour leurcarrière, d’autres s’agacent d’unmanquede « feedback » (de retourssur leur travail) et appellent l’enca-drement à unemeilleure commu-nication. Et beaucoup ne considè-rent pas la sphère professionnellecomme une bulle hermétique, etsouhaitent, par SMSou tweets, gar-der un contact permanent avecleurs « tribus » extérieures…Dans le jargon imagédes experts enmanagement, on appelle cela des« irritants ». Ce sont de petiteschoses, des comportements ou destournures d’esprit qui seraientcaractéristiquesdesnouvelles géné-rations arrivant sur le marché dutravail. Et qui auraient tendance àagacer auplushautpoint les cadreschargés d’intégrer ces recrues d’unnouveau genre. « Pour eux, tout cequi n’est pas interdit est autorisé »,osemême une consultante en res-sources humaines.

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mardi20mars2012 LeMondeCampus /59

Volonté affichée d’ouverture, unréseau social interne a été créé.Dans leur approchedu jeunediplô-mé, les sociétés doivent toutefois segarder d’un écueil : croire que par-ler lamême langue que lui peut lesatisfaire durablement. Organiserle tournaged’un lipdub (clipprofes-sionnel) oud’uneparodiede la série«Bref », diffusée surCanal +, ne suf-

fit pas. Les « Y » veulent desréponses à leurs aspirations plusprofondes. « Cela passe par la com-préhension et l’intégration de lanotion de contrat, très importantepour eux, indique Annick Cohen-Haegel, responsable des formationsRH chez Cegos. Les règles du jeuimplicites doivent être formalisées.Il faut les faire travailler avec du

rythme, mettre en place des étapesde validation et faire apparaître,dans leurs missions, des chal-lenges. » Dans le même sens, cer-taines sociétésœuvrent à une défi-nition plus nette des règles du jeude la vie en entreprise lors des pre-miers pas des recrues. En parallèle,des services RH travaillent auprèsde leurs manageurs à la

nos 5000 recrutements de 2011 sontdes jeunes diplômés, indiqueMarianne Laigneau, directrice desressources humaines de la société.Il en sera de même pour les 6 000postes à pourvoir cette année. »S’ajoute à cela un autre impératif :la transmission des compétences.« Nous avons beaucoup de départsà la retraite et nous sommes sur desmétiers à forte expertise, poursuit-elle. Nous nous attachons donc àbien intégrer cette génération. »8% de lamasse salariale d’EDF estconsacrée à la formation. Autantdire que l’entreprise, qui investitmassivement dans l’accompagne-ment des jeunes recrues, doit faireen sorte de les retenir dans sesmurs. Leurs manageurs doiventsuivre lemouvement. «On travailleà la formation de nos cadres pourqu’ils puissent répondre à de nou-velles aspirations, indiqueMarian-ne Laigneau. Laquestiondu sens dutravail est enpermanenceposée.Onéchange également beaucoup sur lemanagement intergénérationnel. »

DEVOIR ENCADRER les représentantsde lagénération«Y»estunechose,être sous leur responsabilité en estune autre. « Cela peut devenir lechoc des cultures avec les autresgénérations de salariés, résumeAnnick Cohen-Haegel, de Cegos.Ils ne sont pas aussi simples qu’ilsen ont l’air. »Derrière leur volontéde casser les codes de l’entreprisese cacheun fort attachementà la notionde contrat et unevolonté d’échanges permanents.

« Les employés peuvent êtresurpris qu’on leur rappelle qu’ilsont à accomplir telle ou telle tâchealors qu’ils l’avaient bien en tête. »Ces derniers doivent rendredes comptes régulièrement.Autre spécificité : «Les“Y”n’adressent pas demarques derespect particulières à des salariés

plus âgés, constateMmeCohen-Haegel. Lorsqu’ilsmanagentun senior, ils n’ont pas le réflexede semettre à sa place pourcomprendre sonpoint de vue. »Il existe en revanche chez euxun respect dû à la compétence.D’où l’intérêt pour lesdits seniorsd’adopter uneposture spécifiqueface au jeune, en se positionnantcommedes experts pouvantapporter des connaissances.

FrançoisDesnoyers

Quandlagénération«Y»prendlescommandes

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Illustration

lEmman

uelKerner

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J60/ LeMondeCampus mardi20mars2012

M A N A G E M E N T

prise en comptede certainsaspects du « mode de vie » de lagénération « Y », ces fameux « irri-tants ». « Ils ont pour caractéristiquede travailler en faisant trois autreschoses enmême temps, indiqueMme

Cohen-Haegel. Et leur interdire tota-lement l’usage de leur smartphonen’est pas forcément efficace. Bienmotivés, ils feront leur travail,mêmes’ils prennent des pauses pourrépondreà leurs appels personnels. »Des entreprises incitent égalementleur encadrement à « être moinsdans le jugement, explique JulienPouget. Elles sont progressivementmoins nombreuses à évaluer leurssalariés en fonctionde leur aptitudeàarriver tôt lematin et àpartir tardle soir. Il s’agit de respecter la per-sonne qui vous annonce qu’elledevra quitter son bureau à19 heures ». Idemdans l’appréhen-sion des candidats en entretien.« L’ouverture consiste ànepas se rai-dir lorsqu’un jeunediplômédeman-de à combien de RTT lui donneraitdroit le poste à pourvoir, relèveAnnick Cohen-Haegel. Cela ne veutpas dire qu’il s’impliqueramoins. »« Au final, les changements provo-qués dans lemanagement par cettegénération seront bénéfiques àtous », veut croire le DRH d’ungrandgroupe. Les «Y»diraientpar-fois touthaut ce que les cadres plusanciens souhaiteraient tout bas. Ilpoursuit : « Certaines de leurs de-mandes sont davantage la traduc-tiondemutationsde la sociétéqu’unsimple effet générationnel. »Plusqu’uneadaptationàdes jeunesavant-gardistes, cette évolutionserait-elle alors surtout l’occasionpour les sociétésdemettre à jourunmodusvivendi largementdépassé ?Jean Pralong le pense : « La défini-tion de la normalité que donne l’en-treprise montre qu’elle est restéedans les années 1970 : les jeunesvolatils lui font peur, comme s’il fal-lait faire sa carrière dans la mêmestructure. »Quant à la mise à jouractuelle, elle trahirait encore, à sesyeux, un légermanque de compré-hension du « parler jeune » : « Lesentreprises se félicitent d’ouvrir l’ac-cès à des sites comme Facebookdepuis les postes de travail… Alorsque cela fait plusieurs années que lesjeunes cadres les consultent sur leursmartphone ! »

FrançoisDesnoyers

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« Je tenais à vous dire que je suisvraiment content qu’on soit là, tousensemble. »Avantde commencer lerepas, le petitmotdupatronne sus-cite aucune réaction. Attablés aveclui dansunebrasserieparisienne, safemmeet ses quatre collaborateurssemblent accuser un léger coup defatigue. Il est 4 heures dumatin. Etil faudra, le repas fini, retourner aubureau boucler le dossier qui lesretient depuis le début de la soirée.Dans cette agence d’événementieloù il apassé trois ansausortir de sesétudes, Romain a donné quelques-unesde sesnuits. Ellesn’étaientpaspayées, mais le jeune ingénieur nes’en plaignait pas : « On se disaitqu’onétait dansuneentreprise fami-liale et qu’on pouvait lui donner unpeu de notre temps. Ça se passaitdansunebonneambiance. Et puis ledirecteur savait jouer sur l’affectif… »Il a intégré cette très petite entre-prise comme on entre dans uneseconde famille. Où la femme dupatron préparait chaque année lerepas de Noël, où la voiture fami-liale servait pour les déplacements,où on pouvait être appelé le week-end pour un coupdemain. Et où lafrontière entre savieprivée et saviepubliquedevenait rapidementaussifloue quepour celle dudirecteur.Enembauchant, lesdirigeantsd’uneentreprise familialenedonneraientpas seulementunemploi, ils impo-seraient aussi leurmodedevie. C’est

en tout cas le sentimentd’ungrandnombrede ces jeunes cadres (mino-ritaires parmi les diplômés d’école)passés par la case petite entreprisefamiliale. « Onpeut quasiment êtreadopté par les couples de fonda-teurs », confirmeChristineBlondel,professeur à l’Insead de Fontaine-bleau. L’adoptionayant, bien sûr, sesbons et sesmauvais côtés. L’atmo-sphère peut devenir étouffantelorsque le patron voit uniquementses recrues commeautantde forcesvives dévouées à l’avancée de sonaventure.

Mais l’entréedanspareilleentreprisepeutaussi être stimulante.Biensou-vent, elle s’accompagne de respon-sabilités quen’obtiennent pas aussivite lesnouveauxembauchésd’unegrande société. « On se retrouveproche du décideur et desmissionsnous sont confiées »,note ChristineBlondel. Qui tempère toutefois :« Mais c’est surtout sur le tas que sefera la formation. » « Ce type destructure permet de toucher à touttrèsvite, constateOdile, ingénieurde28 ans. Ondevientpolyvalent, cequiest en soit formateur. » Après unepremière expériencedansunepeti-te entreprise familiale, elle a rejointun grand groupe. « J’ai alors décou-vert un univers où les postes étaientbeaucoup plus cloisonnés et où lescircuits de décisions semblaient ter-riblement longs. » La réactivité et lavivacité de son ancienne sociétésemblaientbien loin.Autre spécificitéde ce typede struc-tures : c’est un monde où s’expri-ment parfois fortement les senti-ments. A l’inverse d’un grandgroupe où les relations avec unedirection lointaine sont souventaseptisées. « Ici, on connaît le PDG,on le voit tous les jours », résumeAndré Terrail, responsable dugrou-pe La Tour d’argent.Après des études d’économie auxEtats-Unis et quelques années deformationpassées aux côtés de sonpère, il a succédé au « patriarche »

Bienvenuedans la famille

Pour la nouvellerecrue d’une petiteentreprise familiale,l’embauches’apparente parfoisà une adoption.Pour le meilleuret pour le pire.

Illustration

lEmman

uelKerner

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mardi20mars2012 LeMondeCampus /61

M A N A G E M E N T

décédé en 2006. A 31 ans, il estaujourd’hui à la tête de 115 salariés.Avec lesquels il s’estime lié par unehistoire commune. « Ce sont desgens qui ont vu mon père dispa-raître. Certains sont là depuis desdizaines d’années,m’ont vudébuter,faire des erreurs puis, aujourd’hui,faire en sorte de garder l’identité dela maison. » Une maison qui est,pour certains, un peu la leur. « Dufait de cetteproximité, je ne suis par-fois pasaussi dur que je devrais l’êtredans mon management : il y a icides employés que je connais depuisque je suis petit ! », souligne-t-il.Cetteproximité s’exprimed’ailleurstoutparticulièrement aumoment…de partir. Quitter l’entreprise peutdevenir un tour de force de part etd’autre. « Ce n’est pas facile deprendre le large, on ressent presqueune forme de culpabilité », noteRomain. Le jour où il est allé dans lebureaududirecteur lui annoncer sadémission, il a senti poindre unecrispation : « Ça ne me plaît pastrop, ad’abord répondu sonpatron.Avant de le prévenir : Tu verras, tuvas le regretter. » Blessé, lepatriarchede la seconde famille s’estsenti trahi. « A la tête de ces entre-prises, il y a clairement une logiquede possession des salariés, analyseJosé Allouche, professeur à l’IAE deParis.Ce sontdesdirigeants quin’ap-précient pas de voir leur encadre-ment s’en aller. »

Le lienavec les salariés seheurte tou-tefois souvent à une réalité : l’exis-tenced’un« héritier ».« C’est legrosinconvénient, relèveM. Allouche. Lejeunediplômé risquede se retrouverdans une situation de rivalité sansespoir avec un membre de la fa-mille. »L’aventureest arrivéeàFatia.Elle a passé six ans dans une petiteentreprise de courtage avant d’être« poussée vers la sortie à cause desenfantsde ladirectrice ». « Je voulaisunposteà responsabilités,mais celuiqui m’intéressait était réservé à safille. »Fatiaadonccherchédutravailailleurs.C’est dans ces moments que lanotion de propriété de l’entreprisepeut surgir de façon très vive. Unenotionessentiellepour comprendrela psychologie de ces petits patronsquimettentparfois toute leurvie etleur argent dans cette aventure àrisques. Comme le rappelleM. Ter-rail, en retour, « le patriarche a lespleins pouvoirs et n’a de comptes àrendreàpersonne ».Cettenotiondepropriété peut d’ailleurs se nicherjusquedans les choses les plus ano-dines. « L’outil de travail parexemple, indique Fatia. Celui qui acassé l’armoireun jour a endomma-gé“leur”armoire… »Uneappropria-tion qui n’empêche pas un certainsens du sacrifice : c’est unmembrede la famille qui a passé une partiede sonweek-end à la réparer.

F. D.

COMMENT ANNONCER àune équipe,qui forme commeune secondefamille, que certains de sesmembres vont être licenciés ?C’est bien souvent une réelleépreuvepour le chef d’entreprise.«Lors de la réunion oùnotre patrondevait confirmer que certainsd’entre nous allaient recevoir unelettre de licenciement, il n’a pas étécapable de le faire, c’est sa femmequi a parlé tandis qu’il se rongeaitles ongles », indiqueMartine,33 ans, qui a travaillé dans unepetite agence de communication.« Il existe entre la directionet le salarié un contrat implicitebasé sur une plus grande loyauté,expliqueChristine Blondel, profes-

seur à l’Inseadde Fontainebleau.Ces entreprises ont plus demalà licencier. » Les études le confir-ment : « Enpériode de crise, ellessupprimentmoins de postesque les autres,note JoséAllouche.On les associe à la notion deprotection de l’emploi. »Outre cesrelations tissées avec les salariés etqui incitent à tout faire pour limi-ter la casse, « elles apparaissentplus réactives dans leur réponse àla crise,poursuitM. Allouche. Leurstratégie est souvent bâtie à trèslong terme, elles sontmoins dansune réponse au couppar coup. »Les choses peuvent évoluer lorsquela survie économiquede l’entrepri-se est en jeu. Dans l’agence deMar-

tine, les lettres ne sont finalementpas parties. Des licenciements éco-nomiques auraient coûté tropcher. « Face à l’impasse où setrouvait le patron, sa femme s’estchargée d’insuffler une pressioncontinue sur les salariés pourprovoquer des départs. » L’und’euxa eu la surprise, à son retour devacances, de trouver ses archivesréunies dans des sacs-poubelle.Explication : « Je t’avais dit deranger. »Certains ont alors priscontact avec un syndicat et unreprésentant des prud’hommes.

L’informationavite fait le tourdel’entreprise. Ladirectionyavuunetrahison.Unevéritable guerredestranchées s’est engagéedans cettesociétédevenue le cadred’unhuisclos étouffant.« Ils cherchaientla faute.Une salariée était chargéedenoter les heures d’arrivéeà laminuteprès et de les transmettreaudirecteur, se souvientMartine.Toutdéplacement est devenu inter-dit. Et lamoindre occasion était sai-sie pournous faire des reproches.Avec ce refrain : “Si vousn’êtes pascontents, partez !” »Ceque ferontfinalementquatre salariés, dontMartine. Forts d’une certitude : lanotionde« famille » a ses limites.

F.D.

Deshuis closparfois étouffants

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62/ LeMondeCampusmardi20mars2012

M A N A G E M E N T

d’une collègue. Le temps qu’ellerevienne, elle avait déjà reçu plu-sieursmails de remerciement », s’es-claffe ainsi Bruno, un ingénieur debureaud’études de 48 ans.Cemanageur, connu pour ses faitsd’armes humoristiques, n’est pasépargné. Deux de ses stagiairesn’ont pas hésité à scotcher uncamembert sous sa chaise, répan-dant une odeur nauséabonde dansle bureau.

Osé ? Peu se risquent, en effet, àtourner en ridicule lemanagement.« Impossible chez nous de faire ça àdes personnes plus élevées dans lahiérarchie, confirme Jean. Mêmechez les jeunes, cela dépend beau-coup des caractères. Sur vingt col-lègues, les blagues ne passentqu’avec cinq ou six. » Les responsa-bilités entraînent un besoin de res-pectabilité et de sérieux.Mais les comportements potachesne sont pas qu’une question d’âge.Pour Bruno, c’estmême une tradi-tion qui se perd. « Avec le durcisse-ment du marché du travail, lesjeunes aujourd’hui sontmoins por-tés sur la plaisanterie quema géné-ration, qui l’était déjàmoins que laprécédente. » Deviendrions-noustristes et policés ? Ce ne serait pasforcément une bonne chose pourl’entreprise. Pour Stéphane, unjeune banquier d’investissement,quipartage le goûtdesbonsmots etdes contrepèteries avec plusieurscollègues, et notamment les plusâgés, le rire reste plus quenécessai-re.«Çapermetd’évacuer le stress, des’accorder un moment de détente,avant de repartir au front. Parailleurs, ça soude les équipes : riendetel que le rire pour rendre des col-lègues complices et solidaires. »

SébastienDumoulin

Les jeunes actifsélevés aux blaguespotaches conserventparfois un espritfacétieux au travail.Unepointed’humouret d’imagination quipeuvent contribuerà détendrel’atmosphère…ou créer des ennuis.

CC’est une plaisanterie,j’espère ?

« C’était un peu le 1er avril tous lesjours », se souvient Olivier (les pré-nomsontétémodifiés), 28ans, lors-qu’il se remémore, sourire auxlèvres, sonstagededeuxièmeannéed’école de commerce effectué audépartement financier d’une entre-prise de chimie. Depuis, le jeunehomme s’est assagi,mais la transi-tion de l’univers déluré du bureaudes élèves, dont il était membre, àcelui, plus feutré, des bureauxd’en-treprise, a pris du temps. « Je croisqu’on ne réalisait pas bien que çapouvaitnousporterpréjudice,mêmesinosblagues étaient complètementdépourvuesdeméchanceté. »De quoi s’agissait-il ? « Des facétiesbonenfant relativement classiques. »Unebonne imitation téléphoniquedu patron belge du service pourfaire venir un autre stagiaire à8 heures le lendemain matin, desdessins équivoques réalisés avecdesaimants colorés sur les tableauxdessallesde réunion, des confettis accu-mulés dans la perforatrice et versésdans les parapluies repliés des col-lègues pour provoquer une pluiemulticolore à la sortiedesbureaux…Inoffensif ? A voir. Il ne faut pasfroisser les susceptibilités. Ni don-ner des idées à ses camarades.Jean, thésard chez Renault, a ainsiprofité des longues vacancesde son

voisin de bureau pour lui préparerune rentrée en fanfare. Change-ment des noms de classeurs, poin-teur de la souris rendu aveugle,pétards scotchés dans les tiroirs…Un festival. « Pour se venger, moncher collègueamisde lagraisse bienpâteuse sur le combiné des télé-phones avant de nous appeler.C’était pasmal aussi », reconnaît-il,beau joueur.De l’aveu de tous les farceurs inter-rogés, c’est encore l’informatiquequi est laplusgrande sourcedeplai-santeries enentreprise. Certains rac-courcis clavierspermettentde chan-ger l’orientation de l’écran ou lalangue de saisie par défaut. La sou-ris peut être branchée sur l’ordina-teur d’en face, passée enmodegau-cher en permutant les boutons clicdroit et clic gauche ou encore voirsa vitesse augmentée ou diminuéepour rendre chèvre sonutilisateur.Pournepas risquerd’être la victimed’uncanular,mieuxvautverrouillerson poste de travail avant de faireune pause cigarette. Le risque estparfois trop grand de se faire pira-ter son compte Facebook restéouvert ou sa boîtemail profession-nelle. « Ça ne pardonne pas. J’aienvoyéune invitationàpartagerungâteau fait maison le lendemain àtout le service depuis la boîte mail

Page 63: Le Monde Campus

HORS-SÉRIE

UNE VIE, UNE ŒUVRE

Victor HugoL’élu du peuple

150 ans après Les Misérables, l’hommage des politiques

124 PAGES - 7,90 - EN VENTE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUXÉGALEMENT EN VENTE SUR WWW.LEMONDE.FR/BOUTIQUE EN PARTENARIAT AVEC

Portrait de Victor Hugo par Jean-François Kahn : de quelle manière l’écrivain s’est métamorphoséau point de devenir une figure révolutionnaire du XIXe siècle.

Une sélection de textes de l’auteur qui n’oublie ni le poète, ni l’homme de théâtre, ni le romancier,en particulier celui des « Misérables ».

Un entretien avec Jean-Marc Hovasse, auteur de la biographie de référence consacrée à Victor Hugoet qui assure la direction éditoriale de ce numéro.

Les textes des candidats à l’élection présidentielle et des responsables politiques montrentà quel point les thèmes abordés par Victor Hugo sont en résonance avec l’actualité.

Il y a 150 ans paraissaient Les Misérables

Page 64: Le Monde Campus

64/ LeMondeCampus mardi20mars2012

F O N C T I O N N A I R E S

quarantaine de places suivant lesannées, pour environ 1 500 inscrits.Pas facile de se démarquer, surtoutque les élèves qui sortent des Ecolesdesmines sont favorisés, leur forma-tion les préparant spécifiquement àce concours. »Une situation récurrente dans lesystèmed’enseignement supérieurfrançais, où les grandes écolesnotamment jouent le rôle de voieroyale pour réussir tel ou telconcours de la fonction publique.Pour ceux qui ne passent pas parcesprestigieuses écuries, il faut s’ac-

crocher. Et parfois mettre lamainauporte-monnaiepour s’assurer lesbons offices d’une «prépa »privée.Cependant, là où pour préparer lesconcours d’entrée aux écoles decommerce notamment, l’offre deprépas est abondante, elle l’est net-tement moins pour les concoursadministratifs. D’abord parce queles dispositifs publics, gratuits oupresque,pourpréparer ces épreuvessont nombreux : IPAG (Instituts depréparation à l’administrationgénérale) et IEJ (Instituts d’étudesjudiciaires) à l’université, cours duCNEDoude laDocumentation fran-çaise à distance…Par conséquent, « la demandeconcerne les concours les plus pres-tigieux », explique JulieHaberman,la directrice de l’Institut supérieurde préparation (ISP), qui proposedes prépas aux concours de lamagistrature et de la police, et valancer l’équivalent pour ceux desaffairesmaritimes, de l’inspectiondes douanes et de la directionpéni-tentiaire. D’autant que la plupartdes candidats passent plusieurs

concours, dont très souvent le plusprestigieux de sa catégorie. « Plu-sieurs de ceux avec qui j’ai préparél’ENA à Sciences Po se sont inscritsdansuneprépaprivéependant l’été.En revanche, en faire une pour lesIRA [instituts régionauxd’adminis-tration] n’est pas courant, même sibeaucoup s’y présentent aussi endeuxième choix », explique Emilie,uneanciennecandidatequi adécro-chéunposte à laVille de Paris.Ce qui pose question évidemment,c’est lanaturepayanteduservice. Leconcours est supposé assurer à tousd’égales chancesde réussite,mais laprépa introduit une sélection parl’argent. Nathalie, qui prépareactuellement le concours demagis-trat administratif, s’est inscrite àCap-Avocats, une structure qui luiproposedes cours etdesgalopsd’es-sai pour 1 000 euros l’année. « Unprix à peu près similaire à ce qui sepratique dans les prépas publiques,à Sciences Poouà l’université », fait-elle remarquer.Mais les tarifs peu-ventmonter trèshaut. Chez Ipesup,la préparation aux IRA coûte

Faut-il avoir un compte enbanquebien garni pour espérer devenirfonctionnaire ?Même si aucundesconcours administratifs de catégo-rieA, accessiblesàpartird’unbac+3,nedemandepour l’instant auxcan-didatsde justifierd’unminimumdefortune personnelle, la question sepose à de nombreux étudiants àl’heuredemettre toutes les chancesde leur côté avant les épreuves. Desentreprises proposent en effet descours privés censés améliorer lesperformances des candidats. « Çareste un peu tabou, on ne s’en vantepas trop », reconnaît un lauréat duconcours de commissaire depolice.Mais c’est une aide bienvenue pourceuxquipeuvent se l’offrir.C’est qu’il n’est pas question icid’avoir la moyenne, de s’assurerqu’on a le niveau requis commepour un banal examen. Qui ditconcours, dit concurrence. Il fautêtre meilleur que son voisin.Raphaël, qui tente cette annéepourla seconde fois le concoursdes ingé-nieurs de l’industrie et desMines,en sait quelque chose. « Il y a une

FPrépas privéespour concours publics

Pour intégrer lesplus prestigieusesécoles de la fonctionpublique, il estconseillé de passerpar une classepréparatoire…et d’ouvrir grandle porte-monnaie.

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mardi20mars2012 LeMondeCampus /65

F O N C T I O N N A I R E S

soit la prépaqui est excellente, car cesont généralement de très bonsélèves, trèsmotivés, qui se l’offrent. »Les anciens étudiantsdes structuresprivées reconnaissent en fait que lesuccès de la formule tient à sa com-plémentarité avec le systèmepublic. La prépa offre un cadre pluscontraignant, qui aide à se discipli-ner. Le travail y est prémâché sousformede fiches. Surtout, les profes-seurs, pour la plupart des profes-

sionnels, connaissant mieux lesconcours que les universitaires purjus, font plancher les candidats surle fond comme sur la forme desépreuves. Pour son concours demagistrat, Nathalie peut ainsi s’en-traîner à l’épreuve écrite denote derapporteur, « un exercice très codi-fié, que l’on n’apprend pas en coursde droit à la fac ».Enfin, le dernier argument enfaveurdesprépas s’avèremoins tan-

1 800 euros l’année. « Ce qui peutêtre un frein », reconnaît pudique-ment son responsable, MichelAnquetil. Laprépa à l’ENAy revient,quant à elle à 2 000 euros pour lesdeuxmois d’été. A l’ISP, les forma-tions sont facturées jusqu’à4 750 euros pour le concours del’Ecolenationale de lamagistrature.«Nous sommesune structureprivéequi doit gagner de l’argent, annoncesans états d’âme sa directrice, pourqui c’est aussi lemoyendeproposerunenseignementdequalité.Etnousfinançons dix boursiers, complète-ment exonérés de frais de scolarité »,ajoute-t-elle aussitôt.Malgré ces prix élevés, les prépastournent bien. Cette année, l’ISPcompte 1 400 élèves. A Ipesup, onenregistre une vingtaine de « pré-parationnaires » aux IRA, une cen-taine à l’ENA. D’abord grâce auxrésultats fièrement affichés par cesentreprises. Dans les couloirs del’ISP, à deuxpas de l’université d’As-sas àParis, desphotosdepromosdemagistrats en uniforme côtoientcelles de jeunes commissaires depolice tout sourire. Sur 430 élèvescandidats au concours externede lamagistrature, l’ISP enaenvoyé230àl’oral, dont 114 ont finalement inté-gré l’Ecole nationale de lamagistra-ture, soit près de trois sur quatre.« Au concours externe de l’ENA, lesproportions sont les mêmes. Troisadmis sur quatre sont passés sur lesbancs d’Ipesup, fait valoir unancienélève. Ce qui ne veut pas dire que ce

gible. Il relève du bouche-à-oreille,se faufile l’air de rien dans les dis-cussionsdesétudiants, sedonnedesairs de vérité comme toutes leslégendes urbaines : les prépasauraient un certain flair pour déni-cher les sujets qui vont tomber. Ladirectrice de l’ISP sourit. « Il n’y aaucune fuite, bien entendu, maisavec vingt ans d’expérience d’unconcours, on finit par comprendrequels sujets sont susceptibles d’inté-resser un jury compte tenu de l’ac-tualité. »Undiscours qui séduit lesétudiants,mais qui agaceunancienénarque. « C’est un mélange éton-nant de connaissances scientifiquesautour du concours – le droit du tra-vail n’est pas tombé depuis 1974, etcette année il y a eu la loi TEPA – etde consanguinité parisienne – “Jeconnais trèsbien leprésidentdu jury,il adorait le droit du travail quand ilétait préfet”. Autant dire que cetteméthode recueille des résultats aussibons que la technique du doigtmouillé, mais des gens sont prêts àpayer pour ça… »

SébastienDumoulin

Depuis 2005, au seinmêmedes écoles de fonctionnaires,des prépas publiquesmettentle pied à l’étrier des candidatslesmoins favorisés. Ces classespréparatoires intégrées (CPI), aunombre de vingt, ont accueillimille élèves de conditionmodestedepuis leur création. Il en existenotamment dans les écolesde police, de lamagistrature,

de l’administrationpénitentiaire,de conservateur dupatrimoine,dans les cinq instituts régionauxd’administration (Lille, Lyon,Nantes,Metz et Bastia) et à l’ENA.Les conditions d’entrée sontstrictes : les candidats doivent être

boursiers, avoir obtenuunmasteravecmention, avoirmoins de28 ans, et prouver leurmotivationdevant un jury. Lamoitié desélèves issus des CPI réussit unconcours de la fonctionpublique.Ils ont obtenude très bons scoresà l’Ecole des hautes études ensanté publique et dans la police,mais aucunn’a intégré l’ENA.

S. B.

LesCPI,undispositifpourlescandidats lesmoinsfavorisés

Pourentrer à l’ENA (ci-contre),laplupartdes candidatspassent

parune« prépa »privéepour laquelle

il faut compter environ2000eurospourdeuxmois.

MarleneAwaad/IP3

Page 66: Le Monde Campus

L a certificationVoltaire est tout

sauf un concoursde grammaire, et c’estbel et bien un outilqui donne accès àdes emplois », expliqueFrançois Davy, leprésident de la sociétéd’intérim Adecco,dans sa préface du livred’Agnès Colomb etBruno Dewaele,champion dumonded’orthographe. A l’aided’exercices, les auteurspermettent à chacunde s’entraîner et de sepréparer pour « certifier[son] niveau demaîtrisedes difficultésde la langue françaiseà l’écrit », le tout accom-pagné d’explicationset d’exemples pourrendre fluides les règlesles plus arides. Enfin,vous saurez que l’onn’écrit pas « les canarischantes » (premierniveau) et apprendrez lebon usage de « s’avérer »ou de « pallier »(7e et dernier niveau) !

Pierre JullienMaîtrisez l’orthographeavec la certificationVol-taire, deBrunoDewaele

etAgnèsColomb,Eyrolles, 380pages,

25 euros.

L’orthographepourlesgrands

Alatêted’unesociétéd’ingénierie logicielledepuisplusdevingt-cinqans,etdocteurenphiloso-phie,Marie-ThérèseBertiniexposeles leçonsàtirerdesonexpériencedumarchédutravaildanslemondedespetitesetmoyennesentreprises(PME),pouradopteruneautreapprochedespoli-tiquesdel’emploi.Elleestimequelespolitiquesdel’emploiet leursinstitutions,Pôleemploientête,devraientdavantageprendreencomptelefaitquelesPMEn’obéissentpasauxmêmesrèglesquelesgrandesentreprises.Ellecritique,parexemple,lastandardisationdesmodesderecrutementdePôleemploiquiincitedemandeursd’emploietemployeursàsedétournerdecetteinstitution.Elledécrit lesnormeset lesquotascommelesrouagesd’unsystèmequirendlasociété«maladedutravail»enmenantàl’as-sistanat.Elleprônelamiseenplaced’approchesspéci-fiquespourlesPME,afindeneplussaboter leseffortsderetouràl’emploi.

A. RrPourenfiniraveclafabriquedeschômeurs.UnpatrondePMEbriselestabous,deMarie-ThérèseBertini.DavidReinharc,116pages,13euros.

L’illusiondurecrutementstandard

Règles et usages de la formationprofession-

nelle : à travers deux grandes parties quepré-

cèdeunhistorique de la formationprofes-

sionnelle en France, l’ouvrage traite de la

formationdans l’entreprise (missions, gestion

prévisionnelle des emplois et des compé-

tences, financement, droit individuel à la for-

mation et congé individuel de formation, etc.)

et de sesmodalités et outils pédagogiques

(construire une action, animer, se former à

distance, former dans le cadre de l’alternance,

professionnaliser les formateurs, former les

manageurs, etc.).

De nombreux cas concrets – politiques de

formation chezManpower, Aspheria (groupe

La Poste), Crédit agricole, ING (sous formede

questions-réponses)

ou INRA– et

des controverses

(Pour ou contre

PowerPoint ?,

L’inéquité face à la

formation : le cas

des seniors, etc.),

des résumés

de chapitres, qui

émaillent l’ouvrage,

en facilitent

la lecture.

Des fiches-outils pratiques (cahier des

charges, DIF, CIF, VAE, bilan de compétences,

etc.) détaillent heureusement des notions

dont les sigles n’arrangent en général pas la

compréhension !

P. J.LeGrand Livre de la formation,ouvrage

collectif sous la directiondeMichel Barabel,

OlivierMeier, André Perret et Thierry Teboul.

Dunod, 534pages, 52 euros.

Unguidepourlesformateurset lesDRH

Lorsquedeux écono-

mistes, l’un libéral,

Jean-MarcDaniel, de

l’Institut de l’entre-

prise (et collabora-

teur régulier du

Monde Economie),

l’autre défenseur

de l’Etat-providence,

Henri Sterdyniak, de l’Observatoire français

des conjonctures économiques (OFCE),

confrontent leur analyse duquinquennat

deM. Sarkozy, la réformede l’enseignement

supérieur est très contrastée : jugée comme

unbondébut par le premier, elle est considé-

rée comme source d’injustices pour le second.

Jean-MarcDaniel se félicite que « le passage

progressif à l’autonomie de toutes

les universités introduise enfin dans ce secteur

l’esprit de concurrence indispensable

au renforcement de la qualité ».

Quant àHenri Sterdyniak, il déplore que

« l’autonomie des universités permette à

certaines d’entre elles – celles dont les étudiants

ont des parents fortunés – d’attirer à prix d’or

des chercheurs audétriment des établisse-

ments les plus récents, à public populaire, dont

les difficultés financières ont augmenté ». Il ne

voit rien depositif dans la réforme

des universités. Il évoque la privatisation

de l’éducation et juge que « les revenus

excessifs des financiers et des chefs d’entreprise

deviennent unmodèle pour les enseignants

qui, grâce à l’autonomie des universités,

pourront se vendre auxplus offrants ».

AnneRodierPrésidence Sarkozy : quel bilan ?,

par Jean-MarcDaniel etHenri Sterdyniak,

Prométhée, 128 pages, 11 euros.

L’universitéaprèsunquinquennat

A lire

Page 67: Le Monde Campus

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