Le Monde Campus Mars 2016

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  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

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    Maladesdu travail

    ADDICTS AU «TOUJOURS PLUSVICTIMES DU BORE-OUT

    LES JUNIORS EN PREMIÈRE LIGN

    Enfinl’emploi?

    ExpatriationMAIN BASSE SUR

    LES VISAS DE TRAVAILAMÉRICAINS

    formation | recrutement | carrière

    S u p p l é m e n t a u M o n d e n ° 2 2 1 5 3 , d a t é d u 6 a v r i l 2 0 1 6

    LES EMBAUCHESDE CADRES REPARTENT ÀLA HAUSSE, LA PRÉCARITS’EST BANALISÉE

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    METTEZ VOTRE TALENT

    AU CŒUR DE...

    Photo

    XavierCurtat©

    2016

    M O S T

    A T T RA

    C TIV E E M P

    L O

    Y E R S

    FRANCE

    Cette année encore, les étudiants dgrandes écoles ont placé ALTEN da

    le classement UNIVERSUM des entreprises les plus attractives de Fran

    MERCI pour cette confanc

    altenrecrute.fr

    STIMULATING INNOVATION

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

    3/60Mercredi 6 avril 2016

    Le Monde Campus / 3

    L’ emploi cadre redémarre? Les statistiques le prétendent: le vo-lumed’offresa augmentéde plusde10% enunan dansquasi-ment tous les secteurs, les intentions de recrutement progres-sentde6 % sur unan. Laconfiance amorceson retour ducôté

    desemployeurs. Même Pôle emploiet l’Insee osent le dire. Après sept an-nées de grisaille, les perspectives apparaissent meilleures en 2016 pourles jeunes diplômés, notamment les débutants. Jusqu’alors, à moins decinq ansd’expérience, l’accès au premier emploipouvait durer trois ans.Julie, 26ans, franco-belge, reste sceptique. Elle a fait une école de stylisme

    puis une école de journalisme. «Un profil atypique qui ne rassure pas lesrecruteurs», reconnaît-elle. Diplôméeen juin 2015, elle a cumulé lesstagesen Belgique et en France, mais resteaujourd’huià la porte de Pôle emploi,«qui ne peut rien pour moi, disent-ils». A la recherched’un emploi dans les médias, Julie n’a pas choisi lesecteur le plus florissant et, arrivée sur le marché dutravail il y a moins d’un an, sa situation est plutôtnormale, elle reste bien en dessous de la duréemoyenne de recherche pour décrocher un CDI. Mais«même si je sors à peine de l’école, au bout d’un mo-ment ça devient long. Et rester chez soi à plein tempsest insupportable», dit-elle. C’est ce qui l’a poussée à rejoindre un journal

    associatif. Julie s’est faite bénévole pour «rester active». Elle n’estpasseule .Le bénévolat représenterait quelque 3 millions d’équivalents temps-plein,selon l’économistePierre-Yves Gomez.Si l’on s’interroge sur le retour de l’emploi, le travail, lui, est bien là. Alorspeuimportelaforme,lesjeunesdiplômésmettent leur expertiseautravail.Ces années de crise ont diversifié les modes d’accès au premier emploi:CDD, contrat de mission, stage, service civique,bénévolat, ils prennent.Lenumérique a donné naissance à de multiples start-up et remis augoûtdu jour le travail à la tâche organisé par des plates-formes sur Internet: ilss’inscrivent et louent leurs compétences, comme au XVIII e siècle lors-qu’on louait « lesservices d’un homme libre», rappelle la sociologue Domi-nique Méda.Lesjeunesinnoventaussi dans leur quêtede l’emploi stable:ilsse regroupent en«cojobeurs» pour chercher ensemble, cequileurper-met dedécrocher unjob endeuxmoiset demi. Etquand,enfin, ils ont untravail, ils se surinvestissent jusqu’à s’en rendre malades.L’emploi s’est enfaitatomisé.Lespessimistesy voientunedécompositiondu marché de l’emploi, les optimistes une transformation qui révèle desniches inexplorées. «Le Web rematérialise deschosesquiétaient virtuelles:on peut suivredesappartenances, deséchanges d’arguments, rendretraça-bles des chosesqui ne l’étaient pas», expliquaitlephilosophe Bruno Latour,en 2009, dans un entretien à France Culture sur l’élargissement du débatpolitique. Le raisonnements’applique aujourd’hui au marché de l’emploi.

    annerodier

    Travail fragmenté,emploi atomisé

    Président du directoire,directeur de la publication

    LOUIS DREYFUS

    Directeur du « Monde »,directeur délégué de la publication,

    membre du directoireJÉRÔME FENOGLIO

    Directeur de la rédactionLUC BRONNER

    Secrétaire générale de la rédactionCHRISTINE LAGET

    Coordination rédactionnelleANNE RODIER

    PIERRE JULLIEN

    Création et réalisation graphiqueCÉCILE COUTUREAU-MERINO

    AUDREY REBMANN

    EditionAMÉLIE DUHAMEL

    CorrectionSERVICE CORRECTION

    DU « MONDE »

    Illustrations

    VINCENT BERGIERMARC DANIAUSTÉPHANE GARNIERVALENTINE LAFFITTE

    PublicitéBRIGITTE ANTOINE

    FabricationALEX MONNET

    JEAN-MARC MOREAU

    ImprimeurROTO FRANCE IMPRESSION

    Maladesdu travail

    ADDICTSAU«TOUJOURSPLUS»,VICTIMESDUBORE-OUT:

    LESJUNIORSENPREMIÈRELIGNE

    Enfinl’emploi?

    ExpatriationMAINBASSESUR

    LESVISASDETRAVAILAMÉRICAINS

    formation | recrutement | carrière

    S u p p l

    é m e n t a u M o n d e n ° 2 2 1 5 3 , d a t é d u 6 a v r i l 2 0 1 6

    LESEMBAUCHESDECADRESREPARTENTÀLAHAUSSE,LAPRÉCARITÉS’ESTBANALISÉE

    LE NUMÉRIQUE AREMIS AU GOÛT DU

    JOUR LE TRAVAIL À LATÂCHE ORGANISÉ PARDES PLATES-FORMES

    SUR INTERNET

    édito

    ILLUSTRATION

    DECOUVERTURE:

    MARCDANIAU

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  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

    5/60Mercredi 6 avril 2016

    Le Monde Campus / 5

    8 Enfin l’emploi? par Anne Rodier 12 Passer le «code» pour travailler tout de suite par Margherita Nasi et Camille Thomine14 Microtravail et microsalaire pour expert ou tâcheron par Catherine Quignon

    et Gaëlle Picut 16 L’autoentreprise, le nouveau sas vers le CDI par Angélique Mangon18 Mêmeles bac+5 se tournent vers l’armée par Catherine Quignon20 54 heures pour lancer sa boîte par Léonor Lumineau23 Le côtéobscurdes start-up par Catherine AbouEl Khair et Gaëlle Picut

    26 Recrutement Quand la recherche d’emploi s’organise à plusieurs par Angélique Mangon

    28 Expatriation Main basse sur les visas de travail par Caroline Talbot 30 Métiers Le blues des jeunes en robe noire par Gaëlle Picut 31 «Fab lab manageur», un nouveau job en quête de candidats par Margherita Nasi

    32 Malades du travail par François Desnoyers36 Gare à l’addiction au«toujoursplus» par Catherine AbouEl Khair et Camille Thomine39 Jeunes actifs et petites pilules par Catherine Quignon40 Accidents du travail: juniors en tête par Elodie Chermann41 Bore-out: voyage auboutde l’ennui par Léonor Lumineau44 Et sine rien faire, c’était résister? Par MargheritaNasi45 Le travail contre les chocs psychiques par Margherita Nasi

    46 Management Descomités exécutifs juniorsauprèsdesdirections parCatherineAbou ElKhair 47 L’ascension programmée grâce aux «graduate programs» parGaëlle Picut 48 Z,X ,Y…l’obsessiondesgénérations par François Desnoyers

    50 Logement Carine,Ulysse, Nicolas et lesautres, accros à la coloc’ par Angélique Mangon52 Religion Comment gérer le religieux en entreprise dans un contexte passionné

    par MargheritaNasi

    54 Le grand entretien avec Guillaume Sarlat «Le virus des stratégies illisibles» Propos recueillispar MargheritaNasi

    56-58 Invitation à la lecture par Pierre Jullien

    Supplément au Monde n° 22 153, daté du 6 avril 2016

    sommaire

    3 Edito6 En bref

    S T É P H A N E G A R N I E R

    M A R C D A N I A U

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    LeMonde Campus Mercredi 6 avril 2016

    en bref

    EspagnePayer pour être recrutéDes syndicats et associations ontdénoncé, le 13 janvier, Air EuropaExpress. Cette filiale de la compagnieespagnole Air Europa avait exigé60 euros des candidats pour obtenirun entretien d’embauche pourdes postes de pilote et de steward.

    Royaume-UniLe gay contre-espionnageLe service britannique de rensei-gnement et de sécurité intérieure,le MI5, arrive en tête du classementannuel du meilleur employeuren termes de respect de la diversitésexuelle, diffusé le 19 janvierpar Stonewall, une association dedéfense des droits des personnesLGBT (lesbiennes, gays,bisexuelles et transsexuelles).

    EuropeNouveau record de dépôt debrevets américains et asiatiquesLes demandes de brevets européenspar des entreprises américaines etasiatiques ont augmenté en 2015respectivement de 16,4 % et 22,2 %sur un an, contre + 1,6 % pour lesdemandes des 38 pays membres del’Office européen des brevets, selonles chiffres publiés le 3 mars parl’OEB. Les Etats-Unis totalisent àeux seuls 42 652 dépôts, soit lequart du total. La France est le payseuropéen qui dépose le plus debrevets après l’Allemagne, avec uneprogression de 1,6 %, à 10 781.

    Chine

    50 millions d’emplois nouveauxprévus en cinq ansLa Chine a dévoilé samedi son13e plan quinquennal pour 2016-2020. Parmi les principaux points:la création de 50 millions d’emploisen zones urbaines en cinq ans ;30 000 km d’autoroutes en 2020,contre 19 000 en 2015, et 50 nou-veaux aéroports civils (l’équivalentde 341 milliards d’euros seront in-vestis pour la construction de voiesferrées et de routes). La Chineentend maintenir le niveau dechômage sous la barre des 4,5 %. SOURCE : Fichier national des allocataires (Unedic/Pôle emploi)

    1995 1997 1999 2001 2003 2005 2007 2009 20110

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    PART DES RÉEMBAUCHES DANS LES RECRUTEMENTS

    (hors contrats d’intermittence du spectacle), en %Premièreembauche Réembauche

    Dont réembauchechez le dernier employeur

    2000 €de plus de crédit autorisé,

    pour les personnes n’ayantpas accès aux crédits bancai-res et qui veulent créer leurentreprise. Les associationspeuvent désormais leurprêter jusqu’à 12000euros,contre 10000 auparavant.

    Erreur sur la paie

    L a ministre de l’éducation, Najat Vallaud-Belkacem, a annoncé le 21 janvier la miseen place progressive à partir de l’annéescolaire 2016-2017 d’un service numériquegratuit pour délivrer les attestations de diplô-mes d’Etat. Ce dispositif est destiné à garantirl’authenticité des documents auprès desemployeurs et à simplifier les démarches desusagers. 1,6 million de diplômes sont émischaque année en France pour le secondaire et500000 pour l’enseignement supérieur.

    M ontant du salaire,cotisations préle-vées, nombre d’heurestravaillées, congés payés…un salarié sur trois (33 %)a constaté une erreur sursa fiche de paie au coursdes douze derniers mois,selon un sondage IFOPpublié le 2novembre2015, etréalisé pour Securex,un cabinet prestataireen ressources humaines.C’est dans les entreprisesde 50 à 250 salariés quela part d’erreurs est la plusimportante (42 %).

    Homme-femme,le match continueUne étude sur les rémunérations dansles grandes entreprises menée par lecabinet de conseil Willis TowersWatson en 2015 et diffusée débutmars révèle que, à poste de travailégal, le salaire est le même chez leshommes que chez les femmes dansles entreprises qui ont mis en placeune politique de rémunération etdes outils de gestion des carrières.L’étude met cependant en exerguele fait que la gestion des carrièresreste orientée selon le sexe du sala-rié, certains métiers continuantd’attirer plus les femmes (sage-femme, responsable des ressourceshumaines…), tandis que d’autresrestent très masculins (ouvrier,ingénieur…).

    69% des embauches en CDIet CDD en2012 étaient desréembauches chez un ancienemployeur, et 49 % chez ledernier employeur, révèleune étude de l’Unedic publiéeen janvier. Ce taux grimpeà 75 % pourles seuls CDDetà 84% pourles contrats demoins d’un mois. En compa-raison, les réembauches nereprésentaient que 46 % detous les recrutements en 1995.

    Diplômes certifiés «conformes»

    Internetet pauvretéP

    rès de 4,2 milliards de personnes, soit60 % de la population mondiale, sontprivées d’accès à Internet sur le globe,

    selon un rapport de la Banque mondiale publiéle 13 janvier. C’est l’Inde qui compte le plus depersonnes dépourvues de connexion à Internet(1,1 milliard de personnes), suivie par la Chine(755 millions) et l’Indonésie (213 millions).Dans le même temps, le nombre d’internautesa plus que triplé en dix ans.Mais les nouvelles technologies profitantdavantage aux pays riches, le « fossénumérique» se creuse, commente le rapport.Il est particulièrement large pour ce quiconcerne le haut débit dont bénéficientactuellement 1,1 milliard d’individus, soitmoins de 15 % de la population mondiale.

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    7/60Mercredi 6 avril 2016

    Le Monde Campus / 7

    EmploiSalon Top recrutement, Espace

    Grande Arche, à la Défense, le12 avril (www.emploi-pro.fr/salon-emploi).

    Job d’étéJournées jobs d’été, au Centquatre,5, rue Curial, Paris 19 e, le 26 avril(www.jobs-ete.com/journee-jobs-d-ete-paris).

    RechercheJournées internationales de socio-logie du travail, à Athènes, les 11, 12et 13 mai, coorganisées par le Labo-ratoire d’économie et de sociologiedu travail (LEST) et Kekmokop (Cen-tre de morphologie sociale et despolitiques sociales de l’universitéPanteion d’Athènes) (http ://jist2016. sciencesconf.org/).Emploi et handicapHandi2day, salon du recrutementnumérique consacré aux candidatsen situation de handicap, du 16 au20 mai (www.handi2day.fr).

    FormationFête de l’alternance, 26 mai, au Parcfloral de Paris (www.fetedelalter-nance.com).

    Conditions de travailSemaine pour la qualité de vie autravail, organisée par le réseau Anact-Aract, du 13 au 17 juin, sur le thème :« Mieux travailler à l’ère du numé-rique » (www.anact.fr/rendez-vous-pour-la-13e-edition-de-la-semaine-pour-la-qualite-de-vie-au-travail).

    Enquête surla vie étudianteL’Observatoire national dela vie étudiante (OVE) lancejusqu’au 23 mai une enquêtesur les conditions de vie desétudiants en France, auprèsd’un échantillon représen-tatif de 220000 étudiants.Ceux-ci doivent répondre àun questionnaire en lignesur le logement, la santé, lebien-être, l’emploidu temps,la vie de campus, la situa-tion financière, le job, etc.Les résultats permettronten outre de comparer leursituation à celle de leurshomologues de quelque30 pays européens partici-pant au dispositif (www.ove-national.education.fr).

    AGENDA

    Pour son sixième anniversaire,l’Agence du service civique

    publie début 2016 un sondage indi-quant que «96 % des jeunes entre 16et 25 ans connaissent ce dispositif etque 85 % d’entre eux en ont unebonne image» . Cet engagement vo-lontaire de six à douze mois, quis’installe sur le marché du travail,est destiné aux jeunes de 16 à25ans, voire 30 ans pour ceux quisont en situation de handicap. L’in-demnisation de 573 euros par mois

    en fait un dispositif attrayant pourles employeurs.Le président François Hollande aannoncé le 11 janvier que le budgetdu service civique passerait de300 millions d’euros actuellement à«plus de un milliard d’eurosen 2018», afin de pouvoir accueillir«près de 350000 jeunes par an»d’ici trois ans. Depuis sa créationen 2010, le dispositif a permis à prèsde 120000 jeunes de s’engager dansdes missions d’intérêt général.

    Le service civique a la cote

    0,25€/kmC’est le montant de l’indemnité kilométrique pour les salariés du privé qui utilisentleur vélo pour aller travailler, fixé par décret le 12 février au Journal officiel . Exoné-rée d’impôt et de cotisations sociales, cette indemnisation est plafonnée à200 euros par an, soit un maximum de 800 km annuels (environ 4 km par jour).La mise en œuvre de cette disposition par les employeurs est toutefois facultative.

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    M A R C D A N I A U

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    Le Monde Campus / 9

    Enfinl’emploi?Lecielsembles’éclaircirpourlesjeunesdiplômés.Lesembauchesdecadresrepartentà lahausse,maislacriseapesésurlespratiques,etletravailrestemarquépardesconditionsdégradées

    La porte de l’emploi s’ouvrirait-elle enfin en grand pour les jeu-nes diplômés? Oui, mais… Lapromo 2016 sera-t-elle celle quitournera la page des dégâts cau-

    sés par la crise financière de2008? Pas sûr.Les embauches des cadres repartent à lahausse. Ce sont lesprofessionnels qui l’ontconstaté dès la fin 2015. «La tendance dumarchéest clairement à lahausse», affirmeWilhelm Laligant, président de Syntecconseil en recrutement, le syndicat desspécialistes du secteur. La part du conseildans l’activité des cabinets de recrutementaétémultipliéepardixencinqansetladu-rée moyenne de leurs missions est passéede 8,4 semaines en 2012 à 11,7 semainesen 2015. «Cette durée augmente aussi car lesentreprisesdemandent deplusen plusdeconseils, en particulier de la médiation sur les salaires», ajoute-t-il.

    C’est une embellie après sept années degrisaille.Lesrecrutementsavec dessalairesproposés entre 50000 et 80000 euros paran sont un peu plus nombreux en 2015

    qu’en 2014 (40 % contre 38 %). Ce n’est pasencore l’euphorie, mais seules 37 % des of-fres proposent des rémunérations au-des-sous de cette fourchette, contre 45 %en 2012.

    La confiance amorce son retour du côtédes employeurs, dont les prévisions decroissance d’activité sont stables. Plus dutiers d’entre eux se disent «optimistes» .«Les entreprises, après avoir reporté des re-crutements,envisagentdepasser à l’acte. Ce

    qui représenteun signal fort, nonseulement pour notre marché, mais plus largement pour le marché de l’emploi en France», es-time Antoine Morgaut, vice-président deSyntec conseil en recrutement.

    Le volume d’offresa exploséLes déclarations d’embauche faites auprèsde l’Urssaf en janvier confirment la ten-dance haussière: «En janvier 2016, le nom-bre des déclarations d’embauche de plusd’un mois (hors intérim) augmentede4,9%,après une baisse de 1,1 % le mois précédent.Sur trois mois, les déclarations d’embauche progressent de 6,3%, portant à + 5,9 % l’évo-lution sur unan», indiquele baromètreéco-nomique de l’Agence centrale des organis-mesde Sécurité socialepubliéen février.

    Au début de l’année, le volume d’offresd’emploi concernant les cadres sur Inter-net a littéralement explosé. En janvier,«toutes les fonctions sont touchées par cette augmentation, en particulier les servi-ces techniques (9 % sur un an) et l’informa-tique (13 %) , mais aussi les études, la recher-che et développement (18 %) et la fonctioncommercial-marketing (11 %)», précise

    d o s s i e r

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

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    Le Monde Campus Mercredi 6 avril 2016

    l’Association pour l’emploi des cadres(APEC) dans son bulletin de la mi-février.Le mois suivant, la hausse s’est poursuivieplus doucement. A contre-courant de latendance générale, les cadres de chantierétaient nettement moins demandés, toutcomme les métiers de la communication,de l’information et des arts et spectacle.Les enquêtes du ministère du travail y re-marquent un net déséquilibre entre l’offreet la demande (Dares, «Les tensions sur lemarchédu travail au 4 e trimestre 2015»).

    Stage non rémunéréC’est le quotidien de Karine Diallo et EmilieSches,26 ans, respectivement bac+ 3 et bac+ 4 diplôméesen communication,en quête

    d’unCDI. «Mon dernier CDDterminéen juinn’a pasététransforméen CDIcar les recrute-ments externesétaientgelés», témoigne Ka-rine. Quant à Emilie, depuis sa sortie deCDDle 31 décembre, elle s’estvu proposer àtrois reprises d’effectuer un stage non ré-munéré pour améliorer son expérienceprofessionnelle. Ayant fait des stages cha-que année depuis la fin du secondaire, elletrouve cela «désolant» . D’autant que sielles ont eu un emploi, elles ne l’ont plus.Nepasavoir deCDI, seizemois après lasor-tie du master, ce n’est pas extraordinaire,«mais c’est pesant, car c’est très long,commeunlong corridorobscur», ditEmilie.

    Ce secteur mis à part, les intentionsd’embauche pour les cadres sont au beaufixe et, nouveauté 2016, elles profitentaux jeunes diplômés: «Selon notre en-quête annuelle menée auprès d’un panel de 11 000 entreprises, 182000 à 200000 ca-dres seraient recrutés en 2016, soit unehausse pouvant atteindre 10 % par rapport à 2015. En2016, 39500 à 43400 débutants pourraient être embauchés,une hausse qui pourrait aller jusqu’à 14 %», indique Jean-Marie Marx, le directeurgénéralde l’APEC.

    Il en conclut que «la reprise amorcéeen 2015 devrait se confirmer en 2016», por-tée par le redémarrage progressif de lacroissance économique, le retour de l’in-vestissementproductifet un nombre plusimportant de départs à la retraite. Pourjanvier, Pôle emploi a, en effet, annoncéune baisse du nombre de demandeursd’emploi. Et les cadres seraient les pre-miers servis.

    Tout n’est pourtant pas encore rose aupaysde l’emploi desjeunes, même chez lesdiplômés, qui servent toujours de variabled’ajustement sur les postes permanentsoù se succèdent des contrats précaires. Leflux de témoignages de mois de « galère»en sortant de l’école ne tarit pas. DianaBraille, 25 ans, qui a rejoint le marché dutravail en 2014, une fois son diplôme deSciences Po en poche,a ainsi enchaîné plu-sieurs CDD et autant de satisfecit de seschefsde service,avantd’êtreremplacée parun autre CDD. Raisonofficielle: elle n’avaitpasles cinq ansd’expérienceminimumre-quis. «J’aurais pu comprendre l’argument,

    sauf que la personne qui m’a remplacée m’acontactée avant d’accepter le poste pour prendre des informations sur le service. Elleavait moins de deux ans d’expérience», té-moigne-t-elle. De son emploi, il lui restesurtout l’amertume.

    L’année 2016 changera peut-être ladonne, mais pour l’instant l’accès au pre-mier emploi reste difficile.D’autantque, sileschiffresdurecrutements’améliorent, lafragmentation du marché du travail sepoursuit: travailà la tâche, contratsprécai-res, etc. Des plates-formes de «digital wor-king» proposent même des missions sanscontrat de travail.

    Les abus sont nombreux. L’association

    Génération précaire reçoit deuxà trois cas,chaque semaine, de jeunes diplômés enstages ou services civiques susceptiblesd’être requalifiés en emplois salariés. «sont plutôt des diplômés d’université qui faute de débouchés, se tournent vers le service civique. Mais il y a une autre nouvelltendance quimonte, c’estle travail en multi-activité. Les jeunes se mettent en free-lance pour essayer de se faire un réseau. Ce sonautant de nouvelles situations de préca-rité», explique Vincent Laurent, du collec-tif Génération précaire.

    C’est ainsi que l’autoentreprise s’imposeaux jeunes diplômés au moment de leurentrée sur le marché du travail, comme cefutle cas duCDD dans les années 1980. Les

    jeunes se font autoentrepreneurs pourfaire une expérience ou pour «rester atifs» ou parce qu’il y a unepromesse d’em-bauche à la clé. En 2011, quatre autoentre-preneurs surdix avaient moins de 34 ans.

    Des «codeurs sur mesure»Le bouillonnement d’activité est réel. Lesstart-up ouvrent leurs portes en grand auxjeunes tout juste sortis des écoles de «co-deurssurmesure»,commeSimplon.co, 3WAcademy ou Webforce3. Elles s’arrachentles développeurs d’origine diverse – desBeaux-Arts à la psychologie – et les datascientistssortis plutôt, eux, desécoles d’in-génieurs. Le numérique favorise ainsi desreconversions heureuses, en particulierdans la cybersécurité, où les emplois sta-bles et bien rémunérés sont au rendez-vous.

    Les jeunes diplômés seront donc bienplus nombreux à être recrutés en 2016qu’en 2015, mais la qualité de certains em-plois laisse encore à désirer. La crise a mar-qué durablement le marché du travail,même pour lescadres.

    anne rodier

    EN2016,39500 À 43400 DÉBUTANTS

    POURRAIENT ÊTRE EMBAUCHÉS,UNE HAUSSE QUI POURRAIT ALLER

    JUSQU’À 14 %. LA REPRISEAMORCÉE EN 2015 DEVRAIT

    SE CONFIRMER CETTE ANNÉE»JEAN-MARIE MARX

    directeur général de l’APEC

    d o s s i e r | enfin l’emploi?

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

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  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

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    Le Monde Campus Mercredi 6 avril 2016

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    tion lancée en 2014 promet à ses élèvesd’acquérir les fondamentaux du dévelop-pement Web, afin de pouvoir postulercomme développeur ou monter son pro-pre projet entrepreneurial.

    Deuxmois seulement pour se reconver-tir ou doper radicalementson employabi-

    lité? La formule paraît presque trop belle.Pourtant, elle séduit de plus en plus dejeunes en début de carrière, constate Ro-main Paillard, l’un des fondateurs de ceprogramme décliné dans dix villes (cinqen France, quatre en Europe et une au Li-ban). Les raisons de cet engouement sontnombreuses, explique cet ancien avocat,lui-même reconverti: «Certains ne veu-lent plus avoir de patron. Avec le code, on peut travailler depuis une plage à Bali. D’autres souhaitent migrer vers des jeunesboîtesinnovantesou rêventde monter leur start-up.»

    RémiLebigredécide, lui,de se reconvertirpour une raison encore plus courante:l’impossibilité de trouver un travail. Aprèsdes études de neurosciences à l’universitéPierre-et-Marie-Curie à Paris et un secondmaster en managementdes connaissancessurlavieenentreprise,ilpasseneufmoisàchercher un emploi, sans succès. Il setournealors vers la 3W Academy, quiformedes développeurs et des webmasters, et fi-nance de sa poche 3000 euros pour lestroismois de formation au Web.

    Un investissement rentable pour ce

    jeune homme de 25ans: «Au lendemainde ma formation, j’étais en CDI comme dé-veloppeur pour une agence de communi-cation digitale! Je gagne 32000 euros brut par an et c’estmoi qui ai proposé le salaire. Mes horaires sont très souples : si je le sou-haite, je peux partir à 17 heures pour moncours de sport.»

    ReconversionDepuis, Rémi a reçu une dizaine de coupsde téléphone de jeunes souhaitant se re-

    convertir comme lui. Le secteur est por-teur: d’après le syndicat professionnel Syn-tec numérique, le secteur logiciels et servi-ces informatiques a créé 12000 emploisen 2014, après en avoir créé 7000en 2013.

    Le cheminn’estpourtant pasdesplus fa-ciles. Lorsque Naïs Alcaraz décide, aprèsdes études de communication, d’intégrerl’école 42, la formation en informatique

    lancéepar Xavier Niel (fondateurde Free etactionnaire à titre personnel du Monde ),elle doit passer par la «piscine», un moisen immersion intensive qui vise à sélec-tionner les candidats les plusmotivés.

    d o s s i e r | enfin l’emploi?

    Une étape difficile: «Les deux premièrsemaines ont été assez horribles, je partaisde zéro, c’était difficile, je pleurais tout ltemps.Le rythme,c’est un peucommeà l’ar-mée: on a vraiment la tête sous l’eau, d’oùce nom de piscine.» Certains élèves abandonnent en cours de route car, pour réus-sir, il faut avoir unecertaine maturité: « pédagogie est extrêmement libre, il faut semotiver et se discipliner, il vaut mieux avoidéjà un peu d’expérience.» Naïs s’accrochavec succès. Aujourd’hui, à 26ans, elle tra-

    vaille pour le pureplayer Slate. «J’ai poun CV en ligne, ma demande de stage a étéretwittée150 fois. J’ai eu trèsvite unedizainede propositions, les gens étaient avides et jen’ai eu qu’àchoisir.»

    Si les entreprises sont séduites, c’estmoins par les diplômes – la plupart de cesformationsn’endélivrent pas– quepar lescompétences opérationnelles des candi-dats, explique Djamchid Dalili. Le fonda-teur de la 3W Academy reproche au sys-tème académique d’être trop théorique.«Je suis passé par une école d’ingénieurson nous transforme en encyclopédies. Pour coder, on n’a pas besoin de connaître l’histoire de l’informatique. Il faut apprendre à faire: certains élèves de BTS ou IUT infmatique abandonnent leur cursus pour ve-nir chez nous.»

    Contenu denseC’est ainsi par son efficacité qu’Alice Clavea séduit la start-up française Save. « Ils oétésurpris par l’aspect pratique de mes con-naissances. La plupart des ingénieurs et in- formaticiens qui postulent ont de très bon-nes bases théoriques mais sont incapables

    «AU LENDEMAINDE MA FORMATION, J’ÉTAIS

    EN CDI COMME DÉVELOPPEUR

    DANS LA COMMUNICATIONDIGITALE! JE GAGNE32000 EUROS BRUT PAR AN»

    RÉMI LEBIGRE

    devenu développeur informatique

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    Le Monde Campus / 13

    d’écrire une ligne de code.» Sortie du Wa-gon en mars 2015, Alice est passée par laprestigieuse école de commerce ESCP. Dé-çue par le niveau médiocre de ses cours,elle apprend à coder à la suite d’un stagedans une start-up berlinoise.

    Au Wagon, les premières semaines sontrudes, le contenu est dense, mais la jeunefille est séduite par la méthode pédagogi-que: «On travaille en binôme et on changede partenaire tous les jours pour apprendreà connaître tout le monde et à travailler avec différents niveaux. Contrairement auxcroyances populaires, il y a très peu de ma-thématiques. En revanche, il faut aimer lalogique et être rigoureux. On apprendla pa-tience et on ravale sa fierté.»

    Peu importe les études d’origine: à con-ditiond’être curieux et prêts à s’investir, le

    code s’ouvreà tous lesprofils. Nicolas Sadi-rac, directeur général de l’école 42, affirmemême apprécier la diversité, source de ri-chesse: «Parmi les diplômés, on a des étu-diants qui sortent des Beaux-Arts, d’autresd’école d’ingénieurs, de doctorat de psycho-logie,de masterde sociologie, d’école vétéri-naire… On a même un moine tibétain.»

    Si les compétences peuvent s’apprendresur le tas, il est en revanche indispensabled’intégrer un certain état d’esprit. RomainPaillard évoque une «philosophie» propreau milieu numérique qu’il essaie d’insuf-fler aux élèves du Wagon: «Ils apprennent à se documenter par eux-mêmes, à s’amé-liorer sans cesse, à travailler en collabora-tion, avec cette idée fondamentale que rienn’est jamais acquis.Un développeur qui tra-vaille depuis trente ans continue à appren-dre chaque jour.»

    margherita nasi

    et camille thomine

    Que représentent les entreprises

    numériques sur le marché de l’emploi ?L’industrie numériquereprésente 700 000emplois, dont 415000 salariés dans le sec-teur des logiciels et services: 93,7 % sonten CDI. Nous avonsbesoin de profilsbac + 5 maispas seulement. L’avènementdu numérique a permis d’élargir notre sec-teur à d’autres profilset à d’autres besoins.

    Quelle formation choisirquand on sou-haite se reconvertir dans le numérique ?Il existeplusieurs solutions : d’un côté lesmasters spécialisés, accessibles sur dossierauxélèves issusde master 1, quel que soit

    leurdomaine. Souvent les inscritsont faitdes études de mécanique, de statistique…Mais passeulement. Le master 2 « MiMo »(métiers informatiques et maîtrised’ouvrage)de la Sorbonne s’adressespécifiquement aux étudiants issusde sciences humaines.On peut également s’orienter versles nouvelles formations labellisées« Grande école du numérique » parlegouvernement, comme Simplon.co,Webforce 3, 3W Academy.Elles permettentde se convertir au Web en quelquesmois.Enfin certaines entreprises s’occupentdirectement de la formation de leurs

    candidats. C’est un peuce quis’est passéavec l’école 42, lancée par Xavier Niel [fondateur de Free et actionnaire à titre personnel du Monde ] pourfournir desdéveloppeurs à Free. Le besoin est telque les entreprises sontobligées de créerleurpropre école.

    Quelle est la placedes femmes dansle numérique ?Aujourd’huiil n’y a que 10% à 15% defemmes chez les développeurs. C’est un

    GuyMamou-ManiPrésident du Syntecnumérique, le syndicatprofessionneldes entreprisesnumériques

    «Cesecteurabesoindeprofilsbac+5,mais passeulement»

    ENTRETIEN

    gâchis! A la foispour la branche,pourla compétitivité française et pourcesfemmes qui sont au chômage. Il n’yaucune raison que les femmes soientmoins représentées dans ce secteur :en Indonésie ou en Inde parexemple,ce sontdes métiers plutôt féminins.En France, lemilieu manquede modèlesféminins. Commentvoulez-vous queles jeunes filles s’identifient si on ne voitjamais de femmes dansles conférences etgrands événementsdu numérique ?Voilàpourquoi nousavons crééPasc@line,

    le réseau « femmes du numérique », lestrophéesExcellencia et le collectif #Jamaissans elles, dontles signataires refusent departiciper à des tables rondes où aucunefemme n’est invitée.Des parents qui diraient « Tu seras codeur ma fille », ça n’existepas encore. Je militepour qu’on force un peu l’orientation.On dit auxjeunes qu’on peut faire cequ’on veut dans la vie et on se retrouveavec des millions de chômeurs… Ilvaudrait mieux les pousser à privilégierun secteur en croissance. Plusnousformerons de personnes au numérique,

    plusnous contribuerons à la compétitivitédesentreprises et donc à la création denouveauxemplois.

    Pourquoi le numérique manque-t-ilde candidats ?Des petites start-upaux grands groupescomme Capgemini, tout le mondea du malà recruter des développeurscompétents. En même temps, le secteurinformatique compte 40 000 chômeurs…C’est tout le paradoxe.Il y a un réel problème d’adéquation entreles besoins des entrepriseset la formation.La profession souffre aussi d’undéficit

    d’image. On imagine le développeurcomme un solitaire travaillant jour et nuitderrière son écran.C’est faux : il s’agit d’unmétier qui comportedu travail en équipe,de la relation client.La communauté éducativea aussi sa partde responsabilité : parents, professeurs etconseillers d’orientation connaissent malcesmétierset n’y orientent pas les jeunes.Heureusement, de nombreux progrès ontété faits ces dernières années.

    propos recueillis par c. th.

    « CONTRAIREMENT AUXCROYANCES POPULAIRES, IL Y ATRÈS PEU DE MATHÉMATIQUES.

    EN REVANCHE, IL FAUT AIMER LALOGIQUE ET ÊTRE RIGOUREUX.

    ON APPREND LA PATIENCEET ON RAVALE SA FIERTÉ»

    ALICE CLAVEL

    formée au Wagon en 2015

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    Desmicrojobs contre desmicrorémunérations : voilàce que proposent desplates-formesde travail numérique en ligne,qui rassemblent déjà un million d’inscrits dans le monde.

    Confrontés à la précarité, de jeunesFrançaiss’y mettentaussi

    Microtravail et microsalairepour expert ou tâcheron

    d o s s i e r | enfin l’emploi?

    Identifier le contenu d’une image pour0,01 dollar, répondre à trois questionspour 0,03 dollar, retranscrire le dialo-gue d’une vidéo pour 0,17 dollar…Autant de «microjobs» qu’il est possi-

    bled’effectuer sur la plate-forme Mechani-cal Turk. Lancéeen 2005par lesite decom-merce en ligne Amazon et comptant déjàprès de 500000 inscrits, cette plate-formecontroversée a, depuis, fait des petits en

    France et à l’étranger.TaskRabbit, FouleFactory, 5euros.com,Upwork… Sur toutesces plates-formes, desclients peuvent commander à des presta-taires plus ou moins amateurs des tâchesgénéralement petites, contre une rémuné-ration tout aussi modique. Du free-lancelow cost sur le modèle Uber, en somme,sauf que les clients sont rarement des par-ticuliers. Des entreprises, les start-up no-tamment, y ont recours pour trouver desprestataires à moindre coût.

    Une concurrence mondialeConfrontés à la précaritéet au chômage demasse, les jeunes Français s’y mettentaussi. Les avantages? Pas de CV, pas d’en-tretien d’embauche, un ordinateur et uneconnexion Internet suffisent.

    C’est ce qui a incité Chloé Dauplais,26ans, à entamer une carrière de traduc-trice sur ces plates-formes: «Je n’ai aucundiplôme au-dessus du bac , explique-t-elle. Pour me faire une expérience dans la tra-duction, j’ai commencé sur des plates-for-mes de bénévolat.» Forte de ces premiersessais, Chloé finit par se mettre à son

    compte en 2014, en prospectant sur les si-tesde microtravail: «J’aitestéplusieurspla-tes-formes et j’ai fini parchoisirElance, l’unedes plus professionnalisées.»

    Sur cette plate-forme, Chloé est en con-currence avec des travailleurs indiens oupakistanais. Certains prestataires propo-

    sent des tarifs très bas pour se démar-quer: jusqu’à 0,01 cent lemot pour lestra-ducteurs, soit 10 fois moins que le tarif moyen pratiqué en France. « J’ai aussicommencé très bas, mais comme j’avais debonnes retombées clients, après troismois,

    j’ai pu augmenter mes tarifs », poursuit jeune femme.

    Chloé s’en sort plutôt bien: en 2015, elledéclare avoir touché entre 1600 et3000 euros par mois, pour une durée detravail allant jusqu’à 50 heures par se-maine. Sous statut d’autoentrepreneur, lajeune femme ne cotise à aucune mutuelleet ne possède pas d’assurance-chômage.«Ces plates-formes sont controversées car

    on y met en concurrence des gens dumonde entier , constate Chloé. Mais trouve aussi des clients qui cherchent laqualité et sont prêts à mettre le prix.»

    «Pourme faire unpeu desous»Comme Chloé, de jeunes diplômés fran-çais se mettent surces plates-formes. Pourdémarrer une activité, mais aussi pour sefaire un peu d’argent. «Je me suis inscrau début sur 5euros.com pour commander desdessins pour mesproches, expliqueunutilisatrice de la plate-forme, diplômée endroit et en journalisme, qui préfère resteranonyme. Ensuite je me suis dit que j’allaaussi proposer des services de bloggin pour me faire un peu de sous.»

    Cette activité lui a rapporté jusqu’ici en-viron 600 euros, un budget en plus pourses vacances. «Pour une commande dbase à 5 euros, cela me prend 15 à 20 minutes, mais si mes clients prennent beaucoupd’options ça peut prendre deux heures»explique-t-elle.

    Selon une étude de la Banque mondialede 2013, il y aurait plus d’une centaine deplates-formes de microtravail dans le

    «POUR UNE COMMANDEDE BASE À 5 EUROS, CELA ME

    PREND 15 À 20 MINUTES, MAISSI MES CLIENTS PRENNENT

    BEAUCOUP D’OPTIONS, ÇA PEUTPRENDRE DEUX HEURES»

    CHLOÉ DAUPLAIStraductrice

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    La cybersécurité, le «bon choix» d’EmmanuelMultiplication des attaquesinformatiques,augmenta-tion du nombre de donnéessensibles, développementducloudet dubigdata,renforcement des réglemen-tations… La cybersécurité estdevenue un élémentstratégi-que pourtoutesles organisa-tions publiques et privées.La nécessité de formerdavantage de jeunes dansce domainea fait l’unanimité

    du dernier Forum internatio-nal de la cybercriminalité(FIC), quis’est tenu à Lillefin janvier.L’Agence nationale de la sécu-rité des systèmes d’informa-tion (Anssi), le plus grosrecruteur public en France,estime que 25 % des besoinsen recrutement danslesecteur sontcouverts.A l’heure actuelle, seulesquelques écoles d’ingénieurset unedizainede mastersproposent une spécialisation

    en cybersécurité (Esiea,Télécom ParisTech, UTT,Epita…).

    Emmanuel

    Génier , 26ans,musiciendeformation,estsûr d’avoir fait

    le« bon choix» en se recon-vertissant dansce domaine.«Les cours de guitare que je

    donnais ne me suffisaient pas pour vivre correctement.Comme l’informatique était ma deuxième passion, j’ai décidé de reprendre mesétudes et d’en faire monnouveau métier.»Il a d’abord obtenu un BTSinformatique et prépareactuellement un diplômed’ingénieur en cyberdéfenseà l’Ecole nationale supérieured’ingénieurs de Bretagne-Sud

    (Ensibs) à Vannes, crééen 2013par Charles Préaux,qui a dirigé le départementcyberdéfense du ministèrede la défense.

    45000 euros pour débuterLe cursus qui accueille entre25 et 30 étudiants dure troisanset se dérouleen alter-nance (unmoisen cours, unmois en entreprise). «Je n’ai eu aucune difficulté à trouver une entreprise pour m’accueillir», confirme

    Emmanuel Génier.Finalement,il a opté pourOrange BusinessServices,à Rennes, où il s’occuped’automatiser les testsde sécurité.Il confirmeque les salairessont attractifs (entre35000et 45000eurosannuels pourdébuter) et quel’on manque clairement degensforméset de formations

    dansce domaine. Il préciseque ces dernières apprécientles profils atypiques commele sien. «Je vois un lien entrela guitare et l’informatique. Ils’agit de deuxmétiers passion. Avant je vivais guitare, main-tenant je vis cybersécurité!»Les besoins en recrutementde diplômés niveauingénieur sontestimésà plusieurs milliers par an.Côté privé,les employeurs

    sont à la fois de grandesentreprises telles qu’EADS,Thales, Orange,Sogeti,Alcatel-Lucent,Cassidian,Capgemini, Sopra Steria,Areva, Atos, maisausside nombreuses start-upet PME regroupées dansl’association HexaTrust.Pour attirer les meilleurs,ces entreprisesnouent despartenariatsavec les écoleset organisent régulièrementdes hackathons. Les profilsdehackeurséthiques – spécialis-

    tes qui tentent de s’introduiredansle systèmed’informa-tion pour en révéler lespoints de vulnérabilité – sontparticulièrement recherchés.Ilen est demême pourlesar-chitectes de la sécuritédes SIet lesspécialistes de la cryp-tologie, notamment au seindes ministères de l’intérieurou dela défense.

    gaëlle picut

    En France, le projet de loi de la ministredu travail, Myriam El Khomri, prévoyaitau départ de reconnaître des droits limi-tés – droit de grève, droit de se syndiquer,droit à la formation – aux travailleursexerçant sur certaines plates-formes.Mais cette disposition a disparu du projetde loi présenté au conseil des ministres le24mars.

    Dans tous les cas, pas question de recon-naître l’existence d’une quelconque formede contrat de travail entre les travailleursde ces plates-formes et leurs employeurs –et donc des droits sociaux pouvant s’y rat-tacher. Le retour au travail à la tâche duXVIIIe siècle, dans sa version mondialisée,sera-t-il l’avenir?

    catherine quignon

    monde, comptabilisant autour d’un mil-lion d’inscrits. En France, impossible desavoir combien d’utilisateurs sont sur cesplates-formes, ni quels revenus ils en ti-rent. D’autant qu’entre travailet loisirslescontours du microtravail sont flous.

    Chloé a aussi expérimentédes plates-for-mes qui proposent de gagner de l’argentou des bons d’achat en répondant à dessondages en ligne, comme Mysurvey.com.Encinqans, lajeunefilley a gagné une cin-quantained’euros,après y avoirpassé «pasmalde temps», reconnaît-elle.

    Les plates-formes de microtravail récla-ment rarement à leurs utilisateurs d’êtredotés d’un statut, autoentrepreneur ouautre. Plus ou moins professionnalisées,elles se présentent généralement commeuneopportunité pour se faire un complé-ment de revenus.

    En pratique, beaucoup de gens tententd’en vivre. Une étude de l’European Coope-ration in Science and Technology (COST)

    menée en 2013 s’est intéressée au profildes microtravailleurs américains: un mixde travailleurs précaires, de femmes aufoyer et de salariés qui veulent se faire unpeu plusd’argent.

    Droits sociaux inexistants

    La majorité sont diplômés. Pour 55 % d’en-tre eux, le recours à ces plates-formes estplus subi que choisi, faute de trouver unjob suffisamment rémunéré.

    Comment réglementer l’ubérisation dutravail, lorsque celle-ci n’a plus de frontiè-res? Fin 2014, une poignée de «turkers»ont fait campagne pour qu’un tarif mini-mum soit fixé sur Mechanical Turk, sansobtenir de résultatpour l’instant.

    LA MAJORITÉDES UTILISATEURSSONT DIPLÔMÉS.

    POUR 55 % D’ENTRE EUX,LE RECOURS À CES

    PLATES-FORMES ESTPLUS SUBI QUE CHOISI,

    FAUTE DE TROUVERUN JOB SUFFISAMMENT

    RÉMUNÉRÉ

    D R

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    Tous autoentrepreneurs, qu’onle veuille ou pas. A 26ans,Charlène Hallier est graphiste.En2011,aprèsavoirobtenusondiplôme, la jeune femmecher-

    che du travail dans des agences. Sans suc-cès. Elle décide alors de créer une autoen-treprise. « J’ai travaillé pour différentsclients, des orthophonistes, des architectes,etc.», précise-t-elle.

    Même si, pour gagner correctement savie, la jeune graphiste devait trouverd’autres petits boulots, elle ne regrette ab-solument pas cette expérience. «L’avan-

    tage, c’est que j’étais libre, notamment de fixer le prix de mes prestations. J’ai aussi pu faire des choses différentes dans plusieurssecteurs et j’ai beaucoup appris , estimeCharlène. Si ce statut n’avait pas existé, jen’aurais sans doute pas sauté le pas de lacréation d’entreprise» , reconnaît-elle. Pourdes raisons personnelles, Charlène a cesséson activité mais peaufine un nouveauprojet de créationd’autoentreprise.Ellees-père ensuite la faire évoluer vers une so-ciété classique d’ici deux à trois ans.

    Acquérir de l’expérienceComme Charlène, 19 % des autoentrepre-neurs avaient moins de 30ans fin 2011, se-lon l’Insee, et 42 % avaient entre 20 et34ans. Les jeunes actifs ont-ils davantagerecours à ce statut depuis? L’Insee n’a paspublié d’étude plus récente, mais GrégoireLeclercq, président de la Fédération desautoentrepreneurs (Fedae), affirme queoui. «En 2010, les moins de 25 ans représen-taient moins de 3 % de nos adhérents alorsqu’en septembre 2015 le chiffre grimpe à 12 %»,précise-t-il.

    Si pour certains jeunes actifs l’autoentre-

    De plus en plus de jeunes diplômés adoptent le statut d’autoentrepreneur.Un choix souventcontraintdevant la difficultéde trouver un premier emploi

    L’autoentreprise,le nouveau sas vers le CDI

    prise estun choix,Grégoire Leclercq remar-que que ce n’estpas lecasde la majorité. «Ils’agit davantage de personnes qui ne trou-vent pas d’emploi. Lorsqu’elles sont sur lemarché du travail depuis trop longtemps,elles ne veulent plus rester à ne rien faire,alors, pour acquérir de l’expérience et mieuxse vendre lors d’un entretien d’embauche,elles choisissent l’autoentrepreneuriat.»

    Un choix par défaut qu’a fait Paul,27ans, qui témoigne sous couvert d’ano-nymat. A la fin de ses études, il effectue

    un stage dans une petite entreprise delingerie. Au terme de celui-ci, on lui pro-pose de continuer à travailler commeautoentrepreneur. La marque est sur lepoint de finaliser un contrat. Une foisqu’il sera signé, Paul sera embauché, luidit-on. «Pendant six mois, je me suis oc-cupé de leur site Internet à temps plein,dans les locaux de l’entreprise, puis, plusou moins du jour au lendemain, j’ai tra-vaillé à mi-temps», se souvient le jeunediplômé d’une école de commerce. Fina-lement, l’entreprise n’a pas signé lecontrat en question et Paul n’y effectueplus que des missions ponctuelles.

    «Dans certains cas, lorsque l’autoentrepre-neur a des horaires fixes et qu’il y a une su-bordination vis-à-vis du client, il s’agit de sa-

    lariat déguisé», estime Sarah Abdelnourmaître de conférences à l’université Paris-Dauphine. Cette spécialiste connaît bien lesujet pour y avoir consacré une thèseen 2012, «L’autoentrepreneur aux margesdusalariat: dela genèse aux usagesd’unré-gimedérogatoire de travail indépendant».

    «Vu les tensions quiexistentsur le marchédu travail, l’autoentreprise devient une op-tion pour s’insérer dans la vieactive, précila sociologue. Mais dans les cas que j’ai rencontrés, il s’agit souvent d’un choix contraint. Ce n’est pas forcément un vrai projetde création d’entreprise mais plutôt un

    mode de rémunération.»Comme une période d’essaiCôté rémunération, Paul, lui, estime ga-gner correctement sa vie. Aujourd’hui, ilest toujours autoentrepreneur. Le jeunehomme a plusieurs clients dont un princi-palqui devraitbientôt luiproposer un CDI.«C’est un peu comme une période d’essa J’ai confiance en la personne qui m’a facette proposition» , confie-t-il,optimiste.

    Difficile d’obtenir des explications de lapart des entreprises privées ou publiquesquitravaillentavec de jeunes autoentrepre-neurs. Si certaines y ont recours pour desmissions précises et ponctuelles, d’autressont à la limite de la légalité. « Les entrepses publiquesutilisentles autoentrepreneurs pour contourner la limitation des embau-ches, analyse Sarah Abdelnour. Qu’esoientpubliques ou privées, cela leur permetdefairedeséconomies surles cotisationspa-tronales, les congés payés. De plus, il n’y pas de procédure d’embauche ni de licenciement. C’est plus flexible», ajoute-t-elle. Pluflexible,mais aussi souvent plus précaire.

    angélique mangon

    «POUR LES ENTREPRISES,IL N’Y A PAS DE PROCÉDURE

    D’EMBAUCHE NI DELICENCIEMENT. C’EST PLUS

    FLEXIBLE»SARAH ABDELNOUR

    enseignante-chercheuse à Paris-Dauphine

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

    17/60Mercredi 6 avril 2016

    LeMonde Campus / 17

    Moderniser

    le systèmede santé“J’assure la transparencenancière du premier CHUrégional de France ; ce quilui permettra d’obtenir,

    notamment, le nancementde ses innovations.“

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  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

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    LeMonde Campus Mercredi 6 avril 2016

    Titulaire d’un master 2 de philo-sophie, Michael a fait un choixde carrière plutôt inattendu :l’armée. « J’ai toujours eu l’idéed’entrer à l’école militaire de

    Saint-Cyr , explique le jeune homme. Les at-tentats de ces derniers mois ont accentuéma motivation. » Michael a déjà effectuéune préparation militaire pour devenir of-ficier dans l’infanterie. « Je veux inscriremon cursus dans la pratique, servir la Francedans l’action» , fait-il valoir pour ex-pliquer son parcoursplutôt atypique.

    Après les attentats du 13 novembre à Pa-ris et à Saint-Denis, ilsont été nombreux àvouloir s’engager dans l’armée. Durant lesjours qui ont suivi, les demandes reçuessur le site du ministère de la défense onttriplé : « 154 000 jeunes nous ont contactésen 2015 », indique la capitaine Anne-LiseLlouquet, de la direction des ressourceshumaines de l’armée de terre. En compa-raison, ilsétaient 120 000 à avoir rempli leformulaire de recrutement en 2014, annéedéjà faste en termes de candidatures.

    24 000embauches en 2016Des jeunes sans diplômes, mais aussi desbac+ 5, commeMichael. En quêted’unmé-tier qui fait sens. « Ily a eule même phéno-mène aux Etats-Unis après le 11 septembre 2001, observe Eylamine Settoul, sociolo-guespécialiste de l’armée. Les attentatsont joué le rôle d’électrochoc. Ces jeunes ont en-vie de se sentir utiles, de défendre la nation. La présencede soldatsdans les rues leurper-met aussi de s’identifier. »

    D’autantque l’armée embaucheà tourdebras : autour de 24 000recrutements sontprévus pour cette année, un record. Pour

    satisfaire sesbesoins, l’armée a assoupli saprocédure de recrutement et propose descontratscourts.Plusde 60% desmilitairesexercent souscontratà durée limitée. «Les postesproposéspar l’armée offrent certainsavantages, fait valoir Eylamine Settoul. Ilssont bien payés, bénéficient d’un certain prestige symbolique. Et contrairement ausecteur civil, où l’on peut être discriminé,l’armée recrute tous les profils.»

    Y comprislesplusdiplômés. « Notre cible,cesont les jeunesde 17ans etdemi à 30ans,desans diplôme à bac + 5 » , expliqueAnne-Lise Llouquet. Toutes les spécialités oupresque sont recherchées : logistique, res-sources humaines, administration…

    Contrairement aux idées reçues, l’arméeoffre unegrande diversitédemétiers : plusde500au total. « Avecunelicence de lettres,il est possible de travailler dans le servicecommunication, par exemple », précise Ey-lamine Settoul. « En ce moment, la filièredéficitaire, c’est l’informatique, tempèreAnne-Lise Llouquet. On recherche des ingé-nieurs, des chefs de cellule,des responsablesde sécurité informatique… » Un commis-saire des armées peut, par exemple, tra-

    vailler comme acheteur ou comme experten management de la qualité sur un na-vire, une base aérienne ou dans un régi-ment. Il perçoit en début de carrière plusde 2 000euros nets mensuels.

    « Des abandons en cours de route »Quelle que soit leur spécialité, les bac + 3 àbac + 5 ont la possibilité d’intégrer Saint-Cyr qui forme l’élite militaire, via une pro-cédure spéciale. Il est aussi possible des’engager comme sous-officier, engagévo-lontaire ou volontaire (pour une première

    expérience, sans engagement). Si l’aspi-rant soldat passe avec succès les épreuvesderecrutement,il suit uneformation mili-taire qui comprend des exercices de ter-rain et des enseignements théoriques.« Les exigences ne sont pas les mêmes e fonction des spécialités, précise Anne-LiLlouquet. Certains critères sont éliminatoires. Il faut être un minimum sportif, avoirun projet professionnel solide et réussir destests psychocognitifs. »

    Et ne pas avoir peur de partir en opéra-tion là où les forces françaises sont en-gagées. « Le recruté reste militaire avantout, souligne Anne-Lise Llouquet. On amené à porter une arme et à s’en servir. »

    « Pour ceux qui veulent bouger, voyagerla vie de l’armée n’est pas toujours très exci-tante », prévient cependant Eylamine Set-toul. Un engagement que les aspirants nemesurent pas toujours. « Il y a des abadons en cours de route » , reconnaît AnneLise Llouquet. Au final, seul un jeune surdix se présentant dans un Centre d’infor-mation et de recrutement des forces ar-mées (Cirfa) sera effectivementrecruté.

    catherine quignon

    d o s s i e r | enfin l’emploi?

    «CERTAINS CRITÈRESSONT ÉLIMINATOIRES.

    IL FAUT ÊTREUN MINIMUM SPORTIF,

    AVOIR UN PROJETPROFESSIONNEL SOLIDE

    ET RÉUSSIR DESTESTS PSYCHOCOGNITIFS»

    ANNE-LISE LLOUQUETcapitaine à la DRH de l’armée de terre

    Après lesattentats denovembre2015, les inscriptions sur le site de recrutement de la défenseont triplé. Descandidats sans diplômes, mais aussi très diplômés et de toutes disciplines

    Même les bac + 5 se tournentvers l’armée

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

    19/60

    DÉCOUVREZ LE NOUVEAU VISAGEDE L’ÉLECTRICITÉ BAS CARBONE.L’électricité produite par EDF en France en 2014 a émis 15 fois moinsde carbone que la moyenne européenne du secteur, grâce à un parcde production composé à 84 % de nucléaire et d’énergies renouvelables.Nous mettons en avant les femmes et les hommes qui innoventet font ensemble d’EDF le champion de l’électricité bas carbone*.

    Rejoignez nos équipes sur edf.fr

    Centrale nucléaire de Penl* Source: étudePWC« Facteur carbone européen » – Comparaison desémissions deCO 2 desprincipauélectriciens européensen 2014 : moyenne Europe: 313kg de CO

    2 /MWh – EDF SA: 20kgdeCO

    2 /ML’énergie est notre avenir, économisons-la !

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

    20/6020 /

    Le Monde Campus Mercredi 6 avril 2016

    Un vendredi soir pluvieux dejanvier, 19h30. Alors que laplupartde leurs amis fêtentleweek-end autour d’un verre,une centaine de jeunes se

    pressent dans un amphithéâtre de l’uni-versité Paris-Dauphine. Inscrits à la craiesur le tableau noir, des codes Wi-Fi. Smart-phones et sweats à capuche sont de sortie.

    d o s s i e r | enfin l’emploi?

    Soixantesecondes pour se présenter et convaincre : Hugo, Coline et Marion ont testél’un des50 Startup Weekends quise tiennent chaque annéeen France

    54 heures pour lancer sa boîte

    Bienvenue au Startup Weekend. Leconcept: «54 heures pour créer unestart-up» , résume Damien Gromier, orga-nisateur de ces événements. Du vendredisoir au dimanche soir, les participantsvont travailler en équipe autour d’un pro-jet d’entreprise. Etude de marché, clientèleciblée, stratégie marketing et commer-ciale, revenus… Tous les préalables au lan-

    cement seront passés à la loupe avant un«pitch» final devant un jury deprofession-nels. A la clé, des lots. Mais, surtout, uneplongée express au cœur de l’aventure en-trepreneuriale.

    Lancésaux Etats-Unis en2007,ces événe-ments sont connus des «start-upeurs»:2 900 ont été déjà organisés dans lemonde, réunissant plus de190000 partici-

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

    21/60Mercredi 6 avril 2016

    Le Monde Campus / 21

    Jusqu’àil y a peu, Hugo Caffarel étaitresponsablecommercial chez Michel&Augustin. «J’ai fait mon “coming out” entrepreneurial fin 2015 , dit-il. J’avaisle sentiment d’atteindre la limite de mon job,qu’à 27ans je n’avais rien à perdre. J’ai prismon destin en main.»Il estvenuau Startup Weekendpourvoirs’ilpouvait convaincre, et pourse constituerune équipe, mêmeéphémère. Ce Rémois

    s’est fixéun défi: «Réinventer lesupermarché.» «Mes trois ans d’expériencedans la grande distribution m’ont permisde voir le problème de l’intérieur, decomprendre pourquoi ce secteur était bloquésur des produits de basse qualité et à faible prix, alors que ce n’est plus ce que leconsommateur veut» , explique-t-il.Sonprojet IdéalMarket est un concept storeinnovant proposant une expérience deconsommation conviviale, gourmandeetresponsable.

    HugoCaffarelDiplômédel’ESCLyon

    «Mon défi? Débloquer le système et réinventer le supermarché»

    Marion Nathan, 28ans, au sourirecommunicatif, a d’abord été consultantechez Capgemini, puismanageuse chezLeroy-Merlin. «Mais j’avais envied’entreprendre pour mettre en œuvreles règles sociales et de ressources humai-nes auxquelles je crois , explique-t-elle. Sa-lariée, je ne supportais plus de devoir meconformer aux règles de manageurs qui semblaient sorties des années 1980.»

    Sonidéede start-uplui est venuelorsdeson passage chez Leroy-Merlin: «J’enavais marre de tomber sur des intérimairesà moitié motivés. J’ai eu l’idée de créer une plate-forme de mise en relation entre inté-rimaires et commerçants, où ces derniersnotent les premiers.» Aujourd’hui, ellea trois associés, dont un rencontré auStartup Weekend, qui a démissionnépourrejoindre l’aventureBonne Pioche.

    propos recueillis

    par léonor lumineau

    MarionNathanDiplôméedu masterBusiness Consulting& ITde ParisDauphine

    «Jevoudraismettreenœuvrelesrèglessocialesauxquelles je crois»

    Coline Juin, jeune Parisienne de 26ans,double diplômée de Centrale Paris etde la National University of Singapoura «toujours rêvé de créer un produit» .Deux ans d’expérience au sein de JCDecauxà New York, en tant quedirectrice desopérations projet spécial, lui ont donné«une maturité et les épaules» pour montersa start-up.En arrivant au Startup Weekend, son idée

    était de commercialiser des lampes àénergie solaireen France sur le modèled’une donnée en Afriquepour une vendue.«En fait, on s’est rendu compte, avec l’équipe,qu’il fallait choisir les batailles, même si c’est une idée que je garde pour la communica-tion.» Sonprojet SunImpact, quiviseà ven-dre en Afriquedes kitssolaires (panneau,radio,pour recharger le portable) par uneapproche de facturationbasée sur un sys-tème de locationou de services prépayés,est en constante évolution.

    Coline JuinDiplôméede Centrale Parisetde la National Universityof Singapour

    «Créerun produitet réconcilierhigh-techet environnement»

    pants. En France, où le concept a débarquéen 2010, unecinquantaine deStartup Wee-kends se tiennent tous lesans.

    Un à un, les porteurs de projet défilentsous le tableau pour «pitcher»: applica-tion de conciergerieentre particuliers; ré-seau social professionnel; permaculture

    urbaine (cette méthode qui associe acti-vité humaine et écosystèmes naturels, es-paces urbains et agricoles)… Soixante se-condes pour attirer des votes ou de futurscoéquipiers. « Un tiers des participantssont étudiants, le reste sont de jeunes tra-vailleurs» , estime Damien Gromier. Puisquinze jeunespousses sontsélectionnées.Les équipes constituées commencent letravail. Ce soir, les portes de l’universitéfermerontà minuit.

    Pasde fiorituresCertains viennent avec un projet, mais lamajorité rejoint une équipe. «J’ai toujoursété intéressé par l’entrepreneuriat» , expli-que Pierre Maury, 24ans, consultant en re-

    crutement qui a intégré Bonne pioche, unsite d’intérim pour les jobs étudiants. «Ici, je peux prendre des contacts et emmagasi-ner des connaissances», se réjouit-il. «Pour moi, l’intérêt est de former une équipe avecdes profils complémentaires au mien: de-sign, marketing, finance… Peut-être certains

    continueront-ils l’aventure avecmoi après» ,explique Loubna Ksibi, étudiante en mas-ter Innovation, réseaux et numérique àDauphine et porteuse du projet MamaCook’in (livraison de plats cuisinés par desfemmes en réinsertion professionnelle).

    Le lendemain, les groupes sont répartisdans les salles de l’université. Les plusmotivés sont arrivés à 7 h30. L’équipeBonne pioche travaille dur, aidée parGeoffroy de La Rochebrochard, directeurmarketing de la start-up Save et mentorexpert pour le week-end. «Les questionsimportantes sont: comment allez-vous dé-marcher les étudiants? Quelles entreprisesvont poster des annonces sur votre site et comment?» , énonce ce dernier devant

    l’équipe. «Faire une vidéo virale [diffuséepartout grâce aux recommandations desréseaux sociaux] », « organiser un con-cours» … Les idées fusent. Marion Nathan,28ans, ex-manageuse chez Leroy-Merlinet porteuse du projet, note les idées surdes Post-it colorés.

    «Ne pas se faire piquer son idée»Travailler en urgence et, qui plus est, avecdes personnes que l’on ne connaît pas«est la magie du Startup Weekend» , as-sure Hugo Caffarel, 27ans, ex-commercialchez Michel & Augustin et porteur duprojet Ideal Market (supermarché de de-main). «Avoir un timing limité oblige àsupprimer toutes les fioritures. Celapousseà trancher.On produit deux fois plus que cequ’on avait imaginé.»

    Un aspectmarathon qui estaussi la diffi-culté de l’exercice aux yeux d’Antoine Rol-land, 27 ans, designer industriel et mem-brede l’équipe Mon Jardin (cupcakes à basede farine d’insectes): «Il faut être capable

    A chacun ses motivations

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

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    Le Monde Campus Mercredi 6 avril 2016

    de ne jamais perdre de vue la finalité del’idée et de se challengerconstamment mal- gré la fatigue.» Pour Christophe Fourlei-gnie, membre du jury et professionnel dela communication, «réduire sur un week-end permet de valider son concept rapide-ment auprès d’un public large. Générale-ment, c’estuneétape difficile,caron ne peut pas fairecela avecn’importequi, il fautfaireattention à ne pas se faire piquer son idée. Mais, ici, la communauté est bienveillante».

    Dimanche soir vient le moment despitchs finaux. «Il y a parfois des businessangels dans la salle» , confie Ahmed Dayb,étudiantenmaster 2 à Dauphine etcoorga-nisateur de l’événement avec l’association

    Dauphine Genius. A l’issue des présenta-tions, le projet Mon Jardin (depuis rebap-tisé MonGrillon Cupcakes) remporte ceStartupWeekend.A laclé: unsite vitrine ettroismois chez l’incubateurParis& Co.

    «La vraie richesse que vous avez gagnée, cesont lesgens quevousavezrencontrés, ce quevous avez appris ce week-end» , s’enthosiasme Damien Gromier au micro. De fait,plusieurs start-up, gagnantes ou pas, sontnées à l’issue de précédents Startup Wee-kends. C’est lecasd’OptiMiam(placedemar-ché Web entre consommateurs et commer-ces pour la vente d’excédents), qui vient delever 500000 euros, ou encore de MyFeel-Back (questionnaires de satisfaction intelli-gents), qui a levé 1 million d’euros en 2014«A l’issue de chaque événement, entre un etrois projets se concrétisent réellement enstart-up» , se réjouitDamien Gromier.

    léonor lumineau

    « RÉDUIRE SUR UN WEEK-ENDPERMET DE VALIDER

    SON CONCEPTRAPIDEMENT AUPRÈSD’UN PUBLIC LARGE.

    C’EST UNE ÉTAPE DIFFICILE »

    CHRISTOPHE FOURLEIGNIE

    membre du jury

    d o s s i e r | enfin l’emploi?

    A la recherche du partenaire idéal… Une étape essentielle« AuStartup Weekend, onvient rechercher ses futurscoéquipiers » , confie AlexisRoche, 23 ans, développeurfree-lance qui,pour le week-end,a rejoint l’équipe de

    Bonne Pioche, un projet destart-upde mise en relationd’intérimaires et decommerçants.Cette étapeest cruciale.« Plus importante quele projet même» , assureAgnèsFourcade,coprésidente deFemmes Business Angels,un réseauféminin de busi-nessangels (investisseursprovidentiels), « car unebonne idée menéepar uneéquipebancale a peudechances d’aboutir, alors

    qu’une idéemoyenne portée par uneexcellenteéquipeaboutira ».Maisconstituerune équipepour monter un projetentrepreneurialn’est pasévident : « Ona tendanceàtraîner avec des profilsqui nous ressemblent, alorsqu’il faut des compétencesdiffé-rentes et complémentaires » ,explique le jeune homme.

    « Ilfaut que les associés aient la même visionpour l’entreprise et une relationsolide, car ilsvont traverser desépreuves» , résumeAgnès Fourcade, pour qui

    l’équipe est un critère décisif dans la décision ou nond’investissement.Etreamis avant d’êtreassociés est un grosavantage, estime LéoSounigo, 26 ans,cofonda-teur de Study Quizz (applica-tions gratuites de quizpourpréparer les examensscolai-res) avec son camaraded’école de commerceAdrienFourrier. « Uneassociation,c’estcomme un couple avec unbébé.Il y a des hauts et

    des bas, et encas de difficul-tés, il fautêtrecapable decommuniquer, sans avoir peur de contredire », dit-il.

    Vision commune« Difficile de confirmer unevision communeavec quel-qu’un qu’on ne connaît pas » ,souligne Alexandre Poisson,29 ans, cofondateur de Par-kadom (plate-forme de par-

    kings à louer entre particu-liers) avec son ami d’écolede commerceBenjaminPozzi. D’où des déconve-nues : « Nous avions, par exemple,prévu de nous asso-

    cier avec un développeur qui était avec nous depuis troismois. Jusqu’à ce que nousnous rendions compte in ex-tremis qu’on n’avait pas lesmêmes mentalités» , dit-t-il.Tout dépend aussi des be-soins du projet. DamienMorin, 25 ans,fondateur deSave(start-upspécialiséedansla réparation de smart-phones et tablettes), s’estainsi tourné vers CyrilMontanari, 45 ans,quinzeans d’expérience dansle

    management de réseau depoints de vente : « Au bout d’un moment, j’ai eu besoind’un profil opérationnel. Mais attention : les person-nes plus expérimentées ne pointent pas à Pôle emploi. Pourqu’ellesviennent,il faut leur proposer unehistoire, unevision et une culture d’entreprisequi lespassionnent. »

    Pourtrouver la perle raresion nel’apas danssonentourage, Tristan Lebleu,de l’incontournablecentred’innovation et decoworking parisien Numa,

    conseille d’allerchiner dans« la pléthore d’événementsde networking dédiés à l’en-trepreneuriat : hackathons,Startup Weekend, Apéro en-trepreneurs, Hold-Up de Ma-keSense, Salonsdes entre- preneurs »… Au Numa,dessoirées Adopt a CTO ( chief technology officer, en fran-çais «directeurde la techno-logie») mettent en lien exé-cutifs et développeurs.« Ily a aussi beaucoupde fondsd’investissement ou de

    business angels qui peuvent mettre en contact lespor-teurs de projet avec lescom- pétences dont ils ont besoin. Et on peut également se tour-ner vers desréseaux comme La FrenchTechou StartupVillage » , conseille Christo-phe Fourleignie, qui vient delancersa start-up dans lacommunication.Le lancement est-il vrai-

    ment le moment idéalpours’entourer? « En fait, tout dépenddu projet : soit la personne a les compétences pour structurerson idée, soit elle n’estexperte qued’une

    partie de la solution et il vaut mieux s’associer dèsle dé- part » , conseille AgnèsFourcade. Mais, attention,à ne pastropattendre, lerisque étant de devenirtroprigide.

    « Apprendreà se connaître »« Ensuite, le plus difficileestd’apprendre à se connaî-tre. On peut avoir tendance à prendre des gens rapide-ment, aufil des besoins, car

    leur profil estrare ou qu’ons’entendbien aveceux. Mais il faut prendre letemps de bienanalyser la valeurajoutée dechacun » , estime RaodathAminou, d’OptiMiam.Pour vérifier que sa « team »fonctionnait bien, cettedernière l’a faitparticiperà des hackathons.

    l. lu

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    Le Monde Campus / 23

    Une foisson CDIsigné dans unestart-up, Maxime, qui tient àgarder l’anonymat, s’est ins-tallé au plus près de son lieude travail… pour gagner du

    temps . «Avoir une heure de transport à l’al-leret auretourétait ingérable.» Mais mêmeaprès s’être rapproché, le rythme était sou-tenu.Il a été l’un des premiers à être recru-tés par cette jeune pousse parisienne pouren développer le business. «Les premiersmois, après le travail, je rentrais et j’allaisdormir» , raconte ce directeur commercial.Quatre ans plus tard, le métier est rentrémais le rythme reste soutenu. «Une se-maine tranquillecommence à 9h 30pour fi-nir à 19 heures. Une à deux fois par mois, jetermine à 23 heures», témoigne-t-il.

    Les débuts sont souvent sportifs pour lespremières recrues des start-up. Ces jeunes

    Autonomie,dynamisme et bonne ambiance, lesatouts ne compensent pas toujourslessacrifices demandés auxsalariés de cespetitesentreprisesLe côté obscur des start-up

    entreprises à fort potentiel de croissance,où sontvalorisées la polyvalence, l’autono-mie, la créativité, l’énergie, leur offrentl’expérience concrète d’un business enpleine construction. «Il y a une très bonneambiance, on bosse tous en équipe, il n’y a pas d’inimitié , ajoute Marie, salariée dansune start-up spécialisée dans la cybersécu-rité. On a enviede se démener.»

    «On est jeunes, on s’éclate dans de beaux

    locaux,mais onoubliequec’esténormément de travail, tempère Marion Guillou,respon-sable de la communication de RemixJobs,un site d’offres d’emploi dans l’informati-que. Il y a beaucoupde fantasmes autourdesstart-up, alimentés par les success storiesmédiatisées maisqui restent rares.»

    «Plusde bas que dehauts»Selon des professionnels de ce milieu, lapression est inhérente à cette forme d’en-trepreneuriat. «Le principe d’une start-up,c’est d’être dans une jungle. Vous avez uneoffre innovante qui n’a pas encore son mar-ché, et vous ignorez si vous lancez votre pro-duit au bon moment. Il y a plus de bas quede hauts» , décrypte Juan Hernandez, co-fondateur de l’Accélérateur, une structurequi investit dans ces jeunes entreprises etfait du coaching auprèsde sesdirigeants.

    « LE BUT, CE N’EST PAS QUE LEBUSINESS CONTINUE DE TOURNER,MAIS QU’IL SE MULTIPLIE PAR DIX.IL Y A UNE CULTURE DE L’URGENCE

    ET DE LA RAPIDITÉ »PAULIN DEMENTHON

    fondateur de Drivy

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

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    Le Monde Campus Mercredi 6 avril 2016

    d o s s i e r | enfin l’emploi?

    «Le but, ce n’est pas que le business conti-nue de tourner, mais qu’il se multiplie par dix», explique Paulin Dementhon, fonda-

    teur de Drivy, une entreprise d’autopar-tage née d’unestart-up créée il y a dix ans. Il y a une culture de l’urgence et de la rapi-dité. En revanche, on n’accepte jamais l’im- précision et le manque de rigueur.»

    La barre est donc haut placée pour assu-rer le succès de l’entreprise. «Lors de monrecrutement, on m’a dit que l’important n’était pas le temps de travail mais de rem- plir les objectifs.Je pensaisque j’auraisla ca- pacitéde gérermontempscommeje le vou-lais. En réalité, on s’aperçoit très vite qu’onen passe beaucoup dans l’entreprise» , té-moigne Sophie.Engagéecomme commer-ciale à 32ans, elle a mis sa vie personnelleentre parenthèses. La première année, lesjournées se terminaient «après 20 heures»et le travail a débordé sur le week-end.«Mes amis me rappelaient que ce n’était pas ma boîte. Mais j’avais la pression, il fal-lait apporter les contrats pour financer nos propres salaires», raconte-t-elle.

    «Payé au lance-pierre»Les heures supplémentaires, jamais comp-tées, passent à la trappe. Dans le meilleurdes cas, les salariés ont de la souplesse surles pauses, les récupérations. «Dans lesstart-up, les règles du droit du travail ne

    sont pas respectées en termesd’horaires, ducôté de l’employeur comme du salarié. Tant que lesdeux parties y trouvent leur compte,tout se passe généralement très bien , expli-que Aurélien Louvet, avocat associé endroit social au cabinet Capstan, quiconseille aussi les start-up. Mais le jour oùquelque chose se passe mal, les relations peuvent devenir compliquées, alors qu’ellesétaient amicales au départ. Les salariés desstart-up acceptent plus difficilement lecontrôle et la subordination.»

    L’énergie dépensée au départ peut aussis’affaiblir au fil du temps, lorsqu’il y a unmanque de reconnaissance, de souplesse,lorsque le salaire ou les primes n’augmen-

    « DANS LES START-UP, LES RÈGLESDU DROIT DU TRAVAIL NE SONT

    PAS RESPECTÉES EN TERMESD’HORAIRES. TANT QUE LES DEUX

    PARTIES Y TROUVENT LEURCOMPTE, TOUT SE PASSE BIEN»

    AURÉLIEN LOUVETavocat en droit social chez Capstan

    Les jeunes aspirent-ilsvraimentà l’entrepreneuriat?50% des Français de 18 à 24 ans déclarentavoir envie de créer leur entreprise s’ils enont la possibilité [baromètre Viavoice,avril 2015]. Même si cette aspiration peut par-fois être une fuite, je pense qu’il existe une

    réelle volonté de leur part. Cette forte propor-tion indique aussi que l’entreprise actuellene répond plus à leurs attentes profession-nelles et personnelles. Ils ne se retrouventplus dans le management tel qu’il est prati-qué actuellement.

    De quanddateriez-vous cette tendance?Un grand changement s’est opéré depuis lafin des années 1990 avec la multiplicationdes CDD, de l’intérim et des contrats courts.Dorénavant, un jeune doit attendre enmoyenne trois ans pour obtenir un CDI alorsque leurs aînés le décrochaient tout de suite.

    Cela change forcément la perception dumonde du travail. Par ailleurs, ces jeunes ontvu leurs parents se faire licencier à 50 ans. Ilssont plus dans une relation de défiance quede confiance vis-à-vis de l’entreprise, en par-ticulier envers les grandes.

    Comment cela s’est-il traduit dans leurrapport au travail?De plus en plus de jeunes préfèrent démis-

    sionner, renoncer au confort d’un CDI etd’une rémunération stable car ils ne se sen-tent pas bien dans l’entreprise et ce sans for-cément avoir d’autres opportunités. Ce que

    l’on appelle le phénomène du « jobbing out».C’est une génération qui a moins peur duvide que de l’immobilité.Ils ne veulent plus subir le travail et sontprêts à vivre avec moins ou à retourner chezleurs parents pour vivre en accord avec eux-mêmes. Ils se tournent vers l’humanitaire,vers la création d’entreprise, l’économie so-ciale et solidaire. Etre entrepreneur, ce n’estpas seulement créer sa start-up dans les nou-velles technologies.On assiste à une multiplication des façons detravailler en dehors du salariat. Il suffit devoir le succès des plates-formes de missions.La multi-activité, qui concerne déjà 3,3 mil-

    lions de personnes, va se développer. Le sta-tut d’autoentrepreneur a été une révolutionen France et a rencontré un vrai succès:1 million d’autoentrepreneurs. Trente pourcent d’entre eux en tirent un complément desalaire. Les jeunes générations cumulent plu-sieurs sources de revenus en même temps.

    Que doivent faire les entreprises pourré-pondre à ces nouveaux comportements?Il est temps de redéfinir le contrat de con-fiance entre le salarié et l’entreprise. Les en-treprises ont du mal à gérer cette génération«zapping», qui est dans l’immédiateté. Il leur

    faut être davantage dans le donnant-don-nant, dans la négociation à court et moyenterme. Tous les six mois, refaire un point surleurs motivations. L’autre challenge consisteà répondre à l’individualisation de la relationde travail. Un vrai défi pour les RH, qui doi-vent être capables de proposer des «menus»à la carte pour fidéliser les jeunes.

    propos recueillis

    par gaëlle picut

    Denis PennelAuteurde «Travaillerpoursoi» (Seuil,2013)

    Les jeunesveulententreprendre «pour neplus subir le travail»

    ENTRETIEN

    Julie, 24ans, une chef de projet, a accu-mulé toutes les alternances possibles aucours de sa formation pour travailler dansla même start-up, avant d’être recrutée enCDI. «Au début, j’étais frustrée, je gagnaiune misère et je n’avais aucune reconnais-sance. On m’expliquait qu’on manquait detrésorerie pour m’augmenter, raconte-elle. Mais, maintenant, le projeta des chan-ces d’exploser.La boîte vient d’êtrevaloriséeet un industrielest entré au capital.» Le pde Julie, proche d’êtregagné,sonnerait-illafin dessacrifices?

    catherine abou el khair

    tent pas. «Quand j’ai demandé une aug-mentation justifiée par mon implicationdans l’entreprise, on m’a répondu: l’investis-sementne comptepas. J’étais payé aulance- pierre,1200 eurosnet par mois,alors j’ai dé-cidé de partir , raconte Julien, 32ans, di-plômé en webmarketing. Pour sa part,après être passé partroisstart-up,il a cons-taté «une culture du dépassement de soiqui, en fait, se traduit surtout par du dépas-sement d’heures supplémentaires. Lorsquel’on part plus tôt, les remarques des collè- guesou des patrons sontsousformede plai-santeries mais fréquentes».

    D R

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    recrutement

    Dansune petite rue pa-risienne du 19 e ar-rondissement, desCV décorent une vi-trine. Sur certains, la

    mention « embauché(e)» a étéra-joutée à la main, bien visible. Cescurriculum vitae sont ceux des« cojobeurs », du collectif Cojob,qui se réunissent ici tous les jourspourchercherdu travail.

    A l’intérieur de la pièce règneune ambiance studieuse. Autourd’une grande table rectangulaireou, confortablement installésdans descanapés,les douzemem-bres de cette 13 e promotion, bapti-

    sés les Globe jobeurs, travaillenten silence. Qu’ils soient chargésde communication, philosophes,urbanistes ou ingénieurs, ils sonttous à la recherched’un emploi.

    Chaque mois, une nouvelle pro-motion d’une dizaine de jeunesse réunit dans les locaux de Co-job. L’association a été créée enjanvier 2014 par Marie Grimaldiet Clémentine Bouyer, deux tren-tenaires qui se sont retrouvéesau chômage au même moment.« Quand j’ai commencéà chercher du travail, je n’ai pas compris pourquoi les recruteurs ne m’at-tendaient pas… C’était une pé-riode assez difficile », confie Ma-rie Grimaldi.

    TroisconditionsLa jeune femme, diplômée deSciences Po et de l’université deNantes, partage alors ses galèresavec son amie Clémentine, psy-chologue, elle aussi à la recherched’unemploi. « Ce quiétait difficile,

    c’était de ne pas avoir de statut nide cadre qui nous imposent denous lever le matin et nous aident à organiser notre recherche », ex-plique cette dernière.

    Les deux amies décident alorsde créer Cojob. Objectif : permet-tre à dejeunesdiplômés dese ras-sembler pour chercher du travailensemble. Seules conditions :avoirmoins de35ans, undiplômede niveau bac + 3 et de la bonnehumeur à revendre.

    Chez Cojob, la matinée est con-

    sacrée à la recherche d’emploi.Derrière leurs ordinateurs, les co-jobeurs scrutent les annonces,échangent des offres, se con-seillent et envoient des candida-tures. « Vous avez entendu cebruit ? Quand un cojobeur répondà une offre, il met une pièce dans lebocal , précise ClémentineBouyer. Et quand il décroche un entretien,il appuiesur la sonnette. » Un bonmoyen de remotiver les troupes.

    Autre défi de ces matinées de« cosearching » : partager et déve-lopper son réseau pour acquérirplus de visibilité. Le toutdans uneambiance conviviale et bien-

    En janvier 2014, Clémentine Bouyer etMarie Grimaldi ont créé l’associationCojob, qui invite les jeunes diplômésà se regrouperpour mieux prospecter

    Quand la recherche d’emploi s’organise à plusieurs

    veillante. « Avec Héla, mon bi-nôme, on se fixe desobjectifs.Cettesemaine, notre but est d’envoyer huit candidatures et de rencontrer un professionnel qui nous per-mette de développer notre ré-seau», détailleAudreyMartineau,cojobeusede 26ans. «Alafindelasemaine, on fait le point. C’est im- portant pour se motiver et repren-dre confiance », précise HélaKhal-fallah, 25 ans.

    Ce matin-là, dans l’une des peti-tes salles de réunion, Audreypasse un entretien fictif avecGuillaume Huet,25 ans, unanciencojobeur. La jeune femme sou-

    haite faire de la communicationdans le domaine de l’économiesociale et solidaire. Guillaumeposequelques questions pièges etrebondit sur les mots utilisés parAudrey pendant sa présentation.« Le but est de montrer à l’interlo-cuteur que tout ce que tu as fait jusqu’à présent est pensé pour le poste que tu vises dans son entre- prise », commente-t-il. Audrey ac-quiesce,souriante, etnoteles con-seils dans sonpetit carnet.

    « Avec cet exercice, je prendsconscience de l’image que je ren-voie, ça me permet de prendre durecul, constate-t-elle. J’ai déjà tra-versé des périodes de chômage et je connais mes limites dans cettesituation. Cojob m’apporte un ca-dre et me permet de partager mesdoutes, mes interrogations et deme remotiver », ajoute la jeunefemmeà la recherched’unemploidepuisun mois.

    A 13 heures, c’est l’heure de lapause déjeuner. Marie, Clémen-

    tine et les cojobeurs se rassem-blent autour de la grande table.Un moment important pourcréer des liens et décompresser.Elsa Chuinard, 26 ans, en profiteavant de se rendre à un entre-tien. « Si j’étais toute seule chmoi, je serais beaucoup plus stres-sée. Depuis que je viens ici, je su plus détendue avant les entretiens », estime la jeune diplôméeà la recherche d’un emploi de-puis cinq mois.

    «Joboosters»Une heure plus tard, une tasse decafé ou de thé chaud entre les

    mains, les cojobeursse remettentau travail. En petits groupes cettefois. Tous les après-midi, ils tra-vaillent bénévolement sur desprojets pour des start-up ou desassociations. Ici, on les appelle les« joboosters ». « Il s’agit de petimissions ponctuelles, souvent de lacommunication, ou des études demarché », précise ClémentinBouyer. « Cela permet aux cojbeurs des’investirdansun projetetde montrer aux employeurs qu’ilsont motivés. C’est vraiment u plus pendant les entretiens »ajoute MarieGrimaldi.

    Laura, Vanessa et Hela réalisentune étude de marché pour un or-ganisme deformation. « Cetravest très valorisant, ça nous apportede nouvelles compétences , estimLaura Mezerette, ingénieure de26 ans. En plus, on a des horairecomme au travail, ça permet de seremotiver car moi, toute seule, jregarde les offres à 17 heures après je vais voir mes copains.»

    « COJOB M’APPORTE

    UN CADRE,ME PERMETDE PARTAGER

    MES DOUTES ETDE ME REMOTIVER»

    AUDREY MARTINEAU

    «cojobeuse» de 26 ans

  • 8/18/2019 Le Monde Campus Mars 2016

    27/60Mercredi 6 avril 2016

    Le Monde Campus / 27

    Lesseniors à l’avant-garde du « cojobing»Devenir acteur de sa recherched’emploi pour la rendre plusefficace. C’est le leitmotivdeschômeurs qui fréquentent les bancs de l’associationPro’Actif,installée à proximitéde Greno- ble, en Isère. Pendant six mois,ils se réunissent quotidienne-ment pour chercher du travailensemble. « Avec des demandeursd’emploi membres de l’associa-tion, nous avons misen placedesoutilsqui permettent auxchô-meurs qui nous rejoignentd’étu-

    dier leur marché de l’emploi et donc de mieux organiser leur re-cherche », explique Claire Gour-net, fondatrice de l’association.Tous les vendredis, les membresfont le point sur leurs recherchesrespectives. «Il n’ya pas defor-mateurqui donne sesrecettes.C’est l’échangeentre les deman-deurs d’emploi qui estmotivantet efficace », précise-t-elle. Ici,75 %des chômeurs qui utilisent les