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économie & entreprise RochesteretCommercy,lessitesjumeauxdeSafran B ien sûr, vu des Etats-Unis, implanteruneusineàSury- le-Comtaln’avaitriend’évi- dent. «Surywhat?» Pourquoichoi- sir cette commune de la Loire, à 25kmdeSaint-Etienne?Pourquoi mêmeinvestirenFrance? «Aux yeux des Américains, il y avaitbeaucoupdechosesdéfavora- bles», reconnaît Lieven Malfait, le Belge qui préside Unilin Insula- tion. Et d’énumérer «les contrain- tes d’environnement, les 35heures, lecoûtélevédutravail,labaissedes misesenchantier…» Mais les hommes d’Unilin ont plaidé leur cause. Le marché de l’isolation va fatalement remon- ter en France, ont-ils expliqué. Et pour l’attaquer, indispensable d’être sur place: les plaques de polyuréthanedontilssontspécia- listesnesevendentpasau-delàde 500kilomètresautourdeleurlieu deproduction. Mohawk, l’actionnaire améri- cain d’Unilin, a donc donné son feuvert,etl’usineestsortiedeter- re.Unlongparallélépipèdegrisau milieudel’herbeverte.Enrodage depuis quelques mois, elle devait être inaugurée jeudi 3avril. Mieux: après cet investissement de24millionsd’euros,quidevrait créerunecinquantained’emplois, la société a pris une option sur 4hectares supplémentaires pour uneextension.Champagne! Enpleinecrise,alorsquelaFran- ceconnaîtunephasededésindus- trialisationaccélérée,denouvelles usines continuent de fleurir. A Sury-le-Comtal.MaisaussiàMon- tataire(Oise),oùExa-Airaouvert, le1 er avril, une unité d’emballages ultra-résistants.OuencoreàSasse- nage (Isère). Biossun, une autre PME,doitymettreenservicedans quinzejoursunsitedepergolas. En un an, d’avril2013 à la fin mars2014, quelque 139créations d’usines ont été annoncées en France, auxquelles s’ajoutent 284extensions de sites, selon les recensements effectués par la sociétéTrendeo.Leurnombreestà peuprèsstabledepuisledébutde lacrise,fin2008. «On note une très légère reprise depuis la mi-2013», relève David Cousquer,deTrendeo.Sansdoute uneffetdel’améliorationdespers- pectives de production signalée par l’Insee. En 2009, quand tout s’estécroulé,Samson,unfabricant allemanddevannesindustrielles, avait,parexemple,geléunprojet d’extension de son site de Vaulx- en-Velin(Rhône).Ilaétérelancéen 2012.Lesnouveauxlocauxseront inaugurésle11avril. Ces investissements sont loin de compenser les fermetures. «Pour deux usines qui disparais- sent, une seule est créée», constate M.Cousquer.LaFranceresteconsi- déréeparlesinvestisseurscomme un pays moyennement propice à la production manufacturière. Il se situe au vingtième rang mon- dialdanscedomaine,loinderrière la Malaisie, la Chine ou la Russie, selon le classement dévoilé en mars par la société d’immobilier Cushman&Wakefield. L’Hexagone garde néanmoins desatouts. «C’estunpaysriche,au cœur de l’Europe, sans grand ris- que, et disposant de bonnes infras- tructures», détaille le PDG d’une multinationale. De quoi attirer encore certains investissements, enparticulierdelapartdePMEet d’entreprisesdetailleintermédiai- re,souventfamiliales.Cesontelles quitirentl’emploi. Maislescréationsetlessuppres- sions n’ont pas lieu dans les mêmes secteurs ni les mêmes régions. Si bien qu’une nouvelle Franceindustriellesedessine.Une France un peu rabougrie, dont le centredegravitésedéplaceversle Sud-Ouest. Avec 93nouveaux sites depuis 2009,lesPaysdelaLoirearrivent entêtedesrégionsquiattirentl’in- dustrie, devant Rhône-Alpes et l’Aquitaine,selonTrendeo. Par rapport au socle industriel en place, la région Midi-Pyrénées est celle qui s’en sort le mieux. C’estlaseuleoù,depuis2009,les industrielsontannoncéautantde créations que de suppressions d’emplois. Partout ailleurs, le déclinestàl’œuvre.Enparticulier en Haute-Normandie, en Picardie et en Champagne-Ardenne, où à peineunemploiindustrielsuppri- mé sur trois est remplacé par un autre. La crise semble avoir amplifié un phénomène plus ancien. Entre1999 et 2010, «plusde80% des bassins d’emploi métropoli- tains ont perdu des emplois indus- triels», observeElMouhoubMou- houd, professeur d’économie à Paris-Dauphine,quiaanalysécet- teévolutionpourlecomptedeBer- cy. Les plus touchés étaient déjà «plutôt localisés au-dessus d’une ligne qui relie LeHavre et Mar- seille», note-t-il. A l’inverse, les zones dynamiques se situaient généralementauSudetàl’Ouest. Cedéplacementrégionalesten partie lié à l’essor de l’aéronauti- que, l’industrie qui, avec le luxe, s’estleplusdéveloppéecesderniè- res années. Toulouse, Nantes et Saint-Nazaire doivent une fière chandelle à Airbus et ses fournis- seurs. A l’inverse, les déboires de l’automobileontfortementpénali- sélabanlieueparisienne. L’Ile-de-Franceest,surlepapier, la région où l’industrie recule le plus. Tout n’y est pas perdu pour autant. Un exemple? Septodont, le roi des anesthésiques utilisés par les dentistes. Cette entreprise familiale, qui domine le marché mondial, posera le 17avril la pre- mièrepierred’unenouvelleunité sursonsitedeSaint-Maur-des-Fos- sés (Val-de-Marne). Un projet de 25millionsd’euros.A90%,lapro- ductionseraexportée. Une usine en pleine ville, un siteancienoùs’enchevêtrentprès de quinzebâtiments, de la vieille maison bourgeoise au préfabri- qué: «Si nous avions appartenu à un groupe américain, il est très improbable que l’investissement ait été réalisé en France», surtout en pareil lieu, admet Olivier Schiller,leprésidentdeSeptodont. «Maisnous,nousnenoussommes mêmepasposéslaquestion…» Pourlepetit-filsdufondateur,il était évident de rester sur place. «Nosunitésdefabricationsontsou- mises à des normes très strictes, et inspectées par les autorités de san- té du monde entier, souligne M.Schiller. Cela constitue une bar- rièrefortequilimitelaconcurrence des pays émergents. C’est aussi pour cela que nous pouvons conti- nueràproduireici.» L’excavatriceadonccommencé à creuser. En prenant soin d’épar- gnerunvieilarbre,planté,dit-on, par le fondateur du groupe. Pas toucheauxracines! p Denis Cosnard Investissements –7% C’estlabaissedesinvestis- sementsindustrielsen Franceen2013,selonlader- nièreenquêtedel’Insee. Interrogésenjanvier,les chefsd’entreprisedes industriesmanufacturiè- resprévoyaientuneremon- téede3%deleursinvestis- sementsen2014.L’amélio- rationconcerneraittous lessecteurs,saufceluides matérielsdetransport. Lesventesdesurimiontaussiétéaffectéesparlescandale…delaviandedecheval «Pourdeuxusines quidisparaissent, uneseuleestcréée» David Cousquer fondateur de la société de veille économique Trendeo CessociétésquiouvrentencoredesusinesenFrance Malgré la crise, 139 créations de sites ont été annoncées depuis un an, qui redessinent la carte industrielle du pays Rochester (New Hampshire) ARochester,l’hiverjouelespro- longations.C’estdanscettecom- muneaméricaineenneigée,àune heureetdemieenvoituredeBos- ton,quelefrançaisSafranachoisi d’implantersanouvelleusine américaine,inauguréelundi 31marsparJean-PaulHerteman, PDGdeSafran. ARochester,legroupeprodui- radespiècesdemoteurd’avion enmatériaucomposite–des aubesderéacteursenfibresdecar- bonetisséessurdesmétiersJac- quard–enmariantdestechnolo- giestrèsavancéesavecdestechni- quesvieillesdeplusieurssiècles. «Nousrapprochonsdeuxmondes, celuidel’industriedutextileet celuidel’aéronautique»,explique M.Herteman. LePDGdeSafrannes’estpas lancéseuldansl’aventure.Ila crééunesociétécommune,àpari- téavecl’américainAlbanyInter- nationalCorp,ungroupespéciali- sédansletraitementdepointe destextiles.Albanyestassociéà Safrandepuisquinzeanspour développerletissagedematé- riauxcomposites.Lesdeuxasso- ciésinvestirontchacun100mil- lionsd’eurosàRochester. « Miroir » L’usineaurasaréplique,sa jumelle,enFrance.Unsitedepro- ductiondoitouvrirsesportesà Commercy(Meuse),enavril.Les deuxusinesserontdetaillecom- parable,environ28000mètres carrés.Ellesemploierontlemême nombredesalariés,entre400et 500.CommeàRochester,Safran etAlbanyinvestiront,chacun, 100millionsd’eurosàCommercy. LessitesjumeauxdeRochester etCommercynesontpasdescas isolés.Mais,engénéral,«l’usine miroir»estouverteàl’étranger surlemodèled’unsitefrançais,à l’inversedoncducasRochester- Commercy. Ainsi, «nousavonsouvertdes ateliersàQuerétaro,auMexique, maisaussienChineetauMaroc pourproduirelesmêmeséléments detrainsd’atterrissageetdeturbo- réacteursqu’enFrance»,notam- mentàBidos(Pyrénées-Atlanti- ques),expliqueMarcVentre,direc- teurgénéraldéléguédeSafran, chargédesopérations.L’usine LabinaldeVillemur(Haute-Garon- ne),filialedeSafran,lechampion ducâblageélectrique,aelleaussi crééunsitedeproductionà Chihuahua,auMexique. PourSafran,ces«usines miroirs»ontpourobjectifpre- mier «d’avoirunsystèmededou- blesourcepoursécuriserl’approvi- sionnement». Unemesureindispensable,à l’heureoùlesavionneurs,Airbus etBoeing,accélèrentleursproduc- tionspourrépondreàunedeman- deenfortecroissance.Notam- mentenAsie. Enfévrier,lorsdelaprésenta- tiondesesrésultatsannuels,Air- busaprévenuqu’ilallaitaugmen- tersescadencesdeproduction poursortirdeseschaînes46A320 parmoisd’icià2016. Lesystèmedesusinesjumelles présenteaussil’avantagedelocali- serlesproductions.L’usinede Rochesterfourniraprincipale- mentdesmoteurspourle737 MAXdeBoeing,celledeCommer- cyseramajoritairementvouéeà l’A320neod’Airbus. Plusquedeserapprocherde sesclients,l’objectifdeSafranest «d’avoirunepartdenotreproduc- tionenzonedollar»,reconnaît M.Herteman. «Notrepremierhan- dicapdecompétitivitéestl’évolu- tiondestauxdechangedel’euro etdudollar.» Selonlescalculsdu groupe, «chaquefoisquel’écart entrelesdeuxmonnaiesévolue d’uncentime–àlahausseouàla baisse–,legroupegagneouperd 35millionsd’euros». Enfin,cesusinesmiroirsont unimpactsurlaproductivitéde leurssalariés. «Celaentretient unepetiteémulationentreleséqui- pesquiestassezsympa»,se réjouitM.HertemanMais,précise lePDG,cessitesjumeauxnesont pasdesdélocalisations.Au contraire: «Depuistroisans,le groupeacréé8900emploisdans lemonde,dont3700enFrance.» p Guy Dutheil L esFrançaisboudentlesuri- mi,c’estlafauteducheval! Lesachatsparlesménages decettepâtedepoissonontchuté de6,3%envolumeen2013par rapportàl’annéeprécédente. Mêmeentenantcomptedela consommationdanslescantines oulesrestaurants,levolumetotal desurimicroquéenFranceesten retraitde5%,à57400tonnes. «Nousn’avonspasétéépargnés parlescandaledelaviandedeche- val»,reconnaîtNathalieSicard, responsablemarketingdel’activi- tésurimichezFleuryMichon. Pourtant,apriori,pasdetracede protéineanimale,qu’ellesoitbovi- neouéquine,dansceproduitdit de«traiteurdelamer».Mêmele «chevaldemer»,petitnomde l’hippocampe,neseglissepas danslarecette.Iln’empêche. «Nousreprésentonsleproduitali- mentaireindustrielparexcellence, etàcetitre,nousfaisonsaussil’ob- jetdesuspicions»,ditM m Sicard. Ilestvraiquecesontdeuxgrou- pesindustrielsfrançais,présents l’undanslacharcuterie,l’autre danslesproduitslaitiers,enl’oc- currenceFleuryMichonetBon- grain,quiontdéveloppécemar- chéexnihilo.Affirmants’êtreins- pirésd’unsavoir-fairejaponaisde conservationdupoisson,ilsl’ont adaptépourlancerlesurimien Francedanslesannées1990.Avec succès.LesFrançaissontdevenus lesplusgrandsamateursdecepro- duitenEurope,absorbantàeux seulsplusde40%desvolumes commercialisésdansl’Union. Le reflux Dukan Maisàl’origine,lesindustriels ontjouésurl’ambiguïté,laissant croirequelesurimipouvaitêtre unbâtonnetdecrabe.Sonaspect, tubeblancavecunenrobageoran- gé,créantl’illusiond’optique. Interrogés,lesFrançaissont d’ailleursencore28%àdéclarer quelesurimiestfaitavecdela chairdecrabe. Lorsquelesfabricantsont convenuqu’iln’enétaitrien,le doutes’estinstillédansles esprits.Delachairdecrabeaux déchetsdepoisson,l’imagination desconsommateursagalopé. Résultat,quandlafraudeàgrande échelledelaviandedecheval substituéeàcelledebœufaété dévoilée,lavaguededéfiancea éclabousséd’autresproduitsali- mentaires,dontlesfameuxbâton- netsdepoisson. Lesurimisubitaussilereflux d’uneautrevaguequil’aportée ausommet.Celledurégime Dukan.Danssonordonnancemin- ceur,l’ancienmédecin,promo- teurd’unmenuàforteteneuren protéine,mettaitlesurimientête deliste.Résultat,aprèsunsom- metatteinten2011,à63373ton- nes,laconsommationcommen- çaitdéjààbaisseren2012. Lesindustrielsfrançais,quiont récolté213millionsd’eurosdela ventedusurimien2013,rament maintenantpourrétablirl’image duproduit.Ensemble,ilscommu- niquentsurlesingrédients:30% à40%dechairdepoisson,30%à 40%d’eau,5%à6%deféculede pommedeterreoud’amidonde blé,3%à4%d’huiledecolza,2%à 3%deblancd’œuf,3%desucre, desorbitoloudepolyphosphate, enfinduselouduglutamateetdu paprika.Leplusconcerné,Fleury Michon,quidétient25%dumar- ché,etdontlesventesdesurimi pèsent20%desonchiffred’affai- res,communiqueaussisurses fournisseursdepoisson.Seule unePME,laCompagniedes pêchesdeSaint-Malovadufilet aubâtonnet. p Laurence Girard (De 31 % à 46 %) (De 51 % à 52 %) (De 60 % à 83 %) 104 % Réindustrialisation Désindustrialisation Limitée Moyenne Forte SOURCE : TRENDEO, «LE MONDE» AQUITAINE MIDI- PYRÉNÉES CORSE RHÔNE- ALPES AUVERGNE BOURGOGNE FRANCHE- COMTÉ ALSACE LORRAINE CENTRE ÎLE-DE- FRANCE BASSE- NORMANDIE HAUTE- NORMANDIE PICARDIE NORD-PAS-DE-CALAIS CHAMPAGNE- ARDENNE PAYSDE LALOIRE POITOU- CHARENTES BRETAGNE LIMOUSIN PROVENCE- ALPES- CÔTED'AZUR LANGUEDOC- ROUSSILLON La carte des nouvelles usines et celle de la désindustrialisation La carte des nouvelles usines et celle de la désindustrialisation CRÉATIONSD’USINESANNONCÉESDEPUIS2009 NOMBRED’EMPLOISINDUSTRIELSCRÉÉSDEPUIS2009, PARRAPPORTÀCEUXSUPPRIMÉS,en% Lecture:EnBretagne,63%seulementdessuppressions d’emploisindustrielsontétécompenséespardescréations 93 86 72 65 59 57 57 45 41 33 33 32 32 29 28 23 22 21 17 15 15 1 Total : 876 usines Moyenne : 52 % 104% 83% 83% 52% 52% 51% 51% 51% 51% 46% 41% 38% 35% 34% 31% 63% 60% 76% 73% 67% Non significatif 65% 3 0123 Vendredi4avril2014

Le monde création_entreprises

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économie& entreprise

RochesteretCommercy, lessitesjumeauxdeSafran

Bien sûr, vu des Etats-Unis,implanter une usine à Sury-le-Comtal n’avait rien d’évi-

dent.«Surywhat?»Pourquoichoi-sir cette commune de la Loire, à25km de Saint-Etienne? Pourquoimême investir enFrance?

«Aux yeux des Américains, il yavaitbeaucoupdechosesdéfavora-bles», reconnaît LievenMalfait, leBelge qui préside Unilin Insula-tion. Et d’énumérer « les contrain-tes d’environnement, les 35heures,lecoûtélevédutravail, labaissedesmises en chantier…»Mais les hommes d’Unilin ont

plaidé leur cause. Le marché del’isolation va fatalement remon-ter en France, ont-ils expliqué. Etpour l’attaquer, indispensabled’être sur place : les plaques depolyuréthanedont ils sont spécia-listes ne se vendentpas au-delà de500kilomètresautourde leur lieudeproduction.

Mohawk, l’actionnaire améri-cain d’Unilin, a donc donné sonfeuvert, et l’usine est sortie de ter-re. Un longparallélépipèdegris aumilieu de l’herbe verte. En rodagedepuis quelques mois, elle devaitêtre inaugurée jeudi 3 avril.Mieux: après cet investissementde 24millions d’euros, qui devraitcréerune cinquantained’emplois,la société a pris une option sur4hectares supplémentaires pourune extension. Champagne!Enpleinecrise,alorsquelaFran-

ce connaît unephase de désindus-trialisationaccélérée,denouvellesusines continuent de fleurir. ASury-le-Comtal.Mais aussi àMon-tataire (Oise), où Exa-Air a ouvert,le 1eravril, une unité d’emballagesultra-résistants.OuencoreàSasse-

nage (Isère). Biossun, une autrePME, doit ymettre en servicedansquinze jours un site de pergolas.En un an, d’avril 2013 à la fin

mars2014, quelque 139créationsd’usines ont été annoncées enFrance, auxquelles s’ajoutent284extensions de sites, selon lesrecensements effectués par lasociétéTrendeo.Leurnombreestàpeu près stable depuis le début dela crise, fin 2008.

«Onnote une très légère reprisedepuis la mi-2013», relève DavidCousquer, de Trendeo. Sans douteuneffetdel’améliorationdespers-pectives de production signaléepar l’Insee. En 2009, quand touts’estécroulé,Samson,unfabricantallemand de vannes industrielles,

avait, par exemple, gelé un projetd’extension de son site de Vaulx-en-Velin(Rhône). Ilaétérelancéen2012. Les nouveaux locaux serontinaugurés le 11avril.Ces investissements sont loin

de compenser les fermetures.«Pour deux usines qui disparais-sent, une seule est créée», constateM.Cousquer.LaFranceresteconsi-déréepar les investisseurs commeun pays moyennement propice àla production manufacturière. Ilse situe au vingtième rang mon-dialdanscedomaine, loinderrièrela Malaisie, la Chine ou la Russie,selon le classement dévoilé enmars par la société d’immobilierCushman&Wakefield.L’Hexagone garde néanmoins

des atouts.«C’est unpays riche, aucœur de l’Europe, sans grand ris-que, et disposant de bonnes infras-tructures», détaille le PDG d’unemultinationale. De quoi attirerencore certains investissements,en particulier de la part de PME etd’entreprisesdetailleintermédiai-re,souventfamiliales.Cesontellesqui tirent l’emploi.Maislescréationsetlessuppres-

sions n’ont pas lieu dans lesmêmes secteurs ni les mêmesrégions. Si bien qu’une nouvelleFrance industriellesedessine.UneFrance un peu rabougrie, dont lecentrede gravité se déplace vers leSud-Ouest.Avec 93nouveaux sites depuis

2009, les Pays de la Loire arrivent

entêtedesrégionsquiattirent l’in-dustrie, devant Rhône-Alpes etl’Aquitaine, selonTrendeo.Par rapport au socle industriel

en place, la région Midi-Pyrénéesest celle qui s’en sort le mieux.C’est la seule où, depuis 2009, lesindustriels ont annoncé autant decréations que de suppressionsd’emplois. Partout ailleurs, ledéclin est à l’œuvre. En particulieren Haute-Normandie, en Picardieet en Champagne-Ardenne, où àpeineunemploiindustrielsuppri-mé sur trois est remplacé par unautre.La crise semble avoir amplifié

un phénomène plus ancien.Entre1999 et 2010, «plus de 80%des bassins d’emploi métropoli-

tains ont perdu des emplois indus-triels», observe El MouhoubMou-houd, professeur d’économie àParis-Dauphine, qui a analysé cet-teévolutionpourlecomptedeBer-cy. Les plus touchés étaient déjà«plutôt localisés au-dessus d’uneligne qui relie LeHavre et Mar-seille», note-t-il. A l’inverse, leszones dynamiques se situaientgénéralementau Sudet à l’Ouest.Ce déplacement régional est en

partie lié à l’essor de l’aéronauti-que, l’industrie qui, avec le luxe,s’est leplusdéveloppéecesderniè-res années. Toulouse, Nantes etSaint-Nazaire doivent une fièrechandelle à Airbus et ses fournis-seurs. A l’inverse, les déboires del’automobileontfortementpénali-sé la banlieueparisienne.L’Ile-de-Franceest, sur lepapier,

la région où l’industrie recule leplus. Tout n’y est pas perdu pourautant. Un exemple? Septodont,le roi des anesthésiques utiliséspar les dentistes. Cette entreprisefamiliale, qui domine le marchémondial, posera le 17avril la pre-mière pierre d’une nouvelle unitésursonsitedeSaint-Maur-des-Fos-sés (Val-de-Marne). Un projet de25millions d’euros. A 90%, la pro-duction sera exportée.Une usine en pleine ville, un

site ancien où s’enchevêtrent prèsde quinzebâtiments, de la vieillemaison bourgeoise au préfabri-qué: «Si nous avions appartenu àun groupe américain, il est trèsimprobable que l’investissementait été réalisé en France», surtouten pareil lieu, admet OlivierSchiller, leprésidentdeSeptodont.«Mais nous, nous ne nous sommesmêmepas posés la question…»Pourlepetit-filsdufondateur, il

était évident de rester sur place.«Nosunitésdefabricationsontsou-mises à des normes très strictes, etinspectées par les autorités de san-té du monde entier, souligneM.Schiller.Cela constitue une bar-rièrefortequi limite laconcurrencedes pays émergents. C’est aussipour cela que nous pouvons conti-nuer à produire ici.»L’excavatriceadonccommencé

à creuser. En prenant soin d’épar-gner un vieil arbre, planté, dit-on,par le fondateur du groupe. Pastouche aux racines!p

Denis Cosnard

Investissements

–7%C’est la baissedes investis-sements industriels enFrance en2013, selon la der-nière enquêtede l’Insee.Interrogés en janvier, leschefsd’entreprisedesindustriesmanufacturiè-resprévoyaientune remon-tée de 3%de leurs investis-sements en 2014. L’amélio-ration concernerait tousles secteurs, sauf celui desmatérielsde transport.

Lesventesdesurimiontaussiétéaffectéesparlescandale…delaviandedecheval

«Pourdeuxusinesquidisparaissent,uneseuleestcréée»

DavidCousquerfondateur de la société deveille économique Trendeo

CessociétésquiouvrentencoredesusinesenFranceMalgré lacrise, 139créationsdesitesontétéannoncéesdepuisunan,qui redessinent lacarte industrielledupays

Rochester (NewHampshire)

ARochester, l’hiver joue les pro-longations. C’est dans cette com-muneaméricaine enneigée, à uneheure et demie envoituredeBos-ton, que le français Safran a choisid’implanter sa nouvelle usineaméricaine, inaugurée lundi31mars par Jean-PaulHerteman,PDGde Safran.ARochester, le groupeprodui-

ra des pièces demoteurd’avionenmatériau composite – desaubesde réacteurs en fibres de car-bone tissées sur desmétiers Jac-quard – enmariantdes technolo-gies très avancées avec des techni-ques vieilles de plusieurs siècles.«Nous rapprochonsdeuxmondes,celui de l’industrie du textile etcelui de l’aéronautique», expliqueM.Herteman.Le PDGde Safranne s’est pas

lancé seul dans l’aventure. Il acrééune société commune, à pari-té avec l’américainAlbany Inter-nationalCorp, ungroupe spéciali-sé dans le traitementdepointedes textiles. Albanyest associé àSafrandepuis quinze anspourdévelopper le tissagedematé-riauxcomposites. Les deuxasso-ciés investiront chacun 100mil-lionsd’euros à Rochester.

«Miroir»L’usineaura sa réplique, sa

jumelle, en France.Un site depro-ductiondoit ouvrir ses portes àCommercy (Meuse), en avril. Lesdeuxusines serontde taille com-parable, environ28000mètrescarrés. Elles emploieront lemêmenombrede salariés, entre 400et500. CommeàRochester, SafranetAlbany investiront, chacun,100millionsd’euros à Commercy.

Les sites jumeauxdeRochesteret Commercyne sontpas des casisolés.Mais, en général, « l’usinemiroir» est ouverte à l’étrangersur lemodèled’un site français, àl’inversedoncdu cas Rochester-Commercy.Ainsi, «nous avons ouvert des

ateliers àQuerétaro, auMexique,mais aussi en Chine et auMarocpourproduire lesmêmes élémentsde trains d’atterrissage et de turbo-réacteurs qu’en France», notam-ment àBidos (Pyrénées-Atlanti-ques), expliqueMarcVentre, direc-teur général déléguédeSafran,chargédes opérations. L’usineLabinaldeVillemur (Haute-Garon-ne), filiale de Safran, le championdu câblage électrique, a elle aussicrééun site de productionàChihuahua, auMexique.Pour Safran, ces «usines

miroirs» ont pour objectif pre-

mier «d’avoir un systèmededou-ble source pour sécuriser l’approvi-sionnement».Unemesure indispensable, à

l’heureoù les avionneurs,Airbuset Boeing, accélèrent leursproduc-tionspour répondre àunedeman-de en forte croissance.Notam-ment enAsie.En février, lors de la présenta-

tionde ses résultats annuels, Air-bus aprévenuqu’il allait augmen-ter ses cadencesdeproductionpour sortir de ses chaînes46A320parmois d’ici à 2016.Le systèmedesusines jumelles

présenteaussi l’avantagede locali-ser les productions. L’usinedeRochester fourniraprincipale-mentdesmoteurs pour le 737MAXdeBoeing, celle de Commer-cy seramajoritairementvouéeàl’A320neod’Airbus.Plusque de se rapprocherde

ses clients, l’objectif de Safran est«d’avoir unepart de notreproduc-tion en zone dollar», reconnaîtM.Herteman.«Notrepremier han-dicapde compétitivité est l’évolu-tiondes tauxde changede l’euroet dudollar.» Selon les calculs dugroupe,«chaque fois que l’écartentre les deuxmonnaies évolued’un centime – à la hausseouà labaisse –, le groupegagneouperd35millionsd’euros».Enfin, ces usinesmiroirs ont

un impact sur la productivité deleurs salariés. «Cela entretientunepetite émulationentre les équi-pes qui est assez sympa», seréjouitM.HertemanMais, précisele PDG, ces sites jumeauxne sontpasdes délocalisations. Aucontraire: «Depuis trois ans, legroupea créé 8900emplois danslemonde, dont 3700en France.»p

GuyDutheil

Les Françaisboudent le suri-mi, c’est la fauteducheval!Lesachatspar lesménages

decettepâtedepoissonont chutéde6,3%envolumeen2013parrapportà l’annéeprécédente.Mêmeen tenant comptede laconsommationdans les cantinesou les restaurants, levolumetotaldesurimi croquéenFranceest enretraitde 5%, à 57400tonnes.

«Nousn’avonspas étéépargnéspar le scandalede la viandede che-val», reconnaîtNathalieSicard,responsablemarketingde l’activi-té surimi chezFleuryMichon.Pourtant,apriori, pasde tracede

protéineanimale,qu’elle soitbovi-neouéquine, dansceproduitditde«traiteurde lamer».Mêmele«chevaldemer», petitnomdel’hippocampe,ne seglissepasdans la recette. Il n’empêche.«Nous représentons leproduit ali-mentaire industrielpar excellence,et à ce titre,nous faisonsaussi l’ob-jet de suspicions», ditMmSicard.

Il estvraiquece sontdeuxgrou-pes industriels français,présentsl’undans la charcuterie, l’autredans lesproduits laitiers, en l’oc-currenceFleuryMichonetBon-grain,quiontdéveloppécemar-chéexnihilo.Affirmants’être ins-

pirésd’unsavoir-faire japonaisdeconservationdupoisson, ils l’ontadaptépour lancer le surimienFrancedans les années 1990.Avecsuccès. Les Français sontdevenuslesplusgrandsamateursdecepro-duit enEurope, absorbantà euxseulsplusde40%desvolumescommercialisésdans l’Union.

Le reflux DukanMaisà l’origine, les industriels

ont joué sur l’ambiguïté, laissantcroireque le surimipouvait êtreunbâtonnetde crabe. Sonaspect,tubeblancavecunenrobageoran-gé, créant l’illusiond’optique.

Interrogés, les Français sontd’ailleursencore28%àdéclarerque le surimiest fait avecde lachairde crabe.

Lorsque les fabricantsontconvenuqu’iln’enétait rien, ledoutes’est instillédans lesesprits.De la chairde crabeauxdéchetsdepoisson, l’imaginationdesconsommateursagalopé.Résultat,quand la fraudeàgrandeéchellede la viandede chevalsubstituéeà celledebœufa étédévoilée, la vaguededéfianceaéclabousséd’autresproduitsali-mentaires,dont les fameuxbâton-netsdepoisson.

Le surimi subit aussi le refluxd’uneautrevaguequi l’aportéeausommet.Celledu régimeDukan.Danssonordonnancemin-ceur, l’ancienmédecin,promo-teurd’unmenuà forte teneurenprotéine,mettait le surimien têtede liste. Résultat, aprèsunsom-metatteint en2011, à63373ton-nes, la consommationcommen-çaitdéjà àbaisser en2012.

Les industriels français, qui ontrécolté 213millionsd’eurosde laventedusurimien2013, ramentmaintenantpour rétablir l’imageduproduit. Ensemble, ils commu-niquent sur les ingrédients: 30%

à40%dechairdepoisson, 30%à40%d’eau, 5%à6%de féculedepommede terreoud’amidondeblé, 3%à4%d’huilede colza, 2%à3%deblancd’œuf, 3%de sucre,de sorbitoloudepolyphosphate,enfindu selouduglutamateet dupaprika. Leplus concerné, FleuryMichon,quidétient 25%dumar-ché, et dont les ventesde surimipèsent20%desonchiffred’affai-res, communiqueaussi sur sesfournisseursdepoisson. SeuleunePME, laCompagniedespêchesdeSaint-Malovadu filetaubâtonnet.p

LaurenceGirard

(De 31 % à 46 %)

(De 51 % à 52 %)

(De 60 % à 83 %)

104 %

Réindustrialisation

Désindustrialisation

Limitée

Moyenne

Forte

SOURCE : TRENDEO, «LE MONDE»

AQUITAINE

MIDI-PYRÉNÉES

CORSE

RHÔNE-ALPES

AUVERGNE

BOURGOGNE

FRANCHE-COMTÉ

ALSACE

LORRAINE

CENTRE

ÎLE-DE-FRANCE

BASSE-NORMANDIE

HAUTE-NORMANDIE

PICARDIE

NORD-PAS-DE-CALAIS

CHAMPAGNE-ARDENNE

PAYS DELA LOIRE

POITOU-CHARENTES

BRETAGNE

LIMOUSIN

PROVENCE-ALPES-

CÔTE D'AZUR

LANGUEDOC-ROUSSILLON

La carte des nouvelles usines et celle de la désindustrialisationLa carte des nouvelles usines et celle de la désindustrialisation

CRÉATIONS D’USINESANNONCÉES DEPUIS 2009 NOMBRE D’EMPLOIS INDUSTRIELS CRÉÉS DEPUIS 2009,PAR RAPPORTÀ CEUXSUPPRIMÉS, en%

Lecture : En Bretagne, 63% seulement des suppressionsd’emplois industriels ont été compensées par des créations

93

86

72

65

5957

57

45

41

33

33

32

32

29

28

23

22

21

17

15

15

1

Total : 876 usines Moyenne : 52 %

104% 83%

83% 52%

52%51%

51%

51%

51%

46%

41%

38% 35%

34%31%

63%

60%

76% 73%

67%

Non

significatif

65%

30123Vendredi 4 avril 2014