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économie& entreprise
RochesteretCommercy, lessitesjumeauxdeSafran
Bien sûr, vu des Etats-Unis,implanter une usine à Sury-le-Comtal n’avait rien d’évi-
dent.«Surywhat?»Pourquoichoi-sir cette commune de la Loire, à25km de Saint-Etienne? Pourquoimême investir enFrance?
«Aux yeux des Américains, il yavaitbeaucoupdechosesdéfavora-bles», reconnaît LievenMalfait, leBelge qui préside Unilin Insula-tion. Et d’énumérer « les contrain-tes d’environnement, les 35heures,lecoûtélevédutravail, labaissedesmises en chantier…»Mais les hommes d’Unilin ont
plaidé leur cause. Le marché del’isolation va fatalement remon-ter en France, ont-ils expliqué. Etpour l’attaquer, indispensabled’être sur place : les plaques depolyuréthanedont ils sont spécia-listes ne se vendentpas au-delà de500kilomètresautourde leur lieudeproduction.
Mohawk, l’actionnaire améri-cain d’Unilin, a donc donné sonfeuvert, et l’usine est sortie de ter-re. Un longparallélépipèdegris aumilieu de l’herbe verte. En rodagedepuis quelques mois, elle devaitêtre inaugurée jeudi 3 avril.Mieux: après cet investissementde 24millions d’euros, qui devraitcréerune cinquantained’emplois,la société a pris une option sur4hectares supplémentaires pourune extension. Champagne!Enpleinecrise,alorsquelaFran-
ce connaît unephase de désindus-trialisationaccélérée,denouvellesusines continuent de fleurir. ASury-le-Comtal.Mais aussi àMon-tataire (Oise), où Exa-Air a ouvert,le 1eravril, une unité d’emballagesultra-résistants.OuencoreàSasse-
nage (Isère). Biossun, une autrePME, doit ymettre en servicedansquinze jours un site de pergolas.En un an, d’avril 2013 à la fin
mars2014, quelque 139créationsd’usines ont été annoncées enFrance, auxquelles s’ajoutent284extensions de sites, selon lesrecensements effectués par lasociétéTrendeo.Leurnombreestàpeu près stable depuis le début dela crise, fin 2008.
«Onnote une très légère reprisedepuis la mi-2013», relève DavidCousquer, de Trendeo. Sans douteuneffetdel’améliorationdespers-pectives de production signaléepar l’Insee. En 2009, quand touts’estécroulé,Samson,unfabricantallemand de vannes industrielles,
avait, par exemple, gelé un projetd’extension de son site de Vaulx-en-Velin(Rhône). Ilaétérelancéen2012. Les nouveaux locaux serontinaugurés le 11avril.Ces investissements sont loin
de compenser les fermetures.«Pour deux usines qui disparais-sent, une seule est créée», constateM.Cousquer.LaFranceresteconsi-déréepar les investisseurs commeun pays moyennement propice àla production manufacturière. Ilse situe au vingtième rang mon-dialdanscedomaine, loinderrièrela Malaisie, la Chine ou la Russie,selon le classement dévoilé enmars par la société d’immobilierCushman&Wakefield.L’Hexagone garde néanmoins
des atouts.«C’est unpays riche, aucœur de l’Europe, sans grand ris-que, et disposant de bonnes infras-tructures», détaille le PDG d’unemultinationale. De quoi attirerencore certains investissements,en particulier de la part de PME etd’entreprisesdetailleintermédiai-re,souventfamiliales.Cesontellesqui tirent l’emploi.Maislescréationsetlessuppres-
sions n’ont pas lieu dans lesmêmes secteurs ni les mêmesrégions. Si bien qu’une nouvelleFrance industriellesedessine.UneFrance un peu rabougrie, dont lecentrede gravité se déplace vers leSud-Ouest.Avec 93nouveaux sites depuis
2009, les Pays de la Loire arrivent
entêtedesrégionsquiattirent l’in-dustrie, devant Rhône-Alpes etl’Aquitaine, selonTrendeo.Par rapport au socle industriel
en place, la région Midi-Pyrénéesest celle qui s’en sort le mieux.C’est la seule où, depuis 2009, lesindustriels ont annoncé autant decréations que de suppressionsd’emplois. Partout ailleurs, ledéclin est à l’œuvre. En particulieren Haute-Normandie, en Picardieet en Champagne-Ardenne, où àpeineunemploiindustrielsuppri-mé sur trois est remplacé par unautre.La crise semble avoir amplifié
un phénomène plus ancien.Entre1999 et 2010, «plus de 80%des bassins d’emploi métropoli-
tains ont perdu des emplois indus-triels», observe El MouhoubMou-houd, professeur d’économie àParis-Dauphine, qui a analysé cet-teévolutionpourlecomptedeBer-cy. Les plus touchés étaient déjà«plutôt localisés au-dessus d’uneligne qui relie LeHavre et Mar-seille», note-t-il. A l’inverse, leszones dynamiques se situaientgénéralementau Sudet à l’Ouest.Ce déplacement régional est en
partie lié à l’essor de l’aéronauti-que, l’industrie qui, avec le luxe,s’est leplusdéveloppéecesderniè-res années. Toulouse, Nantes etSaint-Nazaire doivent une fièrechandelle à Airbus et ses fournis-seurs. A l’inverse, les déboires del’automobileontfortementpénali-sé la banlieueparisienne.L’Ile-de-Franceest, sur lepapier,
la région où l’industrie recule leplus. Tout n’y est pas perdu pourautant. Un exemple? Septodont,le roi des anesthésiques utiliséspar les dentistes. Cette entreprisefamiliale, qui domine le marchémondial, posera le 17avril la pre-mière pierre d’une nouvelle unitésursonsitedeSaint-Maur-des-Fos-sés (Val-de-Marne). Un projet de25millions d’euros. A 90%, la pro-duction sera exportée.Une usine en pleine ville, un
site ancien où s’enchevêtrent prèsde quinzebâtiments, de la vieillemaison bourgeoise au préfabri-qué: «Si nous avions appartenu àun groupe américain, il est trèsimprobable que l’investissementait été réalisé en France», surtouten pareil lieu, admet OlivierSchiller, leprésidentdeSeptodont.«Mais nous, nous ne nous sommesmêmepas posés la question…»Pourlepetit-filsdufondateur, il
était évident de rester sur place.«Nosunitésdefabricationsontsou-mises à des normes très strictes, etinspectées par les autorités de san-té du monde entier, souligneM.Schiller.Cela constitue une bar-rièrefortequi limite laconcurrencedes pays émergents. C’est aussipour cela que nous pouvons conti-nuer à produire ici.»L’excavatriceadonccommencé
à creuser. En prenant soin d’épar-gner un vieil arbre, planté, dit-on,par le fondateur du groupe. Pastouche aux racines!p
Denis Cosnard
Investissements
–7%C’est la baissedes investis-sements industriels enFrance en2013, selon la der-nière enquêtede l’Insee.Interrogés en janvier, leschefsd’entreprisedesindustriesmanufacturiè-resprévoyaientune remon-tée de 3%de leurs investis-sements en 2014. L’amélio-ration concernerait tousles secteurs, sauf celui desmatérielsde transport.
Lesventesdesurimiontaussiétéaffectéesparlescandale…delaviandedecheval
«Pourdeuxusinesquidisparaissent,uneseuleestcréée»
DavidCousquerfondateur de la société deveille économique Trendeo
CessociétésquiouvrentencoredesusinesenFranceMalgré lacrise, 139créationsdesitesontétéannoncéesdepuisunan,qui redessinent lacarte industrielledupays
Rochester (NewHampshire)
ARochester, l’hiver joue les pro-longations. C’est dans cette com-muneaméricaine enneigée, à uneheure et demie envoituredeBos-ton, que le français Safran a choisid’implanter sa nouvelle usineaméricaine, inaugurée lundi31mars par Jean-PaulHerteman,PDGde Safran.ARochester, le groupeprodui-
ra des pièces demoteurd’avionenmatériau composite – desaubesde réacteurs en fibres de car-bone tissées sur desmétiers Jac-quard – enmariantdes technolo-gies très avancées avec des techni-ques vieilles de plusieurs siècles.«Nous rapprochonsdeuxmondes,celui de l’industrie du textile etcelui de l’aéronautique», expliqueM.Herteman.Le PDGde Safranne s’est pas
lancé seul dans l’aventure. Il acrééune société commune, à pari-té avec l’américainAlbany Inter-nationalCorp, ungroupe spéciali-sé dans le traitementdepointedes textiles. Albanyest associé àSafrandepuis quinze anspourdévelopper le tissagedematé-riauxcomposites. Les deuxasso-ciés investiront chacun 100mil-lionsd’euros à Rochester.
«Miroir»L’usineaura sa réplique, sa
jumelle, en France.Un site depro-ductiondoit ouvrir ses portes àCommercy (Meuse), en avril. Lesdeuxusines serontde taille com-parable, environ28000mètrescarrés. Elles emploieront lemêmenombrede salariés, entre 400et500. CommeàRochester, SafranetAlbany investiront, chacun,100millionsd’euros à Commercy.
Les sites jumeauxdeRochesteret Commercyne sontpas des casisolés.Mais, en général, « l’usinemiroir» est ouverte à l’étrangersur lemodèled’un site français, àl’inversedoncdu cas Rochester-Commercy.Ainsi, «nous avons ouvert des
ateliers àQuerétaro, auMexique,mais aussi en Chine et auMarocpourproduire lesmêmes élémentsde trains d’atterrissage et de turbo-réacteurs qu’en France», notam-ment àBidos (Pyrénées-Atlanti-ques), expliqueMarcVentre, direc-teur général déléguédeSafran,chargédes opérations. L’usineLabinaldeVillemur (Haute-Garon-ne), filiale de Safran, le championdu câblage électrique, a elle aussicrééun site de productionàChihuahua, auMexique.Pour Safran, ces «usines
miroirs» ont pour objectif pre-
mier «d’avoir un systèmededou-ble source pour sécuriser l’approvi-sionnement».Unemesure indispensable, à
l’heureoù les avionneurs,Airbuset Boeing, accélèrent leursproduc-tionspour répondre àunedeman-de en forte croissance.Notam-ment enAsie.En février, lors de la présenta-
tionde ses résultats annuels, Air-bus aprévenuqu’il allait augmen-ter ses cadencesdeproductionpour sortir de ses chaînes46A320parmois d’ici à 2016.Le systèmedesusines jumelles
présenteaussi l’avantagede locali-ser les productions. L’usinedeRochester fourniraprincipale-mentdesmoteurs pour le 737MAXdeBoeing, celle de Commer-cy seramajoritairementvouéeàl’A320neod’Airbus.Plusque de se rapprocherde
ses clients, l’objectif de Safran est«d’avoir unepart de notreproduc-tion en zone dollar», reconnaîtM.Herteman.«Notrepremier han-dicapde compétitivité est l’évolu-tiondes tauxde changede l’euroet dudollar.» Selon les calculs dugroupe,«chaque fois que l’écartentre les deuxmonnaies évolued’un centime – à la hausseouà labaisse –, le groupegagneouperd35millionsd’euros».Enfin, ces usinesmiroirs ont
un impact sur la productivité deleurs salariés. «Cela entretientunepetite émulationentre les équi-pes qui est assez sympa», seréjouitM.HertemanMais, précisele PDG, ces sites jumeauxne sontpasdes délocalisations. Aucontraire: «Depuis trois ans, legroupea créé 8900emplois danslemonde, dont 3700en France.»p
GuyDutheil
Les Françaisboudent le suri-mi, c’est la fauteducheval!Lesachatspar lesménages
decettepâtedepoissonont chutéde6,3%envolumeen2013parrapportà l’annéeprécédente.Mêmeen tenant comptede laconsommationdans les cantinesou les restaurants, levolumetotaldesurimi croquéenFranceest enretraitde 5%, à 57400tonnes.
«Nousn’avonspas étéépargnéspar le scandalede la viandede che-val», reconnaîtNathalieSicard,responsablemarketingde l’activi-té surimi chezFleuryMichon.Pourtant,apriori, pasde tracede
protéineanimale,qu’elle soitbovi-neouéquine, dansceproduitditde«traiteurde lamer».Mêmele«chevaldemer», petitnomdel’hippocampe,ne seglissepasdans la recette. Il n’empêche.«Nous représentons leproduit ali-mentaire industrielpar excellence,et à ce titre,nous faisonsaussi l’ob-jet de suspicions», ditMmSicard.
Il estvraiquece sontdeuxgrou-pes industriels français,présentsl’undans la charcuterie, l’autredans lesproduits laitiers, en l’oc-currenceFleuryMichonetBon-grain,quiontdéveloppécemar-chéexnihilo.Affirmants’être ins-
pirésd’unsavoir-faire japonaisdeconservationdupoisson, ils l’ontadaptépour lancer le surimienFrancedans les années 1990.Avecsuccès. Les Français sontdevenuslesplusgrandsamateursdecepro-duit enEurope, absorbantà euxseulsplusde40%desvolumescommercialisésdans l’Union.
Le reflux DukanMaisà l’origine, les industriels
ont joué sur l’ambiguïté, laissantcroireque le surimipouvait êtreunbâtonnetde crabe. Sonaspect,tubeblancavecunenrobageoran-gé, créant l’illusiond’optique.
Interrogés, les Français sontd’ailleursencore28%àdéclarerque le surimiest fait avecde lachairde crabe.
Lorsque les fabricantsontconvenuqu’iln’enétait rien, ledoutes’est instillédans lesesprits.De la chairde crabeauxdéchetsdepoisson, l’imaginationdesconsommateursagalopé.Résultat,quand la fraudeàgrandeéchellede la viandede chevalsubstituéeà celledebœufa étédévoilée, la vaguededéfianceaéclabousséd’autresproduitsali-mentaires,dont les fameuxbâton-netsdepoisson.
Le surimi subit aussi le refluxd’uneautrevaguequi l’aportéeausommet.Celledu régimeDukan.Danssonordonnancemin-ceur, l’ancienmédecin,promo-teurd’unmenuà forte teneurenprotéine,mettait le surimien têtede liste. Résultat, aprèsunsom-metatteint en2011, à63373ton-nes, la consommationcommen-çaitdéjà àbaisser en2012.
Les industriels français, qui ontrécolté 213millionsd’eurosde laventedusurimien2013, ramentmaintenantpour rétablir l’imageduproduit. Ensemble, ils commu-niquent sur les ingrédients: 30%
à40%dechairdepoisson, 30%à40%d’eau, 5%à6%de féculedepommede terreoud’amidondeblé, 3%à4%d’huilede colza, 2%à3%deblancd’œuf, 3%de sucre,de sorbitoloudepolyphosphate,enfindu selouduglutamateet dupaprika. Leplus concerné, FleuryMichon,quidétient 25%dumar-ché, et dont les ventesde surimipèsent20%desonchiffred’affai-res, communiqueaussi sur sesfournisseursdepoisson. SeuleunePME, laCompagniedespêchesdeSaint-Malovadu filetaubâtonnet.p
LaurenceGirard
(De 31 % à 46 %)
(De 51 % à 52 %)
(De 60 % à 83 %)
104 %
Réindustrialisation
Désindustrialisation
Limitée
Moyenne
Forte
SOURCE : TRENDEO, «LE MONDE»
AQUITAINE
MIDI-PYRÉNÉES
CORSE
RHÔNE-ALPES
AUVERGNE
BOURGOGNE
FRANCHE-COMTÉ
ALSACE
LORRAINE
CENTRE
ÎLE-DE-FRANCE
BASSE-NORMANDIE
HAUTE-NORMANDIE
PICARDIE
NORD-PAS-DE-CALAIS
CHAMPAGNE-ARDENNE
PAYS DELA LOIRE
POITOU-CHARENTES
BRETAGNE
LIMOUSIN
PROVENCE-ALPES-
CÔTE D'AZUR
LANGUEDOC-ROUSSILLON
La carte des nouvelles usines et celle de la désindustrialisationLa carte des nouvelles usines et celle de la désindustrialisation
CRÉATIONS D’USINESANNONCÉES DEPUIS 2009 NOMBRE D’EMPLOIS INDUSTRIELS CRÉÉS DEPUIS 2009,PAR RAPPORTÀ CEUXSUPPRIMÉS, en%
Lecture : En Bretagne, 63% seulement des suppressionsd’emplois industriels ont été compensées par des créations
93
86
72
65
5957
57
45
41
33
33
32
32
29
28
23
22
21
17
15
15
1
Total : 876 usines Moyenne : 52 %
104% 83%
83% 52%
52%51%
51%
51%
51%
46%
41%
38% 35%
34%31%
63%
60%
76% 73%
67%
Non
significatif
65%
30123Vendredi 4 avril 2014