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SOMMAIRE 23 Le Petit Faverollais 2007 Le Moulin de Faverolles Pages Le Moulin en images 23 à 27 Poème “A mon mari” 28 & 29 Rencontre avec Mme Chevalier 30 à 34 SOMMAIRE AUX ILES DE LA MOTTE Le Moulin de Faverolles

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SOMMAIRE

23Le Petit Faverollais 2007

Le Moulin de Faverolles Pages

Le Moulin en images 23 à 27Poème “A mon mari” 28 & 29Rencontre avec Mme Chevalier 30 à 34

SOMMAIRE

AUX ILES DE LA MOTTE

Le Moulin de Faverolles

24Le Petit Faverollais 2007

Le Moulin de

Lors de nos réunions de préparation, chacun a émis une idée, une envie de porter un regard vers unlieu et métier ou une histoire qui a pu marquer notre village.

Pour ma part, je ne savais pas trop où aller, et après discussion, je me suis souvenu d’une cérémonie du8 mai 2001 assez particulière lors de laquelle « le Cher » avait décidé de sortir de son lit de façon trèsspectaculaire.

Cette situation assez préoccupante, nous avait obligés à informer bon nombre de Faverollais sur les risquesde montée des eaux.

Le principe de précaution était de mise, nous nous sommes donc retrouvés dans la benne du tracteur afinde nous rendre au moulin des « Iles de la Motte », dont l’eau avait déjà rendu l’accès quelque peu difficile.

Fort de ce souvenir, mon choix étant fait, je vais me rendre au moulin de la Motte à la rencontre de sespropriétaires pour découvrir un lieu qui a marqué la vie artisanale et industrielle de notre village.

Rendez-vous est pris avec Monsieur et Madame RAMBEAU et là, en quelques heures, ils vont me conter lavie de ces lieux que nous allons donc partager...

Entre 1810 et 1820 :

construction du moulin des Iles de la Motte parMonsieur CHEVALIER et sa femme MadameBAUDIN.

Ces premiers meuniers dont les initiales trônentencore sur cette façade de tuffaux, engagent de grostravaux afin de créer un bief et donner vie à cemoulin d’une puissance équivalente à 105 Cv etceux grâce à la roue de bois pendulaire qui peutêtre réglée suivant les hauteurs du Cher afin d’ob-tenir le maximum de puissance.

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Faverolles

En 1855, la famille CHEVALIER fait construire la maison d’habitation attenante au moulin et dès 1856 elle est victime d’une crue centenaire qui au vu des niveaux gravés dans la pierre de tuffaux, a vu son logis envahi par cinquante centimètres d’eau.

Extrait du plan cadastral de 1808 sans le moulin

Les années vont passer au cours desquelles mété, avoine, blé noir, seigle vont permettre à bon nombre de familles de se nourrir.

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Le Moulin de

A la fin des hostilités, la fabrication des pains de glace redémarre, mais très vite les réfrigérateursenvahissent le marchéréduisant ainsi la vente deglace à néant.

En 1929, les descendants des premiers meuniersvont utiliser une partie de la force produite par lemoulin pour fabriquer de la glace, réclamée parles bouchers des environs, une glacière sera doncconstruite.

En 1940, le moulin est occupé suite au bombardement de Montrichard, des soldats y trouveront la mort.

Aujourd’hui la violence des combats est toujoursprésente, la plupart des façades sont marquées

par les impacts des balles.Cette période d’occupation a vu ces lieux organisés en deux zones, le moulin se trouvait enzone occupée et la glacière attenante au moulin se trouvait en zone libre.Ce qui a permis à Monsieur CHEVALIER de fairepasser des personnes en zone libre.

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Faverolles

En 2006, la nature a repris ses droits, laissant une friche industrielle au milieu d’un site exceptionnel.

En 1954 le moulin est vendu et c’est en 1963 que Monsieur LEFEBVRE rachète ces lieux pour y installer les usines MICAFER.

Durant une quinzaine d’années, cette société va produire des fers à souder, des chargeurs de batteries, despirograveurs, des plongeurs - réchauffeurs pour la vinification.

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Il se dressait fièrement, sur les bords du Cher,Belle et haute silhouette, à tous très familière,Le doux chant de sa roue, était une musique,Il faisait bon rêver, dans son coin poétique.

Les anciens du pays, en parlaient volontiers,Se souvenant de l’ancêtre, au profil altier,Qui, tel un grand seigneur, régnait sur son domaine,Regardant ses chevaux, qui partaient vers la plaine.

Au printemps, on goûtait l’éternelle splendeur,En longeant son allée, de marronniers en fleurs,Quand de l’année, l’automne annonçait le trépas,Il couvrait d’écus d’or, son ginkgo biloba.

C’était une belle époque, tout semblait magnifique,Les épis s’écrasaient sous les meules, sans risque,Coquet, trottait encore au son de sa clochette,Dédaignant de Bernard, la belle bicyclette.

Poème écrit par Mme CHEVALIER (épouse de l’ancien meunier du Moulin)

NOEL 1981 - SOUVENIRS A MON MARI

Le Moulin

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Un moment d’agonie ! Le froid l’anime alors,Lorsqu’un berceau paraît, dans ce même décor,C’est un fils superbe, il prendra la relève,Et grandit confiant, dans le jour qui s’achève.

Arrive l’assaut des eaux, le long de sa muraille,Puis de l’affreuse guerre, il connaît les batailles,Malgré l’œil exercé, de l’ennemi oppresseur,Par ses portes cachées, il devient un passeur.

Les plaies restent à panser, encore toutes saignantes,Il faut tout recréer, pour cinq têtes insouciantes,Le cœur et le courage, entament ce labeur,Mais le progrès en marche, annule cette valeur.

Les heures douloureuses, frappent alors à la porte,C’est le glas, qui fera quitter l’Ile de la Motte,Mais le temps en forgeant les rides de nos visages,Fixera du Moulin, une éternelle image.

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Le Moulin deRencontre avec Madame CHEVALIER, femme du dernier meunier ayant exercé au moulin.

Madame CHEVALIER, agée de 96 ans, passe une retraite paisible à Tours.

� « Mme CHEVALIER, merci de nous recevoir dans votrerefuge, pour évoquer vos souvenirs de vie au moulin ».

Mme CHEVALIER : « J’ai lu il y a quelques mois,dans la Nouvelle République, que Montrichard était àla recherche des origines de son GINKGO BILOBA, etbien, au moulin, il y a un arbre identique et c’est unarbre femelle. Il a été ramené par mon oncle, le ColonelJASTIN, qui était officier et qui a réalisé la campagnede Madagascar. Cet arbre a peut être un rapport aveccelui qui se trouve dans le parc de l’hôtel d’EFFIAT.

Je me souviens que l’on parle de cet arbre en indiquantqu’il est d’une robustesse exceptionnelle et qu’il estcapable de résister à un feu atomique de la puissanced’Hiroshima.

C’est le seul survivant de son époque, ses originesremontent à plus de trois cent millions d’années.

J’ai pour souvenir que sa beauté est quelque peu enta-chée par les désagréments apportés par ses fruits quisentent très mauvais, ceux-ci ressemblent à des prunesmûres.

Ce magnifique arbre dispose d’ailleurs de quelquesfrères et sœurs dans la région, au jardin botanique deTours ».

« Et de ce moulin, pourriez vous nous conter l’histoire ?Tout d’abord, avez vous des précisions sur l’année ou lesannées de sa construction » ?

Mme CHEVALIER : « Je ne sais pas, mais ce moulina dû être construit en deux étapes, dans un premiertemps, il s’agissait d’un petit moulin pas très impor-tant, ce sont mes oncles et mon grand-père qui ont déci-dé de réaliser les deux étages, afin d’en faire un moulintrès moderne pour son époque, et ce, grâce aux travauxde canalisation du Cher.

Mais ma famille, avant de construire au lieu-dit « DesIles de la Motte », était propriétaire d’un moulin auniveau du pont, à l’opposé de la maison du passeur.C’était un petit moulin qui était le pendant de la mai-son du passeur ».

« Pourriez vous nous apporter des précisions sur les ini-tiales en fer forgé qui ornent la façade du moulin » ?

Mme CHEVALIER : « Ces initiales sont un C et un B,ce qui correspond à « CHEVALIER » et « BAUDIN ».Monsieur CHEVALIER était mon arrière grand-père etBAUDIN était le nom de sa femme ».

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« Mais vous Madame CHEVALIER, vous avez découvertle moulin en quelle année ? »

Mme CHEVALIER : « Je suis arrivée au moulin que jene connaissais pas du tout en 1927, mon mariageayant été organisé par mes tantes, et ma foi, ce fut unmariage très réussi et très heureux. Mais mon mariavait peur que je ne me plaise pas au moulin, venantdu Berry, mais je m’y suis toujours très plu, c’est unlieu enchanteur ».

« Avez vous des souvenirs sur le déroulement d’une jour-née au moulin » ?

Mme CHEVALIER : « Nous avions des journées trèstrès occupées aussi bien par le travail au Moulin quepar l’éducation de mes cinq enfants. Vous savez le mou-lin a connu des périodes très brillantes et plus particu-lièrement du temps de mes beaux-parents pendantlequel avoir un moulin constituait une activité très ren-table. Mais cela n’a pas duré, en 1928, la dévaluationdu franc par POINCARRE a suscité une importanteperte d’argent pour mes beaux-parents.

Ils avaient des contrats sur lesquels ils ont perdu beau-coup d’argent.

Vous savez, à cette époque, la vie était très large, nousrecevions beaucoup d’amis, il y avait beaucoup de vieau moulin. »

« Combien de salariés travaillaient au moulin à cetteépoque » ?

Mme CHEVALIER : « Moi je n’ai pas connu la pleineactivité du moulin, à mon époque, l’activité était sur-tout pour la glacière, nous avions arrêté la farine pourla glace.

Mon mari avait fait construire la glacière en utilisantla force motrice du moulin.

Nous avions à peu près 50 CV de puissance, la minote-rie était arrêtée depuis à peu près dix ans quand je suisarrivée au moulin. »

« Ce qui veut dire que la production de farine a été arrê-tée au moulin vers 1917 » ?

Mme CHEVALIER : « Les grands moulins de Parisétaient beaucoup plus compétitifs, vous savez, à cetteépoque nous avions des chevaux pour aller chercher leblé et réaliser les livraisons.

Nous n’avions pas assez de rendement, il aurait falluproduire beaucoup plus. »

« Parlez nous de cette glacière, pourquoi de la glace » ?

Mme CHEVALIER : « Ce qui marchait très bien à cemoment là, c’était l’approvisionnement en glace pourles bouchers, charcutiers, cavetiers , qui n’avaientaucun réfrigérateur.

Nous fabriquions la glace avec de l’ammoniaque et descompresseurs.

Mais je ne me souviens plus très bien quelle était latechnique de fabrication. Nous conservions cette glacedans une chambre froide qui était à droite de la glaciè-re, la glace était sous forme de pain de 30, 40 kg. Je neme souviens plus très bien du poids, en revanche, je merappelle en avoir soulevé d’importantes quantités.

Nous immergions dans un bac des rouleaux remplisd’eau et il fallait 24 heures pour les transformer englace. »

« Mais qui achetait ces pains et comment étaient ilstransportés » ?

Mme CHEVALIER : « Nous avions une organisationavec camion et camionnette, et nous réalisions nous-mêmes les livraisons jusqu’à CONTRES et ST-AIGNAN.

Nos clients étaient réguliers et nos chauffeurs se char-geaient de placer la glace directement dans les gla-cières des bouchers. Mais vous savez, les bouchersétaient très contents et ils disaient que les viandesétaient mieux conservées dans la glace que dans lespremiers réfrigérateurs.

A cette époque, il n’y avait pas de quarante heures,nous étions toujours ouverts.

La manipulation des pains devait se faire avec desgants de caoutchouc, cela était froid et très difficile àmanipuler. Nous avions beaucoup de passage, à la findu marché les clients passaient pour se ré-approvision-ner en glace.

La tournée des bouchers et des cavetiers avait lieu troisfois par semaine.

Faverolles

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« Et pourquoi avoir cessé cette activité » ?

Mme CHEVALIER : « C’est l’arrivée des réfrigérateursaprès la guerre qui nous a mis par terre. Quelques bou-chers sont restés fidèles mais la technique a très viterepris le dessus, jusqu’à l’arrêt complet de cette pro-duction.

C’était la fin des grandes heures du moulin, vous savezdu temps de mes beaux-parents, il y avait de nombreuxchevaux au moulin, il y avait même un charretier quidormait dans l’écurie pour veiller sur les chevaux quipouvaient avoir des coliques la nuit ».

« Aviez vous beaucoup de chevaux » ?

Mme CHEVALIER : « Nous avions trois gros chevauxet un petit poney qui était le cheval de ma belle-mère.

Ce petit poney s’appelait « Coquet », il avait été achetédans un cirque qui n’en voulait plus, car il faisait sou-vent sa mauvaise tête et refusait de faire ce qu’on luidemandait.

Il a été extraordinaire et très débrouillard, quand ilrentrait le soir, il actionnait lui-même le bras de lapompe et quand l’eau ne venait pas, il ne se découra-geait pas et continuait à pomper.

Très souvent, il arrivait à se dételer lui-même, à demultiples reprises, il a donné des émotions à ma belle-mère.

Un lundi de marché, il la conduisait à l’entrée deMontrichard et là, il a trouvé le moyen de se détacher,de s’approcher de la pâtisserie, dont il a poussé la porteavec sa patte, afin de donner un coup de langue sur lesgâteaux.

C’était un poney connu de beaucoup de monde dans larégion et il avait fière allure avec sa charrette très élé-gante.

C’était une période très brillante.

« Et à cette période quelle était la production duMoulin » ?

Mme CHEVALIER : « A cette période, au Moulin, iln’y avait que du blé, je me souviens même que nousavions une centaine de poulets, qui étaient en libertédans les prés autour du Moulin et le soir, ceux-ciavaient l’habitude que nous vidions les restes de sacs,ils se régalaient.

Mais, vous savez, il y a eu plusieurs générations deCHEVALIER sur Faverolles et Montrichard.

Le père de mon mari Monsieur Emile CHEVALIERavait pris la suite de ses parents Aimé CHEVALIERBAUDIN qui était le constructeur du Moulin.

Nous avons même un aïeul qui a été maire deFaverolles durant la guerre de 1870, Monsieur TRUCHON Charles.

J’ai le souvenir d’une histoire de famille où MonsieurTRUCHON devait collecter des fonds (pour une per-sonne qui avait été tuée), fonds qui devaient être portésà Blois.

Il était parti avec son cheval et sa voiture en plein hiveret quand il a traversé la forêt de Montrichard, il avaitentendu des hurlements et à sa grande surprisec’étaient des loups, qui l’avait du reste attaqué et sur-tout mordu les pattes de son cheval.

Il s’en est tiré car celui-ci était très grand et fort, grâceà son fouet, il avait pu éloigner les loups ce qui lui avaitvalu une très grosse émotion ».

« Avez vous d’autres souvenirs sur cette vie auMoulin » ?

Mme CHEVALIER : « Vous savez même mes enfantsont des souvenirs impérissables du Moulin où l’été ilspouvaient se baigner dans le Cher et partir à larecherche des écrevisses dans son bief.

Au Moulin, il y avait même une petite plage avec desroseaux, qui nous a d’ailleurs servi de refuge lors d’unbombardement, nous n’avions pas de cave et avionstrouvé refuge avec mes enfants au milieu de ces plantespour passer la nuit ».

Le Moulin de

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« Et durant la période de guerre, avez vous des souve-nirs » ?

Mme CHEVALIER : « Oh oui , le Moulin était un lieustratégique et mon mari a permis à beaucoup de per-sonnes de passer en zone libre, le Moulin se trouvait enzone occupée et la glacière en zone libre ».

Et ce, jusqu’au jour où les allemands se sont aperçusque nous avions beaucoup d’amis et ont interdit l’accèsau Moulin.

J’ai le souvenir de plusieurs africains qui se trouvaientà Montrichard, qui devaient passer en zone libre et quiétaient poursuivis par les allemands.

Une personne a téléphoné à mon mari en lui disant «il faut absolument que vous fassiez quelque chose, cespersonnes sont cachées dans une cave à Montrichard ».

Ce à quoi mon mari a répondu, « mais nous sommesdimanche et il est strictement interdit de circuler, c’estprendre beaucoup de risques ».

Mais sans perdre de temps, mon époux prépara sonvéhicule dans lequel il disposa des sacs de jute et toutun tas de pains de glace.

Et le voilà parti à traverser le pont du Cher et là, sur laroute, il rencontra une patrouille allemande.

Sans perdre son sang froid, il commença à expliquer àla patrouille qu’il y avait des gens gravement maladesà l’hôpital et qu’il était obligé de leur porter de la glace,que c’était une question humanitaire, et qu’il en allaitde la vie des malades.

Les allemands, convaincus, le laissèrent partir il estdonc allé chercher ces africains qu’il a soigneusementcachés sous un tas de sacs de jute.

Quand il est revenu la patrouille était toujours là etspontanément, il s’est arrêté pour remercier les alle-mands qui n’ont pas porté attention au véhicule.

De retour au Moulin, mon mari a rentré la voiture dansle garage en indiquant aux africains qu’ils devaientattendre la nuit dans le garage.

Quelques heures plus tard, une patrouille allemandes’est présentée au Moulin, en prétextant être à larecherche de personnes qui se cachaient.

Là ils ont demandé à visiter la maison, et bien sûr, estarrivé le tour du garage où étaient cachés les africains,par chance, l’allemand a demandé ce qu’il y avait dansle garage, ce à quoi mon mari a répondu très calme-ment que c’était le véhicule du Moulin et là l’allemanda regardé à travers la fente du garage sans ouvrir laporte ni entreprendre sa fouille.

Ce jour là, nous avons eu une chance inouïe.

La nuit venue, mon mari leur a permis de traverser lebief pour qu’ils regagnent la zone libre.

Du fait de la position particulière du Moulin, à chevalsur la ligne de démarcation, nous avions une positiontrès difficile.

Nos amis étaient très nombreux, le jour du baptême del’un de mes enfants, on nous a interdit notre route, etaucune personne de notre famille n’a eu le droit de cou-cher au Moulin, nous étions très surveillés.

J’ai moi-même fait passer de nombreuses lettres que jecachais dans la voiture d’enfants, j’avais remarqué queles allemands respectaient le sommeil des petits.

Quand je voyais que ma fille allait s’endormir, je met-tais les lettres au fond de la voiture et je partais tran-quillement vers Faverolles sous un prétexte quel-conque.

Nous avions à l’époque une petite bonne de dix-huit ansqui était une jeune fille très sympathique et qui, quel-quefois, préparait des gâteaux pour la patrouille alle-mande.

Elle connaissait un petit peu le chef de la patrouille quinous surveillait et elle lui disait « Madame avait bienvoulu qu’elle fasse un gâteau ».

Pendant qu’il le mangeait, nous en profitions pour pas-ser en zone libre.

C’est à cette période que les allemands ont installé unposte d’observation pour surveiller le chemin d’accès auMoulin.

Mais, nous les avions vu faire, et nous redoublions deprécautions, or, très vite, ils ont été victimes de leurrégularité, nous avions observé qu’à des heures pré-cises, ils surveillaient d’autres lieux, c’est grâce à cetteponctualité que nous avons pu les tromper souvent ».

« Avez vous d’autres souvenirs de l’activité du Moulin » ?

Mme CHEVALIER : « Pour ma part, je n’ai pas connules grandes heures de la production proprement dite,mon mari et mes beaux-parents avaient déjà venduleurs contingents de farine pour créer la fabrique deglace.

Toutefois, je me souviens qu’à cette époque, la plage deMontrichard n’existait pas, c’est mon mari qui a permissa création, tout d’abord en vendant le terrain (à cetteépoque, à l’emplacement de la plage il y avait un ter-rain qui n’était pas très propre), mon mari a doncaccepté de le vendre et a participé à la création du syn-dicat de la plage ».

Faverolles

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« Mme Chevalier, vous teniez entre vos mains un cahier,que renferme t il » ?

Mme CHEVALIER : « Ce sont mes souvenirs, il y aquelques années, j’aimais écrire sur divers sujets, j’aimême entretenu une correspondance avec RobertSabatier, l’écrivain, qui a d’ailleurs écrit un livre « Lesfillettes chantantes » où les personnes se retrouvent àMontrichard et au parc plage.

J’ai d’ailleurs sous les yeux un extrait d’une correspon-dance que je lui ai adressée dans laquelle je décrivaisnotre environnement, je vous le lis : « sur cette île de laMotte, tout n’est que création, due à l’amour de ce pay-sage et de ce sol que chaque génération cherche àembellir.

C’est la saison estivale, je pars à bicyclette vers la ville,croisant les pêcheurs qui cherchent un coin propicepour exercer leur art.

Voici la plage, au tournant du chemin dans une cabane,deux placides baudets se reposent, en attendant quel’on hisse sur leur dos quelque bandage ou cavalier.

Les cris joyeux des enfants qui s’élancent sur la balan-çoire se mêlent au chant des oiseaux et à l’appel desparents qui cherchent à récupérer leur progéniture.

Il fait très beau, tout est harmonie et les baigneursapprécient la pureté de l’eau.

L’homme blanc, le colonial, bien calé dans son fauteuilde rotin examine l’horizon, des fermières passent,venant des caves de Faverolles, elles vont au marchéchercher leurs rillettes et porter les œufs et le fromagede chèvre qu’elles ont regroupés dans des paniers noirsà couvercle.

Au bout du pont, ALERME, dans son fief, que nous luiavons vendu pour qu’il puisse en quelques minutes, setrouver au bord de l’eau, discute avec son fidèle gardiendévoué qui va préparer le blé et le chenevis pour appâ-ter le poisson, tous les deux me saluent, en me deman-dant des nouvelles de mes enfants.

C’est une impression de joie simple, de sérénité qui megagne et que je retrouve en vous lisant, et ces souvenirs

là m’aident à mieux supporter la solitude et à embellirmes vieux jours.

Notre histoire comme celle de beaucoup, a traversé desheures tragiques, enfin, grâce à la ligne de démarca-tion, qui traversait nos prairies, nous avons pu fairenotre devoir de Français.

Cette quiétude d’avant-guerre était à jamais perdue,elle a été suivie d’un grand déchirement lorsqu’il a fallurompre avec ce passé familial pour réorganiser la vie defamille dans des lieux différents.

Cette période que je relate était encore la belle époque,nous étions loin d’envisager que ce calme pays connaî-trait les bombardements, l’occupation, la mort tragiquede certains habitants et des règlements de compte dou-loureux ».

« Mais dans votre texte, vous nous parlez de MonsieurALERME, qui était il » ?

Mme CHEVALIER : « Monsieur ALERME était unacteur de cinéma très connu dans les années 30, il pos-sédait une maison au « bout du pont », et venait régu-lièrement à Faverolles pour ses vacances.

Il a d’ailleurs connu un grand succès dans un film en1935 « La kermesse héroïque » où il partageait les pre-miers rôles avec Louis JOUVET, Françoise ROSAY,Jean MURAT.

Il habitait à côté de la maison de Madame JONIN, mai-son qui a d’ailleurs été en grande partie détruite lorsd’un bombardement.

Mais il y a aussi un peintre célèbre qui a résidéquelques mois à Faverolles, au Moulin, Ceria DESPIERRE (1884-1955).

Il a durant de longues semaines, dessiné le Moulin etles paysages environnants.

Les bibliographes reconnaissant son abondante activi-té artistique, il a entre autre, réalisé des fresques et desmosaïques pour le paquebot France ».

Marie-France MAURY - Olivier RACAULTRemerciements :

Mr et Mme RAMBEAU (propriétaire du moulin)Mme CHEVALIER

Thierry et Anita LENOIR (pour le prêt des cartes postales)

Le Moulin de Faverolles