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  Michel, Francisque (1809-1887). Le Pays basque, sa population, sa langue, ses moeurs, sa littérature et sa musique. 1857. 1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 : *La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La réutilisatio n commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de fournitur e de service. Cliquer ici pour accéder aux tarifs et à la licence 2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation particulier. Il s'agit : *des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés, sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable du titulaire des droits. *des reproductions de documents conservés dans les bibliothèques ou autres institutions partenair es. Ceux-ci sont signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothè que municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisat eur est invité à s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de réutilisati on. 4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. 5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la conformité de son projet avec le droit de ce pays. 6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par la loi du 17 juillet 1978. 7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition, contacter [email protected].

Le Pays Basque - Sa Population, Sa Langue, Ses Moeurs..., 1857

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Michel, Francisque (1809-1887). Le Pays basque, sa population, sa langue, ses moeurs, sa littrature et sa musique. 1857.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart des reproductions numriques d'oeuvres tombes dans le domaine public provenant des collections de la BnF.Leur rutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n78-753 du 17 juillet 1978 : *La rutilisation non commerciale de ces contenus est libre et gratuite dans le respect de la lgislation en vigueur et notamment du maintien de la mention de source. *La rutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait l'objet d'une licence. Est entendue par rutilisation commerciale la revente de contenus sous forme de produits labors ou de fourniture de service. Cliquer ici pour accder aux tarifs et la licence

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LE

PAYS

BASQUE

L'auteure rserve s ledroitde traductionl de reproduction, c conformment nuxtraitsen vigueur.

LE

PAYS SA SA LANGUE,

BASQUE POPULATION SES MOEURS

SA LITTRATUKE ET SA MUSIQUE

l'Ait V ' - MICHEL RMCISQUE nu EIIANCI:, M:VIENNE, IMPIUAEK coitH-i^spwf^'yyvi/Kj>vl,'iTUT nuL'ACADMIE T?*T=*ffiTO[ DES 1 HOYAI.E SCIENCES li DE TU1UN SOCITS , DES DES ANTIOUAHUIS DE LONDHES ETl>'ECOSSE , ETC. .Jttf

PARIS LIBRAIRIE DE FIRMIN DIDOT FRERES, FILS ET Cie It JACOB, 56 ET EDIMBOURG LONDRES ' WILLIAMS & NORGATE MDCCC LVil

LE

PAYS SA SA LANGUE,

BASQUE POPULATION SES MOEURS

SA UTTUATUKE

ET SA MUSIQUE

I LE PAYS BASQUE

On sait gnralement ce qu'il faut entendre par le Pays Basque, ou plutt on ne le sait pas, la France, ne parler que d'elle, tant une contre peu ou mal connue, surtout dans ses parties recules qulune nature pre et une langue particulire semblent fermer aux trangers '. Le Pays Basque s'tend sur l'un et l'autre versant de l'extrmit occidentale des Pyrnes, en France et en Espagne : Des crtes dit M. Fauriel, des Pyrnes franaises, occidentales partent quatre grandes valles, ayant chacune sa rivire, qui en sillonne celle de la grande le fond, dans une direction perpendiculaire chane dont elles descendent. La plus occidentale et la moindre de ces rivires est le Nivelet, ou la petite Nive, qui a son dans le golfe de Gascogne. La embouchure Saint-Jean-de-Luz, seconde et la troisime sont la Nive et la Bidoussa, qui se jettent 1 LalialcdeBiscaye, e longde laquelle l serpentela granderoutedeFranceenEspagne, a donnlieu un beautravaildeM.A.de Qualrefagcs, insr, sousle titre deSouvenirs d'unnaturaliste, quin'annoncepas toutela varitdes sujetstraits, dansla Revuedes 0 e t. Deux-Mondes,V, XX anne.- Nouvelle riode, 1850,p. 220-244t 10G0-1099. p 1

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LE PAYS BASQUE.

toutes deux dans l'Adour, l'une Bayomie, l'autre un peu audessous de Guiche. Enfin, la quatrime et la plus orientale de ces rivires est le Cesson, qui se perd, prs de Sauveterre, dans le gave d'Oloron. Bai,yauna, sco.(Oui,sire,beaucoup.)L'empereur a terminaa conversation ces l par mots: Nafarroanariasco;lialcre, alcrc ezncrelaco. Navarre, frob g (En beaucoup.de ment mais oint,point our i de ; p p moi.) Cesdeux vers,dans lesquelsl est question la danse pes usage ans Guipuzcoa, des en d le treunesatiredecegrandnombre semblent deBasques entouraient : qui Charles-Quint Carlos uinlorcnaralzan b q Aquerrac. dantzan. espata de s g (Dicc. eogr.-hisl. Espana, ecl.I, t. I, c p. 527, ol.1.)

LES rnOYEBBES BASQUES.

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III LES PROVERBES BASQUES.

d'entrer ici dans de longs Il serait fort superflu, j'imagine, dtails sur l'importance des proverbes au point de vue de la civilisation , des usages, du gnie d'un peuple ; cet gard, nous ne pourrions exprimer une pense plus juste que celle qu'a trace la plume d'un acadmicien qu'un Basque dclare le plus instruit, le 4 plus lgant, le plus riche de notre sicle : C'est dans les idiotismes populaires, expression intime de l'esprit d'une nation, dit Ch. Nodier, qu'il faut chercher les tours propres de son langage. Originalit d'images, hardiesse de figures, tranget d'inversions, exemples singuliers d'ellipse et. de nologisme, tout y frappe l'attention du recherche piquante d'euphonie, grammairien philosophe. Les qualits que l'ingnieux auteur des Notions de linguistique reconnaissait aux idiotismes populaires et. qui leur sont communes avec les proverbes, ces autres crations du peuple, ne se prsentent nulle part aussi nettement que dans l'idiome basque. Les adages des Escualdunac sont d'un laconisme frappant et presque toujours d'une sagesse profonde; point de mots oiseux, point de vague dans la pense ; l'image se dtache avec une nettet parfaite, et la leon se grave clans la mmoire en traits ineffaables. Il est heureux qu'il se soit trouv un crivain qui ait pris la peine de les recueillir. Le savant historien Oihenart publia Paris, en 1657, un volume o il rassembla 537 proverbes basques, 1 Voyagen Navarre, tc., chap.X, p. 585, 580. e e

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LE PAYSBASQUE.

en y joignant une traduction franaise. Ce livre est devenu si rare qu'on n'en connat, ce qu'il parat, que deux exemplaires, l'un la Bibliothque impriale Paris, l'autre dans les mains d'un bibliophile de Bayonne. Une rimpression de ce recueil prcieux a t mise au jour par nos soins en 1847. Oihenart forma aussi un supplment renfermant 706 proverbes nouveaux. 11 parat qu'il n'existe qu'un seul exemplaire de cet appendice; on le conserve la Bibliothque impriale. Une trentaine d'annes avant Oihenart, un personnage, fort peu connu d'ailleurs, et qui parat avoir successivement habit Toulouse, Bayonne et Bordeaux, un matre de langues nomm Voltoire, compila un guide de la conversation en trois langues, et il y intercala quelques proverbes qu'il convient d'ajouter la collection bien plus importante que nous devons l'auteur du Nolilia uiriusque Yasconioe. Les adages que renferme le travail de Voltoire ont t retirs de toutes les phrases inutiles au milieu desquelles ils taient enfouis, et. remis au jour dans un opuscule de 14 pages tir un petit nombre d'exemplaires, et publi par M. G. B. ( Gustave Brunet) J. Nous citerons encore, sans pouvoir faire autre chose, les sentences et maximes basques, par M. Ernest de Garay, volume publi en 1852 en Belgique, aprs avoir paru par fragments, Paris, dans le Journal des Artistes, et, en Hollande, dans le journal de Maestricht. De l'autre ct des Pyrnes, Esteban de Garibay s'tait occup de former une collection pareille celle d'Oihenart. Dans un endroit de ses Mmoires, il rapporte avoir envoy deux cahiers de proverbes basques D. Juan de Idiaquez, du conseil d'Etat de S. M. Catholique. Le dernier, arriv Valladolid en l'anne 1592, contenait une traduction interlinaire niot pour mot, et une explication au-dessous 2. Comme le conjecture D. Pascual de Gayangos 3, ce recueil doit tre le mme que celui qui est conserv 1 Anciens Proverbes recueillis urVoltoire. ct'gascons basques p Paris,Tcchencr, 1845, in-8. Lesproverbes aunombreecent,ontt rimprims d 'alasuitedenotre basques, dition d'Oihenart, 26G-27L p. s Mmorial hislorico, t. Vil, liv.VI,lit.XI, p. MG. etc., 8 IMil,, . 029. p

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dans un manuscrit, de la Bibliothque nationale de Madrid *, manuscrit que nous avons vainement cherch pour le comparer une collection semblable qui figure la suite de notre dition des Proverbes basques recueillis par Arnauld Oihenart 2. Dans l'impossibilit de citer toutes les sentences o se rvle, sous une forme presque toujours piquante et heureuse, la sagesse de la race escualduna, nous prendrons, comme au hasard, quelques-uns de ses dictons. Au temps o ses enfants faisaient cuire leur pain sous la cendre, la l'un d'eux avait signal ainsi, bien avant la Rochefoucauld, prpondrance de l'intrt personnel dans toutes les affaires de ce monde : Norc vere opilari ycaa. ( Chacun approche le charbon de son pain 3.) Les Basques avaient dj pu reconnatre que le faible n'a gure de chance lutter contre le fort, et que les grandes fortunes absorbent de modestes ressources isoles. C'est ce qu'ils exprimaient en disant : Airain handiac iatentu xipiac. ( Le gros poisson mange le petit.) Hlas!"il en a toujours t de mme en tout temps et en tout lieu, et bien loin des Pyrnes, le Grec dit : To -x)iyrou r.ui TOOSUVCOTTO -/c.GvKov yaottv.ii. x ( Au voleur, comme au puissant, il faut tribut *.) Paie, paie, manant; quelque aumne : il ne t'est pas dfendu d'esprer plus tard

Anclio limosnari, Urde ebatsiaren oinae demaza beharrari. (Ancho est un grand faiseur d'aumnes; il donne au pauvre les pieds du pourceau qu'il a drob.) 1 D.Pascual'a publi, vec l a untravaildeD.Josde Aizquivel, danslevolume ci-dessus, p. 051-000. s Voyez . 2S5-2GG. p s Ou,comme it le Castillan, Cadacualarrimael ascua su sardina. ( Chacun d apl prochea braisedesa sardine.) 4 Proverbe parM.de Marccllus, hantsdupeupleen Grce,l. H, p. 255. cit C

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Qui sait? peut-tre se bornera-t-on lui donner cette consolation conomique : Asco vadoc, asco heareodoc. ( Si tu as beaucoup, tu auras d'autant plus de besoins. ) Une fois le voleur en possession de ce qu'il convoitait, il fait de l'ordre pour jouir paisiblement du fruit de ses rapines : Xasco epaslea, aurtengoen urcasalea. (Le larron de l'anne passe est celui qui l'ail pendre ceux de la prsente anne.) Ohoin handiac urka erasten dilu xipiac. ( Le grand larron fait pendre les.petits. ) Encore ici nous avons un de ces proverbes qui ont cours partout. Ecoutons Guillaume de Lorris : Tex juge fait le larron pendre, Qui miex-dust estre pendus, Se jngemens li fust rendus Des rapines et des lors fais Qu'il a par son pooir l'orrais. (Le Roman de la-Rose, dit. de Mon, t. II, p. 74, v. 5608.) Je lis dans l'un de nos anciens mystres : Les grans larrons l'ont aux petitz La peine qu'ils doivent avoir i. Le Basque dit. aussi : Ikus nesan orraz-ohoina asotaturie, Urre molsoarena alcateluric. (Je vis celui qui avait drob les pingles fustig, et celui qui avait vol le trsor, devenu alcade. ) Aux larrons se rapporte encore ce proverbe, qui n'est pas moins fond que les autres : Pnscos ureaguei duenac, Garisumaren laburres dilu penac. (Celui qui doit tre pendu Pques, trouve le carme bien court.) 1 LaVie en e desainclChrislofle lgamment composerimefranaisetparpersonnages l'an 0 C nouvellement parmaislrc bcvalet... imprimeGrenoble... 1550), (i in-i,sign. 0 iiii reclo,col.2.

LES PROVERRES BASQUES.

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Au reste, le carme et la potence sont faits pour les misrables : Garisuma eta urkabea, asturugaizenzat. Voici quelques autres proverbes que ne dsavouerait certes pas l'homme du monde qui, en ce genre, savait, le plus et le mieux de choses, l'immortel Sancho Pana : Gueroa alderdi. ( L'avenir est perclus de la moiti de ses membres i. ) Hobe da sain lmlsa, Esi es aho bulsa. (Il vaut mieux manger du pain de son, que de n'en pas manger du tout. ) Insaur duenac iateco, Aurkit diro barri hausteco. (Celui qui a des noix manger, trouvera assez de pierres pour les casser.) Kesca harzen a'ri dena saldu doa, Galdazen ari dena da galdua. (.T'aicommand au chien do faire cela, et le chien l'a command sa queue.) Ogui pulua, bekanqui, da ira ens xabna. (Rarement un monceau de froment est exempt d'ivraie.) Olsoa lagun duanean, Albaihu hora sailietsean. ' (Quand tu auras le loup en ta compagnie, aie le chien ton ct.) lhun saldic ehun saltoqui behar. (A. cent chevaux il faut cent selles.) 11faut aussi, pour achever uue entreprise, une somme de temps proportionne son importance : Erroma ecen horen btez acabatu. ( Home ne fut pas faite en une heure. ) On peut appliquer le proverbe lui-mme au trsor euscarienne et remonter jusqu'au vers de Virgile : erat .Uomanam condere gentem; mais si l'on doute et. que l'on s'effraie de l'ge, on peut s'en tenir de la sagesse Tantoe molis de la parent un vers de la

1 Les disentencore: Basques usteaguzlia uslel. Guia des sonttoutespourries. ( Lesesprances hommes ) 3

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LE PAYS BASQUE.-

Chronique de Navarre, de Guillaume nelier, de Toulouse, qui prouve la popularit de notre adage dans les Pyrnes la fin du XIIIe sicle. Eustache de Beaumarchais rendant rponse des bourgeois de Pampelune, le cite leur envoy : Digas les qu'en .i. jorn Paris non fo obrat '. (Dites-leur qu'en un jour Paris ne fut pas fait. ) Les Basques savent qu'une bonne occasion perdue ne se retrouve pas : Ai-stoaemoc arhuia sesanac, guero erossi behar uken suen. (Celui qui refusa l'ne en don , fut oblig aprs de l'acheter. ) Attachs leurs montagnes chries, ce qu'ils expriment en disant que la vache de Gorbeya dsire toujours Gorbeya 2, ils ont consign dans plusieurs de leurs proverbes la rpugnance que leur inspire l'tranger : Azerri, otserri. (Pays d'tranger, pays de loup.) Azeac escua laz. (L'tranger a la main rude.) Ils savent, cependant, que le sjour des champs n'est bon que pour les gens en sant, tmoin le proverbe Urtun hiriti, Urrun offagarriti, qu'Oihenart rend par Loin de la ville, loin de la sant, mais qui n'et rien perdu tre reprsent par notre vieux dicton : Loing de cit, loing de sant 3. Mais quoi bon les secours de la mdecine? L'homme des champs n'aura jamais besoin try recourir, tant qu'il se conformera cette maxime : Has nesac egunco araguias, azoco oguias, eta xasco arnoas, eta axeterrac bihoas. (Nourris-toi de la viande d'aujourd'hui, du pain d'hier et du vin de l'anne passe, et je dirai adieu aux mdecins. ) 1 Histoire ela guerre Navarre, d de etc.,p.124,v. 1892. 2 Ancien c-il d proverbe parEstebaneGaribay. 8 Gabriel Thresor sentences de e c Nicolas Mcurier, dores, lc. ABoucn, hez Lcscuyer, M,D.LXXVIII., in-12,p. 106. petit

LES PROVERBES BASQUES. Au flux du ventre surtout l'eau est malsaine : Sabeldnrac gaiz dilu urac. Veux-tu avoir les yeux sains? lie tes doigts : Sendonahi dituca beguiac ? lot izac eure orhiac.

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On retrouve chez les Basques d'autres adages pour ainsi dire cosmopolites, mais s'exprimant avec une remarquable concision : Harri erabilic Es tu bilzen oroldhc. (Une pierre souvent remue n'engendre point de mousse.) Hala.co tupali, halaco arnoric. (De tel tonneau tel vin.) Ilsutu behar duenac beguiti. (Il vaut mieux tre borgne qu'aveugle, ) Ogui gogorrari haguin sorroza. (A pain dur des dents aigus.) Belheguis sorroa Lehertu doa. (Par trop remplir le sac vient crever.) Mendiac mendiac.vear ez; baya guionac guiona hay. (La montagne n'est pas ncessaire la montagne; mais l'homme l'est l'homme '.) Il tait entendu en affaires celui d'entre les vieux Escualdunac qui imagina ce dicton, dont l'exprience ne manquera pas de consacrer la sagesse : Begui-bates aski du saltunac, Ehun estitu sobera eroslunac. (Un oeil suffit au vendeur ; mais l'acheteur n'en a pas trop de cent.) Une autre maxime recommande le bon march : de ne pas se laisser tenter par

Erroango oiala, merquedala, gora da. (Le drap de Rouen, tant bon march, est cher. ) 1 DjauXVI sicle,nousavions proverbe insiconu: 0 un a Deux hommes serencontrent ien, b Mais jamaisdeuxmontagnes point. le Voyez LivredesProverbesranais,par le RouxdoLincy,srien 2 ; 1.1,p. 53. f

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Un malheur en amne d'ordinaire plusieurs autres sa suite; aussi les Escualdunac disent-ils volontiers : Gaza hunqui ator, Bacar bahator. (Malheur, sois le bien venu, pourvu que tu sois seul.) Suivant un autre de leurs proverbes, il faudrait redouter davantage la bonne fortune : Dixa onac hari, nola baita hera ilsu, Hari darraisconac itsuzen dilu. (La bonne fortune, comme elle est aveugle elle-mme, rend aveugles tous ceux qui la suivent. ) La fortune rend, de plus, ingrats ses favoris : Salduna, eguic semea duke; Es aguke. (Chevalier, fais ton fils duc, il ne te connatra plus. ) 11n'y a qu'une observation sagace qui ait pu donner naissance ces autres proverbes : Naguia hethi lansu. (Le paresseux fait toujours l'occup.) Ahalgue-gabeac bitu eper erreac ; Ser ahalgorrac? ogui mocorrac. (L'effront se fait traiter avec des perdrix rties, au lieu que le honteux, ou le discret, n'a que les restes du pain.) Aita hilsaleari, Sem barreiari. (A un pre qui amasse du bien [succde] un fils qui le dissipe.) Arraina eta arroza, Heren egunac earazes, campora deragoza. (Le poisson et l'hte deviennent puants pass trois jours, et il faut les jeter hors de la maison. ) Malheureusement on n'en peut faire autant des parents que donne le mariage, cette affaire dans laquelle l'un ou l'autre des conjoints est toujours tromp : Baigorrin baxera lurres, Nie haraguei nuenean urres. (A Baigorry la vaisselle est de terre; lorsqu'on parlait de m'y marier, elle tait toute d'or.)

LES PROVERBES BASQUES.

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Est-ce dire qu'il faille, dans le choix d'une.femme, se laisser guider par l'intrt? Bien au contraire : Emastea harzen duenac escontsari hutsagati, Biharamuna da dolu-egnna, gaiz darraiconagati. (Celui qui choisit sa femme par la seule considration de sa dot, s'en repent ds le lendemain, cause du mal qui lui en revient. ) C'est, en effet, une bien laide chose que l'avarice; le Basque raconte ainsi un pisode de son histoire : . On-gosseac guion bat hilic ihes seguin Elia-barnera, Eta esta gue.ros hantic atera. (L'avarice ayant tu un homme, se rfugia dans l'glise, et elle n'en est pas sortie depuis.) Il caractrise ainsi une espce d'avares, chiehes poiu- le liard, larges pour le ducat. : Suhur arditaren, erho dugataren. La philosophie du peuple basque n'est pas toujours chagrine; elle montre quelquefois une insouciante gaiet, comme dans cette devise que le chevalier de Bla avait inscrite au-dessus de la porte de son chteau 4 et que M. Lherminier assure avoir lue sur une maison de la valle de Baztan 2 : Lehen hala, Ora liola ; Guero, etchakin nola. (Jadis comme a, aujourd'hui comme ci, aprs je ne sais comme.) Sceptique ou non, il faut fliciter la sagesse des Basques d'avoir. consacr la maxime suivante : Beti serhizari leiala eta prestua, Harzedun da, bad'ere pagatua. (Toujours un serviteur fidle et diligent est crancier, bien que pay de son salaire.) Elle s'mancipe quelquefois au point erotiques, comme dans ce dicton : de prsenter des images

1 Voyagen Navarre,etc., chap.VIII, p. 510. e Courrier e Bordeaux, du26 octobre1859.(Extrait d'unrapportsurles provinces d n a basques, mpruntu Pharede Bayonne.) e

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LE TAYSBASQUE. Domingo,eguic emazte, azi lo, berac irazar iro. (Dominique, prends une femme, et aprs dors tant que tu voudras, car elle aura assez le soin de l'veiller. ) On a bien raison de dire : Escont'eguna, Aiseisanaren biharamuna. (Le jour o l'on se marie est le lendemain du bon temps.) Oilarbataski da oilo hamarhaten , Hamar guion es emaste baten. (Un coq suffit dix poules, mais dix hommes ne suffisent pas une femme.) Chez les Basques, comme chez tous les autres peuples, on rencontre des proverbes mtorologiques bass sur une longue observation. C'est elle qui leur a appris qu'en mars le temps n'est jamais constant : Eguzquia ela euria Uri eguraldia. (Soleilet eau, temps de mars.) Ils ont caractris ainsi la rigueur de l'atmosphre qui marque ordinairement la fin de ce mois et le commencement d'avril, jours que les cossais appellent borrowing days, comme si mars les son successeur * : prtait Ilrriac bustanaz, Ceceilacbularaz. (Mars avecla queue, avril avec la poitrine.) Ils ont remarqu, avec les Anglais, les Ecossais et. les Allemands 2, qu'avec le mois de mai pluvieux ou froid l'anne tait heureuse : Otorde dabila maiaza su eske. (Le mois de mai est en qute de feu, en troc de pain.) Maiazeuri te, Urtc eguile. (Eau de mai, pain pour toute l'anne. ) Maiazahoz, Urtea hoz. (Maifroid, l'anne gaie.) 1 Popular kymcs Scotland, ByRobert bainbers. etc. C : 1847,post8, R of Edinburgh p. 145,144. - Ibid-., p.145,146.

LES PROVERBES BASQUES.

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A l'tat du ciel ils devinent srement le temps qu'il doit faire pendant la journe : Gois gorriac dakarke uri, Arrats gorriac egur aldi. (La matine rouge est prsage de pluie, la soire rouge promet beau temps i. ) Goiserria denean gorriago esenes hori, Eure euritacoa estemala nehori. (Quand l'orient est plus rouge que jaune, ne prte ton manteau de pluie ou ton capuchon personne. ) Gois orsadar, arrats iturri. ( L'arc-en-ciel du malin, prsage de pluie pour le soir. ) Au contraire, comme dit Voltoire, qui reproduit sans doute un ancien quatrain, L'arq au ciel le soir Faict beau temps apparoir' 2 ; Mais ne croiez jamais en temps cstoil, Ny en brodier mal accoustr. C'est ce que les Basques disent en ces ternies : Hola darraq ceruan arratcian dembora ouna iracustendu ; baignan estecaula seculan signez dembora issaratoary, ezeta brodt salie gaisquy bestituary. Sur l'autre versant, des Pyrnes, des nuages rouges apparaissent-ils le matin du ct de la Navarre, les Guipuzcoans, qui y voient un signe de pluie, disent en basque et en castillan : Gox gorri de Navarra, llemojar te ha la .amarra. (Matine rouge de Navarre remouillera ta pelisse.) Au contraire, les nuages rouges sur le soir du ct de la Castille signifiant soleil, ils disent de mme : Arras gorri de Castilla Calentar te ha la costilln. (Soire rouge de Castille t'chauffera les ctes. ) 1 Laplus ancienneracedece proverbe, a soncorrespondant franais, nanglais, t en e qui encossais l enallemand, trouve l'vangile eS.Matthieu, XVI,vers.2. e se dans d chap. = Demme, escossais isent: l d Arainbow themornings thesucphcrd's in i warning ; Arainbow night s the slicpberd's i al delight. (Popular hymesf Scotland, . 155.) R o p Sirliumphry avy trs-bien l'ail ur lequel e proverbest fond.Salmonia, le s c e D explique ( orDays fFly-fishing, : etc.LondonSmith,Elder ndCo.,1840, n-8,sixthday,p. 124, a o i )

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LE PAYS BASQUE.

En gnral, le joui' de Saint-Laurent, ou il fait trs-chaud, ou il tombe beaucoup de pluie ; aussi les Guipuzcoans disent-ils : Jaune doue Laurenti, Escu batean euria, beslean ilinli. (Seigneur saint Laurent, une main en pluie, l'autre en tison.) A la fte de saint Simon et de saint Judc l'hiver approche, ce qui a donn lieu ce dicton : Sancl Simon eta Juda, Negua eldu da. (Saint Simon et saint Jude, l'hiver est en vue.) Autrefois, partir de cette poque, la navigation tait, interdite 1, d'o le proverbe : Sanet Simon eta Judaetan, Onciacancoraetan. (Par saint Simon et saint Jude, les navires l'ancre.) La mer a inspir aux Basques un bien bel adage, cit par M. Ferdinand Denis, dans son intressant article sur les proverbes 2 : Otboizenestaquiena Jaincoari, Berraio Hsasoari 8. ( Celui qui ne sait pas prier Dieu, qu'il s'adonne la mer, pour l'apprendre.) Oihenart a encore recueilli deux autres dictons relatifs la mer et l'ide que s'en font ses compatriotes : Ilsassoac adarric es. (La mer n'a point de branches, auxquelleson jjiwssesa prendre quand on se noie.) Itsasluruaren emastea, goisoan senhardun, Arratsean elhargun. ( La femme du marin est bien souvent marie le matin, et veuve le soir. ) 1Lammefensexistait nEcosse aractedu2eparlement Jacques de d e e XV. p III,chap. s Cemorceau, de d'abord danslaRevue Paris,t. XL1II, livraison, reparu 4e a publi de A entleduLivre desProverbes p Paulin, franais, arM.leRoux Lincy. Paris,chez i 1842,n-12. oyez. xij. V p 3 Les ontchez l'quivalent proverbe eux doce : Espagnols n Quicnosabe Bios rogar, s enallamar. Que e ponga dela A c (LesVsel coutumes mer,clc, parCleirac. Rouen, hez M. L Jean'Viret, 1)C. XX1., p. 25.) in-4,

41 LES PROVERBES BASQUES. Mundu hunec diduri ilsassoa, Iguerica estaquiena ondarrera doa. ( Le monde ressemble la mer : on y voit s'y noyer ceux qui ne savent pas nager. ) Dans un aussi grand nombre de proverbes, on s'attend indubitablement en rencontrer de relatifs aux moeurs et coutumes du pays ; mais ceux-l sont en petit nombre, et l'on peut les rapporter tous. Chez les Basques, comme chez les Ecossais et, les Irlandais, le joui' d'un enterrement on sert un festin aux parents et aux amis du dfunt *. De l le dicton : HHa lupera, Visiac assera. ( Le mort la fosse, les vivants la saoule. ) Ordinairement les matres et matresses de maison occupent, la meilleure place du foyer, qui est celle de devant le feu ; les enfants elles serviteurs se tiennent au coin, et ceux-ci ont coutume de rpter les choses qu'ils entendent dire aux premiers. De l le dicton qui suit : Ser dio sut ondocoac? Ser baitio sut-aizinecoitc. ( Que dit celui qui se lient au coin du foyer ? Ce que dit celui qui est assis au devant du feu.) Le saut, comme on le verra plus loin, tait un exercice fort eu honneur chez les Basques. Pour dire que sous un habit modeste on peut rencontrer un noble coeur, ils ont cet adage : Iauscari ona Capaxar-duna. ( Sous une mchante cape se trouve souvent le bon sauteur 2.) 1 Quand uelqu'un de ilsmanifestent leurdouleur meurt,ditOihenart ses compatriotes, q d pardeslamentations quine les empcheasdejoindrea la crmonieesfunraill es, ; ce p desrepas,o, en docertains endroits,onest d'opinionu'ilnefautpointservirdeviande q rtie.(NoliliaulriusqueVasconiie, III, cap.IV,p. 408.)Dansplusieursantonsdes lib. c l cl du montagnes Roussillon,esparents les amisdu dfuntse runissent,aprsl'enterrej en ment, i un repas,quise faitordinairement maigre;s'il est en gras, on n'y doitservir ni volaillenf-gibier. (Henry,Histoirede Roussillon, tc. Paris, Imprimerieoyale, e r M.DGCC. in-8, 1 partie,p.xcn.) Dsla finduXIVeicle, lesroisdeNavarre s XXXV., m d de c essayrent, aisinutilement, 'abolirouau moins rprimer hezeuxun usagemoins honorable lesmortsqueruineux pour pourles vivants.( Dicc.deantig. ielreino deNavarra,1.1, p. 5S2,art. Enticrros.) - Voyez nevariante u dece proverbe ansle NoliliaulriusqueVusconioe,55, d p.

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LE PAYS BASQUE.

KParmi les laboureurs du Pays de Basques, dit Oihenart, on paye en grain ceux qui travaillent battre les bls. Cet usage, qui existe en bien d'autres endroits, a donn naissance au proverbe : Sariac sathitu-ondoan, Aguerico da serden hireric urpoan. (Aprs que les salaires auront t partags, il paratra ce qu'il y aura du tien dans le tas de bl.) Dans les recueils d'Oihenart et de Voltoire on ne rencontre aucun proverbe historique, aucun dicton relatif des localits ; il faut recourir la collection de Garibay pour trouver quelque chose de ce genre. Des cinq articles qui rentrent dans cette catgorie, je ne. citerai que le premier, qui concerne un fameux chef de bande du XIVe sicle, ce qui permet de faire remonter jusque l le dicton qui lui est consacr : Edrigu de Villandran, Egun even, eta viar an. (Rodrigo de Villandrando, aujourd'hui ici, demain l.) Le capitaine dont l'activit a mrit un pareil loge, n'tait que digne d'tre Basque; il avait reu le jour en Castille, guerroya une bonne partie de sa vie en France, o sa renomme donna lieu un proverbe moins honorable que celui qui vient d'tre rapporti ; il.pousa, en 1433, Marguerite, btarde de Bourbon, et mourut septuagnaire dans les premires annes du rgne de Henri IV de Castille. En consacrant et en retenant un proverbe de deux lignes en l'honneur d'un des personnages les plus remarquables du XVe sicle, le paysan basque a plus fait pour la gloire de ce hros que les littrateurs ses contemporains , dont les loges n'ont point empch sa mmoire de prir. 1 Le P. Bonavcnture Sainl-Amablc, avoirparldu passage e Rodrigo de d de aprs VillandrandoLimoges, 1456,ajouteen propres e en termes Cet hommesloilsi : mchant cruelquesonnom el esttournenproverbe ansla Gascogne d ;et,pour signifier unhommerlai t cruel,on l'appelle b e mchant surce personnage, le Rodrigue.Voyez, m deM..1.Quicherat, dansla Bibliothque l'coledesCharles, I, de t. prcieux moire 2srie,Paris,MDCCC 197-258. p.119-168, XLIV,

REPRSENTATIONS

DRAMATIQUES.

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IV REPRSENTATIONS DRAMATIQUES CHEZ LES BASQUES

Pastorales,

ou tragdies.

Le thtre, compagnon oblig de la civilisation la plus avance, n'existe pas seulement, parmi les populations qui prsentent ce caractre ; on le retrouve dans les pays qui ont le mieux rsist l'invasion des ides nouvelles, et gard plus fidlement le dpt des vives croyances et d'une ardente religion, source des premiers mystres. Parcourez la Bretagne et l'Artois, la partie allemande du Tyrol vous verrez encore reprsenter de ces drames et. les Pyrnes, pieux, dont, le peuple seul fait les frais, et qui exercent une trs-grande inlluence sur son esprit et sur son langage. De la Bretagne je n'ai rien dire, si ce n'est que j'ai vu et possd un volume imprim Morlaix, dans lequel le roman des quatre fils d'Ahnon tait dialogu en breton d'une faon tout, fait nave J ; pour l'Artois, je renverrai l'ouvrage d'un enfant du pays, qui signale l'usage d'y reprsenter des pices sur des sujets saints 2 ; la comdie chez les paysans tyroliens a inspir M. Louis Eiiault un rcit des plus intressants, que tout, le monde a pu lire dans le Moniteur universel s; M. Henry a consacr deux pages de son Histoire de lloussillon '- aux ntystres que l'on joue encore dans ' Buezar pear mabEnion,ducd'Orilon,aqete formun dragedi, areizel ennrz gant h l a. I. m.LE Montroulez, ly Ldan,impr.-libr,e traon ru ar Vur,1855,in-12, de408 e pages. - tudessur les Mystres, M.Onsimee Roy.Paris, 1857,in-S,p. 145el passim. l par 3 Ndu mercredi 9 octobre1856. 2 4 IIepari.,p. cii-civ.Voyez encore Statistiquegnraledes dpartemens yrnens, p d etc.,parM.Alexandre u Mgc. aris, M.D. CGC. XIX., n-8,1.11, p. 587,588. i P X

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LE TAYS BASQUE.

ce pays; enfin, MM. J. Duvoisin et J. Bad ont parl du thtre basque dans des priodiques de province 1 peu connus hors du lieu de leur naissance. D'un autre ct, un savant acadmicien, M. Jomard, a port l'attention des rudits sur l'existence d'un thtre populaire dans les Pyrnes, en rendant compte d'une reprsentation o M. Amaury Duval, ou plutt M. Victor le Clerc, avait reconnu notre ancien roman de Fierabras inis en dialogue barnais 2. Je vais, mon tour, rapporter ce que j'ai appris relativement, aux pastorales basques, nom bien propre conserver le souvenir de la condition des autem's.primitifs de ces compositions rustiques. Les pices que j'ai recueillies, au nombre de trente-quatre, sont empruntes, soit la Bible, comme la pastorale de Mose, celles d'Abraham et de Nabuchodonosor, soit la lgende, comme les pices de saint Louis, de saint Pierre, de saint Jacques, de saint Tloch, de saint Alexis, des trois Martyrs, de sainte Agns, de sainte Catherine, de sainte Hlne, de sainte Engrace, de sainte Marguerite et de sainte Genevive. La mythologie figure dans le rpertoire du thtre basque par la pice de Bacchus, et l'histoire ancienne par celles d'Astiage et du grand Alexandre. Les anciennes chansons de geste ont fourni, non le sujet de la pice de Clovis, o, comme on-le verra plus loin, la tradition historique est assez fidlement observe 3, mais les pastorales des douze pairsde France, 1 Album 2 pyrnen, "10anne.Pau, E. Vignancour, 1841, grandin-8",p. 00-102 des et des L'-Observaleur {Posie ramatique Basques), p. 207-215 d (Comdie Basques). n desPyrnes, 740,1845, ercredi 1 octobren 747, endredi 5octobre; 74S, m 1 n v 1 ; dimanche 22 n 27 n 18octobre; 751,dimanche octobre; 755,vendredi octobre; 7.54, n dimanche octobre. Citons ncore Chabo, uia consacr eux 29 e M. d pages demie el aux q d en pastorales soulclines, ansson Voyage Navarre, IX, p. 557-559. chap. - Voyez istoirelittrairedela France,t. XVIII, . 720. La picereprsente H 'a p Caslcts nprsence eM.Jomard e parat asavoirljamaismprime il enest e d n p i ; mais d'autres onteu cet honneur. npeutciter,parexemple, O unePastourellenquatre e qui actesdeupaysan m deLescarPau,1767, quicerqnc esli sonMis, arFondcville p ( in-12; en etsesfrres,imP sur rimprime 1827 el unenoubclle aslonrale earneze, Joseph ), b a en i H prime Toulouse parAugustin enall 28pagesn-12. 3 Onnesaurait ettreendoutel'existence m d'anciennes traditionsotiques relativesl i p s : Clovis, prs a avoirlulespassagesuivants Veillez prove, 'ontruisenla leon, est l cil la Que quitint deFrance premiers rgion, OtUnonGlodos, f que-deileselon:

REPRSEKTATIOKS

DRAMATIQUES.

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de Charlemagne, des quatre fils d'Aymon, de Godefroi, de Thibaut de Richard duc de Normandie, et les annales ottomanes ont donn au thtre basque Mustapha grand sultan. Il est plus difficile d'indiquer la source de Jean Caillabit et, de la Princesse de Gamatie. Pour ce qui est de Jean de Paris et de Jean de Presfu Floovant,quifistla mesprison Aalizol non. Desa fillela ble,'(qui des (La Chanson Saxons,coupl.m, v. 5; 1.1, p. 4. Un manuscrit orte Cloevis ulieude Clodos. a p ) Je sai de gesleles chansons omniencier... c Je sai assezdoubonroi Cloevier, DeFloevantet douvassalBichier. d'Anbcrile Bourguignon, Ms.de la Bibl.imp. ( Roman n 7227-5,fol.74recto, col. 1, v. 29.) DeClodoveu de Pipi et Comtava'ustotal'estoria. . l d (Flamenca,manuscritde la Bibliothque e Carcassonne,folioXIIverso.) DaCostante discescConstantino, PoiFiovoe il rc Fiorcllo,el campione; E Fioravante,e gi sinoa Pipino, Rgalstirpedi Francia,e il re Carlone. O (Boiavdo, rlunilo innamoriilo.) Onn'a pointencoreretrouvla vieille, hansonde gesteque fontsupposerles plusanc ciensdeces passages.Quanlau dernier,il fauten chercherla sourcedansles Rculidi auxfaits el gestes de CosFrancia,dontlelivreI cl unepartieduliv.II sont consacrs taiitino,de Coslanzo Fiovo, son fils, et de Fioravante,lils de Fiorcllo,roi de France. s Qui aitsi nous n'aurionspas une autre traductionde l'popefranaisedansune saga intitule FlvcnlsSagaFraldtaKoniings, existe dansun manuscritislandaisdo la : qui f Bibliothque royaledeStockholm G,in-4, surparchemin, induXIVe (n sicle),oelle l 70-S5'! amme L dans occupeesfeuillets saga, on vingt-sept hapitres,existegalement c le manuscrit slandaisde la mmebibliothque, n-folio,sur papier,n47, manuscrit i i excut 1691. Laressemblance en dunomdeFloovant uFloevcnl vecle nomdefao a millede Constantin, rosd'unelgendeperdueet cite, entreautres tmoignages, h dans Aubcrile BourgoingVoy. isl. lilt. de la France, t. XVII,p. 525),meporte hrattacher H ( la sagadeFlovenla celledontje retrouve dansla mmebibliothque. quatreexemplaires Lepremier, intitulAdonins agaoh- onslanlinus, estun fragment de S C acphale septfeuillets trois-quarts, onserv c dansle manuscritslandais i in-folion 7,qui estsur parchemin el probablement duXVe sicle.Le second,en quatre-vingt-sixhapitres,existe dans le. c manuscrit islandais in-folion 48, quiestsurpapiercl de1690.Le troisime,simplement 0 intitulAdonins aga, fait partiedumanuscrit 0 (in-4,papier,XVII sicle); le quan S trimeenfinest conserv dansle manuscrit 19, de 1G67, n in-4, sur papier. Untroubadour, s Giraudde Calanson, evantede savoirchanter DelreyFlavis, SeldeParis, Cumlosau pro'ls vaquiers noirir, ( Fiidel oglar, cit parDiez, Die Posieder trouj badours. wiclau,1826,iii-80,p. 200.) Z

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Calais, on peut, croire qu'ils viennent de la Bibliothque bleue. Les trois pices de Napolon 1er, qui couronnent le thtre des Eseualdunae, sont le fruit des souvenirs du peuple. La premire embrasse le Consulat; la deuxime, qui est,la plus longue et incontestablement la plus belle, se rapporte l'Empire; et dans la troisime est,retrace la,vie de l'illustre exil de Sainte-Hlne. Voyons maintenant de quelle faon ces pices sont, reprsentes : A-t-on dcid que l'on en jouerait une, la jeunesse de l'endroit va trouver l'homme de lettres du voisinage, le plus souvent l'instituteur de la commune, et lui fait part du dessein qu'elle a form. On s'entend sur le choix de la pastorale, et l'on convient des honoraires payer au directeur de la troupe, qui remplira en mme temps les fonctions de copiste, de rptiteur, de rgisseur et de souffleur. Ces honoraires sont, de quarante francs, la nourriture en sus. Avant de se produire en public, les acteurs rptent cinq ou six fois dans une maison particulire, jusqu' ce qu'ils soient, eu tat de paratre convenablement sur la scne. La construction du thtre o se jouent ces pastorales, se rduit au modicis instravil palpita lignis. Quelques planches solidement cloues sur une douzaine de solives en font les frais; une triple range de barriques supporte le tout, et donne la scne une lvation d'environ lm50 sur 4 ou 5 mtres de ct. Le haut du thtre est, partag en deux compartiments gaux, dont l'un forme la scne et l'autre le foyer des acteurs.. Une corde tendue la hauteur d'environ 3 mtres, et d'o descendent des draperies plus ou moins riches, plus ou moins ornes, forme la ligne de dmarcation entre les deux compartiments, qui communiquent entre eux par deux ouvertures pratiques aux deux extrmits. Sur la gauche s'lve ordinairement, une espce de pantin monstrueux, que l'on met en mouvement au moyen de cordes ; il reprsente Allah, le dieu des mahomtans ; son rle est d'applaudir aux crimes des mchants et de se livrer de nombreuses contorsions en prsence des personnages vertueux qui paraissent sur la scne. On s'en sert encore dans les entr'actes pour amuser le public, si toutefois on peut appeler entr'actes des interruptions accidentelles.

REPRSENTATIONS

DRAMATIQUES.

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Les acteurs qui vont paratre sur le thtre ne sont, pas les seuls qui aient le droit d'y siger : les personnes marquantes de On y voit aussi les l'endroit y occupent une place d'honneur. couturires qui ont prpar les costumes et qui veillent, sur les dcorations ; le rptiteur qui remplit publiquement, les fonctions de souffleur ; enfin, deux mntriers, l'un jouant du violon, l'autre de tambourin ; ils ne jouent de la flte, avec accompagnement, les chants, qui sont pendant la pice que pour accompagner ordinairement des prires adresses Dieu par les acteurs, ou des choeurs d'enfants, dans des moments critiques. Voici un chant tir de la pastorale de sainte Genevive, qui donne une ide assez avantageuse de la partie lyrique de ces sortes de drames : GENEVIVE DAKS L'OIUTOIHE. .Tene puis dire, je ne puis penser ce que j'ai au coeur. Ah! le souffle de ma vie peine s'lve dans l'air vers les cieux; moi-mme je m'en vais avec lui dans l'air. Un feu dvorant me consume; il est bien des nuits o m'louffent les sanglots, les larmes. Oh! Seigneur, grand Dieu et trs-haut, je crie vers vous, tendez sur moi votre douce main, je vous en supplie. Gomme moi, qui souffre, y a-t-il (quelqu'un)? Les plus bas lieux aux plus hauts je cours vous chercher ; .-aux cieux j'lve les yeux; je rpands des torrents de larmes, dsirant vous voir, par le moyen (de ces larmes) je vous conjure, venez mon aide. Je sais, sans vous il n'y a pas, oh, mon matre, parmi les grands qui tes le plus grand! de bonheur sur la terre. Ah! vers vous emportez-moi; je ne puis sur la terre trouver de consolation. Si j'avais deux ailes pour m'envoler, de ce lieu pour m'lever, -- je m'en irais au bonheur, Dieu tout-puissant, matre da ciel! Ayez piti de ma faiblesse, venez en aide votre enfant. UNCHOEUR D'ANGES. Consolez-vous, pauvre chre soeur. Votre amour nous est venu, de la plus douce fleur pareil au parfum. Consolez-vous. Pour vous chercher nous arrivons; tant que le tonnerre gronde jusqu' ce que le souffle du Seigneur l'teigne, consolezvous, nous vous en prions. Yous n'avez pas que nous plus de nous embrasser de dsir. Nous vous emporterons avec nous aux cieux, quand nous descendrons par votre ordre,

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LE PAYS BASQUE. pauvre chre soeur. .Alors sera grande la gloire du ciel ; semblable la brillante toile, (elle) clatera, quand vous arriverez au milieu de nous, au paradis, auprs de Dieu l. Remarquable bien des gards, cette tirade emprunte encore un nouvel intrt aux circonstances qui s'y rattachent. Elle a t recueillie, il y a vingt-cinq ans, de la bouche d'une vieille fille, qui avait, dans sa jeunesse, jou le rle de Genevive, avec un tel feu que sa raison fut branle par les applaudissements de la foule et par le bruit qui s'ensuivit dans tout, le pays ; ce qui contribuait encore l'accrotre tait l'incognito de l'actrice, qui avait paru farde et teinte jusqu'aux cheveux. Je l'ai connue, m'crit M. Duvoisin, grande, maigre et noire; elle avait des yeux vifs et d'une svrit extraordinaire, quand elle ne murmurait pas ses chants devant les rochers autour desquels, la quenouille au ct, elle faisait patre quelques misrables brebis. Il me fallut plusieurs mois de patience et de cour pour me faire agrer de la pauvre monomane ; encore, n'ai-je pu obtenir d'elle que la plus faible partie de ce qu'elle savait. Mais j'ai vu cette femme ride, un genou sur un escabeau, la figure moiti tourne vers le public devant lequel elle se supposait, les yeux fixs au mur sur une image du Juif errant qui remplaait le crucifix de l'oratoire ; sa poitrine se gonflait comme aux beaux jours de sa jeunesse; j'ai entendu sa voix chevrotante, vibrante, pntrante, et jamais je n'oublierai cette scne. Il me semble que, dans les pastorales, il n'y a gure d'entr'actes. La pice se joue ordinairement sans interruption, et les mouvements grotesques d'Allah, dont j'ai parl plus haut, viennent 1 Voicie dbut utextebasque : l d Nieez dioterran, Nieczdiotpentza Biliotzcan ccrdudini. Oi!icurc balsa Doidoia adoba b Aircra Ceructara; Neroni banoha HareMntean b etc.. Aircan;,

ItEPBSENTATIONS

DItAMATIQCES.

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distraire le public pendant les interruptions accidentelles survenues, par la faute'des acteurs qui tardent trop paratre. Dans les pices qui admettent des entr'actes, la, scne est occupe, aprs la retraite des acteurs, par des jeunes gens agiles, au nombre de cinq ou dans une danse particulire, les combats six, qui reprsentent, entre les bons et les malins esprits en lutte pour la possession d l'homme. dont a rendu compte M. Louis Comme la pice tyrolienne nault, les pastorales que je possde commencent toutes par un qui rsume le sujet. Dans quelques prologue la faon d'Euripide, pices, le mme personnage annonce la conclusion de la pastorale, en dclamant la moralit du drame et divers conseils aux pres, on mres, jeunes gens, etc. Quant au ton de la dclamation, peut le rsumer en quelques mots : mesme iambique, parfaitement conforme aux rgles de l'Art potique d'Horace. Les costmnes se composent de tout ce que l'on peut obtenir d'ancien et de beau dans les chteaux et dans les maisons bourgeoises, en vertu d'un droit acquis de temps immmorial la jeunesse, droit que l'on ne saurait lui dnier sans s'exposer Les coiffures surtout sont l'objet de soins quelque reprsaille. et l'on y prodigue les rubans et les bijoux. Chacun particuliers, autant que possible du costume qu'il essaie, de se rapprocher attribue son personnage; mais, il faut le dire, acteurs et spectateurs sont assez peu difficiles sur ce point. Voyez plutt : l'habillement d'un roi chrtien consiste communment en un pantalon blanc galonn, un beau gilet, un habit bourgeois et de petites bottes; une couronne orne d'une riche chane d'or, une autre chane de mme mtal descendant sur le dos et sur l'estomac, une pe, une canne, des gants, deux montres et la croix d'honneur compltent ce costume, bien fait pour blouir des paysans. Les courtisans qui accompagnent le roi sont vtus de mme, avec cette diffrence qu'ils sont coiffs de chapeaux pareils ceux de nos gendarmes et garnis de plumets et de rubans. Les princes musulmans portent de grandes bottes, un pantalon blanc galonn, un habit rouge, un chapeau cylindrique dcor de panaches et de petits miroirs ; leur suite offre des costumes pareils, si ce n'est 4

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qu'au lieu d'habits, ceux qui la composent ont, des vestes courtes en earlate; les uns et les autres portent de grands sabres. Quant aux danseurs qui paraissent sur la scne pendant les entr'actes, et que l'on nomme Satans, ils ont des escarpins rouges garnis de petites sonnettes, un pantalon blanc galonn , une ceinture en soie, un riche gilet, une veste earlate, un chapeau triangulaire en carton orn de rubans et de plumets, et une petite canne pareillement dcore de rubans rouges de 40 centimtres. Rien de: particulier dans le costume des quatre hommes qui veillent chacun l'un des coins du thtre pour qu'il ne soit pas encombr par le public. Si j'en fais ici mention, c'est pour n'oublier personne. J'ajouterai que, dans certaines localits, la scne est compltement libre, et que les personnes qui ont droit des places rserves les occupent sur une estrade construite ct du thtre. Ces pastorales sont toujours reprsentes par des acteurs du mme sexe. Quelquefois, quoique assez rarement, les jeunes filles se donnent en spectacle sur les trteaux ; mais on n'y voit gure (Yelcheco-alhaba, c'est--dire de fille de bonne maison, tandis que les jeunes gens acceptent gnralement des rles sans distinction de position. Eu Tyrol, on fait le contraire, et tous les rles sont tenus par des jeunes filles. Le joui' de la reprsentation, tous les acteurs font une promenade dans les rues de la localit ; ils vont ensuite dfiler sous les fentres du maire et autres personnages notables; enfin, ils se rendent sur la place o s'lve le thtre,. qu'entoure dj une foule nombreuse, qui se compose de tous les habitants valides des villages situs dans un rayon assez tendu. Arrivs au pied du thtre, les acteurs, aprs maintes volutions, descendent, de cheval ; l'archange du mal monte le premier les degrs ; aprs lui viennent ses serviteurs, suivis des autres personnages dans l'ordre de l'importance de leur rle. Tout ce monde se retire dans la partie du thtre qui lui est affecte, et bientt on en voit sortir avec gravit l'acteur- charg du prologue. Aprs avoir salu l'assistance, il dclame son rle avec force gestes en arpentant la.scne. Quand il a.fini, il salue encore le public, et la pice commence.

HEPHSENTATIONS DRAMATIQUES.

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Il est vraiment impossible de dire combien l'attention et le silence rgnent, malgr le concours si nombreux de spectateurs de tout ge, de tout sexe, de toute condition. Ils restent ainsi entasss, suffoqus, dans une posture gnante, pendant les quatre ou cinq heures que dure la reprsentation ; sur ces figurs avidement tendues vers la scne, on n'aperoit pas le moindre signe d'impatience ; de ces poitrines qui souvent, respirent avec peine, on n'entend sortir aucune plainte, si ce n'est lorsque l'innocence ou l'a vertu sont perscutes : alors l'attendrissement va jusqu'aux larmes. On recueille avec avidit tous les dialogues, toutes les maximes, dont on tirera parti plus tard dans la conversation,et pour l'ducation des enfants. Un acteur, s'il a une belle voix et s'il gesticule avec aisance, entendra longtemps son nom rpt avec loge ; s'il rend mal son rle, il s'expose recevoir, pour longtemps aussi, un surnom destin perptuer le souvenir de son chec. Le spectateur n'est tenu aucune contribution ; nanmoins, les acteurs rentrent, et bien au del, dans tous les frais de la repr- sentation. Deux sources de revenus leur sont en effet assures : la premire consiste, dans les rafrachissements distribus en leur nom tous les assistants, qui rpondent cette libralit par des dons volontaires d'une valeur suprieure. Ces rafrachissements sont tout simplement des verres de vin ou d'eau rougie, que des trios de jeunes gens et de jeunes filles offrent aux spectateurs; les jeunes gens font la collecte et les jeunes filles versent boire; ceux-ci sont ordinairement de bonne maison ou mirguilliers de la paroisse. La deuxime source de revenu prend naissance dans un autre divertissement, galement en usage dans le Tyrol en pareille circonstance. A la fin del reprsentation d'une pastorale, on excute sur le thtre des danses diverses. Le public y est, admis ; mais l'honneur de danser les trois premiers moutchiko, ou sauts basques, est mis l'encan par les agents des acteurs, et la jeunesse des diverses communes se le dispute. Celle dont les jeunes gens ont le plus offert, passe pour la plus importante; il en est de mme pour les deux autres qui viennent aprs. Le premier saut basque cote quelquefois de 150 200 francs,. le deuxime

. LE PAYS BASQUE. de 20 50, le troisime de 15 30. Aprs ces trois" danss vient, un bal ordinaire. Une fois les frais acquitts, les acteurs consacrent le.bnfice, s'il y en a, payer le vin bu pendant les rptitions et donner un. banquet suivi d'un bal, huit j ours aprs la, reprsentation de la pastorale. Le soir mme du joiu o elle a eu lieu, les assistants rentrent chacun chez eux avec une abondante provision de souvenirs et de conversations; mais ls amours et les combats dont ils viennent d'tre les tmoins, se retracent quelquefois leurs regards dans toute leur vrit. Que deux communes rivales viennent marcher dans la mme direction, les jeunes gens se rencontrant se mettent jouer du bton, et le drame, que l'on croyait termin, se dnoue quelquefois en cour d'assises. A quelle poque peuvent remonter ces sortes de reprsentations? C'est ce qu'il est impossible de dterminer. Les sujets que l'on y traite, presque tous tirs de la vie des saints, de la Bible et des chansons de geste, la fixeraient au XIIIe ou au XIV- sicle, . temps o la reprsentation des mystres et la lecture des romans de chevalerie furent le plus en vogue. Cependant les nombreuses pastorales sur la lutte des chrtiens contre les musulmans, celle qui roule sur la mort de Roland, et d'autres circonstances, feraient supposer que ces pices sont moins des imitations des mystres qu'une cration indigne.' Quoi qu'il en soit, leur institutionparat avoir eu un but utile, moral et patriotique. Malheureusement de nos j ours, o les anciennes traditions sont dj si profondment altres, bien des reprsentations de pastorales ont lieu dans un but d'intrt pcuniaire et l'instigation des aubergistes, qui s'arrangent de faon, n'y rien perdre. Parfois aussi on voudra faire pice au cur de la paroisse, homme rigide qui aura tonn contre les dsordres amens par ces runions; D'autres fois on cde, aux souvenirs et aux usages du pass, qui se rveillent dans toute leur force l'occasion de cinq ou six jeunes gens, heureusement dous de la nature, dont une commune voudra se faire honneur, etc. Tous les Basques sont trs-friands de ces reprsentations dramatiques ; nanmoins,, il ne parat, pas qu'il ait t compos beaucoup de pastorales en escuara ailleurs que dans la Sole, pays

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dont Maulon est le chef-lieu. C'est dans ce coin de terre, qui a vu natre les Oihenart, les Archu, en un mot les meilleurs potes les plus basques, que l'on conserve les recueils dramatiques les plus soirenomms, et que se donnent les reprsentations gnes, comme les plus frquentes. La basse Navarre n'a gure, je crois, de pastorales propres, non plus que le Labourd. Les Labourdins ne connaissent mme pas chez eux ces spectacles, ou, parler plus exactement, ils paraissent avoir abandonn la trads femmes qui l'ont gdie ; car il y a encore Saint-Jean-de-Luz joue. Quant la comdie, ils n'y ont point renonc. Cette diffrence dans les coutumes d'un peuple du mme sang, agglomr sur un seul point, se retrouve encore dans d'autres amusements, comme les drames satiriques, les mascarades et les divertissements du carnaval, que l'on ne voit pas ailleurs que dans la Sole, avec le sens cach qui les distingue. Cette partie du Pays Basque, dont le nom Suberoa prsente des Basques le su ou vous respectueux *, n'aurait-elle point eu autrefois quelques prrogatives ? Son dialecte, du moins, peut tre compar l'ionien pour la douceur relative des mots et l'harmonie de la prononciation ; c'est sans contredit la plus potique des varits de l'idiome euscarien. L 1 Ainsi crit, ce nom signifierait ous seule; mais .cette lymologic v trouverades el contradicteurs. D'abordles Labourdins les bas Navarrais disent Suberoa,ou plutt cl l chaud.En 'Anberoa, lesSuletinseux-mmes, la plupart,Ciberoa. lerousignilie pour secondlieu,jamais, dans le basque,pronomn'entradansla formation d'unnompropre. Touslesnoms esl sontformsd'unsubstantif u o delieudontla signification incontestable, de deux,avecousansdsinence e finale,ouavecun nomdenombre d'unsubstantif td'un ; C'est lii une rgle sre qui contrariefort-leschercheurs adjectifou participe-adjectif. du v le d'tymologies pays, et contrelaquellela plupart ontchouer. Oihenart egarde r nomdelaSolecomme necontraction u del'ancientermeSubola, uisignifie,enbasque, q un pays de fort. ( NoliliaulriusqueVasconiie, III, chap.IV, p. 402. CfiIladriani liv. Valcsi-i NoliliaGulliarum, . 555, col.2.) Uconvient 'ajoulerquenos anctresdisaient p d on Soble,comme le voit par un article des instructions donnes,en 1378,Kun agent secretde Cliarlcs-le-Mauvais. servir l'histoirede Charles etc., par. II, (Mmoirespour A Secousse. Paris,chezDurand, .DCC.LYH.,in-4, p.575,576.) t. Il, PierreOlhagaray, M parlantde la Sole,qui esl, dit-il, le pals anciennement appelCnberoa', ajoute: motbasque vousesteschaud,pourcequele peuple estdejovialle compos uisignifie q y Quantaunomfranais, l luidonnepourorigine quece petit recoinenvironn humeur. i duBcarn,Aragon,et basseNavarre, 'est tousjours aintenueul enl'obissance sroys d s m s de France, contenant-ls l deSainctvilleset chasteaux Maulon,e Bourg,et l'abbaye de ou Engrace,Villcneufve, Montori,etBarrcus,avecenviron60. parroisses villages, etc. (Histoiredes comptes Foix, Bearn el Navarre,etc. A Paris, M.DC.XXIX., de in-4, liv, III, chap.H, p. 489.) . ..-

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LE PAYS BASQUE. dialecte labourdin rpondrait l'attique, le bas navarrais participe des deux prcdents, comme le pays o on le parle tient de la Sole et du Labourd ; en d'autres termes, le dialecte souletin a des inflexions musicales, auxquelles le bas navarrais participe plus ou moins, et que le caractre biblique dulaboiu'din ne saurait admettre. Cette comparaison des dialectes basques aux dialectes grecs n'est point, du reste, une simple rminiscence de grammaire, et il ne serait pas impossible de la justifier en tablissant la conformit des rgles dans les rapports des dialectes de l'une et de l'autre langue. Mais j'ai encore un mot dire des pastorales, et je m'empresse d'y revenir. Leurs auteurs sont tout fait inconnus. On n'a conserv le souvenir que des instituteurs qui depuis un sicle se sont attachs recueillir les productions des muses euscariennes, et employs les faire reprsenter. Ce sont Agie, de Tardets, Laxague, de Lichans, et Gojdieneix, d'Alay. Depuis 1826, M. Saffores an, facteur de la poste dans la premire de ces localits, y a fait jouer, ainsi que dans le reste de l'arrondissement de Maulon, de cinquante soixante pices. C'est cet homme modeste, grand collecteur de pastorales basques, que je dois quelques-uns des dtails qui prcdent; les autres, en plus grand nombre, m'ont t fournis par M. l'abb Bordachar, de Maulon, ancien conome de l'Institution de Saint-Palais, qui rappelle mon digue ami, feu l'abb Sgalas, fondateur de cette maison, mais qui ne - saurait le faire oublier. Si ce qui prcde a pu intresser, je n'ai plus qu'un seul voeu former : c'est que le thtre basque, dj amoindri par des pertes invitables, soit.bientt publi, avec une traduction et des notes, par un homme familiaris avec les ouvrages analogues que nous a lgus le moyen ge. Nous aurons ainsi une nouvelle expression du gnie populaire dans notre pays, nous donnerons un nouveau sujet d'envie l'Europe savante, et l'on ajoutera l'histoire littraire de la France; car, mme en supposant que la plus grande partie de ces pastorales soient traduites ou imites de nos anciens mystres, ou tires de nos vieilles chansons de geste, il faut reconnatre que nombre des originaux franais n'existent plus.

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Ne compte-t-on pour rien aussi l'avantage qu'il y aurait posr sder un corps tendu de posies basques ? Depuis le XVI sicle, l'attention des savants de l'Europe et mme de l'Amrique est fixe sur l'idiome dans lequel elles ont t composes, et personne ne songe faciliter cette tude en lui fournissant des lments, c'est--dire eu publiant des textes purs-et dj consacrs. Un jour viendra, gardons-nous d'en douter, o l'on trouvera que c'est trop attendre et o l'on voudra recueillir les effusions de la muse ce sera trop tard, et il pyrnenne; mais, comme toujours, faudra beaucoup de temps et beaucoup de peine pour rassembler des feuilles qu'il n'y aurait aujourd'hui qu' ramasser parterre, o elles gisent sans honneur, en attendant que le vent qui vient de France ou d'Espagne les emporte dans l'abme.

'J'obvfti-niunslruv,

pu comdies.

Il ne faut pas s'attendre trouver de Molire chez les Escualet rien ne dunac : le Basque n'est gure ami des abstractions, saurait tre plus loign de sa pense que de faire la critique des moeurs en gnral. Les moeurs prives, les faits qui blessent ses regards et deviennent des scandales publics, c'est l tout ce qui le touche, voil ce qu'il fltrit, ou du moins ce qu'il fltrissait jadis. ujoxu-d'hui, en effet, les cinsarrot et les asto lastercac seraient une cole de moeurs fort peu conseiller. Un mari se laisse-teil maltraiter par sa femme, en dpit de la loi salique qui veut en France que femme file et ne commande pas, avant peu un drame satirique montrera au public malin le sceptre de la famille tomb en quenouille. Ces sortes de pastorales, autrefois, dit-on, assez frquentes, sont presque dlaisses ; c'taient des pices de circonstance dont la coutume interdisait de garder copie, sous peine de s'exposer des vengeances terribles et sanglantes.. La course suiv l'ne (asto lastercaj tait la fltrissure inflige l'infidlit conjugale; je dis encore tait, parce que depuis quelque quinze ou vingt ans la police empche ces jeux tradi-

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tionnels, devenus trop licencieux. En effet, ce n'est pas seulement dans le cas d'attentat contre l'autocratie de l'poux que le public tait appel comme juge : la conduite scandaleuse du mari ou de la femme lui tait aussi dnonce et transporte sur la scne, pour mettre en quelque sorte les coupables dans l'impossibilit de poursuivre leurs criminelles intrigues, et pour donner l'poux ou l'pouse offense une rparation solennelle. Malheur alors aux auteurs du scandale! Les jeunes gens se sont runis, les parents eux-mmes accourent; un pote a t appel, on l'a mis au courant de tous les dtails; il va, pour un prix dtermin, composer un drame, d'autant plus applaudi que le rimeur saura mieux enchsser dans l'expos fidle des faits .incrimins tout ce que l'ironie, le sarcasme et le ridicule ont de plus subtil-, de plus amer. Qu'a fait le coupable? Comment l'a-t-il fait? De quels moyens s'est-il servi? Quelles personnes l'ont aid? Quelles sont les qualits de l'poux ou de l'pouse offense? Respect, gards dus la religion, la famille, la parent, au publie, etc., tels sont les lments, le thme de ces drames, dont le mrite consiste dans la vigueur des maximes, la finesse des allusions, la souplesse et le naturel des transitions, et se mesure la quantit des larmes rpandues en faveur de la victime. Les asto lastercac sont, du reste, diviss en actes et en scnes, etc., et se jouent de la mme faon. Le costume des acteurs ne diflre en rien de celui des personnages qu'ils reprsentent et dont ils essaient d'imiter la voix, la pose, en un mot tous les caractres distinctifs. Le nom d'asio laslerca (course sur l'ne) vient de ce qu'autrefois la femme coupable tait conduite de force sur la scne et promene ensuite dans le village, cheval sur un ne dont la queue lui tenait lieu de bride. Les progrs de notre civilisation ne permettent plus que l'on traque le vice avec cette svrit Spartiate, et nanmoins il y a prs d'un demi-sicle que cet usage subsistait encore : M. Bordachar se souvient de l'avoir vu deux ou trois fois mis en pratique. Les charivaris 1, autrefois usits partout, en dpit des dfenses do c Cint-zarrosac,cintzarri, lochettes.

REPRSENTATIONS DRAMATIQUES. D7 de l'glise et de l'tat *, le sont dans la Sole autrement que dans les autres contres, mme les plus voisines. Un veuf ou une veuve songent-ils convoler de nouvelles noces, fte pour le village. Ds que les projets de mariage ont, pris de la consistance, tout le menu btail est dpouill de ses colliers sonnettes, les cornes de 2 fait entendre ses*sourds boeuf sont prpares, le thupina-ulsu mugissements, un pote gag vient chaque soir, avec son formidable porte-voix, dbiter de potiques conseils aux poux devant leur propre demeure. Chaque quatrain est accueilli par les hourrahs de la multitude et le vacarme horrible des clochettes, cornes de boeuf et thupina-utsu, qui confondent leurs affreux concerts. Mme srnade, toujours assaisonne de couplets improviss, aura lieu jusqu' la nuit des pousailles ; car jamais veuf, dans la Sole, ne se maria de jour. Un cortge d'honneur, musique et pote en tte, accompagne les nouveaux poux l'glise ; de gros enfants de choeur leur font humer le parfum de piments rouges, qu'ils brlent dans des pots de terre, dont ils les encensent. Enfin, au moins dans la basse Navarre, on porte au bout d'une perche un chat entour de paille laquelle on a mis le feu 3. Au retour de la crmonie, le mme cortge reconduit les maris jusqu' leur demeure, et l se termine leur supplice. "Les choses, au reste, ne se passent point toujours de la mme faon. Par exemple, un jeune homme sans fortune vient-il de se marier avec une veuve riche et vieille ? on leur fait publiquement leur procs. Deux avocats, l'un demandeur au nom de la jeunesse, l'autre dfendeur pour la vieillesse amoureuse, se livrent assaut. ' Traitdesjeux el desdiverlisscmens, A Tliicrs. Paris, chez etc.,parJean-Baptiste Antoine czallicr, a D M.DC.LXXXVL, in-12,chap.XXIV, rt. vi, p. 288-292. - Tirelire.Lemollupinan'est pasbasque, aisroman,cl commeel il a trecueilli t m danssonLexiqueoman,l. V,p. 575,col.2. Onle retrouve un dans parM.Raynouard, r acte pass Estella,en 1515. Diecionario antiguedades elreinode Navarra,l.I, h le d ( u avaient galement p. 425.) LesProvenaux topipourdsigner n pot, queles paysans duPrigord appellent loupiet ceuxduBeaujolaisu-pin. t 3 C'taitdireaumariqu'iltaitun jeannol,outoutaumoins la Saint-Jean,teo de f il taitd'usage debrlerdeschats. oyezurlesauto-da-f decesmalheureuses V s btes,que l'onfaisait i Paris, a cettepoque, urla placede Grve,unelongue i noiedeM.Edouard s d des d el d Fournier, ansson dition Caquets e l'accouche, le.Miroir e contentement, 14 p. et 15 du l. U des Varies historiques littraires, etc., revueset annotespar le et mme A auteur. Paris, chezP. Jaanet,MDCCCLV, in-12.

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Tous deux se renferment dans la discussion du fait moral, en prenant, ls passions humaines du ct qui prte rire, en vitant surtout les personnalits qui pourraient donner lieu des reprsailles. Le but de ces diverses reprsentations, qui rappellent les moralits du moyen ge, tait sans doute de dtourner des secondes noces; mais ce moyen, aujourd'hui sans effet, n'est plus pour les jeunes gens qu'une occasion d'extorquer, de guerre lasse, leurs victimes, une contribution plus ou moins forte pour prix de leur ' silence. Par le sacrifice d'une barrique de vin, le veuf le plus renforc peut compter sur l'impunit de quelques fianailles qu'il mdite ; mais aucun ne russira se remarier sans avoir pay son amende auro aut auribus *. La facilit avec laquelle la langue basque se prte la versification, cause des inversions qu'elle permet et des rgles de sa syntaxe, qui toutes aboutissent des variantes de dsinences, fait que tout Basque peut composer des vers; s'il a de l'imagination, il deviendra une espce de barde, et sera invit chanter tout ce qui dans les nouvelles du joui' frappera tant soit peu ses compatriotes. Une autre observation importante faire sur l'escuara, c'est que, comme toutes les langues anciennes, elle exprime dcemment, par leurs mots propres, nombre de penses et de choses que les convenances actuelles obligent de rendre par des quivalents ou par des priphrases, dans les langues modernes. Ainsi il existe une foule d'expressions basques qui ne choqueront pas les oreilles les plus dlicates, les plus chastes, et qui cependant, traduites littralement en franais, seraient insupportables. Il rsulte de l que l'introduction du franais dans la Sole, le Labourd et la basse Navarre, peut bien, dans les commencements, tre nuisible, en veillant par sa dlicatesse mme l'attention sur les mots de la langue euscarienne employs jusque-l avec la nave simplicit des temps antiques. C'est ce qui explique la 1 Ce tributlevsurlesmarisemble n rcsledecedroitde pelote,quetoutveuf u s u o veuveeremariant, toute s ou marietrangre pays au desonpouxdevaitpayer autrefois , ; lespremiers seracheter charivari, autres ourndemnitl'abb lbazoelie du les a d pour p i oudemaugouvern. en d Ce-droit, supprim Roussillon ditdeJyme dumois omai par I5r, s e 1 (Histoire eRoussillon,'V^ \y.ixxxvi.) d 1300, ubsistanProvence jusqu'en789. \mtl,,

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rsistance que le clerg basque semble opposer aux efforts de l'administration pour rpandre dans les Pyrnes l'usage exclusif du franais, si favorable l'exercice de l'autorit gouvernementale. Je ne sais gure jusqu' quel point ces considrations et les dtails qui prcdent parviendront intresser le lecteur; mais je n'en ai pas fini avec ces derniers, et je reprends mon rcit o je l'ai laiss. Les seconds mariages ne sont pas les seuls sujets des causes grasses que nous venons de signaler chez les Basques. En gnral, lorsqu'un vnement singulier, en dsaccord avec le caractre et les usages des habitants, vient, porter l'moi parmi eux, les jeunes gens se runissent pour dcider si l'on en fera le sujet c'est--dire d'un charivari reprsent. La d'un iobera-mumlra, majorit se pronone-t-elle poiu l'affirmative? on passe la crmonie du bton. Tous ceux qui veulent prendre part au drame comme acteurs, ou simplement se cotiser pour subvenir aux frais de la reprsentation, se runissent d'un ct. Deux d'entre eux tiennent un bton chacun par un bout, et tous les associs passent dessous : ce qui constitue un engagement sacr; On procde ensuite la nomination de commissaires chargs de veiller aux prparatifs. Comme ils ne sont pas secrets, le bruit du divertissement qui s'apprte ne tarde point se rpandre dans les cantons voisins, et, au jour indiqu, l'affluence est considrable. La partie scnique de ces ftes, que M. Duvoisin a pris le soin de dcrire J, consiste en plaidoj'ers, dont on ne peut reproduire les paroles, toujours improvises. Cet crivain s'tend longuement sur la tactique suivie par les deux orateurs, de faon nous donner la plus haute ide de leur talent et des ressources qu'ils mettent en jeu; je me bornerai dire qu'ils les emploient toutes, jusqu' l'allgorie, figure pour laquelle les Basques ont une grande prdilection, et qu'ils visent bien plus haut qu' convaincre leur auditoire : enlever les suffrages dans des positions difficiles en faisant rire le public de ses travers, voil leur triomphe, le seul qu'ils ambitionnent. 11 existe dans le pays un certain nombre d ces sortes 1 Comdie Basques, ansVAlbum des d 2 ann. pyrnen. mc Pau, 1841, n-8,p. 210,211. i

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d'avocats.-; leur rputation, une fois bien tablie, leur vaut la considration que donne ailleurs la richesse, et leur socit est fort recherche. Les crimes ne sont jamais traduits cette barre populaire. A part quelques traits lancs contre les notaires, les gens de lois, de chicane et d'argent, on ne s'attache qu' tourner les vices en drision et gayer le public aux dpens des gens ttus, des gourmands, des avares, sans oublier les autres pchs capitaux. Sans doute, il n'est point ais de dmler une mthode dans ces plaidoiries, et l'on peut les trouver trop longues, trop burlesques; mais, aprs tout, ce sont des reprsentations curieuses, et le Basque eu fait ses dlices. M. Duvoisin en trace ainsi le tableau : Une garde cheval ouvre la marche ; elle a pour uniforme le pantalon blanc, la ceinture en soie ponceau, la casaque blanche, et, un norme colback orn de brillants, de panaches et de rubans de diverses couleurs flottants sur les paules. Vient ensuite la musique, compose de fltes, de tambourins, de violons et de tambours. Elle prcde une quarantaine de danseurs. Ceux-ci s'avancent sur deux files en march cadence; c'est la clbre danse connue sous le nom de moresque, et qui est rserve aux ftes nationales *. Cette troupe aie mme costume que la garde cheval; chaque danseur tient sa main droite une baguette garnie de rubans et surmonte d'un bouquet de fleurs artificielles. Ensuite viennent le pote et un huissier, puis un juge et deux avocats en costume de palais. La garde pied, arme de carabines, les escorte et ferme la marche. Le juge et les avocats montent sur le thtre; ils s'asseoient devant trois tables. Le pote se place sur 1 Onappelait moresques el aussi lesairsdeceltedanse.. .louan, anssonRecueil Aboi d discours uvoyageuroyCharlesX...en sespais cl provinces Cliampaigne... d de GasI d elc. coigne, aionnc, (AParis,pourJeanConfons, B M.D.LXVL, fol.17verso), in-8, raconte uependant sjour uroi a'Lyon, n1504,ce prince renait laisir s'prouver le d e q p p surlarivire l b voir.Plus sonneresMoresques, faisoit on aprs qu'il souper, eta faire loin(fol.80verso),onlil quependanteshuitjoursqu'ilpassa11 l Sainl-Jean-de-Luz, Charles pritplaisiravoirdanseresfillesilamode PaysBasque, quisonttoutes IX ' l du c u faicl e londucs, elles nesontpointmaries, t onttouteschacunn labourin, enmaqui lescanatlelnire crible, uquel aforce de unedance u'ilz etdansent q appellent a y ' sonnettes, /es.cl 'autre lendel. . l le

61 REPRSENTATIONS DRAMATIQUES. l'avant de la scne,: gauche des magistrats ; l'huissier est devant le thtre. Pendant ce temps arrive: un deuxime cortge: Des jeunes gens habills la faon des personnes qui occupent la chronique, sont lentement trans sur une voiture ; un huissier, mont sur un ne et tourn vers la queue, les suit; une foule d'arlequins, de polichinelles et. de farceurs aux figures grotesques les entoure de toutes parts. De ce nombre sont des marchaux qui ferrent, dferrent, froissent et traitent si bien la pauvre bourrique, que, plus d'une fois, impatiente de tant de soins, elle se sauve, jetant, la renverse huissier et marchaux. Lorsque tout ce monde pris place immdiatement au-dessous du thtre, les huissiers ordonnent le silence. Chacun se tait. La musique jou un air, et aussitt le pote, improvisant sur les mmes tons, C'est, un chant annonce au public le sujet de la reprsentation. moiti bouffon, moiti srieux... Dans le dernier couplet, le pote indique l'avocat qui prendra la parole le premier, soutiendra la cause des moeurs violes et demandera rparation du scandale commis. L'avocat dsign se lve. Il commence un plaidoyer bien assaisonn d'pigrammes mordantes qu'il lance sur son adversaire. Celui-ci... riposte sur-le-champ par des traits non moins acrs; il ne se borne plus la dfense, il poursuit l'aggresseur sur son propre terrain. Il s'tablit entre eux un dialogue en prose lime, et, quoique l'actualit doive dominer dans la discussion, les dbats deviennent ncessairement une satire gnrale des vices et des ridicules de tout genre. Les deux champions luttent d'esprit se dchirer les membranes du cerveau ; leur verve, anime encore davantage par la causticit du style, fournit tant de traits malicieux et de saillies spontanes, que le public ravi les interrompt Ces reprsentations, souvent de ses applaudissements. comme les autres, ont, leurs eiitr'actes occups par des danses du pays et des intermdes, o plutt des bouffonneries dues aux polichinelles et aux arlequins. Puis la lutte recommence entre les avocats. Il survient parfois des incidents, des contestations sur certains usages ou sur des faits qui se rattachent l'action principale. Le juge est appel se prononcer, et, quoique l livre de la loi soit ouvert devant lui, il adresse souvent, par la garde cheval, des

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messages au snat, aux ministres et au roi lui-mme, pour connatre leur avis. D'autres fois, un huissier sera accus de fauxou de tout autre crime par l'un des avocats. Le juge le condamne mort; il fuit; les gardes le poursuivent coups de fusil. Il finit par tre dcapit sur la place, mais il ressuscite. Il fuit de nouveau, et de nouveau il est poursuivi. En attendant, la plaidoirie suit son cours. Enfin, le grand juge se lve ; d'une voix solennelle, il blme le scandale et condamne les auteurs la peine de mort. On se prpare excuter la sentence, le glaive est lev, quand arrive bride abattue un courrier qui annonce grce de par le roi. Ici finit la pice : juge et avocats se retirent pour faire place aux musiciens, et les contredanses, puis les sauts basques', commencent pour ne cesser qu' la nuit. Aprs ces spectacles, qui tombent en dsutude, nous parlerons des mascarades muettes toujours en usage dans le Pays Basque, et qui, suivant mon cicrone, datent au moins du XVI 0 sicle et figurent les diverses classes de la socit fodale. Que l'on se reprsente une petite bourgade du XIIIe ou du XIV sicle, dont tous les habitants runis un jour de fte dans la cour du manoir seigneurial s'alignent sur deux rangs. Le chtelain et la chtelaine se joignent leurs vassaux. Le tout dfile en silence par les rues principales de la bourgade, et se rend sur une place publique pour consacrer la soire des danses particulires et varies suivant la condition de ceux qui les excutent : on aura l une ide des mascarades souletines. En tte marchent gravement un violon, un tambour et deux tambourins, qui jouent l'air traditionnel du dfil, air la fois de marche et de danse, auquel le jarret basque peut seul obir. Arrive immdiatement aprs le cherrerO, espce de courrier ou d'estafette, tout par de clochettes et arm d'une longue perche surmonte d'un panache en crin, avec lequel il balaie, en dansant, les lieux parcourir; il veille encore dissiper les attroupements de curieux et mnager un passage libre au dfil. A vingt pas de distance et en tte du cortge se montre l'cuyer ou chevalier ; son corps est encadr la ceinture dans une construction destine figurer un cheval. On n'a rien pargn pour sa parure : sa toqu, son cheval de bois, son corset

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or ns. C'est d'ailleurs le et jusqu' ses souliers sont richement ieune homme le plus agile de la localit- Six jeunes gens en veste rou'e et pantalon blanc voltigent autour de lui et sont suivis d'Une trentaine de uculleros costums d'une manire uniforme et lgante; ils ont la main une badine orne de rubans, qu'ils croisent deux deux chaque volution ou mesure de danse, correspondant quatre pas de march: ordinaire. Ces acteurs reprsentent proPuis viennent l chtelain et la bablement les gentilshommes. chtelaine eii costume de ville, aprs eux le paysan et la paysanne coiffs du gros bret du pays. La chtelaine et la paysanne sont et vtus deux enfants, de quinze seize ans, encore imberbes, suivant, leur rle. A ct du paysan se trouve le berger, conduisant, des agneaux. Voil la partie libre deux petits enfants reprsentant de la socit, comme la fleur de la jeunesse du village; elle forme la premire partie de la procession, que je serais assez tent de mulier formosa superne. Sur un comparer la femme d'Horace, second plan,, et comme une queue hideuse, apparaissent les serfs, eskelleria. Outre une caricature de tout ce qui prcde, figure par un chevalet et des uculleros en haillons et grotesquement de chaudronniers, accoutrs, on voit une suite de gagne-petit, de bohmiens et de bohmiennes, de mendiants, de conducteurs de charlatans, d'ours, d'apothicaires, etc., tous censs trangers au pays, et qui cherchent vider la bourse des spectateurs. Aprs le dfil et les stations ordinaires devant la porte des principaux habitants, arrivs sur la place, les acteurs de la mascarade excutent des danses de caractre. La premire est celle, du chevalet, qui, dans un cercle d'environ quarante pas de diamtre, doit, sans perdre la mesure, chapper autant que possible la C'est l surtout que l'on peut poursuite de ses six satellites. remarquer la souplesse et l'agilit de la jeunesse basque ; cette danse est un vritable exercice gymnastique lL.D'autres se succdent tour tour, diffrentes, entre elles comme les airs qui les et qui leur sont propres et traditionnels. accompagnent, Enfin, le 1 Elle,est aussi en usage dans le dpartementd,e!'Hrault.(DuMge,Stat. gn. des et uptirt.pyrn.,tAI,.y. 593-595.) dansceluide la Loire-Infrieure.. (Mm.del'cad. Celtique, tc., t. II, p..575-585.) e

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LE PAYSBASQUE. '

chtelain tend la main la paysanne, le paysan la chtelaine; ils dansent tous quatre une contredanse, qui termine la fte. Le dfil recommence, et, revenu au point de dpart, chacun se retire chez soi ou plutt dans les cabarets. Les membres de Yeskelleria dposent entre les mains de l'aubergiste les bnfices del journe, le chaudronnier a remis ses comptes et donn quittance de sommes fabuleuses pour 5 centimes, le gagne-petit a aiguis maint bton, l'apothicaire a vid ses botes de pilules, les bohmiennes ont bross tous les chapeaux et prdit chacun un avenir fil d'or et de soie, etc. Tous les mtiers ont t lucratifs, et les spectateurs, qui plus, qui moins, assez gnreux pour qu'un plantureux souper soit assur aux acteurs de la fte 4. Il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de dterminer l'poque exacte d'o datent ces mascarades. M. Bordachar, au risque de blesser la susceptibilit nationale, manifeste l'opinion qu'elles ont bien pu, de mme que les pastorales, tre inspires ou importes par les comtes de Tresville et leurs mousquetaires.' Rien de plus naturel, ajoute le savant, abb, que les Tresville tant Suletins et, en mme temps haut placs la cour, aient voulu, pendant, leur sjour dans le pays, organiser des ftes l'instar de la capitale, vers la fin du XVI" sicle, et que ces ftes se soient, ainsi conserves jusqu' nos jours. Il trouve, il est vrai, une objection son systme dans les airs de danse et de dfil qui paraissent trs-anciens et de cration basque 2; mais il ne s'y arrte pas. 1Voyez uneautre de f l en M. description pareilletedanse Voyage Navarre,'Ae Cbaho, chap.X,p. 555-537. I : Uexislc, urlesdanses s de un v i : basques Guipuzcoa, curieuxolumenlilul Guipuzcoaco dantza Conduira cdohistoriaberen zar, etaHzneurtucdo soiiu gogoangarrien dantzazeco iracasle do c instruccioacre. Obrabalio andicoa versoaquin. Baitaberacongui etachitpremiazcoa, lendabicico Guipuzcoalarren jostaldia gaitzic gahecoaquin, elorqui a oitura Berraren D.Juan Espafiar clagarbi ien arqui maitagarrien gordacaiateeco. eguillea d errileialZaldivian Ramon IgnacioeIztueta, Guipuzcoaco jaio,a,elc. Donoslian,Ignacio 1824 urlcaneguifia.Notice uhistoire esdanseses o d l Baroja-ren oldizteguian garren m ( du avec e e plusmmorablesGuipuzcoa, lesairsancienst.lesparoles nversquilesconcerdes utilecl trs-ncessaire nent,el aussiavec instructions lesbiendanser. pour Ouvrage les conserver amusements malice Guipuzcoans, usages dignes 'tre sans des etles si d pour chris ecesaborignes d et deleurs espagnols, distingus leur par illustration parlapuret dont e Juan d n duGuimoeurs, l'auteur sldon IgnacioeIztueta, Zaldivia, bourg loyal etc.ASaint-Sbastien, a l'imprimerie R puzcoa, publi d'Ignacio amon Broja,l'an-1824.) Cette In-8. en d necontient lesparoles esairs d publication, basque uGuipuzcoa, pas

REPRSENTATIONS

DRAMATIQUES.

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Cet obstacle, qui n'en est pas un pour lui, me parat d'autant plus considrable que j'en vois une multitude d'autres sa suite. et en particulier la coutume de promener L'usage des mascarades, sur un ne des individus qui s'taient rendus coupables de quelque action dshonorante, de quelque grave atteinte aux bonnes moeurs, remonte une assez haute antiquit, et l'on trouve de nombreux exemples de ce genre de punition chez les peuples anciens. Plutarque nous apprend qu' Cmnes, la femme adultre, aprs avoir t expose quelque temps sur la place publique, tait promene sur un ne dans toute la ville, et conservait dans la suite le surnom ionobatis, qui consacrait cette fltrissure. Chez les Pisidiens, au rapport de Stobe, l'homme surpris en flagrant dfit d'infidlit conjugale tait condamn la mme peine avec sa complice. A partir de ces poques recules jusqu' nos joims, une semblable promenade fut toujours considre comme infamante, et c'est, parce que l'on regardait comme un lche celui qui s'tait laiss battre par sa femme, que la socit, supplant au silence de la loi, crut devoir le punir en le livrant ainsi la rise publique. Cet usage devint peu prs gnral.en France; seulement il variait suivant les provinces. Ici, c'tait le mari battu et sans doute peu content, pour ne rien dire de plus, que l'on promenait sur l'ne; l, c'tait son plus proche voisin, qui, dans des temps d'arrt, lisait haute voix un placard sur lequel on avait couch, en style burlesque, l'aventure tragi-comique ; ailleurs, c'tait la femme rebelle que l'on condamnait la chevauche de l'ne. Deux relations connues sous ce nom ', et rimprimes 1 de nos de dansepromispar le titre ; la censure a s'opposa leur impression, uin'en eutpasmoins q lieupluslard, avecmusique ancinaancinaeo are ta graveet le titre suivant: Euscaldun lendabicico sonu gogoangarriac elorquienDanlza on iritci pozeurri gaitzic ijabeeocn bercn neurtuedoversoaquin, Hz Ramon 182G Donostian, gnacio I Barojaren Moldizteguian, garrenurteaneguifia. tes Danses,les amusements innocentsdesanciensBasques t de e ( ceuxd'aujourd'hui, avecla musique, les parolesmesures vers. A Saint-Sbastien, et ou publia l'imprimerie'Ignacio Ramon d Baroja, l'an 1826.)In-foliode trente-cinq pages, plustrois feuilletsdetitres et deprliminaires. 1 Recueilfaict au vray, de la chevauche e l'asne, d faicte en la ville de Lyon: Et commencepremierjour du moys Septembre, cinqcenssoixante etc.A Lyon, le de mil six, parGuillaume estefort,sans date, petit in-8de quarantepages.- ecueilde la.cheR T vauche, aicteen la ville de Lyon: Le dixsepliesme Novembre578, etc. A Lyon,. f de 1 Par les TroisSupposls. vecprivilge. etit in-8 de vingt-deux A P pages,plusunfeuillet.

66 _-":-"--: LE PAYS BASQUE. joiu's, nous montrent les crmonies observes en pareille circonstance dans la ville de Lyon ; je me bornerai renvoyer ces opuscules, aussi bien qu'aux savantes notes dont les ont enrichis les derniers diteurs, MM. Breghot du Lut et Pricaud, qui ont trouv faire une nouvelle rcolte dans un champ moissonn par Claude Noirot 4 et par M. Leber 2. On verra dans l'dition de 1829 que loin d'tre, dans ces derniers temps , particulire notre pays, la chevauche de l'ne tait encore rpandue en Angleterre. Toutefois, elle y prsentait cette diffrence que, chez nos voisins, le mari outrag et la femme haute la main envers lui taient, placs ensemble et dos dos sur la mme monture, la mgre par devant, sa victime par derrire, une quenouille la main et la face tourne du ct de la queue de l'animal. Un dtail remarquer, c'est que, dans ces sortes de crmonies, quelques-uns des suivants du cortge, arms de balais, s'arrtaient de temps en temps pour balayer le devant de quelques maisons dans lesquelles la femme tait rpute exercer une autorit despotique, comme pour avertir les habitants du lieu qu'ils pourraient bien figurer quelque joui' comme acteurs dans une pareille fte 8. On expliquerait peut-tre ainsi un dtail du crmonial usit dans les mascarades basques.

Vlotois, tragdie Entre les nombreuses productions du gnie dramatique des coblacari basques, celle qui roule sur la vie et la mort de Clovis nous a paru la plus propre donner une ide bien complte de cette sorte d'ouvrages. Aussi en prsenterons-nous une analyse assez dveloppe. 1 L'Origine masques, des e e mOmmerie, bernez, t revennezs joursgrasdecaresmes e prenant,menezurl'asneilrebours t charivary, tc.; le toutexlraicldu livre de la e mommerie CI.Noirot. de J 1G09. Lengres, ehanChauvetel, Petitin-8. a -Collection meilleurs issertations, otices: Traitsrelatifs l'Histoirede des et N D C. e t J France,par.MM. Leber, .-B.Salguest J. Cohen. Paris, 1826, IX,p. 54. -* lsLahdes eGascogne, d Dans unenouvelle arie a-t-elle m V habitera maison son l de elletrouve la porteun balai,signedeses fonctions poux? domestiques. Ruche (La d'Aquitaine, 1.1,,p.28; Stat.gn.desdpart, yrn.,t. II, p.555.) p

REPRSENTATIONS Cette pice reste : commence par

DRAMATIQUE-S. en vers

67 comme le

ce prologue,

Soyez les bienvenus, messieurs et dames. Votre serviteur vous souhaite le bonjour. Mevoil aujourd'hui en votre prsence, confiant, bien qu'incapable, . dans votre bont. Yous m'entendrez parler avec courtoisie et vous expliquer maintenant quel est ce sujet. Lorsque Clovis, prince plein de bonnes qualits et de perfection, tait roi de France, Comme il tait barbare et paen et qu'il ne connaissait pas notre religion, il adorait les idoles. Il y avait en ce temps-l une princesse, une crature magnifique qui s'appelait Clotilde, et qui lait nice du roi de Bourgogne. Cette princesse tait fille d'un roi appel Chilprio, et le roi Gondebaud tait son oncle. Lorsque Gondebaud fit prir son pre, sa mre et ses frres, il conserva Sedelinda et Clotilde. Clotilde demeurait la cour de son oncle, parce que celui-ci l'avait aime aveuglment. Celle princesse lait doue de vertu et de perfection; pour la beaut, elle n'avait pas d'gale sur la terre. Ses exercices taient la prire, la mditation , la frquentation des sacrements et l'aumne. " Lorsque Clovis eut appris de ses nouvelles, il en devint en mme temps follement amoureux. Il envoya urlien pour savoir ce qu'il en tait et pour la demander en mariage. Ayant laiss sa suite dans le bois de Bourgogne, Aurlien part dguis en mendiant. Il se mit au rang des autres pauvres, ct du mur de l'glise, et baisa le revers de la main (de Clotilde) en acceptant l'aumne: Clotilde comprit qu'il y avait l quelque mystre, et elle appela le mendiant son appartement. Alors Aurlien la salue au nom du roi de France, lui propose le mariage et lui offre les prsents de Clovis. Clotilde lui rpond que ce n'est pas le devoir d'une me chrtienne de contracter mariage avec un paen. Aurlien lui rpond qu'ilcroyait que Clovis ferait tout pour l'amour ' d'elle. Cette princesse accepta la parole'que Clovis se ferait chrtien, et . reut aussi ses dons.

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-LE PAYS BASQUE.

Aurlien s'en retourna et apporta cette nouvelle en France. Le roi la communiqua son conseil. Il envoya denouveau Aurlien pour demander Clotilde Gondebaud, et pour lui dclarer la guerre s'il la refusait. Ne voulant pas avoir de guerre, Gondebaud l'accorda, et auparavant prit, l'avis de son conseil. Pendant ce temps-l, un ange fit connatre Clotilde en un instant la volont de Dieu, (Lui disant) qu'elle pouvait se marier avec le roi de France, bien qu'il suivit les lois du paganisme. Alors Clotilde vint en France avec cet ambassadeur, et pousa aussitt Clovis, A condition qu'il se ferait chrtien et qu'il reconnatrait JsusChrist, moyennant quoi il serait victorieux en toutes choses. Quelque temps aprs, Clotilde eut un fils; mais cet enfant mourut ds qu'on le baptisa. Alors Clovisreprocha sa femme que son cher fils tait mort parce qu'on l'avait baptis. Peu de temps aprs, Clotildemit au monde un autre fils, el celui-l fut aussi baptis comme l'an. Cet enfant tomba de mme malade, et de telle manire qu'il paraissait ne pas avoir une heure de vie. Alors le roi Clovis crut que Clotilde se trouvait dans la fausse religion. Mais cet enfant gurit; Clotilde ayant pri Dieu, il ne paraissait nullement qu'il et eu une maladie. Comme depuis lors Clovis aimait mieux sa femme, Clotilde eut aussi quelques autres enfants. Le roi Clovisdut marcher la guerre. Clolildeen partant l'exhorta, En lui disant que s'il adorait Jsus-Christ, il serait vainqueur de ses ennemis. Les ennemis de Clovistaient des Allemands ; ils avaient fait essuyer de grandes pertes aux troupes franaises. Dj Clovis, ayant perdu beaucoup de monde, allait se rendre,, lorsque la prire de Clolildelui vint l'esprit. Il fit voeu et promit Jsus de se faire chrtien, s'il lui donnait la victoire. Alors toutes les troupes de Clovis taient accables; en ce moment toutes leurs forces furent doubles. Quoique ses ennemis fussent dix fois plus nombreux, Clovisgagna la bataille et les tua presque tous. Leur gnral et leur roi prirent, et Clovis demeura chef de tous, parce que Dieu l'avait secouru.

69 DRAMATIQUES. Ds que Clotilde apprit qu'il avait t vainqueur, elle alla sa rencontre avec l'archevque saint Remy. Ils allrent l'glise de Reims pour baptiser Clovis, rendre grces Dieu et lui faire des voeux. " lui apporta du ciel la