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Le Réseau de Recherc Francophone sur Privatisation de l’Education Le 14 février 2020 s’est tenu à Paris dans les locaux de Solidarité Laïque, la première réunion formelle du Réseau de Recherche Francophone sur la Privatisation de l’Education (ReFPE). Venus de plusieurs pays, il s’est agi pour ces chercheurs de s’entretenir sur la problématique de la privatisation de l’éducation et élaborer leur agenda de recherche en la matière. Après s’être imprégnés des enjeux de la problématique de la privatisation et marchandisation de l’éducation dans l’espace francophone lors de la journée d’échanges du 13 février, organisée par la Coalition Education de France sur la question, les chercheurs ont discuté sur l’état de la recherche en France avant de procéder à l’identification des recherches

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Le Réseau de RechercheFrancophone sur laPrivatisation de l’Education

Le 14 février 2020 s’est tenu à Paris dans les locaux deSolidarité Laïque, la première réunion formelle du Réseau deRecherche Francophone sur la Privatisation de l’Education(ReFPE).Venus de plusieurs pays, il s’est agi pour ces chercheurs des’entretenir sur la problématique de la privatisation del’éducation etélaborer leur agenda de recherche en la matière.

Après s’être imprégnés des enjeux de la problématique de laprivatisationet marchandisation de l’éducation dans l’espace francophonelors de lajournée d’échanges du 13 février, organisée par la CoalitionEducationde France sur la question, les chercheurs ont discuté surl’état de larecherche en France avant de procéder à l’identification desrecherches

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existantes et celles en cours. Ainsi, l’on note que plusieursétudeseffectuées ont abordé quelques questions telles laprivatisation etmarchandisation de l’éducation arabo islamique en complicitéavec lamendicité au Sénégal, les conséquences de la privatisation surlesenseignants en Afrique subsaharienne, l’évolution de l’écoleprivée dansle primaire au Burkina Faso, etc. Quant aux recherches encours, laquestion de la privatisation et qualité de la formation dansl’enseignement confessionnel en Côte d’Ivoire, la demanded’éducationdes familles et l’offre éducative au Sénégal et d’autresthématiques ontété soulignées.

Quelles thématiques prioritaires identifiées ?

Des échanges des chercheurs il sembleimportant de procéder d’abord à une cartographie des écolesprivées, unétat de de la privatisation de l’éducation dans tous lesniveauxd’enseignement, c’est à dire du préscolaire au supérieur. Cecisemblenécessaire avant de mener des études spécifiques prenant encompte desfacteurs tels que l’extrémisme, le genre, les inégalitésspatiales, lesplans nationaux, les mesures de régulation, etc. C’estpourquoi ils sesont un délai à l’issue de la réunion pour la rédaction de

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termes d’uneétude sur l’état des lieux de la privatisation de l’éducationdans lespays de la Côte d’ivoire, Maroc, Niger, Sénégal, Togo. Uneautrerencontre sera programmée à l’issue de ces termes de référencepourl’élaboration des outils relatifs à cette étude.

En rappel, dans le courant 2019, leRéseau Francophone contre la marchandisation de l’éducation aencollaboration avec l’Université de Genève, mis en place leReFPE.L’objectif de cette initiative est de stimuler la recherchesur cettequestion dans des pays francophones où il y a peud’informations etd’études disponibles afin de mieux comprendre le phénomène etsonétendue dans l’espace francophone et développer des outils deplaidoyerou de protection de droits adaptés qui y répondent. Le ReFPEcompte à cejour 31 chercheurs issus de 13 pays.

Par ailleurs, avec pour partenaire leMinistère de l’Europe et des Affaires étrangères, l’équipe deRechercheen Dimensions Internationales de l’Education (ERDIE) del’Université deGenève, par l’intermédiaire de Thibaut Lauwerier, coordonnelesactivités de ce groupe, en étroite collaboration avec leRéseau

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Francophone contre la marchandisation de l’éducation, etnotamment laGlobal Initiative for Economic, Social and Cultural Rights etl’Initiative pour le Droit à l’Education.

Sommet de la Francophonie :57 chefs d’Etat renouvellentleur attachement àl’éducation publique

Communiqué de presse, 17 octobre 2018

Alors que le XVIIème sommet de la Francophonie de 2018 vientde se clôturer en Arménie (11 et 12 octobre 2018), 57 Étatsmembres de la Francophonie ont réaffirmé leur attachement àune éducation publique de qualité et une régulation efficacede l’enseignement, y compris privé, répondant ainsi à l’Appeldu Réseau francophone contre la marchandisation del’éducation.

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Le paragraphe 45 de la Déclaration d’Erevan stipule :

‘Réaffirmant notre attachement à une éducation publique,gratuite et de qualité pour toutes et tous, et soulignantl’importance primordiale de l’accès à une éducation et uneformation inclusive, rappelons la nécessaire régulation parles pouvoirs publics du système scolaire, dans son ensemble,afin de garantir la qualité et l’équité des serviceséducatifs’

Le Réseau francophone, et ses 400 organisations membres issuesde 40 pays de l’espace francophone, qui militent pour inclurel’éducation publique dans les déclarations et textes officielsde la Francophonie, se félicitent de cette mesure maissoulignent qu’il y a encore du chemin à faire pour concrétiserces engagements.

Cette déclaration en faveur des systèmes d’éducation publicsgratuits intervient dans un contexte mondial de croissancesans précédent des acteurs privés dans l’éducation notammentdans les pays à faibles revenus, qui est sur le point detransformer en profondeur des systèmes éducatifs déjàfragiles.

De nombreux investisseurs, comprenant des entreprisesmultinationales, s’impliquent à grande échelle dans le marchéjugé très lucratif de l’éducation. Et ce y compris enproposant des services à bas coût, de mauvaise qualité, etvisant les populations pauvres, tout en s’exonérant desrégulations des États. La croissance de ces acteurs privés, etplus généralement, de la marchandisation de l’éducation, estparticulièrement marquée au niveau du cycle fondamental

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(primaire et secondaire), là où les injustices sociales secreusent. L’impact de ce mouvement en termes de qualité descontenus éducatifs, de ségrégation et d’inégalités sociales,et plus généralement, de réalisation des droits de l’Homme, enfait un défi majeur pour les acteurs et les défenseurs dudroit à l’éducation tout au long de la vie. Cette tendance aété dénoncée par plusieurs rapports, résolutions, etrecommandations de l’ONU et de la Commission Africaine desdroits de l’Homme.

Cet engagement renouvelé des États fait suite à la Déclarationd’Antananarivo, (Sommet de la Francophonie 2016), danslaquelle 57 États membres de la Francophonie s’inquiétaient du“développement des établissements scolaires et éducatifs à butcommercial”, et demandaient à l’Organisation Internationale dela Francophonie de ‘prendre des mesures pour promouvoir desdispositifs institutionnels efficaces de régulation desacteurs privés de l’éducation, afin de garantir la qualité etl’équité des services éducatifs’, ‘en collaboration avec lasociété civile’.

La déclaration d’Antananarivo avait notamment été suivie en2017 d’une réunion de représentants de la société civile, desyndicats et de représentants étatiques pour discuter de lasituation de la privatisation de l’éducation dans les paysfrancophones.

L’éducation est un service public mondial dont les États ontla responsabilité. Le Réseau francophone veille à ce que cesparoles prononcées ne restent pas à l’état de déclaration etavec les sociétés civiles locales, acteurs éducatifs maisaussi parents et citoyens, participe à stimuler la recherche,la réflexion et les échanges sur la régulation des acteursprivés et la lutte contre les dérives marchandes dansl’éducation.

Le Réseau Francophone travaillera avec l’OIF et ses membres àla mise en place de programmes concrets pour évaluer les

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politiques publiques des États de la Francophonie et mettre enplace un cadre efficace de régulation à même de construire dessystèmes éducatifs justes et une éducation publique dequalité.

Documents clés

Déclaration d’Erevan : http://bit.ly/2yiFh2AAppel de la société civile contre la marchandisation del’éducation : http://bit.ly/2NI0WGbCarte des organisations signataires de l’Appel contre lamarchandisation de l’éducation : http://bit.ly/2gE2gOjDéclaration d’Antananarivo : http://bit.ly/2OshsPDInformations en français sur la privatisation del’éducation : http://bit.ly/privfr ethttp://bit.ly/2bgvvQjRésumé de l’Appel contre la marchandisation del’éducation : http://bit.ly/2CPYk8f

Contacts

Djibril Sarr, Réseau Francophone contre laMarchandisation de l’Education,

[email protected]

Sylvain Aubry, Global Initiative for Economic, Socialand Cultural Rights, [email protected]

Delphine Dorsi, Droit à l’éducation,[email protected] Mbow, Coalition des Organisations en Synergiepour la Défense de l’Éducation Publique,[email protected]é Cohen, Comité Syndical Francophone del’Éducation et de la Formation, [email protected]

Léa Rambaud, Coalition Éducation, [email protected] Chebbi, Fédération Internationale des Centres

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d’Entraînement aux Méthodes d’Éducation Actives,[email protected] Coupez, Solidarité Laïque, [email protected]

Cours en ligne ouvert àtoutes et tous sur laprotection de la vie privéeL’informatique et les réseaux envahissent les moindres actionsde notre vie avec de nombreuses promesses pour améliorer notrevie quotidienne ou l’usage que nous faisons des ressources dela planète. Ainsi Internet a révolutionné notre façon decommuniquer les uns avec les autres ou d’accéder à laconnaissance.

Si certains succès des nouvelles technologies sontindéniables, il existe une contre-partie… Pour atteindre cesobjectifs ambitieux, les programmes informatiques ont besoinde collecter des données qui traduisent nos actions.

C’est ainsi que nous, utilisateurs d’Internet ou simplespropriétaires de smartphones, sommes devenus des producteursde données qui sont convoitées par de nombreuses personnes,sociétés ou agences étatiques.

L’objectif de ce MOOC est de vous permettre de comprendre :

quelles sont les données que vous produisez quand vousutilisez une technologie,

quels sont vos droits en terme de vie privée,

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et les mesures que vous pouvez mettre en œuvre pourprotéger votre vie privée.

Dans ce MOOC élaboré par des chercheurs de l’équipe INRIAPrivatics, nous aborderons la notion d’identité numérique etles problèmes de vie privée associés à l’usage des courriersélectroniques et des smartphones. Ce cours vous conduira ainsivers un usage éclairé et raisonné des nouvelles technologiesqui est bénéfique à tous points de vue pour l’utilisateur quevous êtes !

A qui s’adresse ce cours ?

Ce cours ne nécessite pas de pré-requis : il s’adresse àtoutes celles et ceux qui sont soucieux de mieux comprendreles enjeux de la protection de la vie privée sur internet etde mieux maîtriser les outils numériques sur le plan desdonnées personnelles

https://www.fun-mooc.fr/courses/course-v1:inria+41015+session01/about

Mais oui, mais oui, l’écoleest finie !Par Datagueule

Ah, l’école ! On a beau râler pendant toutes ces années oùl’on y use les chaises et les tables, il reste qu’on y apprendun paquet de choses, en cours ou en dehors. Sur nous et surles autres. Du coup, doit-on la voir comme un “commun” ? Unlieu d’apprentissage collectif où grandissent de jeunes

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citoyens ? Toujours est-il que, ces derniers temps, l’écoledevient aussi un enjeu économique et sa privatisation a dequoi soulever des questions.

DataGueule est une émission de télévision et une websériehebdomadaire diffusée depuis juin 2014 sur France 4 et surYouTube et Dailymotion.

L’émission propose des vidéos d’animation traitant del’actualité sur un mode ludique, et condensé dans un butdidactique. Chaque épisode tente de révéler et décrypter lesmécanismes de la société et leurs aspects méconnus.

Source Wikipedia

Contre la marchandisation del’éducation : la mobilisationse renforceDu 23 au 26 octobre s’est tenu la deuxième rencontrefrancophone sur la marchandisation et la privatisation del’éducation à l’Institut de la Francophonie pour l’Éducationet la Formation à Dakar. Cet événement a réuni dans leurdiversité 105 délégués issus de 25 pays dans l’objectif detrouver des réponses communes face à la croissance alarmantedes acteurs privés dans le secteur éducatif. Partageantl’ambition de construire une éducation publique de qualité,capable d’agir pour que les personnes acquièrent la

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possibilité (en termes de compétences, de capacités, de désiret d’imaginaire) de se projeter dans la société et d’endéfinir ses évolutions, ces quatre jours se sont articulésautour de savoirs théoriques mais aussi à partir du travail deterrain.

Les deux premiers jours ont été l’occasion d’échanger sur lesenjeux liés à la marchandisation de l’éducation. Lors de lacérémonie d’ouverture, hôtes, partenaires et organisateurs ontpris la parole pour exprimer leur point de vue sur cephénomène grandissant. La philosophie du réseau francophonecontre la marchandisation de l’éducation, qui regroupe lesorganisateurs de la rencontre, entend promouvoir l’éducationcomme l’un des moteurs du développement de nos sociétés. Or,la plénière sur l’état des lieux de la privatisation et de lamarchandisation de l’éducation a montré à quel point cettetendance risque de transformer en profondeur les systèmeséducatifs non seulement en termes de dégradation de la qualitédes contenus pédagogiques mais aussi de renforcement desdiscriminations et inégalités. Des représentants étatiques(Belgique, Bénin, Burkina Faso, France, Haïti, Sénégal) et desorganisations internationales (UNESCO, CONFEMEN) ont puégalement partager leur expérience sur ces enjeux, ce qui a permis d’approfondir la connaissance des contextes variésdans lesquels elle opère.

Si chaque pays doit faire face à des problématiques bienspécifiques, la marchandisation de l’éducation requiert à lafois la nécessité d’une éducation publique forte et larégulation du secteur privé tout en posant la question desproblèmes relatifs à la perte de cohésion sociale et enfin desconditions de recrutement, de travail et de formation despersonnels éducatifs. Ces quatre enjeux ont fait l’objetd’ateliers tournants lors d’un après-midi afin de dégager lespréoccupations puis les réponses liées à l’émergence d’unevision de l’éducation comme bien marchand.

En effet, face à ces dangereux développements, il est crucial

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de préciser le modèle de société que nous défendons ensembleet la place que l’éducation occupe aujourd’hui dans nos vies.Quel type d’éducation ? Quel avenir sociétal voulons-nous pourles générations à venir ? Quelles possibilités ouvrons-nousaux jeunes et adultes de demain ?

Ainsi la question de la marchandisation et de la privatisationde l’éducation est une question éminemment politique car elleinterroge la manière dont nous souhaitons, en tant quecitoyens et citoyennes, organiser et repenser nos sociétés.Assujettir la formation à l’emploi, placer l’éducation sur leslogiques de marché, monnayer le champ des activitéspériscolaires revient à détourner l’éducation de son objectifprincipal. Outre les problèmes énoncés ci-dessus, lamarchandisation et la privatisation de l’éducation ont étéinterrogées au travers de cinq autres thèmes lors des atelierssimultanés du mardi après-midi.

L’état des lieux sur la marchandisation de l’éducation ainsique la mise en valeur de ses enjeux majeurs ont ouvert ladiscussion sur les Principes directeurs de droits de l’Hommerelatifs aux obligations des Etats concernant les écolesprivées. Dans le contexte de la rencontre – favorisant lasynergie entre une diversité d’organisations -, la finalité deces Principes n’a pas fait consensus auprès de l’ensemble desacteurs et actrices de la défense du droit à l’éducation.Suite à un débat aussi nécessaire qu’enrichissant, il estimportant de noter que ces Principes n’ont pas pour objectifde légitimer les acteurs privés par la reconnaissance de leurexistence. Ils permettent plutôt de poser des bases empruntantaux cadres et recommandations légales pour réguler ces acteurset servir d’outil juridique pour les organisations quientendent mener un plaidoyer auprès de leurs États. Lesparticipants ont été invités à commenter et exprimer leuropinion sur ces Principes Directeurs, en cours d’élaboration.

La dernière partie de la rencontre s’est construite autour dela stratégie du réseau, déclinée en quatre lignes directrices

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: gouvernance/structuration, recherche/études,communication/campagne et suite de l’appel francophone contrela marchandisation de l’éducation. Cet appel, socle commun decette rencontre, a pour vocation d’alerter les pouvoirspublics et les acteurs de la société civile, de lessensibiliser aux dangers inhérents au processus demarchandisation de l’éducation et de les engager à contrer cephénomène.

Ces ateliers ont permis de définir les prochaines étapes dutravail en réseau. Nous nous sommes engagés, à la suite de laréunion, à travailler ensemble, en synergie afin de bâtir unplan d’action complet pour le réseau francophone que nousconstituons. Un élément important de ce plan comprendral’approfondissement du travail de recherche sur lamarchandisation de l’éducation.

Cette rencontre a ainsi mobilisé nos convictions, nos espoirs,mais aussi nos propositions pour constituer une force derésistance et de propositions car des solutions existent etnous ne pourrons réussir cela que si nous réaffirmons le rôledes Etats comme base essentielle des systèmes éducatifs et siensemble, nous promouvons un système public fort d’éducationpour garantir la qualité de ce Droit.

Pour en savoir plus, cliquez ici

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Le MEDEF attaque…Le manifeste du MEDEF (mouvement des entreprises de France)sorti sous le titre provocateur :

« Si l’école faisait son travail, j’aurais dutravail ! »

Plus d’information :http://www.eduquerformer.fr/Vous pouvez également lire l’article de médiapart :https://blogs.mediapart.fr/jean-pierre-veran/blog/150817/employabilite-et-apprentissage-mots-cles-de-l-ecole-selon-le-medef

Rencontre francophone sur laprivatisation et lamarchandisation del’éducation

Du 23 au 26 octobre s’est tenu ladeuxième rencontre francophone sur lamarchandisation et la privatisation del’éducation à l’Institut de laFrancophonie pour l’Éducation et laFormation à Dakar. Cet événement a réunidans leur diversité 105 délégués issusde 25 pays dans l’objectif de trouver

des réponses communes face à la croissance alarmante desacteurs privés dans le secteur éducatif. Partageant l’ambitionde construire une éducation publique de qualité, capabled’agir pour que les personnes acquièrent la possibilité (entermes de compétences, de capacités, de désir et d’imaginaire)

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de se projeter dans la société et d’en définir ses évolutions,ces quatre jours se sont articulés autour de savoirsthéoriques mais aussi à partir du travail de terrain.Les deux premiers jours ont été l’occasion d’échanger sur lesenjeux liés à la marchandisation de l’éducation. Lors de lacérémonie d’ouverture, hôtes, partenaires et organisateurs ontpris la parole pour exprimer leur point de vue sur cephénomène grandissant. La philosophie du réseau francophonecontre la marchandisation de l’éducation, qui regroupe lesorganisateurs de la rencontre, entend promouvoir l’éducationcomme l’un des moteurs du développement de nos sociétés. Or,la plénière sur l’état des lieux de la privatisation et de lamarchandisation de l’éducation a montré à quel point cettetendance risque de transformer en profondeur les systèmeséducatifs non seulement en termes de dégradation de la qualitédes contenus pédagogiques mais aussi de renforcement desdiscriminations et inégalités. Des représentants étatiques(Belgique, Bénin, Burkina Faso, France, Haïti, Sénégal) et desorganisations internationales (UNESCO, CONFEMEN) ont puégalement partager leur expérience sur ces enjeux, ce qui apermis d’approfondir la connaissance des contextes variés danslesquels elle opère.Si chaque pays doit faire face à desproblématiques bien spécifiques, lamarchandisation de l’éducationrequiert à la fois la nécessité d’uneéducation publique forte et larégulation du secteur privé tout enposant la question des roblèmesrelatifs à la perte de cohésionsociale et enfin des conditions de recrutement, de travail etde formation des personnels éducatifs. Ces quatres enjeux ontfait l’objet d’ateliers tournants lors d’un après-midi afin dedégager les préoccupations puis les réponses liées àl’émergence d’une vision de l’éducation comme bien marchand.En effet, face à ces dangereux développements, il est crucialde préciser le modèle de société que nous défendons ensembleet la place que l’éducation occupe aujourd’hui dans nos vies.Quel type d’éducation ? Quel avenir sociétal voulons-nous pourles générations à venir ? Quelles possibilités ouvrons-nousaux jeunes et adultes de demain ?

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Ainsi la question de la marchandisation et de la privatisationde l’éducation est une question minemment politique car elleinterroge la manière dont nous souhaitons, en tant quecitoyens et citoyennes, organiser et repenser nos sociétés.Assujettir la formation à l’emploi, placer l’éducation sur leslogiques de marché, monnayer le champ des activitéspériscolaires revient à détourner l’éducation de son objectifprincipal. Outre les problèmes énoncés ci-dessus, lamarchandisation et la privatisation de l’éducation ont étéinterrogées au travers de cinq autres thèmes lors des atelierssimultanés du mardi après-midi.

L’état des lieux sur la marchandisationde l’éducation ainsi que la mise envaleur de ses enjeux majeurs ont ouvertla discussion sur les Principesdirecteurs de droits de l’Homme relatifsaux obligations des Etats concernant lesécoles privées. Dans le contexte de larencontre-favorisant la synergie entre

une diversité d’organisations-, la finalité de ces Principesn’a pas fait consensus auprès de l’ensemble des acteurs etactrices de la défense du droit à l’éducation. Suite à undébat aussi nécessaire qu’enrichissant, il est important denoter que ces Principes n’ont pas pour objectif de légitimerles acteurs privés par la reconnaissance de leur existence.Ils permettent plutôt de poser des bases empruntant aux cadreset recommandations légales pour réguler ces acteurs et servird’outil juridique pour les organisations qui entendent menerun plaidoyer auprès de leurs États. Les participant.e.s ontété invités à commenter et exprimer leur opinion sur cesPrincipes Directeurs, en cours d’élaboration.La dernière partie de la rencontre s’estconstruite autour de la stratégie duréseau, déclinée en quatre lignesdirectrices : gouvernance/structuration,recherche/études, communication/campagneet suite de l’appel francophone contre lamarchandisation de l’éducation. Cetappel, socle commun de cette rencontre, a pour vocationd’alerter les pouvoirs publics et les acteurs de la sociétécivile, de les sensibiliser aux dangers inhérents au processus

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de marchandisation de l’éducation et de les engager à contrerce phénomène. Ces ateliers ont permis de définir lesprochaines étapes du travail en réseau. Nous nous sommesengagés, à la suite de la réunion, à travailler ensemble, ensynergie afin de bâtir un plan d’action complet pour le réseaufrancophone que nous constituons. Un élément important de ceplan comprendra l’approfondissement du travail de recherchesur la marchandisation de l’éducation.Cette rencontre a ainsi mobilisé nos convictions, nos espoirs,

mais aussi nos propositions pourconstituer une force de résistance et depropositions car des solutions existent etnous ne pourrons réussir cela que si nousréaffirmons le rôle des États comme baseessentielle des systèmes éducatifs et siensemble, nous promouvons un système

public fort d’éducation pour garantir la qualité de ce Droit. Pour visionner les photos, cliquez ici

Rebondissement majeur dans lacourse effrénée à laprivatisation de l’éducationRebondissement majeur dans la course effrénée à laprivatisation de l’éducation de ces dernières années: lesecrétaire d’État français chargé du Développement et de laFrancophonie, Jean-Marie le Guen, a déclaré jeudi dernierque « la France agira contre toutes les tentatives demarchandisation de l’éducation » dans la coopérationinternationale. Il a ajouté que la France considérait quel’éducation est « un service public » et « un bien commun quine doit pas être monnayé ».

La déclaration de M. Le Guen a été faite à l’occasion

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du lancement du rapport annuel du Programme des Nations Uniespour le Développement (PNUD) sur le développement humain.Cette position constitue un engagement majeur de la Francedans un contexte de privatisation et de marchandisationmassive de l’enseignement primaire et secondaire à travers lemonde, particulièrement dans les pays pauvres. Elle sedifférencie notamment de celle de la Grande-Bretagne qui apromu le développement d’écoles privées à travers son aide audéveloppement, en particulier en finançant des entreprisesmultinationales avec des investissements Britanniques, tellesque Bridge International Academies.

Hélène Ferrer, coordinatrice de la Coalition Education, aréagi : « Nous saluons la position sans ambiguïté exprimée parM. Le Guen contre la marchandisation de l’éducation. Celaconforte les efforts entrepris par la France pour promouvoirdes systèmes éducatifs qui soient respectueux des droitshumains. Nous allons maintenant travailler avec le ministèreet nos partenaires à travers le monde pour s’assurer del’effectivité de cet engagement. »

En novembre 2016, plus de 300 organisations de la sociétécivile issues de 38 pays avaient présenté un Appel de lasociété civile francophone contre la marchandisation del’éducation. Cet Appel avait convaincu les chefs d’Etats et degouvernement des pays de la Francophonie à demander àl’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) dansla Déclaration d’Antanarivo de « prendre des mesures pourpromouvoir des dispositifs institutionnels efficaces derégulation des acteurs privés de l’éducation ».

Carole Coupez, déléguée à l’éducation à la citoyennetéà Solidarité Laïque, a ajouté : « Nous sommes ravis que laFrance ait répondu aux demandes des organisations à travers lemonde francophone qui sont témoins chaque jour de l’avancée etdes impacts de la marchandisation actuelle de l’éducation.Celle-ci remet en cause la réalisation du droit à l’éducationdans de nombreux pays, et la France a un rôle important à

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jouer pour promouvoir un autre modèle de développement. »

La déclaration de M. Le Guen confirme la position dela Stratégie française 2017 – 2021 pour l’éducation, laformation professionnelle et l’insertion publiée vendredidernier, dans laquelle la France s’engage à « renforcer lerôle régulateur de l’Etat […] notamment pour l’encadrement dusecteur privé et prévenir les risques de marchandisation del’éducation ».

Jean-Hervé Cohen, président du Comité Syndical Francophone del’Éducation et de la Formation, a commenté : « Nous attendonsdésormais que ces positions soient mises en œuvre de manièrevigoureuse. La France doit maintenant, à travers toutes sesinstances de coopération, du Ministère des Affaires Etrangèresà l’Agence Française de Développement (AFD), en passant parson bras armé pour le privé, Proparco, s’abstenir de toutsoutien à des écoles privées marchandes, et engager desactions concrètes pour promouvoir des systèmes éducatifspublics de qualité. »Signatures :

Coalition EducationComité Syndical Francophone de l’Éducation et de laFormationFédération Internationale des CEMEAGlobal Initiative for Economic, Social and CulturalRightsRight to Education ProjectSolidarité Laïque

Documents :

Appel de la société civile francophone contre lamarchandisation de l’éducation : http://bit.ly/2fNfJDVersion courte de l’Appel : http://bit.ly/2gfusmODéclaration d’Antanarivo de la Conférence des chefsd’État et de gouvernement de

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l’OIF : http://bit.ly/2n2jkQeStratégie française 2017 – 2021 pour l’éducation, laformation professionnelle etl’insertion : http://bit.ly/2nQmKa5

Contacts :

Sylvain Aubry, Global Initiative for Economic, Socialand Cultural Rights, [email protected],tél: 0781708196Delphine Dorsi, Right to Education Project, [email protected]

Pour une version PDF du communiqué: http://bit.ly/2nXuiHE

Pourquoi Framasoft n’ira plusprendre le thé au ministèrede l’Éducation Nationalehttps://framablog.org/2016/11/25/pourquoi-framasoft-nira-plus-prendre-le-the-au-ministere-de-leducation-nationale /

Cet article vise à clarifier la position de Framasoft,sollicitée à plusieurs reprises par le Ministère del’Éducation Nationale ces derniers mois. Malgré notreindignation, il ne s’agit pas de claquer la porte, mais aucontraire d’en ouvrir d’autres vers des acteurs qui noussemblent plus sincères dans leur choix du libre et nesouhaitent pas se cacher derrière une « neutralité et égalitéde traitement » complètement biaisée par l’entrisme de Google,Apple ou Microsoft au sein de l’institution.

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Pour commencerUne technologie n’est pas neutre, et encore moins celui oucelle qui fait des choix technologiques. Contrairement àl’affirmation de la Ministre de l’Éducation Mme Najat Vallaud-Belkacem, une institution publique ne peut pas être « neutretechnologiquement », ou alors elle assume son incompétencetechnique (ce qui serait grave). En fait, la position de laministre est un sophisme déjà bien ancien ; c’est celui duGorgias de Platon qui explique que la rhétorique étant unetechnique, il n’y en a pas de bon ou de mauvais usage, elle neserait qu’un moyen.

Or, lui oppose Socrate, aucune technique n’est neutre : leprincipe d’efficacité suppose déjà d’opérer des choix, ycompris économiques, pour utiliser une technique plutôt qu’uneautre ; la possession d’une technique est déjà en soi uneposition de pouvoir ; enfin, rappelons l’analyse qu’en faisaitJacques Ellul : la technique est un système autonome quiimpose des usages à l’homme qui en retour en devient addict.Même s’il est consternant de rappeler de tels fondamentaux àceux qui nous gouvernent, tout choix technologique supposedonc une forme d’aliénation. En matière de logiciels, censésservir de supports dans l’Éducation Nationale pour ladiffusion et la production de connaissances pour les enfants,il est donc plus qu’évident que choisir un système plutôtqu’un autre relève d’une stratégie réfléchie et partisane.

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Le tweet confondantneutralité logicielle et choix politique.

Un système d’exploitation n’est pas semblable à un autre, ilsuffit pour cela de comparer les deux ou trois principaux OSdu marché (privateur) et les milliers de distributionsGNU/Linux, pour comprendre de quel côté s’affichent lacréativité et l’innovation. Pour les logiciels en général, leconstat est le même : choisir entre des logiciels libres etdes logiciels privateurs implique une position claire quidevrait être expliquée. Or, au moins depuis 1997, l’entrismede Microsoft dans les organes de l’Éducation Nationale aabouti à des partenariats et des accords-cadres qui finirent

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par imposer les produits de cette firme dans les moindresrecoins, comme s’il était naturel d’utiliser des solutionsprivatrices pour conditionner les pratiques d’enseignement,les apprentissages et in fine tous les usages numériques. Etne parlons pas des coûts que ces marchés publics engendrent,même si les solutions retenues le sont souvent, au moins pourcommencer, à « prix cassé ».

Depuis quelque temps, au moins depuis le lancement de lapremière vague de son projet Degooglisons Internet, Framasofta fait un choix stratégique important : se tourner versl’éducation populaire, avec non seulement ses principes, maisaussi ses dynamiques propres, ses structures solidaires et lesvaleurs qu’elle partage. Nous ne pensions pas que ce choixpouvait nous éloigner, même conceptuellement, des structuresde l’Éducation Nationale pour qui, comme chacun le sait, nousavons un attachement historique. Et pourtant si… Unerétrospective succincte sur les relations entre Microsoft etl’Éducation Nationale nous a non seulement donné le tournismais a aussi occasionné un éclair de lucidité : si, malgrétreize années d’(h)activisme, l’Éducation Nationale n’a pasbougé d’un iota sa préférence pour les solutions privatriceset a même radicalisé sa position récemment en signant unénième partenariat avec Microsoft, alors nous utiliserions unepartie des dons, de notre énergie et du temps bénévole etsalarié en pure perte dans l’espoir qu’il y ait enfin uneposition officielle et des actes concrets en faveur deslogiciels libres. Finalement, nous en sommes à la foisindignés et confortés dans nos choix.

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Extrait de l’accord-Cadre MS-EN novembre 2015

L’Éducation Nationale et Microsoft,une (trop) longue histoireEn France, les rapports qu’entretient le secteur del’enseignement public avec Microsoft sont assez anciens. Onpeut remonter à la fin des années 1990 où eurent lieu lespremiers atermoiements à l’heure des choix entre des solutionstoutes faites, clés en main, vendues par la société Microsoft,et des solutions de logiciels libres, nécessitant certes desefforts de développement mais offrant à n’en pas douter, despossibilités créatrices et une autonomie du service publicface aux monopoles économiques. Une succession de choixdélétères nous conduisent aujourd’hui à dresser un tableaubien négatif.

Dans un article paru dans Le Monde du 01/10/1997, quelquesmois après la réception médiatisée de Bill Gates par RenéMonory, alors président du Sénat, des chercheurs de l’Inria etune professeure au CNAM dénonçaient la mainmise de Microsoft

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sur les solutions logicielles retenues par l’ÉducationNationale au détriment des logiciels libres censés constituerautant d’alternatives fiables au profit de l’autonomie del’État face aux monopoles américains. Les mots ne sont pastendres :

(…) Microsoft n’est pas la seule solution, ni la meilleure, nila moins chère. La communauté internationale desinformaticiens développe depuis longtemps des logiciels, ditslibres, qui sont gratuits, de grande qualité, à la dispositionde tous, et certainement beaucoup mieux adaptés aux objectifs,aux besoins et aux ressources de l’école. Ces logiciels sontlargement préférés par les chercheurs, qui les utilisentcouramment dans les contextes les plus divers, et jusque dansla navette spatiale. (…) On peut d’ailleurs, de façon plusgénérale, s’étonner de ce que l’administration, et enparticulier l’Éducation Nationale, préfère acheter (et imposerà ses partenaires) des logiciels américains, plutôt qued’utiliser des logiciels d’origine largement européenne,gratuits et de meilleure qualité, qui préserveraient notreindépendance technologique.

L’année suivante, en octobre 1998, le Ministère de l’ÉducationNationale signe avec l’AFUL un accord-cadre pourl’exploitation, le développement et l’expertise de solutionslibres dans les établissements. Le Ministère organise même enjuillet 1999 une Université d’été « La contribution deslogiciels et ressources libres à l’amélioration del’environnement de travail des enseignants et des élèves surles réseaux ».

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Microsoft : Do you need abackdoor ?

D’autres témoignages mettent en lumière des tensions entrelogiciels libres et logiciels privateurs dans les décisionsd’équipement et dans les intentions stratégiques del’Éducation Nationale au tout début des années 2000. En

revanche, en décembre 2003, l’accord-cadre1 Microsoft et leMinistère de l’Éducation Nationale change radicalement ladonne et propose des solutions clés en main intégrant troisaspects :

tous les établissements de l’Éducation Nationale sontconcernés, des écoles primaires à l’enseignementsupérieur ;le développement des solutions porte à la fois sur lessystèmes d’exploitation et la bureautique, c’est-à-direl’essentiel des usages ;la vente des logiciels se fait avec plus de 50 % deremise, c’est-à-dire avec des prix résolument tirés versle bas.

Depuis lors, des avenants à cet accord-cadre sontrégulièrement signés. Comme si cela ne suffisait pas,certaines institutions exercent leur autonomie et établissentde leur côté des partenariats « en surplus », commel’Université Paris Descartes le 9 juillet 2009, ou encore les

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Villes, comme Mulhouse qui signe un partenariat Microsoft dansle cadre de « plans numériques pour l’école », même si lebudget est assez faible comparé au marché du Ministère del’Éducation.

Il serait faux de prétendre que la société civile ne s’est pasinsurgée face à ces accords et à l’entrisme de la sociétéMicrosoft dans l’enseignement. On ne compte plus lescommuniqués de l’April (souvent conjoints avec d’autresassociations du Libre) dénonçant ces pratiques. Bien que desefforts financiers (discutables) aient été faits en faveur deslogiciels libres dans l’Éducation Nationale, il n’en demeurepas moins que les pratiques d’enseignement et l’environnementlogiciel des enfants et des étudiants sont soumis à lamicrosoftisation des esprits, voire une Gafamisation car lafirme Microsoft n’est pas la seule à signer des partenariatsdans ce secteur. Le problème ? Il réside surtout dans le coûtcognitif des outils logiciels qui, sous couvertd’apprentissage numérique, enferme les pratiques dans desmodèles privateurs : « Les enfants qui ont grandi avecMicrosoft, utiliseront Microsoft ».

Et si c’était MacDonald’s qui rentrait dans les cantinesscolaires… ? Les habitudes malsaines peuvent se prendre dès leplus jeune âge.

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On ne saurait achever ce tableau sans mentionner le plusrécent partenariat Microsoft-EN signé en novembre 2015 et vécucomme une véritable trahison par, entre autres, beaucoupd’acteurs du libre. Il a en effet été signé juste après lagrande consultation nationale pour le Projet de Loi Numériqueporté par la ministre Axelle Lemaire. La consultation a faitressortir un véritable plébiscite en faveur du logiciel libredans les administrations publiques et des amendements ont étédiscutés dans ce sens, même si le Sénat a finalement enterrél’idée. Il n’en demeure pas moins que les défenseurs dulogiciel libre ont cru déceler chez nombre d’élus une oreilleattentive, surtout du point de vue de la souveraineténumérique de l’État. Pourtant, la ministre Najat Vallaud-Belkacem a finalement décidé de montrer à quel pointl’Éducation Nationale ne saurait être réceptive à l’usage deslogiciels libre en signant ce partenariat, qui constitue,selon l’analyse par l’April des termes de l’accord, une « misesous tutelle de l’informatique à l’école » par Microsoft.

Entre libre-washing et méthodesdouteusesPour être complète, l’analyse doit cependant rester honnête :il existe, dans les institutions de l’Éducation Nationale desprojets de production de ressources libres. On peut citer parexemple le projet EOLE (Ensemble Ouvert Libre Évolutif), unedistribution GNU/Linux basée sur Ubuntu, issue du Pôle decompétence logiciel libre, une équipe du Ministère del’Éducation Nationale située au rectorat de l’académie deDijon. On peut mentionner le projet Open Sankoré, un projet dedéveloppement de tableau interactif au départ destiné à lacoopération auprès de la Délégation Interministérielle àl’Éducation Numérique en Afrique (DIENA), repris par lanouvelle Direction du numérique pour l’éducation (DNE) duMinistère de l’EN, créée en 2014. En ce qui concernel’information et la formation des personnels, on peut

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souligner certaines initiatives locales comme le siteLogiciels libres et enseignement de la DANE (DélégationAcadémique au Numérique Éducatif) de l’académie de Versailles.D’autres projets sont parfois maladroits comme la liste de« logiciels libres et gratuits » de l’académie de Strasbourg,qui mélange allègrement des logiciels libres et des logicielsprivateurs… pourvus qu’ils soient gratuits.

Les initiatives comme celles que nous venons de recenser secomptent néanmoins sur les doigts des deux mains. En pratique,l’environnement des salles informatiques des lycées etcollèges reste aux couleurs Microsoft et les tablettes(réputées inutiles) distribuées çà et là par villes etdépartements, sont en majorité produites par la firme à la

pomme2. Les enseignants, eux, n’ayant que très rarement voix auchapitre, s’épuisent souvent à des initiatives en classefréquemment isolées bien que créatives et efficaces. Aucontraire, les inspecteurs de l’Éducation Nationale sontdepuis longtemps amenés à faire la promotion des logicielsprivateurs quand ils ne sont pas carrément convoqués chezMicrosoft.

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ConvocationInspecteurs de l’EN chez Microsoft

L’interprétation balance entre deux possibilités. Soitl’Éducation Nationale est composée exclusivement de personnelsincohérents prêts à promouvoir le logiciel libre partout maisne faisant qu’utiliser des suites Microsoft. Soit des projetslibristes au sein de l’Éducation Nationale persistent àexister, composés de personnels volontaires et motivés, maisne s’affichent que pour mieux mettre en tension les solutionslibres et les solutions propriétaires. Dès lors, comme on peuts’attendre à ce que le seul projet EOLE ne puisse assurertoute une migration de tous les postes de l’EN à un systèmed’exploitation libre, il est logique de voir déboulerMicrosoft et autres sociétés affiliées présentant dessolutions clés en main et économiques. Qu’a-t-on besoindésormais de conserver des développeurs dans la fonctionpublique puisque tout est pris en charge en externalisant lescompétences et les connaissances ? Pour que cela ne se voiepas trop, on peut effectivement s’empresser de mettre en avantles quelques deniers concédés pour des solutions libres,parfois portées par des sociétés à qui on ne laisse finalement

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aucune chance, telle RyXéo qui proposait la suite Abulédu.

Finalement, on peut en effet se poser la question : le librene serait-il pas devenu un alibi, voire une caution bien malpayée et soutenue au plus juste, pour légitimer des solutionsprivatrices aux coûts exorbitants ? Les décideurs, DSI etautres experts, ne préfèrent-ils pas se reposer sur un contratMicrosoft plutôt que sur le management de développeurs et deprojets créatifs ? Les solutions les plus chères sont surtoutles plus faciles.

Plus faciles, mais aussi plus douteuses ! On pourra en effetse pencher à l’envi sur les relations discutables entrecertains cadres de Microsoft France et leurs postes occupésaux plus hautes fonctions de l’État, comme le montrait leCanard Enchaîné du 30 décembre 2015. Framasoft se fait depuislongtemps l’écho des manœuvres de Microsoft sans que cela nesoulève la moindre indignation chez les décideurs successifs

au Ministère3. On peut citer, pêle-mêle :

la stratégie sournoise d’introduction des produits àl’école, selon la technique « embrace and extend », cequi flirte dangereusement avec les règlements envigueur, à commencer par le droit des marchés publics(opposé régulièrement pour contrecarrer la préférencedonnée au Libre dans les appels d’offres) ;les accointances institutionnelles et le mélange desgenres savamment orchestré ;les frontières imprécises entre promotion marketing etinnovation pédagogique, voilant à peine les intentionsréelles de Microsoft…

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Cettepublicité est un vrai tweet Microsoft. Oui.

Cliquez sur l’image pour lire l’article de l’APRIL à ce sujet.

Du temps et de l’énergie en pureperte« Vous n’avez qu’à proposer », c’est en substance la réponsebalourde par touittes interposés de Najat Vallaud-Belkacem auxlibristes qui dénonçaient le récent accord-cadre signé entreMicrosoft et le Ministère. Car effectivement, c’est bien lastratégie à l’œuvre : alors que le logiciel libre suppose nonseulement une implication forte des décideurs publics pour enadopter les usages, son efficience repose également sur lepartage et la contribution. Tant qu’on réfléchit en termes depure consommation et de fournisseur de services, le logiciellibre n’a aucune chance. Il ne saurait être adopté par une

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administration qui n’est pas prête à développer elle-même (ouà faire développer) pour ses besoins des logiciels libres etpertinents, pas plus qu’à accompagner leur déploiement dansdes milieux qui ne sont plus habitués qu’à des produitsprivateurs prêts à consommer.

Au lieu de cela, les décideurs s’efforcent d’oublier lescontreparties du logiciel libre, caricaturent les désavantagesorganisationnels des solutions libres et légitiment laMicrosoft-providence pour qui la seule contrepartie à l’usagede ses logiciels et leur « adaptation », c’est de l’argent…public. Les conséquences en termes de hausses de tarifs desmises à jour, de sécurité, de souveraineté numérique et defiabilité, par contre, sont des sujets laissés vulgairementaux « informaticiens », réduits à un débat de spécialistesdont les décideurs ne font visiblement pas partie, à l’instardu Ministère de la défense lui aussi aux prises avecMicrosoft.

Comme habituellement il manque tout de même une expertised’ordre éthique, et pour peu que des compétences libristessoient nécessaires pour participer au libre-washinginstitutionnel, c’est vers les associations que certainsmembres de l’Éducation Nationale se tournent. Framasoft a biensouvent été démarchée soit au niveau local pour intervenirdans des écoles / collèges / lycées afin d’y sensibiliser auLibre, soit pour collaborer à des projets très pertinents,parfois même avec des possibilités de financement à la clé.Ceci depuis les débuts de l’association qui se présente elle-même comme issue du milieu éducatif.

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Témoignage :usage de Framapad à l’école

Depuis plus de dix ans Framasoft intervient sur des projetsconcrets et montre par l’exemple que les libristes sont depuislongtemps à la fois forces de proposition et acteurs deterrain, et n’ont rien à prouver à ceux qui leurreprocheraient de se contenter de dénoncer sans agir. Depuisdeux décennies des associations comme l’April ont impulsé desactions, pas seulement revendicatrices mais aussi des conseilsargumentés, de même que l’AFUL (mentionnée plus haut). Las… leconstat est sans appel : l’Éducation Nationale a non seulementcontinué à multiplier les relations contractuelles avec desfirmes comme Microsoft, barrant la route aux solutions libres,mais elle a radicalisé sa position en novembre 2015 en unultime pied de nez à ces impertinentes communautés libristes.

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Nous ne serons pas revanchards, mais il faut tout de mêmesouligner que lorsque des institutions publiques démarchentdes associations composées de membres bénévoles, les tâchesdemandées sont littéralement considérées comme un dû, voireavec des obligations de rendement. Cette tendance à amalgamerla soi-disant gratuité du logiciel libre et la soi-disantgratuité du temps bénévole des libristes, qu’il s’agisse dedéveloppement ou d’organisation, est particulièrementdétestable.

Discuter au lieu de faire

À quelles demandes avons-nous le plus souvent répondu ? Pourl’essentiel, il s’agit surtout de réunions, de demandesd’expertises dont les résultats apparaissent dans desrapports, de participation plus ou moins convaincante (quandil s’agit parfois de figurer comme caution) à des comitésdivers, des conférences… On peut discuter de la pertinence decertaines de ces sollicitations tant les temporalités de laréflexion et des discours n’ont jamais été en phase avec lesusages et l’évolution des pratiques numériques.

Le discours de Framasoft a évolué en même temps que

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grandissait la déception face au décalage entre de timidesengagements en faveur du logiciel libre et des faits attestantqu’à l’évidence le marché logiciel de l’Éducation Nationaleétait structuré au bénéfice des logiques privatrices. Nous ensommes venus à considérer que…

si, en treize ans de sensibilisation des enseignants etdes décideurs, aucune décision publique n’a jamaisassumé de préférence pour le logiciel libre ;si, en treize ans, le discours institutionnel s’est mêmeradicalisé en défaveur du Libre : en 2003, le libren’est « pas souhaitable » ; en 2013 le libre et lesformats ouverts pourraient causer des « difficultésjuridiques » ; en 2016, le libre ne pourra jamais être

prioritaire malgré le plébiscite populaire4…

…une association comme Framasoft ne peut raisonnablementcontinuer à utiliser l’argent de ses donateurs pour dépenserdu temps bénévole et salarié dans des projets dont lesobjectifs ne correspondent pas aux siens, à savoir lapromotion et la diffusion du Libre.

Par contre, faire la nique à Microsoft en proposant du SeriousGaming éducatif, ça c’est concret !

L’éducation populaire : pas depromesses, des actesFramasoft s’est engagée depuis quelque temps déjà dans unestratégie d’éducation populaire. Elle repose sur les piliers

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suivants :

social : le mouvement du logiciel libre est un mouvementpopulaire où tout utilisateur est créateur (de code, devaleur, de connaissance…) ;technique : par le logiciel libre et son développementcommunautaire, le peuple peut retrouver son autonomienumérique et retrouver savoirs et compétences qui luipermettront de s’émanciper ;solidaire : le logiciel libre se partage, mais aussi lescompétences, les connaissances et même les ressources.Le projet CHATONS démontre bien qu’il est possible derenouer avec des chaînes de confiance en mobilisant desstructures au plus proche des utilisateurs, surtout sices derniers manquent de compétences et/oud’infrastructures.

Quelles que soient les positions institutionnelles, noussommes persuadés qu’en collaborant avec de petites ou grandesstructures de l’économie sociale et solidaire (ESS), avec lemonde culturel en général, nous touchons bien plusd’individus. Cela sera également bien plus efficace qu’enparticipant à des projets avec le Ministère de l’ÉducationNationale, qui se révèlent n’avoir au final qu’une portéelimitée. Par ailleurs, nous sommes aussi convaincus que c’estlà le meilleur moyen de toucher une grande variété de publics,ceux-là mêmes qui s’indigneront des pratiques privatrices del’Éducation Nationale.

Néanmoins, il est vraiment temps d’agir, car même le secteurde l’ESS commence à se faire « libre-washer » et noyauter parMicrosoft : par exemple la SocialGoodWeek a pour partenairesMS et Facebook ; ou ADB Solidatech qui équipe des milliersd’ordinateurs pour associations avec des produits MS à prixcassés.

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Ce positionnement du « faire, faire sans eux, faire malgréeux » nous a naturellement amenés à développer notre projetDegooglisons Internet. Mais au-delà, nous préféronseffectivement entrer en relation directe avec des enseignantséclairés qui, plutôt que de perdre de l’énergie à convaincrela pyramide hiérarchique kafkaïenne, s’efforcent de créer desprojets concrets dans leurs (minces) espaces de libertés. Etpour cela aussi le projet Degooglisons Internet fait mouche.

Nous continuerons d’entretenir des relations de proximité etpeut-être même d’établir des projets communs avec lesassociations qui, déjà, font un travail formidable dans lesecteur de l’Éducation Nationale, y compris avec sesinstitutions, telles AbulEdu, Sésamath et bien d’autres. Ils’agit là de relations naturelles, logiques et mêmesouhaitables pour l’avancement du Libre. Fermons-nousdéfinitivement la porte à l’Éducation Nationale ? Non… nousinversons simplement les rôles.

Pour autant, il est évident que nous imposons implicitementdes conditions : les instances de l’Éducation Nationaledoivent considérer que le logiciel libre n’est pas un produitmais que l’adopter, en plus de garantir une souveraineté

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numérique, implique d’en structurer les usages, de participerà son développement et de généraliser les compétences enlogiciels libres. Dans un système déjà noyauté (y comprisfinancièrement) par les produits Microsoft, la tâche serarude, très rude, car le coût cognitif est déjà cher payé,dissimulé derrière le paravent brumeux du droit des marchéspublics (même si en la matière des procédures négociéespeuvent très bien être adaptées au logiciel libre). Ce n’estpas (plus) notre rôle de redresser la barre ou de cautionnermalgré nous plus d’une décennie de mauvaises décisionspernicieuses.

Si l’Éducation Nationale décide finalement et officiellementde prendre le bon chemin, avec force décrets et positions deprincipe, alors, ni partisans ni vindicatifs, nousl’accueillerons volontiers à nos côtés car « la route estlongue, mais la voie est libre… ».

— L’association Framasoft

En revanche, si c’est juste pour prendre le thé… merci de se

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référer à l’erreur 418.

Voir aussi sur education.gouv.fr. Autre lien sur1.web.archive.org.↩Mais pas toujours. Microsoft cible aussi quelques2.prospects juteux avec les établissements « privés » souscontrat avec l’EN, qui bénéficient d’une plus grandeautonomie décisionnelle en matière de numérique. Ainsion trouve de véritables tableaux de chasse sur le sitede Microsoft France. Exemple : Pour les élèves ducollège Saint Régis-Saint Michel du Puy-en-Velay (43),« Windows 8, c’est génial ! ».↩Certes, on pourrait aussi ajouter que, bien qu’il soit3.le plus familier, Microsoft n’est pas le seul acteurdans la place : Google est membre fondateur de la« Grande École du Numérique » et Apple s’incruste aussià l’école avec ses tablettes.↩On pourra aussi noter le rôle joué par l’AFDEL et Syntec4.Numérique dans cette dernière décision, mais aussi, demanière générale, par les lobbies dans les couloirs del’Assemblée et du Sénat. Ceci n’est pas un scoop.↩

Va voir le lien il y a des photos.

Éducation et numérique :défendre le bien communDu 8 au 10 mars 2017 aura lieu à Paris EduSpot, un « rendez-vous pour continuer la transformation numérique de l’École »ainsi que le présente Le Café Pédagogique (qui se veut le «site de toute l’actualité pédagogique »). Le Ministère de

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l’Éducation Nationale est partie prenante de cet événement.Pourtant, à bien des égards, cette initiative nous paraîtcontestable, voire préoccupante.

EduSpot : des entrepreneurs prêts à se sacrifier pour le biencommun

EduSpot se présente comme un énième « rendez-vous dunumérique ». Conscients, sans doute, de ne pas être lespremiers sur le créneau (cf. par exemplehttp://www.educatec-educatice.com/ ou encorehttp://www.frenchtoucheducation.com/ ), les organisateursprétendent proposer, en toute humilité, « le rendez-vous del’ensemble des de l’e-éducation, de l’e-formation et de l’e-technologie, du Primaire, du Secondaire, du Supérieur, de laformation professionnelle et de la formation tout au long dela vie ». Il va de soi qu’il s’agira d’un moment d’échangestournés vers l’avenir et décidément engagés dans l’innovation,conformément aux éléments de langage à la mode dans lesstartups.

Mais qui sont les organisateurs de cet « event » tant attendu? Essentiellement l’Afinef (Association française desindustriels du numérique de l’éducation et de la formation).Autrement dit, un groupe de pression patronal, dans lequel ontrouve les représentants de modestes entreprises commeMicrosoft France ou Texas Instrument. L’Afinef est liée depuissa fondation à Cap Digital, « pôle de compétitivité »rassemblant par exemple Orange, la Société Générale, Bouyguesou encore Dassault, autres petites PME familiales. Le but decette association (à but non lucratif) est de « développer lemarché de l’éducation », à but nettement plus lucratif. Uncoup d’œil sur son site permet de saisir rapidementl’argumentaire larmoyant : la France est en retard dans leprocessus de marchandisation de l’éducation, il est grandtemps que l’État accélère ce processus par des subventions etdes cadeaux fiscaux aux acteurs privés[1].

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La stratégie est un peu trop lisible, voire grossière quand onsait à quoi a déjà mené le CICE : 20 milliards d’eurosd’argent public pour un dispositif à l’efficacité plus quedouteuse en termes de création d’emploi et même de croissanceéconomique (lire par exemple cet article de La Tribune). Ainsifaut-il tâcher de couvrir les appétits marchands d’un habitplus présentable, compatible avec la vision d’une école auservice de l’intérêt général. Ce storytelling est assurénotamment par un groupe appelé Ashoka. Celui-ci se présentecomme une association à but non lucratif, « une organisationinternationale qui a pour vocation de faire émerger et desoutenir les solutions entrepreneuriales les plus innovantesaux défis sociaux et environnementaux actuels, ce qui a poureffet d’inspirer tous les acteurs de la société à devenir àleur tour des acteurs de changement » (site internet Ashoka enfrançais : http://www.ashokacocreation.org/) II s’agit donc depatrons si soucieux du bien commun qu’ils s’engagent « dans uncadre associatif » pour mettre leurs compétences « au serviced’un problème social »[2]. Ces bienfaiteurs s’intéressentévidemment à la pédagogie dont ils sont de grands et sincèresdéfenseurs. Ils seront ainsi doublement représentés enouverture d’EduSpot, aux côtés du fondateur de l’Afinef, toutà la fois par J. Grumbach, réalisatrice du film documentaire« Une idée folle » pour Ashoka(https://www.uneideefolle-lefilm.com/) ainsi que par FrançoisTaddei, dont il nous faudra reparler. Ces deux derniers sechargent avec un certain brio de porter haut les valeurs et lemarketing d’Ashoka.

Après avoir versé une larme devant tant de philanthropie, onrappellera que ce sont précisément des associations à but nonlucratif qui ont pris en charge la privatisation del’éducation secondaire en Angleterre et en Suède, parexemple[3]. De la même façon, aux États-Unis comme enBelgique, le groupe Pearson utilise la façade d’une fondationà but non lucratif, et a d’ailleurs été condamné lourdementpour ce mélange des genres entre business et charité[4].

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Autrement dit, Ashoka est le faux-nez d’une stratégie deprivatisation de l’éducation[5]. La manœuvre est d’autant pluspréoccupante qu’elle détourne pour ses profits les mots del’émancipation[6].

Cette entreprise de marchandisation bénéficie de plus en plusouvertement de relais médiatiques puissants. On pense aujournal Le Monde (plus précisément au Monde Campus) qui amultiplié les articles écrits « en partenariat » avecAshoka[7], faisant ainsi la promotion (à but non lucratif) desa stratégie de privatisation. Le fait que X. Niel,copropriétaire du groupe Le Monde, ait des intérêts à voirl’éducation devenir un vaste marché est peut-être lié à cetteattention bienveillante. Aucun étonnement dans ces conditionsà voir la rubrique Campus du journal mettre en valeur un« diplôme d’EdTech, pour imaginer l’éducation de demain » dansun article récent.

On peut également citer parmi les relais médiatiques desentrepreneurs d’école le journal l’Etudiant qui organisaitdans ses locaux, le 23 février dernier, une conférence sur lethème « Marché de l’éducation et stratégies financières :comment se positionner ». La journée débutait parl’intervention d’une experte en finance, travaillant à laFinancière de Courcelles[8]. On devine à quel point lespréoccupations pédagogiques étaient au centre des débats. Ladirectrice de la rédaction de l’Etudiant, Marie-CarolineMissir, qui animait cette journée de plaidoyer en faveur de lamarchandisation de l’éducation, est aussi chroniqueuse dans laseule émission de radio consacrée aux questions d’éducation,sur France Culture, Rue des Écoles. Elle n’hésite pas à ydévelopper, chaque dimanche, une vision de l’éducation trèscompatible avec sa privatisation.

Plus grave : le Ministère de l’Éducation nationale comme ferde lance

Face à une telle offensive, on s’attendrait à voir le

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Ministère réagir. N’est-il pas le premier défenseur du servicepublic, d’une éthique du bien commun et de l’intérêt généralface aux appétits du privé ? Or, bien au contraire, le MENappelle à participer à EduSpot, cet événement organisé par lepatronat. Plus encore, il lui apporte son appui, au sein d’uneliste interminable de « partenaires institutionnels » :Ministère de l’Éducation Nationale, Ministère de l’Economie,Académie de Versailles, Canopé (organisme public chargéd’éditer des ressources pédagogiques pour les enseignant.e.s),Caisse des Dépôts, Régions de France, Assemblée desdépartements, etc. Pour couronner le tout, la ministre elle-même sera présente, aux côtés des représentants du patronat(déguisés ou non en philanthropes) pour ouvrir EduSpot.

Il y a plus préoccupant encore : l’institution a décidéd’organiser « un séminaire de formation national » de sespropres personnels durant ces rencontres patronales. Il s’agitplus précisément des IAN (Interlocuteurs académiques pour lenumérique) ainsi que des délégués académiques au numérique[9].Or, le numérique est un des leviers des industriels pour fairede l’éducation un grand marché, de la maternelle au supérieur.L’Afinef, quant à elle, entend « structurer et faciliter ledéveloppement d’une puissante industrie numérique “à lafrançaise” par opposition et imitation des marchés déjà biendéveloppés, en Grande-Bretagne et aux États-Unis »[10]. Ils’agit clairement pour le patronat français de prendre modèlesur son homologue britannique, le BESA (British EducationalSuppliers Association), qui a été le fer de lance de ladestruction du service public d’enseignement au Royaume-Uni,comme l’explique avec clarté Alain Chaptal :

« Le syndicat professionnel regroupant les fournisseurs deressources, de matériels ou de services éducatifs, la BritishEducational Suppliers Association ou Besa a joué en effet unrôle de plus en plus déterminant dans l’élaboration despolitiques éducatives. Cela n’est pas dû seulement au talentde ses dirigeants. Il s’agit de la concrétisation d’un projet

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politique, élaboré par Margaret Thatcher et confirmé par leNew Labour, attribuant un rôle important à l’industrie, à savision d’un marché et ses problématiques de retour surinvestissement, dans la définition et la planification despolitiques éducatives. Lors des deux premiers gouvernementsconservateurs des années 80, des efforts importants ont étéconsacrés à la création d’un marché éducatif. Pour cela lescollectivités locales ont été mises à l’écart, les créditsallant directement vers des établissements rendus autonomespour leurs achats, et la profession enseignante s’est vuedéposséder de son rôle de gardien (et d’arbitre) des valeurséducatives. A l’inverse, l’accent a été mis sur l’affirmationdu droit des parents de librement choisir l’école de leursenfants, le gouvernement définissant des standards et uncurriculum national et mettant en place le système des testsgénéralisés. » [11]

En organisant un tel séminaire au milieu d’une rencontrepatronale, le Ministère de l’Éducation nationale répond on nepeut plus explicitement à l’agenda – dans tous les sens duterme – des entreprises. Les personnels se trouvent ainsiconviés à participer bien malgré eux à une offensive quel’immense majorité d’entre eux est loin d’approuver.

Un autre numérique éducatif est possible

Une précision s’impose en conclusion, pour éviter certainsmalentendus : il ne s’agit pas pour nous de condamner lenumérique en soi, ni les rencontres de professionnel.le.s del’éducation, qui ont lieu tout au long de l’année pouréchanger sur ce thème. Mais nous sommes indignés par soninstrumentalisation de plus en plus systématique par desintérêts strictement privés, désireux de l’utiliser commelevier pour étendre leur emprise sur l’éducation publique,voire pour détruire celle-ci. Afin de résister à ce travail desape, il est temps de mettre en place une véritable stratégienumérique publique, pour en faire un bien commun. Pour cela,il faut évidemment faire appel à des solutions libres et

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gratuites, mais aussi à des personnels appartenant pleinementau service public : des postes de développeurs,d’informaticiens devraient être créés en grand nombre au seinde l’Éducation nationale. Il faut enfin reconnaître lescompétences de nombreux personnels en ce domaine, soitsurexploitées jusqu’à leur épuisement, soit ignorées au profitde solutions marchandes. Il s’agirait d’élaborer des outilspensés non pas pour « créer un marché » ou « se placer face àla concurrence internationale », mais pour répondre auxbesoins du terrain : ceux de pédagogies émancipatrices,pensées dans la durée, en rupture avec les attentes et lesappétits dévorants du marché.

Par Christophe Cailleaux dans le blog de médiapart

Christophe Cailleaux, enseignant en lycée et formateur TICE,et Amélie Hart-Hutasse, enseignante en lycée.

[1] http://www.afinef.net/4-axes-prioritaires/

[2] Extraits de l’interview de Thomas Blettery, responsable duprogramme éducation d’Ashoka, dans La lettre de l’éducation,20 février 2017.

[3] Ce processus est déjà ancien, comme le montre cet articlede 2006, rédigé par C. de Bouttemont pour la Revueinternationale d’éducation de Sèvres :https://ries.revues.org/1125?lang=en

[4]https://www.actualitte.com/article/monde-edition/la-fondation-pearson-condamnee-a-7-7-millions-pour-malversation/45838

[5] Ashoka n’est qu’un exemple de ces fondations qui semultiplient, comme par exemple le Groupe SOS :http://www.groupe-sos.org/311/gouvernance

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[6] Pour éviter les répétitions, nous préférons renvoyer ànotre précédent texte :https://blogs.mediapart.fr/christophe-cailleaux/blog/231016/lemancipation-nest-pas-une-marchandise

[7] On en trouvera quelques-uns ici :https://www.ashoka.org/fr/histoire/innover-dans-l%C3%A9ducation-dossier-le-monde

[8]http://www.letudiant.fr/educpros/evenements-educpros/marche-mondial-de-l-enseignement-superieur-analyse-nouveaux-acteurs-comment-se-positionner.html

[9]http://ecolenumerique.education.gouv.fr/2017/02/23/premiere-edition-deduspot-france-les-8-9-et-10-mars-2017/

[10] http://www.afinef.net/historique/

[11]http://sticef.univ-lemans.fr/num/vol2009/04-chaptal/sticef_2009_chaptal_04p.html C’est nous quisoulignons.